Lettockar, tome 3 : La folie des couvre-chefs
14. Le donjon des ténèbres
« Ce n’est pas une simple attaque de gobelins… Quelque chose d’obscur a dévasté ce village. »
Elias le prêtre avait l’air sombre. Une fois de plus, sa lucidité l’accablait et ses traits se creusaient de soucis. Il se retourna vers ses camarades, lesquels finissaient de fouiller les cadavres frais des nuisibles.
- Quelque chose d’obscur et orageux ? blagua Siobhan la nécromancienne.
- Pfff, ponctua Mélicendre, son amie magicienne. Des fois je me demande ce qui te distingue des gobelins…
- T’as pas vu ta gueule ? rétorqua Siobhan aussi sec.
- Quelque chose d’obscur comment ? relança Jasmine la barde, qui finissait de remplir ses poches de l’or des gobelins.
- Quelque chose de magique, reprit Elias. Une magie noire et ancienne…
- Une liche ? bougonna Serena la rôdeuse, qui avait fini de quadriller les environs, méfiante d’une autre attaque de gobelins.
- Trop tôt pour le dire… répondit le prêtre.
- Moi, tout c’que j’sais, c’est que j’vais les taper ! clama le nain Boursedure.
- Bien dit Boursedure ! approuva la nécromancienne.
- Nan mais c’est quoi ce nom ?
La moitié de la table était hilare à la réaction d’Astrid. Pour leur première partie de Donjons & Dragons, John avait laissé ses camarades de l’OASIS créer leurs personnages sur mesure. Mercedes avait détonné avec « Boursedure le nain barbare ». A côté, Astrid, qui jouait « Serena la rôdeuse elfe », faisait effectivement plus sage.
John, le nez dans ses notes, était lui-même très satisfait de l’ambiance de sa table : il avait réussi à convaincre les membres de l’OASIS de se faire une méga-session de jeu de rôle pour le nouvel an. Il avait travaillé avec Peter pendant des mois à enchanter du matériel pour créer des maquettes et des petites figurines qui se battaient et se déplaçaient sur la table, au milieu des fiches de personnages marquées sur du parchemin et des dés de toutes les formes et de toutes les couleurs. Si Tarung, Kwaï et Oszike avaient préféré passer leur tour, ils étaient néanmoins bien là pour observer la partie en ramenant des biéraubeurres et autres chips-mandragores ; une belle tablée de sept joueurs étaient réunis dans la Cour des Mirages autour du scénario sur-mesure créé par John : « Le donjon des ténèbres ».
Kelly, qui campait le rôle de Siobhan la nécromancienne demi-elfe, s’était totalement prise au jeu : certes, l’ambiance était plus posée que l’an dernier, où le groupe s’était déhanché joyeusement sur le dancefloor, mais justement : une petite atmosphère plus feutrée était la bienvenue, après les moments tendus que l’OASIS avait pu vivre. Elle avait appréhendé fortement cette soirée du nouvel an. Avec les frictions, les départs et les renvois qui avaient salement miné la résistance de Lettockar durant ce début d’année, elle avait redouté que le Nouvel An se passe dans la tension et la morosité… et même que Astrid ait des sautes d’humeur. Mais à sa grande et agréable surprise, l’ambiance ludique et bon enfant avait conquis tout l’OASIS, y compris la patronne, qui prenait moult notes sur la partie en cours, prise dans l’enthousiasme enfantin partagé par ses camarades. Kelly se sentait bien. Elle retrouvait l’OASIS qu’elle aimait ce soir… oui, son groupe avait encore de beaux jours, et surtout de belles soirées devant lui.
Naomi, quant à elle, s’était beaucoup amusée à choisir les sorts de Mélicendre, la magicienne halfeline. Elle avait parlé pendant des heures avec John pour optimiser son personnage, et l’enthousiasme de ce dernier à lui raconter les règles semblait l’avoir emporté elle aussi. Vladimir s’était amusé à créer un personnage de gnome, la barde Jasmine. Peter jouait Elias le prêtre, et Astrid, résignée à vivre les prochaines heures aux côtés de « Boursedure », était très concentrée sur le scénario et sur le sérieux de son rôle de rôdeuse. Pour l’occasion, elle s’était faite des oreilles pointues avec ses pouvoirs de Métamorphomage.
