La mort est une fin heureuse

Chapitre 17 : Polterg Heist

4617 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/04/2024 16:37

Pravin, Mars 2023.

 

— Bon, ça y est, le moment est venu, chuchota Pravin en entendant le brouhaha des centaines d’élèves sortir du château au-dessus d’eux. Vous êtes prêts ?

— Prêt, répondit Frank. Peeves, tu as les pétards ?

— Toujours, répondit ce dernier d’une voix aigüe.

— Alors c’est parti, dispersion !

        Ils étaient cachés tous les trois, accroupis derrière un immense tonneau de vin, dans le couloir du sous-sol qui menait à la salle commune de Poufsouffle. Les derniers retardataires étaient sortis depuis deux bonnes minutes, et la plupart des élèves étaient désormais sortis dans le parc en direction du terrain de Quidditch.

        Peeves et Frank filèrent dans la tour de Gryffondor, tandis Pravin se dirigea vers le parc. Il prit bien soin de rester en retrait par rapport à la foule d’élèves, et longea les murs du château pour se poster au pied de la tour de Gryffondor. Ensuite, il prit un peu de recul afin d’avoir les fenêtres de la tour bien en vue, et se cacha dans un buisson.

        Le parc était désert. Il entendait au loin les supporters s’installer dans les gradins. La cabane de Hagrid était hors de vue. Il leva la tête. Au bout de quelques minutes, il aperçut enfin Frank lui faire des signes de la main par un petit balcon de la tour de Gryffondor, auquel tout le monde avait accès, le couloir menant à ce balcon étant public. Enfin, quelques instants plus tard, il vit Peeves à travers une des fenêtres d’un dortoir de Gryffondor. Ils étaient en place. Pravin entendit le coup de sifflet qui annonça le début du match. Ils allaient pouvoir commencer.

        Pravin sortit sa baguette, retint sa respiration et prit bien soin de viser l’une des quatre vitres de la fenêtre où était posté Peeves. Le léger bruit de verre brisé lui indiqua qu’il avait visé juste. Comprenant le signal, Peeves se mit au travail.

        De tout en bas, Pravin entendit de grands bruits sourds provenant du dortoir. Il crut même apercevoir une table de chevet voler à travers la pièce. Des dizaines de feuilles et parchemins volèrent par la fenêtre, et vinrent délicatement se poser dans l’herbe au pied de la tour. Il était de toute évidence excellent à son boulot.

Pravin s’allongea dans l’herbe, un agréable rayon de soleil lui réchauffant le visage. Il pouvait écouter les commentaires du match. A priori, l’équipe de Gryffondor était en train de gagner, ce qui n’était pas une surprise. Il avait une vue imprenable sur la tour, et s’il tournait la tête vers la gauche, il pouvait voir le terrain de Quidditch. Impossible de louper quoi que ce soit.

Mais tout ne se passa pas exactement comme prévu. Après seulement quelques minutes, Pravin aperçut une silhouette marcher rapidement en boitant et se diriger vers le château. Il se dissimula sous son buisson, et observa la silhouette, qu’il reconnût aussitôt. Il soupira. Mokrane était une élève de Gryffondor. Elle était en cinquième année, ce qui faisait que si elle se rendait dans son dortoir, situé à côté de celui des quatrième années dans lequel était actuellement Peeves, tout serait fichu. Pour couronner le tout, elle était préfète. Il fallait réagir, et vite. Pravin réfléchit à toute allure. Puis, il bondit de sa cachette, contourna en courant la trajectoire de Mokrane sans se faire voir, et la rattrapa.

— Qu’est-ce que tu fiches ici, Mokrane ? lança-t-il.

        Mokrane poussa un cri de sursaut.

— Bordel mais ça va pas ?!

        Pravin ne répondit pas, trop occupé à se retenir de rire face à sa réaction. Il ne fallait pas qu’il la froisse trop. Il remarqua qu’il lui manquait une bonne moitié des cils à l’œil droit.

— Qu’est-ce que tu me veux, Dickett ? lui cracha Mokrane.

— Je croyais que t’étais en train de jouer au match ? demanda Pravin.

