Je ne suis pas Harry ! Hourra !

Chapitre 9 : "Mon nom est Personne"

2645 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/10/2024 16:49

« Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark », (1) cette citation tourna avec insistance dans l'esprit de Matthieu.

Il s'était exilé volontairement dans la bibliothèque pour apprendre, mais, également, pour échapper au tumulte qui régnait depuis plusieurs jours dans la Noble Maison de Black. Il comprenait enfin pourquoi Sirius s'était précipité pour fermer l'accès à tous, sans le réussir d'ailleurs.

D'abord, il y avait le bruit : Matriarche Weasley ne savait pas parler autrement qu'en criant, la famille nombreuse oblige. Le portrait de Lady Black ne restait pas silencieux non plus, et hurlait des obscénités en échange. Le Professeur Rogue et Sirius ne pouvaient pas se rencontrer sans se disputer, Dumbledore prononçait des discours grandiloquents sur le « Bien commun », et Mondingus Fletcher, bien que silencieux, passait son temps à s'approprier de petits, mais anciens et extrêmement chers, bibelots. Les agissements de ce dernier, forcèrent finalement Sirius de fermer presque toute la maison pour l'Ordre de Phenix, en l'expliquant par les agissements incontrôlables de Kreattur.

Les seules pièces qui restèrent à disposition de « L'Ordre de poulet qui a le derrière en feu », surnommé ainsi par Matthieu en raison des « caquètements » incessants, étaient le hall d'entrée, la cuisine et quelques chambres. Pour le bonheur de notre héros, la bibliothèque resta, également, un lieu interdit à tous sauf à lui.

Un jour, Matthieu s'aventura par mégarde dans la cuisine lors de la réunion impromptue de L'Ordre, autour de Sunday Roast préparé par la très bruyante Madame Weasley. Il observa Molly Weasley, puis le plat, puis Molly à nouveau. Une vieille blague lui vint à l'esprit, et il sourit en pensant à sa pertinence : « La beauté de leurs femmes et la saveur de leur cuisine ont fait des Anglais les meilleurs marins du monde ».

Matthieu se tourna et était déjà sur le point de partir quand il entendit : « Celui Dont On Ne doit Pas Prononcer le Nom ».

Incapable de résister à la tentation, il demanda : « Pourquoi ne pas le nommer ? » et aggrava son cas en chantonnant :

Tommy Boy est assis sur le mur

Tommy Boy se casse la figure

Tous les cavaliers, tous les hommes de roi

Malgré leurs efforts, ne le restaureront pas. (2)

Toute la compagnie se tut subitement. Dumbledore le fixa avec désapprobation. Matriarche Weasley laissa tomber la louche dans la sauce, aspergeant tous les convives de gouttelettes grasses. Rogue leva les yeux au ciel et Sirius réprima un rire derrière sa main.

Après ce coup d'éclat Matthieu fut fermement prié de ne jamais, au grand jamais, mettre les pieds dans la cuisine lors des réunions. Ce fût, aussi, pour cette raison, qu’il s'exila volontairement dans le havre de paix que représentait la bibliothèque.

Ce jour de début juillet, Matthieu se trouvait donc à la bibliothèque. Il fixait le livre qu'il venait de finir, « Le monde magique pour les issues des moldus », de Denis Astinel, sans vraiment le voir.

Tout avait commencé lorsque Matthieu réalisa qu'il connaissait fort peu de choses sur le monde où il allait vivre et que cela risquait de se terminer par une catastrophe. Dans sa vie précédente, s'il avait eu l'idée saugrenue de s'installer au Japon ou en Arabie saoudite, il aurait d'abord étudié les us et les coutumes locaux, car « nul n’est sensé d’ignorer la loi ». De plus , Charles avait l’habitude de dire : « Il n'y a que deux livres qui punissent sévèrement le lecteur inattentif : Le Code pénal et le Mode d'emploi de la scie circulaire ».

Qui aurait pu penser que le livre découvert par le fidèle Pygé en réponse à une requête innocente : « quelque chose sur la culture et le monde magique britannique pour un étranger », changerait sa vision de la réalité et de la tâche à accomplir ? Et pourtant...

Dans la préface, il était mentionné que l'auteur fut un sorcier né de parents Moldus. On y racontait à quel point il peinait à s'adapter au monde de la magie, malgré son amour profond pour cet univers. Il rencontra des obstacles inexplicables partout où il allait, et dut acquérir ses connaissances pas à pas, après avoir obtenu son diplôme de Poudlard, puis devenant avocat. Il fut obligé de réunir non seulement les connaissances professionnelles, mais aussi les informations sur la vie quotidienne, que les sorciers natifs ne remettaient même pas en question, les considèrent comme allant de soi. À la fin de sa vie, il décida d'écrire un livre pour aider les générations futures.

Le résultat de son travail était une sorte de quintessence des renseignements sur la structure du monde magique, offrant des éclaircissements sur certains termes et permettant de surmonter de nombreux obstacles.

