Lettockar, tome 3 : La folie des couvre-chefs

Chapitre 11 : La chute de Deborah

6774 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/07/2024 21:01

11. La chute de Deborah


Le premier réflexe de John, Naomi et Kelly fut d’abord de se disperser pour prévenir tous les membres de l’OASIS, sans exception. Ils eurent exactement la même réaction : écarquiller les yeux d’horreur. Une Relique perdue quelque part dans Lettockar, entre les pattes d’une créature folle, c’était le pire scénario qu’ils auraient pu envisager. Et si un prof la découvrait ? Deborah était dans tous ses états. Constamment au bord des larmes, elle errait dans les couloirs d’une démarche ivre, incapable de rester en place ou de faire quoi que ce soit de cohérent. Astrid et Peter avaient tout juste réussi à faire circuler un message parmi les membres : cherchez la Kagoule, reprenez-lui la Cuillère par n’importe quel moyen, et restez discrets. Si un membre du personnel apercevait seulement la Cuillère, ils étaient morts.


Mais la Kagoule resta introuvable toute la journée. A croire qu’elle avait eu le Bonnet de Gilluc en plus de la Cuillère. Peter avait essayé de la localiser avec la Boule de Curcumo : il voyait très distinctement la créature, mais ses mouvements étaient tellement erratiques qu’il ne parvenait pas à déterminer l’endroit où elle se trouvait. Et quand bien même il l’aurait fait, le temps que l’OASIS s’y rende, elle aurait déjà bougé.


Le soir venant, l’OASIS, qui n’arrivait à rien, se résolut à aller se coucher. Les Archéo-Sorciers passèrent toute une nuit à cauchemarder. Rien qu’en une nuit, il pouvait arriver tout et n’importe quoi à la Cuillère. Ils devraient repartir à la chasse dès le lendemain. « Restez discrets »… mais comment fouiller le château à la recherche de la créature insaisissable que tous les élèves esquivaient sans avoir l’air suspect ?


Kelly se réveilla brusquement après avoir eu l’impression de n’avoir dormi que quelques secondes. Il était encore très tôt : dehors il faisait nuit, et à part elle toutes les filles étaient endormies. Les mots de ses chefs de la veille au soir lui vinrent aussitôt en tête : dès que l’on était réveillé, il fallait reprendre la traque de la Kagoule… elle soupira à cette perspective. Son regard se posa sur le lit où dormait Gudrun Emilsdottir. Son balai était posé près de la fenêtre juste à côté. Cela fit penser à Kelly qu’il y aurait bientôt des entraînements de l’équipe de Crève-Ball de Dragondebronze. Puisqu’elle avait remporté le précédent tournoi, la maison avait gagné le droit de ne pas participer au championnat de cette année ; ce qui ne signifiait pas pour autant que l’équipe allait chômer. Iossif Cvetkev, le capitaine, avait organisé des sélections. En songeant à cela, Kelly eut une idée : et si elle allait voir du côté du stade Marie Grégeois ? Hier, l’OASIS ne l’avait pas fait, et parfois, la Kagoule allait y faire un tour pour essayer de voler des affaires.


Elle se leva, s’habilla chaudement et sortit de la Tour de Dragondebronze en faisant le moins de bruit possible. Elle devait se dépêcher d’aller inspecter le stade avant que ne débutent les cours. Il n’y avait personne dans les couloirs, elle était sûrement la première élève debout. Elle sortit dans le parc encore plongé dans la pénombre. Il faisait froid, mais sec. Elle entra dans le terrain de Crève-Ball ; c’était la première fois qu’elle s’y rendait depuis le début de sa troisième année. Il était d’un silence presque irréel : pas d’exultations du public, pas de craquement ou de grincement de la planche qui servait de sol, pas de bruit d’éclatement des balles. Toutefois, Kelly n’était pas seule.


Quelqu’un était assis dans les gradins, à quelques rangs plus haut. Une silhouette difficile à distinguer dans la pénombre. Kelly sentit une odeur d’alcool et de tabac froid ; mais au vu de sa taille, cet homme n’était ni Viagrid, ni Niger Doubledose.


- Bonjour, professeur Grog… dit-elle.


Le maître des potions jeta un regard vitreux à Kelly, et lui répondit :


- Salut… qu’est-ce que tu fous donc ici à c’t’heure, Powder ?


- Je pourrais vous retourner la question, m’sieur, rétorqua-t-elle.


Grog émit un grommellement grincheux. Kelly vit une jonchée de bouteilles vides à ses pieds. Depuis combien de temps s’imbibait-il de bière ?


- Ça m’arrive d’assister aux entraînements de Crève-Ball de Becdeperroquet, répondit le directeur de cette maison.