— Ouais ben, changement de programme, répliqua Mokrane, et c’est pas tes affaires, fiche-moi la paix. Qu’est-ce que tu manigances, ajouta-t-elle d’un air suspicieux, pourquoi n’es-tu pas au match avec tout le monde ?

— Ça non plus c’est pas tes affaires.

        Mokrane ricana.

— La différence, c’est que je suis préfète, loustic.

        C’était le moment, se dit Pravin. Il fit semblant de s’attrister.

— La vérité, c’est que je n’ose pas y aller…

        De toute évidence, Mokrane ne s’attendait pas à ce qu’il baisse sa garde aussi vite. Elle avait raison, évidemment, mais elle ne le savait pas. Mokrane soupira.

— Pourquoi tu n’oses pas ?

— Tous ces gens regroupés… Pour un sport que je n’apprécie pas… Je n’ai pas ma place…

        Mokrane lui lança un regard de pitié. Elle avait donc un cœur ? Sa naïveté fit rire Pravin intérieurement.

— Pourquoi tu n’aurais pas ta place ? Le Quidditch c’est pour tout le monde, peu importe si tu n’aimes pas le jeu, c’est une ambiance à passer avec ses amis.

— Je n’ai pas d’amis.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Et Londubat, alors ? Tu passes tout ton temps avec lui !

        Pravin fit semblant de rire avec amertume.

— T’as pas remarqué que ça faisait plusieurs semaines qu’on n’était plus amis ?

        Il pria pour que Mokrane n’ait rien remarqué du tout, car c’était évidemment un mensonge pur et simple.

— Non, je n’ai pas remarqué, répondit-elle. Qu’est-ce qui s’est passé ?

        Pravin haussa les épaules.

— Va savoir, bougonna-t-il. Il a dû finalement remarquer que j’étais pas quelqu’un avec qui il était agréable de traîner. Comme tous les autres.

— Mais qu’est-ce que tu racontes ? Faut pas dire des choses comme…

— Ecoute Mokrane, coupa Pravin, je vais pas te faire l’affront de te demander d’être ma nouvelle amie, on sait tous les deux que t’en as pas envie, et je te comprends.

— Je… Je n’ai pas… balbutia Mokrane, déstabilisée.

— C’est bon, t’en fais pas. J’ai juste besoin d’un service. S’il te plaît.

— Je… Oui, bien sûr, ce que tu veux.

— Rusard m’a confisqué mon frisbee à dents de serpent en début d’année. J’y tiens énormément. C’est… C’est Frank qui me l’avait offert pour mon anniversaire… Et il m’en avait voulu que je me le fasse choper si facilement, alors peut-être que si je lui montre que je l’ai récupéré…

        Il y avait bel et bien un frisbee à dents de serpents, mais il appartenait simplement à Frank, et ce dernier se l’était fait confisquer par Rusard à peine deux semaines plus tôt. Mokrane fronça les sourcils.

— D’accord, mais que veux-tu que j’y fasse ?

— Ben… Comme tu es préfète, et que t’as accès à la salle de retenue, et régulièrement au bureau du Rusard, je me disais que… Non, laisse tomber, c’est trop risqué pour toi, ajouta-t-il en feignant à la perfection l’abandon de tout espoir.

        Mokrane lâcha un long soupir.

— C’est bon, je vais aller le chercher.

        Le faux sourire de Pravin s’illumina.

— T’as de la chance, dit-elle, l’école tout entière est au match. C’est le moment idéal pour voler quelque chose.

— Ah ? Si tu le dis…

— Attend-moi là, je reviens dans une vingtaine de minutes.

— Merci beaucoup ! lança Pravin en l’observant s’éloigner vers les portes de chêne.

Pravin se précipita alors vers sa cachette pour poursuivre son plan, et il jeta un regard vers la fenêtre. Peeves était réapparu, et attendait patiemment. D’un signe de main, il indiqua à Pravin qu’il avait terminé. Soulagé, Pravin, à l’aide d’un bout de verre, envoya un reflet de lumière du soleil à Frank pour lui transmettre le message.

