Bye Bye Tonight
Hermione se retrouvait seule, entre les arbres. Elle avait presque espéré que Caspian la suivrait, pour lui dire de ne pas s'en faire, mais non. Il devait être en train de se rabibocher avec Suzanne.
* Tant mieux pour eux ! * pensa t-elle amèrement, en donnant un coup de pied dans un caillou.
Mais cela ne remplissait pas son coeur qui était aussi vide qu'une outre trouée. Elle soupira, et s'assit au pied d'un arbre, incapable de faire le tri dans ses émotions. Et franchement, elle avait envie de rentrer chez elle, dans sa maison, avec ses parents, de se mettre sous la couette, et de dormir pendant longtemps, roulée en boule avec Pattenrond dans les bras ; ou d'être au Chaudron Baveur, à boire une Bièrraubeurre avec Ron et Harry, Ginny et les Jumeaux. Mais rien n'arrivait, elle savait que quand elle rouvrirait les yeux, elle serait toujours assise dans de la mousse verte, si verte qu'elle en était presque phosphorescente. Elle expira fortement, manquant de tousser, et rouvrit les yeux en entendant un bruit sourd de pas sur la mousse, ou sur un tapis de feuilles.
Elle fit une masse blonde arriver près d'elle, et elle baissa les yeux, presque déçue de voir Peter. A qui s'était-elle attendu ? Caspian ? Suzanne, venue se venger ? Elle ne savait pas. Peter resta debout devant elle, à la regarder franchement, à la manière de Caspian, et cela la mit mal à l'aise.
« Tout va bien ? » s'inquiéta t-il, d'une voix calme.
Hermione haussa les épaules. Elle avait les yeux rougis, et Peter l'avait bien remarqué. Il aurait sûrement voulu se montrer gentil, mais quand il s'assit à côté d'Hermione pour la prendre par les épaules, dans un mouvement typiquement masculin, elle se sentit plus mal à l'aise encore. Elle ne bougea pas, et Peter finit par s'écarter, en la sentant si tendue. Elle était contente qu'il se tienne silencieux, mais il gigotait lui aussi. Ils étaient tous hyperactifs, ou quoi ? Toujours besoin de bouger.
« J'ai vu Suzanne aller vers vous, tout à l'heure. Il s'est passé quoi ? »
Hermione ne répondit pas, le nez en l'air, en essayant de garder son calme. Voilà sa colère qui remontait, mais Peter ne lui avait rien fait. Elle ne pouvait pas se mettre à lui crier dessus injustement, juste pour calmer ses nerfs. Même si ça la démangeait fort. Elle se sentait déjà bien assez coupable.
« Je vois » mentit Peter, d'un air convaincant ce à quoi elle lui fut reconnaissante. Elle se leva finalement, et ils partirent en silence vers le camp ; en chemin, ils croisèrent Suzanne et Caspian, assis dans un coin sous un arbre. Hermione les évita du regard et les ignora, elle vit le regard de Peter, troublé, se perdre sur eux trois, mais il ne dit rien. Ils arrivèrent à l'endroit où Lucy et Trompillon étaient en pleine conversation, conversation qu'ils interrompirent en les voyant arriver. Le visage de Lucy se fendit d'un sourire resplendissant, auquel Hermione ne put que répondre d'un sourire. Trompillon garda son air dubitatif et morne.
« Laka nous a dit qu'il avait vu des troupes se diriger vers le Nord. » informa le nain roux. Peter hocha la tête et Lucy fit signe à Hermione de s'asseoir.
« Ma soeur s'est montrée méchante avec toi ? Elle et Caspian étaient amoureux, mais maintenant, plus rien ne va. Mais tu n'es pas fautive. »
Cette petite était étonnamment intelligente ; Hermione lui lança un regard scrutateur, puis se mit à rire tout bas.