- Mais vos joueurs sont pas là…


- J’sais bien, espèce de gourde, tu m’prends pour un con ? J’suis venu là par réflexe…


Grog ingurgita en quelques secondes une autre bouteille. Pendant une minute, il ne se passa strictement rien. Kelly observa les alentours, mais la Kagoule ne pointa guère son nez difforme. Elle s’apprêtait à repartir, lorsque tout à coup, Grog dit quelque chose d’une voix pâteuse :


- Parfois, je venais avec Pavel. On aimait bien regarder nos joueurs s’entraîner… tous les deux… enfin, je pensais qu’il aimait bien… maintenant que j’y pense, peut-être bien qu’il aimait pas tant que ça, en fait. J’pourrais pas dire ce que Pavel m’a dit de vrai pendant six ans… et je le saurais jamais… jamais…


Grog ne regardait plus Kelly. D’ailleurs, il ne s’était apparemment pas aperçu qu’elle ne lui avait toujours pas dit pourquoi elle était là. Celle-ci avait le cœur si serré qu’il lui faisait mal. Entendre Grog parler de Pavel… elle n’avait pas besoin de ça maintenant… malgré le crime qu’il avait voulu commettre, il lui manquait terriblement…


- Je suis désolée que ça se soit fini comme ça, pour Pavel, dit-elle simplement.


- Te fatigue pas, Powder, je me doute bien que t’en as rien à taper, grogna Grog. Tu connaissais pas Pavel… pour toi c’était juste le préfet d’une autre maison avec un pet’ au casque qu’on a bien fait de virer de l’établissement. Le petit pote d’un gros con de prof que tu peux pas encadrer, ça peut pas être une grosse perte pour toi…


A ces mots, il se leva des gradins et quitta le stade d’une démarche incertaine. Kelly le regarda s’éloigner et disparaître dans l’obscurité du corridor menant à la sortie.


« Si tu savais, grand con... » soupira-t-elle intérieurement.


Elle tourna les talons à son tour. Elle se promena à l’intérieur du stade, dans les allées et les vestiaires. A un moment, elle se retrouva face à une rangée de casiers. Elle ouvrit celui où était inscrit son nom : à l’intérieur se trouvaient son balai et son épuisette. Kelly ne put s’empêcher de prendre celle-ci. Il y avait des mois qu’elle ne l’avait pas tenue. Elle joua avec un petit moment, la faisant virevolter dans tous les sens, lorsque soudain, elle entendit un long gémissement familier venir d’un peu plus loin.


- Mmmffuuffffchchh…


- Aaaaah, te voilà, toi ! dit Kelly d’une voix sifflante.


La Kagoule se tenait, accroupie, à quelques mètres de Kelly. Elle avait trouvé des balles de Crève-Ball et jonglait avec, toute joviale. Kelly plissa les yeux et vit la Cuillère de Lalaoud accrochée à son espèce de pagne. Elle ne réfléchit pas un instant : elle fendit l’air de sa baguette en s’écriant :


- Bombarda !


Les balles de Crève-Ball éclatèrent entre les mains de la Kagoule. La goule tomba en arrière en poussant un « Kaï ! » strident. Kelly bondit sur elle, mais la créature l’évita d’une roulade. Elle donna un méchant coup de griffe sur le bras de Kelly, puis détala comme un lapin. Kelly gémit de douleur. Jurant entre ses dents, elle se releva et prit son épuisette avec elle : elle lui serait utile, elle en était convaincue. Elle était étonnée que la Kagoule garde la Cuillère de Lalaoud sur elle. Pouvait-elle sentir le pouvoir magique de la Relique pour la conserver ainsi ?


Kelly sortit du stade Marie Grégeois : au loin, la Kagoule galopait vers le château. Elle se lança à ses trousses ; à l’horizon, le soleil se levait. Elle ne parvint pas à rattraper la Kagoule à temps et dut rentrer dans l’école. Il commençait à y avoir du monde dans les couloirs. Kelly ne s’attarda pas sur eux : elle aperçut la Kagoule au bout du hall, qui semblait réfléchir à quel endroit où se réfugier. Elle opta pour le long couloir qui s’enfonçait vers la colline du Roc. Kelly ne fléchit pas et la poursuivit. A l’entrée du corridor, deux statues aztèques à tête d’aigle tentèrent de lui barrer la route. Elles levèrent leurs épées, l’air menaçant…


- Ectoplasmus ! s’exclama Kelly en brandissant sa baguette magique.


Les armes de pierre furent changées en substance gélatineuse. Les guerriers-aigles poussèrent un piaillement stupéfait, coupés dans leur élan. Les statues de guerriers-jaguars profitèrent de la faiblesse pour attaquer leurs rivaux de toujours, et Kelly put profiter du combat qui s’engageait pour filer. Progressant en courant dans le couloir, elle passa devant l’entrée obstruée des catacombes de Lettockar. Elle ne voyait plus la Kagoule, mais elle se laissait guider par le bruit de sa course… et soudain, par celui d’une porte qui s’ouvrait à la volée. Kelly accéléra sa course et arriva devant une porte entrebâillée qu’elle ouvrit prudemment. La Kagoule l’avait entraînée dans la crique creusée dans la grand colline du Roc, là où mouillaient les canots servant à naviguer sur le Lago que vê Longe. Il n’y avait pas de bruit, hormis celui des gouttes d’eau tombant des grandes stalactites. Kelly balaya l’endroit du regard : elle ne voyait pas la Kagoule…


- Collaporta, chuchota-t-elle.


