Je ne suis pas Harry ! Hourra !

Chapitre 6 : Triangle des Bermudes

3128 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 13/09/2024 15:36

Le hibou traversa la pièce et laissa tomber une grande enveloppe devant Matthieu, puis s'est enfui par la baie vitrée avant que Sirius ne puisse la refermer.

Sur l'enveloppe, on pouvait voir noté d’une écriture calligraphique à l'encre verte :

« Monsieur Matthieu Novembre, surnommé May

La cuisine,

Black House,

12, Square Grimmaurd

Le pli spatio-temporel n°1251,

Londres »

Matthieu leva les yeux écarquillés d'étonnement à la lecture de l'adresse et voulut prendre le courrier, mais Sirius fut plus rapide en le substituant promptement sous son nez.

-         Voilà qui est curieux, s'exclama Sirius. - Je reconnais cette écriture, je sais qui l'a écrite et d'où vient cette lettre.

Il prit place sur la chaise la plus proche, manipula distraitement la lettre et poursuivit d'un air méfiant :

-         Sur un point Mère a raison, on n’a jamais entendu parler des Novembes. Si tu viens du monde des Moldus, avec ton puissant don magique, tu aurais dû au moins fréquenter Poudlard.

Sirius interrompit Matthieu d'un geste au moment où ce dernier s'apprêtait visiblement à lui demander comment il le savait.

-         C’est ton aura qui m'en a informé. Tu ne maîtrises aucun sort, tu ne possèdes pas de baguette magique, et tu ne connais rien de notre monde. Tout cela est très suspect ! Peut-être es-tu un espion de l'innommable, même si cela semble absurde, ajouta-t-il.

Matthieu serra un peu plus fort la guitare contre lui, malgré le feulement de protestation, qu’elle émit. Il ne voulait pas perdre le toit au-dessus de sa tête ni manquer à son contrat avec Nazgûl. Sirius Black, semblait être le personnage clé. Il entreprit donc le récit avec prudence. Il décida d'être sincère autant que possible pour pouvoir placer Le Gros Mensonge, car tout le monde sait que la tromperie doit être servie sur le lit de vérité, accompagnée de faits vérifiables, tels un bon rôti entouré de pommes de terre dorées.

-         Oh-Oh ! Stoppe là, mon ami ! Prononça-t-il en montrant les paumes ouvertes dans un geste universel de non-agression. - Je ne sais rien de ton « innommable » ! Et mon histoire je veux bien te la conter. Je ne sais si cela va expliquer quelque chose, à toi de juger. Par contre j'aimerais le faire tout en confectionnant notre petit déjeuner. À moins que tu craignes que je t'empoisonne ?

Sirius posa sa baguette magique bien en vue sur la table, néanmoins sans la pointer sur son interlocuteur et fit un geste d'invite en direction de la poêle à bois, tout en allumant le feu à l'intérieur en un claquement des doigts :

-         Vas-y pour le petit déj ! Et n'oublie pas de parler, j'espère vivement que tu pourras tout éclaircir, car tu me plais beaucoup, mais sache, que je n'hésiterais pas si...

-         Je suis un enfant trouvé, commença Matthieu, tout en battant les œufs pour l'omelette. - Pendant une nuit froide de novembre, lors d'une patrouille, les agents de police ont repéré une mallette dans le hall d'une gare. Au départ, ils ont pensé qu'il s'agissait d'une bombe et ont appelé l'unité de déminage. Après de nombreuses précautions, lorsque le démineur a enfin ouvert la valise, ils n'ont trouvé que moi à l'intérieur. Mes deux premiers mois se sont déroulés à l'Hôpital Great Ormond Street (1), car ma santé était très fragile après avoir passé une nuit dans une valise en plein mois de novembre. Une fois requinqué, j'ai été mis à l’adoption, mais étrangement, personne ne s'est montré intéressé. Pourtant, un bébé adoptable est assez rare. Malgré cela, les enfants plus âgés que moi et même les petits handicapés trouvaient des parents. Tandis que moi, je semblais invisible. Les services sociaux ont fini par se résigner et me placer dans une famille d'accueil.

-         Je pense que c'était ta magie qui repoussait les prétendants inappropriés, intervint Sirius.

