Destinée | les Prince, tome 1

Chapitre 8 : Entre regrets et remords

987 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/06/2024 21:09


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Février, 1950.


 « Eileen, nous te déclarons indigne du statut de Prince. Tu seras officiellement reniée de la famille d'ici deux jours. » annonça la mère d'Eileen d'un ton monocorde.


Si Eileen avait dû être honnête, elle se serait avoué que les signes étaient apparus bien avant.


D'abord, les moqueries et les regards qui la suivaient dans tous les lieux sorciers où elle se rendait : ensuite, la diminution, rapidement suivie par la disparition complète des invitations à divers thés — car même si Eileen n'avait pas d'amis, elle était acceptée en société — : et pour finir, la Gazette qui dénonçait sa liaison avec un Moldu, preuve irréfutable que rien ne serait comme avant.


Pourtant, cette anticipation ne la protégea pas de l'ampleur de la peine qui accompagna cette nouvelle. Dévastée, elle leva des yeux brillants implorants vers sa mère.


« Tu partiras de la maison demain, aux aurores. »


Elle monta les escaliers d'un pas vacillant, entendant le grincement singulier à la cinquième marche comme un bruit lointain.


Elle rejoignit sa chambre et s'effondra contre l'un des murs vert olive. Elle observa la pièce en pensant aux souvenirs qui y étaient liés : le miroir qui avait commenté ses tenues toute son adolescence, les dessins sur les murs, que sa mère avait caché avec du papier peint, les serpents qu'Orion avait lâché dans son lit pendant qu'elle dormait, les traces noires d'un sort mal exécuté en Première Année de sorcellerie...


Toutes ses affaires avaient été rangées dans une valise avec un sort d'expansion. Désormais, sa chambre était complètement vide, à l'exception d'une vieille armoire héritée de ses grands-parents.


Elle pleura à chaudes larmes toute la nuit et, le matin, se présenta à la porte de sa maison les yeux bouffis et le teint blême. Son père était déjà parti au travail mais sa mère prit la peine de la saluer.


« Adieu, Eileen. », dit-elle.


Dès qu'Eileen fut sortie, sa mère claqua la porte et s'y adossa avec un soupir. Ce fut dernière fois qu'elles se virent.


Eileen demanda son chemin à quelques passants qui regardèrent passer avec curiosité cette jeune femme pâle, échevelée, qui portait pour seul bagage un minuscule bagage.


Elle atteignit l'Impasse du Tisseur et, avec soulagement, entra dans la maison de Tobias.


Leur mariage eut lieu dans une église austère, dans les alentours de Carbone-les-Mines. Sur les bancs, quelques amis de Tobias et ses deux parents étaient assis. M. et Mme Rogue étaient deux personnes âcres et désagréables, qui possédaient tous deux la même grimace amère sur les lèvres.


« Tobias Rogue, voulez-vous prendre..., fit le prêtre.


— Eileen Prince, l'aida Eileen.


— Line Pince, pour épouse ? finit-il, et Eileen ne trouva pas la force de le corriger.


— Oui », déclara Tobias.


Le prêtre réajusta ses lunettes et se tourna vers Eileen.


« Line Pince, voulez-vous prendre pour époux Tobias ? »


Un bref silence suivit sa question.


« Oui », souffla-t-elle.


Tobias Rogue s'était quelque peu inquiété de ne pas apercevoir la famille d'Eileen sur les bancs de l'église mais il s'était rassuré en décidant qu'il leur faudrait du temps pour accepter leur mariage.


Eileen emménagea à l'Impasse-du-Tisseur. Tobias s'étonna qu'elle eut réussi à faire tenir autant d'affaires dans une aussi petite valise mais il ne fit aucun commentaire.


Peu de temps après leur nuit de noces, Eileen tomba enceinte. Loin d'être folle de joie, elle avait l'impression d'être désormais complètement piégée. Tobias perdait de son affection pour elle et devenait plus froid au fur et à mesure que son ventre s'arrondissait. La famille d'Eileen ne montrait toujours pas de signe de vie et il s'impatientait.


« Eileen, quand est-ce que tes parents vont venir nous rendre visite ? » demanda-t-il un jour, exaspéré.


Elle baissa le regard, l'air penaud, et avoua : « Ils m'ont reniée. Ils ne veulent plus de moi pour... avoir épousé quelqu'un comme toi. »


Sonné, il la fixa longuement et s'énerva : « Pardon ? Mais comment... Comment... »


 — Je sais, c'est triste. Mais je n'ai pas besoin d'eux. Je t'ai déjà toi » assura-t-elle en espérant attirer l'admiration et la compassion de Tobias.


Il quitta brusquement les lieux, envahi par la rage. Il avait épousé cette femme pour rien, finalement. Et il ne pouvait pas se débarrasser d'elle en divorçant : après tout, elle portait son enfant.


À partir de ce jour, Tobias n'adressa plus à Eileen que de longs silences et des coups d'œil froids. Son comportement s'aggrava lorsqu'il apprit qu'elle était une sorcière.


Tobias avait été élevé dans une famille catholique jusqu'aux bouts des doigts. Un sorcier était, d'après ce qu'on lui avait enseigné, une créature possédée par le mal. Une sorcière, quant à elle, était encore pire : non contente d'être une créature démoniaque, elle attirait les hommes dans ses filets, à l'aide de Potions d'amour, et une fois qu'ils étaient conquis, le piège se refermait.


S'il avait prêté attention à Eileen, il aurait réalisé qu'elle ne correspondait absolument pas à ce profil : c'était même lui qui y ressemblait. Il avait attiré Eileen dans l'espoir de gagner le soutien financier de ses parents. Mais Tobias était une personne bornée et qui avait défini très tôt le mal et le bien. Peu importe ses agissements, il était une bonne personne.


Il prit peur d'Eileen et en devint agressif avec elle. Dans ses moments d'ébriété, il fut parfois violent, et Eileen se mit aussi à craindre son mari. Elle se perdit dans les regrets et sa grossesse n'arrangea rien.


Finalement, le 9 janvier 1960, une fille du nom de Séraphine Rogue naquit au sein d'une famille rongée par les regrets et les remords.

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