Il y eut un bruit mécanique à l’intérieur de la serrure de la porte du couloir. Maintenant elle était scellée : qu’importe où se trouvait la Kagoule, elle ne pourrait pas sortir de la crique. Kelly s’avança d’un pas lent vers un escalier descendant, scrutant les alentours, tous ses sens en éveil. Mais à peine eut-elle parcouru quelques mètres qu’elle glissa sur les marches humides. Elle perdit l’équilibre et dégringola tout l’escalier. En bout de course, elle atterrit brutalement sur son genou droit. Elle avait bien failli se fracturer une rotule. Alors qu’elle geignait de douleur, Kelly entendit des borborygmes non loin d’elle. Elle leva la tête : la Kagoule la regardait de ses yeux pistaches en dodelinant de la tête, l’air intriguée.


- Mochuchuch ? fit-elle.


- TA GUEULE ! aboya Kelly en se massant le genou.


Elle se releva péniblement en s’appuyant sur son épuisette. Elle leva sa baguette et tenta de bloquer les pattes de la Kagoule.


- Locomotor Mortis ! s’écria-t-elle.


Mais la Kagoule évita son trait de lumière d’un de ses agiles sauts périlleux. Elle se percha sur un rocher et lança un gros galet à la tête de Kelly, qui la reçut en pleine oreille.


- Aaaaïïïe, putain ! rugit-elle. Petrificus Totalus !


Mais une nouvelle fois, elle rata sa cible, et la Kagoule sauta sur un autre rocher. Folle de rage, Kelly cinglait l’air de sa baguette en lançant sans cesse des maléfices, mais à chaque fois, la goule bondissait telle une énorme grenouille, sur les rochers, les pitons ou les barques, s’amusant à esquiver in extremis chaque sortilège. A un moment, lors d’un saut, elle passa tout près de Kelly. Celle-ci vit, le cœur battant, la Cuillère Lalaoud à portée de main. Elle tendit aussitôt le bras, mais elle calcula mal son coup : elle attrapa seulement le capuchon de la Kagoule et l’enleva de sa tête. La goule parut scandalisée.


- Eooooh ! Agggrrrrr !


Elle mordit alors cruellement le poignet de Kelly. La sorcière cria et lâcha sa prise involontaire. Furieuse, elle donna un grand coup de manche de son épuisette dans l’estomac de la créature. Celle-ci récupéra sa cagoule et l’enfonça aussitôt sur sa tête.


- Muchuch !


Elle se remit à lancer des galets, mais cette fois, Kelly les attrapa tous dans son épuisette. La jeune Épuisatière tournoya sur elle-même et, d’un grand geste, renvoya toutes les caillasses à leur expéditeur qui fut proprement mitraillé. La Kagoule dut battre en retraite en bondissant près d’un mur. Elle s’empara d’une des torches et l’agita dans tous les sens en faisant des « Ksss ! Ksss ! » ; d’un sortilège, Kelly la métamorphosa en cornet à frites. Excédée, la créature chargea sur la jeune fille, qui se trouvait non loin de la rive. Au moment où la Kagoule allait la percuter, Kelly fit un bond de côté pour l’esquiver, tout en visant le sol de sa baguette magique.


- Glacius !


La fine pellicule d’eau qui recouvrait le sol se changea en glace ; la Kagoule, surprise, glissa dessus comme sur une patinoire. Splash ! Elle tomba dans l’eau après un saut étonnamment spectaculaire et un gémissement burlesque. Kelly ne put retenir un éclat de rire. La créature nageait très mal et ne faisait que gesticuler dans l’eau. Kelly aurait pu lui donner quelques leçons. Elle se rappela alors comme Doubledose avait neutralisé la Kagoule Berserker l’an dernier… elle ne savait pas comment faire tomber la foudre, mais cependant…


Elle s’approcha des pitons où étaient amarrés les canots et les tapota de sa baguette en chuchotant à chaque fois une formule magique. Quatre des lourdes chaînes se détachèrent de leurs pitons et plongèrent dans l’eau, comme des anguilles. Elles s’enroulèrent autour de la Kagoule et la saucissonnèrent si fortement qu’elle ne put plus faire un seul mouvement. Puis, Kelly vit léviter hors de l’eau la grosse masse métallique qui enserrait maintenant la Kagoule la ramena sur la rive, juste à ses pieds. La créature ne pouvait même pas se débattre, seulement écarquiller les yeux et gémir d’incompréhension. Kelly, quoiqu’encore haletante, éclata d’un rire nerveux… et un rire caverneux résonnant dans toute la crique s’ajouta au sien. Kelly sursauta : une silhouette avançait vers elle, entièrement transparente. C’était Roselyne Bachelefeu. Le spectre de Dragondebronze à l’oeil gauche complètement blanc vivait en effet dans une antre quelque part dans cette crique… Kelly avait totalement oublié cela…


- Hey, bravo Kelly la Poudre ! claironna Roselyne. J’ai tout regardé, tu t’es battue comme une furie !


