A travers le temps

Chapitre 25 : L'heure de vérité

6452 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 22 jours

Avec le cœur en miettes, Hermione se glissa discrètement hors de l’église, profitant de la confusion provoquée par l’évanouissement simultané de plusieurs invitées.

« C’est mieux ainsi, nous venons de mondes trop différents, et elle ne connaît même pas la véritable moi. Ma mission est accomplie : j’ai empêché le mariage, j’ai détruit William. Il ne pourra plus jamais nuire à Fleur ni à personne d’autre. Le mieux est encore de rentrer chez moi… et de panser mon cœur brisé. »

Soudain, une voix féminine l’appela derrière elle.

— Hermione !

Un instant, son cœur bondit dans sa poitrine. Et si c’était Fleur, courant après moi ? Mais l’espoir s’éteignit lorsqu’elle reconnut Emily, sa collègue, qui accourait vers elle.

— Emily ?

— Oh, Hermione ! Je n’en reviens toujours pas ! Je pensais vraiment que William était un homme bien. Mais il volait de l’argent… et toutes ces choses horribles… C’est un miracle que tu aies pu arrêter le mariage à temps.

Hermione esquissa un sourire faible, teinté d’amertume.

— Il a trompé beaucoup de monde. La seule personne qu’il ait jamais aimée, c’est lui-même. Je n’ai fait que révéler qui il était vraiment.

— Tu as fait bien plus que ça ! Je n’ai jamais vu une femme faire ce que tu lui as fait. Ce n’est peut-être pas très chrétien de le dire, mais j’ai pris un malin plaisir à te voir lui régler son compte. Tu pourrais donner des cours de combat à mes frères ! Où as-tu appris à te battre comme ça ?

— Chez moi, répondit Hermione avec un soupir. Ce qui me rappelle… Tu pourrais me rendre un service ? En fait, deux.

Emily hocha la tête avec enthousiasme.

— Bien sûr.

Hermione sortit une enveloppe de son sac et la lui tendit.

— Peux-tu remettre ça à M. Delacour ? C’est ma lettre de démission. Je suis désolée de partir si soudainement, mais… j’ai appris que ma mère était tombée malade. Je dois rentrer immédiatement. Je vais faire mes bagages et partir aujourd’hui.

Emily la regarda, stupéfaite.

— Oh… Je suis désolée pour ta mère. Ce fut un vrai plaisir de travailler avec toi.

Hermione inclina la tête avec douceur.

— Merci. J’ai aussi été heureuse de te connaître. Avant de partir, je voulais te dire quelque chose. Je ne sais pas si tu l’as remarqué, mais Dean Thomas, le fils du fermier qui livre le lait chaque matin… Je pense qu’il t’aime bien. Je lui ai parlé une ou deux fois. C’est quelqu’un de bien. Tu devrais lui parler, peut-être qu’il te plaira aussi. Tous les hommes ne sont pas comme William.

Les yeux d’Emily s’agrandirent.

— Dean ? Il est si beau… mais je n’en avais aucune idée. Merci, Hermione. Vraiment. Et… le deuxième service ?

Hermione désigna son cheval d’un geste fatigué.

— Je l’ai emprunté aux écuries. Je l’ai poussé à fond, il est exténué. Je vais rentrer à pied en traversant les champs. Ça me laissera le temps de réfléchir… et de pleurer un peu. Peux-tu demander à Hagrid de le ramener ?

— Bien sûr. Tu vas me manquer.

Hermione esquissa un dernier sourire, mélancolique.

— Prends soin de toi, Emily.

Puis, sans un mot de plus, elle se détourna et entreprit seule le long chemin du retour. Elle aurait pu monter, mais elle avait besoin de marcher. Besoin de laisser ses pensées se libérer… et ses larmes couler.

Pendant ce temps, le mariage avorté se dispersait. Les invités, choqués, prenaient le chemin du retour en silence ou en chuchotant, chacun conscient d’avoir assisté à un événement hors du commun. Dans les jours à venir, on ne parlerait que de cela : comment une mystérieuse Américaine avait révélé que William Weasley était un voleur et un imposteur… et comment, après qu’il eut insulté la mariée, elle lui avait administré une correction mémorable, en pleine église.

Fleur, qui avait repris connaissance peu après l’effondrement de Bill, restait figée par le choc et l’humiliation. Son père et Mme Winky durent la soutenir pour l’aider à monter dans la calèche familiale, le visage pâle, les yeux perdus dans le vide.

Quant à Bill, il fut traîné hors de l’église à moitié conscient, escorté sans ménagement jusqu’à la carriole du constable Hill. Les poignets entravés par des fers, il fut jeté à l’arrière du véhicule, comme un sac de pommes de terre. Le constable s’assura que les chaînes étaient bien serrées avant de reprendre la route, direction la prison du comté.

