A travers le temps

Chapitre 24 : Course contre la montre

5224 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Point de vue d’Hermione


J’avais terminé mon travail à 21 heures, et sans perdre une seconde, je me suis mise en route pour Londres. Je chevauchai à vive allure, le vent fouettant mon visage, le cœur battant à tout rompre. J’arrivai dans la capitale un peu après 22h30. Il me fallut encore un certain temps pour atteindre l’usine désaffectée où se trouvait le trou de ver.

Je ne pouvais y accéder qu’une fois l’usine fermée. En journée, la pièce où il apparaissait était envahie d’ouvriers ; un vortex surgissant à ce moment-là causerait un chaos sans nom. À 23 heures, j’étais enfin devant la porte de service. Grâce à la clé que m’avait remise Dumbledore, j’entrai sans encombre.

Une fois à l’intérieur, je pressai le bouton de rappel situé sur ma montre. Quelques secondes plus tard, un cercle tourbillonnant de lumière s’ouvrit au plafond. Le panier descendit lentement dans un grondement sourd. Je montai dedans sans hésiter.

Dès une fois arrivée en haut, dans le présent, je me suis adressée à Dumbledore, avant même que le panier ne soit complètement arrêté.

— Ne ferme pas le trou de ver. J’ai besoin d’y retourner, lançai-je d’une voix ferme.

Il hocha la tête et réduisit le vortex à une taille microscopique, le maintenant stable.

— Alors… Comment était 1869 ? Tu as réussi ? demanda-t-il en m’observant attentivement, cherchant à lire en moi.

— Non. J’ai tout foutu en l’air. Complètement. Il faut que je détruise William Weasley, une bonne fois pour toutes.

Je lui racontai alors tout ce qui s’était passé jusqu’à présent, sans rien omettre. Il écouta en silence, puis hocha la tête.

— Très bien. Quel est ton plan ?

— La chercheuse qui a travaillé pour moi m’a dit que Bill avait été accusé de détournement de fonds dans l’entreprise familiale. Il utilisait l’argent pour financer ses jeux, ses dettes, et sa vie de débauche. Tout ça n’a éclaté qu’après la mort de Fleur, des années plus tard. Mais je ne vais pas attendre. Je vais faire éclater la vérité, maintenant.

— Comment comptes-tu t’y prendre ?

— Je vais à la bibliothèque. Je vais fouiller les archives des journaux entre 1870 et 1880. Je dois retrouver tous les détails : qui l’a accusé, comment la vérité est sortie, quels scandales l’ont éclaboussé. Je veux aussi en apprendre plus sur sa maîtresse, celle qu’il a épousée après Fleur. Je sais qu’il a fini par divorcer d’elle. Je dois exhumer chaque preuve, chaque faute, chaque mensonge. Seuls Internet et les bases de données numériques peuvent m’y aider.

J'ai pris une grande inspiration. Tout ce que je pouvais faire maintenant, c’était agir vite. Fleur allait se marier dans moins de 36 heures.

Et je refusais de la laisser lier sa vie à un homme qui allait la détruire.

Après un court silence, Dumbledore prit la parole pour me faire un point sur la situation :

— Ton plan semble judicieux. Mais souviens-toi : le trou de ver reste ouvert, ce qui signifie que le temps s’écoule simultanément dans les deux époques. Juste pour te tenir informée… Tu es partie le 3 juin 2024 pour rejoindre le 29 avril 1869. Nous sommes désormais le 14 août 2024, il est précisément 9h38 du matin. Tu as donc passé 10 semaines et 2 jours dans le passé, et le même laps de temps s’est écoulé ici.

Je hochai la tête, absorbant l’information.

— Lorsque tu es revenue, poursuivit-il, il était 23h09, le 9 juillet 1869. Le mariage de Fleur est prévu à midi, le 10 juillet. Cela signifie que tu as exactement 12 heures et 51 minutes avant que le mariage n’ait lieu là-bas. L’horloge tourne.

