Je ne suis pas Harry ! Hourra !

Chapitre 3 : Sirius Black

3191 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/08/2024 14:57

Maïté dégringola dans l'eau ! Ce n'était pas un océan, ni une mer, ni un lac, ni un ruisseau, mais juste une flaque d'eau boueuse au milieu d'une ruelle sombre. Elle ne ressentait pas le froid, même si son dos et ses fesses étaient immergés dans la mare.

Cependant, elle souffrait énormément, la douleur la rongeait de l'intérieur, chaque respiration était un supplice et le sang moussait sur ses lèvres. Son « médecin » interne commenta : « c'est un mauvais signe ça. »

Maïté essaya de se palper pour comprendre l'étendue des dégâts, mais au lieu de passer les mains sur son corps, elle sembla s'effondrer vers l'intérieur. Elle eut l'impression de se transformer en une luciole magique parcourant les os et les artères, en les observant attentivement à la recherche des altérations.

« Les hématomes, ce n'est pas sérieux, je m'en occuperai plus tard. L’os de la jambe gauche, ce n'est pas pressant non plus. Mais là-haut, ah ! C’est urgent - la rate est éclatée, c'est dangereux ! » La petite luciole, qui répondait également au nom de Maïté, s'approcha de rate pour la nettoyer et la réparer. En essuyant son front imaginaire, elle se dit : "Il s'en est fallu de peu." Puis, elle se dépêcha de partir.

« Trois côtes fêlées - on les répare. Ah ! Ici, c'est grave - une côte brisée a perforé le poumon et a également endommagé un gros vaisseau sanguin, en provoquant un Hémothorax (1) Ça explique la présence de la mousse sanguinolente sur les lèvres. » Maïté s'occupa de tout : elle répara d'abord l’artère, puis la lésion du poumon et pour finir ressouda la côte. Elle poursuivit son examen et découvrit une commotion cérébrale avec un hématome sous-dural (2), qu'elle prit immédiatement en charge.

Complètement épuisée, haletante, elle reprit conscience, toujours dans la ruelle, allongée dans l'eau. Elle ne ressentait plus aucune douleur.

Maïté prit une grande inspiration, s'assit, se frotta le visage et sursauta de surprise. Ce n'était pas ses mains, elle avait des petites mains au manucure soigné et non ces « pelles Poclain » (3) aux ongles cassés, qui se trouvaient devant ses yeux.

Prise de panique, elle se tâta et se regarda : des jambes longues enveloppées dans un jean déchiré et crasseux, et un torse sans la moindre trace de poitrine, caché sous un sweat tout aussi crasseux. « May ». Chuchota-t-elle. « Quel étrange délire ! C'est vraiment étonnant ! On aurait dû être en décembre mais ici, si l'on se fie à la température, on dirait bien que c'est le printemps. »

Ensuite, elle se remémora l'accident, les rencontres bizarres qui le suivirent, et elle dut déployer des efforts titanesques pour rester calme.

« Pas d'affolement, des deux choses une, soit je suis devenu folle à cause du stress, et actuellement en plein délire, j'occupe une chambre tout confort au sein d'un hôpital psychiatrique. Soit j'ai réellement eu un accident de voiture et c'est mon cerveau, mourant ou comateux qui me montre ce « cinéma ». Dans ces deux cas je n'y peux rien.

Mais il existe une toute petite probabilité que tout ça soit vrai : accident, Nazgûl, May... Et là je peux agir ! Alors je vais faire comme si... De toute façon si je suis cinglée ou mourante, cela ne me nuira pas. Donc passons aux choses sérieuses. »

Maïté, (ou peut-être May ? Non, amis et voisins, pas encore, pas tout à fait) jeta un coup d'œil autour d'elle avant de se lever et repéra des bouts de bois et des cordes brisées. C'était tout ce qui restait de la guitare de May. Ou devrait-elle dire sa guitare ?