Quelques miles plus loin, alors que la route serpentait à travers la campagne, le constable Hill entendit des gémissements étouffés provenant de l’arrière.

— Oww… J’ai tellement mal…

Il roula des yeux mais n’y prêta pas attention. Cependant, les plaintes ne cessèrent pas. Au contraire, elles s’intensifièrent, chaque gémissement devenant plus aigu, plus théâtral.

— Je crois qu’elle m’a cassé la moitié des côtes… S’il vous plaît… regardez… Ooooh… je crois que j’ai besoin d’un médecin…

Exaspéré, Hill tira sur les rênes et fit arrêter la carriole dans un nuage de poussière.

— Très bien, grogna-t-il en descendant de son siège. Il fit le tour et monta à l’arrière, s’approchant du prisonnier recroquevillé.

— Bon, voyons ça…

Mais à l’instant même où il se penchait vers lui, Bill bondit. Malgré ses chaînes, il propulsa son genou droit avec une précision brutale dans l’entrejambe du constable. Le cri de douleur de ce dernier se perdit dans les arbres.

Profitant de l’ouverture, Bill se jeta sur lui avec une rage animale.


Ignorant tout de ce qui était arrivé au constable Hill, Fleur et son père arrivèrent chez eux peu après. La jeune femme, encore bouleversée, se laissa docilement guider par Mme Winky qui l’aida à retirer sa robe de mariée. Sans un mot, elle se glissa sous les draps, le corps engourdi, l’esprit vidé.

Allongée, les yeux fixés au plafond, elle se sentait submergée par un tourbillon de pensées contradictoires. Comment avait-elle pu être aussi aveugle ? Elle avait sincèrement cru que William Weasley était un homme bon, droit, attentionné. Elle avait même ressenti de la colère envers Hermione, qu’elle accusait de jalousie. Mais aujourd’hui, la vérité s’était abattue sur elle comme la foudre : Bill était un voleur, un menteur, un joueur compulsif… et un séducteur pathétique. Pire encore, il ne l’avait jamais aimée. Pas une seule fois.

Une douleur sourde lui enserrait la poitrine.

Et puis, soudain, une autre pensée s’imposa à elle, perçant à travers le tumulte intérieur.

Où était Hermione ?

Pendant ce temps, Emily, arrivée peu après dans une autre calèche en compagnie de Dobby et Hagrid, était déjà en quête de M. Delacour. Elle le trouva dans le couloir de l’étage, visiblement troublé, le regard perdu.

— Monsieur Delacour ?

Il se retourna, l’air fatigué.

— Oui, Emily ?

Elle lui tendit une enveloppe.

— J’ai croisé Hermione à l’extérieur de l’église. Elle m’a demandé de vous remettre ceci.

— Je voulais justement lui parler… Qu’est-ce que c’est ?

— Sa lettre de démission. Elle m’a dit que sa mère était tombée malade et qu’elle devait repartir immédiatement. Elle s’excuse de ne pas pouvoir rester, mais elle part dès ce soir.

M. Delacour ouvrit la lettre sans un mot. Il lut le contenu en silence, son visage impassible. Lorsqu’il eut terminé, il replia calmement la feuille et la posa sur une petite table dans le couloir.

— Merci, Emily, dit-il simplement.

Puis, sans ajouter un mot, il s’éloigna vers son bureau, les mains croisées dans le dos, profondément songeur. Rien, dans cette journée, ne s’était passé comme prévu. Rien n’était clair. Et pourtant, quelque part dans tout ce chaos, une vérité plus vaste semblait vouloir émerger.


Fleur, quant à elle, s’était assoupie, mais son sommeil fut agité. Des images confuses, le visage furieux de Bill, les cris dans l’église, Hermione s’avançant dans l’allée, tourbillonnaient dans son esprit comme des spectres oppressants. Au bout de deux heures, elle se réveilla en sursaut, le cœur battant.

Ne parvenant pas à se rendormir, elle décida d’aller chercher son père. Peut-être aurait-il, lui, trouvé un semblant de sens à cette journée chaotique.

Mais alors qu’elle marchait dans le couloir plongé dans la pénombre, un morceau de papier abandonné sur une petite table attira son attention. Elle s’arrêta, intriguée, se pencha et le ramassa.

Ses yeux parcoururent les lignes, d’abord mécaniquement, puis avec un sentiment grandissant d’incrédulité.


Cher M. Delacour,

Par la présente, je vous annonce officiellement ma démission avec effet immédiat. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous donner plus de préavis, mais j’ai appris que ma mère était tombée malade et je dois rentrer chez moi sans tarder. Je vais faire mes bagages et partir dès que possible.

Merci infiniment de m’avoir offert l’opportunité de travailler dans votre maison, cela a été une expérience des plus enrichissantes.

