Police d'Etat
Chapitre 2 : Retour à Hawaï - Partie II
3339 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 04/08/2024 09:11
Steve s'était assis sur un banc, face à l'océan. Il tournait la carte du Gouverneur entre ses doigts. Un jeune asiatique sortit d'une petite bicoque avec un énorme sac poubelle.
- Le grand Steve McGarrett, dit-il, en s'avançant vers lui.
- Chin Ho Kelly, je n'en reviens pas.
Il ne s'était pas revu depuis que Steve avait quitté Hawaï à ses seize ans. Chin et lui avaient grandi ensemble. Ils avaient été les meilleurs amis du monde. Ils avaient brisé tellement de cœurs tous les deux.
- Treize ans, ça fait un bail, dit Steve.
- Beaucoup de choses ont changé ici. Ce n'est plus l'île de notre jeunesse.
- C'est ce que j'ai entendu dire, effectivement. Il paraît que tu es entré dans la police ?
- Oui, je faisais équipe avec ton père jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite. Il m'a appris tout ce que je sais de ce boulot. Mais aujourd'hui, je ne le suis plus. Je suis seulement un larbin dans un restaurant minable.
Il désigna l'uniforme de vendeur de crevettes qu'il portait avec tristesse.
- Pour quelle raison tu n'es plus flic ?
- Disons que la police d'Honolulu et moi avons eu un léger différend concernant ma manière de procéder. Ton père a été génial avec moi. Après mon départ des forces de l'ordre, il est un des rares à être resté à mes côtés. Même ma propre famille ne croyait plus en moi, sauf ma cousine, Kono. Et Alexa bien sûr. Tu te souviens d'elle ?
Il avait sorti cette dernière phrase tout en jetant son sac dans la poubelle. Il ne vit pas l'expression sur le visage de Steve, un petit sourire se dessinant sur ses lèvres. Il s'en souvenait parfaitement. Elle hantait ses nuits depuis longtemps. Il avait passé une semaine dans la jungle en Corée avec elle. C'était la première fois qu'il passait autant de temps en sa compagnie. Enfin en sa compagnie était un bien grand mot, ils avaient six autres personnes avec eux. Il l'avait observé pendant son sommeil, souhaitant gravé dans sa mémoire, chaque partie de son visage. Chaque courbes féminines de son corps.
- Si seulement je savais comment payer ma dette envers ton père. Mais maintenant que tu es là ça change tout.
Steve sortit subitement de sa rêverie.
- Comment ça ? Ça change tout ?
- Le chef de la police a mis un nouveau du continent sur l'affaire de ton père. En clair, il ne sait pas comment les choses fonctionnent sur l'île.
Danny était assis dans sa voiture devant le portail d'une immense propriété. Il tapotait sur son volant d'exaspération. Il en avait marre de répéter sa demande. Encore et encore. Marre de cette île où les personnes ne suivaient aucune règle véritable.
- Je répète pour la millième fois ma requête, dit-il, en essayant de garder son calme. J'ai besoin d'une commission rogatoire pour une mise sur écoute... Ce suspect a un lien dans l'affaire John McGarrett. J'ai bien compris que je ne parlais pas à la même personne. Vous êtes la cinquième personne que l'on me passe. Pourrais-je avoir cette commission ? Le suspect s'appelle Fred Doran. D.O.R.A.N, tout simplement. Je passerais la chercher merci.
Il raccrocha au comble de l'agacement, tout en soupirant. Le portail s'ouvrit et une fillette brune apparut. Danny remarqua que sa fille portait une cage avec un lapin à l'intérieur. Il balança à l'arrière l'énorme lapin rose en peluche qu'il lui avait acheté, un peu plus tôt dans la matinée. Il sortit de sa voiture et prit la cage que la petite lui tendait. Elle se jeta dans ses bras en lui déposant un gros baiser sur la joue.
- Merci pour cet énorme câlin.
Il regarda dans la cage. Un petit lapin blanc le regardait de ses grands yeux bleus, tout en grignotant la paille qui recouvrait le sol.
- Papa, je te présente Monsieur Lapin. C'est Stan qui me l'a offert pour mon exposé à l'école. Il est chouette, hein ?
- Ce beau-papa Stan, ironisa-t-il. Il est mignon mais pas aussi mignon que toi, mon chaton. Allez en voiture, sinon toi et Monsieur Lapin allez arriver en retard pour votre premier jour d'école. Et tu ne voudrais pas que cela arrive ?