- R… Roselyne ! Quel bon vent vous amène ?


- C’est chez moi ici, j’te rappelle, répliqua la pirate. J’ai pas pu n’pas entendre un tel boucan ! C’était un combat du tonnerre, j’en ai mouillé mes braies. J’vais raconter ça au professeur Doubledose, il s’ra impressionné !


- Non, non ! s’exclama Kelly, affolée. Surt… je veux dire… il est tellement fier d’avoir vaincu la Kagoule en un contre un l’an dernier… vous vous souvenez ? Quand elle était devenue Berserk… S’il apprend que j’ai aussi réussi à battre la Kagoule, ça va l’énerver, je sens qu’il va m’en vouloir.


Roselyne haussa un sourcil, et Kelly dévia légèrement le regard. Elle avait toujours du mal à fixer l’œil mort de la pirate, ainsi que la cicatrice verticale recousue qui parcourait toute sa face gauche. De plus, elle n’était vraiment pas sûre que son prétexte tiendrait la route…


- C’est bien mal le connaître, m’enfin, c’est comme tu veux, répondit Roselyne d’un ton indifférent. Mais dis-moi… pourquoi tu croisais le fer avec la Kagoule, au juste ?


Kelly réfléchit très vite. Elle espérait de tout cœur que Roselyne n’avait pas vu la Cuillère de Lalaoud sur la Kagoule… ou alors qu’elle ne savait pas ce que c’était…


- Elle m’a volé un bracelet, mentit-elle. Mais c’est bizarre, je l’ai pas vu sur elle pendant notre combat…


Kelly, sentant que la fantôme l’observait toujours, fit mine de fouiller la Kagoule enchaînée. Roselyne s’accroupit à ses côtés. Elle ne disait rien et restait impassible. Kelly écarta les chaînes, et sentit quelque chose en bois contre le flanc de la goule.


- Tiens ? dit Kelly d’un ton faussement innocent. Une cuillère… elle a dû la voler aux cuisines, j’irai la redonner aux elfes.


Elle rangea la Relique dans sa poche, feignant l’indifférence. Roselyne ne réagit pas. Par la pensée, Kelly remercia Lalaoud d’avoir donné une apparence si ordinaire à sa Cuillère.


- Je trouve rien… c’est ce que je craignais, la Kagoule a dû le perdre quand elle est tombée à la flotte.


- Tu veux qu’j’aille voir ? proposa Roselyne en montrant l’eau sombre de la crique. Ou alors qu’j’aille chercher quelqu’un qui pourra utiliser un sortilège d’Attraction ?


- Merci Roselyne, mais vous embêtez pas. De toute manière il doit être foutu maintenant qu’il est tombé dans l’eau…


Roselyne haussa à nouveau les sourcils. Kelly savait que son attitude devait paraître étrange, mais elle ne pouvait pas faire autrement. A ses pieds, la Kagoule se mit à remuer faiblement et à pousser des couinements plaintifs. Kelly ressentait une vive animosité envers elle : la chose l’avait griffée et mordue. Mais si elle la laissait enchaînée comme ça, elle allait s’attirer des ennuis et des soupçons...


- Lashlabask, formula-t-elle à contrecœur.


Shlic ! Les chaînes autour de la Kagoule se desserrèrent et glissèrent lentement le long des pierres. La créature remua mollement ses membres ankylosés mais libres.


- Aaaaah… soupira-t-elle, soulagée.


Mais son soulagement fut de courte durée : d’un coup de pied, Kelly la flanqua dans l’eau. « Kaï ! » s’écria la Kagoule. Kelly prit la direction de la sortie de la crique alors que Roselyne riait comme une bossue en regardant la goule se cramponner à une barque.


Elle retourna à l’intérieur du château, qui lui parut déborder de lumière en comparaison de là d’où elle venait. Elle se mit en quête d’autres membres de l’OASIS, et alla pour cela en premier lieu à la Cantina Grande. Par chance, tout au bout de la table de Dragondebronze, il y avait Peter avec Astrid et tous les autres préfets. Étant désormais préfet-en-chef, il était chargé de présider régulièrement des réunions en binôme avec la préfète de PatrickSébastos. Kelly passa tout près derrière lui d’un pas très lent. En l’apercevant, Peter se pencha légèrement en arrière et tendit l’oreille.