Hermione Granger


Fleur relut la lettre. Puis une deuxième fois. Elle resta figée, le papier tremblant entre ses doigts.

Hermione s’en allait. Juste comme ça.

Cette même Hermione qui, quelques heures plus tôt, avait risqué sa place, sa réputation peut-être même sa sécurité pour la sauver d’un mariage catastrophique. Cette Hermione qu’elle avait rejetée avec violence. Et maintenant, elle partait. Sans adieu. Sans explication. Sans elle.

Un poids se logea dans sa poitrine.

Non. Pas comme ça.

Fleur sentit une détermination brûlante naître en elle. Son cœur refusait de laisser cette histoire s’achever ainsi, sans un mot, sans une chance.

Elle reposa précipitamment la lettre, retourna dans sa chambre, enfila une robe à la hâte, glissa ses pieds dans des chaussures sans y penser, puis ouvrit discrètement la porte de la maison. Personne ne la vit passer. Personne ne l’entendit sortir.

À peine deux minutes après le départ précipité de Fleur par l’arrière de la maison, un coup retentit à la porte d’entrée.

M. Delacour, qui se trouvait non loin, alla ouvrir. Sur le seuil se tenait M. Clearwater, un habitant du village, le visage grave et la respiration légèrement haletante.

— Monsieur Delacour, j’ai des nouvelles urgentes, dit-il sans préambule. Ce William Weasley, qui devait épouser votre fille avant d’être démasqué… il s’est échappé.

— Quoi ?! s’exclama M. Delacour, blêmissant aussitôt.

— Il a roué de coups le pauvre constable Hill, le laissant pour mort ou presque. On pense qu’il a tendu un piège ou simulé une blessure. Et ce n’est pas tout… M. Thomas, le fermier qui vit non loin de là, a découvert que sa maison avait été forcée en son absence. De l’argent et un pistolet ont été dérobés. Nous organisons une battue pour le retrouver et l’arrêter. Mais en attendant, nous avertissons tout le monde : personne ne doit sortir. Restez chez vous jusqu’à ce qu’il soit capturé.

M. Delacour inspira profondément, maîtrisant la panique qui commençait à le gagner.

— Attendez-moi ici. Je vais chercher mon pistolet. Dobby, Hagrid ! Venez, nous allons nous joindre aux recherches.

Il se précipita dans le hall, mais à peine avait-il fait deux pas qu’il croisa Mme Winky.

— Mme Winky, écoutez-moi bien. Ce vaurien de William s’est évadé après avoir laissé le constable Hill à moitié mort. Il est désormais armé. Il a volé un pistolet, vous comprenez ? Fleur est dans sa chambre. Ne la réveillez surtout pas, elle est en état de choc. Je pars avec votre mari et Hagrid pour participer aux recherches.

Il marqua une pause pour s’assurer qu’elle le suivait du regard.

— Verrouillez toutes les portes et toutes les fenêtres. Vous, Emily et le reste du personnel, ne sortez sous aucun prétexte. Restez enfermées dans vos chambres. C’est un ordre, est-ce clair ?

Mme Winky acquiesça aussitôt, le visage blême.

— Oui, monsieur Delacour.

Sans attendre, il s’empara de son fusil de chasse, puis sortit rejoindre Dobby, Hagrid et M. Clearwater. Ensemble, ils partirent à grandes enjambées vers le village pour prendre part à la battue.

Mme Winky, fidèle à sa promesse, verrouilla chaque issue de la maison. Une fois la dernière fenêtre sécurisée, elle hésita devant la porte de la chambre de Fleur. L’envie d’aller vérifier si la jeune femme dormait encore était forte… mais les ordres étaient clairs. Elle finit par s’éloigner à contrecœur et regagna sa chambre, sans savoir que Fleur n’était déjà plus dans la maison.


Hermione avait parcouru le long chemin du retour, les yeux emplis de larmes. Dès son arrivée, elle s’était changée en tenue de voyage, puis avait commencé à faire ses bagages. Elle n’avait croisé personne à travers champs et sentiers, et ignorait tout de la fuite de Bill. Dans son esprit, il n’y avait plus qu’une urgence : partir.

Elle avait accompli sa mission. Elle avait empêché le mariage. Elle avait détruit William. Mais elle avait aussi perdu Fleur. Et à présent, rester ne ferait que raviver la douleur. Elle n’avait plus qu’un seul désir : retourner à Londres, franchir une dernière fois le portail temporel et retrouver 2024. Sa vie. Ou ce qu’il en restait.

Tout était empaqueté, à l’exception de ses objets venus du futur, soigneusement disposés sur le lit. Alors qu’elle s’apprêtait à les ranger, elle sentit une urgence physiologique bien moins dramatique mais tout aussi pressante. Soupirant, elle se dirigea vers la vieille cabane à l’arrière de la maison, soulagée à l’idée que ce serait la dernière fois qu’elle aurait à utiliser cette toilette vétuste et malodorante.

