Le journal de Neville Londubat
22 octobre 1995
Ce soir, j’ai lancé un sort. Un vrai. Et il a réussi.
Je suis encore un peu sous le choc, pour être honnête. Pas parce que c’était spectaculaire, ce n’était pas le sort le plus puissant de la soirée, ni le plus impressionnant mais parce que c’était moi. Et que moi, je n’ai pas l’habitude de réussir ce genre de choses.
C’était la toute première réunion de ce que l’on appelle désormais l’Armée de Dumbledore. Un nom choisi un peu comme une provocation envers Ombrage, mais aussi comme un étendard. Quelque chose à quoi se raccrocher. Et ce soir, pour la première fois depuis longtemps, j’ai eu l’impression de faire partie de quelque chose.
Je crois que, même si on s’y attendait un peu, il y avait une tension particulière dans l’air. Quelque chose de solennel. Comme si, en passant le seuil de cette salle que personne ne connaissait vraiment, on faisait un pas dans l’inconnu. Un pas qu’on ne pourrait plus jamais effacer.
La Salle sur Demande. Je n’en avais jamais entendu parler, et pourtant elle est apparue comme par magie, au moment exact où on en avait besoin. Une porte sur un mur nu, qui s’est ouverte sur une pièce parfaitement adaptée à nos besoins. Spacieuse, silencieuse, chaleureuse. Des coussins au sol, des tapis moelleux, des étagères remplies de vieux grimoires, des mannequins d’entraînement alignés contre le mur, et même un petit poêle qui diffusait une chaleur réconfortante.
En entrant, j’ai ressenti un étrange mélange : la peur, bien sûr, celle de ne pas être à la hauteur, celle de faire honte à mes camarades mais aussi une excitation que je n’avais pas ressentie depuis longtemps. Une envie d’essayer. D’apprendre. De progresser.
Harry a pris la parole avec un calme que je lui envie. Il a expliqué qu’on allait commencer simple : le Sortilège de Désarmement. Expelliarmus.
Simple, en apparence. Mais chaque fois que je l’ai essayé en cours, il ne s’est jamais passé grand-chose. Une petite étincelle, parfois. Un effet raté. Un éclat de rire.
Mais ce soir… c’était différent.
Harry nous a montré les gestes, la posture, la façon de respirer, de canaliser l’énergie dans la baguette. Il ne nous a pas parlé comme un professeur. Il nous a parlé comme un camarade qui veut partager ce qu’il sait pour nous aider à survivre.
Quand il a lancé le sort sur Ron, c’était fluide, net, maîtrisé. Ron a reculé d’un pas et sa baguette a volé dans les airs. J’ai entendu quelques murmures d’admiration. Même Cho Chang avait l’air impressionnée.
Puis est venu le moment de pratiquer à deux.
Je me suis retrouvé face à Justin Finch-Fletchley. Il est toujours gentil avec moi. Pas moqueur, pas condescendant. Il m’a souri, et ça m’a donné un peu de courage. Je tenais ma baguette si fort que mes doigts tremblaient. Je me suis demandé si j’avais bien écouté. Si je n’allais pas encore tout rater comme d’habitude.
Mais je me suis concentré. J’ai pensé à papa et maman, je ne sais rien d’eux à mon âge, grand-mère n’aime pas trop en parler. Alors j’imagine ce qu’ils feraient, s’ils étaient à ma place.
Et j’ai lancé le sort.
Expelliarmus.
Une lumière rouge a jailli de ma baguette. Justin a légèrement sursauté, et sa baguette a quitté sa main. Pas loin, pas haut, pas spectaculaire. Mais elle a volé. Et elle est tombée à mes pieds.
J’ai cligné des yeux. J’ai regardé mes mains. Puis Justin. Il a souri plus grand encore.
Et moi, j’ai souri aussi. Un vrai sourire.
Je crois que c’est à ce moment-là que tout a changé pour moi.
Pendant un instant, j’ai senti quelque chose de nouveau. De puissant. Une étincelle. Ce n’était pas de la fierté arrogante, ni même un soulagement. C’était… une forme de liberté. Une pensée claire qui me disait : tu es capable.
Et puis j’ai levé les yeux. Et j’ai vu qu’Harry m’observait. Il m’a fait un petit signe de tête. Discret. Mais je l’ai vu. Il avait vu. Et dans ses yeux, il n’y avait pas de pitié. Il y avait du respect.
Je ne suis pas comme lui. Je ne suis pas un héros. Je ne suis pas le garçon dont on attend de grandes choses.
Mais ce soir, j’ai fait quelque chose. A la fin de la réunion, Luna est venue me féliciter, je pense avoir rougi au compliment, tellement c'est inhabituel pour moi.
Ce soir, j’ai commencé à croire que je pourrais être plus que ce qu’on pense de moi.
Quand je suis rentré dans la tour Gryffondor, les autres riaient encore un peu, se racontaient les sorts réussis ou ratés. Moi, je suis resté en retrait. Pas par timidité cette fois. Mais pour savourer ce sentiment qui m’habitait.
Je pense à toutes les moqueries que j’ai subies depuis ma première année, surtout des Serpentards.
Ce soir, je n’ai plus peur d’eux et de leur rire. Un premier pas.
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