- On ferait mieux de ne pas traîner, conseilla laconiquement Serena. D’autres peuvent arriver. Y’a-t-il un campement où on pourrait se retirer ?
- Je crains que l’auberge du village soit hors-service… soupira Jasmine.
- Peut-être que je peux me souvenir de l’adresse d’une autre auberge !, claironna Boursedure. … Hum… En fait non.
- J’ai mémoire d’un druide qui vit dans la forêt, dit Mélicendre. Il pourra peut-être nous offrir le gîte et le couvert…
- Et puis, on a de quoi le convaincre ! ajouta Siobhan en jouant avec son bâton.
Mélicendre soupira. Elias suggéra au groupe de s’enfoncer dans la forêt, avec Serena prenant la tête de l’équipée.
Quelques instants plus tard, Mélicendre frappa à la porte de son confrère druide. Ce dernier fit un échec critique en essayant d’ouvrir son huis et s’effondra devant le groupe. Il disait s’appeler Pourriturave Chichonovitch, et pouvait proposer au groupe de manger une salade. Dubitatifs, les compagnons se laissèrent tenter, et en profitèrent pour interroger le curieux personnage. Ce dernier leur déclara connaître la source de magie noire, mais avant d’en dire plus, il s’enfonça dans un profond sommeil. Les claques de Boursedure et Siobhan ne suffirent pas à le réveiller, mais l’habile Serena trouva des sels qui le ramenèrent à lui.
- Oui, je… Je me souviens… La source de magie… articula péniblement le druide. Elle émane du Donjon des ténèbres !
- Le donjon des ténèbres ? feint de s’étonner Serena. Où se trouve-t-il ? Qui le dirige ?
- Vous le trouverez par-delà les collines du Lac de Balladur, poursuivit Chichonovitch. Quant à son maître, c’est un sorcier noir très puissant… On l’appelle Noir-cœur le Balafré. C’est un véritable tyran qui a corrompu la nature et tout ce qu’il se trouve aux alentours… Il a pactisé avec tous les gobelins des environs et il les laisse piller les villages en les renforçant avec sa magie noire… Zzzzzzzzzzzzz…
Pourriturave se rendormit, mais il en avait bien assez dit. Le groupe comprit que la région ne retrouverait la paix qu’une fois débarrassée de ce tyran. Ils pillèrent l’habitacle du druide et partirent en direction du Lac de Balladur.
Dans la Cour des Mirages, cela faisait une bonne heure et demie que le groupe jouait : il était bientôt minuit, une petite pause fut prise afin de remplir son verre, reprendre des chips, aller aux toilettes (Vladimir attaquait sa troisième biéraubeurre, il semblait mieux tenir l’alcool que l’an dernier). Etrangement, bien que tout le monde passât son temps assis, la fatigue ne se faisait pas ressentir. Le scénario de John, ses vannes sur les profs et sur le collège, donnaient à ses camarades de classe et de lutte l’occasion d’en découdre avec « Noir-cœur le Balafré ». Naomi riait beaucoup aux blagues de John, se demandait comment il avait fait pour trouver toutes ces idées. Astrid et Peter s’enlaçaient paisiblement au son de la musique d’ambiance que John avait choisie pour l’occasion. Les non-joueurs commençaient à fatiguer mais désiraient en voir plus. Une fois que Kelly fut elle aussi revenue des cabinets, la session reprit.
Le Donjon des Ténèbres se tenait de l’autre côté du Lac de Balladur, le surplombant de son insolente hauteur. Restait à savoir comment traverser le lac… Un type avait bien essayé de vendre un voyage à dos d’hippogriffe à la compagnie, mais il avait énervé Boursedure, qui lui avait marave la gueule à grands coups de hache, au désespoir et à l’agacement de Serena, dont les yeux d’elfe ne percevaient aucun navire à l’horizon… Voyant le groupe faire chou blanc, la barde Jasmine décida de mettre du baume au cœur de la troupe en chantant quelques chansons de son cru :
- Ben vas-y, chante ! dit Kelly à Vladimir.
- Hein ? C’est obligé ? demanda ce dernier à John, dont la qualité de MJ lui donnait le dernier mot.