        Cette phase étant terminée, il fallait à présent attendre. C’était la partie la plus hasardeuse de leur plan, ils ne savaient pas combien de temps ils allaient devoir attendre, car ils ne savaient pas combien de temps le match allait durer. Si Mokrane revenait avant la fin du match, il lui suffirait de prévenir Frank de son arrivée, maintenant que Peeves avait terminé.

        Après seulement cinq minutes d’attente, Pravin entendit le coup de sifflet signifiant la fin du match, et les hurlements de joie des supporters de l’équipe de Gryffondor. Il se releva, vérifia une bonne demi-douzaine de fois qu’il était bien caché et qu’on ne pouvait pas le voir, et observa de loin les élèves retourner vers le château. Quand les premiers élèves atteignirent les grandes portes de chêne, il envoya à nouveau un signal à Frank. Heureusement, ils s’étaient assurés au préalable que le balcon n’était pas visible depuis les portes de chêne, ainsi, personne ne pouvait voir Frank.

        Frank se dissimula alors dans un coin de son balcon, si bien qu’il était très difficile de le voir depuis l’intérieur du couloir, mais il pouvait voir qui y passait. Après seulement cinq minutes d’attente, Frank fit un signe précipité mais discret à Pravin. Les Gryffondor retournaient dans leur salle commune, c’était le moment pour Peeves de partir. Pravin prit à nouveau le temps de viser un deuxième carreau de la fenêtre. Quand ce dernier explosa, il vit Peeves se retourner et filer.

        Pravin se faufila hors de sa cachette, et marcha discrètement dans l’autre direction par rapport à la masse d’élèves qui continuait de sortir des tribunes de Quidditch en chantant. Il longea les murs, contourna le château, descendit la pente douce qui menait vers le lac, et rejoignit leur point de rendez-vous, un endroit où il était extrêmement peu probable que quiconque se rende, en particulier après un match de Quidditch : le hangar à bateaux.

        Heureusement, il n’attendit que cinq minutes, Frank et Peeves arrivèrent ensemble. Il allait pouvoir arriver à l’heure à son rendez-vous avec Mokrane. Frank avait l’air essoufflé.

— Alors ? demanda Pravin.

— C’est bon, personne ne m’a vu, répondit Frank.

— Et toi ? s’enquit Pravin en se tournant vers Peeves.

— C’est bon, on m’a vu, assura ce dernier. Hihihiii, avec ce truc le château tout entier sera à notre merci ! ajouta-il d’un air machiavéliquement réjoui.

— Oui, mais il faut se faire discret, sinon on aura fait tout cela pour rien.

        Avec un petit sourire, narquois, Peeves sortit de sous sa chemise à carreaux un vieux parchemin. Frank eut un petit rire d’excitation en le voyant. Pravin le saisit, l’observa, le tourna et le retourna. Le parchemin était complètement vierge.

— Bon, Peeves, arrange-toi pour te faire voir à nouveau à l’autre bout du château. Il ne faut surtout pas qu’on nous voie ensemble.

        Peeves fit une pirouette – ce qui signifiait en langage esprit frappeur qu’il avait compris – et disparut.

— Le plus dur est fait, assura Pravin à l’adresse de Frank, mais maintenant il faut encore qu’on trouve comment s’en servir.

— Oh, je ne me fais pas trop de soucis, répondit Frank les yeux rivés sur le vieux parchemin. Après tout, elle s’appelle « carte du Maraudeur », elle devrait bien collaborer avec des gens comme nous.

 

*       *       *

 

        Frank et Pravin étaient en deuxième année à Poudlard. Ils avaient tous les deux des notes rarement meilleures que suffisantes en classe, et préféraient passer leur temps à comploter avec Peeves pour faire des blagues dans le château. Ils apprenaient beaucoup plus de chose sur la magie quand ils avaient un objectif en tête qu’en cours. Personne ne savait qu’ils collaboraient avec Peeves, et si quelqu’un l’apprenait, ils seraient dans de très beaux draps. C’était pourquoi ils avaient toujours agi avec la plus grande discrétion, et c’était loin d’être évident dans un château rempli d’élèves, d’enseignants, de fantômes et de tableaux.