Elle ramassa les morceaux sans comprendre vraiment pourquoi, puis se dirigea vers la sortie de la ruelle, cherchant une rue plus animée ou du moins, mieux éclairée. Maïté avança péniblement dans l'avenue, traînant sa jambe gauche et manquant presque de tomber. La différence de longueur, avec la gauche, plus courte de deux centimètres, posait un problème, bien que non critique. Ce qui le contrariait vraiment, c'était que le centre de gravité de ce corps était nettement différent de celui auquel Maïté était habituée. Elle s’inclina doucement vers l'arrière pour compenser par habitude la poitrine, actuellement inexistante, et faillit tomber à nouveau dans la flaque...De plus, May était grand et sa perspective visuelle fut inhabituellement élevée, ses pieds étaient énormes et ses bras trop longs. Et, si lui n'avait pas de seins, il possédait en revanche autre chose. Cela choqua Maïté qui se demanda comment les hommes arrivaient à se déplacer avec ça entre les jambes ! Les organes génitaux extériorisés, si peu protégés, étaient à la fois agaçants et angoissants ! Positivement Maïté n'avait pas l'impression d'être à sa place dans ce corps, se sentant plutôt comme une invitée inopportune. Ainsi, même marcher était déjà un défi.

En plus Maïté avait faim, non pas une faim ordinaire, elle crevait littéralement la dalle ! Elle aurait pu crier en paraphrasant Richard III « Mon royaume pour un sandwich » ! (4) Et là, elle eut une vision, un mirage, presque un miracle ! Un supermarché, un supermarché ouvert, un supermarché ouvert à cette heure tardive ! Et pas un sou dans les poches...

« L'entité m'a promis que je serai un sorcier, d'ailleurs j'ai pu me guérir moi-même, et si ce n’était pas de la magie, je veux bien bouffer ce que reste de la guitare. Alors je vais prendre quelques cailloux et les faire passer pour des pièces de monnaie. Oui ce n’est pas très honnête, mais un si grand supermarché ne souffrirait pas trop de la perte de deux sandwichs et d'une bouteille d'eau ! » Ainsi raisonna Maïté en ramassant quelques gravillons dans l'allée.

À l'intérieur du grand magasin, elle sentit les larmes lui monter aux yeux : les rayons étaient si familiers, si bien ordonnés, aucune originalité, exactement comme chez elle dans le lointain 2023 de l'univers 0. Elle prit deux sandwichs au thon et aux œufs et une grande bouteille d'Evian, puis s'avança vers les caisses en commençant déjà à dévorer son casse-croûte avec entrain. Maïté tendit à la caissière un emballage vide et un autre plein, mais déjà ouvert, ainsi que la bouteille et des graviers pour payer ses achats. La jeune fille à la caisse lui adressa un joli sourire et dit gentiment :

-         Vous voulez vraiment payer avec ça ? Avec les cailloux ? Vous êtes cinglé ? Sa voix au début calme monta en crescendo, - j'en ai marre, de vous tous, de tous les traîne-savates et les junkies (5) ! Qui n'ont pas un rond, mais veulent bâfrer à l'œil, et c'est moi qui dois compenser le manque dans la caisse, de ma maigre paye ! Casse-toi, emporte les restes, ce n'est plus vendable ! Et que je te revoie plus !

Maïté sortit en courant du magasin, joues brûlantes de honte et elle eut l'impression d'entendre un petit ricanement sardonique à peine perceptible tout au fond de sa conscience.

Malgré les remords qui la tourmentaient et le rire étrange qui l'accompagnait, elle continua à manger tout en cherchant un endroit pour se poser. Le banc public, éclairé par un réverbère, sembla l'inviter chaleureusement et Maïté s'y affala avec gratitude, même la présence d'un gros chien noir à côté de l'assise ne put la décourager. Elle vit que le chien la fixait avec convoitise. Il avait clairement très faim lui aussi, alors elle lui donna machinalement un morceau de pain, lui caressa la tête tout en songeant : « La magie n'a pas marché, peut-être uniquement la volonté ne suffit pas, il faut au moins une formule. Pourtant, pour la guérison, un simple désir a très bien fonctionné. Essayons, alors, avec une formule : par exemple « Reparo » pour la guitare ». Elle tendit le doigt de la main droite, couvert par la mayonnaise vers la guitare et annonça avec emphase :

-         Reparo !

Rien ne se passa, elle insista :

-         Reparo guitare !