- Eh bien, fit-il après réflexion, ce n’est pas obligé, mais ça te donnera un avantage sur ton jet !
Vladimir leva les yeux aux ciels, tâchant de penser à une chanson. Finalement, il fit chanter à Jasmine un vieil air que sa mère écoutait souvent : « Vocalises », d’Eduard Khil. Son interprétation irréelle et un rien ivre provoqua les rires et les indignations autour de la table, mais au même moment, dans leur imaginaire…
- Des pirates ! piaffa Serena. Avec ta chanson pourrie, tu les as attirés !
- A la bonne heure ! se réjouit Siobhan. Nous avons trouvé notre bateau…
La fin de la séance de combat fut l’occasion de reprendre une petite pause. Peter et Astrid réchauffèrent des pizzas, Kelly et Mercedes partirent pisser, Vladimir et Naomi se roulèrent un petit joint de circonstance, Tarung vint taper la discute à John, tandis que Kwaï et Oszike en profitèrent pour changer de musique le temps de la pause. Ils auraient eu envie d’écouter une mixtape des Witchy Boys, mais Astrid l’avait formellement interdit, comme tout ce qui venait des profs.
Sortie des toilettes, Kelly alla tirer une latte sur le joint de Vladimir. Ce dernier conversait avec Naomi, qui essayait de se rassurer : elle avait eu des résultats en-dessous de ses habitudes en Gestion de bestioles. Elle qui était coutumière des « Excellent », elle s’en sortait avec un « Bif bof » (appréciation de Viagrid). Vladimir trouvait que « vouloir l’excellence partout c’est un concept de fasciste », et Naomi acquiesçait en dodelinant sa tête mollement.
Kelly ne disait rien, mais observait avec attention Naomi : le fameux béguin qu’elle avait eu, était-ce pour Vladimir, le garçon un peu gauche et timide ? Le moindre sourire ou rosissement des joues de son amie pouvait suffire à alimenter l’imagination de Kelly… Il ne fallut pas longtemps pour que les deux amies se mettent à glousser bêtement sous les effets du magichanvre et des blagues de Vladimir. Quand Naomi eut fini le pétard, la partie put recommencer.
Par une chance immense, la légendaire créature du lac de Balladur ne fit pas couler l’embarcation de la compagnie. Déguisés en pirate, les aventuriers réussirent à accoster sans mal sur l’autre rive : le Donjon des Ténèbres n’était qu’à une poignée de lieues.
Arrivés devant la tour, l’ambiance était calme… Trop calme. Pas un orc, pas un chat noir aux alentours. Seule l’aura de maléfice inondait l’atmosphère. Des nuages noirs s’accumulaient au-dessus du Donjon. Elias, prudent, fit une détection de la magie devant la porte d’entrée… Rien de particulier. Serena, redoublant de prudence, fit une détection des pièges : rien non plus. Décidément, c’était facile. Le groupe s’avança alors lentement au rez-de-chaussée…
- Surprise, baiseurs de mères !
Une voix horrible se fit entendre. Au même moment, la porte claqua derrière eux et une troupe d’ennemis vint encercler le groupe. Alors, le chef, un gros gobelin plein de verrues, s’adressa au groupe.
- Je me présente, tas de minables : Fistulin le gobelin ! Mon vieil ami Pourriturave m’a prévenu de votre arrivée… Eh oui, il ne faut pas parler à n’importe qui ! C’est ici que se termine votre aventure pathétique, gnark gnark gnark !
Les ménestrels narreront encore de siècle en siècle la terrible « Bataille du rez-de-chaussée ». Les gobelins attaquaient par paquets désordonnés, se jetaient dans la mêlée, hurlant, riant, assoiffés de sang. « Restons groupés ! » avec crié Elias en incantant une bénédiction pour protéger le groupe. Boursedure ne put se résoudre à tiédir son sang : lui-même se jeta à corps perdu dans la bataille, l’écume aux lèvres, le massacre comme seul mot d’ordre. Siobhan, l’ardente nécromancienne, fit jaillir des enfers le corps d’un squelette dévoué à la lutte, comme un pantin de mort. Mélicendre projeta des lumières aveuglantes pour repousser les hordes de gobelins. Jasmine, qui avait repéré un iguane de guerre ennemi, se mit à le charmer pour le faire se retourner contre ses maîtres. Serena décocha flèche après flèche pour abattre méthodiquement les gobelins les plus dangereux : elle visait Fistulin, se disant qu’en tuant le chef, les autres s’enfuiraient.
