La mort est une fin heureuse

Chapitre 16 : Autodidactes

5914 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/04/2024 09:55

Hugo, Décembre 2022.

 

Hé, Hugo, c’est quoi déjà la différence entre le napel et le Tue-loup ?

— Y’en a pas, c’est la même chose.

— Ah oui c’est vrai ! Merci !

        Ils étaient dans les cachots, dans la salle de potions, en plein examen écrit. Hugo, comme à son habitude, avait terminé l’examen en quarante minutes. Pour une épreuve censée durer une heure, il trouvait qu’il avait bien lambiné. Basile, lui, apparemment, s’en sortait un peu moins bien. Il était assis devant une paillasse face à Hugo, à l’autre bout de la salle de classe. Il avait levé la tête, croisé le regard d’Hugo, et l’avait laissé s’immiscer dans ses pensées pour lui poser sa question. Hugo avait ensuite pu répondre.

        Hugo s’était enfin décidé à parler de son curieux don de légilimencie à la fin de l’année scolaire précédente, mais seulement à Basile. Il ne souhaitait pas que cela s’ébruite au-delà des oreilles de son meilleur ami. Il ne lui avait cependant pas avoué la vision qu’il avait eue de la jeune fille morte dans ses bras. La principale raison pour laquelle il s’était finalement décidé à lui parler de sa légilimencie, était cet affreux cauchemar qu’il avait fait quelques temps auparavant. Non, ça n’était pas un cauchemar, c’était bien pire que cela… Mais cela non plus, il n’avait pas trouvé les mots pour le raconter. Il lui avait donc simplement décrit sa légilimencie, et comptait prendre son temps pour le reste.

Basile avait vite été fasciné par cette capacité, et ils s’étaient vus durant l’été pour peaufiner cette technique de communication par les pensées. Hugo avait appelé cela la « spatiomencie », et Basile l’avait appelée « la meilleure façon de tricher en examen depuis la création de Poudlard ». Eh bien, effectivement, il s’agissait d’une technique plutôt efficace.

— Olalah, comment j’ai cartonné ! s’exclama Basile avec joie à la sortie de l’examen.

— Moi aussi ! se réjouit Evie. Lecreuset va être content. Mais dis donc Basile, pour toi c’est un miracle, t’es éclaté en potions d’habitude.

— Ouais mais cette fois-ci j’ai beaucoup révisé ! sa vanta Basile. Merci mon pote, ajouta-t-il en croisant le regard d’Hugo qui répondit d’un clin d’œil.

— Basile est à deux doigts de découvrir que le travail paie, ricana Alice.

— Ouais mais le jeu n’en vaut pas la chandelle, affirma Basile. C’est trop de travail pour avoir juste une seule bonne note.

— Tu devrais faire comme Hugo lors de ta prochaine vie, et naître doué, répliqua Evie en faisant rire tout le monde et rougir Hugo.

— C’est clair, c’est beaucoup plus rentable. Quelle idée de travailler ! plaisanta ce dernier.

— Pff, je vais même pas répondre à cet affront, grogna Alice en sachant pertinemment que cette pique lui était adressée, Alice travaillant toujours énormément pour obtenir les mêmes notes qu’Hugo.

— Vous avez réussi à obtenir un trèfle à quatre feuilles, vous ? demanda Lorcan.

— Mais… Qu’est-ce que tu racontes ? demanda Evie.

— Ben, la feuille que le prof a distribuée… Il fallait la transformer en trèfle à quatre feuilles, non ?

— Lorcan… s’exaspéra Alice tandis que les autres éclataient de rire. L’examen de métamorphose c’est la semaine prochaine, on était en potions, là ! Il fallait répondre aux questions sur la feuille !

— Mais… Pourquoi le prof de potions nous pose des questions sur les trèfles à quatre feuilles ?

— Mon pauvre Lorcan, soupira Alice en le prenant par l’épaule, tu vas avoir besoin de beaucoup de chance pour te sortir de celle-là…

— Transforme ton sujet de sortilèges en trèfle à quatre feuilles, ça te portera chance ! ricana Basile en faisant rire Hugo et Evie.

