Destinée | les Prince, tome 1

Chapitre 2 : Déjeuner des Prince

789 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/06/2024 20:54



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Décembre, 1950.


Le petit déjeuner des Prince était le seul repas qu'ils mangeaient ensemble et bien souvent l'unique moment où ils se voyaient de la journée. Immédiatement après, la mère d'Eileen se rendait chez ses contacts les plus hauts placés pour débattre des actualités et médire des personnes qui avaient un rang plus bas, fréquemment ceux qui avaient un lien quelconque avec les Moldus — ou en étaient. Son père travaillait comme vice-président dans un immense magasin de potions et, chaque matin, il se dépêchait de manger pour aller au bureau hurler sur ses subordonnés.


La table de l'immense salle à manger devait bien mesurer quatre fois la taille d'Eileen et, comme ils n'étaient que trois, il fallait hausser la voix pour se faire entendre. Heureusement, ou pas d'ailleurs, ils n'avaient jamais rien à se dire, restaient silencieux et seuls les bruits des couverts et des assiettes qui s'entrechoquaient résonnaient.


— Eileen, l'interpella sa mère d'une voix claire. Donne-moi le vin d'ortie, je te prie.


Eileen le fit voler grâce à un informulé jusqu'aux mains de sa génitrice.


— Ma chère, je tiens à vous avertir que je ne serai pas présent vendredi et samedi, annonça-t-il en se servant une portion de salade de girardinias. Je vais en voyage à Hackney.


Eileen songea qu'elle ne verrait pas la différence en se plongeant dans la contemplation des glaçons qui tintaient au fond de son verre. Demain, elle avait pour projet de retourner dans les quartiers de Soho. Elle ferait peut-être à nouveau un tour au Pembley, si l'envie lui en prenait.


— N'est-ce pas un quartier chaud ? Demanda sa mère.


— Si, dit le père d'Eileen.


— Dans ce cas, fais attention à ne pas te faire voir.


Ce fut les seuls mots qu'ils échangèrent avant une semaine plus tard, où la mère d'Eileen prévint son mari qu'elle irait à la fête de Mme Black le week-end, et qu'elle rentrerait tard dans la nuit.


Les heures défilèrent rapidement et le soir arriva. Dès que les derniers rayons du soleil disparurent de l'horizon, Eileen revêtit sa cape et ouvrit précautionneusement la porte. Comme elle n'apercevait personne, elle traversa le perron et atterrit dans le côté moldu de sa rue.


Une nouvelle fois, elle marcha dans les allées de Soho, promenant son regard distrait sur les bordels, les vendeurs d'opium et de drogues et les salles de jeux. Quel monde dévergondé, pensa-t-elle. Elle se contredit aussitôt : Mais quel monde libre...


Alors qu'elle passait devant le Pembley, elle vit un groupe d'ouvriers qui, empestant la sueur et la crasse, le regard rendu hagard par la fatigue, avançait d'un pas lent. À sa tête, l'homme froid et sombre qu'Eileen avait vu au Pembley fixait l'horizon d'une démarche assuré, sans montrer une fatigue trop évidente


Eileen se sentit instantanément devenir curieuse. Il se nommait Tobias, d'après ce dont elle se souvenait de son escapade à la salle de jeux. Il était sans doute un ouvrier, pourtant il avait un charme indéniable. Et ces traits durs, s'ils repoussaient au premier abord, l'intriguaient : quelles étaient les pensées cachées sous cette façade ?


Heureusement pour elle, Tobias lui évita de faire le premier pas car il alla à sa rencontre de son plein gré. Il se rapprocha d'elle sans la moindre hésitation et demanda : « Je ne vous aurai pas déjà vue quelque part ? »


Elle resta quelques secondes confuse, réfléchissant à ce qu'elle pourrait obtenir de sa réponse, avant de répondre : « Je ne pense pas. Mais peut-être que me dire votre nom m'en dirait davantage.


— Tobias, se présenta-t-il.


— Enchantée, sourit-elle en tendant sa main gantée, je me nomme Eileen. Nous nous sommes vu au Pembley, hier. »


Il parut interdit durant un instant, la jaugeant avant de serrer sa main, ses yeux ancrés dans les siens. Une partie des yeux des ouvriers, qui s'étaient arrêtés, étaient tournés vers eux. Gaillard émit un sifflement et Jaxon lui donna un violent coup de coude.


« Pourrait-on se rencontrer à nouveau ? proposa Eileen en affichant son visage le plus avenant.


— J'imagine, dit Tobias.


— Parfait, dans ce cas, retrouvez-moi au Hazel Coffee, demain à dix-huit heures tapantes. » décida Eileen d'une voix sûre d'elle.


Elle sourit une dernière fois et quitta l'allée du Pembley, rêveuse. Comme il était excitant de braver l'interdit aussi simplement ! Elle se sentait libre et insouciante, en ce moment. Rien n'aurait pu attenter à cette bonne humeur, si ce n'est l'étrange homme vêtu d'une robe de sorcier qui la suivait depuis tout à l'heure.

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