Lettockar, tome 3 : La folie des couvre-chefs

Chapitre 9 : Expériences

4144 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/06/2024 23:05

9. Expériences


Peu de temps après, la longue série d’exposés hebdomadaires d’histoire de la magie, qui allait s’étaler sur plusieurs mois, débuta. Kelly et Ludmilla passèrent en premières avec brio le lundi, malgré la fatigue de la fin de journée. La Grande Guerre des Sorciers, ses origines, son déroulement, son impact sur la société civile, les réactions de la population … sans le nommer, elles avaient inséré l’histoire personnelle de McGonnadie dans leur développement, et cette illustration donna beaucoup de corps à leur exposé. Quand elles eurent terminé, Jar Jar Binns hocha la tête et déclara :


- C’est vraiment bien. 15/20 à toutes les deux.


Kelly et Ludmilla rayonnèrent. Leurs efforts n’avaient pas été vains. Elles retournèrent s’asseoir toutes contentes : durant la reprise, Jar Jar Binns laissa simplement sous-entendre que si elles avaient précisé qu’Albus Dumbledore était déjà un gros planqué à l’époque, elles auraient eu un point de plus. L’exposé suivant, celui de Mercedes et de Nadine Hapoil, se passa beaucoup moins bien et elles récoltèrent un 9/20. Kelly quitta la salle de cours le cœur léger.


- 15/20 ! claironna-t-elle. C’est ma meilleure note en Histoire de la magie. C’est trop bien.


- T’as bien mérité ton magazine, Kelly ! lui lança Ludmilla.


- Ludmilla, j’ai pas dit que je le voulais, zut !


- C’est bon, j’te charrie, roh ! Coincée !


- Ton magazine ? demanda John, intrigué.


- Laisse, c’est un délire entre nous, répondit Kelly en agitant la main. Remarque, toi, ça pourrait t’intéresser, John !


- Mais qu’est-ce que… balbutia John alors que Kelly et Ludmilla éclataient de rire.


- Bon, Kelly, merci pour tout ! dit cette dernière en s’en allant. On a assuré, bravo à toi !


- Tout pareil ! répondit Kelly.


- Kelly ! s’exclama John. Ho, Kelly, réponds-moi ! Pourquoi vous dites que ça peut m’intéresser ?


Les deux amis montèrent vers la tour de Dragondebronze. John, toujours stupéfait par leur échange, insista tellement pour que Kelly lui explique qu’elle céda et lui révéla, un peu honteuse, qu’elles parlaient d’un magazine porno qui appartenait à Ludmilla, et que dans sa tête, il était malgré lui une référence en la matière.


- Pfff, alors j’ai acheté une fois un magazine à Popovicz, et ça y est je suis un obsédé sexuel ? ronchonna-t-il.


- Une fois ? dit Kelly en croisant les bras. Vraiment ?


- Vraiment.


- Donc là, si j’allais sans prévenir dans le dortoir des garçons et que je soulevais ton matelas, je trouverais absolument rien caché en dessous ?


John s’empourpra et son regard devint fuyant. Il tourna furtivement la tête vers son dortoir puis dit :


- D… de toute façons, t’as pas le droit d’entrer dans le dortoir des garçons.


- J’en étais sûre, ricana Kelly. Ah là là, mon John, en fait Fistwick a raison quand il dit que t’es un branleur !


- C’est bon, Kelly, tout le monde fait ça, d’abord ! affirma John sans sourciller.


Kelly marqua un temps d’arrêt. Elle resta stoïque et pourtant, elle venait de ressentir une pointe de malaise, la même que la fois où elle en avait parlé à Ludmilla… Incapable de contredire comme d’approuver John, elle esquiva en plaisantant :


- A force de jouer avec ta queue, tu vas l’user, John ! Qu’est-ce qui se passera quand tu devras vraiment t’en servir ?


- Quoi, tu veux tester ? ironisa John avec un rictus.


- John, John, voyons… dit Kelly en lui donnant un coup de coude amical. Calme tes ardeurs !


