Le journal de Neville Londubat
17 septembre 1995
Cela fait un peu plus de deux semaines que nous sommes revenus à Poudlard, et déjà, l’atmosphère a changé. Radicalement.
Il y a quelque chose dans l’air… une tension sourde, une pesanteur invisible. Comme un orage prêt à éclater, mais qui ne vient jamais. On ne rit plus autant dans la Grande Salle. Les éclats de voix ont laissé place à des murmures. Même les tableaux semblent avoir ralenti leurs bavardages. Les couloirs paraissent plus longs, plus sombres, même quand le soleil brille à travers les vitraux.
Et tout cela, c’est à cause d’elle. Dolores Ombrage.
Notre nouvelle professeure de Défense contre les Forces du Mal. Ou plutôt… la marionnette du Ministère.
Je ne trouve pas de mot plus juste que perfide. Elle est sans doute la personne la plus insidieuse que j’aie jamais rencontrée. Elle ne crie pas. Elle ne jette pas de sorts terrifiants. Elle sourit. Tout le temps. Un sourire figé, gluant de fausseté. Comme une porcelaine fêlée, jolie de loin, mais dangereuse de près.
Et sa voix… cette voix aiguë, sucrée, presque enfantine, mielleuse à l’excès. Elle parle à chacun de nous comme si nous étions des enfants de cinq ans, trop bêtes pour comprendre le monde. Mais moi, je sens ce qu’il y a derrière. Une cruauté froide, méticuleuse.
Sous sa couche de sucre se cache du poison.
Elle ne nous enseigne rien. Rien qui puisse nous préparer à ce qui vient. Selon elle, la pratique des sortilèges est inutile. Que la théorie suffira. Que nous n’aurons jamais besoin de nous défendre contre quoi que ce soit.
Mais nous savons tous que c’est faux. Certains le nient pour se rassurer, d’autres s’efforcent de l’oublier. Mais moi, je n’ai rien oublié.
Harry, lui, a eu le courage de parler. Il a osé dire la vérité. Qu’il a vu Tu-Sais-Qui. Qu’il est revenu.
Et elle… elle l’a puni. Pas comme le font les autres professeurs. Non. Pas de lignes à recopier, pas de corvée. Elle lui a donné une plume spéciale, enchantée. Une plume qui écrit en utilisant le sang du puni. Une plume qui grave les mots dans la peau.
Je ne dois pas dire de mensonges.
Je l’ai vu. J’ai vu sa main. Les lettres encore rouges, incrustées dans sa peau comme une blessure qui ne veut pas cicatriser.
Je n’arrête pas d’y penser. Chaque fois que j’entends cette voix chantonnante, chaque fois que je croise son regard, je pense à cette main. À ce qu’elle serait capable de faire si personne ne l’arrêtait.
Et je me demande… que ferait-elle si elle savait pour mes parents ? Si elle connaissait leur histoire ? Les sacrifices qu’ils ont faits ? Aurait-elle le même sourire satisfait ? La même voix douce pour parler de justice, d’ordre et de discipline ?
Ou détournerait-elle les yeux, comme tant d’autres ?
Je ne sais pas. Mais aujourd’hui, lorsqu’elle m’a regardé dans les yeux, j’ai senti quelque chose naître en moi. Ce n’était pas de la peur. Pas vraiment. C’était plus ancien, plus profond. Une colère froide. Une flamme que je ne savais pas avoir.
Elle représente tout ce que mes parents ont combattu. L’aveuglement volontaire. L’autorité qui écrase. Le mensonge érigé en loi.
Et le pire dans tout ça ? C’est qu’elle agit en toute légitimité. Elle a l’autorisation du Ministère. Elle parle en son nom. Chaque décret, chaque règle, chaque punition porte leur sceau. Et les professeurs, même ceux qui désapprouvent, semblent impuissants.
Elle a décoré son bureau avec des assiettes à fleurs. Des assiettes animées avec des chatons qui miaulent doucement, trottinent et jouent entre les motifs roses. Ça aurait pu être ridicule. Mais en réalité, c’est pire que ça : c’est terrifiant. Comme si elle essayait de nous convaincre qu’elle est douce, aimable, maternelle.
Mais moi, je vois clair dans son jeu. Elle est dangereuse. Peut-être même plus que certains Mangemorts. Parce qu’elle agit au nom d’un monde qui refuse de voir la vérité.
Elle ne jette pas de sorts impardonnables, pas encore. Mais elle griffe l’esprit. Elle lamine la pensée. Elle étouffe les voix qui s’élèvent. Elle veut nous briser, doucement, patiemment, en nous faisant croire que c’est pour notre bien.
Je ne sais pas ce qu’elle prépare. Je ne sais pas jusqu’où elle est prête à aller. Mais quelque chose me dit que ce n’est que le début.
Cette année, il faudra apprendre à se battre autrement. Pas avec des baguettes. Pas avec des sorts. Mais avec des regards, des mots échangés à voix basse, des mains qui se tendent discrètement.
En silence. En secret. Ensemble.