CHRONOS ET DEIMOS. Traduit de russe, auteur TsissiBlack

Chapitre 3

2445 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 21 jours

 

La matinée de Potter commença le soir, lorsque les sortilèges de surveillance placés sur Rogue le tirèrent brusquement du sommeil. Il s'habilla comme à l'armée en un temps record de quarante-cinq secondes. Saisissant le Portoloin, il se retrouva, deux pulsations cardiaques plus tard, plaquant contre le mur un imposant infirmier. Ce dernier, croisant le regard de l'Auror en chef empreint d'une fureur meurtrière, leva instinctivement les mains en signe de reddition.

-      Mister Potter, dit-il doucement. Je suis physiothérapeute. Je suis là pour faire un massage thérapeutique à Mister Rogue. Ça l'aidera à garder sa forme et évitera que ses muscles ne s'atrophient par manque d'activité.

Harry relâcha son étreinte et s'avança vers Rogue. Ce dernier gisait, inerte, sur le lit d'hôpital, sa chemise de nuit retroussée dévoilant ses jambes longues et fines qui, contre toute attente, s'avéraient remarquablement droites. Potter rabaissa délicatement le vêtement et lança un regard méchant à l'infirmier.

-      Je vais te tuer, promit-il doucement.

Il envoya ensuite un Patronus à Smethwick. Le guérisseur en chef n'arriva qu'une demi-heure plus tard. Pendant ce temps, l'infortuné physiothérapeute eut tout le loisir de maudire son existence. Dès que Smethwick franchit le seuil, il se lança dans une tirade indignée.

-      Guérisseur !

Smethwick regarda Potter, figé, comme Cerbère gardant portes de l'enfer, au chevet de Rogue qu'il avait emmitouflé dans une fine couverture.

-      Je ne laisserai personne le peloter, dit-il d'une voix douce mais menaçante.

-      Alors masse-le toi-même, répliqua le guérisseur en haussant les épaules. Sinon ses muscles s'atrophieront

-      Il déteste qu'on le touche.

-      Lui ? Il déteste ? Ou est-ce toi qui es devenu soudain jaloux ? Il me semble qu'il y a deux jours à peine, tu ne supportais pas Mister Rogue.

-      Mes sentiments pour lui n'ont aucune importance. C'est mon mari, et je protège jalousement ce qui m'appartient, que ce soit un vieil elfe grincheux, une maison délabrée ou Rogue.

-      Alors emmène TON Rogue dans TA maison délabrée, et laisse TON elfe grincheux s'occuper de lui. Je refuse d'être arraché de la salle d'opération pour accourir chaque fois que tu penses que Rogue est mal installé ou que quelqu'un le regarde de travers. Et puis je crains pour l'intégrité de ces murs.

-      Je m'en souviendrai, promit sombrement Harry, avant d'envelopper délicatement Rogue dans une couverture et de le soulever avec aisance. Sois prêt à filer à Grimmaurd dès et à chaque fois que je m'inquiéterai en suspectant la moindre anomalie chez lui. Et je suis facilement inquiet et très méfiant quand il s’agit de quelque chose que je considère comme m’appartenant.

-      Engage un guérisseur privé, Harry. Je peux te recommander quelques-uns qui sont assez courageux et pas trop nerveux...

-      Je n'en veux pas plusieurs. Je veux le meilleur. Toi.

-      J'ose à peine imaginer ce qui se serait passé s'il avait été enceint, soupira Smethwick.

-      Tais-toi, l'oiseau de malheur, chuchota Harry en ajustant la tête de Rogue sur son épaule. — Avec son tempérament, même moi ça m'effraie d'y penser. Au revoir. Ah, et dis à ton gorille que s'il ose...

-      Je serai aussi silencieux qu'une tombe, Mister Potter, assura l'infirmier, soulagé que l'Auror en chef, réputé pour son tempérament explosif, récupère son trésor et regagne ses pénates.

Ce dernier se contenta de ricaner avant de s'éclipser en activant le Portoloin. Smethwick eut tout juste le temps de lui lancer :

-      Paranoïaque !

Puis, s'adressant au kinésithérapeute :

-      Tu t'en sors parfaitement, Marcus. Tu as agi comme il le fallait.

-      Patron, il a failli m'étrangler, se plaignit Le costaud, Je n'ai même pas eu le temps de retourner le patient. Il est arrivé en moins d'une minute.

-      Écoute-moi bien. Remercie Merlin de ne pas avoir eu le temps. Je connais Potter depuis longtemps et je te le dis sérieusement : il est totalement imprévisible. Si tu avais retourné Mister Rogue, il t'aurait vraiment étranglé.