Il marqua une pause avant de me fixer du regard, plus grave.

— Mais plus important encore : tu dois avoir terminé ici en moins de huit heures. L’usine de 1869 rouvre à 7h du matin. Si tu n’es pas revenue d’ici là, le trou de ver réapparaîtra dans une pièce bondée d’ouvriers. Et je doute que tu veuilles déclencher une panique généralisée dans le Londres victorien. Donc, tu dois être de retour au plus tard à 17h30. Je sais que ça fait beaucoup d’informations, mais tu me suis ?

C’était dense, mais je compris l’essentiel. Je résumai rapidement pour m’en assurer :

— Oui, je comprends. Chaque seconde que je passe ici, c’est une seconde de moins là-bas. J’ai huit heures pour accomplir ma mission. Sinon, je risque de ne pas pouvoir revenir à temps… Et si je rate ce moment, je perds Fleur.

Sans attendre sa réponse, je fis volte-face et quittai le laboratoire en courant. C’est à ce moment-là, alors que je m’élançais dans la rue, que je réalisai l’évidence : j’étais encore vêtue d’une robe de 1869.

Je m’étais tellement habituée à la porter que je n’y avais même pas pensé. Corset, jupon, bottines… tout y était. En plein 2024, j’avais l’air d’une figurante échappée d’un tournage. Heureusement, j’avais une tenue de rechange dans le laboratoire. Je fis demi-tour en vitesse, fonçai aux toilettes et me changeai à la hâte.

Et là, je dois l’admettre : utiliser des toilettes modernes, avec du vrai papier toilette, pour la première fois depuis dix semaines… c’était tout simplement magique. Littéralement. Je sais, ça semble triste, mais passez dix semaines à utiliser des chiffons ou des feuilles, dans des latrines nauséabondes, et vous comprendrez. À cet instant, même l’odeur fade de désodorisant industriel m’a semblé être le plus doux des parfums.

Après m’être changée en vêtements modernes, je suis sortie dans les rues de Londres, pleinement revenue dans le présent. J’ai pris un instant pour tout absorber : les voitures qui vrombissaient, les avions dans le ciel, le bourdonnement constant des téléphones, les néons, les gens qui couraient dans tous les sens. Même pour moi, qui venais de ce monde, le contraste avec l’année 1869 était saisissant. Tout paraissait bruyant, rapide, presque étourdissant.

J’ai pas pu résister à la tentation : je me suis précipitée dans un petit café du coin pour savourer une véritable tasse de café, forte et chaude, accompagnée d’un pain au chocolat croustillant. C’était sans doute le meilleur petit-déjeuner que j’avais mangé depuis des semaines, et il m’apporta un court instant de réconfort.

Puis je me suis dirigée vers la bibliothèque municipale. Je suis arrivée peu après 10h30, déterminée, concentrée. Je me suis rapidement installée à une table avec un ordinateur et j’ai commencé mes recherches.

Ma première impulsion fut de chercher des informations sur Fleur. Une partie de moi espérait qu’elle avait peut-être changé d’avis, qu’elle n’avait pas épousé Bill, que… quelque chose avait été différent.

Mais cet espoir fut brutalement écrasé quand je suis tombée sur un avis de décès daté du 20 août 1870. Mon sang se glaça, et un poids écrasant s’installa dans mon estomac.

Fleur Isabelle Delacour Weasley, âgée de 20 ans, est décédée jeudi 18 août à son domicile près de Beckenham. La jeune Madame Weasley attendait avec impatience la naissance de son premier enfant. Malheureusement, des complications survenues lors de l’accouchement ont entraîné la mort de Madame Weasley ainsi que celle de son enfant. William Weasley, son mari, qui était…

Je n’ai pas pu lire la suite. Les mots se brouillaient devant mes yeux. Le monde semblait soudain vaciller autour de moi.