        Alice lui lança un regard noir.

        Le soir venu, après avoir copieusement dîné dans la Grande Salle et joué à quelques parties de bataille explosive dans leur salle commune, Hugo, Basile et Lorcan montèrent dans leur dortoir. Hugo s’installa dans son lit, près de celui de Lorcan. Basile s’approcha d’eux.

— Lorcan ? demanda-t-il.

— Oui ? répondit ce dernier.

— Désolé de m’être moqué de toi, tout à l’heure, dit-il d’un ton doux.

— Oh, t’inquiètes pas pour ça !

— Si je m’inquiète. J’ai bien vu qu’Alice m’en a voulu toute la soirée…

— Tu crois que c’est pour ça qu’elle s’est acharnée sur toi à la bataille explosive ? intervint Hugo.

— J’en suis persuadé ! Cette fille est un monstre, plaisanta Basile, mais elle a raison, et tu aurais dû m’en vouloir, toi aussi, ajouta-t-il à l’adresse de Lorcan.

— Je vois pas pourquoi je t’en voudrais… C’est vrai que je suis un peu tête en l’air, parfois…

— Oui, c’est vrai, et on t’aime pour ça, et non pas malgré ça, et en réfléchissant aujourd’hui j’ai trouvé que je te le montrais pas assez. Alors désolé !

        Basile avait l’air vraiment désolé, se dit Hugo. Il n’intervint pas à nouveau, mais était touché par l’initiative de son ami. Lorcan sourit.

— C’est gentil de ta part, dit-il d’un air curieusement lucide. Mais c’est pas parce que je suis dans la lune que je ne sais pas différencier une moquerie malveillante et une blague à un pote. Qui aime bien châtie bien, pas vrai ? En tout cas, je te promets que si un jour tu vas trop loin, je te préviendrai bien avant de me véxer.

        Il semblait à Hugo qu’il n’avait jamais entendu Lorcan parler aussi longtemps d’une seule traite sans dire de bourde. Il en avait sous le capot, et Alice l’avait visiblement comprit depuis bien longtemps. Sur ce point, elle avait été bien meilleure qu’Hugo.

        Basile et Lorcan se sourirent chaleureusement, puis Lorcan lui tapota amicalement l’épaule et ferma les rideaux de son lit à baldaquin. Basile retourna à son lit, puis croisa le regard d’Hugo.

— Tu trouves que j’ai été méchant, aujourd’hui ?

— Je sais pas trop… D’un côté, j’ai ri à ta blague, mais de l’autre, si Alice t’en a voulu… Je veux dire, elle est la référence niveau gentillesse, non ?

— Si jamais tu sens que je dépasse les bornes, tu me préviens ? On a un moyen de communication discret, maintenant.

— D’accord ! Sinon, je voulais te demander, ça te dirait d’apprendre à transplaner ?

— Hein ? Quoi ?

— Je sais pas, j’ai eu l’idée aujourd’hui, on a appris à communiquer par nos pensées, chose dont je n’avais jamais entendu parler avant, on doit bien être capable d’apprendre à transplaner deux ans plus tôt, non ?

— Oui c’est vrai, mais on n’a pas le droit ! Et puis on ne peut pas transplaner dans l’enceinte de Poudlard !

— Depuis quand tu te préoccupes de ce qu’on a le droit de faire ou pas ? Et puis, j’ai pensé qu’on pouvait utiliser la Cabane hurlante pour s’entraîner. Techniquement, elle est à Pré-au-Lard, donc on pourrait transplaner là-bas.

— Mmh… C’est vrai qu’on pourrait grâce à ça, sortir par le tunnel sous le saule cogneur pour sortir puis transplaner n’importe où de là-bas… Ok je suis convaincu !

— Super, on commence après les vacances ?

— Parfait !