Toujours rien, le chien émis un son qui ressemblait fort à un ricanement. Deux événements distincts se produisirent simultanément : elle prononça en désespoir de cause « Am-stram-gram » en se tournant par réflexe vers le chien, une raie de lumière bleue jaillit de son doigt, et glissa de la guitare au cerbère.

Un tintement retentit et l'instrument de musique retrouva sa forme d'origine, puis sembla s'étirer, comme après un long sommeil, et ouvrit deux grands yeux bleus juste au-dessus de la rosace, en haut de la table d'harmonie. Maïté tressaillit et se tourna vers celui qui aurait dû être un chien, mais à la place se trouva un homme recroquevillé et complètement nu. Totalement désorientée, elle formula d'une voix tremblante :

-         C'est « Am-stram-gram » qui a fait ça ou bien la mayonnaise ?

Elle essuya ses mains sur son pantalon, qui, étant dans un état irrécupérable, ne risquait plus grand-chose, puis parla à l'homme, qui entre-temps prit place sur le banc, adoptant la posture du Penseur de Rodin :

-         Qui êtes-vous Messire ?

« Pourquoi Messire ? » s'interrogea Maïté perplexe, « C'est l'héritage de May, ma parole »

-         Sirius Black, pour vous servir ! Et à qui ai-je l'honneur de m'adresser, mon gentil damoiseau ?

-         Maï... May Novembre

-         Maï... May, quel drôle de prénom !

-         May ça suffira bien !

-         Monsieur Novembre, vous venez de nous montrer que vous pouvez faire de la magie sans user de la baguette. Pourriez-vous avoir la bonté de transfigurer cette branche en pantalon, ici et maintenant, avant que nous soyons arrêtés pour l'atteinte à la pudeur ? Lâcha Sirius après un instant de réflexion.

-         Vous vous risquerez à porter un pantalon que j'aurai transfiguré, même après avoir vu les effets de mon sortilège sur l'instrument de musique ? Ma guitare ne s'est pas contentée d'acquérir des yeux, mais en plus elle est en train de se frotter contre mes jambes en ronronnant.

-         Hum... Je ne pense pas que j'aimerais que mon pantalon commence à aboyer ou à me mordre les fesses. Tu as raison ! Et on se tutoie, si tu veux bien. (6)

-         Et comment cela se fait que tu t'es retrouvé d'abord sous la forme de chien, puis tout nu dans cette rue, oubliée de Merlin ?

-         Tu ne vas pas me croire ! Je suis un animagus ! Comment je me suis retrouvé ici, eh bien c'est une longue et triste histoire...Prononça Black avec grandiloquence.

-         Si l’histoire est longue, mets, donc, d'abord ça autour de reins, sinon on risque vraiment de finir au poste. Maïté lui tendit son sweet, - il n'est pas très propre, mais c'est mieux que rien.

Sirius s'inclina en signe de remerciement, suivit le bon conseil, puis il continua :

-         Je donnais un petit coup de main au ministère de la Magie... J'espère que tu sais ce que c'est ?

Maïté acquiesça, en étouffant un petit rire moqueur. Si le bordel au ministère, décrit dans le livre, notamment la destruction de la salle des prophéties et de la salle du temps, s'est produit également dans cet univers, alors « un petit coup de main » serait un doux euphémisme.

-         Alors, j'ai aidé un peu, et en plein dans le feu de l'action, ma cousine Belle m'a poussé dans l'Arche de la Mort. Elle ne l'avait pas fait exprès, elle est de la famille après tout. Un accident bête ! Je suis tombé à travers le voile et retombé derrière déjà sous la forme de Grim. Je dois te confesser que lorsque je me transforme, je ne prends pas la forme d'un simple chien, mais celle du Totem de notre lignée, qui est le Sinistros, autrement dit Grim. À peine j'avais franchi l'Arche, qu'on m'a attrapé par la peau du cou et soulevé du sol. Ce n'était pas une mince affaire de me lever, tu as bien vu la taille de la bête ! Et j'ai entendu tonner tout autour...

-         Laisse-moi deviner : « Je m'en lave les mains » ?

-         Pas tout à fait ! Donc j'entends : « Que ce que tu fous ici ? C'est interdit aux animaux ! Tout le monde n'en fait qu'à sa tête ! » Et puis effectivement : « Je m'en lave les mains ».

