Secrets de Serpentard (III) : Les Mangemorts

Chapitre 5 : Les prières de Narcissa

7247 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 24 jours

Les prières de Narcissa




Cette dispute avec Rogue renforça encore davantage le sentiment de solitude de Regulus. Au cours de sa scolarité, il avait parfois eu honte d'être ami avec un garçon aussi étrange, et a fortiori avec un fantôme comme Mimi Geignarde ; mais paradoxalement, ces deux amis embarrassants étaient aussi les seuls avec qui il avait pu parler librement de quelques-uns de ses tracas – notamment de sa rivalité avec Sirius, et des disputes incessantes de ses deux parents.

Il hésita de nombreuses fois à retourner voir Rogue, mais plusieurs choses l'en dissuadèrent. Tout d'abord, le souvenir de leur confrontation lui faisait redouter d'être de nouveau mal reçu, lui qui avait toujours eu horreur des conflits ; en outre, son père avait toujours désapprouvé sa relation avec Rogue, et ne cessait de lui recommander de s'éloigner de lui. Enfin, Regulus craignait, en renouant contact avec Rogue, d'être tenté de lui révéler certaines choses à propos des Mangemorts, ce que son père lui avait formellement interdit ; et ce dernier obstacle acheva de le convaincre de garder ses distances.

Les semaines qui précédèrent Noël, Regulus passa donc son temps à étudier à la bibliothèque, tout en entretenant des relations superficielles avec quelques élèves de Serpentard. La seule personne avec qui il avait des conversations prolongées était le professeur Slughorn ; ils pouvaient parler pendant des heures des dernières inventions en matière de potions, ou des puissants sorciers qui avaient marqué l'histoire de la magie. Regulus chérissait ces moments, où il se sentait à sa place, et où les éloges du professeur Slughorn lui faisaient oublier, pendant un temps, sa solitude et sa situation délicate. Et heureusement, le professeur ne l'interrogeait jamais sur sa famille, ni sur Voldemort – à vrai dire, il semblait même éviter soigneusement le sujet.

Regulus accueillit donc les vacances de Noël avec un mélange de soulagement et d'appréhension : certes, il échappait pour quelques jours aux questionnements et aux regards des autres élèves, mais à l'idée de retrouver sa maison sinistre, le chagrin mal dissimulé de sa mère et les reproches incessantes de son père, il sentait son estomac se nouer. Sans compter qu'il s'agissait de ses dernières vacances avant d'avoir l'âge requis pour rejoindre les Mangemorts, ce qui, même s'il n'en laissait rien paraître, l'angoissait terriblement.

Une fois arrivé au 12, square Grimmaurd, il passa donc autant de temps que possible enfermé dans sa chambre ; le plus souvent, il y discutait avec sa cousine Bellatrix, qui y avait établi ses quartiers pour quelques jours, et qui trépignait d'impatience à l'idée de le voir rejoindre les Mangemorts. Quand elle s'absentait, il restait seul, plongé dans de vieux livres de magie ; il ne sortait de sa chambre que pour prendre ses repas, tantôt en tête-à-tête avec Kreattur, tantôt avec son père ou Bellatrix – sa mère ne sortait pratiquement plus de sa chambre, et l'avait à peine salué à son arrivée.

Elle refusa même de se rendre au grand dîner de Noël organisé par les Malefoy, le soir du 24 décembre, un an jour pour jour après l'attaque du pensionnat Wimbley. Bellatrix, comme Walburga, déclina l'invitation avec dédain ; mais Orion insista pour que Regulus l'y accompagne, afin de montrer à tous que son fils était bel et bien rétabli.

Peu enclin à contrarier son père, et désireux de rattraper ses bévues de l'hiver précédent, Regulus accepta et s'apprêta avec soin : il revêtit sa plus belle cape, ses vêtements les plus élégants et fit cirer ses bottes de cuir par Kreattur.

Lorsqu'ils arrivèrent dans le hall d'entrée, ce soir-là, Regulus ne put s'empêcher d'admirer le sapin monumental qui trônait dans la pièce. Il était au moins aussi grand que celui qui occupait la Grande Salle de Poudlard, et il brillait de mille feux, couvert de guirlandes et d'étoiles argentées ; Regulus aperçut même quelques minuscules oiseaux scintillants sauter de branche en branche. À côté de Regulus, Orion sembla plutôt éprouver de la jalousie à la vue de cet arbre majestueux.

– Voilà comment ils dépensent l'argent que les Collinards leur ont confié, grommela-t-il en tirant fermement Regulus par le bras.

Ils gagnèrent le grand salon des Malefoy, où l'opulence et le raffinement atteignaient leur paroxysme. Comme à chaque fois qu'il entrait dans cette pièce, Regulus parcourut d'un regard admiratif et envieux les moulures de la pièce, les ornements, les fresques en trompe-l’œil, l'éblouissant lustre de cristal suspendu au plafond et l'immense cheminée en marbre sculpté, où crépitait un feu qui réchauffait toute la pièce ; et il ne put s'empêcher de penser que, quoiqu'en dise son père, leur maison étroite et sombre était bien loin d'égaler la splendide demeure des Malefoy.

