Destinée | les Prince, tome 1

Chapitre 3 : Tobias Rogue

863 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/06/2024 20:57

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L'usine de menuiserie dans laquelle travaillait Tobias Rogue était un grand bâtiment en briques rouges, sur laquelle une cheminée s'élevait dans un geste de réprimande. Elle se situait à Carbone-les-Mines, flanquée entre deux maisons délabrées.


Il se levait entre cinq et six heure pour se rendre à son lieu de travail, où il passait dix longues et harassantes heures à transporter de lourdes charges. À quinze heure, il allait au bar, accompagné de Jaxon et Gaillard, deux gars qui bossaient sur le chantier. S'il était ivre, il rejoignait sa maison. S'il jugeait sa sobriété était suffisante (il en décidait ainsi à un maximum de cinq bières), il faisait un tour aux bordels des quartiers de Soho et y restait jusqu'à tard le soir.


Ce fut là-bas qu'il trouva le fameux journal. Alors qu'il s'apprêtait à entrer dans une maison close, il avait aperçu sur le bord de la route, enseveli sous la neige déjà crasseuse et jaune pisse, un morceau de papier. Il s'était approché, s'en était saisi et l'avait épousseté pour distinguer son contenu.


Le titre annonçait : La Gazette : découverte du marié d'Eileen Prince. Sur la photo de couverture, une femme aux longs cheveux noirs et aux lèvres fines gardait un air froid. Soudain, elle avait souri et Tobias, éberlué, avait cligné des yeux. Quand il les avait rouvert, la photo était redevenue normale.


Qu'est-ce qu'était un Moldu ? La Gazette ? Les nobles familles de sangs-purs Black, Malefoy et Prince ? L'école Poudlard ? Tobias, pourtant loin d'être analphabète, n'avait jamais entendu ni lu ces mots et ces noms. Puisque la une du journal lui était réservée, Eileen Prince devait posséder une certaine notoriété. Mais jamais il n'en avait entendu parler, il en était certain.


Il aurait pu éviter d'y penser, jusqu'à l'oublier complètement et le perdre quelque part. Mais le jour où il croyait s'être débarrassé de ce fichu journal, la fameuse Eileen Prince était apparue dans une des salles de jeux que fréquentaient Jaxon et Gaillard.


Elle n'était pas vraiment belle. Ses longs cheveux noirs, raides et lisses, descendaient jusqu'en bas de son dos. Ses lèvres n'étaient qu'une mince ligne sur son visage émacié et pâle. Elle était cependant, malgré sa maigreur, très élégante.


Elle l'avait vu aussi et elle s'était étonnée qu'il la fixe. S'il s'agissait de n'importe quelle autre femme, il aurait compris et aurait détourné le regard. Mais, bon sang, ce n'était pas n'importe quelle femme ! Il avait vu sa photo lui sourire !


Il était rentré plus tôt ce jour-là, et avait fait de son mieux pour se sortir cette étrange femme de la tête. Mais même l'alcool ne coopérait pas. Il avait beau avoir des gueules de bois abominables, son esprit continuait de converger vers elle.


Quelques jours plus tard, il la croisa devant le Pembley. Il rentrait du travail, en compagnie des autres ouvriers.


Elle se promenait d'un air rêveur et il se demanda si elle était folle. Etrange ou non, elle semblait être une femme de la haute société et aucune — du moins aucune de sensée — ne choisirait comme lieu de balade l'un des endroits les plus dangereux de Londres.


Alors, comme tout homme normal trop perturbé, il prit les choses en main : il se dirigea directement vers elle pour lui poser la première question qui lui vint à l'esprit : « Je ne vous aurai pas déjà vue quelque part ? »


Elle garda une expression neutre durant quelques secondes avant de répondre : « Je ne pense pas. Mais peut-être que me dire votre nom m'en dirait davantage.


— Tobias », dit-il.


Elle lui offrit un sourire radieux en déclarant : « Enchantée, je me nomme Eileen. Nous nous sommes vu au Pembley, hier. »


Elle tendit sa main et il l'examina avec méfiance avant de la saisir, prêt à réagir si elle devenait brusquement une créature démoniaque avide de chair fraîche.


Il ne prêta pas attention aux réactions taquines de Gaillard et Jaxon alors qu'elle proposait de se rencontrer à nouveau. S'il accepta, ce n'était pas car elle lui plaisait. Il y avait des prostituées bien plus jolies qu'elle et qui accepteraient volontiers de passer une nuit avec lui pour quelques livres. S'il accepta, c'était pour se prouver que cette femme n'avait rien d'anormal, qu'elle était juste une femme riche comme les autres, et que cette photo ne lui avait jamais souri.


« Parfait, dans ce cas, retrouvez-moi au Hazel Coffee, demain à dix-huit heures tapantes. » dit-elle d'un ton sûr d'elle.


Tobias n'avait cessé d'y penser et de revisionner mentalement cette scène. Et la même question le taraudait, depuis le moment où elle l'avait proposé : allait-il venir ?


De sa vie, mis à part sa mère quand il était gamin, il n'avait jamais craint une femme. Mais Eileen Prince ne semblait pas être une femme comme les autres.


Plongé dans ses pensées, lui non plus ne prit pas garde à l'homme étrangement vêtu qui le suivit jusque chez lui.

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