Quelques instants plus tard, alors qu’elle était encore à l’intérieur, Fleur surgit en courant dans la cour arrière, essoufflée, le cœur battant à tout rompre. La panique la gagnait. Et si elle était arrivée trop tard ? Et si Hermione était déjà partie ?

— Hermione ? appela-t-elle en s’approchant de la cabane.

Pas de réponse.

Fleur hésita, puis courut à l’intérieur de la maison. Elle monta quatre à quatre les marches menant aux quartiers du personnel, se précipita dans la chambre d’Hermione… et s’immobilisa.

Les valises étaient encore là.

Son cœur fit un bond. Elle était encore ici.

Puis son regard se posa sur des objets étranges posés sur le lit, des choses qu’elle n’avait jamais vues, luisantes, aux formes curieuses, comme sorties d’un conte de fée… ou d’un monde qu’elle ne comprenait pas.

Intriguée, Fleur s’approcha du lit et prit le premier objet en main. Il était petit, fin, rectangulaire, avec une surface sombre et lisse d’un côté, un revêtement étrange de l’autre. En haut, un petit trou ; en bas, une encoche ; sur le côté, de minuscules boutons.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? murmura-t-elle en le tournant entre ses doigts.

En vingt ans d’existence, elle n’avait jamais vu quoi que ce soit qui y ressemble. Elle ignorait tout de sa fonction même les mots gravés à peine visibles lui étaient inconnus.

Elle appuya par curiosité sur l’un des boutons. À sa grande surprise, la surface s’illumina brusquement, révélant un écran où s’affichaient des chiffres : 3:17. Juste en dessous, l’image stylisée d’un petit cadenas. Sursautant, elle lâcha l’objet qui retomba doucement sur le lit. Quelques secondes plus tard, l’écran s’éteignit et redevint noir.

Malgré la peur, sa curiosité ne fit que grandir.

Elle saisit alors un deuxième objet, un peu plus grand et tout aussi fin. Sa forme était étrange, avec des bords métalliques, une surface vitrée et, à l’arrière, un dessin de fruit partiellement croqué. Sur le devant, un bouton circulaire creusé affichait un mot :

Menu

— Menu ?... répéta-t-elle à mi-voix, confuse.

Tout comme le précédent, il avait une encoche en bas, un petit trou en haut. L’objet semblait endormi, mais chargé de mystère. Elle le reposa, un peu déstabilisée.

Le dernier objet était le plus imposant. Un rectangle fin d’environ 20 centimètres sur 13, lui aussi doté d’une surface vitrée. En bas, un mot : Kindle.

Elle effleura un bord, et soudain, la surface s’illumina vivement. Fleur sursauta, laissant échapper un petit cri. Mais, alors qu’elle s’apprêtait à reposer l’appareil, elle aperçut… quelque chose de familier.

Son regard se figea.

Sur l’écran lumineux, s’affichait une écriture… la sienne.

2 octobre 1867

Il a plu aujourd’hui, toute la journée. J’aurais tant aimé aller monter à cheval, mais comme hier, il a plu. L’oncle Samuel de mon père viendra nous rendre visite demain. J’attends toujours ses visites avec impatience, il est si aimable et raconte des histoires merveilleuses.

Fleur sentit son souffle se bloquer. Elle n’avait pas besoin de lire la suite : elle avait écrit ces mots, deux ans plus tôt, dans son journal intime. Elle se souvenait de chaque phrase.

Ses doigts tremblèrent. Comment Hermione avait-elle pu obtenir cela ? Et pourquoi ?

Une seule conclusion, douloureuse, lui vint à l’esprit : Hermione l’avait volée. Son journal, ses souvenirs… quelque chose d’intime.

Le doute s’insinua dans son cœur comme du poison.

C’est alors que Fleur sentit une présence dans l’encadrement de la porte. En se retournant, elle découvrit Hermione, figée sur le seuil, l’air stupéfaite.

Le visage de Fleur s’empourpra de colère. Elle brandit le Kindle d’une main tremblante.

— Je viens ici pour te parler, et qu’est-ce que je découvre ? Que tu as volé une page de mon journal intime pour la mettre dans cette… cette machine infernale ! Je croyais que tu étais différente, Hermione. Je croyais que tu étais une bonne personne… Mais tu ne vaux pas mieux que William !

— Je peux tout t’expliquer, Fleur. S’il te plaît, écoute-moi…

La voix d’Hermione n’était plus qu’un souffle paniqué.

— Ah oui ? Alors vas-y, explique-moi comment tu as osé pénétrer dans ma chambre, voler mon journal, déchirer une page, et la glisser dans ton maudit objet du diable ?! hurla Fleur, les larmes aux yeux. 