Je n’avais rien changé.

Tout ce voyage, tous ces efforts… et elle allait toujours mourir seule. Mon cœur se serra, ma gorge se noua. J’avais échoué. Ce plan était son dernier espoir.

Je fermai les yeux et laissai échapper un soupir douloureux.

J’ai essayé de te prévenir, Fleur. J’ai vraiment essayé…

Mais je ne pouvais pas abandonner. Pas encore. Pas tant qu’il me restait une seule chance.

Je pris une profonde inspiration, ravalai mes larmes, et rouvris les yeux.

Si je ne pouvais pas la convaincre de m’aimer, je pouvais au moins la sauver.

Je me remis à fouiller frénétiquement les archives numériques, décidée à déterrer chaque preuve, chaque mensonge, chaque trahison de William Weasley.


Cela me prit plusieurs heures pour passer au crible les vieux journaux. À un moment, je fis une pause pour déjeuner dans un pub local. Assise seule à une table, je grignotais distraitement mon sandwich, les yeux perdus dans le vide. Je ne pouvais m’empêcher de penser à eux. Fleur, ses parents, même Emily… Tous disparus depuis longtemps. Peut-être que je me battais contre l’inévitable. Peut-être que l’Histoire ne pouvait pas être changée. Qu’elle était figée, implacable.

Mais figée ou non… je devais essayer.

Après avoir passé l’essentiel de l’après-midi à la bibliothèque, les yeux rivés sur l’écran, alternant microfilms et archives numériques, je tombai enfin sur une série d’articles. Ils détaillaient les accusations de détournement de fonds visant William Weasley. L’affaire avait éclaté en 1882, mais selon les premières pistes de l’enquête, ses malversations dataient de ses débuts dans l’entreprise familiale.

Je te tiens, soufflai-je avec un sourire en coin, tout en notant frénétiquement les noms, dates, lieux et faits importants.

Il était déjà plus de 16 h 30. Je n’avais plus qu’un peu moins d’une heure avant la fermeture de la fenêtre temporelle. L’usine rouvrirait le lendemain à 7 heures, et si je ratais ce créneau, je risquais de ne jamais pouvoir retourner en 1869. Mon cœur battait à tout rompre alors que je courais jusqu’à la station de métro, traversant Londres à toute vitesse.

J’atteignis le laboratoire de Dumbledore à 17 h 15. Essoufflée, les mains tremblantes, je poussai la porte.

— Tu es juste à temps, dit Dumbledore en se levant d’un bond. Va te changer, je prépare l’ouverture du trou de ver. As-tu trouvé ce que tu cherchais ?

— Oui, enfin. Je repris mon souffle. Tout a commencé avec un employé de l’entreprise familiale, un certain Mondingus Fletcher. D’après les journaux, il avait découvert que Bill détournait de l’argent dès son premier jour. Quand Bill a su qu’il était au courant, il l’a menacé de ruiner sa famille. Fletcher, qui avait une femme et quatre enfants, a gardé le silence… jusqu’à ce qu’il découvre que Bill comptait le faire porter le chapeau.

Je marquai une pause. Les mots étaient durs à prononcer.

— Fletcher devait témoigner lors d’un procès, mais il a été poignardé à mort trois jours avant l’audience. La police a conclu à un vol qui aurait mal tourné, mais sa femme a accusé Bill. Faute de preuves, l’enquête a été classée. Arthur Weasley, le père de Bill, l’avait déjà déshérité à cause de cette affaire et de ses multiples scandales. Et finalement, Bill a fui en Australie pour échapper à ses créanciers… mais le navire a sombré, avec tout l’équipage.

— On dirait que tu tiens ce qu’il te faut, dit Dumbledore avec gravité.

Je secouai la tête tout en attrapant ma robe de 1869.

