Bye Bye Tonight
Hermione regardait le lion incapable de dire quoi que ce soit. Ses yeux d'or, chauds et fixes, semblaient la transpercer comme deux lances. Elle se dit que plus rien ne l'étonnerait ici !
« Nous avons besoin de toi » répéta t-il, faisant résonner en Hermione comme une corde pincée. Cette phrase était dites d'un ton neutre, mais elle sentit qu'il était agacé, ou du moins n'appréciait pas qu'elle ne répondes pas comme il le souhaitait à sa demande. Ce lion qui parlait s'attendait-il à ce qu'elle lui dise oui direct, qu'elle se mette à ses pieds et lui jure fidélité ?
« Aslan ! C'est une sorcière ! Nous n'avons pas besoin d'elle ! »
Bizarrement, ça ne l'étonna pas que Suzanne se mette en travers de son chemin. La brune s'était mise devant le lion, mais Hermione vit le regard qu'il lui adressa ; la jeune fille émit un gémissement, comme si il l'avait frappée, giflée, et elle se recula, ne regardant rien d'autre que le bout de ses chaussures. Hermione se sentit honteuse et triste pour elle. Mais il était temps qu'elle réponde.
« Vous êtes Aslan. » fit-elle remarquer, avec un grand sens de la déduction, digne de Ron. Elle fit des efforts pour que sa voix ne tremble pas, le lion était si imposant qu'elle sentait un tremblement dans tous ses membres. « Pourquoi avez-vous besoin de moi ? »
Il y eut un instant de silence, durant lequel tout le monde retint sa respiration, attendant un mouvement du lion, qui arriva lentement vers Hermione, ne jetant même pas un coup d'oeil à Suzanne qui restait silencieuse, mise à l'écart. Le lion poussa un grondement, mécontent, et Hermione sut qu'elle avait été trop loin.
« Tu devrais te contenter de m'obéir, Fille d'Eve. Pour l'instant, sache que tu es dans le bon camp. La Sorcière est notre ennemie. »
« Elle détient ma baguette. Sans elle, je suis inutile.»
Un rugissement si fort que ses oreilles en bourdonnèrent fit vrombir l'air. Le lion sauta, et elle crut qu'il allait bondir sur elle, mais non ; il passa au-dessus d'elle, agile et puissant, et en trois bonds, il avait disparu dans la forêt sombre. Tout le monde resta silencieux et figé, comme si ils avaient assistés à une événement mémorable, ce qui était le cas pour la jeune sorcière. Enfin, quand elle se retourna, se fut pour voir Caspian s'approchant d'elle, l'épée sortie de son fourreau.
* Il va me tuer. Il va vouloir me tuer parce que je suis une sorcière ! * pensa Hermione, mais l'idée de fuir ne lui vint pas. Elle était une Gryffondor, elle devait se montrer courageuse, même face à la mort.
« Approche-toi. Je vais faire de toi l'une des nôtres. »
En ouvrant les yeux, elle réalisa qu'elle les avait fermé. Elle essaya de se décrisper et de comprendre, puis voyant l'air avenant du Prince, elle devina qu'il devait vouloir faire une sorte de cérémonie comme l'adoubement des chevaliers. Elle hésita, puis en mettant un genou au sol, elle le vit sourire largement, et il pressa le plat de son épée sur ses deux épaules, puis posa sa paume de main sur son front.
« Cette jeune fille est à présent des nôtres ! Traîtez la comme tel ! »
Un rugissement de triomphe parvint de nouveau aux oreilles bourdonnantes de Hermione, qui se redressa, un peu secouée par ses émotions. Elle prit la main que Lucy lui tendait, et elles s'écartèrent de la foule, pour aller jusqu'aux barrières qui retenaient les chevaux. Peter et Edmund s'occupaient des leurs, et ils se tournèrent vers les deux filles.
« Caspian est parti organiser les défenses. »
Le ton de Edmund était distant et neutre, mais Hermione sentait un léger froid dans sa voix. Peter, lui souriait toujours autant. Elle lui répondit timidement par un de ses sourires à elle.
« Ne t'inquiètes pas. Aslan te fait confiance, alors nous aussi. Nous sommes la fratrie Pevensie, mais nous sommes heureux de t'accueillir avec nous comme nous avais accueilli Caspian. Tiens, d'ailleurs le voilà. » s'écria Peter en levant une main pour faire signe au Prince.
Les cheveux au vent, il avait les sourcils froncés et l'air pensif. Il arriva rapidement, et soupira doucement, pour se calmer. Hermione préféra ne pas lever le regard, de peur de croiser son regard sombre si expressif. Il était quelqu'un de simple : il souriait quand il voulait, et son visage révélait toujours ce que son coeur ressentait. Quelqu'un d'aussi simple effrayait un peu Hermione, elle n'avait pas l'habitude de tant de franchise.