- La Curette retourne dans le tiroir, murmura Kelly.


Peter, demeurant placide, fit un imperceptible hochement de tête.


- Va nous attendre dans le tiroir, chuchota-t-il encore plus doucement.


Kelly attrapa une pomme et un morceau de pain sur la table et quitta la Cantina Grande. Il était encore tôt, elle put se rendre à la Cour des Mirages sans être vue. Une fois à l’intérieur, elle déposa la Cuillère sur son piédestal, puis alla se vautrer sur un canapé, exténuée, dans l’attente de l’arrivée des autres. Peter et Astrid arrivèrent les premiers. Astrid jeta un bref regard à la Cuillère, puis se précipita sur le canapé où était assise Kelly et la serra dans ses bras. Les yeux de Kelly devinrent grands comme des trente-trois tours.


- Bravo Kelly, et merci. Merci. T’as assuré.


Kelly était si stupéfaite qu’elle ne parla pas. Astrid et Peter la soignèrent de ses quelques blessures avec la magie. Naomi et John arrivèrent peu après et s’assirent juste à côté de Kelly. Ils l’étreignirent exactement comme Astrid. Ils attendirent patiemment que l’OASIS soit au complet : ses membres accouraient les uns après les autres dans le QG. Tous la félicitèrent et la remercièrent dès leur entrée, sauf Deborah. Elle était toujours mortifiée. Très vite, les regards se tournèrent vers elle et un silence tendu régna dans la Cour des Mirages. Peter croisa les bras, et la toisa avec une expression qui transpirait la colère. Il n’avait encore jamais regardé personne comme ça, et surtout pas Deborah.


- Deborah, tu as quelque chose à dire pour ta défense ? dit-il d’une voix grinçante qui rappelait horriblement Poséidon McGonnadie. Autant t’avertir, il va falloir être très convaincante.


Deborah baissa les yeux. Kelly ne lui avait jamais vu un air aussi misérable, pas même hier.


- Je… je… j’avais pas prévu que ça tournerait comme ça… balbutia-t-elle d’une petite voix.


- Sans blague ? ironisa Kwaï. C’est bien connu, ça ne comporte aucun risque que de faire joujou avec un objet magique puissant…


- Et sans prévenir personne en plus ! dit Peter. On avait pourtant fixé une règle, Deborah, quand on emporte la Cuillère hors de la Cour des Mirages, on le signale !


- Je sais vraiment pas ce qui m’a pris… c’était sur un coup de tête, j’ai eu envie d’utiliser la Cuillère, et je sais pas pourquoi, mais j’ai pas eu la patience d’aller en parler à quelqu’un… j’ai pas d’explications. Mais j’avais l’intention de la rapporter très vite, je vous jure !


Peter s’assit dans un fauteuil. Il soupira bruyamment, l’air profondément las. Kelly le chercha du regard, inquiète quant à sa mine fébrile. Astrid n’avait pas encore parlé. En revanche, les réactions du reste de l’OASIS fusèrent :


- Tu te rends comptes, un peu ? s’écria Oszike, que Kelly n’avait jamais vu s’énerver. T’as failli nous faire paumer une de nos Reliques ! Qu’est-ce qui se serait passé si un prof avait mis la main dessus avant Kelly ? S’il y avait eu une enquête et qu’on avait été découverts ?


- Moi, on m’a interdit de participer à l’opération dans le temple de Lalaoud pour moins que ça ! renchérit Mercedes.


- C’est pas de ma faute si la Kagoule l’a volée… gémit Deborah.


- C’est la faute à qui, alors ? rétorqua Kwaï. C’est toi qui l’avait quand ça s’est produit, non ?


- Non mais dites… que je sache, personne ne nous a capté et la Cuillère est revenue dans la Cour des Mirages ! La catastrophe a été évitée, il me semble ?


- Ouais, sauf que c’est pas grâce à toi ! intervint enfin Astrid, les cheveux rouges. C’est Kelly qui a dû réparer ta connerie !


Les regards se tournèrent vers la désignée. Kelly ne savait pas très bien si elle devait sourire avec fierté ou avoir l’air grave, en particulier devant la détresse de Deborah. Elle ouvrit la bouche pour intervenir, mais Astrid la coupa.


- J’avais raison depuis le début à ton sujet, Deborah Jones ! tempêta-t-elle avec un triomphalisme dénué de joie. Tout ton blabla sur la cause, sur le droit à tous d’avoir sa chance de servir l’OASIS, c’était de l’enfumage ! Tu voulais la Relique pour toi toute seule, hein ? Et quand tu t’es rendue compte que JE devenais sa Maîtresse, t’as eu tellement les foies que tu t’es décidée à la voler ! Et le pire, c’est que t’as même pas été foutue de la protéger. C’est tout l’OASIS et la Quête des Reliques qui ont failli être foutus en l’air par ta faute ! Jamais un Archéo-Sorcier ne s’est autant déshonoré !