Il observa ensuite les quelques dizaines d'invités qui se pressaient autour des plats disposés sur la grande table ouvragée, au fond de la pièce. En dehors de Vera, Fergus et Daisy Goyle, qui avaient l'interdiction formelle de quitter leur domicile, tous les Collinards étaient là : les Parkinson, les Rosier, les Flint, les Nott, les Selwyn, les Avery, les Crabbe, Edgar et Carla Goyle. Après ses quelques mois passés à Poudlard, au milieu d'élèves au teint pâle et à la mine soucieuse, Regulus fut frappé par les sourires radieux, les joues roses et les tenues resplendissantes de l'ensemble des invités. Certains d'entre eux, à en croire leurs nouveaux bijoux et leurs embonpoints généreux, semblaient même s'être enrichis depuis le début de la guerre.

Un petit attroupement s'était formé autour du canapé de cuir, près de la cheminée en marbre sculpté : plusieurs femmes s'étaient réunies autour de Juliet Parkinson, assise confortablement sur le canapé, caressant avec fierté son ventre de plus en plus rond, qui promettait l'arrivée imminente d'un enfant.

Regulus observa attentivement ce petit groupe, cherchant Narcissa du regard, mais ne la vit pas ; en revanche, dans un coin de la pièce, Lucius discutait avec enthousiasme avec Evan Rosier, Damian Nott, Balderic Parkinson, Andy Selwyn et Orpheus Flint. Parmi eux, quelques-uns avaient retroussé leurs manches, exhibant fièrement la Marque des Ténèbres tatouée sur leurs avant-bras.

En voyant tous ces jeunes hommes aussi séduisants, assurés et complices, Regulus ne put s'empêcher de les envier. Peut-être, pensa-t-il pour se rassurer, lorsqu'il serait un Mangemort à son tour, peut-être pourrait-il se joindre à eux avec confiance, se pavaner à leurs côtés, et enfin, se sentir appartenir à ce groupe si désirable... Et alors, il serait heureux, sans doute, comme Sirius l'était avec ses amis...

À côté de Regulus, Orion s'éclaircit la gorge et s'avança dans la pièce en boitillant, s'aidant de sa canne. Quelques regards se tournèrent vers eux, et Regulus s'efforça d'oublier que, la dernière fois qu'il s'était tenu devant tous ces gens dans cette pièce somptueuse, il s'était lamentablement évanoui sur le tapis.

– Orion, te voilà, dit une voix glaciale sur leur gauche.

Regulus tourna la tête et se raidit malgré lui. Confortablement assis sur un siège ouvragé, tenant sa canne au pommeau sculpté en forme de tête de serpent, Abraxas Malefoy les observait tous les deux. Regulus s'efforça de paraître confiant, mais lorsque les yeux pâles du vieil homme le parcoururent de haut en bas, un léger frisson lui parcourut l'échine.

– Je suis ravi de te voir plus vaillant que l'année dernière, petit, commenta Abraxas Malefoy avec amusement.

En jetant un coup d'œil en direction du buffet, Regulus surprit le regard narquois de quelques Mangemorts, et il sentit ses joues s'enflammer.

– Ce n'est pas ton cas, rétorqua Orion avant que Regulus ait pu ouvrir la bouche. Je m'étonne même que tu sois encore vivant ! Le Seigneur des Ténèbres n'est pas là ?

– Si tu avais été présent à la dernière réunion, je n'aurais pas eu besoin de te répondre, fit remarquer Abraxas.

– Encore aurait-il fallu que je sois convié, cracha Orion.

Regulus ignorait pourquoi les deux hommes se détestaient autant. Certes, la famille Black et la famille Malefoy entretenaient une vieille rivalité, soigneusement entretenue par des dizaines de générations de sorciers, mais jamais aucun d'entre eux ne s'étaient haïs comme Abraxas et Orion ; et depuis quelques mois, la situation était de plus en plus tendue, sans que Regulus ne sache pourquoi. Son père lui avait seulement parlé d'une dispute à la suite du départ de Sirius, sans donner plus de détails.

Quoiqu'il en soit, Regulus se sentait de plus en plus mal à l'aise. Depuis tout petit, sans doute parce que ses parents ne cessaient de se disputer, il avait une aversion pour le moindre conflit ; et cet échange était d'autant plus désagréable qu'Abraxas était en position de supériorité. Il était en train de chercher un moyen de s'en extraire lorsque les ricanements des Collinards s'évanouirent brusquement : Lucius venait de se détacher d'eux, et s'avançait vers Regulus avec un sourire chaleureux.

– Allons, mes amis, dit-il en se retournant vers les Collinards. Faisons bon accueil à notre prochaine recrue ! Pour ma part, j'ai hâte de le voir à l'œuvre. Viens avec moi, Regulus, j'aimerais prendre quelques nouvelles de Poudlard.

Il le prit par l'épaule et l'entraîna à l'écart, près d'une fenêtre ; et Regulus se laissa faire, profondément reconnaissant. Face à lui, Lucius était habillé avec élégance et apprêté avec soin, et il dégageait une aura de contrôle et d'aisance que Regulus lui avait toujours enviée.

– Où est Narcissa ? demanda Regulus dès qu'ils se furent éloignés des oreilles indiscrètes.

Il le regretta aussitôt, car Lucius s'assombrit.

– Oh, dit-il. Oui, bien sûr, Narcissa... Tu sais, Noël est toujours une période difficile pour elle... Et cette année, tout particulièrement. J'ai voulu lui changer les idées, avec cette petite fête, mais finalement... Elle a préféré se reposer dans sa chambre.

– Je vois, fit Regulus, peiné. Tu penses que je pourrai aller la saluer ?

– Bien sûr, n'hésite pas. Je pense que ta visite pourrait même lui remonter le moral... Elle en a bien besoin.