— Pas encore. Ce ne sont que des accusations. Il me faut des preuves concrètes. J’ai trouvé l’adresse de Fletcher dans un vieux registre. Je vais commencer par là.

Je me changeai à la hâte. En réajustant les manches de la robe, je jetai un regard vers le cercle de lumière qui commençait à tourner au plafond.

— Bonne chance, Hermione. Tu sauveras la situation, j’en suis sûr, lança Dumbledore, le pouce levé avec un sourire encourageant.

Je sautai dans le panier. Alors que le mécanisme me faisait lentement descendre vers le passé, une seule pensée résonnait dans ma tête :

— Si je ne réussis pas… elle est condamnée.


Je suis arrivée dans l’usine de 1869 dix minutes avant 7 heures du matin. Dès que le panier fut remonté et le trou de ver refermé, je me glissai discrètement hors du bâtiment pour retrouver la rue encore paisible. Un instant plus tard, le carillon lointain de Big Ben sonna l’heure. Sept heures. Il me restait tout juste cinq heures pour accomplir ma mission et empêcher le mariage.

Sans perdre une seconde, je montai à cheval, par chance celui que j’avais emprunté à monsieur Delacour était toujours au même endroit et me dirigeait en toute hâte vers la maison de Fletcher. Vers 7h30, je frappais à sa porte avec insistance. La matinée fut un véritable tourbillon : je courais d’une rue à l’autre, d’un informateur à l’autre, récoltant tout ce que je pouvais pour faire tomber Bill. Je ne pouvais pas échouer. Il me fallait des preuves irréfutables.

Ce n’est qu’un peu après 11 heures que j’eus enfin entre les mains la dernière pièce décisive, une lettre manuscrite signée, accablante. Malheureusement, c’est aussi à cet instant que je pris conscience de la distance qui me séparait encore de l’église Saint-Andrews, à l’autre bout de Beckenham. Un trajet de plus d’une heure à cheval. Il me restait à peine cinquante minutes.

— Merde ! Je vais être en retard, grognai-je en serrant les dents, lançant mon cheval au galop sur les routes poussiéreuses.

Alors que j’éperonnais l’animal à travers les sentiers, une pensée absurde me traversa l’esprit : tout cela ressemblait étrangement à une comédie romantique de Richard Curtis. Coup de foudre à Notting Hill, Quatre mariages et un enterrement, Love Actually… Je ricanai nerveusement.

— Argh… quelle ironie. Je déteste ces films, marmonnai-je entre deux cahots.

Le vent fouettait mon visage, mes jambes me brûlaient, mais je ne ralentissais pas. Chaque minute perdue était une chance de moins de stopper ce mariage infernal.

Il était midi pile lorsque j’atteignis enfin les faubourgs de Beckenham. Mon cœur battait la chamade, et une sueur froide me parcourait le dos. Je forçai encore le cheval à accélérer, dépassant les passants stupéfaits.

Quand j’aperçus enfin l’église, mon téléphone indiquait 12h22. Une belle bâtisse en pierre grise, typiquement anglaise, encerclée de calèches richement décorées. Tous les invités étaient déjà à l’intérieur.

Je n’avais plus de temps à perdre.

Je sautai de cheval, arrachai mon sac, et courus à en perdre haleine vers l’entrée de l’église. Mon cœur hurlait un seul mot :

— Fleur.

« ARRÊTEZ LE MARIAGE ! » criai-je en surgissant dans l’église. Je devais l’admettre : c’était une entrée spectaculaire, digne d’un film.

Toute la congrégation se retourna vers moi, figée de stupeur. Fleur, dans sa robe de mariée, me lança un regard glacial. Son père, William, et tous les invités me fixaient comme si j’étais folle.

« Hermione, qu’est-ce que vous faites ? » demanda Monsieur Delacour, la mâchoire crispée.

