Secrets de Serpentard (III) : Les Mangemorts
Chapitre 16 : Un pas de plus vers la folie
9189 mots, Catégorie: G
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Un pas de plus vers la folie
Au même instant, au manoir des Malefoy plongé dans l'obscurité, tout était paisible également – sauf dans la chambre de Lucius et Narcissa.
En effet, Narcissa venait de se réveiller en sursaut, et était assise dur le bord du lit, inspirant avec peine de grandes goulées d'air. Dans son dos, sa longue chemise de nuit blanche était trempée de sueur glacée.
Tout en essayant de calmer sa respiration affolée, Narcissa regardait autour d'elle et tentait de se rassurer en se répétant que tout était calme. Allongé à ses côtés, Lucius dormait paisiblement ; en dehors de sa respiration régulière, il n'y avait aucun bruit. Haletante, frissonnante, Narcissa laissa ses yeux s'acclimater à la pénombre : autour d'elle, les ombres refluaient petit à petit, les contours de leur chambre splendide se précisaient. Le manoir entier était plongé dans un silence paisible, et aux alentours, le domaine n'était que quiétude, parfaitement abrité de la guerre qui faisait rage. Et pourtant, l'angoisse résistait, terriblement oppressante.
Depuis que Regulus les avait quittés, environ une semaine plus tôt, Narcissa était sans cesse réveillée par d'horribles cauchemars. Même si, à sa demande, Lucius avait convaincu les Mangemorts que Regulus ne valait pas la peine d'être poursuivi, et les avait détournés de cet objectif, certains souhaitaient toujours sa mort, et Narcissa ne cessait de s'inquiéter pour lui : son petit cousin était si jeune, et Voldemort, tellement en colère contre lui...
Par ailleurs, les Mangemorts ayant redoublé de vigilance, Narcissa avait abandonné le projet d'empoisonnement que les Goyle lui avaient confié, et avait décidé de ne plus se rendre sur la Colline d'Émeraude. Les Baies Funèbres étaient restées cachées sous une dalle du carrelage de la salle de bains, et Narcissa ne gardait en mémoire que la frayeur qu'elle avait eu en pensant avoir été découverte. Il lui semblait qu'Abraxas Malefoy l'observait d'un air plus soupçonneux que jamais, et que la moindre contestation de sa part l'exposerait à des accusations de traîtrise aussi virulentes que celles dont Regulus avait fait l'objet, voire à un châtiment à la hauteur de celui que Kreattur avait sans doute reçu.
Depuis un mois, le sommeil de Narcissa était donc haché, entrecoupé de cauchemars où elle assistait à l'agonie de Regulus, de Lucius, de Daisy, de Vera ou de l'une de ses sœurs. Et elle se réveillait brusquement, en nage, leurs cris de souffrance résonnant à ses oreilles...
Lorsqu'elle arrivait à se rallonger sans avoir l'impression d'étouffer, le sommeil ainsi interrompu était bien difficile à retrouver. Les angoisses que la lumière du jour parvenait à occulter reprenaient leurs assauts : et si Carla finissait par trouver une preuve de la traîtrise des Goyle ? Et si Bellatrix était tuée au combat ? Et si Andromeda... Non, Narcissa ne devait pas penser à Andromeda, elle le savait pertinemment... Et pourtant...
Il lui arrivait de réveiller Lucius, afin de trouver un peu de réconfort dans ses bras. Mais que lui dire, à lui qui entendait ses craintes sans les comprendre ? Voldemort l'adorait et le réclamait auprès de lui en toutes circonstances, n'était-ce pas la preuve irréfutable qu'ils ne risquaient rien ? Voldemort avait même promis de préserver Narcissa : c'était un homme de parole, Lucius en était persuadé – et il avait forcément raison, puisque c'était celui qui en était le plus proche... Alors, fallait-il le croire ? Fallait-il laisser Lucius apprécier pleinement sa gloire, au lieu de jeter une ombre sur son rêve de triomphe enfin réalisé ? N'était-ce pas là le rôle d'une bonne épouse, de laisser son mari guider le navire sans protester, et de lui faire confiance pour assurer leur protection ?
Oui, c'était ce qu'il convenait de faire, évidemment... Et si elle le réveillait à nouveau pour lui raconter son horrible cauchemar, il ne manquerait pas de la rassurer pour la énième fois : Regulus, les Goyle et tous ceux qu'elle aimait devaient être chez eux, dans leurs lits, dormant profondément, comme ils l'étaient tous les deux et comme Bellatrix l'était aussi, à l'étage en-dessous...
En pensant à Bellatrix, Narcissa se sentit envahie de tristesse. Sa sœur ainée dépérissait, et malgré tous ses efforts, elle ne parvenait pas à l'aider. Elle guetta à nouveau le silence environnant, et en tendant l'oreille, il lui semblait entendre de discrets gémissements, provenant de l'étage inférieur...
Narcissa repoussa ses draps trempés de sueur et leurs édredons finement brodés, posa ses pieds nus sur le tapis précieux, et se dirigea d'un pas incertain vers le corridor. Sous ses pieds, le sol changeait de consistance à chaque pas, alternant entre le moelleux des tapis et la morsure glaciale du marbre. La gorge nouée, elle passa devant les moulures et les ornements qui décoraient le palier et les alcôves, descendit les escaliers, s'engouffra dans le couloir de l'étage inférieur, se rendit devant la chambre de Bellatrix et ouvrit lentement la porte.
Sa sœur aînée dormait, dans une longue chemise noire, la joue écrasée sur son oreiller de plumes. Elle s'agitait néanmoins, comme elle en avait l'habitude, plongée dans les songes sinistres et inracontables qui troublaient toutes ses nuits. Dès que Narcissa entra dans la chambre, Bellatrix se réveilla en sursaut à son tour, effrayée.
– Cissy ? murmura-t-elle d'une voix ensommeillée. Mais qu'est-ce que tu fabriques ?
Narcissa se sentit idiote, tout à coup.
– Excuse-moi, je... Je venais seulement vérifier que tout allait bien.
– Mais... Quelle heure est-il ?
– Je ne sais pas...
Bellatrix se redressa dans son lit, agacée.
– J'ai fait un cauchemar, crut bon de dire Narcissa.
Bellatrix sembla hésiter à la congédier, puis elle lui fit signe d'approcher, et Narcissa vint s'asseoir à côté d'elle. Dans le grand lit, dans leurs longues chemises blanche et noire, les deux sœurs étaient pâles, leurs visages émaciés, leurs chevelures défaites.
– Tiens, prends ça, lui dit Bellatrix en lui tendant une couverture. Tu as froid.
– Merci, dit Narcissa en se lovant dans la couverture de laine. Tu sais... Je m'inquiète pour Regulus.
Bellatrix eut un mouvement courroucé : elle ne voulait plus entendre parler de leur cousin. Après son départ, une semaine plus tôt, Voldemort avait accusé Bellatrix de l'avoir aidé à s'enfuir, et elle avait eu beaucoup de mal à s'en défendre.
– Regulus est parti, décréta sèchement Bellatrix. Il nous a lâchement abandonnées, et nous ne devons plus nous soucier de lui.
BOUM-BOUM-BOUM !