« Nous allons devoir déménager de prairie, pour suivre les troupes de la Sorcière Blanche. Nous ne savons pas ce qu'elle manigance. Elle me fait un peu peur, j'aimerais que Aslan soit avec nous. »
« Justement : qui est Aslan pour vous ? »
Peter la regarda, et elle eut l'impression d'être vu par un lecteur de rayons X ; c'était comme si il la jaugeait, pour voir si elle était prête à entendre ce qu'il avait à dire. C'était peut-être le cas. Il dut penser qu'elle était prête, car il finit par lui expliquer, après avoir échangé un regard furtif avec sa jeune soeur.
« Il est le fondateur de Narnia. Dire qu'il est un Dieu serait un euphémisme. Il est le Tout. Il sait Tout. Il est le Grand Lion. Il est le plus puissant, il est le Créateur.»
Hermione n'était pas beaucoup plus avancée : ainsi donc, ce gros matou doré était un Dieu ? Incroyable.
« Je suis curieux de voir ce que tu donnes comme Sorcière ! » s'écria Lucy. « Allons voir Grand-mère Serra, peut-être qu'elle pourra t'aider ? »
Hermione haussa les épaules, c'était toujours mieux que de rester assise, non ? Elle suivit la petite fille, à travers le camp. Elle observa curieusement deux gryffons allongés au soleil, ainsi que trois centaures - deux hommes et une femme - en pleine discussion animée. Elle vit également passer des créatures étranges : des sortes de nain qui avait un bec crochu à la place du nez. Mais Lucy ne s'étonnait de rien, comparée à Hermione, et la conduisait toujours aussi vivement vers Grand-mère Serra. La vieille dame se révéla être une naine, aussi barbue que ses compères masculins. Ses cheveux et sa barbe, brunes, aussi noires que le ciel de nuit, étaient tressés et cela devait donner un aspect joli - joli pour les autres nains. Elle était d'un certain âge, car son visage était buriné et couvert de rides. Il se dégageait d'elle une aura de force et de sagesse impressionnante.
« Serra ! »
« Ma petite Lucy ! Que puis-je faire pour toi ? » questionna la naine en fixant Hermione, qui sautilla sur un pied, mal à l'aise.
« Peux-tu aider Hermione à fabriquer une baguette magique ? »
« Bien sûr que non ! » s'écria Serra d'un ton bourru, puis voyant l'air blessé des deux jeunes filles, elle se reprit, plus doucement : « Mais je peux l'aider autrement. »
Elle s'avança à petites enjambées déterminées, et prit de manière brusque la main droite de Hermione, et c'était comme si elle lui brûlait la peau avec son regard perçant, comme si elle voulait lire les lignes de sa main. Puis, la naine l'amena jusque dans sa tente, aménagée en forge, et sans prévenir, mit la main de la sorcière dans une cheminée au feu d'une jolie couleur verte émeraude. Hermione poussa un cri, puis hoqueta en sentant une douce chaleur l'envahir, jusqu'au coeur. Elle n'avait pas mal, et ce que murmura la naine - apparemment en langage nain - ne fit qu'accroître sa sensation de bien être. Comme si un barrage douloureux avait cédé pour donner à sa rivière la place qu'elle méritait. Serra lâcha la main d'Hermione.
« Tu es une sorcière spéciale. Aslan l'a bien démontré, en faisant remarquer que nous avions besoin de toi. J'ai développé en toi un pouvoir plus puissant : la confiance en toi. Ta magie est à présent dans toutes tes veines, dans toute ton âme ; ta baguette qui te servait de catalyseur de puissance n'est plus nécessaire : ta main, tes doigts peuvent servir de réceptacle et d'origine à ta magie. Tu peux lancer des sorts sans ta baguette » résuma la naine.
Hermione avait l'impression d'être droguée : c'était si bon, de se sentir aussi puissante ! Mais elle n'eut pas le temps de remercier la naine : des cris et des bruits les firent sortir de la tente, où Lucy les avait suivit. Toutes trois firent face à la place au centre du camp : tout le monde courait dans tout les sens. Peter arriva vers elles, l'air furieux, l'épée au poing.
