La mort est une fin heureuse

Chapitre 18 : Sophie

4338 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/04/2024 22:28

Leliti, Avril 2023.

 

        Ce matin-là, Leliti se réveilla de bonne heure. Elle sauta de son lit, ouvrit ses volets, s’habilla le plus rapidement possible en prenant bien soin d’enrouler son énorme écharpe violette autour de son cou pour couvrir sa peau meurtrie, et descendit prendre son petit-déjeuner. Il était sept heures du matin, un dimanche au milieu des vacances de Pâques, donc naturellement, ses parents étaient encore au lit.

        Elle se sentait en pleine forme. Elle était à équidistance entre la pleine lune précédente et la suivante, et ne ressentait donc aucune pulsion meurtrière de la louve qui sommeillait en elle. C’était la journée parfaite pour rendre visite à une nouvelle-née.

        Depuis sa rentrée à Poudlard en septembre, pour la première fois depuis sa morsure, Leliti s’était faite des amis. Deux amis, pour être exact. Les deux seules personnes, à part ses parents, à être au courant de sa condition de lycanthrope, et avec qui elle aimait passer du temps, et en qui elle pouvait avoir confiance.

        Elle allait voir Victoire à l’infirmerie deux fois par semaine, le mercredi matin et le dimanche matin, pour un simple suivi médical. Elle y passait aussi plus de temps les quelques jours précédant et suivant les pleines lunes. Victoire était patiente, attentionnée, bienveillante, et chaleureuse. Mais surtout, elle était rassurante.

        Teddy, en plus d’être un très bon professeur de métamorphose, était un excellent compagnon de nuits de pleine lune. Leliti avait passé huit pleines lunes en sa compagnie depuis la rentrée, et elle ne s’était transformée qu’une seule fois. C’était la première lune de l’année, en janvier, et cette nuit-là, elle avait malheureusement fait un cauchemar. Cette perturbation avait déclenché sa transformation. D’après ce que Teddy lui avait dit, elle n’avait pas eu le temps de le mordre, il s’était réveillé aussitôt qu’il avait entendu son lit s’effondrer sous le poids de l’immense louve. Il s’était lui aussi transformé en loup géant, et avait facilement pu se défendre. Ils avaient tous les deux passé la journée du lendemain à l’infirmerie, Leliti une griffure à l’épaule, Teddy au milieu du torse. Rien que Victoire n’ait pu réparer en quelques instants.

        Même si la plupart de ses nuits dans la Cabane hurlante étaient sans transformation, elles n’étaient pas joyeuses pour autant. Car dans ces moments-là, Leliti était vulnérable. A chaque fois que la pleine lune approchait, elle sentait cette force maléfique en elle qui montait, montait, encore et encore, jusqu’à ce que Leliti se sente au bord de l’explosion. Parfois, la transformation ne tenait qu’à un fil, et elle sentait alors sa personnalité changer. Elle devenait agressive. La nuit de mars, elle avait hurlé de nombreuses insultes à l’adresse de Teddy, contre son gré. Quand bien même, sa présence lui donnait la force de se battre contre elle-même. Et cela faisait toute la différence.

        A la maison, ses parents avaient aménagé la vieille cave pour elle. Ils y avaient installé un lit et quelques affaires pour y enfermer Leliti quand c’était nécessaire. Des représentants du ministère s’étaient déplacés pour lancer de puissants sortilèges de protection autour de la cave, et ses parents n’avaient qu’à les activer et les désactiver d’un coup de baguette. Durant les deux années entre sa morsure et sa rentrée à Poudlard, les mauvaises nuits dans cette cave étaient abominables. Elle se transformait presque une fois sur deux, se griffait et se mordait elle-même. Mais les sortilèges de protection étaient efficaces, et elle n’avait jamais infligé à ses parents davantage que de la peur et des pleurs.