        Ainsi, quand ils avaient entendu parler de la carte du Maraudeur, tout avait changé.

        Une fin d’après-midi, au retour des vacances de Noël, Frank et lui avaient surpris une conversation entre Alice, sa grande sœur, et deux de ses amies, la rouquine et celle avec des nattes, alors qu’ils attendaient tous les diligences pour les mener à Poudlard. Ils les avaient écoutées discrètement.

— Alors, qu’est-ce que vous avez eu pour Noël ? avait demandé Alice avec joie.

— Ernest m’a offert l’intégrale de Star Wars en blu-ray, avait répondu celle avec des nattes avec joie, dommage que je ne puisse pas en profiter à Poudlard.

— L’intégrale de quoi en quoi ? avait demandé la rouquine.

— Quoi, vous connaissez pas Star Wars ?! s’était offusqué celle avec des nattes. Mais c’est les meilleurs films qui aient jamais été réalisés ! Enfin, pas les derniers, mais c’est un autre débat… Je vais refaire votre culture cinématographique, vous allez voir !

        Alice et la rouquine avaient rigolé d’un air exaspéré.

— Et toi, Lily ? avait demandé Alice à la rouquine.

— Eh bien, mon père m’a fait un cadeau extraordinaire, avait-elle chuchoté. Il m’a offert sa vieille cape d’invisibilité, celle qu’avait Albus, et James avant lui.

— Ah oui, tu m’en avais parlé ! s’était écrié celle avec des nattes.

— Maintenant que j’ai la cape et la carte, je suis devenue la parfaite espionne, avait plaisanté la rouquine.

— Quelle carte ? avait demandé Alice.

        La rouquine avait encore plus baissé le ton, mais elle ne s’était pas douté pas que Frank et Pravin écoutaient d’une oreille plus qu’attentive.

— Tu sais, la carte du Maraudeur, avait-elle expliqué. La carte de Poudlard, qui indique en temps réel où se trouve chaque personne. Par exemple, si Williamson est en train de faire sa ronde dans la salle des trophées, la carte indiquera « Josef Williamson » dans la salle des trophées, etc.

— Ah mais oui, c’est vrai, s’était écrié Alice. En même temps, on ne la voit jamais, nous !

— Oui, c’est vrai que je ne la sors jamais de mon dortoir…

— Et comment ton père a-t-il eu sa cape d’invisibilité ? avait demandé celle avec des nattes.

        Mais Frank et Pravin n’avaient pas écouté le reste de la conversation. Ils avaient échangé un regard complice, ils avaient su au même moment qu’ils allaient voler cette précieuse carte.

        Et ce n’était pas de la tarte à la mélasse. Ils étaient partis du principe que la carte était cachée dans son dortoir, à savoir celui des filles de quatrième années de Gryffondor. Mais comment s’infiltrer dans la salle commune d’une autre maison ?

        Ils avaient bloqué sur cette problématique pendant plus de deux semaines avant de réaliser que Peeves, leur complice, pouvait aller n’importe où dans le château. Ce dernier a donc été désigné pour aller voler la carte en haut de la tour de Gryffondor. Il y avait cependant encore plusieurs problèmes.

— Mais il y a bien quelqu’un qui va voir Peeves fouiller dans les affaires de Lily, avait exposé Frank, et qui va vite alerter quelqu’un. Il n’aura pas le temps de la trouver !

— Si on s’arrange pour faire ça pendant que la tour est vide, ça peut le faire, avait répondu Pravin. Il suffit d’attendre le match de Quidditch Gryffondor-Poufsouffle en mars, personne ne rate jamais le Quidditch.

— D’accord, mais quand Lily va voir ses affaires saccagées, elle portera plainte, et les profs vont faire une enquête et seront extrêmement suspicieux !

— Pas si tout le monde sait que Peeves a fait le coup, c’est parfaitement son genre de faire un truc pareil. Personne n’ira chercher plus loin.

— Donc il faut quand même que Peeves soit vu, pour lui faire porter le chapeau, mais seulement après qu’il ait fait le coup, pour qu’il ait eu le temps de le faire ?

— Exactement.