Deborah releva la tête. Son expression passa soudainement du désarroi à l’apathie. Astrid et elle se dévisagèrent mutuellement en silence, dans une tension extrême. Sur son fauteuil, Peter avait les yeux à demi-clos et perdus dans le vide. Kelly regarda Naomi et John : ils ne savaient pas plus où se mettre qu’elle, ou que n’importe qui dans l’OASIS. Alors, excédée par le mutisme de Deborah, Astrid explosa :


- Va-t-en, Deborah. VA-T’EN ! Tu as commis une faute bien trop grave, tu n’as plus rien à faire dans l’OASIS ! Si c’est pour nous plonger dans une telle panique, c’est vraiment pas la peine. On te laissera pas foutre le merdier dans le groupe une deuxième fois. T’as prouvé que t’étais indigne de confiance, alors la Quête des Reliques est terminée pour toi ! DEHORS !


Kelly se leva d’un bond, stupéfaite. Deborah resta droite et impavide : seule sa respiration qui s’était accélérée trahissait son choc. Kelly regarda tous ses camarades les yeux exorbités. John et Naomi étaient également estomaqués, mais pour le reste... les plus expressifs ne manifestaient que de la perplexité ; personne, même parmi les plus âgés, ne vint contredire Astrid. Et Peter qui ne faisait toujours rien… Kelly admirait à quel point Deborah était stoïque. Elle semblait déterminée à ne pas laisser Astrid l’atteindre…


Sans un bruit, Deborah se dirigea vers la porte de la Cour. Elle s’apprêtait à sortir, quand soudain, elle fit demi-tour. Son visage s’était durci. Elle alla dans le fond de la pièce : là, elle ôta un à un ses grafs accrochés aux murs. Les autres l’observèrent sans piper mot. Elle ramassa également ses œuvres inachevées et ses bombes de peinture. Au moment où elle passa près d’elle, Kelly leva le bras pour lui toucher l’épaule, mais elle la manqua. Et Deborah Jones sortit pour la dernière fois de la Cour des Mirages dans le plus grand silence.


Les Archéo-Sorciers se regardèrent les uns les autres, embarrassés. Astrid s’adressa à nouveau à eux, d’une voix où subsistait sa colère :


- A partir de maintenant, plus personne à part moi ne touche à cette satanée Cuillère. Personne ! On revient à comme c’était avant, car c’était très bien ainsi ! Vous savez tous maintenant que j’arrive enfin à actionner ses pouvoirs, donc plus la peine de tergiverser à son sujet. Maintenant, on ne se préoccupe plus que d’une chose, les deux Reliques restantes !


Astrid se tourna ensuite vers Kelly. Celle-ci, instinctivement, se tassa sur elle-même. Alors, les cheveux d’Astrid perdirent leur couleur écarlate pour devenirs bleus. Son expression changea du tout au tout, également : elle souriait maintenant d’un air radieux.


- Kelly, l’OASIS te doit une fière chandelle. Tu l’as peut-être bien sauvée. En empêchant la Cuillère de tomber dans de mauvaises mains, tu as permis à la Quête des Reliques de continuer. Tu as été vraiment brillante pour ton âge, la Kagoule n’est pas facile à battre… Dans notre groupe, on ne remet pas de médaille, mais tu en mérites une, clairement. Je le redis : bravo et merci.


Et Kelly fut félicitée par chacun une deuxième, une troisième fois… Mais cette débauche de reconnaissance ne la rassérénait nullement. Au fond d’elle, elle était horrifiée. L’OASIS venait encore de perdre un membre… comment cela pouvait-il arriver si peu de temps après Dominique ? Cette fois ce n’était pas un départ, c’était un renvoi… comment en était-on arrivé à une telle extrémité ? Et Deborah qui avait désobéi sans raison valable, emporté la Relique à l’insu de tous… qu’est-ce qui lui avait pris ?


Le lendemain, Kelly se leva une nouvelle fois aux aurores à son grand mécontentement. Elle devait se rendre au stade Marie Grégeois, pour les fameuses sélections de l’équipe de Dragondebronze. Elle y arriva parmi les derniers tant elle avait marché lentement, perdue dans ses pensées. Elle avait encore en tête les événements d’hier… avec John et Naomi, ils n’en avaient pas reparlé de toute la soirée tant ils étaient sous le choc. Une fois sur le terrain, Kelly entendit qu’on l’apostrophait. Jörg Hammond, Bender Stratocaster et Rick Henbacker, les trois inséparables Crevards, étaient là à polir leurs armes en se racontant des blagues. Les voir lui redonna un peu d’énergie.


- Salut, les cons, lança-t-elle avec un grand sourire.