Fleur ne dit rien, mais ses yeux brûlaient d’une rage froide. William, en revanche, s’avança d’un pas menaçant :

« Vous n’avez aucun droit d’être ici ! »

Je me tournai vers le vicaire, un vieil homme qui paraissait complètement déboussolé.

« Dites-moi, ont-ils déjà échangé leurs vœux ? »

Il secoua la tête, hésitant :

« Euh… non… nous allions justement commencer. »

« Parfait. » Je souris brièvement.

Monsieur Delacour quitta son banc pour s’avancer, l’air furieux.

« Quelle est la signification de cette interruption ? C’est déjà assez grave que vous ayez manqué à vos devoirs ce matin. »

« Monsieur Delacour, je m’excuse sincèrement, mais c’est nécessaire. Vous ne pouvez pas laisser votre fille épouser William Weasley. C’est un menteur, un voleur... ET JE PEUX LE PROUVER ! » lançai-je, ma voix résonnant sous les voûtes.

« Faites sortir cette folle immédiatement ! » hurla Bill.

Sentant que les choses allaient dégénérer, je sortis de mon sac un grand livre de comptes vert et courus jusqu’à Arthur Weasley, assis non loin. Un homme mince aux cheveux roux, l’air sérieux et visiblement tendu.

« Monsieur Weasley. Reconnaissez-vous ce livre ? »

Il prit le registre, l’ouvrit, feuilleta quelques pages.

« C’est… c’est le livre de comptes de la maison de commerce que dirige William. »

« C’est celui qu’il vous montre chaque semaine, n’est-ce pas ? Celui qui détaille les transactions, les profits… »

Il acquiesça lentement, le front plissé.

« Oui, mais… comment avez-vous mis la main dessus ? »

Bill bondit, furieux, et me poussa du doigt.

« C’est une voleuse ! Mettez-la dehors ! »

Je ne bougeai pas d’un millimètre, le regard fixé sur lui.

« Repose ton doigt sur moi une seule fois, et je t’envoie au sol. » rétorquai-je d’un ton sec, glacé.

Je sortis alors un deuxième registre, bleu cette fois, et le tendis à Arthur.

« Ce livre vert est celui qu’il vous montre. Le bleu, c’est celui qu’il cache. Il est écrit de sa main, avec le même style, le même encre, mais il y a une différence : il contient toutes les preuves de ses détournements d’argent depuis son premier jour dans l’entreprise. »

Le silence s’abattit sur l’église. Bill blêmit, même si ses yeux lançaient toujours des éclairs.

« Ce sont des mensonges ! Elle invente tout ! »

Je ne lui prêtai pas attention. Mon regard se posa brièvement sur Fleur. Son visage était figé, les traits durs, les yeux pleins d’incompréhension et de colère mêlées.

Monsieur Delacour, bras croisés, recula d’un pas et se tut. Je compris qu’il attendait de voir la suite.

Arthur Weasley, de son côté, commença à comparer attentivement les deux livres.

Je m’avançai lentement dans l’allée centrale, m’adressant à l’assemblée :

« Pendant que le père du marié lit attentivement, vous vous demandez peut-être : si ces accusations sont vraies… à quoi a donc servi cet argent volé ? »

« TAIS-TOI ! » hurla Bill, la voix déformée par la panique.

Je ne pus m’empêcher de sourire.

« Oh, vas-y, essaie donc de me faire taire, abruti. » lançai-je, les yeux brillants d’un feu nouveau. « Et ne t’inquiète pas, mon cher futur-ex-marié. Tu auras tout le loisir de te défendre. En prison. Si tu as un bon avocat, bien sûr. »

Je me tournai de nouveau vers l’assemblée, toujours pétrifiée d’étonnement, les regards allant de moi à William comme s’ils assistaient à une pièce de théâtre inattendue.

« Pour reprendre depuis le début… J’ai obtenu ces livres grâce à un certain monsieur Mondingus Fletcher, un employé de la maison de commerce où travaille William. C’est lui qui m’a indiqué l’endroit où était caché le véritable livre de comptes. »

Je fis une pause, laissant le silence s’installer.