-         Je n'en sais rein, mais le fait est que je me suis retrouvé chez les Jones. Une famille d'accueil composée d'un père ouvrier, d'une mère au foyer et de trois enfants turbulents. Leur revenu était complété par la prise en charge d'un petit orphelin, ce qui permettait à la mère de rester à la maison pour s'occuper de sa famille. Personne ne se montrait cruel envers moi, simplement indifférent. J'étais pour eux un travail qu'ils exécutaient avec une froideur consciencieuse. Pour être équitable, il faut préciser que je n'étais pas non plus facile à vivre.

Soudain, Matthieu réalisa qu'il révélait la pure vérité : May Novembre n'était pas un cadeau, et les Jones n'étaient pas des monstres de glace. Ils effectuaient leur travail comme il se doit : May était toujours bien habillé, bien nourri, et bénéficiait des mêmes jouets et sorties que les petits Jones. Et quand il eut des gros problèmes à l'école avec les math, maman Jones s'était débrouillée pour avoir une aide financière et lui payer les cours particuliers. Rien ne les obligeait à l'aimer, « on ne peut pas plaire à tout le monde ».

-         Non, je n'ai pas été un cadeau : j'étais un enfant désobéissant, plus tard un élève médiocre. J'ai séché l'école, traîné avec des amis, et parfois je partais en fugue pour des périodes plus ou moins longues. Vers dix-sept ans, je suis parti pour de bon. Étrangement, personne ne m'a recherché. Je vivais chez des potes, un jour ici, un autre là, parfois sous les ponts. Un petit boulot ici, un petit travail là. Je gagnais suffisamment pour subvenir à mes modestes besoins, et j'ai même réussi à m'offrir une guitare d'occasion. Le plus étonnant, que je n'ai jamais eu des vrais ennuis, j'aurais pu devenir un junkie, me retrouver en prison, sur le tapin ou même à la morgue.

-         Ta magie te protégeait, vraiment bizarre qu'elle ne t'ait pas permis de recevoir l'invitation à Poudlard... Dit pensivement Sirius.

Matthieu, tout en parlant servit l'omelette et le café, s'attabla en face de maître des lieux et continua :

-         Pendant mes petits boulots, j'ai dû un jour trier des livres d'occasion pour un bouquiniste. Je ne sais pas si tu connais : Walden Books, sur Harmood Street.(2)

Matthieu croisa intérieurement les doigts, le moment fut venu. Le lit de vérité était dressé, il ne restait que coucher dessus un énorme bobard et espérer que ça passe. Dans de nombreuses fanfictions que Maïté avait lues, on parlait de livres dotés de pouvoirs magiques, comme celui de jeter des malédictions sur les indignes, ou posséder des fonctionnalités comparables à celles d'Internet. Il espéra vivement que ça soit le cas dans cette version de la réalité également. Donc il reprit la respiration et avança avec prudence :

-         Je classais les livres en fonction de leur état : ceux destinés à la vente, ceux nécessitant une restauration, et ceux justes bons à être mis au rebut. Je les examinais un par un, et soudain, en touchant un vieux bouquin sans couverture, dont la première page ne comportait aucune écriture, j'ai ressenti une chaleur et les lettres ont commencé à apparaître sur la page jaunie. J'ai montré cette curiosité à mon patron pour s'entendre dire « qu’est-ce que te gène là-dedans ? C'est juste des vieilles pages vides destinées à être mis au pilon ». À ma grande surprise, j'ai réalisé que j'étais le seul à pouvoir lire le texte. Bien sûr, je n'ai pas détruit l'ouvrage et plus tard j'ai découvert à l'intérieur un conte fantastique sur quatre sorciers et leur école.

-         Tu as eu entre les mains Histoire de Poudlard, commenta Black. Il est étonnant qu'on ait pris la peine de protéger ce manuscrit avec un sortilège repousse-moldus, qui est normalement réservé aux ouvrages plus importants. Tu possédais un noyau magique, peut-être inactif, qui t'a permis de le déchiffrer.