Trois coups sourds et vibrants, provenant du rez-de-chaussée, interrompirent leur échange. Dans un sursaut, Narcissa serra Bellatrix contre elle de toutes ses forces, et elle la sentit nettement tressaillir contre elle quand la voix déchirante d'Orion retentit dans le domaine assoupi :
– OUVREZ ! hurlait-il à pleins poumons. VITE ! Par le ciel, au nom de tous nos défunts ancêtres, OUVREZ-MOI CETTE MAUDITE PORTE !
En reconnaissant la voix de son oncle, Narcissa eut l'impression de se liquéfier. Orion savait pertinemment ce qu'il risquait s'il s'aventurait sur le domaine des Mangemorts, lui qui était considéré comme un traître depuis qu'Abraxas l'avait accusé de vouloir les empoisonner. La présence d'Orion et toute la détresse contenue dans sa voix ne pouvaient signifier qu'une chose : Regulus était en danger. Bellatrix, elle aussi, fit immédiatement le lien entre leur visiteur nocturne et leur petit cousin.
– Reggie, chuchota-t-elle.
Les deux sœurs se levèrent d'un bond, envoyant valser les couvertures, et s'élancèrent dans le couloir, puis dans les escaliers. Au rez-de-chaussée, elles ouvrirent la porte d'entrée, et les cris d'Orion s'engouffrèrent aussitôt dans le manoir.
– Mon fils ! Mon dernier fils... Disparu, volatilisé...
– Silence, enfin ! lui ordonna Narcissa, furieuse et effrayée. Où avez-vous la tête ? Si vous réveillez Abraxas, je ne donne pas cher de votre peau !
En entendant le nom d'Abraxas, Orion consentit à cesser de hurler, et se laissa guider par Narcissa jusqu'au grand salon, où elle le força à s'asseoir sur le canapé de cuir. À leur approche, un grand feu s'alluma dans l'immense cheminée de marbre, mais cela ne leur apporta aucun réconfort.
– Dis-nous ce qu'il s'est passé, le pressa Bellatrix, tout aussi inquiète.
Orion les regarda l'une après l'autre, toujours affolé.
– Regulus... a disparu, résuma-t-il laborieusement. Il est parti dans la nuit... Et il n'est pas revenu...
– Parti ? Mais où donc ?
– Je ne sais pas... Je ne sais plus... Kreattur est devenu fou, se lamenta Orion.
– Kreattur est encore vivant ?
– Oui, il a survécu... Nous l'avons sauvé, malgré ce que le Seigneur des Ténèbres lui a fait...
– Personne ne doit l'apprendre, coupa Narcissa. Ne le dites à personne en dehors de nous !
Orion acquiesça, et Narcissa lui fit signe de continuer.
– Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, gémit Orion. Kreattur nous a réveillés au beau milieu de la nuit... Il hurlait, il se frappait au visage avec tous les objets qui lui passait sous la main, il a même voulu se plonger tout entier dans notre feu de cheminée ! Walburga a été obligée de le retenir... Et nous avons découvert que Regulus avait disparu... Il a laissé un mot d'adieu... Tenez, le voici...
Fébrile, Narcissa défroissa le parchemin que leur tendait Orion. De son écriture soignée, Regulus y avait inscrit ces quelques mots :
À ceux que j'ai aimés : à l'heure où j'écris cette lettre, j'ignore si je vous reverrai un jour.
Quoiqu'il arrive, ne cherchez pas à me retrouver. Si d'aventure je ne reviens pas, ne me plaignez pas : j'ai accompli ce qui était juste, et cela me remplit d'un nouveau courage. Je vous souhaite à tous de connaître ce sentiment.
Je vous embrasse tendrement et promets de veiller sur vous, où que je sois.
Regulus
– Oh, Reggie, laissa échapper Bellatrix, mortifiée.
– Il n'a rien laissé d'autre ? demanda Narcissa.
– Si... Une lettre pour Dumbledore, mais elle est impossible à ouvrir.
– Dumbledore ! s'indigna Bellatrix. Pourquoi lui ?
– Peu importe, coupa Narcissa. Orion, vers où est parti Regulus ? Où Kreattur l'a-t-il emmené ?
– Je n'en sais rien ! s'énerva Orion. Ce maudit elfe n'est pas en état de nous dire quoi que ce soit... Oh, misère, il est arrivé malheur à Regulus, je le crains...
Il se jeta à genoux sur le tapis, et s'agrippa aux longues chemises de Bellatrix et de Narcissa.
– Mes petites nièces, geignit Orion. Vous êtes la seule famille qui nous reste... Par pitié, aidez-nous ! Aidez-moi à retrouver mon fils !
– Allons au square Grimmaurd, trancha Narcissa en s'écartant d'Orion. Nous pourrons peut-être...
Elle s'interrompit en voyant la porte du salon s'ouvrir. Dans l'encadrement de celle-ci se tenait Abraxas, vêtu d'une longue robe de chambre de couleur noire, brodée de fils d'argent ; et Lucius entra à sa suite, visiblement préoccupé.
– Narcissa ? Orion ? Qu'est-ce que...
– Tiens tiens, dit Abraxas avec un sourire cruel. J'ai cru reconnaître ta voix, Orion, mais je l'avoue, je n'arrivais pas à croire que tu serais assez imprudent pour nous rendre visite. Toi qui es un expert en la matière, tu n'as même pas remarqué que les Sortilèges de Protection avaient été modifiés pour vous laisser passer, toi ou ton fils, au cas où vous tenteriez de nouveau de nous dérober quelque chose ?
Orion regarda au-dehors, hésitant à s'enfuir immédiatement.
– N'y songe pas, ricana Abraxas. Dès l'instant où tu as franchi les limites du domaine, les sortilèges se sont verrouillés. Si tu essayais de nouveau de les franchir, tu serais foudroyé comme ces malheureux Aurors qui ont essayé de s'approcher, dernièrement... Alors, d'après les quelques cris que j'ai entendus, ton fils a disparu ? Et tu as cru bon de venir ici pour quémander notre aide ?
Tout en parlant, Abraxas se plaça devant l'immense cheminée de marbre, leur bloquant ainsi le passage. Lucius, lui, interrogea Narcissa du regard, mais elle était trop catastrophée pour lui répondre.
– Écartez-vous, ordonna Bellatrix à Abraxas en levant sa baguette.
Mais le vieil homme n'en fit rien, se contentant de la toiser avec dédain.
– Compte tenu de votre affection pour votre cher cousin, j'imagine que vous vous alliez toutes les deux partir à sa recherche ? devina-t-il. Réfléchissez un instant, je vous prie... Je vous rappelle que vous vous apprêtez à venir en aide à des traîtres de la pire espèce. Orion, ton fils a été banni des Mangemorts, et tu t'es toi-même pitoyablement enfui, la dernière fois, au lieu d'assumer la responsabilité de tes actes ! Si tu veux mon avis, ton fils est déjà mort, et tu ne vas pas tarder à subir le même sort. Nous devrions t'exécuter sur-le-champ. Et d'ailleurs...
Il fit un mouvement souple du poignet, et la baguette d'Orion fut projetée dans les airs et roula sur le tapis, à plusieurs mètres de là ; mais Orion ne le remarqua même pas, horrifié par la supposition qu'Abraxas venait de faire.
– Mon fils, gémit-il. Regulus... Non, c'est impossible...