Les matins suivant les mauvaises nuits, un guérisseur de Ste Mangouste venait guérir ses blessures. Il s’appelait Randall, et Leliti ne l’aimait pas. Il ne faisait rien de mal, il était même très doué, grâce à lui, Leliti ne gardait quasiment aucune cicatrice. Mais elle en gardait quand même quelques-unes. Une ou deux morsures sur ses bras. Une longue griffure qui traversait son ventre et sa poitrine. A chaque fois, elle avait de plus en plus de mal à laisser Randall la déshabiller et examiner machinalement son corps meurtri sans rien dire. Parfois même, elle aurait préféré rester blessée.

Heureusement cette époque était terminée. Elle était rentrée à Poudlard, et Randall ne s’occupait plus d’elle. Victoire était beaucoup plus douce, et Leliti était bien plus à l’aide avec elle. Pour l’instant, aucune mauvaise nuit n’était tombée durant les vacances scolaires, mais Leliti commençait à appréhender les vacances d’été. Arriverait-elle à convaincre Victoire et Teddy de venir la voir chez elle quand les moments viendraient ? Surtout qu’il y aurait désormais Sophie.

        Le matin qui avait suivi sa deuxième pleine lune à Poudlard, Victoire lui avait annoncé avec un grand sourire qu’elle attendait un enfant. Leliti n’avait pas eu besoin de demander qui était le père, et avait simplement répondu par un sourire radieux. Puis, en février, Victoire lui avait dit que son bébé était une fille, et que Teddy et elle avaient décidé de l’appeler Sophie. Sophie Dora Lupin. C’était un très joli prénom. Leliti avait alors demandé si elle pouvait être sa marraine.

— Tu étais mon premier choix, avait répondu Victoire avec un grand sourire, malheureusement le ministère veut le nom de quelqu’un de majeur, alors on a dû choisir ma sœur Dominique. Mais officieusement, ce sera toi, sa marraine, avait-elle ajouté en chuchotant, un éclair de malice dans les yeux.

        C’est ainsi que Leliti et ses parents avaient été invités à dire bonjour à Sophie. La veille, Teddy avait passé un coup de miroir à ses parents pour leur annoncer qu’ils étaient en route pour Ste Mangouste, et que Leliti pourrait leur rendre visite aujourd’hui si elle le souhaitait. Leliti avait très hâte de rencontrer sa filleule officieuse. Sa Sophilleule. Ou sa Sophicieuse, elle n’était pas encore sûre. Quoiqu’il en soit, il n’était pas question qu’ils perde une seule seconde de cette belle journée.

— Maman ! Papa ! Réveillez-vous ! s’écria Leliti en tambourinant du poing contre leur porte.

        Elle entendit sa mère bougonner et son père pousser un juron dont elle décida de ne pas tenir compte.

— Allez, allez, on se bouge !

        Elle avait déjà enfilé sa veste, et était en train de mettre ses chaussures, quand ses parents descendirent enfin. Mais ils n’étaient pas encore habillés.

— Mais vous allez vous grouiller, oui ? s’exclama-t-elle avec impatience.

— Ma chérie, il est encore très tôt, répondit doucement sa mère, il ne faut pas arriver trop tôt.

— Mais pourquoi ? s’exaspéra Leliti.

— Mrs Weasley vient d’accoucher, expliqua son père, elle a sûrement besoin de beaucoup de repos. D’ailleurs, rien n’indique qu’elle n’est pas encore en train d’accoucher en ce moment. Alors on va prendre notre temps pour y aller.

        Leliti poussa un grognement.

— Elle est arrivée à Ste Mangouste hier matin, évidemment que son bébé est né.

        Elle savait pertinemment que ses parents cherchaient des excuses pour ne pas avoir à se dépêcher. Ils étaient si agaçants, parfois. Elle n’insista pas, cependant, et se contenta de les regarder manger leur petit-déjeuner avec intensité, comme si les fixer des yeux allait les faire se préparer plus vite.

        Une bonne heure plus tard, ses parents se décidèrent enfin à prendre une poignée de poudre de cheminette, et ils débarquèrent dans le hall d’accueil de l’hôpital Ste Mangouste.

— Bonjour, se présenta sa mère à la sorcière qui tenait l’accueil, nous venons rendre visite à Mrs Victoire Weasley, qui vient d’accoucher.