John sourit et lui déposa un baiser sur la joue. Soudain, Naomi arriva dans la salle commune, et John et Kelly changèrent précipitamment de sujet de conversation ; Mimi était très stricte et ne supportait pas la grivoiserie. Kelly se rappela qu’elle n’avait toujours pas découvert quel garçon la faisait craquer en ce moment…


Quelques heures plus tard, en pleine nuit, le dortoir féminin de Dragondebronze était complètement silencieux. Les filles dormaient toutes, sauf Kelly Powder. Quelque chose trottait dans sa tête, et l’empêchait de trouver le sommeil. « Tout le monde fait ça », « on fait toutes ça »… rien qu’en pensant à ces phrases, elle sentait un chatouillis dans son bas-ventre. C’était comme un appel…


« Bon, ben... »


Sous sa couette, elle ôta sa culotte. Encore un peu hésitante, elle prit une grande inspiration ; elle effleura son intimité du bout de ses doigts, et un petit frisson galopa sur son corps. Elle fit des va-et-vient, d’abord lentement, puis de plus en plus intensément. Une sensation indescriptible la parcourut, un plaisir différent de tout ce qu’elle avait connu avant. Son souffle s’accéléra et devint plus fort ; elle plongea la tête dans son coussin. Son bassin et ses jambes se cambraient seuls, avec douceur, au rythme de ses mouvements de main.


Des images défilaient dans sa tête… imprécises, indistinctes, de corps nus et désirables. Elle imaginait qu’on la touchait, qu’on l’embrassait, qu’elle sentait un corps chaud contre elle. Ça l’excitait, de se donner à quelqu’un. Cela dura un moment… mais, petit à petit, les frissons s’affaiblirent. Les yeux de Kelly se rouvrirent légèrement. Ses caresses devenaient maladroites et dans sa tête, elle ne voyait plus rien…


Kelly s’arrêta. Quelque chose n’allait pas. Elle ressentait du plaisir, mais il restait timide, comme engourdi. Elle se sentait… frustrée. Elle recommença, plus vigoureusement… mais au bout d’une minute, le lit juste à côté d’elle remua. Kelly s’immobilisa aussitôt, la main sur le sexe. Naomi sortit de sa couette, se leva et descendit vers les toilettes. Mortifiée, Kelly se recroquevilla dans sa couverture et tâcha de dormir.


C’était la première fois qu’elle se masturbait. Elle ne pouvait pas prétendre tout savoir sur la chose, mais elle ne pouvait pas se départir du sentiment que c’était raté…


Deux jours plus tard, pendant un cours de botanique, Kelly remarqua que Naomi regardait sans cesse sa montre et jetait régulièrement des regards vers l’extérieur, vers la Forêt Déconseillée plus précisément. Elle n’eut même pas besoin de l’interroger : dès que Mimi perçut le regard inquisiteur de Kelly posé sur elle, elle s’expliqua :


- Astrid nous a dit qu’elle aimerait bien nous voir à midi… tout le groupe de recherche des Reliques. Dans la Forêt Déconseillée. Apparemment, elle a eu une super idée qui va faire avancer la cause… on doit assister au résultat d’une « expérience », pour reprendre ses termes. Ne me demande pas de quoi il s’agit, elle ne m’a rien dit d’autre.


- Tiens, tiens… chuchota Kelly. Quelque chose qui va faire avancer la cause, hein ? Je remarque que Son Altesse n’en parle pas à toute l’équipe… encore une fois.


Naomi hocha la tête, assez d’accord avec Kelly. John s’approcha d’elles, et Kelly lui répéta l’affaire. Naomi semblait inquiète, elle n’avait jamais aimé la forêt de Lettockar. Enfin, encore moins que les autres élèves. Kelly regarda John, et celui-ci lui fit un clin d’œil entendu.


- On va t’accompagner, Mimi, dit-elle alors avec bienveillance. Ça nous intéresse aussi, cette histoire.