Ils échangèrent un sourire. Lucius prit ensuite des nouvelles de Rogue, de Slughorn et d'autres élèves de Serpentard, en lui demandant lesquels pourraient faire de bonnes recrues pour les Mangemorts, ou tout simplement quelles familles pourraient leur être utiles, d'une manière ou d'une autre. Regulus lui donna plusieurs noms, que Lucius nota minutieusement sur un petit carnet.

Regulus ressentit une pointe de culpabilité lorsque Lucius lui demanda des informations sur la manière dont Poudlard était défendu, et s'il avait pris connaissance de passages secrets que les Mangemorts pourraient utiliser. Regulus avait toujours redouté que Voldemort puisse s'en prendre à cette école ; aussi, il fit de son mieux pour convaincre Lucius qu'une attaque ciblée sur Poudlard serait vouée à l'échec, et que malgré sa volonté d'aider les Mangemorts, il n'avait décelé aucun moyen de les faire entrer dans l'enceinte de l'école.

À son grand soulagement, Lucius le remercia sans insister davantage.

– J'ai une dernière question, dit-il enfin. Je sais que tu as passé beaucoup de temps avec Vera Goyle, l'année dernière, et j'aimerais savoir... A-t-elle dit quelque chose...

– Non, coupa Regulus un peu trop vivement. Elle... elle n'a rien dit sur les Mangemorts, ni sur le Seigneur des Ténèbres. Elle ne partage pas vos idées, c'est vrai, mais elle n'a pas l'intention de s'opposer à vous... Elle ne voudra jamais nuire aux projets de son fils, ni aux tiens, puisque tu es le mari de Narcissa. Quant à ces attaques déjouées... Elle n'y est pour rien, j'en suis convaincu.

Lucius haussa un sourcil.

– Tu sembles attaché à elle, remarqua-t-il.

– Je suis seulement reconnaissant. Sans elle, j'aurais perdu l'usage de mon bras... Mais pour le reste, si je me permets de la défendre, c'est parce que je sais qu'il serait inutile et contre-productif de s'en prendre à elle.

Il se rendit compte qu'il avait parlé un peu trop vite, et de manière trop affirmative, trahissant ainsi son inquiétude ; mais heureusement, Lucius ne semblait pas mal intentionné.

– Ne t'en fais pas, c'est aussi mon avis, sourit-il. Je te demandais par simple précaution, mais je ne crois pas que cette vieille dame soit dangereuse.

En entendant cela, Regulus respira un peu mieux.

– Bien, j'ai fini de t'importuner, plaisanta Lucius en le ramenant vers la table ouvragée, où de nouveaux mets étaient apparus. Merci beaucoup pour ces renseignements précieux, je te laisse profiter du repas...

– Je n'ai pas très faim, avoua Regulus.

– Vraiment ? Goûte au moins les fruits de mer, nous les avons payés une fortune...

Au moment où Lucius tendait la main vers un plateau d'argent recouvert de langoustines, Evan Rosier s'approcha et le prit par le bras.

– Ton père veut que tu prononces ton discours, dit-il à voix basse. Il dit que c'est le bon moment.

Lucius regarda en direction d'Abraxas, qui l'observait avec insistance, assis un peu plus loin. Résigné, il écarta sa main du plateau d'argent, et hocha la tête.

Il s'éloigna donc de Regulus et monta sur une petite estrade proche de la cheminée. Après avoir attiré l'attention des convives, il commença par célébrer le premier anniversaire de la disparition du pensionnat Wimbley, en énumérant les exploits accomplis ce soir-là, et les bénéfices que le monde sorcier allait en tirer.

Alors qu'il vantait le coup d'éclat des Mangemorts, Regulus eut soudain très chaud ; il sentit un poids invisible lui écraser la poitrine, et ses oreilles se mirent à bourdonner. Dès que quelqu'un évoquait le pensionnat Wimbley, Regulus ne pouvait s'empêcher de repenser au massacre auquel il avait assisté. Tous les souvenirs rejaillissaient en cascade : les flammes qui dévoraient le bâtiment, les cris de terreur qu'il avait entendus, les quelques peluches calcinées qui jonchaient le sol – et surtout, surtout, le duel qui l'avait opposé à Sirius, lorsque ce dernier avait remarqué sa présence sur le champ de bataille.

Regulus tira sur son col et s'épongea discrètement le front. Au loin, Lucius levait son verre avec fierté, un sourire insolent sur les lèvres ; les autres Collinards l'imitaient, radieux ; tous l'applaudissaient, leurs lèvres remuaient, mais leurs visages étaient flous, et leurs paroles étaient comme assourdies.

À l'inverse, dès que Regulus fermait les yeux, c'était comme si Sirius se trouvait de nouveau face à lui, bien plus réel que tous les Collinards qui l'entouraient, tant le souvenir de leur confrontation était vif. Le regard que son frère lui avait lancé, plein de colère et de pitié, semblait le transpercer de nouveau, et ses cris de rage résonnaient de nouveau à ses oreilles...

Je ne reviendrai plus jamais, tu m'entends ? Vous me débectez tous ! Et toi le premier ! Je ne veux plus vous voir, PLUS JAMAIS...

De peur que quelqu'un ne remarque son inconfort, Regulus décida de se soustraire discrètement de l'assemblée. Il longea donc la table ouvragée, atteignit le fond de la pièce, s'engouffra dans un couloir et s'éloigna le plus vite possible des souvenirs de cette humiliante confrontation.