Alexa avait troqué son uniforme contre un débardeur et un short. Elle enfila une paire de baskets sur la terrasse avant de descendre sur le sable. Sa maison se trouvait à quelques mètres de celle des McGarrett. Elle hésitait à aller voir la scène de crime de l'homme qu'elle avait considéré comme un père pendant toutes ces années. Le sien était rarement présent et lorsqu'il l'était, c'était pour lui enseigner à tirer. A se battre. Pas étonnant qu'elle est fini dans le corps des Marines. John était différent. Lorsqu'elle était petite, il la faisait sauter sur ses genoux. Il lui avait appris à conduire. A ce souvenir, elle se mit à sourire. N'arrivant pas à franchir le pas de la porte, elle s'assit sur le sable devant la maison, essayant de trouver le courage qui lui manquait à cet instant. Elle retira ses baskets et laissa les vagues lui lécher les chevilles. Par dessus son épaule, elle jeta un œil à la maison. Elle voyait les bandes de police jaune barrées les accès. Son cœur se serra. Elle ne reverrait plus cet homme incroyable.
Maison des McGarrett, six mois auparavant.
Installée à la table, elle savourait les spaghettis à la carbonara que John avait préparé. A chaque fois qu'elle avait l'occasion de faire une halte à Hawaï, elle en profitait pour lui rendre visite. Ce jour-là, elle n'était pas seule. Sa meilleure amie, Kono, était assise avec eux. Enfin, elle était plus que ça. La famille Kalakaua avait aidé Joe à élever sa fille à la mort de sa femme, en couches. Il était resté avec elle jusqu'à ses deux ans avant de reprendre le chemin des missions. Elle avait emménagé chez Kono. John but une gorgée de bière tout en regardant Alex.
- J'ai eu Steve ce matin au téléphone, dit-il, en posant sa bouteille.
Elle arrêta de mâcher un instant et redressa la tête. Cela faisait un moment qu'on ne lui avait pas parlé de lui. Kono les dévisageait à tour de rôle. Elle savait ce que ressentait son amie pour le jeune homme. Mais, elle ne se doutait pas un instant que John était au courant.
- Il est au Japon, continua-t-il. Lorsqu'il aura fini sa mission, il m'a promis de faire un crochet ici. Si tu restes assez longtemps, tu devrais le croiser.
Une boule se forma au creux de son ventre.
- Vous avez dû temps à rattraper tous les deux, répondit-elle. Ça serait malvenue de ma part, de me pointer lors de vos retrouvailles.
- Tu vas l'éviter encore longtemps ? Tu crois que je ne sais pas que tu as demandé à ton Commandant de prendre les missions à l'opposé de la destination de Steve. Tu crois que Joe ne fera pas le rapprochement à un moment donné ?
Alex se leva de table et se dirigea vers la porte. Kono essaya de la retenir mais elle se dégagea sèchement. John se précipita derrière elle et bloqua la porte avec sa main.
- Alexa ? Dis-moi si mon fils a eu un comportement inapproprié envers toi et que c'est pour cette raison que tu l'évites ?
- Un comportement inapproprié ? On parle bien de Steve ? Il ne s'est jamais rien passé entre lui et moi. Il ne s'intéresse pas à moi.
- Et bien mon fils est un idiot de ne pas voir quelle femme formidable passe sous son nez.
Steve sortit un couteau de sa poche et coupa la bande jaune qui bloquait la porte de la maison de son père. Il enfila des gants en latex noir et entra dans le salon. Il vit les chaises renversées. Le canapé éventré. Le grand buffet avait été vidé de son contenu. La totalité de la porcelaine jonchait le sol, en miettes. Il s'accroupit devant la silhouette dessiné à la craie sur le parquet, une tâche de sang au niveau de la tête. Il ferma les yeux brièvement. Il devait chercher des indices. Il remarqua une trace de chaussure figée dans le sang. Il la prit en photo. Il vit un truc briller sous le buffet. Il s'allongea sur le sol et trouva une douille qui avait dû rouler dessous. Il la prit entre ses doigts. Du 9mm perforante. La marque de fabrique de Victor. Il la glissa dans un sachet en plastique, avant de le mettre dans sa poche. Il regardait le bureau de son père, positionné face à la fenêtre donnant sur l'océan. Il s'y approcha et vit une silhouette familière, assise sur la plage. Il sortit de la maison et se dirigea vers la jeune femme.
- Salut, lui dit-il.
Elle sursauta tout en se redressant rapidement. Elle ne l'avait pas entendu arriver et n'avait pas senti sa présence dans son dos non plus.
- Salut, répondit-elle. Je marchais sur la plage et mes pas m'ont conduit ici.
- Je sais que tu étais très proche de mon père. Il attendait toujours tes visites avec impatience.
- Il attendait aussi les tiennes, dit-elle, dans un souffle. Mais, tu ne venais jamais.
- Tu marques un point. Merci de me rappeler quel fils ingrat j'ai pu être.