Fistulin, quant à lui, incantait des malédictions, frappant aussi bien ses minions que les héros. Ce gobelin boursouflé était sans nul doute un des plus fidèles lieutenants de Noir-cœur le Balafré. Il menait à la mort ses guerriers, dans le but de terrasser ces aventuriers naïfs qui avaient eue l’audace de croire que le Donjon des ténèbres pouvait tomber…
Dans la Cour des Mirages, l’ambiance était électrique ! Chaque tour de combat faisait monter d’un cran la tension, chaque lancer de dé faisait retenir le souffle des adolescents. Tout le monde s’encourageait, et riait, criait de joie ou de désespoir à chaque résultat. Les petites maquettes animées faisaient leur travail : John avait rarement réussi aussi bien ses enchantements. Il regardait ses camarades totalement pris au jeu, y compris les simples observateurs, et souriait aux oreilles. Naomi et Kelly étaient à fond, pour sa plus grande joie : il ressentait pour la première fois le plaisir de présider, et il aimait ça.
C’est alors que Vladimir fit son échec critique.
L’iguane se retourna contre Jasmine et la mordit à la jugulaire. Puis, Elias fut poignardé. Pile entre les omoplates. Il poussa un cri étouffé et s’effondra lui aussi. « Gnark gnark, bien fait ! » lança l’horrible Fistulin. Alors, ivre de rage, Boursedure se jeta sur lui, hache en avant, fendant la foule des gobelins encore debout. Aidé par les sorts de Mélicendre et Siobhan, il déchaîna sa rage contre le gobelin obèse. Ce dernier ne tarda pas à riposter avec ses sortilèges : mais son crâne ne fut pas bien résistant face à l’acier des nains, et sa maléfique cervelle ne tarda pas à en jaillir, marquant ainsi la fin du combat.
- Mes amis… dit Elias à l’agonie. Ce fut un privilège de me battre à vos côtés… Je vous en conjure… Ramenez la paix et la vie dans cette contrée… Faites-le en mon souvenir, mes camarades…
- Ne nous laisse pas ! couina Mélicendre. Qu’est-ce qu’on va faire sans toi ?
- En vrai, je suis un peu fatigué, je pense que je vais aller me coucher… dit Peter.
- Ah bon ? répondit Astrid en faisant la moue, un peu déçue.
- Oh allez, on a presque fini… renchérit Kelly.
Mais Peter commençait vraiment à chanceler. Il se leva après avoir embrassé tendrement Astrid. Suivi par Vladimir, dont le personnage venait également de mourir, il salua ses amis et remercia John pour son excellent scénario. Les deux garçons partirent le sourire aux lèvres et les poches sous les yeux. Kwaï leur emboîta le pas, rejoint par Tarung et Oszike, qui profitèrent de l’occasion pour aller se coucher : il allait bientôt être deux heures du matin.
Il ne restait donc que John, Kelly, Naomi, Meche et Astrid dans la Cour des Mirages. Le petit groupe se regarda, fit une dernière pause, et se remit à l’aventure : il était hors de question de se coucher avant d’avoir fait honneur au scénario que John avait concocté. Même si le groupe était diminué, le boss final allait morfler.
Par un stupéfiant hasard, les quatre héros découvrirent une porte dérobée qui menait exactement aux appartements du maître des lieux. Serena, Boursedure, Siobhan et Mélicendre, le cœur gros de la mort de leurs compagnons, le sang battant de rage, étaient prêts à en découdre. Ils forcèrent la porte d’un coup sec et pénétrèrent de concert pour le combat final.
Noir-cœur le Balafré était sur son trône. Il était coiffé d’un casque en forme de crâne avec des cornes de démon. Sa longue cape noire en écailles de saurien lui donnait des airs de vampire. A ses pieds, un homme chétif à lunettes lui faisait reluire ses chaussures. Noir-cœur haussa le ton de sa voix de stentor et s’adressa au groupe.