« Je viens chercher Hermione. Je vais lui apprendre à tenir une épée. Et j'ai besoin de lui parler. » Il avait dit cette dernière phrase car Peter avait ouvert la bouche, Caspian ayant deviné qu'il souhaitait venir avec eux, il avait été plus rapide. Hermione se mordit la lèvre, ce qu'elle craignait arrivait : il allait lui poser des questions gênantes ! Mais elle n'avait pas trop le choix. Enfin si, mais elle ne voulait pas avoir ce choix face à elle, aussi préféra t-elle se voiler la face et croire qu'elle ne l'avait pas. Elle suivit, réticente, le Prince, à quelques minutes du camp, assez loin pour que les bruits de conversations deviennent sourds et diffus.
« Je t'ai ravi à nos amis, peut-être un peu gauchement. Pardonne-moi. »
Les excuses qui n'avaient pas lieu d'être fascinèrent la sorcière, mais ce fut surtout ce soudain tutoiement. Comme si elle était passée de fantôme errant dans le camp à soldat bien réel. Elle avait à présent l'impression d'être réellement là, grâce à un simple changement, de vous à tu. Elle gardait le regard obstinément baissé. Elle sentait les yeux sombres de Prince la toiser, tranquillement, avec la curiosité enfantine qui émanait de lui.
« Je pense que tu es venue ici par ma faute. »
Elle manqua un coup de coeur, il y eut un raté et elle toussa, manquant de s'étouffer: quoi ? Elle leva un regard furieux vers lui: elle avait bien compris ? Tout cela était sa faute à LUI ? Elle avait tellement de questions à poser, soudain, et surtout un venin à lui cracher au visage, mais tout ce qu'elle parvint à dire, d'un ton haché par sa respiration saccadé, ce fut :
« Comment ? »
Comment avait-il pu faire cela ? Et pourquoi elle ? Elle avait des tonnes de questions, mais Caspian sembla soudain gêné. Il gigota un instant, balançant ses bras, ne sachant pas quoi faire. Hermione resta froide, insensible à la gêne du Prince.
« Nous avons reçut autrefois une corne de brume, pour appeler lorsque nous avions besoin d'aide. Aslan nous a promis que l'aide dont nous avions besoin viendrait grâce au son de ce cor. Nous étions en fâcheuse posture avec quelques soldats, et nous avons ... Enfin j'ai sonné le cor. Et un flash bleu, puissant et aveuglant, a inondé la vallée, et nous avons vu une forme bleutée tomber dans la forêt. Les ennemis ont cru que c'était un esprit, un fantôme, et ils se sont enfuis. Mais c'était toi. Trompillon pensait que tu nous tendait un piège, que tu étais une acolyte de la Sorcière, mais pour moi tu es l'aide de Aslan ; la preuve, il t'a dit que nous avions besoin de toi ! »
Comme si cette explication pouvait lui suffire ! Elle poussa un grognement méprisant, et reçut un regard étonné et blessé du Prince.
« Je suis sincèrement désolé : tu as quitté ton monde, celui de Peter, Lucy, Edmund et Suzanne, tu as du quitter ceux que tu aimais pour rejoindre une aventure totalement ... Totalement folle. Je m'en veux un peu. »
« Tu as bien raison ! » déclara t-elle, durement. « Je ne suis de toute façon pas la bienvenue ici. Je ne sais pas où veut en venir votre lion doré, mais je ne sais pas ce que j'ai à faire. »
« Aslan nous guidera lorsque le temps sera venu » philosopha le brun, puis avec une moue de gamin, « Pas la bienvenue ? Je t'ai fait devenir l'une des nôtres, toutes les créatures du camp te voient à présent comme leur égale.»
Il semblait si naïf ! Même Lucy semblait avoir compris, et puis l'intervention de Suzanne montrait à quel point elle en voulait à la sorcière, sans que cette dernière comprenne pourquoi.
« Suzanne ne m'aime pas » lâcha t-elle presque malgré elle.
Moment de flottement, où Caspian finit par comprendre et il soupira, passant sa main dans ses cheveux. Il avait l'air fatigué, ses yeux, de beaux yeux perçants, et sombres, comme des pierres précieuses, ces yeux là étaient cernés, et sa peau mate était un peu pâle. Ses joues étaient émaciées et il portait un début de barbe. Hermione haussa les épaules, comme si cela ne la touchait pas, mais elle se sentait blessée d'être ainsi rejetée par la demoiselle brune sans savoir ce qu'elle avait pu faire de mal.
« Hé bien ... » Caspian avait un air gêné, et ... Oui, il rougissait ! Hermione écarquilla les yeux, étonnée. Elle resta silencieuse, attendant ce qu'il avait à dire, peut-être allait-il lui donner l'explication qu'elle attendait quant à la nature de cette colère qu'avait Suzanne contre elle ? « Suzanne ... Elle est jalouse de toi.»