Une fois seul, il respira un peu mieux ; mais alors qu'il regardait derrière lui pour s'assurer qu'il n'était pas suivi, une silhouette massive fondit sur lui. Il bondit en arrière et s'empara vivement de sa baguette, prêt à se défendre, mais l'homme qui s'approchait n'était pas menaçant : il s'agissait d'Edgar Goyle, qui était très pâle et tremblait comme une feuille, visiblement terrorisé.

Sans prendre la peine de saluer Regulus, il sortit de sa poche deux enveloppes parcheminées :

– Je t'ai suivi, dit-il anxieusement. Ma mère m'a dit de te donner ça... Je sais, je ne devrais pas... Mais elle m'y a obligé. Prends ça, et n'en parle à personne... Il y a aussi celle pour Narcissa, tu lui donneras, ce sera plus discret. Vite, cache-les !

Il lui fourra les deux enveloppes dans la main, et s'en alla sans demander son reste. Regulus le regarda s'éloigner, perplexe ; puis il baissa les yeux vers les deux enveloppes. L'une d'elle portait son prénom, inscrit à l'encre vert émeraude, de cette écriture ronde que Regulus affectionnait tant ; voyant cela, il ne put s'empêcher de sourire. Après s'être assuré que personne ne l'observait, il s'empressa de décacheter l'enveloppe, et se précipita sous l'une des lampes qui éclairaient le couloir, impatient de lire la lettre que Vera lui avait adressée.

Mon cher Regulus,

Si cette lettre te parvient, c'est que mon fils a mené à bien sa mission, et je m'en réjouis ! J'aurais aimé te dire tout cela de vive voix, mais Carla se montre de moins en moins indulgente avec nous. En effet, dans les mois qui ont suivi l'attaque du pensionnat Wimbley, elle acceptait tout juste que je te rende visite pour soigner ta blessure, par peur de contrarier ta mère ; mais depuis que cette mission a pris fin, je me retrouve enfermée dans ma propre maison, impuissante devant la tournure sinistre que prennent les évènements. Cette garce de Carla nous laisse à peine sortir dans le jardin, et je dois dire que notre quotidien est de plus en plus morose... et que nos rendez-vous quotidiens me manquent cruellement.

Mais assez parlé de cette idiote qui nous empoisonne la vie. Comme tu peux l'imaginer, dans ces circonstances, je n'ai pas grand-chose à te raconter depuis la dernière fois que nous nous sommes vus, il y a plusieurs mois déjà. Aussi, cette lettre n'a pas d'autre objet que celui de t'envoyer toute mon affection et toutes mes pensées, en ce soir de Noël.

Je te l'ai peut-être déjà dit, mais j'ai cette fête en horreur. Cette euphorie et ces décorations criardes me rappellent de bien sombres évènements – entre autres, la mort de ma chère Druella, et depuis l'année dernière, la terrible attaque du pensionnat Wimbley. Mais afin de ne pas sombrer dans la mélancolie, j'ai décidé d'écrire à ceux que j'aime et qui sont loin de moi : tu en fais donc partie, ainsi que Cissy, que je n'ai pas vue depuis des mois, et enfin ma mère qui vit dans un pays lointain, et qui, bien heureusement, ne sait rien des tracas qui agitent le nôtre.

Enfin, ne nous égarons pas, car c'est bien à toi, Regulus, que s'adresse cette lettre. D'autant plus que nous nous sommes quittés dans une certaine agitation, cet été, au moment précis où tu as appris le départ de Sirius.

J'espère sincèrement que tout cela ne t'a pas trop affecté, même s'il serait normal que tu éprouves du chagrin ; quoiqu'il en soit, sois bien sûr que tu n'y es pour rien. Tes parents n'ont pas été tendres avec vous deux, et s'ils t'ont fait le moindre reproche concernant Sirius, je t'assure qu'ils sont parfaitement infondés. Tu as fait ce que tu as pu, tout simplement.

De manière plus générale, j'imagine que tu vis une période très difficile, et que ta famille fait peser sur toi des attentes de plus en plus exigeantes. Je sais que je suis loin de toi, et il y a sans doute des choses que j'ignore, mais je souhaitais simplement te rappeler que si tu avais besoin de te réfugier quelque part, notre maison te sera toujours ouverte... si tu es prêt à te cacher dans un placard de temps à autre, bien sûr, afin que Carla ne te découvre pas !

Si mes calculs sont bons, il te reste quelques mois de réflexion avant de pouvoir devenir un Mangemort, et crois-moi, pas un jour ne passe sans que je ne pense à cette terrible échéance. Évidemment, tu connais déjà mon opinion sur la question ; mais j'ai cru bon de la remettre par écrit, afin que tu puisses relire ces mots de temps en temps, au moindre doute, en espérant que tu n'aies pas déjà jeté cette lettre au feu.

Comme je te l'ai déjà dit, j'estime que tu as énormément de potentiel, de talent, de sensibilité, d'intelligence, et ma crainte la plus profonde est de voir toutes ces qualités gâchées, étouffées par cette quête de pouvoir aveugle et déraisonnable qui est celle des Mangemorts. En effet, je crains que la puissance absolue que tu recherches ne soit incompatible avec l'empathie et la douceur qui t'animent, parfois bien malgré toi. Aussi, mon opinion pourrait être résumée par ces quelques mots : tu mérites bien mieux.

J'espère que tu ne seras pas fâché en lisant cela. Évidemment, je pense aussi à tes BUSE, qui arrivent à la fin de l'année. J'espère que les quelques mois de cours que tu as manqués ne te porteront pas trop préjudice, mais à vrai dire, je ne m'en fais pas trop. Je me demande aussi comment tu as réussi à expliquer ton absence si prolongée, et comment se sont passées tes retrouvailles avec tes amis.