 

*       *       *

 

        Le premier samedi après les vacances de Noël était étrangement agréable. Il ne faisait pas aussi froid qu’on aurait pu le prévoir pour une journée d’hiver dans les Highlands, et il y avait même un grand soleil. Hugo prétexta auprès de ses amis un entraînement exceptionnel de Quidditch, et Basile un rendez-vous amoureux. Ils se rejoignirent dans le parc et se dirigèrent vers le saule cogneur. Hugo fit léviter une brindille et appuya sur le nœud d’une des racines, ce qui immobilisa l’arbre instantanément. Ils se dirigèrent alors vers l’entrée du tunnel, quand…

— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

        Hugo et Basile se raidirent plus vite que le saule cogneur. Une dizaine de mètres derrière l’arbre, cachée de leur vue par le tronc, Dinah Mokrane était assise dans l’herbe et lisait un livre. Enfin, elle ne lisait plus, car elle était désormais en train de les regarder d’un air abasourdi. Hugo aurait presque eu envie de rire si un badge « Préfète » n’était pas épinglé sur la robe de Mokrane, et si Basile et lui-même n’étaient pas en train de faire quelque chose de parfaitement interdit.

— Qu’est-ce que vous avez fait à l’arbre ?!

— Euh…

        Mokrane se leva, contourna le saule – en prenant bien soin de rester à une distance de sécurité au cas où ce dernier se réveillerait subitement – et constata le trou qui venait de s’ouvrir.

— Il y a un tunnel sous le saule cogneur ?

— Euh…

— Où mène-t-il ?

— Euh…

— Vous étiez au courant ?

— Euh…

— Mais répondez-moi, bande d’ahuris !

— Euuh… Et bien… se risqua Basile, oui, il y a un tunnel sous le saule cogneur et oui, nous étions de toute évidence au courant.

        Mokrane plissa les yeux avec suspicion.

— Et ?

— Et cette lumière de janvier se reflète magnifiquement dans tes cheveux, Mokrane, te l’a-t-on déjà dit ?

— Et où mène ce tunnel ?! répéta-t-elle d’un air sévère.

— En dehors de l’école… répondit Hugo en soupirant.

— Et qu’est-ce que vous allez fabriquer en dehors de l’école ?

— C’est pas tes oignons, Mokrane, est-ce qu’on te demande le chemin de la plage, nous ? répliqua Basile.

        Hugo donna un coup de coude à Basile et croisa son regard.

— Arrête, elle va nous dénoncer !

— Ok très bien, je vais prévenir le professeur McGonagall et la prévenir que vous cherchez à sortir de l’école…

— Tu vois ?

— Attend ! s’exclama Basile. Qu’est-ce qu’on fait ? ajouta-t-il.

— Quoi ? agressa Mokrane.

— J’ai une idée, dit Hugo. On va dans la Cabane hurlante.

— C’est quoi cette idée ? s’affola Basile.

— Le tunnel mène dans la Cabane hurlante ? Mais pourquoi, par les caleçons de Merlin, vous voulez aller dans la Cabane hurlante ?

— Lui dire la vérité, dit Hugo. On va s’entraîner au calme.

— La vérité ?! Mais quelle idée de merde !

— En quoi t’as besoin de t’entraîner au calme, petit génie ?

— Ne dis rien !

— On veut apprendre à transplaner.

— Nooon ! Abruti, va !

        Mokrane soupira. Puis sembla réfléchir. Puis soupira à nouveau.

— Ok, je viens avec vous.

— Et voilà, bravo, râla Basile. Et qu’est-ce qui te fait croire qu’on a envie que tu viennes avec nous ?

— C’était soit ça, soit deux mois complets de retenue, répondit Hugo.

— Oh, rien ne me fait croire que vous en avez envie, mais tout me fait croire que vous n’avez pas le choix. Allez, je vous suis.

        Basile marmonna dans sa barbe et entra dans le tunnel, suivi de près par Hugo.

— T’en fais pas, elle est pas si terrible, lui glissa Hugo.

— T’as raison, quelle idée saugrenue de ma part de penser qu’un petit entraînement sympa entre amis pourrait être gâché par Mokrane, s’indigna Basile.