Matthieu poussa un soupir de soulagement intérieur. Ses explications étaient un peu fragiles, mais elles tenaient debout malgré tout. Alors, il poursuivit sur sa lancée :

-         Je l'ai lu et relu des nombreuses fois, mais fini, par l'égarer. Ce n'était pas particulièrement grave, je connaissais le texte par cœur. Je vais t'épargner la description détaillée de ce qui s'était passé ensuite, car ce serait fastidieux et inutile. Le jour de notre rencontre, j'ai été battu presque à mort par des voyous. J'ai atterri dans un endroit hors du temps et j'ai entendu : « Qu'est-ce que tu fais ici ? Ce lieu n'est pas pour les sorciers, en plus ce n'est pas ton heure », suivi de « dehors ! » et « Je m'en lave les mains ».

Peu de temps après, j’ai repris connaissance. J’éprouvais des douleurs partout et en même temps, je ressentais une chaleur dans ma poitrine, semblable à celle que j'avais ressentie lorsque j'avais touché le livre. Je baignais dans le sentiment de sécurité comme un lézard dans les rayons de soleil. Puis la souffrance était partie en me laissant une faim dévorante à sa place. La suite tu la connais, tu m'as vu en train de vérifier si j'étais devenu magicien ou non.

Matthieu décida de ne pas mentionner l'incident lamentable des cailloux. Après avoir fini l'omelette, les deux hommes burent leur café en silence pendant un moment, puis Sirius prit la parole.

-         Mon gentil Damoiseau, tu as dû être aux portes de la mort, et la magie pure, qui protège les jeunes sorciers, est venue à ton secours en activant en même temps ton noyau magique. Cela t'a permis de te guérir toi-même, ce qui est extrêmement rare.

« Tiens, je suis à nouveau le gentil damoiseau, c'est un bon signe ». Pensa Matthieu en regardant Sirius ranger sa baguette magique avec l'air penaud.

-         Je m'excuse d'avoir douté de toi, mon gentil damoiseau, et j’accepte tes explications avec plaisir. Je réalise maintenant que tu as lu « Histoire de Poudlard » et que c'est la raison pour laquelle tu n'as pas été très surpris par l'elfe de maison, notre façon de voyager, ma maison ou le portrait qui parle. Cependant, je suis convaincu que tu as menti...

À ces mots, Matthieu se couvrit de sueur froide d'effroi, mais se détendit en entendant la suite :

-         Tu as menti sur un point. Tu ne connaissais pas l'existence de notre ministère, tu as simplement deviné !

Sirius leva le doigt en signe de triomphe et afficha un joyeux sourire.

-         C'est vrai, dit Matthieu, cela semblait évident pour moi. S'il existe des sorciers, il est logique qu'il y ait une autorité centrale pour les gérer. Pourquoi pas le Ministère.

Puis sous le coup de soulagement, il pinça les cordes de la guitare et chantonna :

Pour gérer les magiciens

Ministère c'est très bien

Et sans l’aide de Ministère

Ils ne sauront vraiment que faire.

 -         Quelle horreur, commenta Sirius, tes vers, pas le Ministère. En ce qui concerne le Ministère, c'est discutable...

-         Pas de Byron (3), j'en conviens, sourit Matthieu.

Sirius tendit l'enveloppe « de la discorde » à son vis-à-vis, arborant un sourire malicieux comme s'il anticipait une bonne blague et suggéra de l'ouvrir immédiatement.

Matthieu observa attentivement son interlocuteur. Ensuite, il tourna le message entre ses doigts, relut l'adresse et posa la question :

-         Messire, tu as l'air d'un chat qui va manger un oisillon. Donc avant d'ouvrir cette missive, j’aimerais obtenir quelques réponses. Ma « tirelire à questions » est déjà pleine et « Le pli spatio-temporel » l'a fait déborder ! J'ai vraiment envie de comprendre, qu'est-ce que c'est et s'il y a un risque de s'y trouver.

Sirius se gratta la tête, chercha des cigarettes dans ses poches, en offrit une à Matthieu, les alluma avec sa baguette et finalement, ayant épuisé tous les subterfuges surprit Matthieu en commençant ainsi :

-         As-tu déjà entendu parler du Triangle des Bermudes ? Un endroit mystérieux où les navires et les avions disparaissent sans laisser de trace ? Connais-tu les légendes sur le pays des Fées ? Un lieu où les héros entrent jeunes et en ressortent quelques jours plus tard en étant des vieillards, ou bien plusieurs décennies plus tard en restant jeunes ?