– Nous devons y aller, insista Narcissa. Nous devons les aider.
– Je vous le défends, protesta froidement Abraxas.
– Il s'agit de notre famille !
– Il s'agit surtout de traîtrise. Orion et Regulus en savaient déjà bien trop pour être épargnés ! Et je déplorais justement que nous ayons abandonné leur poursuite aussi vite, dit Abraxas en fusillant Lucius du regard.
– Nous prenons le risque, rétorqua Bellatrix.
Elle leva sa baguette vers le vieil homme, prête à le neutraliser, mais Lucius s'interposa aussitôt.
– Je t'interdis de t'attaquer à mon père, Bellatrix, dit-il froidement. Dois-je te rappeler que tu es ici chez nous ?
– Nous partons à la recherche de Reggie, et vous ne pourrez pas nous en empêcher, répéta Bellatrix avec force. J'en répondrai au Seigneur des Ténèbres, s'il le faut !
Droit comme une perche, Abraxas Malefoy ne fut pas impressionné par le ton bravache de Bellatrix. Au contraire, ses yeux pâles et glacés se plissèrent comme deux fentes, et un sourire dédaigneux étira ses lèvres incolores.
– Qu'à cela ne tienne, déclara-t-il.
D'un geste vif, il s'empara du bras gauche de Lucius, qui se trouvait à côté de lui, et enfonça impitoyablement ses ongles blanchâtres dans la Marque des Ténèbres. Lucius se dégagea vivement, mais la Marque apparaissait déjà plus nette sur son bras, comme sur celui de Bellatrix.
– Non ! s'écria Orion, qui se savait déjà perdu.
– Voyons ce que le Seigneur des Ténèbres pense de tout ceci, ricana Abraxas Malefoy en regardant autour de lui.
L'effet fut presque immédiat. Un souffle de vent glacial balaya l'ensemble de la pièce, bien qu'aucune fenêtre n'ait été ouverte. Les torches et le lustre s'éteignirent dans un grésillement plaintif, et le feu qui brûlait dans la grande cheminée de marbre connut le même sort, plongeant le grand salon dans l'obscurité la plus totale.
Des sifflements sinistres, reptiliens, semblables à des frissons, parcoururent le sol, les murs et le plafond ; puis ils convergèrent vers le centre de la pièce. Là, deux yeux rouges aux pupilles verticales se découpèrent dans la pénombre ; l'instant d'après, les lumières se rallumèrent et révélèrent la présence de la silhouette élancée et menaçante de Lord Voldemort, enveloppée dans un grand vêtement noir.
– J'espère que vous avez une bonne raison de m'importuner, dit-il d'une voix sifflante en avançant vers eux de son pas souple et silencieux.
– La voici, Maître, dit Abraxas Malefoy en désignant Orion du menton.
Ce dernier était agenouillé sur le sol, le visage défait par le désespoir. Voldemort le considéra d'un œil moqueur et méprisant, puis il émit quelques éclats de rire à glacer le sang.
– Te voilà donc de retour, Orion, commenta-t-il. As-tu ressenti l'envie soudaine de te repentir ?
– Non, pas la moindre, répondit Abraxas Malefoy à sa place. Voyez-vous, Maître, le motif de sa visite est tout autre : son fils a mystérieusement disparu, et il comptait naturellement sur nous pour l'aider à le retrouver.
– Son fils, répéta Voldemort.
– Oui, le seul qu'il considère encore comme tel... Regulus, donc.
Les yeux de Voldemort rougeoyèrent un peu plus intensément.
– Si je vous ai fait venir, poursuivit Abraxas Malefoy, c'est parce que ma chère belle-fille et sa sœur aînée, ici présentes, croyaient bons de partir immédiatement à sa recherche, afin de lui porter secours... Oubliant ainsi la traîtrise de ce dernier, et le danger que représentait un tel acte.
– Espèce d'infâme crapule, cracha Bellatrix. Vous n'avez même pas la preuve qu'il essayait de nous empoisonner !
– Leur désertion a fait office de preuve ! éructa Abraxas en frappant le sol de sa canne. Et si Orion et Regulus se servaient de votre affection naïve pour vous tendre un piège ?
– Reggie ne ferait jamais ça ! protesta Bellatrix.
– Et si une armée d'Aurors vous attendaient au square Grimmaurd ? poursuivit Abraxas, implacable. Le Seigneur des Ténèbres perdrait son plus fidèle lieutenant, et moi, une admirable belle-fille...
Un rictus ironique étira furtivement ses traits, qui retrouvèrent aussitôt leur froideur polaire.
– Craignant pour leur sécurité, j'ai désespérément tenté de les retenir, mais leur manque de discernement les empêchait d'entendre raison. Et je n'ai pas trouvé d'autre solution immédiate que celle de vous avertir de cette folie, conclut Abraxas en se tournant vers Voldemort.
Celui-ci l'avait écouté attentivement, parfaitement impassible.
– Orion, comment as-tu constaté la disparition de Regulus ? Et pourquoi cette absence t'inquiète-t-elle autant ?
Depuis l'apparition de Voldemort, Orion n'avait pas prononcé un mot. Son regard affolé allait sans cesse d'Abraxas à Voldemort, puis de Voldemort à Abraxas. Narcissa songea qu'il devait se souvenir, non sans regret, de la fois où il avait provoqué Abraxas en insinuant qu'elle-même n'était pas la fille de Cygnus Black, mais d'un Sang-de-Bourbe que sa mère avait à peine fréquenté... Car c'était bien ce soir-là qu'Abraxas avait juré d'obtenir sa perte – et quoi de plus dangereux que d'avoir un tel homme comme ennemi ?
Un instant, Narcissa craignit qu'Orion ne réitère ses accusations insensées devant Lucius ; mais il ne semblait pas en mesure de prononcer le moindre mot. Quant à Abraxas, le poing serré sur le pommeau argenté de sa canne, il semblait avoir pris la ferme résolution d'obtenir la mort d'Orion sur-le-champ.
Inquiet, Lucius s'était éloigné de son père pour se rapprocher de Narcissa. Lorsqu'il fut suffisamment proche d'elle, il lui prit la main, et d'un regard, il la supplia de ne plus intervenir.
– Regulus a disparu, répéta Orion, hébété. Il a disparu... Je ne sais pas où il est...
– Je n'ai rien réussi à obtenir de plus, indiqua Abraxas à Voldemort. Maître, si je peux me permettre... Ce serait le moment idéal pour essayer ce que Lucius a confectionné pour vous.
Voldemort réfléchit quelques instants, puis hocha la tête.
– Tu as raison, mon ami... Lucius, aurais-tu l'amabilité... ?
À regret, Lucius lâcha la main de Narcissa, sous le regard furieux d'Abraxas ; et il sortit de la pièce pour aller chercher ce que réclamait Voldemort, laissant derrière lui un silence absolu. Même le bruissement du domaine alentours et le clapotis du lac s'étaient évanouis dans le lointain.
Abraxas, le premier, fit quelques pas jusqu'au large fauteuil qui trônait près de la grande cheminée de marbre. Il s'y assit en poussant un soupir d'aise, et, tenant Bellatrix, Narcissa et Orion sous son regard, il croisa les mains sur sa canne au pommeau d'argent et leur adressa un sourire triomphant, manifestement très content de lui.