« Il savait pour les vols, mais il avait peur de parler. J’ai fini par le convaincre. Je peux être très… persuasive quand je le veux. Je lui ai aussi fait croire que j’étais détective pour l’agence Pinkerton. »

Un léger murmure parcourut la salle.

« Et alors, me direz-vous, à quoi William dépense-t-il tout cet argent ? » Je marquai une nouvelle pause. « Heureusement, il est très rigoureux dans sa tenue de comptes. »

Je levai légèrement les sourcils.

« Le jeu est son vice principal. Par exemple, il doit actuellement plus de trente livres à Lord Hanford. Mais ce n’est qu’un de ses nombreux créanciers. Le reste de son argent… il le dépense pour ses maîtresses. »

Des soupirs choqués s’élevèrent dans la nef. Plusieurs invités tournèrent vers Bill des regards de plus en plus méfiants.

« Oui, j’ai bien dit ses maîtresses au pluriel. Car notre cher séducteur n’en avait pas une, mais deux. » Je regardai Bill avec un sourire sans joie. « Je connaissais déjà l’existence de la première, Pénélope Deauclair. Mais les livres de comptes m’ont révélé la seconde : Alicia Spinnet. Et voici le détail savoureux… chacune croyait être l’unique amante secrète de William. Aucune ne savait pour l’autre. Du moins… jusqu’à ce matin. »

Je jetai un coup d’œil à William. Son visage était fermé, rouge de colère et de honte mêlées.

« Et pour ceux qui se demanderaient si c’est encore un mensonge… Je vous rassure, ni Pénélope, ni Alicia ne veulent plus jamais le revoir. »

Un frisson de malaise parcourut les rangs. Certaines dames se couvrirent la bouche. D’autres secouaient la tête, sidérées.

« Mais je sais ce que vous pensez. Vous vous dites : ce ne sont que des mots. De simples accusations. Où sont les preuves ? »

Je sortis deux feuilles de papier pliées de mon sac et m’avançai vers une vieille dame assise au premier rang. Je lui tendis les lettres.

« Madame, pourriez-vous me dire si ces deux lettres sont écrites de la même main, et si elles sont identiques, à l’exception du nom auquel elles sont adressées ? »

La dame, confuse, prit les feuillets, les lut attentivement, fronça les sourcils.

« Oui… oui, elles sont écrites par la même personne. Et ce sont pratiquement les mêmes mots, seuls les noms changent. » dit-elle en me rendant les lettres.

Je hochai la tête, inspirai profondément et brandis les deux lettres devant l’assemblée.

« Ces lettres, je les ai retrouvées aujourd’hui. Puis je me suis assise avec Pénélope et Alicia. Nous avons comparé nos notes. Et devinez quoi ? »

Je fis un pas en avant.

« C’était la même lettre d’amour. Mot pour mot. Il a envoyé la même déclaration enflammée à chacune. Un simple copier-coller, avant l’heure. Voudriez-vous en entendre un extrait ?"»

Un silence stupéfait tomba sur l’église.

Soudain, une petite voix s’éleva dans le fond :

« Moi, je veux bien entendre. »

Un petit garçon, curieux, avait levé la main. Quelques rires nerveux s’échappèrent des bancs.

Je souris, touchée malgré la gravité du moment, et me dirigeai rapidement vers l’autel, dépassant une Fleur figée, les traits marqués par la confusion.

Je montai les quelques marches et me tournai vers l’assemblée, tenant les lettres bien en vue.

« Voici ce que William écrivait à chacune de ses amantes. Préparez-vous. »


Après m’être raclée la gorge , je lus à haute voix :

« Chère Pénélope — ou chère Alicia, selon la version que vous lisez.

