La maison sur la colline
Hermione descendit les escaliers pour rejoindre le salon. Les enfants lisaient chacun un livre assis sur le tapis. Drago la fixa de son regard perçant. Encore aujourd'hui, elle se sentait nue face à lui quand il la scrutait ainsi.
- Comment tu te sens ?
- Mieux. Je suis encore fatiguée mais je vais survivre.
- Hermione…
Il se rapprocha d'elle pour qu'elle soit la seule à l'entendre.
- C'était de la folie ! La dernière fois il t'avait fallu plusieurs jours pour t'en remettre. Là, ça fait deux semaines et tu es toujours aussi pâle. Je peux pas t'emmener à Ste Mangouste et s'il t'arrivait quoique ce soit, je ne sais pas ce que je ferai. Promets-moi de ne jamais refaire un truc comme ça. Je pourrai pas survivre ici sans toi. Et, tu as pensé à nos enfants ? A ce qu'ils deviendraient si tu disparaissais ?
Malgré la colère, elle se força à parler aussi bas que son époux pour ne pas éveiller les soupçons de leurs enfants.
- Tu crois que je n'y pense pas ? Si je fais tout ça c'est pour eux ! Que se passera-t-il le jour où nous serons trop vieux pour nous occuper de cet endroit ? Que se passera-t-il quand l'un de nous deux mourra ? Qu'adviendra-t-il d'eux ? Ce sont des enfants, pas des soldats !
- Peut-être, mais il faudra bien un jour leur dire la vérité et les préparer à ce qui arrivera. On ne va pas vivre éternellement et un jour, bien trop proche, ils devront se débrouiller sans nous. On peut choisir de leur dire la vérité et de les préparer ou on peut continuer de leur mentir. Et quand ils le découvriront par eux même et si, ils y survivent, ils nous détesteront pour ça. Je ne veux pas que mes enfants me haïssent. J'ai haïs mon père pendant des décennies, et malgré les horreurs qu'il a commises, je ne souhaite à aucun homme d'être détesté par la chair de sa chair. Je ne pourrai pas mourir en paix en sachant que mes enfants me détesteront. Hermione, ne m'enlève pas l'amour de nos enfants par peur de leur réaction. Ils sont intelligents, presque autant, si ce n'est plus, que toi et moi réunit. Nous devons les préparer à l'inévitable.
- Je peux pas Drago, c'est au-dessus de mes forces. Ce ne sont que des enfants !
Comme Molly et Narcissa avant elle, la mère prime sur tout le reste. Même les choix logiques et pragmatiques. Encore une fois, elle savait que Drago avait raison, mais voir l'étincelle dans les yeux de ses enfants s'éteindre étaient trop durs, elle préférait encore le doux mensonge à la cruelle vérité.
Si seulement, elle avait su à l'époque, jamais elle n'aurait sauté ! Elle aurait choisi de mourir plutôt que de partir. Aujourd'hui, elle ne pouvait pas lutter contre la marche du Destin. Elle ne pouvait stopper la course du temps. Chaque année qui passait, la rapprochait de la fin, inéluctable et irrémédiable.
Drago lisait dans ses yeux mais il avait bien trop peur de formuler à voix haute ce qu'elle pensait tout bas. Des larmes coulèrent sur ses joues.
- Tu me demandes encore aujourd'hui quel aurait été mon choix si je l'avais eu. C'est comme si tu refusais de me croire. Mais et toi ? En quinze ans, je ne te l'ai jamais demandé. Je n'en voyais pas l'intérêt. Et toi, si tu avais eu le choix, est-ce que tu m'aurais choisi malgré tout ?
La question la désarçonna bien plus qu'elle ne l'aurait cru. Evidemment qu'elle aimait son mari. Et c'est ce qu'elle aurait dû lui dire. Faire taire la petite voix dans son esprit « et si… ». Un silence passa et Drago sentit la panique envahir tout son être. La rage prit le dessus, le goût amer de la déception emplissant sa gorge.
- Je vois. Après tout ce temps, je pensais qu'on était au-delà de ça. Pour moi c'était clair en tout cas. Je suis tombée amoureux de toi. Et ici ou ailleurs, je suis persuadée que si l'occasion m'en avait été donnée, je serai tombé amoureux de toi de la même manière.
- Mais moi aussi. Je suis tombée amoureuse de toi et quand je vois notre vie, même si elle n'est pas parfaite. Elle me convient et me comble. Seulement voilà. La réalité c'est que si nous avions été ailleurs qu'ici, l'occasion de tomber amoureux l'un de l'autre ne se serait jamais présentée. Oh ne me regarde pas comme ça. Tu sais très bien ce que je veux dire. En dehors d'ici, tu aurais épousé une sang pur pour faire plaisir à ton père, tu aurais fait un ou deux enfants pour avoir des héritiers et c'est tout. Et moi, j'aurai sans aucun doute fini comme Mme Weasley avec suffisamment d'enfants pour monter une garnison. Est-ce qu'on aurait été malheureux, non, puisqu'on aurait même pas su qu'une autre vie était possible. Est-ce qu'on aurait été heureux ? Je ne sais pas puisque cette vie n'est jamais arrivée. Je t'aime, vraiment et totalement. Je ne voudrais pas d'autre mari que toi. Ne me fais pas dire ou penser ce que je n'ai ni dit ni penser. Admets seulement que notre situation actuelle est horrible et que nos enfants n'ont pas à payer les conséquences de nos choix passés.
- Alors quoi Hermione ? On continue de leur mentir en espérant que demain le problème se règlera de lui-même ? Je dis simplement qu'on doit les préparer, parce que la vie met sur nos chemins bien plus souvent le pire que le meilleur. Et tu sais que j'ai raison. Regarde comment on est arrivé là ! Rappelle-toi nos débuts ici, seuls, affamés et apeurés ! Combien de nuits tu as passé à pleurer avant d'accepter ne serait-ce que de me regarder ? Combien de jours j'ai passé à hurler au pied de cette putain de colline ? On a choisi de sauter ensemble, de survivre ensemble. Et on a eu la chance de pouvoir vivre ensemble et même de s'aimer. Mais ça ne durera pas. Tu le sais. On ne peut pas leur imposer ça. Ils doivent savoir. Pour leur donner de meilleures chances que la nôtre.
- Un an. Encore une année s'il te plait. On leur dira la vérité dans un an. Laisse-moi ce temps s'il te plait. Laisse-moi voir encore l'étincelle dans leurs yeux pendant un an. Laisse-moi graver dans ma mémoire leurs sourires pendant encore un an.
Résigné, il accepta silencieusement. Lui-même ne se réjouissait pas à l'idée de détruire jusqu'au dernier rêve de ses enfants, mais leur avenir était en jeu. Il n'avait pas d'autre choix.