– Finalement, je ne regrette pas d'être sorti de mon lit, déclara-t-il. Je suis curieux de savoir dans quel état se trouve notre ami Regulus...
Ces mots glacèrent tous les autres. Les secondes s'étirèrent, silencieuses, suspendues, interminables. Debout à mi-chemin entre Abraxas et Orion, Narcissa avait l'esprit confus, et se gardait bien d'y remédier – ce qui se passait était bien trop horrible pour être observé avec lucidité.
Lorsque Lucius réapparut, il tenait dans ses mains un parchemin que Voldemort et Abraxas regardaient avec avidité. Lucius étala le parchemin devant Voldemort, qui l'effleura de ses longs doigts effilés.
– Bien, très bien, murmura-t-il. Elle est superbe... Tu as fait du beau travail, Lucius, je te félicite... Elle est donc prête à l'emploi ?
– Elle l'est, assura Lucius.
– C'est... une Carte des Ennemis ? demanda Bellatrix.
– En effet, confirma Voldemort. Comme tu le vois, Bellatrix, je peux compter sur l'ingéniosité de Lucius pour me fournir de nouvelles armes.
Bellatrix pâlit en entendant Voldemort s'adresser à elle sur un ton aussi lourd de sous-entendus.
– La Carte va nous dire où se trouve Regulus ? demanda Narcissa en s'approchant.
– Oui, s'il est encore en vie, confirma Lucius sans parvenir à masquer sa fierté. C'est un objet très puissant, très difficile à réaliser... J'y travaille depuis trois ans. Tenez, Maître...
Il tendit à Voldemort une plume de corbeau, noire comme la nuit ; puis il fit apparaître une bouteille d'encre qui se mit à flotter dans les airs devant Voldemort. Narcissa se plaça à côté de Lucius pour examiner l'objet : il s'agissait d'un grand parchemin couvert de runes d'une extrême complexité. Au milieu de ces anciens caractères et de symboles inquiétants, un espace persistait pour écrire quelque chose – le nom de la personne recherchée. Voldemort prit délicatement la plume et y inscrivit le nom de Regulus.
– Et maintenant ? demanda-t-il à Lucius.
Lucius sortit sa baguette, la pointa sur la carte et prononça plusieurs formules dans une langue ancienne. Lorsqu'il eut terminé, les runes s'animèrent sur le parchemin : elles se déformèrent, se déplacèrent sur le papier à la manière de minuscules serpents, convergèrent vers le nom de Regulus comme si elles voulaient le dévorer, et se rassemblèrent au centre du parchemin pour ne former qu'un cercle obscur, semblable à un gouffre.
Sans laisser à Narcissa le temps de se demander ce qui arriverait si Voldemort parvenait à localiser Regulus, le cercle se dissolut brutalement et les runes formèrent un nouveau symbole terrifiant qui envahit tout l'espace du parchemin. En voyant cela, Lucius eut un mouvement de recul ; Abraxas sourit discrètement ; et même si Voldemort resta impassible, ses pupilles flamboyèrent intensément.
– Qu'est-ce que...
D'une forte pression sur son poignet, Lucius fit taire Narcissa ; et à l'expression choquée de son mari, elle sut que le pire était arrivé.
– Voilà une bonne nouvelle, dit Voldemort, le visage étiré par un sourire malfaisant. Cette Carte fonctionne à merveille.
– Vous l'avez retrouvé ? demanda Orion en se précipitant vers eux de sa démarche asymétrique. Vous avez retrouvé mon garçon ?
Bellatrix s'approcha également, et Narcissa sentit son cœur accélérer la cadence.
– Où est-il ? Où est Regulus ?
– Il va bien, n'est-ce pas ?
Enchanté, Voldemort regarda tour à tour Bellatrix et Orion, qui se tenaient face à lui, et sembla se demander lequel des deux allait souffrir le plus en apprenant la nouvelle.
– Vous allez me dire où est mon fils ! tempêta Orion.
Voldemort sourit encore un peu plus largement.
– Ton fils est bel et bien mort, Orion, déclara-t-il. Son âme a quitté cette terre il y a quelques heures, tout au plus... Et après avoir enduré de terribles souffrances, si j'en crois cette Carte.
Narcissa ferma les yeux. Elle avait beau l'avoir soupçonné, tout cela était impossible, inimaginable, absolument inconcevable. Ce qu'elle venait d'entendre ne pouvait pas être réel. Non, dans quelques instants, Regulus allait frapper à la porte, le sourire aux lèvres, il leur dirait qu'ils avaient eu tort de s'inquiéter pour lui, que tout allait bien... Et tout allait véritablement bien, Regulus ne pouvait pas... Il ne pouvait pas être...
Le mot flottait dans son esprit, mais refusait catégoriquement de s'associer avec le prénom de son cousin, tout comme le symbole terrifiant qui avait fait tressaillir Lucius ne pouvait pas signifier que Regulus avait perdu la vie...
– Vous l'avez tué, murmura Orion.
Son visage décomposé avait perdu toute trace de sa hargne habituelle, qui avait laissé place à une stupeur absolue. Ses yeux hagards allaient de la Carte à Voldemort, puis se reposaient à nouveau sur la Carte.
– Je n'en ai pas eu besoin, se réjouit Voldemort. J'ignore comment ton fils a trouvé la mort, j'ignore à quel endroit, et à vrai dire, cela m'importe peu. Peut-être certains de mes serviteurs l'ont-ils attrapé, que sais-je ? Je leur poserai la question lorsque j'en aurai l'occasion, mais je crains que tu ne sois pas là pour entendre la réponse.
– C'est impossible, dit Bellatrix d'une voix faible.
– Mets-tu ma parole en doute, Bellatrix ?
Il attendit quelques instants une réponse qui ne vint pas. Lorsqu'il prit la parole, sa voix contenait une colère froide, terrifiante.
– Écoutez-moi tous, dit Voldemort. Écoutez-moi bien. Vous pensez que je suis en colère contre Regulus ? Vous vous trompez. Je suis en colère contre vous, qui êtes surpris de cet événement ! Il y a quelque temps, Regulus a changé de camp. C’est dommage, je vous l’accorde, il aurait pu nous être utile ; mais peu importe, car cela se reproduira, sans aucun doute. Alors avant de faire la même lamentable erreur, retenez bien ceci : tout le monde, tous ceux que vous connaissez, ou croyez connaître, vous trahiront un jour ou l’autre. Pour me servir correctement, vous devez endurcir votre cœur, et en bannir toute affection ; car toute faiblesse, de quelque nature qu’elle soit, vous expose à de terribles erreurs de jugement, telle que celle que vous venez tous de commettre en sous-estimant le danger que représentaient Orion et son fils !
Orion, Bellatrix et Narcissa l'écoutaient parler comme s'ils étaient pétrifiés ; Abraxas Malefoy observait Orion avec un petit sourire satisfait, et Lucius flottait entre la victoire de son père et le désarroi de son épouse.
– Vous êtes... un monstre, articula difficilement Orion. Il est mort à cause de vous !
– Oh non, je ne crois pas, Orion, répondit Voldemort en contournant la Carte pour s'avancer vers lui. Au contraire, c'est toi qui me l'as présenté. Et à ce propos, j'ai de bonnes raisons de t'en vouloir. Tu as introduit un traître dans notre camp, et s'il avait su être plus intelligent, il aurait pu me causer beaucoup de tort.
