Destinée | les Prince, tome 1

Chapitre 12 : À la banque Gringott

1123 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/07/2024 01:41




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La chambre à coucher que partageaient Eileen et Tobias était le plus grande de la maison — mais à titre de comparaison, celle qu'occupait Eileen au Manoir Prince l'était dix fois plus.


C'était une pièce sordide, malodorante et sombre, où de longues bandes de papier peint sale pendaient à diverses hauteurs des murs. L'unique endroit où l'on pouvait se tenir debout sans heurter le toit pentu était le centre de la chambre, et sur les planches de bois pourries qui s'y trouvaient reposait un lit de deux places.


Eileen était allongée sur un des matelas, enfouie sous une couverture déchirée et rugueuse. Le temps avait durci son visage et amaigri sa silhouette : c'était désormais une femme aux yeux ternes, aux cheveux noirs qui viraient prématurément au gris, avec un nez cassé et une bouche sèche.


Elle tenait dans ses mains un châle en soie argenté, dont le raffinement jurait avec l'apparence misérable et insalubre de la pièce. Il était la dernière chose qui lui restait du monde sorcier. Prise d'une colère noire, elle avait détruit tout ce qui lui appartenait auparavant, n'en laissant que des cendres et un amer sentiment de remords et de regrets. Elle ne savait plus exactement pour quelle raison elle avait épargné ce châle. Peut-être l'avait-elle oublié.


Toujours était-il que ses pensées la conduisaient invariablement à la lettre envoyée par Gringott. Sa défunte mère, Dorothy Necro Prince, avait accordé une chance à sa petite-fille, sans même pardonner sa propre fille. Eileen, au-delà de la peur de confronter le monde sorcier et son ancien entourage, se sentait surtout terriblement trahie et jalouse.


Eileen avait toujours été une fille obéissante. Elle n'avait eu ni le mérite d'être une sorcière exceptionnelle, ni de briller en société autrement que grâce à son nom, mais elle avait été obéissante. Elle avait beau s'être mariée avec un Moldu, elle était une sorcière de sang-pur.


Séraphine était le fruit d'une union impure — ce qui avait toujours répugné sa mère. Alors pourquoi, maintenant, obtenait-elle une nouvelle chance, alors qu'Eileen était abandonnée à sa vie misérable ?


Assaillie par une vague de rage, elle jeta le châle au sol. Une larme coula sur sa joue. Elle l'essuya d'un geste coléreux.


Séraphine ne devrait pas avoir cette chance.


Cette pensée s'incrusta soudainement en elle, et elle la répéta plusieurs fois avant qu'un mince sourire ne torde son visage.


Séraphine n'aurait pas cette chance.





La pluie tombait à torrent et le Chemin de Traverse s'était peu à peu vidée. Eileen, ignorant le froid et les trombes d'eau qui glaçaient ses membres, marchait d'un pas vif en direction de la banque de Gringott.


Elle évitait du mieux qu'elle pouvait de regarder les boutiques, si familières, ou même de s'arrêter pour tenter de repérer le visage d'une vieille connaissance. Quand elle arriva à Gringott, elle était trempée et frissonnait, mais elle était toujours déterminée à se montrer furieuse, enragée s'il le fallait, pour empêcher Séraphine d'obtenir ce dont elle-même avait toujours rêvé.


Elle l'aperçut aux côtés d'un Gobelin, d'un elfe de maison qui lui disait quelque chose.


« Séraphine ! s'écria-t-elle, d'une voix éraillée par des années de silence. Je t'interdis, tu m'entends ! Je te l'interdis ! »


Séraphine devint blême.


 « Madame Prince, qu'est-ce que cela signifie ? N'étiez-vous pas sensée être dans l'incapacité de venir ? siffla Durk en jetant des coups d'œil suspicieux à Séraphine, laquelle était mitigée entre tout expliquer, et perdre ainsi son unique chance d'hériter, ou nier en bloc.


 — Séraphine a menti, déclara-t-elle. Je refuse que ma fille ait toutes ces choses que lui a légué ma mère. »


Elle ajouta en dissimulant un sourire : « Et si je ne suis pas d'accord, elle ne le pourra pas, n'est-ce pas ? »


Durk pinça les lèvres.


« Non. »


Séraphine s'effondra.


« Non, si le tuteur légal refuse, nous ne pouvons rien faire. Cependant, s'il y a un autre tuteur, nous pouvons effectuer...


 — Mon mari déteste la magie. Jamais il n'acceptera, rétorqua Eileen.


 — Je ne pensais pas à cela, Madame Prince. Mais si nous détectons des cas de maltraitance, elle devra alors être placée sous la tutelle de quelqu'un d'autre. Et si ce quelqu'un d'autre est d'accord, il héritera de la fortune Prince. »


Ce fut au tour d'Eileen de devenir pâle. Elle ne voulait pas que sa fille hérite, mais pas non plus qu'un inconnu en bénéficie à sa place. Et, si ce Gobelin demandait à ce qu'un enquête soit réalisée, nul doute qu'il trouverait rapidement les preuves nécessaires pour délester Eileen et Tobias de sa tutelle. Eileen n'était guère une passionnée de la loi, mais elle savait que cette histoire se terminerait mal pour elle si elle continuait sur sa lancée.


Séraphine, de son côté, avait les yeux écarquillés. Quitter sa mère, son père et Carbone-les-Mines était une option particulièrement tentante, mais quitter Lily aussi ? Il n'en était pas question.


 « J'accepte », lâcha Eileen, vaincue.


Sa fille la fixa avec des yeux ronds et Servisis donna l'impression d'avoir croqué à pleines dents dans un citron.


« Dans ce cas, nous pouvons procéder », déclara Durk.


Et ils procédèrent. Durk conduisit Eileen dans son bureau, lui expliqua les conditions auxquelles elle devait se soumettre pour bénéficier de l'héritage : que ce soit pour tirer une somme du coffre des Prince, ou même emménager au Manoir Prince, elle aurait besoin de l'autorisation de Séraphine.


Si cette exigence agaça Eileen, elle n'en montra rien. Elle signa les papiers sans faire d'histoire, et Séraphine et elle partirent de Gringott et retournèrent à Carbone-les-Mines.


Aussi loin qu'étaient leurs préoccupations, elles se posaient toutes deux la même question : que faire à présent ?


Séraphine ne se voyait en aucun cas quitter Lily. Elle ne savait que faire du Manoir Prince, sinon le vendre, mais en revanche elle avait une idée bien précise de la manière dont elle voulait dépenser son argent — et elle avait hâte d'inclure Lily dans ses projets.


Quant à Eileen, elle était d'autant plus perdue que ses plans avaient été chamboulés en milieu d'accomplissement et elle n'avait pas eu le temps de réfléchir à la suite des évènements. Elle ignorait la façon dont elle devait agir.

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