- Salut p’tite ! répondit Bender. Alors, prête à te faire virer de l’équipe ? railla-t-il en faisant mine de lui donner un coup de poing dans le ventre.


- Pas aujourd’hui, la sauce samouraï, répliqua Kelly en l’évitant. Si je m’en vais, l’équipe vaudra plus une Noise ! Et vous alors, vous êtes sûrs que vous allez assurer aujourd’hui ?


- Bonne question, on a pas pu s’entraîner pendant des mois, grogna Jörg en frappant le sol de son épieu. On avait nos armes, mais pas de boules de Crève-Ball !


- Du coup on a compensé, on s’est entraîné sur nos boules ! ajouta Rick.


- Roooh, t’es con, Rick… dit Kelly avec un petit rire alors que Jörg et Bender s’esclaffaient. Vous êtes hallucinants à parler autant de vos burnes, vous les mecs…


- C’est bon minette, on déconne ! railla le Crevard à la hallebarde. Et si t’es choquée par des valseuses, tu vas en chier en amour, crois-moi…


Kelly se désintéressa de cette discussion au ras des pâquerettes pour observer les autres personnes présentes. Il y avait tout un attroupement de nouvelles têtes, de tous âges, des candidats à tous les postes. Kelly en connaissait certaines, de vue. Il allait y avoir du sang neuf, en tout cas : Monica et Peng, les deux Indics, avaient terminé leurs études, et Velina, une des quatre Équilibristes, avait décidé d’arrêter le Crève-Ball. Un peu plus loin, Kelly aperçut Deborah, assise près des étagères avec les poids, en compagnie de ses confrères Équilibristes.


Kelly grimaça. Depuis hier, elle s’en voulait. Durant tout le « procès » de Deborah, elle n’avait rien dit. Elle aurait dû la soutenir, essayer d’intercéder en sa faveur. Quand Astrid avait dit que Kelly avait dû « réparer sa connerie », cette dernière avait ressenti une sorte de culpabilité… elle devait lui parler. A sa surprise, Deborah lui sourit aimablement lorsqu’elle s’approcha d’elle.


- Deborah… ? dit-elle prudemment.


- Oui, Kelly ?


Kelly lui fit signe de la suivre pour qu’elles parlent un peu plus en privé.


- Je voulais te parler, dit-elle à mi-voix. J’suis désolée… j’ai… l’impression que c’est de ma faute si tu as été virée de l’OASIS.


- Comment ça ?


- Ben… si je t’avais laissée reprendre la Cuillère à la Kagoule, tu aurais peut-être pu te racheter aux yeux des autres… ça aurait été un simple incident. Et tu serais toujours dans l’OASIS.


- Oh non, Kelly, faut pas te dire ça. Je pense vraiment pas que ça aurait changé grand-chose. Que ça soit toi, moi ou un autre qui reprenne la Cuillère, le mal était fait. Te tracasse pas, t’as rien à te reprocher, bien au contraire. De toute façon, je m’étais un peu préparée depuis la veille à me faire virer, en fait… je savais qu’on me pardonnerait jamais une bévue comme celle-là.


Deborah souriait toujours, mais sa voix s’était éteinte. Kelly retroussa les lèvres.


- C’est vrai que t’as merdé, on peut pas dire le contraire, t’as… pardon je vais pas te refaire le couplet. Mais quand même, te renvoyer de l’OASIS… Astrid et Peter ont été durs…


- Astrid, je m’en tape, coupa Deborah. C’est une conne. Mais que Peter n’ait rien fait pour moi, ça… j’allais dire que ça me dégoûte, mais en fait non. C’est juste que je comprends pas.


- Oui… admit Kelly. Je lui ai trouvé l’air fatigué… vraiment très fatigué…


Cela aussi la taraudait depuis hier. Peter avachi sur un fauteuil, les traits tirés, laissant tout l’OASIS incendier Deborah sans intervenir… pour un chef, il avait fait pâle figure. Kelly avait eu du mal à reconnaître son préfet. Elle releva les yeux. Devant elle, Deborah aussi semblait très fatiguée…


- Je suis atterrée par ce qui arrive, Deborah… dit Kelly. Tu sais que je t’apprécie beaucoup. Savoir que tu fais plus partie de l’OASIS, surtout de cette manière là, ça me fait un mal fou.


- C’est très gentil, Kelly. Au passage : t’en fais pas, je balancerai pas l’OASIS aux profs. Je l’ai déjà dit au petit John hier soir – je voulais pas parler à Peter. J’en suis pas là. Je vous souhaite toujours de réussir… même sans moi…


-Y’a autre chose que je pige pas, Deborah, murmura Kelly. Bien sûr, Astrid est partie dans son délire quand elle a dit que tu voulais prendre sa place, mais quand même… je commence à te connaître, et je pige pas ce qui t’as pris de prendre la Cuillère comme ça, juste pour toi...