- Hum, je sais pas… hésita-t-elle. Astrid m’a demandé à moi, pas à vous…


- Et alors ? répliqua Kelly, un petit sourire aux lèvres. Toi, elle t’a demandé de venir, mais nous, elle ne nous pas de demandé de ne pas venir, que je sache ? C’est la Forêt Déconseillée, pas la Forêt Interdite.


John leva et agita son index pour approuver Kelly. Naomi sourit à son tour.


- Un jour, vous allez vous taper dessus, Astrid et toi. Mais je suis contente que vous veniez avec moi !


Le cours de botanique prit fin à midi pile. Pour se rendre dans la Forêt Déconseillée, John se coiffa d’un des multiples chapeaux qu’il gardait dans sa valise : un galurin noir. Kelly trouvait qu’il le portait mieux que son béret. Ils ne mirent pas très longtemps avant de retrouver leurs camarades de l’OASIS dans une petite clairière. Tarung et Oszike étaient déjà présents. Kelly, encore emplie de ressentiment envers Astrid, fut tant surprise par ce qu’elle vit qu’elle l’oublia vite : Astrid était sur une pierre, en train de parler le plus tranquillement du monde avec… Viagrid. Le garde-chasse affichait un air joyeux, quoique sobre, et transportait sur ses épaules quatre âne punks endormis.


- … Mais pour ça, il faudrait en savoir plus ? lui demandait Astrid d’une voix onctueuse.


- Mais oui, car les secrets des Fondateurs de Lettockar appartiennent à tous ses élèves ! déclara le demi-ogre avec ferveur. Pour que nos jeunes marchent dans leurs pas et deviennent les grands sorciers qu’ils souhaitaient, il faut tout connaître de ce qui a fait leur grandeur à eux, n’est-ce pas Astrid ?


Kelly haussa les sourcils. Viagrid dégageait une sympathie très inhabituelle de sa part. On sentait une sorte de complicité totalement incongrue avec Astrid. Kelly, n’en revenant pas, cherchait le truc ; elle constata alors que dans la manche d’Astrid, on pouvait distinguer une bosse, qui ne pouvait être que le fait de la Cuillère d’Imène Lalaoud.


C’était donc cela, les effets de la relique sur un être doué de conscience… Astrid arborait un sourire incroyablement fier. Le fruit de son expérience venait visiblement de flatter son ego. Kelly sourit en se disant qu’Astrid devrait rester prudente. A ce rythme-là, Viagrid allait très vite lui proposer un rencard.


- Et j’suis bien placé pour en parler, de c’qu’ont bricolé nos Fondateurs ! continua celui-ci. Nous, les garde-chasses, nous occupons de leur ménagerie depuis des siècles. Les animaux de Curcumo, les chimères dégénérées de Scravoiseux… sacré Scrav’ ! L’en a créé, des trucs et des machins à picoler allongé pour ses expériences avant de les lâcher dans la Forêt Déconseillée. Mais j’me plains pas, en faisant ça, il m’a donné un travail, après tout.


Kelly et ses amis se tendirent. Entendre Viagrid parler de Scravoiseux et la Forêt Déconseillée avait attisé leur curiosité. Astrid joignit les mains derrière son dos. La Cuillère de Lalaoud glissa lentement de sa manche et arriva dans sa main droite…


- Mais vous, Viagrid, vous connaissez la forêt comme votre poche, j’imagine que vous avez trouvé des choses insoupçonnées ?


Kelly regarda avec attention la main d’Astrid, tenant la Cuillère. Elle commençait à faire des moulinets, tout en fixant Viagrid dans les yeux. Les autres membres de l’OASIS contemplaient la scène religieusement.


- Bien sûr ! claironna-t-il. A force de tailler le bout de gras avec les fées skinheads et recenser les chiens-ventouses, on finit par zyeuter la nature s’éveiller de manière insolite ! Par exemple, j’ai jamais pu faire un cours sur les étudiants-bousiers, une espèce d’insectes magiques très rares qui ont quelques colonies… Ils déplacent des monticules compacts composés de bric et de broc et les archivent, c’est fascinant ! La première fois que j’ai vu ça, j’ai cru que j’étais encore plus bourré que d’habitude !