— JE T’AVAIS FAIT CONFIANCE !

Et sans prévenir, elle abattit sa main sur la joue d’Hermione, la giflant avec une violence chargée de douleur et de trahison.

C’était le pire cauchemar d’Hermione devenu réalité.

Être découverte. Être rejetée par Fleur. Être comparée à William.

Ce que Fleur ignorait, c’est qu’Hermione n’avait jamais volé cette page. Elle avait simplement été en train de la lire, par hasard, sur sa liseuse… et, par malchance, Fleur était entrée au moment précis où le texte était affiché à l’écran.

Le Kindle s’était allumé automatiquement, et l’entrée du journal, transférée bien plus tôt à des fins de traduction, était encore visible.

Hermione leva les mains, implorante.

Bella, s’il te plaît… ce n’est pas ce que tu crois…

Mais sa Bella ne voulait rien entendre.

Fleur lui lança un dernier regard, empli de chagrin et de mépris, puis tourna les talons et s’enfuit hors de la cabane, le Kindle toujours à la main.

Hermione resta figée, l’esprit en vrac, la joue brûlante.

Puis la panique s’installa.

Fleur savait.

Fleur avait vu.

Et si elle parlait… Hermione serait prise pour une sorcière, une possédée, une espionne ou pire.

Elle se jeta sur ses affaires modernes, les fourra dans son sac à la hâte, attrapa son équipement, sa montre, ses outils de retour.

Elle devait fuir. Quitter la ville immédiatement.

Mais au moment de passer la porte, elle s’arrêta net.

Une part d’elle refusait d’abandonner ainsi. Pas sans s’expliquer. Pas sans la voir encore une fois.

Son cœur, malgré la peur, la poussait en avant.

Alors, le sac en bandoulière, haletante, elle s’élança hors de la cabane, courant à perdre haleine à la recherche de Fleur.

Elle la rattrapa quelques centaines de mètres plus loin, sur le sentier qui menait à la maison des Delacour. Essoufflée, Hermione tendit la main, attrapa doucement celle de Fleur et la retint.

— S’il te plaît, Fleur. Pour l’amour de Dieu… Laisse-moi t’expliquer. Accorde-moi juste cinq minutes. Cinq minutes pour te dire qui je suis et d’où je viens… Et après, je partirai. Je te le jure. Tu ne me reverras plus jamais.

Fleur s’immobilisa. Un silence tendu tomba entre elles. Puis, lentement, elle se tourna vers Hermione avec un regard glacial, les yeux rougis mais secs. Sans dire un mot, elle marcha jusqu’à un gros rocher, s’y assit avec raideur et croisa les bras.

— Très bien, alors. Parle. Mais je te préviens : si tu me touches, je crierai.

Hermione leva aussitôt les mains, paumes ouvertes.

— D’accord. Je ne te toucherai pas. Je veux juste que tu saches la vérité.

Elle s’assit au sol, à quelques pas de Fleur, les jambes repliées sous elle, le cœur battant la chamade.

— Fleur… je ne suis pas ce que j’ai prétendu être. Mais je peux te promettre ceci : je ne suis ni un démon, ni un ange, ni une envoyée du diable ou des cieux… et pas une sorcière non plus. Je suis… une femme, comme toi. Une femme ordinaire. Mais une femme venue d’un endroit très, très lointain.

Fleur redressa le menton, méfiante.

— Je sais déjà que tu caches quelque chose. Alors vas-y, qu’es-tu vraiment ?

Hermione inspira lentement.

— D’accord. Tu vis dans une époque d’inventions, n’est-ce pas ? Le monde change. Le télégraphe, la photographie, la machine à vapeur… Ce sont des choses que vos arrière-grands-parents n’auraient jamais cru possibles. Mais toi, tu les vois. Tu sais que c’est vrai.

Fleur hocha lentement la tête, sourcils froncés.

— Dans les années à venir, les hommes vont continuer à inventer. Des choses plus incroyables encore. Des machines volantes, des moyens de parler instantanément à des gens situés à l’autre bout du monde. Des engins qui permettent de voir des images animées, de capturer des sons, d’allumer une pièce entière sans feu.

Hermione marqua une pause.

— Et un jour… une de ces inventions permettra à quelqu’un de faire l’impensable : voyager dans le temps. Traverser les années comme on traverse une porte. Revenir dans le passé. Ou aller dans l’avenir.

Fleur ouvrit la bouche, la referma. Elle semblait ébranlée, mais elle ne fuyait pas. Alors Hermione poursuivit, plus doucement :

— Cette machine existe. Pas encore, pas dans ton époque. Mais dans la mienne… oui. J’ai utilisé cette machine pour venir ici, en 1869.