        Hugo ne répondit pas, légèrement agacé par l’obstination de Basile. Tous les trois progressèrent en silence dans le tunnel. Au bout d’un certain temps, Mokrane rompit ce silence.

— Pourquoi un tunnel, caché par le saule cogneur, mène-t-il à la Cabane hurlante ?

— Aucune idée, mentit Hugo, n’ayant pas envie dans se lancer dans des explications.

— Et comment vous avez appris l’existence de ce tunnel ?

— Mon oncle l’a dit à Lily qui me l’a dit, mentit-il à nouveau.

— Et comment sait-il…

— On arrive, coupa Basile.

        Ils franchirent la trappe et entrèrent dans la pièce principale de la cabane miteuse.

— Des gens squattent la Cabane hurlante ? s’étonna Mokrane.

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demanda Basile.

        Mokrane montra du doigt deux matelas dans un coin de la pièce.

— Merde, fit Basile, faudrait pas qu’on nous surprenne ici.

— T’en fais pas, aucune chance qu’ils ne viennent en journée, assura Hugo.

— Ne me dis pas que tu sais qui… commença Mokrane.

— J’ai simplement surpris une conversation pendant les vacances de Noël, rien de plus, coupa Hugo d’un ton las. Allez, on s’y met ?

        Mokrane n’insista pas, mais l’observa d’un air sombre. Basile le regarda intensément.

— Qu’est-ce qui se passe, ici ?

— Une élève de Poudlard est loup-garou, j’ai entendu Teddy en parler à mon oncle. J’imagine qu’ils utilisent la Cabane comme avec Remus Lupin.

        Basile fit un signe de tête pour montrer qu’il avait compris, et sortit de son sac un livre concernant la théorie du transplanage. Tous les trois se mirent au travail.

        Transplaner était difficile, très difficile. Il fallait une immense capacité d’imagination pour visualiser avec grande précision l’endroit où l’on voulait aller. Mokrane fut la première à obtenir un résultat concluant, lors de leur deuxième session le samedi suivant, lorsqu’elle parvint à transplaner dix centimètres sur la gauche. Certes, elle voulait aller tout droit, et certes, elle avait perdu au passage la moitié de ses cheveux – ce qui fit bien rire Basile – mais c’était déjà ça.

        C’est alors Mokrane qui entreprit d’aider les deux autres. Curieusement, elle était très pédagogue et grâce à elle, tous les trois progressaient plus vite. Fin février, tous les trois maîtrisaient raisonnablement bien le transplanage, et, exploit encore plus impressionnant, Basile et Hugo en étaient venus à apprécier Mokrane. Ils n'allaient pas jusqu’à dire qu’ils étaient amis, ni même à l’appeler par son prénom, mais c’était tout de même une grosse évolution.

        Début mars, ils commencèrent à tenter de transplaner à l’extérieur de la Cabane. Cette dernière étant assez isolée du village, et très évitée, ils pouvaient prendre le risque de transplaner juste derrière, personne ne les verrait. Quand tous les trois parvinrent à tour de rôle à transplaner à l’extérieur puis à revenir à leur point de départ sans incident, ils crièrent de joie. Quelle satisfaction ! Satisfaction qui, cependant, fût de courte durée.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?!

        Basile cria de stupeur, Mokrane se retourna d’un seul coup. Septima Vector flottait légèrement au-dessus d’eux et les observait d’un air sévère. Hugo baissa la tête.

Septima avait pourtant prévenu Hugo qu’elle ne fréquenterait plus la Cabane hurlante – probablement en raison de l’élève lycanthrope, se dit Hugo maintenant qu’il y pensait – c’était pourquoi il pensait que c’était un endroit sûr. Malheureusement, c’était de tout évidence un mensonge pour protéger l’élève, puisqu’ils venaient de se faire prendre. Heureusement, c’était Septima et non pas un autre professeur. Hugo avait une marge de négociation.

        Il aimait beaucoup Septima. Il restait régulièrement à la fin des cours d’arithmancie pour discuter avec elle, ils s’entendaient très bien. Parfois même, le vendredi après-midi, Hugo passait dans son bureau prendre le thé, ou ils allaient se balader autour du lac si le temps le permettait. Septima était une enseignante timide et réservée, mais une amie drôle et intéressante. Par son intermédiaire, Hugo avait droit à de délicieux potins inaccessibles aux autres élèves.