- … Fascinant, oui ! dit Astrid en plissant les yeux, en continuant de mouliner la Cuillère. Et vous croyez que Scravoiseux a pu cacher d’autres choses que des espèces vivantes ?


- Ah ben, ça j’en sais rien. ‘Faudrait demander au Perce-Crâne.


Viagrid avait sorti ça le plus naturellement du monde, mais Kelly fut extrêmement interloquée, tout comme John et Naomi. « Le Perce-Crâne » ? C’était la première fois qu’elle entendait le nom d’une pareille créature, mais elle ne connaissait pas toute la faune de la Forêt Déconseillée. Elle regarda ses aînés, pensant qu’eux sauraient de quoi Viagrid parlait, mais à en juger par leur expression ahurie, ça n’était pas le cas.


- D… de quoi ? bégaya Astrid. Qu’est-ce que vous avez dit ?


- Le Perce-Crâne, pardi ! Le roi des animaux, la plus forte des créatures de la Forêt Déconseillée d’après la légende. J’ai passé la moitié de ma vie à le chercher dans les tréfonds de la forêt, mais rien à faire, j’l’ai pas trouvé. Il doit être très malin, le bougre, pour réussir à m’échapper. Parce que j’ai p’têt’ redoublé quatre fois ma première année de sorcellerie, mais comme garde-chasse, shuis un cador !


- Mais qu’est-ce que c’est, exactement, ce Perce-Crâne ?


- Exactement ? Sais pas. Personne le sait. La légende dit que ce serait une créature très ancienne qui serait arrivée dans la région pratiquement en même temps que les Fondateurs de Lettockar.


Abasourdie, Astrid regarda un à un ses compagnons. Tous secouèrent la tête de droite à gauche de la même manière. Viagrid, indifférent à la stupéfaction générale, essaya d’attraper sa flasque d’alcool dans sa poche, mais ses bras étaient tellement chargés qu’il n’arriva pas à l’atteindre.


- On a jamais entendu parler d’une telle chose, mon bon Viagrid, dit Astrid, sur un ton qui sous-entendait fortement qu’elle doutait de sa véracité.


- Normal, c’est pas au programme de Gestion de Bestioles, répondit Viagrid en souriant. C’est de vous à moi, compris les poules ?


Il donna un coup de coude « amical » dans les reins d’Astrid, si puissant que la jeune fille fut brutalement jetée par terre.


- Allez j’vous laisse ! Soyez sages, et si vous trouvez le Perce-Crâne, dites-lui que je nique sa sœur !


John et Kelly aidèrent la pauvre Astrid à se relever. Viagrid les quitta et s’enfonça dans les bois en chantant à pleine voix :


Bali-balo sur son dragon, frottait ses couilles contr’ son croupion.

Dès qu’le dragon cramait une ferme, il l’éteignait avec son sperme !


Kelly fut soulagée de les voir partir, lui et son odeur de gnôle frelatée. Astrid épousseta ses vêtements et rangea la Cuillère de Lalaoud d’un tournemain. Très digne, elle lissa ses cheveux bleus et dit d’une voix veloutée :


- Pas mal, non ?


- Waouh, lâcha Oszike.


- J’en suis tout ébaubi, déclara John en tirant son chapeau.


- Bon, maintenant il est clair que c’est moi la Maîtresse de la Cuillère, n’est-ce pas ?


Kelly restait en réserve face à la crânerie d’Astrid : elle était bien obligée de constater que sa cheffe avait réussi un réel tour de force.


- Oui, Astrid, bravo, dit Kelly en s’efforçant de rester placide.


- Je disais ça simplement au cas où l’on remettrait encore en cause mes capacités…


- Comment as-tu réussi ton coup ? demanda Naomi.


- Avec Peter, on a eu l’idée de tester la Cuillère sur Viagrid parce qu’il est bête, répondit-elle. J’étais en cours avec lui pendant deux heures, j’avais commencé à essayer la Cuillère à ce moment-là. Avec un peu d’entraînement, je devrais pouvoir l’utiliser en allant de plus en vite ! acheva-t-elle triomphante.