Voldemort attendit qu'Orion se défende, mais celui-ci n'en avait pas la force.
– Tu ne m'es plus d'aucune utilité, désormais, poursuivit Voldemort. Je te remercie pour tes loyaux services, mais je ne veux pas que mes fidèles se croient autorisés à commettre la même erreur que toi... Il faut que je te supprime. Tu aurais fait la même chose à ma place, n'est-ce pas ?
Orion tressaillit soudain, et se tourna vers les différentes portes de sortie. Mais au même instant, Abraxas Malefoy décrivit un large cercle de sa baguette : chaque porte se ferma violemment, et on entendit plusieurs déclics métalliques, leur signifiant que toutes les issues étaient closes. Orion porta la main à sa hanche, voulant saisir sa baguette ; et, horrifié, il se souvint qu'Abraxas l'avait désarmé quelques minutes plus tôt.
Voldemort remercia Abraxas du regard et leva lentement sa baguette vers Orion. Sa respiration était ample et calme. Le spectacle de ce petit homme boiteux, recroquevillé sur le tapis en le suppliant de l'épargner, et le fait que tous les regards étaient suspendus à son geste lui procuraient un plaisir certain, qu'il prit le temps de savourer.
Alors que ses lèvres s'entrouvraient pour prononcer la formule fatidique, il se ravisa.
– Bellatrix ?
La jeune femme leva son visage inexpressif vers Voldemort. Ses yeux gris, habituellement remplis d'adoration à son égard, s'étaient vidés de toute lueur d'espoir.
– Penses-tu que cela te redonnerait le sourire ? dit Voldemort avec un geste galant.
La perspective d'un meurtre aurait dû la galvaniser, mais Bellatrix était éteinte.
– Me redonner le sourire, répéta-t-elle mécaniquement.
Orion, voyant dans l'hésitation de Bellatrix une issue de secours potentielle, alla se placer derrière elle.
– Pas moi, supplia-t-il. Pas ton oncle, Bellatrix, je t'en prie... Regulus ne voudrait pas ça...
– Bellatrix ? insista Voldemort avec agacement.
Bellatrix cilla. Elle sembla seulement réaliser que Voldemort lui parlait, et se dégagea d'Orion qui s'agrippait à sa longue chemise de nuit, un peu désorientée.
– Fais-le, dit Voldemort.
Bellatrix baissa la tête vers Orion qui se prosternait à ses pieds. Sa respiration était hachée, désordonnée, et son corps entier tremblait.
– Non... Non, dit-elle d'une voix hésitante.
Orion leva les yeux vers elle, n'osant la croire.
– Non, répéta-t-elle, la voix un peu plus assurée, en se tournant vers Voldemort. Non, je ne veux pas le faire.
Orion était bouche bée, tétanisé par la surprise.
– Je vous le demande, continua Bellatrix. Ne faites pas de mal à mon oncle... S'il vous plaît.
Poussée par une impulsion soudaine, Narcissa se détacha de Lucius et marcha droit vers Bellatrix. Elle se plaça à côté de sa sœur en lui tenant fermement les mains.
– Tu as raison, lui dit-elle en hochant la tête.
Narcissa n'avait absolument aucune envie d'épargner Orion, mais il y avait bien plus important à ses yeux : Bellatrix venait de contredire Voldemort. Pour la toute première fois, elle était prête à lui désobéir, à lui résister, à s'arracher à la toute-puissance qu'il exerçait sur elle. Il fallait absolument lui donner raison, à n'importe quel prix, la soutenir dans ce choix, la raccrocher au peu de lucidité que Regulus avait réussi à conserver en elle.
Voldemort ne voyait évidemment pas les choses de cette manière. Il toisait les deux sœurs Black de toute sa hauteur, et plissait les yeux avec méchanceté.
Ses lèvres tressaillirent à plusieurs reprises, comme s'il allait parler. Il semblait hésiter entre plusieurs attitudes, et passait de l'une à l'autre en une fraction de secondes. Non loin de lui, Lucius était livide, et gardait sa main crispée sur sa baguette, prêt à intervenir.
Au bout d'un moment interminable, Voldemort opta pour une réaction des plus surprenantes. Un rictus ironique surgit sur son visage, et il éclata de rire.
– Toi, Bellatrix ? Tu veux le défendre, tu en es sûre ?
– Oui, affirma Bellatrix. C'est... ce que Regulus voudrait. Et même s'il a commis des erreurs, même s'il a essayé de vous nuire... Il était si jeune, Maître, je vous en supplie... Je vous demande de leur pardonner, à lui et à son père.
Voldemort rit à nouveau. Il semblait ne jamais avoir entendu quelque chose d'aussi comique.
– Comme c'est touchant, dit-il d'une voix caressante. Comme vous êtes naïves, toutes les deux... Défendre votre oncle, celui qui est à l'origine de tous vos malheurs, vraiment, c'est trop drôle...
– Ce n'est pas lui qui est à l'origine de nos malheurs, c'est VOUS ! explosa soudain Narcissa. C'est vous qui avez décidé de faire du mal à Kreattur ! C'est à cause de vous si Regulus nous a quittés, et s'il est...
Le mot mourut sur ses lèvres. Le rire de Voldemort redoubla d'intensité, faisant tinter les cristaux du splendide lustre suspendu au-dessus d'eux. Puis il jeta un coup d'œil à l'horloge suspendue au mur, ornementée de serpents et de dragons.
– Je me donne cinq minutes, dit-il avec un amusement cruel. Cinq minutes, oui, ce sera amplement suffisant...
– Suffisant pour quoi ? demanda Narcissa avec hargne, ignorant le regard de Lucius qui la suppliait de se taire.
– Pour vous prouver que vous avez tort, répondit Voldemort.
Il cessa de les regarder, leur tourna le dos, et fit quelques pas sur le tapis, pensif.
– Ça y est, j'y suis, dit-il d'une voix sifflante après avoir fait un tour sur lui-même.
Narcissa échangea un regard perplexe avec Bellatrix, puis avec Lucius : mais aucun d'eux ne semblait savoir de quoi il retournait.
– Dis-moi un peu, ma chère Bellatrix... Peut-être te souviens-tu de notre première rencontre ?
En l'espace de quelques secondes, il était devenu tout à fait prévenant et délicat. Bellatrix jeta un regard circulaire autour d'elle, un peu désarçonnée.
– Oui, je me souviens, dit-elle finalement. J'avais quinze ans, et nous devions trouver de l'argent pour acheter une baguette à Cissy. C'est pourquoi je me suis rendue chez Barjow et Beurk... Où je vous ai rencontré.
– Exactement, confirma Voldemort avec joie. J'ai un souvenir très précis de ce jour-là... Et de l'objet que tu avais dans les mains.
– Le Coffret du Sorcier au Cœur Velu, compléta mécaniquement Bellatrix.
Elle avait parlé d'une voix neutre, avec une distance étonnante. Le choc qu'elle avait reçu en apprenant la mort de Regulus semblait l'avoir rendue momentanément plus froide, plus droite, moins vulnérable aux stratagèmes de Lord Voldemort. Elle se préparait sans doute à l'argumentaire persuasif auquel il s'apprêtait à la soumettre ; et on devinait, à ses mains crispées sur celles de Narcissa, à quel point cette résistance lui coûtait.