        Mais il savait aussi que l’une des choses que Septima détestait le plus, c’étaient les mensonges, en particulier provenant des personnes en qui elle avait confiance. Ainsi, devant le silence très embarrassé de Basile et Mokrane, Hugo prit la parole, et ne tenta même pas de dire autre chose que la vérité.

— On… est en train d’apprendre à transplaner…

— Qu’est-ce que tu racontes ! Tu vas nous mettre encore plus en galère ! fit Basile en croisant son regard.

— C’était une question rhétorique, s’énerva Septima. Je suis là depuis un bout de temps, je vous ai vus revenir. Qu’est-ce qui vous a pris de faire ça ? Avez-vous conscience d’à quel point c’est dangereux ?

— On a fait très attention, assura Mokrane.

— Ah, vraiment, vous avez pris toutes les précautions recommandées à l’apprentissage du transplanage, à savoir la supervision d’un expert et la présence d’un infirmier ou d’un médicomage en cas de désartibulation ?

— Euh…

— Ne répondez pas. C’est très étonnant de votre part à tous les deux, dit-elle en désignant Basile et Hugo, mais inimaginable de la part d’une préfète. Je vais en parler au professeur McGonagall, vous avez intérêt à rentrer tout de suite au château.

        Elle se retourna et disparut à travers le mur. Immédiatement, Hugo se retourna vers Basile.

— Je m’en charge, restez là.

        Il courut vers le tunnel, et rattrapa rapidement Septima.

— Septima, s’il-te-plaît !

— Quoi ? cracha-t-elle en se retournant d’un seul coup.

        Hugo fut déstabilisé, il s’attendait à devoir la pourchasser un peu plus longtemps.

— Pourquoi ça te choque tant que ça, qu’on apprenne à transplaner ?

— Hugo, c’est certainement pas à toi que je devrais expliquer les risques et accidents qui peuvent arriver…

— Non, mais tu me connais ! Si on avait eu quelque chose du genre, évidemment qu’on serait tout de suite allé chercher Mrs. Pomfresh ou Victoire. On se serait dénoncés !

— Et le temps que l’une d’elles n’arrive ?

— Septima, dit-il en faignant de se vanter, tu ne crois tout de même pas qu’un basique sortilège de stabilisation momentanée des blessures liées au transplanage n’est pas à la portée du meilleur élève de l’école.

        Septima ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, sachant pertinemment que ce n’était pas le genre d’Hugo de se vanter ainsi.

— C’est vrai, mais…

— Et puis, c’est quand même pas la première fois que je te raconte quelque chose d’interdit, si ?

        Septima soupira.

— A vrai dire, je n’allais pas vous dénoncer, je voulais juste m’assurer que vous ne retourniez pas dans la Cabane.

— C’est bien ce qui me semblait ! s’exclama Hugo. Mais t’en fais pas, on n’y va que le samedi, et je te promets d’éviter les jours de pleine lune.

— Que… Comment sais-tu que…

— Septima, j’ai fêté Noël avec Teddy et Victoire qui s’occupent de l’élève en question chaque mois, et avec Harry Potter qui a géré l’enquête de la morsure et qui a très malhabilement pris de ses nouvelles. Evidemment que je suis au courant.

— Oui, vu comme ça…

— Mokrane n’est pas au courant, Basile ne parlera pas. Et quand bien même, je ne connais pas le nom de l’élève. Aucune chance que cela ne s’ébruite, pas venant de nous en tout cas.

        Septima soupira à nouveau.

— Très bien, faites comme vous voulez. Mais je ne prendrai pas votre défense si vous vous faites prendre. En fait, si vous vous faites prendre, je ferai comme si je n’étais pas au courant.

— Marché conclu ! sourit Hugo. Merci, Septima.

— Ouais, ouais, s’exaspéra-t-elle. Allez, fiche le camp !