Et la première chose qu'en retira Matthieu, qui le désappointa au plus haut point : le monde magique, malgré l’existence de Ministère avec ses nombreux départements, n'était en aucun cas une démocratie, auquel Matthieu fut habitué. Mais plutôt un monde de castes plus cloisonné encore que celui de l'Inde, dirigé par une seule reine, une seule divinité, Sa Majesté La Magie.

C’était La Magie, pas le ministre, ni d'autres pouvoirs en place, accordait les statuts aux magiciens qui entraînaient la séparation des classes. La démocratie, l'égalité et le bien commun mythique étaient théoriquement impossibles dans cet univers. Ce système ne reposait pas sur l'argent, les connaissances ou les relations, mais uniquement sur la Magie.

Si on exploitait La Magie comme un puits le pétrole, elle finirait par s'épuiser, entraînant ainsi la fin du monde magique. Les sorciers, grâce à leur noyau magique, produisaient et renouvelaient cette ressource.

Donc, La Magie demandait à ses ouailles des actes pour la recharger, voire l'amplifier. Cependant, tous les sorciers n'avaient pas cette capacité, ce qui provoqua la scission en plusieurs castes.

Des créatures magiques telles que les vélanes, les centaures, les loups-garous et même les vampires se trouvaient complètement à part. Leur seule existence produisait naturellement de la magie, maintenant ainsi l'équilibre sans avoir besoin de recourir à des sorts. Matthieu nota que les elfes de maison n’étaient pas mentionnés dans la liste. Encore une étrangeté à mettre dans la « tirelire ».

Les sorciers Pur-sang, eux-mêmes furent divisés en trois sous-classes : Familles, Anciennes Familles et Anciennes Familles Titrés.

Familles, elles représentaient majorité de la communauté. Ces sorciers honoraient La Magie et ses lois. Leur impact sur la magie représentait d'un pour un, autant pris, autant généré.

Familles anciennes, c’étaient ceux qui reconstituaient la magie, qui travaillaient sur eux-mêmes, effectuaient les rituels et par ces actions restaurant la magie dans un rapport supérieur à un pour un.

Et enfin des Familles Anciennes Titrés, les Lords de la Magie, qui en plus de la génération de fond magique, sa reconstitution et son augmentation étaient les seules capables de créer et préserver l’existence des plis spatiotemporels, autrement dit, Domaines. Également, uniquement leurs efforts maintenaient la barrière entre les mondes au-dessus de leurs Domaines et dans les régions avoisinantes. En lisant ces lignes, Matthieu pensa : « Tiens, bien bonjour à Nazgûl ».

En bas de l'échelle sociale se trouvaient les descendants des Moldus, avec leurs pouvoirs magiques très faibles, ils utilisaient la magie sans rien produire en retour, ce qui faisait d'eux de simples consommateurs. Ils représentaient une sorte de jachère pour l'avenir. Car, il y avait fort peu de sorciers dans le monde, seulement environ un sur cent par rapport aux Moldus. Et si les sorciers de sang pur continuaient de se reproduire qu’entre eux, rien ne pourrait leur éviter l'apparition des tares génétiques. Par l'avènement des nés-moldus, la Magie veillait sur ses enfants en assurant le renouvellement de sang.

Pour être pleinement intégrés dans la société, les nés-moldus devraient constamment s'améliorer et suivre certains rituels. Malheureusement, la tendance actuelle était au déni et au rejet de ces pratiques, considérées comme des reliques dépassées et ridicules, voire nocives.

Matthieu était pétrifié par les conclusions qu'il avait retiré de sa lecture. La moins mauvaise, voire plutôt bonne, était qu'il se rapprochait de la résolution de l'énigme sur la manière de rompre la frontière entre les univers. L'une des possibilités était d'éliminer purement et simplement les Lords de la Magie, ce à quoi à la fois Tommy-boy et Dumbledore œuvraient avec la hargne des bouledogues et la détermination digne d’une utilisation plus pacifique. Sans se rendre compte que par leurs agissements, ils coupaient la branche sur laquelle ils étaient assis.

L'autre enseignement que Matthieu en tira était franchement désastreux et nécessitait des actions rapides et calculées de sa part. Telles que la mesure de son « rendement » magique, la réalisation des rituels les plus simples et le travail dans le but de faire reconnaître, par la suite, son don unique de guérisseur et d’animateur par la société des sorciers.

Car Matthieu venait de se rendre compte que lui aussi était issu des Moldus et ne représentait rien, même moins que rien aux yeux de la communauté où il devait vivre et agir.

« Mon nom est Personne » (3), chuchota Matthieu pour lui-même.

***

Au même moment que Matthieu ouvrait les yeux sur la désagréable vérité, Hermione, Ron, Ginny et Harry descendaient de Poudlard express qui les ramena à Londres pour les vacances d'été. Ron et Ginny saluèrent leur père, venu les chercher, et après avoir fait un signe de tête pour dire au revoir à ses camarades, il transplanèrent au Terrier en se tenant fermement aux mains d'Arthur.