Tu l'auras compris, je te souhaite le meilleur pour l'année qui s'annonce. Évidemment, quel que soit le choix que tu feras cet été, souviens-toi qu'il n'est jamais trop tard pour changer d'avis... Et quoique tu fasses, je serai là, comme je le suis toujours pour Cissy.

Si d'aventure tu souhaites me répondre, tu peux donner ta lettre à ta cousine, elle nous rendra peut-être visite peu après Noël, en tout cas je l'espère : en dehors de Carla et Edgar, c'est désormais la seule qui a le droit de nous adresser la parole. Ne compte pas sur mon fils, il serait bien capable de te dénoncer, ou de commettre quelque maladresse, et je ne veux pas que tu prennes ce risque-là pour moi !

Ceci étant dit, et malgré les circonstances, je te souhaite un joyeux Noël, Regulus, et espère te voir bientôt. Daisy, Fergus, et surtout notre ravluk Albert se joignent à moi pour t'embrasser tendrement.

 

Bien affectueusement,

Vera

Regulus relut la lettre plusieurs fois. Il ressentait un mélange de joie intense et d'une tristesse tout aussi grande : malgré certains désaccords qu'il avait avec Vera à propos des Moldus et de Voldemort, elle lui manquait cruellement, tout comme cette période de convalescence qui avait suivi l'attaque du Pensionnat Wimbley, pendant lesquels elle lui avait rendu visite quotidiennement pour soigner son bras blessé, accompagnée par son adorable et distrayant petit ravluk.

Ils s'étaient vus pour la dernière fois le jour où sa mère avait reçu cette fameuse lettre annonçant le départ définitif de Sirius ; et depuis, personne ne s'était soucié de savoir si cette séparation l'avait affecté. Et voilà que Vera s'inquiétait de tout cela, des exigences de sa famille, de sa rentrée à Poudlard et des regards inquisiteurs des autres élèves. Comment faisait-elle pour savoir aussi précisément tout ce qui le tracassait ?

En repensant au sourire malicieux de Vera, à ses vêtements extravagants et à son visage couvert de taches de rousseur, Regulus sentit sa gorge se nouer. Comme il aurait aimé se retrouver face à elle, pouvoir lui parler rien que quelques minutes, lui confier ses peurs et ses doutes, écouter ses paroles toujours bienveillantes, accueillantes, rassurantes...

 Il poussa un long soupir, puis replia la lettre avec d'infinies précautions et la plaça dans la poche intérieure de sa veste. Il regarda la deuxième lettre, destinée à Narcissa, et décida d'aller lui donner immédiatement en main propre – et tant pis si on remarquait qu'il avait déserté le salon. Après tout, Lucius ne l'avait-il pas encouragé à aller voir sa cousine ?

Il s'autorisa donc à monter dans les étages, où se trouvait la chambre de Narcissa. Après avoir gravi plusieurs escaliers somptueux, et parcouru quelques couloirs richement décorés, il trouva enfin la chambre. Il toqua prudemment à la porte et l'ouvrit doucement, mais il ne trouva personne, y compris dans la salle de bains. Les deux pièces étaient désertes. En revanche, il eut un pincement au cœur en remarquant, sur la table de nuit de Narcissa, plusieurs livres de magie qui parlaient de l'incapacité de certaines sorcières à concevoir des enfants.

Piqué par la curiosité, il ne put s'empêcher d'y jeter un œil ; et il fut absolument consterné. Il était évident que les guérisseurs qui avaient rédigé ces livres ne savaient absolument pas de quoi ils parlaient : pour expliquer cette faiblesse, selon leurs mots, ils se contentaient d'accabler les femmes concernées de toutes les fautes, et les remèdes onéreux qu'ils proposaient pour y pallier semblaient tous inefficaces, voire dangereux. En pensant que sa cousine Narcissa avait lu ces discours nauséabonds, et sachant tout le chagrin que cette situation lui causait, Regulus sentit la colère gronder en lui.

Tout en se reprochant intérieurement d'être aussi indiscret, Regulus jeta un regard autour de lui avant d'entrouvrir le tiroir de la table de nuit.

– Oh, Cissy, se désola-t-il.

Plusieurs flacons de ces mêmes remèdes de charlatans, vantés par les ouvrages fallacieux qu'il venait de lire, remplissaient le tiroir de la table de nuit. Certains étaient vides, d'autres seulement entamés.

Il se redressa, décidé à mettre sa cousine en garde contre ces escroqueries, et un peu inquiet de ne pas la trouver dans sa chambre. Par la fenêtre, il avait une vue splendide sur l'ensemble du domaine enneigé, jusqu'au lac gelé qui s'étendait à l'arrière de leur jardin luxuriant. Le tout était éclairé par le Flavirier Argenté, également appelé Arbre de Longévité ou Arbre de Vie, un arbre extrêmement rare, doté d'une écorce blanche et de feuilles argentées d'où émanait une lueur réconfortante.

Plongé dans la contemplation de cet arbre fascinant, Regulus fronça les sourcils : malgré la neige qui commençait à tomber, il venait de distinguer une silhouette au pied de l'arbre, baignée dans le halo argenté qui se dégageait de ses feuilles et de ses fruits. Il ouvrit précipitamment la fenêtre, et cria le prénom de sa cousine à plusieurs reprises, mais la silhouette resta immobile ; et le brouillard qui s'épaississait finit par la masquer à la vue de Regulus.