- Désolée, ce n'est pas ce que je voulais dire et ce n'était pas comme ça que te voyais ton père non plus. Il connaissait la vie de Marines. Il savait très bien pourquoi tu ne lui rendais pas visite et puis tu lui avais promis de venir prochainement.
Tout en prononçant sa dernière phrase, elle lui fit un petit sourire, en lui donnant un léger coup d'épaule.
- Au moins, j'ai tenu ma promesse, dit-il, gravement. Je ne pensais pas rentrer dans ces circonstances.
Elle caressa son bras, en le regardant dans les yeux.
- Elle ne ressemble plus à la maison de mon enfance. Ils l'ont complètement ravagé.
- Et tu as trouvé quelque chose ?
Il sortit le sachet en plastique avec la douille à l'intérieur. Elle le prit et l'examina attentivement avant de lui redonner.
- Tu veux entrer ? Peut-être qu'à nous deux, nous en découvrirons un peu plus.
Elle hocha la tête et s'avança vers la maison. En pénétrant à l'intérieur, elle eut un mouvement de recul. Effectivement, elle ne ressemblait plus du tout à ce qu'elle avait connu. Elle eut une pensée pour John qui aimait que les choses soient parfaitement rangées à leur place. Elle s'approcha du bureau en bois ancien et constata que c'était le seul endroit qui était resté intact. Elle s'installa sur la chaise en bois et tourna sur elle-même. Elle évitait de regarder la silhouette tracée à la craie au milieu du salon.
- C'est quand même sacrément bizarre de tout détruire. Ils détenaient déjà ton père alors pourquoi faire ça ?
- Ils devaient chercher quelque chose ? Mais quoi ?
- Aucune idée. Par contre, le bureau est le seul endroit qui n'a pas été retourné. On dirait que quelque chose a été posé là.
Elle se leva pour lui laisser la place. En s'asseyant, il la frôla légèrement. Elle détourna la tête pour ne pas qu'il remarque son trouble. Elle ressentait toujours la même chose en sa présence. Malgré tout ses efforts pour l'effacer de sa mémoire, il revenait toujours plus fort. Elle l'observait du coin de l’œil. Il était tellement séduisant. Alex recula un peu pour ne pas sentir son after-shave musqué. Il lui montra le léger film plastique qui recouvrait le bureau. Il avait oublié ce côté maniaque de son père. Il se leva et alla chercher sur l'étagère un tube de poudre lubrifiante. Il retourna au bureau et en saupoudra le film plastique. Il souffla doucement dessus et une empreinte de paume apparut. Il sortit son téléphone portable de sa poche et en prit une photo. Alex ne l'avait pas quitter des yeux. Il se dirigea vers le garage, la jeune femme sur les talons. Une bâche camouflait une voiture. Il la retira et s'appuya sur la magnifique voiture de collection. Il remarqua que des outils étaient posés sur le capot. Cette voiture était la fierté de son père. Il passait son temps à la bricoler durant ses temps libres. Il se retourna et vit la boîte à outils rouge posé sur l'établi. Il remarqua l'autocollant avec le mot Champion collé dessus. Il se souvint des dernières paroles de John. Il l'avait appelé de cette façon à de nombreuses reprises. Il l'ouvrit et y découvrit une grande clé ainsi qu'un dictaphone. Alex s'approcha sans bruit de lui, leurs épaules se frôlant. Il appuya sur le bouton lecture et la voix de son père envahit la pièce.
- Je ne fais plus confiance aux gens avec lesquels je travaille. Je dois continuer seul cette enquête sur les services de police. La clé est primordiale mais je ne sais pas encore à quoi elle sert. Je n'ai pu trouver que deux sources...
Ils se regardèrent dans les yeux un bref instant. Un bruit de poubelle les surpris. Steve éteignit le magnéto et dégaina son arme. Il vit du coin de l’œil Alex ranger rapidement les objets dans la boîte qu'elle referma soigneusement. Danny apparut l'arme au poing.
- Main en l'air, hurla Danny.
- T'es qui toi ? hurla à son tour Steve.
- Comment ça qui je suis. Je suis Danny Williams, Lieutenant de police.
- Commandant Steve McGarrett, c'est la maison de mon père.
- Lieutenant Alexa White.
Steve s'était placé à côté d'elle. Il avait remarqué qu'elle n'avait pas d'armes.
- Pose ton arme sur le sol tout de suite et montrez moi vos pièces d'identité.
- Je ne poserais pas mon arme, Lieutenant. Sors ton insigne avec deux doigts, s'exclama Steve.
- Après vous.
- Et si on le faisait en même temps.
- On compte jusqu'à trois et on la sort, ironisa Danny.
- Ouais si tu veux la jouer comme ça pas de problème.
Danny se mit à compter jusqu'à trois et ils sortirent tous les trois leurs papiers prouvant leur identité.