— Ok, ça doit être jouable, mais il reste encore un souci…

— Lequel ?

— Au-delà de ses affaires saccagées, on parle quand même de voler quelque chose à Lily. Ne va-t-elle pas s’en plaindre ?

— Ça m’étonnerait, d’après ce que j’ai compris, la carte est un objet précieux dans leur famille, or, si les profs connaissent son existence, ils risquent de la confisquer. La rouquine n’a aucun intérêt à parler de cette carte.

— Donc en gros, avait entreprit de résumer Frank, la technique c’est de faire penser qu’à première vue, Peeves a juste saccagé les affaires de Lily…

— Même pas juste les siennes, il peut très bien le faire dans tout le dortoir pour brouiller les pistes !

— Ah, bien vu ! Donc faire penser qu’à première vue, Peeves a juste saccagé le dortoir. Puis, Lily ne se rendra compte qu’après coup qu’elle a perdu sa carte, mais n’osera pas en parler aux profs. C’est bien ça ?

— Oui. Dans le meilleur des cas, si on a de la chance, elle ne la sort pas trop souvent, et s’en rendra compte bien plus tard. Elle pensera peut-être même qu’elle l’a perdue, sans faire le rapprochement avec Peeves. Mais ça, je n’y crois pas trop. On verra bien.

— Ouais, ça paraît hasardeux. Et comment on va faire tout ça ?

— Il faudrait qu’on puisse communiquer entre nous pendant tout ça, pour indiquer à Peeves quand exactement sortir de la salle commune, mais on n’a pas de miroir…

— On peut essayer de lui lancer des signaux depuis l’extérieur ? avait proposé Frank.

— Mais dans ce cas, comment voir que des gens s’apprêtent à entrer dans la salle commune si on est à l’extérieur ?

— On a qu’à ne pas y être tous les deux. Un genre de système de signaux à trois points. Je suis caché dans la tour, toi tu es à l’extérieur. Je vois des gens arriver, je t’envoie un signal, puis tu renvoie le signal à Peeves en haut de la tour pour lui dire de partir.

— Ah, oui, comme ça c’est parfait !

 

*       *       *

 

        De retour dans leur salle commune le soir-même, Frank et Pravin s’enfermèrent derrière les rideaux du lit à baldaquins de Pravin.

— Je t’ai pas dit, il va pas falloir qu’on nous voie ensemble pendant quelques jours, l’informa Pravin.

— Comment ça ?

— Il y a eu des complications dans le parc, tout à l’heure. Mokrane.

— Merde !

— T’inquiète, je l’ai envoyée se promener ailleurs. Et en prime, elle a récupéré ton frisbee à dents de serpent ! ajouta Pravin et lui montrant le frisbee posé sur sa table de chevet.

— Quoi ! Mais, comment t’as fait ? s’écria Frank avec admiration.

— Chut ! Pas trop de bruit ! Peu importe, je l’ai amadouée en lui faisant croire qu’on était plus amis, bref, on aura qu’à faire semblant de se réconcilier dans quelques jours et ça sera bon. Maintenant, revenons à ce qui est important !

        Pravin étala le vieux parchemin sur le lit.

— Bon, comment est-ce que ça peut bien marcher ? chuchota Frank.

— Avec un genre de mot de passe ? répondit Pravin.

— J’espère pas… S’il faut un mot de passe, on n’a aucun moyen de le trouver…

— Bon, dans ce cas, partons du principe que ça n’est pas un mot de passe.

        Pravin sortit sa baguette et en posa l’extrémité sur le parchemin.

Specialis Revelio, murmura-t-il.

        Rien ne se produisit. Pravin soupira. Frank tenta de plier, déplier et replier la carte dans tous les sens, rien ne bougea. Ils constatèrent alors avec exaspérations qu’ils étaient vite tombés à court d’idées.

— Comment ils ont fait, les autres ? rouspéta Pravin.

— Ben, ils se sont probablement passé les instructions entre eux, j’imagine…

— C’est idiot, les créateurs de cette carte n’auraient pas risqué de perdre à tout jamais ses pouvoirs au cas où quelqu’un aurait la carte sans les instructions… Si ? demanda Pravin d’un air désespéré.