— Tu viens… d’une autre époque ? murmura Fleur, incrédule, comme si elle craignait de prononcer les mots.

Hermione hocha la tête, les yeux dans les siens.

— Tu es née en 1850. Moi… je suis née en 2003. J’ai voyagé depuis l’an 2024. Pour une seule raison.

Fleur resta bouche bée, les yeux grands ouverts.

— 2024 ?… Ce n’est… ce n’est pas possible. C’est dans… c’est dans un futur que je ne peux même pas imaginer.

Hermione fouilla dans son sac et en sortit un objet étrange, accompagné d’un long fil finement enroulé.

— Si tu me le permets, dit-elle doucement, je vais te montrer quelque chose qui vient d’une autre époque. Ce n’est rien de dangereux, rien de maléfique. C’est un simple appareil, fabriqué en usine. Une machine, comme une locomotive à vapeur. Mais au lieu de transporter des gens, elle transporte… de la musique.

Fleur la regarda, méfiante, mais intriguée.

Hermione tenait un petit boîtier rectangulaire aux bords arrondis. Elle y inséra l’une des extrémités du fil, tandis que l’autre se divisait en deux branches terminées par de petits embouts blancs.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Fleur, les sourcils froncés.

— Ce que je vais te montrer, c’est une invention de mon époque. Tu sais qu’on peut aujourd’hui capturer une image sur du papier ? Dans mon temps, on peut aussi capturer les sons. La voix d’une personne. Le chant d’un oiseau. La musique jouée par un orchestre entier… et l’écouter à nouveau, quand on le souhaite. Ce que tu vas entendre n’est pas un sort, ni une illusion : c’est une trace, un souvenir réel.

Fleur hocha la tête lentement, indécise.

— D’accord… montre-le-moi. Mais je t’avertis : au moindre frisson dans l’air, je m’enfuis.

Hermione esquissa un sourire rassurant.

— Je vais poser ceci dans ton oreille. Tu n’auras qu’à fermer les yeux. Cela ne fait aucun mal, je te le promets.

Elle tendit un des embouts à Fleur, qui l’observa un instant avant de l’insérer prudemment dans son oreille. Hermione plaça ensuite le second dans la sienne, enclencha son iPod et fit défiler les titres. Elle sélectionna une œuvre intemporelle.

— Maintenant, ferme les yeux, murmura-t-elle.

Fleur obéit, un peu tendue… Puis, doucement, les premières notes retentirent dans son oreille.

Un frisson la parcourut. C’était comme si un orchestre entier jouait juste à côté d’elle, invisible mais si présent. Les cordes, les cuivres, les percussions… Une musique puissante et émouvante, venue de nulle part et de partout à la fois.

— Beethoven, souffla-t-elle après quelques secondes, les yeux toujours clos, une larme suspendue à ses cils.

Son père l’avait emmenée, avec Gabrielle, écouter un concert symphonique quelques années auparavant. Et voilà qu’elle reconnaissait cette musique, intacte, sublime. Malgré la légère crainte que suscitait en elle tout ce mystère, Fleur était éblouie par ce qu’elle entendait. C’était comme si elle se trouvait à nouveau dans cette salle de concert, au premier rang, le souffle coupé par la beauté du moment.

— Oui, murmura Hermione, les yeux brillants. C’est un enregistrement de l’Orchestre symphonique de Londres interprétant la Cinquième Symphonie de Beethoven. C’est… comme une photographie, mais pour le son.

Fleur retira alors l’écouteur, le tenant entre ses doigts comme un objet sacré, puis le tendit lentement à Hermione.

— D’accord… Je te crois. Tu viens d’une autre époque. D’un avenir si lointain qu’il semble irréel. Mais cela n’explique toujours pas comment tu as obtenu mon journal… ni pourquoi tu es venue ici. Pourquoi moi ? Pourquoi cette époque ?

Hermione s’assit au sol, aux pieds de Fleur, les jambes croisées, comme si elle portait enfin le poids de tout ce qu’elle avait retenu jusque-là.

— Très bien. Je vais tout te dire. Mon vrai nom est bien Hermione Granger. Là-dessus, je ne t’ai jamais menti. Et je suis née à Sydney, en Australie.

Elle marqua une pause, cherchant ses mots, avant de reprendre d’une voix plus posée.

— Dans quelques années, un collège sera construit à Londres, dans le quartier de Chelsea. En 2024, j’y étudiais pour devenir actrice. Mais la vie à Londres est chère, alors j’ai choisi de m’installer ici, à Beckenham, dans un petit appartement. Un jour, en me promenant, je suis entrée dans une vieille boutique d’antiquités pour trouver de quoi décorer mon logement. Et sur une table poussiéreuse…

Elle marqua un nouveau silence.