Regulus regagna le couloir, descendit les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée et se rendit vers la cuisine, à l'arrière du manoir, où se trouvait un accès direct au jardin.

– M. Regulus ! le reconnut l'elfe Lidelys en s'inclinant devant lui.

Regulus l'enjamba sans répondre, et se précipita vers la petite porte qui donnait sur le jardin, habituellement réservée aux elfes.

– M. Regulus, vous ne devriez pas...

Il n'entendit pas la fin de la phrase : il était déjà dehors, où la neige crissait sous ses pieds et étouffait tous les sons. Il neigeait de plus en plus fort, et après quelques pas, il eut l'impression de progresser dans du coton. Tous les contours étaient brouillés, les sentiers qui parcouraient le jardin étaient ensevelis, et il s'enfonçait dans la neige jusqu'aux chevilles. Il ne distinguait plus que l'aura argentée de l'arbre, une centaine de mètres devant lui ; puis, lorsqu'il s'en approcha, la silhouette qu'il avait vue depuis la chambre émergea du blizzard, toujours au pied du Flavirier Argenté.

– Cissy ? appela-t-il en marchant vers elle à grands pas.

La silhouette ne réagit pas, et Regulus accéléra le pas. Lorsqu'il arriva à sa hauteur, il constata qu'il ne s'était pas trompé : il s'agissait bel et bien de Narcissa.

– Cissy ! répéta Regulus. Qu'est-ce que tu fabriques ?

Narcissa ne réagit pas, comme si elle ne l'avait pas entendu. Elle semblait avoir été envoûtée. Ses cheveux blonds étaient couverts de flocons, de la neige s'accumulait sur ses épaules, et son regard absent flottait vers les branches lumineuses de l'arbre enchanté.

– Tu vas attraper froid, dit Regulus en lui prenant la main, alarmé. Bon sang, tu es gelée... Tiens, mets ça...

Après avoir épousseté la neige agrippée aux vêtements de Narcissa, il s'empressa de dénouer le cordon de sa cape, la retira et la mit sur les épaules de sa cousine. Alors qu'il lui frictionnait le dos pour la réchauffer, Narcissa tressaillit enfin. Elle battit des cils, regarda Regulus, un peu perplexe, et sembla revenir des abîmes de chagrin où elle s'était perdue.

– Reggie, murmura-t-elle enfin.

Regulus esquissa un sourire, soulagé ; mais il ne put s'empêcher de remarquer à quel point sa cousine semblait mal en point. Elle était très pâle, ses joues étaient creusées, et surtout, ses yeux bleus et limpides exprimaient une telle tristesse que Regulus sentit son cœur se serrer. Il prit ses mains entre les siennes, et entreprit de les réchauffer.

– Je déteste Noël, souffla Narcissa.

Regulus hocha la tête, contrit. Comme Narcissa, et comme Vera l'avait dit dans sa lettre, il gardait un souvenir affreux du cataclysme qui avait eu lieu quatre ans auparavant : le départ brutal d'Andromeda, la mort de Druella, et surtout, le chagrin de ses cousines. Et trois ans plus tard, la destruction du pensionnat Wimbley avait encore accentué leur aversion commune pour cette fête.

– Oh, Cissy... Je sais bien. C'est pour ça que je te cherchais... Je m'inquiétais.

Narcissa regarda de nouveau en direction du Flavirier Argenté, et Regulus craignit qu'elle ne s'enfonce de nouveau dans ses sombres pensées, mais elle s'adressa de nouveau à lui.

– J'essayais juste de me souvenir de ma mère, expliqua-t-elle d'une voix éteinte. De sa voix... De son sourire. De son odeur. Elle nous racontait souvent la légende de cet arbre, et j'ai pensé qu'en me tenant près de lui, je pourrais... avoir l'impression qu'elle est près de moi, aussi. Mais je ne sens rien. J'ai l'impression de l'avoir oubliée.

Elle se tourna de nouveau vers lui.

– Est-ce que tu te souviens d'elle, toi ?

Regulus déglutit, embarrassé. Druella était déjà en mauvaise santé lorsqu'elle avait emménagé au square Grimmaurd, et pendant les années qu'elle avait passées sous leur toit, Regulus avait eu très peu d'occasions de lui parler. Walburga l'avait sévèrement mis en garde contre les mauvaises manières de sa tante, et contre les terribles fautes qu'elle avait commises au cours de sa vie, sans donner davantage de précisions. Alors âgé de quatre ans, Regulus l'avait crue sur parole et avait décidé de se tenir à distance de Druella, dont la maladie était peut-être contagieuse, et qui, de toute manière, semblait lui préférer Sirius – ce qui ne pouvait que confirmer les soupçons de sa mère. Il avait même nourri un certain ressentiment à son égard, lui reprochant jalousement de prodiguer à son grand frère une tendresse qui ne lui avait jamais été accordée.

– Tu sais... Quand elle sortait de sa chambre, Sirius se précipitait pour lui parler, alors... Je n'ai pas eu beaucoup d'occasions de le faire, s'excusa-t-il, penaud. Et je n'avais que onze ans le jour où... où c'est arrivé.

Narcissa hocha la tête, et Regulus vit qu'elle déployait des efforts surhumains pour ne pas pleurer devant lui. Ne sachant que dire pour la réconforter, il passa timidement un bras dans son dos ; Narcissa posa sa tête sur son épaule, et poussa un long soupir.