        Hugo retourna dans la pièce principale de la Cabane.

— Alors ? demandèrent en chœur Basile et Mokrane.

— C’est bon, elle ne dira rien, et on peut continuer.

        Basile sauta de joie tandis que Mokrane exclama un cri de soulagement.

— Mais comment t’as fait ? s’écria Mokrane.

— Je t’avais dit qu’il avait une relation bizarre avec Vector, lui dit Basile.

— C’est pas une relation bizarre, on s’apprécie, c’est tout ! protesta Hugo.

— T’as pas censé être ami avec les profs, se moqua Basile.

— Je vois pas le problème ! Et puis de quoi tu te plains, je nous ai tirés d’affaires !

— Ah mais je ne me plains absolument pas, ricana Basile, je dis juste qu’objectivement c’est étrange. A la limite, Lupin passe encore parce qu’il fait partie de ta famille…

— T’es de la famille de Lupin ? s’étonna Mokrane.

— Et Londubat et Hagrid ça passe parce que ce sont des amis de tes parents…

— Quoi ?!

— Mais t’as aucune bonne raison d’être amis avec Vector, c’est tout, plaisanta Basile.

        Hugo savait qu’il plaisantait juste pour le provoquer, mais il décida tout de même d’y répondre.

— Septima est quelqu’un d’adorable, de drôle, et à l’écoute. Oui, c’est inhabituel de s’entendre avec quelqu’un de plus vieux que soi, mais c’est pas non plus incroyable, c’est un peu comme si… enfin… c’était ma grand-mère, quoi.

        Après une seconde de silence, tous les trois éclatèrent de rire en même temps.

— Et bien tu remercieras ta grand-mère de nous avoir laissés nous entraîner, ricana Mokrane.

— Heureusement que c’est pas Binns qui nous a chopés, Hugo ne s’entend pas très bien avec ses arrière-grand-oncles, renchérit Basile.

— Remarque, ça aurait pu être Trelawney la cousine détraquée…

— Ou Flitwick le petit cousin qui vient de naître…

— Ou Rusard le cousin éloingé que tout le monde voudrait oublier…

— Ou Williamson le tonton gênant…

        Hugo riait, mais Basile et Mokrane étaient en larmes.

— C’est bon, vous avez fini ? demanda Hugo.

— Holala c’est si drôle, fit Basile en s’essuyant les yeux.

— D’ailleurs, en parlant de relation étrange, poursuivit Mokrane qui avait retrouvé son calme, comment vous faites pour communiquer en silence, tous les deux ?

        Basile s’étrangla et perdit immédiatement son sourire.

— Merde, dit-il en regardant Hugo.

— Vous pensiez que je remarquerais pas que vous arriviez à vous passer des messages sans parler ? Je veux dire, c’est assez voyant.

— Euh… bredouilla Hugo. Je pensais pas que ça se voyait…

— Vous êtes en train de le faire là-maintenant, constata Mokrane.

— Merde merde merde, paniqua Basile.

— Bah, au pire, je pense qu’on peut lui faire confiance… dit Hugo.

— T’es sûr ?

— On a pas tellement le choix…

— Bah si, on peut mentir, ou nier…

— Tu crois vraiment que ça marcherait ?

— Sais pas, faut essayer…

        Mokrane éclata de rire.

— Voilà, là par exemple, vous vous fixez sans ciller pendant quinze secondes en silence, et vous vous imaginez que ça passe ? Que je vais penser que c’est normal ?

        Hugo soupira.

— Bon ok, je veux bien te dire, mais tu promets de ne rien répéter à personne ?

        Mokrane soupira.

— A qui j’irais le répéter ? Tu me vois souvent dans les couloirs de château discuter potin avec des amis ?

— On sait jamais, fit Basile.

— Oh mes chéries, commença Mokrane en imitant une voix aigüe très agaçante, vous savez pas la dernière, Weasley et Trefflingham savent parler sans parler !

        Elle prit une autre voix comme pour imiter une autre personne.

— Weasley et Trefflingham ? C’est qui ceux-là ?!