- Et comme Viagrid connaît bien la forêt, il y avait moyen de choper des infos intéressantes, ajouta Tarung, admiratif. C’était bien vu.


- Je sais, dit Astrid avec un sourire de satisfaction.


- Et si on voyait ça plutôt quand on réunira l’OASIS au complet ? coupa Kelly avec un sourire mielleux mais froid. Si on parlait plutôt de ce que vient de nous dire le gros ?


Le sourire d’Astrid s’effaça, et elle retrouva un air très sérieux. Un petit concile s’engagea dans les bois. Cette histoire de « plus forte créature de la Forêt », que le groupe de recherche ignorait totalement, était troublante. Si, comme le disait Viagrid, elle se terrait au fin fond de la Forêt Déconseillée, pouvait-elle avoir un lien avec Scravoiseux ? Le « Perce-Crâne »… Kelly pensa à l’Ornithoryx, le légendaire hybride cornu créé par Scravoiseux qui avait donné son nom à sa maison, mais Naomi expliqua que la créature était morte bien avant le Fondateur. Alors, était-ce un perce-oreille géant ? Un charognard avec un dard ?


- Le « Perce-Crâne »… je n’en ai vu aucune mention dans aucun livre sur la Forêt ou les animaux fantastiques de Lettockar, et pourtant ça fait plusieurs années que j’en épluche, déclara Astrid. Je pense sincèrement que c’est une divagation de Viagrid.


- C’est possible, mais on ne devrait négliger aucune piste, dit Tarung. J’ai noté tout ce que vous m’avez dit sur le Djinn dans le Temple de Lalaoud. Vous n’étiez pas vraiment prêtes à le rencontrer et vous avez risqué très gros… si on se retrouve dans un cas similaire au moment où on cherchera la Perruque, on va être vraiment dans la merde. Il vaudrait mieux faire comme si ce… comment il a dit ? Ce Perce-Crâne existe, provisoirement.


- Tu as raison, concéda Astrid.


- S’il y a rien dans les livres, il faut demander à une personne. On pourrait poser la question à un fantôme ? proposa Oszike.


- Oui ben, cette fois c’est vous qui vous y collez, hein, dit sèchement Naomi.


Elle gardait en mémoire son interrogatoire fumeux de Josette la Dyslexique, la fantôme d’Ornithoryx, qui n’était absolument pas le spectre de la fille d’Imène Lalaoud comme l’OASIS l’avait cru dur comme fer. De toute manière, après y avoir songé, les membres de l’OASIS ne trouvèrent pas quel fantôme pourrait les aider. Ivan Le Chiasseux, le fantôme d’Ornithoryx était un ours mal léché de premier ordre, l’interroger serait une épreuve digne de figurer dans le Tournoi des Trois Sorciers, selon Astrid. Le Muezzin Aphone, fantôme de PatrickSébastos, était de toute façon incapable de communiquer ; quant à Roselyne Bachelefeu, le fantôme de Dragondebronze, elle avait vécu plus de 300 ans après la fondation de Lettockar, elle ne pouvait donc pas les renseigner sur cette supposée créature.


- Fistwick est un grand admirateur d’Augousto Scravoiseux, si ça a un lien, il sait peut-être quelque chose sur ce Perce-Crâne… suggéra Astrid.


- Tu comptes utiliser la Cuillère sur lui ? demanda Tarung.


- Ouh là là, sonder l’esprit de Fistwick ? Ça revient à explorer l’Amazonie avec une carte du Sahara. Je commence tout juste à maîtriser la Cuillère, donc le temps que je sois capable d’un truc comme ça, je crois bien que j’aurais fini mes études à Lettockar.


- Hum… tu penses avoir une chance qu’il te parle de ce qu’il sait si tu lui demandes directement ?


- Moi, non, mais peut-être que mon amie An…


- Ça va, Kelly ? demanda soudain John.