— Premier étage, au fond du couloir à droite, répondit machinalement la sorcière.

        Leliti jeta un œil à l’écriteau qui indiquait l’organisation de l’hôpital, et fût amusée de découvrir que la maternité faisait partie du « Service des blessures par créatures vivantes ». Elle suivit ses parents dans l’escalier, puis dans le couloir qui menait au service de maternité. Quand ils entrèrent dans la grande salle d’attente, Leliti sut instantanément qu’elle était au bon endroit.

        Elle n’avait jamais vu autant de roux rassemblés dans une même pièce. Elle savait que Victoire avait plein de cousins, de cousine, d’oncles et de tantes, mais elle ne les connaissait pas tous. Elle reconnut quand même Louis, le frère de Victoire qui était Préfet-en-Chef, ainsi que Roxanne et Rose, qui étaient préfètes de Gryffondor. Elle aperçut aussi James et Lucy, qui étaient dans l’équipe de Quidditch. Une grande femme aux longs cheveux bruns tout ébouriffés lui lança un sourire, et Leliti détourna immédiatement le regard. Une petite dame à l’air sympathique se dirigea vers eux, un grand sourire aux lèvres, accompagnée de son mari.

— Bonjour, vous devez être Mr et Mrs Tekula ! Et tu dois être Leliti ! Victoire nous a dit que vous viendriez !

        Intimidée, Leliti se contenta de lui sourire sans répondre.

— En effet, c’est bien nous, répondit son père en souriant. C’est gentil à Victoire et Teddy de nous avoir invités, ils comptent beaucoup pour Leliti. Vous êtes les parents de Victoire ?

— Vous nous flattez, Mr Tekula, répondit le monsieur tandis que son épouse éclatait de rire. Nous sommes ses grands-parents, vous pouvez m’appeler Arthur, et voici mon épouse Molly.

— Vous êtes presque les derniers arrivés, indiqua Molly. Chez nous, il y a toujours du monde pour assister à l’arrivée d’une nouvelle-née ! ajouta-t-elle en regardant sa famille d’un air attendri.

— Vous voyez, je vous l’avais dit ! chuchota Leliti à sa mère.

— Malheureusement, notre petite Sophie est une dure à cuire, et Victoire est encore dans la salle d’accouchement, Teddy est avec elle, ainsi que Fleur, la maman de Victoire.

— Tu vois, je te l’avais dit, lui répliqua sa mère en chuchotant elle aussi.

— Avancez, avancez, dit Arthur, nous allons vous présenter.

        Ses parents les suivirent, mais Leliti eut un mouvement de recul. Comment Molly et Arthur allaient ils la présenter ? Comment justifieront-ils la présence de la seule personne extérieure à la famille Weasley ? Combien de personnes parmi eux étaient déjà au courant de sa condition ? Combien de personne allaient la saluer avec pitié ? Leliti sentit une vague de chaleur monter en elle. Elle avait besoin d’air.

— Bonjour, Leliti, fit alors une voix douce à sa gauche.

        La femme aux cheveux ébouriffés s’était approchée d’elle, et lui adressait à nouveau un grand sourire. Leliti chercha ses parents du regard, mais ceux-ci la rassurèrent d’un mouvement de tête, et l’invitèrent à parler avec la femme. Ils tournèrent les talons et s’avancèrent vers un petit groupe de Weasleys. Leliti tourna lentement la tête vers la femme, mais ne se força pas à sourire.

— Bonjour, répondit-elle simplement.

— Je m’appelle Hermione, indiqua la femme.

        Leliti ouvrit grand la bouche. Elle avait entendu parler d’Hermione Granger. Ses parents lui avaient parlé de Harry Potter, Hermione Granger et Ron Weasley, les trois plus grands héros de la guerre d’il y a plus de vingt ans. Par ailleurs, ses parents lui avaient appris l’année précédente qu’Hermione Granger avait activement participé à l’élaboration des projets de lois qui avaient amélioré les conditions de vie de loups-garous. Leliti avait lu son nom une demi-douzaine de fois sur la couverture d’un livre pour enfants qui parlait justement d’un héros lycanthrope.