— Oui bon ça va, on a compris, coupa Basile. Hugo est un legilimens.

— Quoi ? Vraiment ?!

— Oui, reprit Hugo. Tu te rappelles de mon premier match de Quidditch contre Poufsouffle l’an dernier ?

— Oh oui, rigola Mokrane, même moi j’ai chanté « Weasley est notre roi » avec tout le monde !

— Et bien j’ai découvert à ce moment-là que quand je regardais les gens dans les yeux, j’arrivais à voir ce qu’ils pensaient. Ou lire. Ou ressentir, je ne sais pas trop. Bref, j’arrivais à deviner les intentions des poursuiveurs, et ainsi bloquer leurs tirs.

        Mokrane ouvrit grand la bouche, à la fois abasourdie et admirative.

— Petit cachottier !

        Hugo sourit d’un air coupable.

— C’est pas interdit, dit-il simplement en haussant les épaules d’un air faussement innocent.

— Mais attend, réalisa Mokrane avec horreur. Ça veut dire que tu vois ce qu’il y a dans ma tête ?

— Oh non ! la rassura Hugo. Crois-moi, j’ai horreur de m’introduire dans la tête des gens. Quand j’ai su que je pouvais faire ça, j’ai vite réussi à le contrôler pour ne pas le faire. Sauf durant les matchs, évidemment, mais je ne vais jamais chercher plus loin que là où tu vas tirer, crois-moi.

        Mokrane ne semblait pas convaincue.

— Bref, continua Basile, quand Hugo m’a dit qu’il pouvait faire ça, j’ai eu l’idée magnifique d’essayer de communiquer par les pensées, on s’est entraîné pendant les vacances, et on a réussi ! Quand on se regarde dans les yeux, on arrive à se parler. Superbe technique pour tricher aux examens !

— Ooh, j’avoue, bien vu, les félicita-t-elle.

— Tu veux qu’on t’apprenne ? proposa Hugo.

        Mokrane considéra la perspective.

— Non merci, je n’ai pas envie que tu ne viennes dans ma tête, même si ce n’est que pour parler. Et puis, on est pas de la même année, alors avec qui je pourrais tricher aux examens ?

— On essaie de le faire sans le contact visuel, mais c’est beaucoup plus difficile, expliqua Basile. Mais qui sait, peut-être que d’ici tes ASPICs on y sera arrivé !

— C’est vraiment possible sans croiser le regard ? demanda Mokrane, dubitative.

— Oui, répondit Hugo. Je ne sais pas comment, mais je sais que c’est possible. La nuit, je crois que je fais les mêmes rêves que Lorcan. Pourtant, on ne se regarde évidemment pas.

        Basile éclata de rire.

— T’es en train de me dire qu’il rêve tellement fort que ton cerveau capte ses ondes loufoques ?

— Euh, ouais, j’imagine que ça doit être un truc comme ça, dit Hugo.

— Ça doit être quelque chose, ses rêves !

        Mais Hugo ne rit pas. La conversation prenait une tournure qui le dérangeait, elle se dirigeait lentement vers son terrible cauchemar. Il sentit que c’était le moment d’en parler.

— Et puis, c’est pas que ça… Tu te rappelles la fois où il était resté une semaine à l’infirmerie, en juin dernier ?

— Oui, il avait confondu son sandwich avec un veracrasse…

— Et bien ces nuits-là, comme il n’était pas là, c’était étrange… Je sais pas, comme si mon cerveau ne pouvait pas se connecter au sien, ou quelque chose comme ça… Alors du coup, j’arrivais pas à dormir, j’avais des pensées bizarres, mais c’étaient pas les miennes, et j’ai pas l’impression que c’était l’un de vous… C’était vide, atroce, et pourtant étrangement familier… Je ressentait une détresse, une tristesse profonde… Et de l’ennui, beaucoup d’ennui… Je ne sais pas pourquoi, mais dans ces moments-là, je savais juste qu’il me restait six ans… Six ans avant quoi, aucune idée, mais six ans…

        Un grand silence occupait la cabane. Hugo avait dit tout cela d’une traite, d’une voix morne et perturbée. Il ne savait pas pourquoi il avait dit cela à ce moment-là, mais il en ressentait le besoin. Il releva la tête. Mokrane le regardait comme s’il avait tué des chatons. Basile regarda par-dessus son épaule, comme pour vérifier que personne n’avait entendu ce qu’Hugo avait avoué.