Matthieu acquiesça, légèrement perplexe. Il ne voyait vraiment aucun lien entre les contes de fées, les Bermudes et le pli spatio-temporel.

-         Alors, l'explication sera plus simple. Mais tu devras accepter certaines affirmations comme un axiome. Tu sais ce que c'est ? Demanda Sirius subitement inquiet.

Matthieu manqua de rire en voyant son air hésitant, comme si « axiome » était plus difficile à comprendre que la notion d'espace pliable. Il fit appel aux connaissances de Maïté :

-         Pas de problème : axiome c'est une proposition considérée comme évidente, admise sans démonstration, par différence avec postulat, qui n'est qu'une hypothèse.

Il reprit son souffle pour continuer et donner aussi une définition mathématique, mais son ami l'interrompit :

-         Parfait, parfait, inutile d'en dire plus ! De toute façon je n'ai jamais vraiment su ce que cela signifiait avec certitude. Donc, le pli... Pour être bref : Pendant l'époque de Merlin, les magiciens vivaient parmi les Moldus, leur différence était plus ou moins tolérée et leur utilité reconnue. Cependant, avec l'arrivée du christianisme, les choses ont pris une mauvaise tournure. Les sorciers n'avaient plus « l'odeur de sainteté ». Tiens c'est drôle : sorciers et sainteté... Sirius rit de sa bévue et continua, - Alors les mages avaient décidé de se cacher et ont créé des replis de l'espace, à peu près comme ceci...

Pour illustrer son récit il prit la serviette de table, fit un pli en rapprochant les bords de tissus et les lissant soigneusement, pour former comme une poche en dessous.

-         Regarde, la serviette semble intacte, à l'exception d'un petit morceau invisible, caché en dessous. On utilisait la même technique pour dissimuler des châteaux et des villages appartenant aux seigneurs sorciers. Mais Les moldus ne sont pas des insensés. Quand ils ont vu une région entière disparaître en une nuit, ils ont crié au diable, et les choses sont devenues beaucoup plus graves. La solution était de se cacher à travers l'espace et le temps. Les moldus ne percevaient aucun changement dans le paysage et les habitations des sorciers demeuraient en sécurité. Je ne saurais expliquer le processus, je ne le comprends pas moi-même. Tout ce que je sais, c'est que c'est une forme de magie extrêmement complexe, nécessitant des connaissances approfondies, des compétences établies et une puissance magique considérable. Et cette affirmation relève d'un axiome !

Sirius fit un geste majestueux des mains pour mettre en avant l'importance de sa déclaration et sa fierté d'avoir réussi à introduire le mot étrange "axiome", tout en regardant Matthieu avec une pointe de supériorité.

-         Les premiers tests ont été un échec total, aboutissant à la formation du Triangle des Bermudes, où le différentiel de temps et si important, que quiconque pénètre dans cette zone est considéré comme perdu. La première réalisation réussie est l'école de Poudlard, qui présente un décalage d'une seconde par an par rapport au monde réel. Puis Chemin de Traverse et Poudlard express - écart d'une seconde par mois. Toutes les vieilles familles des sorciers ont suivi l'exemple. Ici dans la maison de ma famille, l'écart est d'une seconde par semaine, rien d'alarmant, comme tu peux le constater.

Sirius vida sa tasse à café d'un trait et ajouta :

-         Toutes les autres questions plus tard. Après avoir lu ton courrier, je suis certain que tu auras beaucoup d'autres.

Matthieu déchira l'enveloppe et lu à voix haute le texte suivant :

« Cher Monsieur Novembre,

Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d'ores et déjà d'une inscription en première année à l'école de sorcellerie de Poudlard. Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité.

La rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendons votre hibou les 31 juillet au plus tard.

Veuillez croire, cher Monsieur Novembre, en l'expression de nos sentiments distingués.

Minerva McGonagall

Directrice adjointe. »

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1.      l'Hôpital Great Ormond Street – Lieu réel, hôpital pour enfants à Londres.

2.      Walden Books – Lieu réel, librairie à Londres.

3.      Byron – Lord Byron, poète britannique (22.01.1788 – 19.04.1824)

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