— … il y avait un portrait. Ton portrait. Celui que tu as fait prendre la semaine dernière pour ton mariage.

Le regard de Fleur se troubla, bouleversé. Hermione vit ses épaules se raidir, mais elle continua, la voix douce, empreinte de sincérité :

— On m’a dit que le portrait avait été retrouvé dans les sous-sols du vieux manoir Weasley, juste avant sa démolition. Il était là depuis des décennies, oublié de tous. Et… comme tu t’en doutes, j’étais déjà en plein chagrin d’amour. Puis j’ai vu ton visage. Ton regard. Et j’ai été immédiatement captivée. Alors je l’ai acheté et je l’ai ramené chez moi.

Elle baissa un instant les yeux, hésitante, puis reprit :

— J’y suis retournée, quelques jours plus tard. Dans cette même boutique. Ils avaient une boîte contenant d’autres objets, également retrouvés dans le sous-sol. À l’intérieur… certaines de tes affaires personnelles. Et… tes journaux.

Elle releva les yeux vers Fleur, son regard empreint d’une tendresse contenue.

— Tu comprends ? Ces objets avaient été oubliés dans une cave humide pendant plus d’un siècle et demi. Personne ne les cherchait. Personne ne se souvenait de toi. C’est une pensée terrible. Mais c’est ce qui m’a poussée à vouloir en savoir plus.

Fleur, troublée, acquiesça lentement.

— Oui… je comprends.

— Alors j’ai lu. Tes mots, ton écriture, ta voix. J’ai découvert ta vie. Comment tu avais grandi, ce que tu ressentais au fond de toi, tes doutes, tes joies. Comment tu préférais les femmes. Et comment, malgré tout, tu avais fini par épouser William, pensant qu’il pourrait te rendre heureuse.

Fleur fronça les sourcils.

— Mais je ne l’ai pas épousé.

Hermione hocha la tête.

— Non. Pas cette fois. Mais imagine ta vie comme une histoire déjà écrite. Moi, je l’ai lue. Dans la version que j’ai découverte, tu l’as épousé. Et ce mariage… t’a brisée. Il t’a trompée. Tu étais seule, malheureuse. Il t’a humiliée, ignorée, blessée. Et quand j’ai vu ça, j’ai su que je ne pouvais pas laisser faire. Pas toi.

Elle s’interrompit un instant, la gorge nouée.

— Alors, quand j’ai eu accès à une technologie expérimentale, une machine capable de traverser le temps… j’ai pris le risque. Je suis revenue ici, dans le passé. Pour m’introduire dans ton histoire. Pour la changer. Pour te sauver.

Fleur était restée silencieuse, immobile. Le vent léger faisait voler une mèche de cheveux devant son visage, mais elle ne bougeait pas. Son regard restait fixé sur Hermione, à la fois troublé et bouleversé.

— Ce mariage, poursuivit Hermione plus doucement, t’aurait conduite à une vie de regrets et de souffrance. Je ne pouvais pas te laisser vivre ça. Alors je me suis interposée. Et j’ai tout fait pour que cette union n’ait jamais lieu.

Hermione marqua une pause, puis ajouta d’un ton plus calme :

— Tes journaux sont dans ta chambre. Ce que tu as vu sur l’appareil n’était qu’une image, une copie de ce que je possédais dans le futur. Cet objet permet de conserver des images de pages, comme une bibliothèque portative.

Fleur fronça les sourcils, encore méfiante.

— Donc… tu sais ce que j’ai écrit ces derniers mois ?

Hermione secoua la tête avec insistance.

— Non. Et c’est là que c’est étrange. Les journaux que je possède racontent une version différente de ta vie… celle qui aurait eu lieu si je n’étais jamais intervenue. Ils n’évoquent jamais mon nom. Je n’existe pas dans cette histoire-là. Attends… je vais te montrer.

Elle fouilla dans son sac et sortit son Kindle. Pendant ce temps, aucune des deux femmes ne remarqua l’ombre tapie non loin. Bill Weasley, le visage sombre et les traits déformés par la rage, s’était glissé hors des fourrés. Sa vie ruinée, sa réputation détruite, il ne lui restait qu’un désir : se venger. Il avait suivi Hermione jusqu’à la cabane, et voyant qu’elle n’y était pas, il s’était enfoncé dans la forêt. Lorsqu’il entendit les voix, il s’approcha lentement, sans bruit, guettant le bon moment.

Hermione ouvrit une page du journal numérisé sur son appareil et le tendit à Fleur.

— Regarde. Cette page parle de ta lune de miel.

Fleur lut quelques lignes en silence. L’écriture ressemblait à la sienne, les mots aussi. Mais ce n’étaient pas les siens. Pas ses souvenirs. Pas sa vie.

Un frisson glacé la parcourut. Elle rendit l’appareil à Hermione et se leva lentement, croisant les bras sur sa poitrine comme pour se protéger.