- Alors comme ça, ce minable de Fistulin ne vous a pas réglé votre compte ? Il faut donc que je m’occupe de tout dans ce foutu Donjon ! Je vais vous réduire en charpie ! Attaque-les, McGodeAnal !
« Oui maître ! » aboya le petit homme chétif. Il se releva et se jeta sur les héros, dague en avant.
Kelly, Naomi, Mercedes et Astrid éclatèrent de rire en entendant le nom de l’assaillant.
- Laissez-le-moi !! hurla aussitôt Kelly en serrant son dé à vingt faces de toutes ses forces.
Le coup de bâton de Siobhan toucha McGodeAnal avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit…
- Mais attends ! s’exclama Astrid, choquée.
- T’es folle, ‘faut pas lui foncer dessus comme ça ! glapit Naomi.
Aveuglée par sa haine envers Poséidon McGonnadie, Kelly avait joué sans réfléchir. Or à ce stade de la partie, « McGodeAnal » était sans nul doute ennemi de haut niveau, lui foncer dessus comme ça était suicidaire. Toute la table crut que Kelly – alias Siobhan - avait signé son arrêt de mort, mais alors, John dit aussitôt :
- Bien joué, tu l’as eu !
- Hein ? s’étonna Kelly. C’est tout ? J’ai même pas fait un critique !
- Ben oui, mais il avait qu’un seul point de vie, ce gros boloss ! triompha le Maître du jeu.
McGodeAnal gisait au sol, le crâne réduit en bouillie par le bâton de Siobhan. Alors, Noir-cœur poussa un hurlement rageur et se jeta sur les héros en jetant des éclairs noirs dans toutes les directions. Mais que pouvait faire le pire des criminels face à la force de l’amitié ?
Il devait être près de 4 heures du matin lorsque Kelly, Naomi, Mercedes et Astrid triomphèrent de Noir-cœur le Balafré. Avec John, elles quittèrent la Cour des Mirages sur la pointe des pieds. Il n’y avait plus grand’ monde qui festoyait à cette heure-là… Et pourtant, ils ne s’attendaient pas à voir qu’une autre fête s’était préparée cette nuit-là.
Dans le hall de l’école, un étrange quatuor accordait ses instruments : il s’agissait des squelettes présents dans les cours de Fistwick, vêtus de chapeaux melons et vestons croisés. Ils étaient rassemblés autour de Viagrid, rougeaud, qui pianotait sur son bandonéon.
Les adolescents contemplaient la scène du haut d’un escalier du premier étage. Personne ne semblait les avoir découverts. Cette répétition irréelle s’acheva lorsque Viagrid se retourna et lança de sa voix ivre : « On est bon ! C’est quand vous voulez ! »
« Alors… Musique, messieurs ! »
Une valse sinistre retentit, jouées par Viagrid, accompagné des quatre macchabées. Non loin d’eux, se dandinant sur sa canne, Fistule Fistwick, dans un costume à queue-de-pie et coiffé d’un haut-de-forme, poussa la chansonnette d’un air satisfait.
Ma magie hostile, mes dons subtils,
Ont fait exploser les cerveaux des fragiles,
Et tout se banane, quand je me pavane,
Et l’on me craint plus que la tour d’Azkaban,
Mais je ne me force pas
Pour être brillant comme ça !
Je suis démentiel, c’est tout naturel,
Je rends jaloux les Olympiens,
Et je sublime, mes sorts génialissimes,
Pour oublier mes voisins !
Il fit virevolter sa cape à fond rouge, et là-dessus, alors que la tonalité passait du mineur au majeur, Viagrid entama ce qui semblait être le refrain, accompagné des quatre squelettes apparemment doués de parole :
T’es le ponte des pontes,
Un fou furieux on ne peut plus sérieux,
T’es la pire créature des Deux !
Fistule Fistwick, Fistule Fistwick,
Dès que tu rappliques,
Fistule Fistwick, Fistule Fistwick,
Même l’enfer devient magique !
Trop fatigué pour essayer de mettre un sens sur ce qu’ils venaient de voir, le groupe des Archéo-Sorciers Insomniaques préféra tout de même partir se coucher sans attendre la fin de ce show sans public.