Hermione se dépêcha vers la sortie de quai 9.3/4 pressée de rejoindre ses parents de l'autre côté de la barrière. Elle traînait littéralement Harry, qui ralentissait de plus en plus, pour finir par s'arrêter complètement.

-         Harry, grouille ! Mes parents sont impatients de me revoir et ton oncle risque de ne pas être content de t’attendre.

-         Vas-y, Hermione, prononça pensivement Harry, j'ai oublié un truc dans le compartiment, je le récupère et je rejoins après l'oncle Vernon. Ne t'inquiète pas, je t’assure que je trouverai seul la sortie sans problème.

Harry sourit et fit l'air de faire le demi-tour. Hermione lui jeta un regard soupçonneux, mais fini par consentir :

-         Alors, si ça ne te dérange pas...

Elle pressa doucement son avant-bras et se précipita vers l’issu, vers le monde réel sans magie, là où ses proches l'attendaient avec tout leur amour.

Dès que son amie aïe disparut dans la foule, Harry s'appuya lourdement sur sa malle et reprit alors le monologue intérieur qu’il avait entamé plusieurs jours auparavant.

« Ron et Hermione vont retrouver leurs parents aimants, dans leur foyer chaleureux, tandis que je serai contraint de vivre chez des gens qui me haïssent et m'exploitent comme un elfe de maison. Soi-disant je dois y être pour ma sauvegarde...Ce n’est pas juste...Surtout maintenant, j'ai un parrain qui possède une maison bien protégée. Un jour, Hermione a même dit que la maison des Black est plus sûre que le Fort Knox (4), et mieux gardée que Gringotts. Même les réunions de l'Ordre de Phenix s'y déroulent en toute sécurité. Et moi, je serais en danger là-bas ? Quelque chose ne colle pas, ce n’est pas logique ».

En réfléchissant, Harry fit quelques pas de plus vers le monde des Moldus. Il n'avait plus à se frayer un chemin, car le quai se vidait rapidement des voyageurs.

« On m'a dit que j'étais obligé de revenir dans la maison de ma tante, car ma mère avait placé une défense de sang là-dessus. Mais ma mère n'avait jamais mis les pieds à Little Whinging, alors comment elle s'était débrouillée pour entourer la maison d'un sortilège ? Ça aussi c'est louche. »

Depuis la crise qu'il fit au bureau du Directeur en détruisant une partie du mobilier et des artefacts par la magie brute, Harry était régulièrement visité par ces pensées étranges, qu'il n'avait jamais eues auparavant.

Il stoppa de nouveau : « Et puis j'en ai assez d'entendre parler de mes obligations : « Harry, tu dois faire ci...Harry, tu dois faire ça... ». Mais je ne dois rien et à personne, c'est plutôt le monde magique qui a une dette envers moi, pour la disparition il y a quinze ans de plus grand épouvantail des sorciers, même s’il ne fit que se tuer contre mon front avadarésistant."

Il se frotta machinalement le visage, puis afficha un sourire qui aurait pu effrayer une personne au psychisme fragile, une expression tout à fait inhabituelle sur le visage du gentil gars Harry, et repartit d'un pas décidé à la rencontre de son oncle.

***

Harry interrompit les récriminations prêtes à s'échapper à Vernon, qui était écarlate de colère à peine contenue, en déclarant :

-         Mon oncle, les ordres ont changé. Vous me déposerez à une bouche de métro le plus éloigné de la gare, puis vous pourrez faire ce que vous voulez. Partez en vacances sur la Riviera Française avec votre famille par exemple.

En prononçant la dernière phrase, Harry l'accompagna instinctivement, d'une sorte de « poussée », semblable à une injonction mentale. Vernon tituba, eu l'air un peu désorienté, esquissa un sourire niais et déclara :

-         Excellente idée, comme, heureusement, tu n'es plus à notre charge, on part en vacances dès demain, non dès ce soir !

Il plaça la valise d'Harry dans le coffre, attendit que son neveu s'installe et, chose inédite pour lui, se mit à chanter en prenant la route :

« Il y a le ciel, le soleil et la mer » (5)

Moins d'une heure plus tard Harry se tenait sur le seuil de 12 Square Grimaurd prêt à actionner le heurtoir.

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1.      « Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark ». - Réplique célèbre de Hamlet dans la pièce de même nom, auteur Shakespeare.

2.      « Tommy boy… » - Périphrase de la traduction de l’ancienne comptine anglaise « Humpty Dumpty »

3.      « Mon nom est Personne » - Titre de Western (1973)

4.      Fort Knox - un camp militaire construit en 1918 et situé dans le Kentucky. Depuis 1937, le gouvernement fédéral américain y entrepose la réserve d'or des États-Unis.

5.      « Il y a le ciel, le soleil et la mer » - paroles de chanson interprétée pour la première fois par François Deguelt en 1965.

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