- Désolé pour ton père mais toi et ta petite amie vous ne pouvez pas rester ici.
- Je ne suis pas sa petite amie, l'interrompit-elle, rougissante.
- Vous êtes des civils sur une scène de crime. Ma scène de crime. Je devrais vous arrêter pour obstruction mais je vais être clément. Vous pouvez partir.
- Je peux te dire que Victor Hesse n'était pas seul quand mon père a été tué. Quelqu'un a dégagé son bureau pour poser un ordinateur et...
- John détestait les ordinateurs, continua la jeune femme.
Elle sourit en regardant Steve. Il se souvenait que son père détestait cet outil tellement utile de nos jours. Il était anti-modernisme cela se voyait à sa voiture, une Mercury de 1968.
- Je vous le répète, encore une fois, vous devez sortir de cette maison.
Steve attrapa la boîte à outils rouge et se dirigea vers la porte d'un pas vif.
- Ok, tu as gagné nous nous en allons.
Il fit signe à Alex de le suivre, d'un mouvement de tête.
- Vous ne pouvez pas emmener cette boîte avec vous. Elle fait partie des pièces à conviction.
- Je suis arrivé avec.
- Ce n'est pas vrai. On voit très bien la trace de poussière qu'elle a laissé sur l'établi. Donc, tu me dis ce qu'il y a dans cette boîte.
- Depuis combien de temps, tu bosses sur l'île ?
- Ça ne te regarde pas et je ne vois pas vraiment le rapport avec cette boîte, hurla Danny.
Alex sentait la main de Steve sur son bras. Une douce chaleur l'envahissait petit à petit. Ses joues rosirent légèrement mais elle ne voulait pas rompre ce contact avec lui.
- Tu peux me dire en quoi ça te regarde ? continuait d'hurler Danny.
- Ça me regarde car c'est toi qui enquête sur le meurtre de mon père.
- Alors, s'il te plaît dégage. Plus tôt tu partiras, plus tôt je pourrais faire mon boulot d'enquêteur.
- A vos ordres, Lieutenant.
Steve reprit la direction de la porte mais Danny le retint une nouvelle fois. Alex retenait une folle envie de rire. Elle s'interposa entre les deux hommes.
- Bon, les gars on se calme. Lieutenant Williams c'est bien ça. Laissez nous partir avec la boîte à outils. Le meurtre a été commis dans le salon pas dans le garage. Rien n'a été chamboulé ici. Il y a peu de chance qu'elle contienne des indices. Il veut seulement garder un souvenir de son père.
- Vous sortez de ma scène de crime tous les deux et vous remettez cette boîte où elle se trouvait à l'origine.
- Vous n'avez pas besoin d'hurler comme un putois. Nous ne sommes pas sourds, lui balança-t-elle.
- Je le répète, plus calmement, pour que votre cerveau enregistre bien l'information. Soit il repose la boîte soit je vous arrête pour vol tous les deux. J'ai été suffisamment clair.
Elle se retourna vers Steve qui restait également campé sur ces positions. Elle soupira en se demandant ce qu'elle faisait là. Elle s'adossa au mur derrière elle, les bras croisés. Il n'y avait plus qu'une chose à faire c'était attendre qu'un des deux abandonnent. Mais vu comment c'était parti, elle n'était pas rentrée.
- Tu vas appeler des renforts ? demanda Steve.
- Plutôt une ambulance, répondit Danny.
- Une ambulance ? Tu es sérieux ? Nous sommes deux et tu es tout seul. Tu crois vraiment que tu vas faire le poids contre deux Marines ?
- Je le crois et j'en suis sûr. Maintenant, tu poses la boîte et vous dégagez d'ici.
Steve posa la boîte sur le sol. Alex n'en croyait pas ses yeux qu'il cède si facilement. Elle fut encore plus étonné de le voir sortir son portable et de composer un numéro.
- Merci, s'exclama Danny.
- Ne me remercie pas trop vite, répondit-il. Bonjour, le Gouverneur Jameson je vous prie... Commandant Steve McGarrett.
Steve appuya sur la touche haut parleur et la voix du Gouverneur emplit la pièce. Danny faisait les cent pas encore plus furieux. Il jetait des regards interrogatifs à Alex qui haussa les épaules.
- Commandant, ici le Gouverneur que puis-je pour vous ?
- Gouverneur, j'accepte votre offre... Disons que je suis tombé sur quelque chose qui m'a fait changé d'avis... Non, non, immédiatement. Je demande à être détaché à la tête de votre unité.
Danny s'arrêta de tourner en haussant un sourcil. Ils virent Steve lever la main droite et réciter le serment l'allégeance à la police d'Honolulu. Il raccrocha et ramassa la boîte.
- Maintenant c'est ma scène de crime, s'exclama-t-il, en sortant du garage.