« Nous sommes attaqués ! »
Hermione avança d'un air résolu, et sous l'effet de sa magie débridée, elle eut un sourire féroce face à Peter, qui s'arrêta, étonné. Hermione courut à ses côtés vers le Nord, où un véritable champ de bataille avait transformé le campement en ruines. Les tentes étaient en lambeaux, parfois mises à feu. Elle ordonna à Peter de faire en sorte que les Narniens battent en retrait, pour que le groupe d'en face forme un groupe compact. Peter l'observa, hésitant, et Hermione répéta son ordre lorsque Caspian arriva vers eux, tenant son épaule dans sa main ensanglantée, désarmé.
Caspian hocha la tête. Il lui faisait confiance, d'où cette foi en elle lui venait ? A cause d'Aslan ? Elle ne savait pas, mais ce jeune homme faisait grimper en elle cette sensation de puissance. Le fait qu'il obéisse à ses ordres, qu'il le fasse parce qu'il voulait croire en elle, fit jaillir de son corps une douce lumière bleutée.
Les Narniens émirent un « Oh » étonné. La lumière qui émanait d'Hermione était magnifique, d'un bleu aux mille reflets, argentés, dorés, azur ou bleu marine. Puis, lorsque les siens furent à l'abri derirère un rempart vivant de soldats, elle s'avança à travers les lignes amies et se planta devant les ennemis, qui s'apprêtaient à charger, elle les vit qui exultaient, pensant qu'ils avaient gagné.
« Allez vous en. » déclara Hermione, et tout ne fut plus que silence, devant sa voix grave et mélodieuse.
Tout en elle respirait la magie, elle était auréolée de sa lumière, et l'air vibrait autour d'elle. Ses cheveux voletaient autour de son visage sur lequel un air calme était peint. Mais au lieu de saisir leur chance, les êtres cruels d'en face grognèrent et se mirent à ruer vers eux. Tout se passa rapidement.
Hermione leva la main, et la lumière devient flash bleu et aveuglant.
Lorsque chacun rouvrit les yeux, leurs ennemis étaient changés en pierre. Edmund se rua vers Hermione et se mit face à elle, et son visage exprimait la reconnaissance, la méfiance et la colère. Suzanne se jeta sur l'idée que son frère avait en tête.
« Elle a les même pouvoirs que la sorcière blanche ! Elle change les êtres en pierre ! »
Hermione sentit tous les regards sur elle, mais elle continuait de ressentir en elle comme une présence. Comme si sa magie était vivante, et qu'elle bouillonnait lentement dans ses veines. Elle se tourna vers eux, et avant qu'aucun ait pu renchérir :
« Je suis de votre côté, n'est-ce pas une bonne chose que je sois l'égale de la Sorcière, si je dois la combattre ? »
Edmund baissa la tête, et Lucy vint pour prendre la main de Hermione, mais ce fut Caspian qui encore une fois se révéla celui qui avait confiance en elle, car il toisa froidement Suzanne et rétorqua :
« Aslan saurait si elle n'était pas de notre côté, il a réclamé son aide. Cessez donc de voir en elle une ennemie. Suzanne, je ne te pensais pas ainsi. Tu me déçois beaucoup. »
Hermione, comme droguée, sentit son visage sourire. Elle était comme Caspian : elle ne pouvait s'empêcher de laisser ses traits exprimer ce qu'elle ressentait, et voir Suzanne baisser la tête, honteuse, elle en ressentit une grande joie. C'était peut-être méchant de se réjouir, mais Suzanne l'avait mérité. Elle s'était comportée si odieusement ! Hermione se détourna, et fit quelques pas, avant de sentir cette vie en elle se dissoudre lentement. Puis, la sensation de vide grandit, et elle n'eut plus la force de se tenir debout. Elle chuta, ses jambes ne la portant plus, et avant de toucher le sol, elle s'était évanouie.