Narcissa s'attendait à voir Voldemort rappeler à sa sœur aînée les raisons pour lesquelles elle l'avait adoré et vénéré pendant toutes ses années, mais à sa grande surprise, Voldemort se mit à parler de tout autre chose.
– Précisément, dit-il. Le Coffret du Sorcier au Cœur Velu... Une relique d'une puissance extraordinaire, capable de maudire une personne pour l'éternité, et de sceller son destin à tout jamais... Pourvu qu'on y place un objet qui lui ait appartenu. Une relique, donc, dont je connaissais l'existence, et que je convoitais ardemment, mais dont j'ignorais le possesseur...
Une pointe d'amertume transparut furtivement dans sa voix. Narcissa grimaça à la mention du coffret : elle ne se souvenait que trop bien de la châsse en cristal que Bellatrix avait extirpé du plancher de la chambre de leur oncle, et de ce que Bellatrix en avait dit : Pour détruire une personne, il faut placer dans le coffret un objet lui appartenant, et elle sera maudite jusqu'à ce que mort s'ensuive... Et en effet, Narcissa se souvenait tout aussi bien de l'aura de malfaisance pure qui irradiait du coffret, de la cruauté et de la haine qui semblaient suinter du fermoir. Un fermoir couvert de marques brûlées, traces des puissants sortilèges destinés à le faire céder. Et enfin, Narcissa se souvenait de l'expression amusée de Bellatrix lorsqu'elle avait entendu quelque chose tinter à l'intérieur, et en avait déduit qu'Orion s'était fait rouler en achetant un coffret déjà rempli et verrouillé, strictement impossible à ouvrir...
Alors qu'elle flottait vers de lointains souvenirs, Voldemort reprit son récit :
– Et j'ai naïvement cru que mon heure était venue, le jour où notre chère Bellatrix s'est présentée dans la boutique où j'avais mes habitudes, tenant fièrement l'objet de tous mes désirs... Barjow lui a d'ailleurs proposé un prix absolument dérisoire, si on considère la valeur réelle de l'objet. Malheureusement, alors que j'étais sur le point de m'en emparer, un Auror qui avait aperçu Bellatrix dans l'Allée des Embrumes a perquisitionné la boutique et a mis la main sur ce précieux coffret...
– Pourquoi nous raconter tout ça ? s'impatienta Narcissa. En quoi cela devrait-il nous intéresser ?
Voldemort lui adressa un sourire cruellement amusé.
– Écoute encore ceci... Tu ne seras pas déçue, ma chère Narcissa, je t'en fais la promesse. Ce coffret, ou cette châsse, comme certains préfèrent l'appeler, a donc été entreposé au Ministère, sous bonne garde. J'ai pris mon mal en patience, et ensorcelé plusieurs employés du Ministère dans le but de le récupérer, mais en vain... Plusieurs années se sont ainsi écoulées, jusqu'à un jour maudit, où l'homme que je faisais chanter est venu me trouver pour se répandre en excuses : le coffret s'était ouvert plusieurs mois auparavant, et les Briseurs de sorts les plus renommés du pays s'étaient immédiatement précipités pour le détruire, sans que cet imbécile ne soit parvenu à me le procurer – il en a d'ailleurs payé le prix... Et dire que le pauvre homme pensait naïvement me satisfaire en m'apportant l'objet qu'on avait trouvé à l'intérieur du coffre.
– Et quel objet était-ce, Maître ? demanda Lucius, suspendu à ses lèvres.
Voldemort posa ses yeux incandescents sur lui.
– Un bracelet qui a sans doute été ravissant, autrefois, serti de pierres précieuses... Évidemment, en raison de la malédiction lancée sur l'objet et sur sa propriétaire, il s'est recroquevillé sur lui-même à l'intérieur de la châsse, et n'avait plus aucune valeur. Néanmoins, je l'ai conservé, et je l'ai souvent contemplé, rêvant de l'objet que j'aurais dû mettre à sa place, de quelle cible j'aurais pu choisir si j'avais été en possession ce coffret... Je me suis longtemps demandé à qui appartenait ce bijou, qui avait dû être splendide avant d'être enfermé dans l'obscurité maléfique de cette châsse en cristal. Jusqu'à ce qu'Abraxas me raconte l'histoire de ton mariage manqué, Orion, et m'apporte ainsi la réponse que je cherchais... Oh, mais peut-être veux-tu le dire toi-même à tes deux nièces ?
– J'ai regretté ! s'écria Orion. J'ai regretté... Je l'aimais tellement... Je souffrais trop, je voulais que ça s'arrête... Mais j'ai regretté, à l'instant même où je l'ai fait... J'ai voulu le rouvrir, j'ai voulu revenir en arrière... Par tous les moyens... Mais c'était impossible...
Narcissa se tourna vers Orion, qui les regardait avec un air suppliant ; et l'étau qui écrasait sa poitrine depuis quelques minutes se resserra encore davantage.
– Comme c'est pathétique, soupira Voldemort.
Avec une lenteur extrême, mesurée, il étendit son bras interminable devant lui, déploya ses doigts effilés, et dévoila, dans la paume de sa main, une pièce d'argent racornie, noircie, fragmentée...
– Ce bracelet, vous le reconnaissez peut-être ? Tenez, prenez-le, c'est à vous deux qu'il revient...
D'un geste souple, Voldemort lança le bracelet devant lui, aux pieds de Narcissa et Bellatrix. Narcissa se baissa, le cœur au bord des lèvres, et ramassa le bijou. Malgré les meurtrissures qu'il portait, elle reconnut parfaitement l'argent martelé et les petites pierres bleues qui se balançaient au poignet de sa mère, avant qu'elle n'égare ce ravissant bracelet, quelques semaines avant de tomber gravement malade. Du bout des doigts, Narcissa effleura ce qui restait du bracelet : de l'argent écrasé, broyé, sali.
Elle se tourna de nouveau vers Orion, espérant qu'il nie toutes ces accusations ; mais il avait enfoui son visage dans ses mains et se prosternait devant elles.
– Pardon, mes petites nièces, pardon...
– Je suis curieux, Orion, poursuivit Voldemort. Comment t'es-tu procuré le bracelet favori de Druella Black ? Combien de temps as-tu attendu, avant d'observer les premiers effets de l'horrible malédiction que tu avais lancé sur cette pauvre femme ? Et enfin, comment as-tu fait pour ne rien laisser paraître, alors qu'elle dépérissait dans ta propre maison, et que les guérisseurs les plus savants se succédaient à son chevet pour tenter vainement de comprendre la nature du mal qui la dévorait ?
Narcissa eut l'impression d'être aspirée dans un tourbillon d'eau glaciale. La respiration lui manquait, un poids énorme l'écrasait de tous côtés, et la lumière splendide du grand lustre qui brillait au-dessus d'elle parut se dissoudre dans l'obscurité. Elle entendit la voix de Lucius l'appeler, anormalement lointaine, et constata qu'elle avait laissé choir le bracelet de sa mère sur le sol, sans même s'en apercevoir.
– Narcissa ? Narcissa ! Attention !
Toutes ses forces l'avaient subitement abandonnée. Elle ferma les yeux, ses jambes fléchirent d'un coup, et elle se laissa basculer dans l'inconscience.