— Alors… si je comprends bien, tu es venue ici par amour. Pour me "sauver", comme tu dis. Et en même temps, tu t’es présentée sous une fausse identité. Tu m’as menti. Tu as gagné ma confiance… et mon cœur. Je suis tombée amoureuse d’une femme qui n’existait pas.

Elle poussa un long soupir, ferma les yeux un instant, puis les rouvrit sur Hermione, blessée, mais déterminée :

— Tu es une excellente actrice, Hermione. Tu m’as eue du début à la fin. Est-ce que tu as savouré ton rôle ? Est-ce que tu as pris du plaisir à me manipuler ? À me séduire sous ce masque ?

Hermione se leva à son tour, bouleversée, les larmes aux yeux.

Malgré la complexité de la situation, Fleur parvenait peu à peu à rassembler les pièces du puzzle. Elle comprenait, oui… mais cela ne changeait rien au fait qu’Hermione lui avait menti, qu’elle s’était présentée sous une fausse identité, qu’elle avait gagné sa confiance — et son cœur — par la tromperie. Trahie déjà par Bill, elle se sentait désormais tout aussi trahie par celle en qui elle avait cru pouvoir croire.

Fleur secoua la tête, amère.

— Tu dis que tu m’aimes… mais tu comptais quitter la ville sans même me dire un mot.

Hermione mordit sa lèvre, honteuse, et baissa les yeux.

— Je me suis dit que nous venions de deux mondes trop différents. Et peut-être que… c’était mieux ainsi. Je ne voulais pas compliquer davantage ta vie. Tu mérites d’être heureuse, Fleur. Je t’assure que partir était… une décision déchirante.

Fleur la fixa, le regard dur.

— Et tu veux que je te croie ? Peut-être que tu as raison. Peut-être que le mieux, c’est que tu partes. Que tu retournes à ton siècle ou peu importe où. Et moi, je resterai ici… en espérant qu’un jour, je rencontrerai quelqu’un d’honnête. Tu dis que tu m’aimes, tu as partagé mon lit… puis tu as menti. Et je vais te dire une chose, Hermione : tu mens mieux que Bill ne l’a jamais fait.

Hermione sentit son cœur se briser à ces mots. Elle se sentit soudain minuscule, écrasée sous le poids de ses choix. Fleur avait raison. Elle l’avait aimée sincèrement, oui, mais elle l’avait aussi manipulée. Elle avait justifié ses mensonges par de nobles intentions, mais cela ne les effaçait pas.

— Fleur… Bella… je n’ai jamais voulu te faire de mal. Je t’en prie, laisse-moi…

Elle n’eut pas le temps de finir.

Car à cet instant précis, Fleur aperçut un mouvement dans les buissons, juste derrière Hermione. Son cœur manqua un battement. William.

Il s’avançait, le visage tordu par la haine, les vêtements en désordre, le regard fou. Mais surtout, il tenait un pistolet. Et il le pointait droit dans le dos d’Hermione.

À cette distance, il ne pouvait pas rater sa cible.

Fleur n’hésita pas une seconde. Peu importaient la trahison, la douleur, les mensonges. Peu importaient les larmes ou la colère. Elle savait ce qu’elle devait faire.

Hermione était encore en train de parler quand Fleur bondit en avant avec un cri déchirant :

— HERMIONE, ATTENTION !

Avant même de comprendre ce qui se passait, Hermione sentit Fleur la pousser violemment sur le côté — au même instant, une détonation assourdissante déchira l’air.

Hermione s’écrasa au sol, le souffle coupé. En relevant la tête, elle aperçut Bill, posté dans les buissons à quelques mètres à peine, l’air stupéfait. Dans sa main, le pistolet encore fumant.

— TU ES MORT ! hurla Hermione en se redressant d’un bond, animée d’une rage pure.

Elle s’élança vers lui, mais Bill, pris de panique, laissa tomber l’arme et prit la fuite. Hermione attrapa le pistolet à son tour, et sans réfléchir, fit feu.

Le barillet claqua cinq fois. Les quatre premières balles manquèrent leur cible, sifflant à travers les arbres. La cinquième le toucha au bras. Il hurla de douleur, chancela, mais réussit à s’enfuir, disparaissant dans la forêt.

— Bon sang, Fleur, ce salaud a failli me tuer ! Tu vas bien ? Fleur ?

Pas de réponse.

Hermione se retourna.

Le monde sembla s’arrêter.

Fleur gisait au sol, immobile.

Et sur le tissu de sa robe bleue, une tache écarlate grandissait, s’étalant lentement comme une fleur vénéneuse.

— Non... non, non, non… Fleur !

Hermione se jeta à genoux près d’elle, le cœur battant à tout rompre.















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