Kelly n’écoutait plus la conversation. Elle entendait un drôle de bruit au loin, dans les bois. Il se faisait de plus en plus fort. Et ce n’était pas seulement des bruits de chaussures…


- Quelque chose vient ! prévint-elle.


Les six jeunes sorciers tirèrent en même temps leurs baguettes magiques. Ils se mirent en position défensive, très tendus. Petit à petit, Kelly entendit plus distinctement le son lourd, qui s’avéra être un cliquetis métallique. Soudain, à quelques mètres devant eux, deux gros buissons s’écartèrent, et la chose apparut. C’était une armure de chevalier qui se promenait dans la forêt. Sans arme ni bouclier. Les jeunes gens abaissèrent légèrement leurs baguettes, interloqués. Ils furent persuadés qu’il s’agissait d’une armure animée totalement vide comme celles qu’on trouvait dans l’école, jusqu’à ce qu’elle relève sa visière. Dedans, il y avait le professeur Pourrave.


- Bonjour ! s’exclama-t-il gaiement.


- Euh… professeur Pourrave, pourquoi vous avez cette armure ? demanda Oszike.


- C’est pour me protéger de mes ennemis jurés.


- La brigade des stups ? lança John.


- Non, les Botrucs de la Forêt Déconseillée ! Je m’apprête à aller tailler des branches dans leurs arbres. On en a besoin pour fabriquer des baguettes.


Les Botrucs, sortes de petits lutins végétaux, gardaient en effet les arbres destinés à la fabrication des baguettes magiques. L’an dernier, ils avaient pris d’assaut la serre de Pourrave en plein milieu d’un cours de deuxième année après qu’il avait scié une branche de leur arbre-mère. Astrid leva un sourcil.


- J’ignorais que cette récolte faisait partie de votre travail, dit-elle.


- Ah si si, c’est juste que je le fais beaucoup plus souvent ces temps-ci, expliqua Pourrave. Le magasin est en pleine rénovation depuis la mort de M. Debudloose, il a besoin de beaucoup de matériaux.


Après avoir sorti cela sans un accroc dans la voix, il sourit aimablement à ses élèves et s’en alla dans un tintamarre métallique. Les adolescents restèrent en plan, complètement abasourdis par cette information. Naomi en lâcha même sa baguette magique.


- Debudloose est mort ? articula Oszike d’une voix rauque.


Une discussion perplexe s’engagea entre les « Archéo-sorciers ». Tarung oublia même d’écrire dans son carnet noir.


La nouvelle circula très vite dans le château. Dans les jours qui suivirent, au fur et à mesure qu’elle anima les conversations, les élèves apprirent de nouveaux détails, grâce notamment à Mikhaïl Popovicz. M. Debudloose était mort le jour même du retour des élèves à Lettockar. Le Chemin de Traviole était orphelin du seul homme qui fabriquait des baguettes pour les élèves de l’école cachée depuis soixante ans. C’était une certaine Hanako Yasue, une vieille amie du professeur Doubledose, qui allait reprendre la boutique. En parlant du directeur, la raison de son absence à la cérémonie de début d’année devint évidente ; lui qui gardait un œil sur la boutique de baguettes magiques de Lettockar, il s’était sans doute mêlé à la succession de son propriétaire. Kelly était troublée. C’était donc pour ça que M. Debudloose avait mis tant de temps à réparer sa baguette au mois d’août… il était déjà au bout du rouleau à ce moment-là…


La mort de Bohort Debudloose ébranlait tout le monde à Lettockar dans la mesure où chaque personne, sans exception, lui avait acheté une baguette magique ; le gigantesque vieillard correspondait à leur début dans le monde de la magie. Les professeurs affirmèrent aux élèves qu’ils devaient néanmoins s’estimer heureux que la boutique du Chemin de Traviole soit encore ouverte, car en Angleterre, ils n’avaient même plus de fabricants de baguettes. Garrick Ollivander, le plus grand de tous, avait été kidnappé par les Mangemorts.


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