Notre dernière rencontre a fait battre mon cœur d’une manière que je croyais oubliée. Bien que je sois lié à une autre, c’est seulement quand je suis avec toi que je me sens libre.

Ta beauté surpasse tout ce que j’ai vu à travers mes voyages : reines, princesses, beautés exotiques aucune ne peut rivaliser avec ton éclat surnaturel.

Chaque jour, mon amour pour toi grandit encore, irrésistiblement. »

À peine eus-je terminé qu’un cri retentit dans l’église, me faisant sursauter.

« IL M’A DIT ÇA ! »

Je me tournai vers la voix. À ma grande surprise, c’était cette femme au regard dur que j’avais déjà croisée plusieurs fois à l’auberge, Hester, si je me souvenais bien. Je n’avais aucune idée qu’elle avait été invitée au mariage.

Les yeux pleins de larmes, elle fixa Bill avec une douleur palpable.

« Tu m’as dit que j’étais la seule… que tu m’aimais… »

Sa voix se brisa, et sans attendre une réaction, elle s’enfuit en courant hors de l’église, laissant derrière elle un silence glacé et un parfum de scandale.

Je tournai alors un regard lentement jubilatoire vers Bill, qui devenait visiblement livide.

« Eh bien. Trois maîtresses. Comment trouves-tu même le temps de voler de l’argent ? Cela dit, avec autant de femmes à satisfaire, il te fallait bien des fonds quelque part, n’est-ce pas ? »

Des murmures indignés s’élevèrent dans la nef. Le visage du père de Bill, Arthur Weasley, se fermait de plus en plus à mesure qu’il feuilletait le livre de comptes bleu.

Je lui tendis calmement les lettres que je venais de lire.

« Jetez un œil, monsieur Weasley. Vous verrez que l’écriture de ces lettres est identique à celle des livres de comptes. Je suis certaine que vous reconnaîtrez la main de votre fils. »

L’homme prit les lettres sans dire un mot, le visage tendu, le regard sombre.

Soudain, Bill, semblant retrouver un semblant de combativité, explosa :

« Des mensonges ! Ce ne sont que des mensonges ! Ces lettres, ces livres de comptes… tout est faux ! Je n’ai jamais rencontré cette femme Hester, je n’ai jamais volé un sou ! Je suis un homme honnête ! »

Mais le ton de sa voix, oscillant entre panique et fureur, trahissait le contraire.

Je hochai la tête et balayai l’assemblée du regard.

« Je savais qu’il dirait ça. »

Je sortis alors une dernière feuille de mon sac et la brandis bien haut.

« Ceci est une déclaration signée de la main de Mondingus Fletcher, contre-signée et authentifiée par le respectable solliciteur londonien Norbert Dragonneau, ce matin même. Il y affirme avoir eu connaissance des détournements de fonds commis par William Weasley, et se dit prêt à témoigner devant un tribunal.

M. Fletcher avait gardé le silence par peur : William l’a menacé de ruine, lui promettant que ses enfants seraient arrachés à sa famille s’il parlait. Je lui ai garanti qu’en disant la vérité, il n’aurait rien à craindre. Je vous demande, M. Weasley, d’avoir un peu de compassion pour cet homme. »

Lorsque j’avais pris la parole en entrant dans cette église, tous les regards m’évaluaient avec scepticisme, certains avec mépris. Mais à cet instant, chaque œil s’était détourné de moi pour se poser sur William. Et ce regard-là, croyez-moi, était sans appel.

Même Fleur, ma chère Fleur, le regardait maintenant avec stupeur. Elle ne disait rien, mais son visage trahissait un bouleversement profond.

Bill, lui, était devenu livide. Il fit un pas en arrière.

« Vous... vous ne pouvez pas croire une domestique… Je… je… je suis innocent… » balbutia-t-il.

Arthur Weasley ferma brusquement le livre de comptes et se leva. Sa voix, calme mais glaciale, résonna dans toute l’église.