-      Mais alors, pourquoi vous...

-      Parce que son mari est dans le coma, seule la magie Potter semble efficace. Nous ne pouvons rien faire de plus, donc il n'est pas judicieux qu’il occupe un lit ici. Il ne m’est pas trop difficile de passer chez lui plusieurs fois par jour pour voir l'Auror en chef jouer les mères poules auprès de notre patient. Et je suis certain qu'il va caqueter et le surveiller comme le lait sur le feu, Potter étant très consciencieux malgré son sale caractère. Il faudrait tout simplement lui fournir quelques potions nutritives et de vérifier de temps en temps si tout va bien. Marcus, retourne à ton travail. Monsieur Auguston progresse, il faut persévérer.

Les médicomages quittèrent la pièce vide, continuant à discuter travail, et ils n'étaient pas du tout préoccupés par le sort de Mister Rogue. Son bien-être était entre de bonnes mains.

***

-      Kreattur !

-      Maître...

-      Oui, je t'ai appelé. Prépare la chambre d'amis en face de la mienne. Trouve une infirmière elfe. Procure-lui un lit adapté et tout le nécessaire. J'ai besoin qu'il survive.

Kreattur disparut. Quand Harry monta au troisième étage avec son fardeau, évitant de transplaner, la pièce était prête.

-      Kreattur pense que Maître Severus n'a pas besoin d'un lit spécial. Il est à la maison, la magie de la famille...

-      D’accord, acquiesça Harry en allongeant précautionneusement son mari sur le lit bas et large. Appelle Smethwick. J'étais tellement en colère que j'ai oublié de lui demander ce qu'il lui fallait comme soins quotidiens. Et il a peut-être besoin de médicaments.

La cheminée de la chambre s'illumina et un épais dossier médical contenant toutes les recommandations, écrites de l'écriture horrible du guérisseur, en jaillit.

-      Ok, plus besoin maintenant de l'appeler. Donc, voyons voir, technique de massage... ok, je peux faire ça... potions... bain... c'est pour l'infirmière... hum... vieil escroc ! Il a tout prémédité ! Séances de magie ancestrale !

-      La magie ancestrale aidera Maître Severus, approuva Kreattur. - Kreattur fera venir Mattie.

-      Mattie ?

-      Le Maître a-t-il demandé une infirmière ou le vieux Kreattur se trompe ?

-      Non, tu ne trompes pas, vas-y.

L'elfe de maison s'éclipsa. Harry, envahi par une excitation inhabituelle, se débarrassa de sa robe de sorcier en la jetant dans un coin. Il commença à étirer et plier ses doigts. Un massage ? Il avait donc enlevé ce foutu Rogue pour pouvoir lui faire des massages lui-même ! Mais qu'est-ce que c'était que ce bordel...

Soudain, il se souvint des bras démesurés et velus de ce rustre, contrastants avec les jambes dénudées et vulnérables de Rogue. Harry réprima un grondement d'indignation - il était préférable qu'il s'en charge personnellement. Pour une raison obscure (dont la nature précise restait à élucider), cet homme acariâtre l'avait un jour choisi comme époux. Il lui avait donc accordé sa confiance. Or, la confiance se devait d'être méritée.

Après mûre réflexion, il se rendit dans sa chambre et revêtit une tenue décontractée composée d'un pantalon d'intérieur et d'un t-shirt. Il métamorphosa ensuite un pouf en un confortable canapé de massage. L'idée de la réaction de Rogue, se réveillant dénudé sous les mains de détestable Potter lui prodiguant un massage sportif - plutôt douloureux, il faut l'admettre - le plongea momentanément dans un état de stupeur.

-      Putain, on est mariés, même si je ne m'en souviens pas. Rogue le sait certainement. Et je suis sûre que je l'ai déjà vu nu, puisque le mariage a été confirmé ! Tu es vraiment un imbécile, Potter. Qui plus est, tu es un imbécile qui a perdu le souvenir de ton propre mariage !

Ayant pris sa résolution, il dévêtit son époux inconscient par un sortilège, s'efforçant de ne pas s'attarder sur son corps svelte et pâle, marqué de cicatrices. Il réchauffa ses mains, s'empara de l'huile de massage et se mit au travail. Il le pétrissait avec une attention particulière et, fort heureusement, avec d'un savoir-faire acquis pendant le service. En effet, les Aurors, soucieux de maintenir une condition physique irréprochable, se voyaient prescrire des massages par le médicomage attaché à leur bureau, las de concocter des potions pour soigner entorses et muscles noués. Au fil d'une décennie, Potter avait développé une certaine dextérité dans cet art - nul ne se pressait pour consulter Jeggins, leur masseur attitré et affectueusement surnommé "Brisos", seuls Harry lui-même et quelques âmes intrépides osant s'abandonner à ses soins. Les autres se contentaient de s'entraider pour leurs massages.