J'ai ressenti un léger balancement, puis on m'a projeté au loin. J'ai rapidement repris conscience ici, près de ce banc, mais je me trouvais toujours dans ma forme animale. Et je n'arrivais pas à retrouver mon apparence humaine, malgré tous mes efforts. Puis, tu es arrivé et, d'un coup de baguette...d'un coup de doigt couvert de mayonnaise m’as rendu mon aspect habituel ! Et je t'en suis profondément reconnaissant, même si au passage tu as annihilé mes vêtements et le contenu de mes poches, y compris la baguette magique et quelques gallions.

Sirius s'inclina si profondément qu'il faillit tomber du banc.

-         Mais, maintenant un grave problème se pose à moi, comment rejoindre mon domicile, où tu es, bien entendu, cordialement invité, si tes obligations ne t'appellent pas ailleurs !

Maïté fit un geste ambigu, pouvant signifier à la fois un refus ou un accord, puis elle répondit dans le style caractéristique de May :

-         Messire, je serais profondément honoré d'accepter votre aimable invitation ! Par contre je suis loin de saisir où niche la difficulté pour rejoindre susdit lieu !

Honteuse et mécontente d'elle-même, mais incapable de s'arrêter, elle se mit à chantonner tout en priant silencieusement son Alter Ego : « May, sort de ce corps » :

« Ce lieu merveilleux et en plus magnifique

                             Ou attendent un repas et le vin en barrique »

-         Mon gentil damoiseau, déclara Sirius d'un ton grandiloquent à l'attention de son compagnon, pas d'argent pour le taxi, pas de baguette magique pour transplaner et je ne parle même pas de l'absence des vêtements !

-         Mon bon Messire, dans ton extrême dénuement, possèdes-tu, au moins un elfe de maison ?

Sirius se frappa le front avec l'air : "comment ai-je pu l'oublier" puis s'exclama avec jubilation :

-         Kreattur, au pied !

Un être bizarre, de petite taille, aux oreilles en forme de choux, vêtu d'une redingote usée mais soignée, apparut devant Maïté, la laissant bouche bée. Il ne présentait aucune ressemblance avec un être humain, mais ne correspondait pas non plus à la description du roman, telle qu’elle s'en souvenait. Pas de taie d'oreiller salle, pas de groin, pas d'air servile. L'elfe fut, visiblement, imbu de son importance et se tenait avec la dignité d'un prince de sang.

Sirius ordonna d'une voix qui ne souffrait pas la contradiction :

-         Mon invité, et moi-même au Black house. Puis le bain, le dîner, les habits et la chambre pour mon hôte. Exécution !

D'un air, qui rappelait celui d'un roi en exil, l'elfe haussa les épaules, et résigné, claqua des doigts sans prononcer un mot. Au même instant, un tourbillon de téléportation les emporta au loin. Maïté eut à nouveau l'impression d'être secouée dans un shaker. Les particules de son corps semblèrent danser la tarentelle, tournoyer dans une ronde endiablée et faire les claquettes pour à la fin se réunir à nouveau, tout en la projetant sur le sol poussiéreux d'un couloir, au pied d'un majestueux escalier, son visage reposant sur un porte-parapluies en forme de pied de troll.

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1.      Hémothorax - une accumulation de sang entre le poumon et la paroi thoracique. Les personnes peuvent se sentir étourdies et essoufflées, ressentir des douleurs thoraciques.

2.      Un hématome sous-dural - désigne l'épanchement de sang dans les espaces méningés, le plus souvent, à la suite d'un traumatisme crânien.

3.      Pelles Poclain - La société Poclain est une entreprise française. Elle a été l'une des plus importantes firmes françaises de fabrication de matériel de travaux publics. Elle a bâti son succès avec la pelle hydraulique. Ici pour indiquer une grande taille.

4.      « Mon royaume pour un sandwich » - périphrase de la réplique célèbre de la pièce de Schekspéare « Richard III » « Un cheval ! Un cheval ! Mon royaume pour un cheval ! » (Acte V, scène IV).

5.      Junkies - Les drogués

6.      L'auteur sait qu'en anglais, il n'y a qu'une seule forme « you », mais comme le texte est en français, nous pouvons faire une petite exception. ;-)

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