Et il lâchait ça, comme ça ?! Son regard se posa avidement sur le visage du Prince, et cette fois ce fut à lui de détourner pudiquement les yeux, tout en continuant sur sa lancée.
« Elle pense que tu veux me voler à elle. »
Ce n'était qu'un murmure, gêné comme pas possible, et Hermione faillit éclater de rire tellement c'était ridicule, mais il avait l'air sérieux, et elle resta clouée sur place ; pour un peu, la mâchoire lui en serait tombée.
« Mais pourquoi ? Pourquoi pense t-elle ça ?! » s'écria t-elle quand elle eut retrouvé la fonction de ses poumons et sa respiration.
« Elle est jalouse. Je ne saurais comprendre cela. » Il semblait sincère.
« Elle n'a pas à se faire de soucis ! J'ai déjà quelqu'un ! »
Le visage de Ron lui parvint, et soudain, elle se sentit affreusement seule : elle était là depuis peu, et lui et Harry étaient totalement sortis de sa tête ! Qu'est-ce qu'ils pouvaient faire en ce moment ? Elle sentit des larmes amères monter à ses yeux, tandis que sa respiration se coupait ; une grande tristesse l'envahissait. Caspian dut le voir, car elle put le voir dans son champ de vision brouillé par les larmes gigoter puis s'approcher, pour poser maladroitement sa main sur son épaule. Quel réconfort ! Digne de Ron ! Ce geste, pourtant amical, lui rappelait Ron, et cela n'en était que plus douloureux encore.
« Ne pleure pas ! » geignit Caspian, en proie à une panique notable dans sa voix.
C'était bien un garçon, incapable de réagir quand une fille pleurait. Hermione se leva, pour s'en aller avant de sangloter, mais Caspian sembla soudain prendre en note que son geste était déplacé, et il la pressa soudaine contre lui. Cette chaleur et ce mouvement, surprenant, la laissèrent un instant silencieuse, puis elle laissa libre cous à ses pleurs. Elle cria le nom de Harry, de Ron, entrecoupés de sanglots violents, qui finirent par s'espacèrent. Elle s'était calmée, mais profita quelques instants de cette chaleur humaine.
« Et tu as osé me dire que je n'avais pas de raison d'être jalouse ?! »
Hermione leva ses yeux encore embués, mais reconnut la voix hargneuse de Suzanne. Elle essaya de se retirer de l'étreinte de Caspian, comme pour prouver à la brune qu'elle se trompait, mais Caspian ne déserra pas les bras. Elle sentit contre elle le coeur battant à tout rompre du prince, mais c'est d'une voix calme qu'il répliqua :
« Suzanne. Hermione est arrivée comme toi à Narnia, mais elle, elle est arrivée seule, sans deux frères et une soeur comme repères, et surtout sans trop savoir quoi faire. Elle a été déstabilisée, et je l'ai juste réconfortée. »
« Menteur ! »
Son hurlement résonna aux oreilles de Hermione, comme une accusation pernicieuse, et elle sentit le remord et la culpabilité lui tordre le ventre.
« Suzanne ! »
Gros silence ; chacun était aussi étonné que les deux autres de cette intervention surprenante d' Hermione. Elle en était la première étonnée, mais c'est d'une voix calme qu'elle s'écria :
« Tu te trompes totalement. Caspian m'a bel et bien réconforté. C'est bien le premier contact un peu amical que je trouves ici ! » cria t-elle presque, et bien qu'elle se sentit injuste envers Lucy et Peter, elle sut qu'elle n'avait pas tord. C'était une accusation directe à la brunette, qui recula d'un pas, mécontente. « Imagine un instant la situation dans laquelle je suis ! Seule dans un monde dont je ne connais rien, incapable de me défendre avec ma magie car je n'ai plus de baguette, car elle a été volée par une folle livide, et un lion doré me commande de lui obéir, et me dit qu'il a besoin de moi. Je suis seule, ici ! Et je suis apparemment la cible favorite d'une brune désagréable : toi ! Alors ne vient pas traiter la seule personne à se montrer humaine avec moi de menteur ! Je te l'interdis ! »
Elle inspira, bombant sa poitrine fièrement, bien qu'elle soit de nouveau au bord des larmes, inspira de nouveau pour faire passer cette nouvelle envie de pleurer - elle n'aurait pas cru avoir encore la moindre goutte d'humidité dans le corps ! - et leur tournant le dos, elle s'enfuit, entendant Caspian crier son prénom. Allait-il la retenir ? Non, elle ne sentit aucune main sur son épaule. Elle était avide de sentir de nouveau un contact contre elle, un contact amical, humain. Mais elle se retrouva au milieu des arbres, perdue, furieuse et triste.
Tristement seule.