- C’est vrai que… je ne me suis pas sentie totalement moi-même au moment où je l’ai volée. Les quelques fois où j’ai eu la Cuillère entre mes mains, j’ai aimé ça, je l’admets. Alors, quand je l’ai vue, disponible sur son présentoir, j’ai pas réfléchi. C’est comme si j’avais obéi à une pulsion. C’est de ma faute, sûrement… et j’en ai payé le prix. Maintenant, j’ai plus qu’à passer à autre chose… soupira-t-elle.


Le visage de Kelly se décomposa lorsqu’elle vit des larmes perler au bout des yeux de Deborah. D’un revers de main, l’Équilibriste les balaya. Elle voulut adresser un dernier sourire à Kelly, mais elle ne parvint qu’à faire une grimace tordue. Kelly la regarda retourner vers Akira et Soren avec une profonde peine, sans être capable de rien dire ou de faire un geste. Ce que Deborah venait de lui dire l’inquiétait. Elle ne s’était pas sentie elle-même, ce jour-là… avait-elle subi un sortilège de l’Imperium ? Non, quand même pas… un sortilège de Confusion ? Mais alors, qui lui avait lancé ?


Elle fut brutalement tirée de son inertie par un coup de sifflet. Iossif Cvetkev se tenait sur le terrain, droit et fier. Il fit signe aux joueurs de s’avancer et se placer devant lui. Instinctivement, les anciens se regroupèrent entre eux.


- Bonjour à tous ! s’exclama Iossif, les poings sur les hanches. ENFIN, on peut se retrouver sur le terrain. Ça a été un bordel pour trouver un créneau… Bref ! On a gagné le dernier championnat, donc on ne concoure pas cet année pour la Coupe de Crève-Ball ; mais si on ne s’entretient pas, on se fera piner l’an prochain ! Donc on va quand même s’entraîner cette année pour se préparer. Vous allez voir, j’ai plein d’idées de stratégies, et donc, un programme d’entraînement ; mais avant tout, il faut compléter notre groupe ! Plusieurs de nos joueuses sont parties de notre fabuleuse équipe. Je suis donc ravi d’accueillir…


- Déjà quatre… marmonna Gudrun à Kelly.


Depuis qu’elles le connaissaient, les deux filles comptaient les « donc » que disait Iossif durant ses assommants discours. Et après plusieurs mois de jachère, il semblait particulièrement ravi de pouvoir parler. Le capitaine acheva son discours par un autre coup de sifflet.


Ils commencèrent par faire tous ensemble des exercices basiques pour tester les compétences de vol, d’adresse et de réflexes : cela permit d’éliminer un paquet d’ineptes et de touristes. Puis, Iossif leur fit faire des exercices spécifiques à chaque catégorie de joueurs. Dans l’ordre : les Épuisatiers, les Crevards, les Indics et les Équilibristes. Au bout de deux heures, la nouvelle équipe était constituée. Kelly et Gudrun conservèrent leur place, tout comme Deborah et Soren, ainsi que Rick, Jörg et Bender. L’équipe comptait deux nouveaux Indics : Amina Nzinga et Dario Soric, ainsi que deux nouveaux Équilibristes, Vacys Dulcis et Luisa Chaves Alves. Akira, avec qui Kelly avait joué l’an dernier, avait dû céder sa place : Iossif, trouvant que son profil ne correspondait pas à ses nouvelles aspirations, lui avait préféré Luisa, qui était assez massive tout en étant véloce. Le garçon aux allures de sumotori quitta le terrain de Crève-Ball complètement déprimé.


- Le pauvre… chuchota Deborah à Kelly, il est arrivé la même chose à Kwaï Gun-Djinn, à PatrickSébastos. Il a perdu son poste d’Épuisatier… ça l’a démoli.


- Ah, c’est pour ça qu’il n’a pas l’air sympathique en ce moment ? Ah mais non, j’suis bête, il est toujours comme ça, ironisa Kelly, qui n’aimait pas beaucoup son collègue de l’OASIS.


- C’est la dure loi du Crève-Ball : crever ou être crevé, déclara Iossif. De bonnes équipes n’ont parfois jamais existé parce que les entraîneurs refusaient de renouveler leurs joueurs et conservaient les anciens par principe. Je ne fais que mon travail. Bien ! Voilà donc notre équipe qui nous fera concourir l’année prochaine – non, que dis-je, qui nous fera gagner ! Je vous contacterai quand j’aurais libéré un créneau pour un entraînement. D’ici là, n’hésitez pas à vous entretenir ! Les abdos et la muscu ça n’a jamais fait de mal à personne.


Avant d’aller retrouver Naomi et John, Kelly alla voir une dernière fois Deborah.


- Bravo pour ta perf’, Deborah. C’est trop cool que tu restes dans l’équipe !


- Et oui, au moins on continuera à se voir ici ! dit Deborah. C’est déjà pas mal, hein ?


Kelly sourit paisiblement.


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