— Je sais p… Oh, regarde !

        Frank montra du doigt la carte. Une minuscule question d’encre noire était apparue dans un coin : « Vos intentions sont-elles bonnes ? ». Frank et Pravin se regardèrent.

— Il faut répondre « oui », j’imagine, non ? demanda Frank.

— Je sais pas… La carte du Maraudeur… Maraudeur… J’aurais plutôt tendance à dire non, mais c’est tout aussi risqué…

        Frank ne répondit pas, et tous les deux réfléchirent silencieusement.

— Je vais répondre « non », proposa Pravin, et si ça ne marche pas, toi tu répondras « oui », ça vaut le coup d’essayer…

— Ok !

        Ne sachant pas tellement comment s’y prendre, Pravin s’approcha du parchemin, et chuchota :

— Euh… Non.

        Durant quelques secondes, rien ne se produisit, puis une nouvelle question apparut : « Donc, comment sont vos intentions ? ». Pravin regarda Frank avec des yeux ronds.

— Euh… Mauvaises ?

        La carte afficha la suite : « Qu’est-ce qui est mauvais ? ». Pravin ne comprenait plus.

— Mes… mes intentions sont mauvaises.

        « Jurez-le ».

— Je le jure.

        « Jurez-le solennellement ».

— Je le jure solennellement.

        « Qu’est-ce que vous jurez solennellement ? »

— Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises.

        A ces mots, toutes les questions précédentes disparurent, et enfin, la fameuse carte apparut. Frank poussa une exclamation victorieuse, et Pravin afficha un grand sourire.

— C’est donc bien un mot de passe, mais ils nous l’ont fait deviner.

— Qui ça, « ils » ? demanda Frank.

— Eux, les maraudeurs, répondit Pravin avec admiration. Regarde, ajouta-t-il en montrant le haut de la carte avant de lire ce qu’il y avait d’écrit, « Messieurs Lunard, Queudver, Patmol et Cornedrue, spécialistes en assistance aux Maniganceurs de Mauvais Coups, sont fiers de vous présenter La Carte du Maraudeur ». Tu connais ces noms ?

— J’ai déjà entendu « Patmol » quelque part je crois, mais sinon, non.

— Tant pis, reprit Pravin. Regarde-moi cette merveille !

        Ils passèrent la demi-heure qui suivit à admirer la carte, et à commenter ce qu’ils y voyaient.

— Regarde, nous sommes là !

— Tiens, j’avais pas remarqué que Carver était entré dans le dortoir, faut pas qu’on fasse trop de bruit !

— Voilà Rusard qui fait sa ronde dans la tour de défense contre les Forces du Mal !

— Et Lecreuset qui est dans sa salle de bains !

— Il n’y a plus grand monde dans la bibliothèque !

— Oh regarde, ça affiche même les autres salles communes, regarde, ma sœur est là !

— Ah ouais, on voit vraiment tout en détail ! Même les fantômes, même Peeves !

— Je savais pas que Basile avait un nom de famille bizarre comme ça, c’est du gaélique ?

— Et tu as vu le nombre de passages qui sortent du château ?

— Et toutes ces salles et couloirs dont on ne connaissait pas l’existence !

— Et dans le parc aussi ! Regarde ce passage qui part du saule cogneur ! Mais…

        Pravin montra à Frank les trois minuscules points qui progressaient dans le passage sous le saule cogneur.

— Pourquoi est-ce que Lupin, la nouvelle infirmière et cette – il se pencha pour mieux lire – Leliti Tekula sortent du château à cette heure-ci ?

— Alors là, aucune idée, répondit Frank. Je sais que Lupin et Weasley sont mariés, mais l’autre…

— Comment tu sais ça, toi ?

— Ben… J’étais à leur mariage, avec mon père.

— En tout cas, je sais pas pour toi, mais avec ce truc, je me sens puissant !

— C’est clair ! J’ai l’impression de pouvoir contrôler le monde, de pouvoir connaître des secrets, et tout !

        Pravin répondit au sourire radieux de Frank. Oui, décidément, ils allaient faire de grandes choses avec cette carte.


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