« Tu m’as dit que tu ne devais que dix livres au colonel Starkey. Mais selon ce registre, tu lui en dois plus de cinquante. »

Bill bafouilla.

« Eh bien… peut-être que j’ai… un peu exagéré... »

La voix de son père explosa alors dans un rugissement de colère.

« Donc c’est vrai ! Le jeu, le détournement de fonds, la débauche… menacer ce pauvre M. Fletcher pour couvrir tes actes ignobles ? Tu es une honte pour le nom de Weasley. »

« Père, je vous en prie… ce n’était même pas mille livres… » osa dire Bill, d’une voix tremblante.

Mais Arthur n’en pouvait plus.

« William Weasley, à partir de cet instant, tu es coupé de tous les fonds familiaux. Je te déshérite. Tu es révoqué de ton poste à la maison de commerce. Ma fortune, mes titres, mes terres, tout ira désormais à ton frère Charles. TOI, TU NE RECEVRAS RIEN. »

Puis il se tourna vers un homme dans l’assemblée, un homme aux cheveux bruns en uniforme.

« Constable Tonks. Je vois que vous êtes présent aujourd’hui. Veuillez procéder à l’arrestation de… cet homme. Les charges sont détournement de fonds, vol aggravé et menace de témoin. Qu’on l’enferme comme le criminel de bas étage qu’il est. »

Je ne pus m’empêcher de jeter un coup d'œil à Fleur. Elle était figée, les traits ravagés, comme si le sol s'était ouvert sous ses pieds. Mon cœur se serra. La voir ainsi, anéantie, me brisait. Mais je savais que pour la sauver, je devais briser l’illusion à laquelle elle s’accrochait. Celle d’un homme qu’elle croyait bon. Celle d’un avenir qui aurait été un cauchemar.

Bill, de son côté, jeta un regard noir à son ancienne fiancée. Un regard glacial, presque de dédain, avant de se tourner vers l’assemblée.

« Au moins, je n’aurai pas à épouser cette vache grosse et ennuyeuse ! » lança-t-il avec venin.

Il n’aurait pas dû.

Un éclair de rage me traversa.

« Tu n’as pas osé… Espèce de misérable salaud ! »

Je ne lui laissai pas le temps de répliquer. Mon poing partit tout seul, le frappant directement au visage. Pris par surprise, il chancela en arrière.

Je m’avançai sans hésiter et lui assénai un second coup, puis un troisième. Je crois qu’un de mes coups lui fit perdre une dent. Puis, dans un élan de colère froide, je lui envoyai un coup de pied violent dans l’entrejambe.

Il hurla, se courba de douleur et tomba à genoux.

« ELLE N’EST PAS GROSSE ! ELLE N’EST PAS ENNUYEUSE ! » criai-je, hors de moi, en lui donnant un dernier coup dans les côtes. Il s’effondra au sol, haletant, brisé.

Le choc fut total.

Une onde de stupeur traversa l’église. Huit femmes, pas moins, s’évanouirent d’un coup — Fleur incluse.

Je jetai un regard au vicaire, qui semblait au bord de l’arrêt cardiaque.

« Désolée pour ça. Il l’avait cherché. » soufflai-je, sans le moindre remords.

Le chaos s’installa aussitôt dans l’église : les gens s’agitaient pour aider les évanouies, les murmures fusaient de toutes parts, les chapeaux tourbillonnaient, et le constable tentait de ramasser un Bill grognant.

Au milieu de tout cela, je me tournai une dernière fois vers Fleur.

Elle était allongée au sol, inconsciente, les traits paisibles malgré la tempête. Son père s’agenouilla aussitôt près d’elle, inquiet.

« Au revoir, Fleur. Passe une bonne vie. »

Je murmurais ces mots tout en essuyant une larme. Puis, profitant de la confusion, je me faufilai hors de l’église, disparaissant comme un fantôme dans la brume.



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