Autour d'eux, tout était devenu blanc. Ils ne distinguaient plus les contours de l'arbre, dissous dans les tourbillons de flocons ; en revanche, la sève argentée scintillait de plus en plus fort, de telle sorte que, lorsque la nuit fut entièrement tombée, on ne vit plus qu'un entrelac de filaments lumineux qui cheminaient vers la cime de l'arbre, couraient le long des branches et abreuvaient l'ensemble des feuilles et des fruits.

Ils restèrent longuement ainsi, le nez en l'air, à contempler ce spectacle étrange et fascinant. Ayant cédé sa cape à Narcissa, Regulus se trouvait à la merci du vent glacial ; et pourtant, sans qu'il puisse expliquer pourquoi, il n'avait pas froid. Il voyait bien que le Flavirier Argenté ne souffrait aucunement des intempéries : ses branches ne ployaient pas, et, malgré leur fragilité apparente, ses sublimes feuilles argentées restaient arrimées à lui, sans qu'aucune ne se détache. En étant davantage attentif à ce qu'il ressentait, Regulus perçut une légère vibration qu'il n'avait pas remarquée initialement ; le halo de l'arbre faisait miroiter l'air autour d'eux, et une pulsation régulière montait du sol, de plus en plus présente au fur et à mesure que Regulus se concentrait sur elle. En regardant de nouveau la sève argentée, il remarqua qu'elle circulait par à-coups, au rythme de ces pulsations.

– Tu le sens, toi aussi ? demanda Narcissa.

Regulus acquiesça, fasciné. Il se dégageait de cette arbre une puissance insaisissable, à la fois douce et menaçante, réconfortante et intrigante, redoutable et fragile.

– C'est très étrange, admit-il en suivant du regard les battements scintillants de la sève. On dirait que... que cet arbre ressent notre présence.

– Exactement.

Narcissa s'approcha prudemment du tronc, et avança sa main devant elle pour le toucher. Lorsque ses doigts se posèrent sur l'écorce blanche, la lumière argentée s'intensifia, et Regulus dut baisser les yeux quelques instants avant de pouvoir la regarder de nouveau. Lorsqu'il releva la tête, Narcissa avait les yeux clos, une main posée sur l'écorce. Elle avait placé son autre main sur son ventre.

– Je viens ici tous les jours, avoua Narcissa. Je sais que l'origine présumée de cet arbre n'est qu'un conte pour enfants, mais je ne peux pas m'empêcher de croire qu'il peut m'entendre malgré tout... et me venir en aide.

Regulus mit quelques instants à comprendre ce que Narcissa voulait dire. Après quelques efforts, il se remémora la vieille légende à laquelle elle faisait référence : la Vie et la Mort elles-mêmes, se disputant le sort d'un mortel, avaient brisé le sablier qui représentait le cours de sa vie. Le sable argenté qu'il contenait s'était alors dispersée sur la surface de la terre, et les quelques grains qui n'avaient pas été mangés par des chevaux – les transformant ainsi en licornes – s'étaient enracinés et avaient donné naissance à ces grands arbres brillants, à la sève étincelante et aux fruits en forme de sabliers.

Évidemment, il ne s'agissait que d'une légende qu'on racontait aux enfants ; mais l'extrême rareté de ces arbres et les pouvoirs mystérieux qu'on leur attribuait intriguaient grand nombre de sorciers. Quant à Narcissa, Regulus venait de comprendre ce qu'elle attendait : que cet arbre irrigué par la vie fasse naître au creux de son ventre le petit être qu'elle espérait tant.

– Je sais bien que c'est idiot, souffla-t-elle. Mais c'est le seul espoir qu'il me reste.

Regulus s'approcha d'elle avec prudence, et posa à son tour sa main sur l'écorce, qui était étonnamment tiède.

– J'ai vu les livres que tu lisais, dit-il doucement. Dans ta chambre.

Il se sentait affreusement mal à l'aise. Il avait six ans de moins qu'elle, et ne se sentait aucunement légitime pour lui dicter sa façon de vivre ; cependant, il refusait de rester sans rien faire devant cette détresse si profonde.

– Tu sais, tu ne devrais pas lire ce genre de livres... Ils ne contiennent que des mensonges. Et toutes ces potions... Ce sont de véritables poisons. Je sais que tu es prête à tout pour obtenir cet enfant, mais tu vas te rendre malade, et cela ne t'aidera en rien.

– Je sais, répondit Narcissa, de plus en plus bas.

Elle semblait si triste que Regulus se sentit obligé de la prendre maladroitement dans ses bras – et cette fois-ci, Narcissa ne put retenir ses larmes.

– Pourquoi moi, Reggie ? sanglota-t-elle contre sa poitrine. Alors que c'est la seule chose que je demande, pourquoi le destin refuse-t-il de me l'accorder ?

Regulus resserra ses bras autour d'elle. Sa cousine tremblait de plus en plus fort, et ses larmes lui déchiraient le cœur.

– Quand je pense que cette garce de Juliet attend déjà un enfant... Et qu'elle ose se plaindre devant moi de ne pas pouvoir goûter le champagne... Oh, comme je la hais, Reggie, si tu savais !

Et elle sanglota de plus belle, laissant ses larmes couler sur l'épaule de son cousin. Tout en la serrant dans ses bras, Regulus réfléchissait avec intensité : Narcissa avait raison, cette attente désespérée était un véritable mystère, auquel personne ne semblait en mesure de trouver une explication. Et lui qui avait tant d'admiration pour le savoir sans limite de la communauté sorcière, il devait bien admettre que les difficultés à concevoir, et plus largement tout ce qui touchait aux corps des femmes, n'avait jamais fait l'objet d'investigations sérieuses et restait un mystère pour la plupart des sorciers – du moins, à sa connaissance. Il se souvint furtivement d'une dispute qui avait opposé ses deux parents, pendant laquelle sa mère avait affirmé que même les Moldus étaient plus savants que les sorciers en ce qui concernait la santé des femmes – mais il chassa bien vite ce souvenir de son esprit, refusant de croire une telle chose. Sa mère avait dit cela par pure provocation, voilà tout.