— T’es bizarre, dit Mokrane sans aucune once de diplomatie.

        Hugo eut un petit rire.

— C’est peut-être Berric, suggéra Basile en mentionnant un de leurs camarades de dortoir, j’ai toujours trouvé qu’il était un peu déprimé. D’un autre côté, j’ai du mal à croire qu’il lui reste six ans à vivre. Je pensais déjà pas qu’il tiendrait jusqu’à sa quatrième année…

— Possible, répondit Hugo en riant à la plaisanterie de Basile. En tout cas, ça s’est jamais reproduit.

— T’en fais pas Hugo, je suis sûr que c’était juste un cauchemar.

        Personne ne dit rien pendant plusieurs secondes.

— Bon, c’est pas tout ça, mais je vais retourner au château, moi, affirma Mokrane, j’ai un devoir de métamorphose à terminer. On se retrouve ici samedi prochain ?

        Basile et Hugo hochèrent la tête, puis l’observèrent partir par le tunnel.

— On devrait y retourner aussi, fit Basile. Ça va ? ajouta-t-il en voyant le regard de Hugo.

— Il y a quelque chose que je ne t’ai jamais dite.

— Quoi ?

— Je… Euh, je t’ai menti quand je t’ai dit que je n’avais jamais vu dans tes pensées, avoua Hugo.

— Oh…

— Je suis désolé ! s’écria précipitamment Hugo. Je te promets que c’était un accident, c’était le tout premier jour, après le match, quand je ne maîtrisais encore rien… Ça ne s’est jamais reproduit…

— C’est pas très grave, t’en fais pas, assura Basile. Qu’est-ce que t’as vu ?

        Hugo déglutit. Il savait que Basile lui poserait cette question, mais il n’avait pas envie d’y répondre.

— Je… Je t’ai vu… porter dans tes bras une petite fille… Il faisait chaud et il y avait de la suie partout…

        Basile soupira et baissa la tête.

— Je me doutais bien que tu verrais ça.

        Hugo le laissa prendre sa respiration.

— La raison pour laquelle je ne t’en ai jamais parlé avant, s’expliqua Hugo, c’est que tu n’as jamais semblé vouloir parler de ta famille, ni même de toi, alors je voulais te laisser cela.

— Merci, Hugo.

— Elle… C’était ta petite sœur ?

— Elle s’appelait Dorothea, répondit Basile dans un murmure, une petite larme commençant à couler sur sa joue, mais un léger sourire nostalgique s’élargissant sur ses lèvres. Elle était douce, drôle, adorable, toujours à voir le bon côté des gens. Un peu comme Evie.

        Hugo sourit à son tour.

— Elle est morte beaucoup trop tôt, ajouta Basile au moment précis où sa larme tomba de son visage et vint s’écraser sur sa chaussure.

— Je suis vraiment désolé. Qu’est-ce qui lui est arrivé ?

— Des gens ont brûlé notre maison, et elle était bloquée à l’intérieur. Je suis arrivé trop tard.

        Frappé d’horreur, Hugo ouvrit grand la bouche. Il bégaya.

— Des gens ont… Mais… Pourquoi ? Quand ?

        Basile haussa simplement des épaules. Hugo comprit qu’il ne souhaitait pas s’étendre davantage sur ce sujet, peut-être encore trop sensible.

— Ecoute, si un jour l’envie ou le besoin te prend d’en parler, tu sais que je suis là, assura Hugo. On est tous là, d’ailleurs, ajouta-t-il en souriant.

— Merci, Hugo, répéta Basile en lui souriant.

        Il lui tapota l’épaule, puis l’étreignit pendant quelques instants. Puis, tous les deux retournèrent dans le tunnel en direction du château.


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