Pendant que Lucius essayait vainement de ranimer Narcissa, Bellatrix n'avait pas bougé d'un cil. Contrairement à sa petite sœur, elle était restée atrocement consciente de tout ce qu'il se passait. Elle percevait tout ce qui l'entourait avec une exactitude et une intensité insoutenables, et notamment le regard amer et déçu que Lord Voldemort dardait sur elle.
– Bellatrix, gémissait Orion, à genoux devant elle. Je t'en prie...
Le visage de Bellatrix se fermait progressivement. Ses mains étaient parcourues de petits spasmes, et ses doigts se resserraient comme un étau autour de sa baguette. Orion scruta tour à tour les différents spectateurs, les mains jointes devant lui, à la recherche du moindre soutien.
– Narcissa, ma petite nièce, implora-t-il en s'agrippant à sa cheville. Nous t'avons accueillie, jadis, souviens-toi...
– NE LA TOUCHEZ PAS ! cria Lucius en le menaçant de sa baguette. Comment osez-vous ? Encore un geste, et c'est moi qui me chargerai de vous tuer !
Orion émit un gémissement étouffé, et se tourna vers Abraxas, qui observait la scène avec le plus vif intérêt, tout en caressant amoureusement le pommeau argenté de sa canne.
– Abraxas... supplia encore Orion, presque en rampant. Mon ami...
– Tu salueras Regulus pour moi, répondit laconiquement celui-ci en guise d'adieu.
La main de Bellatrix se crispa encore un peu plus sur sa baguette.
Orion était désormais fixé, il allait mourir, c'était maintenant une évidence. Au moment où cette perspective se transformait en certitude, il fut surpris d'en ressentir un certain soulagement : c'était peut-être une issue préférable, finalement, comparée à la culpabilité écrasante d’avoir laissé son propre fils marcher droit vers la mort. Et cette pauvre Bellatrix… Le conflit qui faisait rage en elle était visible aux yeux de tous. Ses mains tremblaient, elle ne savait même plus qui elle était. Dire que c'était lui, Orion, qui l’avait encouragée à fréquenter Voldemort, et qui lui inventait des excuses lorsqu'elle le rejoignait pendant la nuit, alors qu'elle n'avait que quinze ans... Quelle ironie, tout de même...
Orion décida de lui faciliter la tâche. Qu'on en finisse, une bonne fois pour toutes.
– Tu sais, Bellatrix... Regulus t'aimait beaucoup.
Bellatrix était sur le point d'exploser de douleur. Elle pensait à Regulus, à ses yeux gris qui l'avaient toujours regardée avec admiration et bienveillance, à cette expression attentive qu'il avait lorsqu'il l'écoutait avidement raconter ses prouesses, comme si rien d'autre n'était plus important à ses yeux... Et elle pensait à sa mère, aussi, à sa tendresse infinie et à la chaleur de ses bras...
Bellatrix avait trop mal. Il fallait que quelqu'un souffre à sa place. Il fallait que quelqu'un fasse taire Orion, celui qui avait condamné sa mère à la souffrance, qui avait ruiné sa famille, qui l'avait trahie, trompée et manipulée.
– Avada Kedavra, articula-t-elle du bout des lèvres.
Un éclair de lumière verte illumina la pièce et ses dorures jusque dans ses moindres recoins, et alla frapper Orion en pleine poitrine. Puis le corps d'Orion s'affaissa lentement, et tomba sur le sol avec un son mat. Ses bras reposaient le long de son corps sans vie, et il fixait le plafond avec un léger sourire.
– Voilà ce qui vous attend, si vous ne vous montrez pas à la hauteur de la confiance que je vous accorde, déclara Voldemort.
– Cela ne se produira pas, assura sereinement Abraxas Malefoy.
De son pas souple et silencieux, Voldemort s'approcha de Bellatrix.
– Regarde-moi, ordonna-t-il.
Bellatrix n'obéit pas tout de suite. Ses yeux restaient rivés sur le corps d'Orion, sur son regard vide qui fixait le plafond et sur ses mains ouvertes qui n'arrêteraient jamais de l'implorer.
– Reggie, souffla-t-elle, absente. Oh, Reggie... Ton père... Je n'aurais pas dû...
Voldemort frémit. Il leva la main, comme pour la frapper ; mais finalement, il la posa délicatement sur son épaule.
– Écoute-moi, Bellatrix, siffla-t-il.
Mais Bellatrix ne l'entendait pas. Elle se pencha sur le corps d'Orion, et esquissa un geste pour s'agenouiller auprès de lui.
– Reggie, pardonne-moi, dit-elle d'une toute petite voix.
– Regarde-moi, espèce d'idiote !
Il la tira violemment par le bras, et elle se retrouva face à lui. Il se tenait tout près d'elle, et elle devait lever la tête pour le regarder.
– C'est bien ce que je pensais, dit Voldemort avec mépris. Ce soir, j'ai eu la confirmation d'un très mauvais pressentiment, qui me désespère depuis quelque temps : voilà plusieurs mois que ton engagement faiblit, Bellatrix.
Elle poussa une exclamation étouffée, mais Voldemort fit taire ses protestations d'un geste de la main.
– Tu as été, à tes débuts, l'élève la plus douée qu'on m'ait jamais donné d'avoir... Oh, tu sais déjà ceci, puisque je ne m'en suis jamais caché, mais j'avais de grandes espérances te concernant. Je te savais capable me suivre sur le chemin de la puissance, peut-être même de devenir mon égale...
Bellatrix frissonna. Abraxas Malefoy les observait avec amusement ; dans les bras de Lucius, Narcissa reprenait lentement ses esprits, encore peu consciente de ce qui se passait autour d'elle.
– Mais depuis plusieurs mois, et même plusieurs années, un changement s'est opéré... Tu es devenue songeuse, et la férocité si créative qui te caractérisait, et que j'admirais tant, s'est étiolée au fur et à mesure que ton cher petit cousin envahissait tout ton esprit... J'ai appris, non sans contrariété, que vous partagiez le même lit, et que votre relation allait bien au-delà d'une simple collaboration entre personnes du même rang...
Bellatrix eut un hoquet.
– Et aujourd'hui, j'ai vu les pires faiblesses en toi, Bellatrix. Le doute. La pitié. Sans parler de l'amour, ce sentiment répugnant envers lequel je t'avais si soigneusement mise en garde... Moi qui ai passé tant de temps à te former, à te préparer aux les embûches qui semaient le chemin tortueux menant à la toute-puissance... Après toutes les années que nous avons passé ensemble... Était-ce donc du temps perdu ?
– Maître, non ! supplia Bellatrix.
– Ce soir, tu as failli, Bellatrix, plus que n'importe qui auparavant. Ma déception est aussi immense que les attentes que je plaçais en toi.
Bellatrix suffoquait. Ses épaules se soulevaient par à-coups, son menton tremblait, et ses joues avaient perdu toutes leurs couleurs.
– Si un autre de mes fidèles me faisait un pareil affront, je n'aurais pas hésité à lui faire subir le même sort que les traîtres dont il prenait la défense, poursuivit Voldemort. Mais mon affection pour toi étant ce qu'elle est, voilà ce que je te propose : si tu ne te sens pas capable de continuer de combattre à mes côtés, je m'engage à te laisser partir sans poursuites. Tu peux quitter le pays, t'en aller loin d'ici, sans qu'aucun mal ne te soit fait.