Un long moment passa sans qu'ils ne se parlent, puis, dépassé par sa propre impuissance, Regulus se jeta à l'eau :

– Je... Je peux essayer de trouver quelque chose, osa-t-il dire.

Les sanglots de Narcissa s'espacèrent ; elle leva la tête, et le regarda sans comprendre.

– Quelque chose pour t'aider à avoir un enfant, précisa Regulus. Je ferai des recherches, en cachette... Je me débrouillerai. Je suis sûr qu'il existe un moyen, caché dans l'un des livres de la Réserve... Mais en échange, promets-moi de ne plus boire ces satanées potions, et de ne plus rien acheter à ces charlatans.

Il avait parlé avec autant de fermeté que possible. Narcissa hocha la tête avec conviction, et avant qu'elle ne change d'avis, Regulus décida de la ramener à l'intérieur afin de jeter ces maudits livres et ces potions au feu ; mais alors qu'il la tirait doucement par le bras, Narcissa résista, semblant se rappeler quelque chose.

– Il y a autre chose que j'aimerais te demander, avoua-t-elle en reniflant.

D'un hochement de tête, et avec un sourire attentif, Regulus l'encouragea à poursuivre. À cet instant, il se sentait capable de lui promettre n'importe quoi, pourvu que cela puisse la consoler un peu.

– Est-ce que tu parles encore à Sirius ? De temps en temps ?

Le sourire de Regulus se figea immédiatement. Il s'était préparé à tout entendre, sauf le prénom qu'il essayait constamment de chasser de ses pensées.

– Non, pas du tout, répondit-il, soudain tendu. Qu'est-ce que tu lui veux ?

– Eh bien... hésita Narcissa. Pas grand-chose, je... je voulais seulement m'assurer qu'Andromeda était en sécurité. Ils étaient assez proches, avec Sirius, et je suis certaine qu'ils échangent des lettres de temps en temps, alors...

Regulus haussa les sourcils, surpris.

– C'est tout ce que je veux savoir, supplia Narcissa. Tu le sais peut-être, les Mangemorts tiennent une liste de toutes leurs cibles prioritaires, et Ted fait partie des premiers noms. S'ils parviennent à les trouver... 

Son regard se perdit dans le lointain, et elle frissonna.

– Je ne savais pas que tu pensais encore à elle, avoua Regulus. Tu ne m'en as jamais parlé.

– Bien sûr que je pense à elle, murmura Narcissa.

– Je pensais que tu lui en voulais...

– Je lui en veux d'être partie, acquiesça Narcissa. Je lui en veux terriblement, mais si elle mourait...

Elle blêmit et dut s'agripper au bras de Regulus tant cette pensée l'horrifiait.

– Tu es sûr que tu ne peux pas poser la question à Sirius ? Ou bien, l'écouter en cachette, discrètement ? Peut-être qu'il parle d'elle à ses amis...

– Je peux essayer, céda Regulus. Mais je ne te promets rien, je n'ai pas parlé à Sirius depuis son départ...

Sans accorder la moindre importance à ses réserves, Narcissa le prit dans ses bras et le serra de toutes ses forces.

– Merci, Reggie... Merci infiniment.

Lorsque leur étreinte prit fin, ils réalisèrent qu'ils étaient tous les deux couverts de neige ; et Regulus, qui avait cédé sa cape à Narcissa au début de leur échange, ne parvenait plus à maîtriser ses propres tremblements.

– Rentrons, décida Narcissa en voyant cela. Allons nous réchauffer à l'intérieur.

Regulus acquiesça, soudain frigorifié. Tous les deux s'éloignèrent du Flavirier Argenté en se dirigeant approximativement vers le manoir, perdu quelque part dans le blizzard, repérable grâce à la lumière chaleureuse qui irradiait de ses innombrables fenêtres. Ils devaient se tenir l'un à l'autre pour ne pas glisser.

– Tu as raison, je vais jeter ces livres et ces potions, décida Narcissa alors qu'ils s'approchaient du manoir. De toute manière, ils coûtent une fortune et me donnent terriblement mal au ventre. Je ne sais pas pourquoi je ne t'en ai pas parlé plus tôt... Je crois que j'avais honte.

– Tu n'aurais pas dû, s'indigna Regulus.

– N'en parlons plus. Maintenant, tu sais tout, et c'est tant mieux. Tu as toute ma confiance pour trouver quelque chose qui puisse m'aider.

– Et je ferai de mon mieux pour en être digne, promit Regulus.

Son ton solennel fit rire Narcissa, et Regulus devina que c'était la première fois qu'elle riait depuis longtemps.

Arrivés sur le seuil de la cuisine, tous les deux s'arrêtèrent pour se retourner, et contempler une dernière fois le halo argenté qui brillait derrière eux. Ils avaient la sensation étrange de retourner dans la réalité, après ce long moment hors du temps, coupés de tout repère.

– Joyeux Noël, Reggie, dit Narcissa avec reconnaissance.

– Joyeux Noël à toi aussi, Cissy, conclut Regulus en lui souriant en retour.


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