-      Voici la ceinture scapulaire... Tu possèdes une musculature remarquable, espèce de serpent des sous-sols. Sans relief ostentatoire, certes, mais d'une harmonie indéniable. Avec ta constitution, plus de relief n'aurait pu être obtenu sans l'aide de potions, pratique à laquelle je doute que tu te serais abaissé. Quant au dos... une scoliose ? Non, je me trompe. Sais-tu que tes jambes rivalisent en longueur avec celles d'une starlette ? N'importe quelle nana en serait jalouse. Mmm... Et quel cul... OK, je retire ce que j'ai dit. Détester quelqu'un avec un cul comme ça est le comble de l'idiotie. Et mon mari est pas mal du tout, hein, Rogue ? Ou es-tu aussi Potter-Black ? Je te retourne. Bras, torse. Je m'abstiens de toucher les tétons. Eh, je ne laisserai personne te faire un massage, Rogue ! Il s’avère que c’est une affaire tellement intime ! Jamais remarqué auparavant. Combien de gars de la salle de sport sont passés entre mes mains, et... Zut ! Ton inconscience est providentielle. Non... Je détourne le regard ! Où en étais-je ? Ah, les jambes. Effectivement. Les jambes... Il vaudrait mieux que je m'abstiens de te laver. N'essaie pas de me convaincre. Mieux vaut l'éviter, pour ainsi dire. Kreattur !

Après avoir confié Rogue, dont la peau était désormais empourprée par le massage, aux soins de Kreattur et de la nouvelle elfe infirmière qui s'inclina respectueusement, Potter regagna ses appartements. Il était temps de se préparer pour l'imminente incursion dans le passé.

***

- « L'univers entamera sa rotation sur son axe, et le cours du temps s'affranchira de ses limites dès l'instant où toi, voyageur, tu effleureras le rubis sanglant. Tu seras alors propulsé vers une existence aléatoire, liée à un seul être, dans un moment de péril ou d'allégresse intense. Si tu préserves ton courage et ta lucidité, le flot temporel refluera avant de regagner son lit », déchiffra Harry en contemplant l'artefact qu'il avait extrait de l'ouvrage. - Un rubis sanglant, donc.

Un cheveu de Rogue, délicatement prélevé de sa chevelure fraîchement lavée, et traité par un sortilège particulier, avait été placé depuis longtemps dans le tiroir coulissant de l'artefact. Suite à cette action, les multiples aiguilles pivotèrent subtilement, modifiant leur configuration, et une imposante pierre rouge sombre se matérialisa sur le pourtour doré du dispositif. Harry fut également saisi par l'apparition d'une longue chaîne, rappelant celle d'un retourneur de temps, le long de laquelle scintillaient d'énigmatiques lueurs vert foncé. Leur nombre demeurait insaisissable, tant elles étaient en perpétuel mouvement. Néanmoins, Potter était convaincu d'en avoir discerné au moins dix, pressentant intuitivement l'importance de cette observation.

Il tapota sur les poches de sa veste en cuir et s'assura une ultime fois que sa trousse de premiers secours, son sac sans fond, sa tente, sa cape d'invisibilité, sa baguette de secours, son carnet et ses vêtements de rechange étaient tous en place. Ses mains glissèrent prestement le long de ses jambes, vérifiant que le petit poignard pouvait être aisément extrait du haut de ses hautes bottes à lacets et que les poches de son épais pantalon sombre d'allure militaire étaient fermement boutonnées. Il fallait s'attendre à toute éventualité de la part du Rogue du passé, d'autant plus qu'à l'époque où Harry était en cinquième année et avait déjà aperçu la bague à son doigt, le conflit dans le monde magique battait son plein.

Se jurant qu'il ne céderait jamais à la tentation d'aller directement chez Voldemort et le tuer, Harry mit l'artefact dangereux autour de son cou et pressa le rubis sanglant.

Immédiatement il ressentit une piqûre au doigt.

- Voilà, sanglant n'était point une métaphore, songea Potter, tandis que le monde se contractait autour de lui, tournoyant à une vitesse vertigineuse. La dernière image qu'il parvint à discerner dans le présent fut sa propre silhouette, qui semblait se tisser de l'air. Le regard aguerri de l'Auror saisit tous les détails : sa veste lacérée, son nez fracturé qu'il comprimait de sa paume, et son pouce dressé en un geste universel « Tout beigne ! ».

« Je reviendrai », réalisa Harry.


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