Bellatrix parut alors sur le point de défaillir.
– Vous... Vous me chassez... Vous me répudiez ! Moi qui suis la plus fidèle, la plus dévouée, depuis le commencement !
– La plus fidèle, vraiment ? Après ce qu'il s'est passé ce soir, j'ai bien du mal à te croire.
– Maître... Regulus, je... Nous avons grandi ensemble... Il était si jeune...
– TU LUI CHERCHES ENCORE DES EXCUSES !
Il avait hurlé. Bellatrix secoua la tête, de plus en plus confuse.
– Non, je... Oui, c'est vrai, je me suis laissée attendrir... J'ai été faible, je me suis égarée, mais je vous promets... Je ne recommencerai plus.
– Je ne pense pas pouvoir supporter d'autres déceptions semblables te concernant, Bellatrix.
Il se détourna, et marcha vers la sortie, indifférent à Bellatrix qui le poursuivait en essayant de le retenir.
– Maître... S'il vous plaît, laissez-moi encore une petite chance...
Juste avant de sortir, Voldemort consentit à se retourner. Et après un long silence, il reprit la parole.
– Si tu choisis de rester à mes côtés, tu devras être absolument irréprochable.
Bellatrix hocha la tête avec conviction.
– Désormais, et encore plus qu'auparavant, tu devras me prouver sans relâche que ton dévouement est absolu...
– Je le ferai !
– Et surtout, je te demanderai d'oublier définitivement celui pour qui tu as faibli.
Cette fois-ci, la fougue de Bellatrix sembla vaciller.
– L'oublier...
– Comme il t'a oubliée, lui, asséna Voldemort. Si je te reprends à parler de lui, ou même à y penser, j'en déduirai que tu n'as rien retenu de ton erreur.
Il la regarda pensivement.
– Vraiment, c'est dommage... C'est cette nuit que tu aurais dû choisir, Bellatrix. C'était l'occasion ou jamais de me prouver ton engagement envers moi.
– Il y aura d'autres occasions, Maître !
– Je l'espère. En attendant... Je crois nécessaire de te retirer ce dont je t'avais confié la surveillance.
À nouveau, Bellatrix manqua de tourner de l'œil. Ses jambes faiblirent, et elle dut s'appuyer sur le mur voisin pour rester debout.
– Tu le confieras à Rodolphus Lestrange, décréta Voldemort. Un serviteur en qui j'ai pleinement confiance. Et qui possède un coffre à Gringott's, rempli du fruit de son héritage et, grâce à Hector Crabbe, admirablement défendu.
Il se tourna vers les autres, et vers Narcissa, qui s'était un peu redressée dans les bras de Lucius, et fixait toujours avec hébétude le bracelet de sa mère, tombé sur le tapis.
– Narcissa...
Elle leva ses yeux bleus et délavés vers Voldemort.
– Va au square Grimmaurd, ordonna Voldemort. Maintenant qu'Orion est mort, l'accès à la maison devrait être plus facile. Inspecte les lieux, et si tu trouves le moindre indice sur le devenir de Regulus, amène-le-moi ici. Nous nous rencontrerons à nouveau dans quelques heures.
– Maître, elle est encore sous le choc, voulut protester Lucius.
– C'est moi qui irai, bondit Bellatrix.
– Surtout pas, coupa Voldemort. Je ne voudrais pas que ce lieu te rappelle des souvenirs affectueux.
– Je...
– Je n'ai pas besoin de toi, Bellatrix. Tu peux disposer.
Il ne lui accorda pas un regard. Alors que Lucius s'apprêtait à protester de nouveau, Narcissa lui serra le bras, et lui fit signe de l'aider à se relever.
– Je vais y aller, dit-elle. Je dois y aller.
– Je viens avec toi, proposa Lucius.
– Non, Lucius, l'arrêta Voldemort. J'ai d'autres tâches à te confier.
Narcissa se leva sur ses jambes vacillantes, tout en s'appuyant sur Lucius, qui la regardait avec inquiétude. Elle ramassa le bracelet de sa mère, prit la longue cape noire que Lucius lui tendait, et s'approcha de la cheminée. Mécaniquement, elle prit une poignée de poudre de Cheminette, et le jeta dans le feu qui ronflait paisiblement. Les flammes gagnèrent en intensité, et prirent une belle couleur émeraude.
– 12, square Grimmaurd, articula Narcissa en marchant droit vers les flammes.
Elle disparut dans une explosion verte et le silence retomba.
– Lucius, préviens Karkaroff, déclara aussitôt Voldemort. Nous partirons à l'aube.
– Cette nuit, Maître ? Après ce qu'il s'est passé...
– J'ai dit, coupa sèchement Voldemort. Il est plus que temps d'entreprendre cette expédition que tu ne cesses de retarder.
– Quelle expédition...
– Je croyais t'avoir demandé de sortir, Bellatrix ?
Anéantie par une telle froideur, Bellatrix se courba, et sortit à reculons. La porte se referma sur elle, et Voldemort reporta son attention sur Abraxas et Lucius. Après l'affront fait à Bellatrix, Lucius inclina la tête avec déférence, moins enclin à discuter les ordres.
– Comme il plaira au Seigneur des Ténèbres, dit-il précipitamment.
Voldemort ne répondit pas immédiatement.
– Fais attention, Lucius... Malgré ton ingéniosité, la faiblesse semble te guetter de temps à autre. Tu as été trop conciliant avec Orion et Regulus, en abandonnant les poursuites et la surveillance de leur domicile. Sois vigilant : les intérêts et le confort de ton épouse ne doivent pas primer sur notre quête.
– J'y veillerai, Maître.
Et Voldemort disparut sous la forme d'une brume opaque qui s'exfiltra à travers les contours des fenêtres.
– Décidément, tu n'es qu'un idiot, cracha aussitôt Abraxas Malefoy à l'intention de Lucius. Heureusement que je me décarcasse pour continuer de nous attirer les faveurs du Seigneur des Ténèbres ! J'espère que tu sauras briller pendant cette expédition auprès des géants, car je ne serai plus là pour te sauver la mise... Lucius, tu m'écoutes ?
Lucius se tourna vers lui sans rien dire.
– Eh bien, ne reste pas planté là ! Va réveiller les elfes, et ordonne-leur d'enterrer cette ordure quelque part dans le fond du domaine. Et sois prêt quand le Seigneur des Ténèbres viendra te chercher !
Lucius n'eut pas l'énergie de protester, ni même de répondre. Tous ces nouveaux évènements l'avaient épuisé, d'autant plus qu'il ne savait pas exactement quoi en penser. Il se contenta de hausser les épaules et sortit à son tour.
Lorsque l'elfe Prunnas arriva dans le grand salon, encore ensommeillé, Abraxas lui ordonna d'aller lui chercher un verre de vin. Une fois servi, le vieil homme s'installa confortablement dans son fauteuil et leva sa coupe vers le corps d'Orion, qui était toujours étendu au milieu du tapis.
– À votre santé, messieurs Orion et Regulus Black, dit-il avec son habituel sourire glacé.
Et il but d'un trait le contenu de sa coupe.