Leliti savait que Harry Potter faisait partie de la famille, mais curieusement, elle ne s’attendait pas à voir des héros dans la salle d’attente d’une maternité. Leliti hésita : elle ne savait pas si elle était rassurée ou davantage intimidée.

— Je m’appelle Leliti, répondit-elle avant de se rendre compte qu’Hermione le savait déjà.

        Hermione lui sourit à nouveau, s’assit sur une chaise derrière elle, et invita Leliti à s’assoir à côté d’elle. Leliti s’exécuta.

— C’est très généreux de ta part de venir rendre visite à Teddy, Victoire et Sophie, lui dit Hermione. Ils seront vraiment touchés.

— C’est normal, répondit Leliti, je suis sa marraine.

— Oui, Victoire nous a dit, rit Hermione. Dominique a gentiment accepté de te laisser la moitié du travail de marraine.

        Leliti sourit.

— Laquelle est Dominique ? demanda timidement Leliti.

        Hermione désigna du doigt une grande femme rousse, qui avait l’air plus jeune que Victoire, et dont les cheveux étaient plus ondulés.

— C’est une sorcière très puissante, elle est une formidable briseuse de sorts. Elle est en train de parler avec Bill, son père, le père de Victoire, donc, et George, son oncle. George travaille aux Sorciers Facétieux, tu sais, le magasin de farces et attrapes ?

        Leliti acquiesça. Hermione poursuivit.

— Lui, c’est Percy, un autre oncle de Victoire. Il est le directeur du département des transports magiques, c’est un poste très haut placé au ministère de la magie. Ne lui parle pas de son boulot, il serait capable de t’endormir en cinq minutes. Il discute avec sa fille Molly – oui, il y a deux Mollys – qui travaille avec lui, et avec James et Roxanne, qui sont deux cousins de Victoire. Là-bas, c’est Charlie, qui travaille dans une réserve de dragons. Il n'a pas d’enfants, mais c’est le tonton préféré de tout le monde. Avec lui, ce sont Audrey – la femme de Percy qui est moldue et qui travaille dans la police scientifique – Angelina – qui est Auror – et mon mari Ron – qui travaille avec George au magasin. Ça va, jusqu’ici ?

        Leliti acquiesça à nouveau, commençant à construire mentalement un arbre généalogique.

— Tes parents sont en train d’être présentés à Ginny – la plus jeune tante de Victoire, qui travaille pour la Gazette du Sorcier – son fils Albus, ma fille Rose, Andromeda – la grand-mère de Teddy qui fait franchement partie de la famille, désormais – et Louis, le jeune frère de Victoire. Enfin, les quatre qui restent sont Lily, Hugo et Lucy, que tu dois connaître de Poudlard, et Freddie, qui est batteur dans l’équipe de Quidditch des Canons de Chudley. Ah, et il y a aussi Lumy, le meilleur ami de Teddy, et Déméter, la meilleure amie de Victoire. Et voilà.

— Ça fait une grande famille ! s’émerveilla Leliti.

— Eh oui. Ils étaient déjà nombreux quand je les ai rencontrés, mais la croissance des Weasley est exponentielle. Ils se reproduisent comme des lapins, ajouta-t-elle en voyant le regard interrogateur de Leliti. Et la nouvelle génération commence avec Sophie. C’est… la génération où je vais être grand-mère. Quel coup de vieux.

        Leliti sourit.

— Tu es fille unique, c’est bien ça ? demanda Hermione.

— Oui, répondit Leliti.

— Ça se passe bien, à la maison ?

— Oui, mes parents sont très gentils. Heureusement que je n’ai pas de petit frère ou de petite sœur, ça serait dangereux.

        Hermione marqua une pause avant de répondre.

— Tu n’es un danger pour personne, tu sais. Le danger existe, mais il ne vient pas de toi. Et les sortilèges de protection sont efficaces.

— J’ai toujours peur qu’ils ne suffisent plus.

— Les sorciers qui les ont posés savent ce qu’ils font. Ils sont habitués. Ne te tracasse pas avec ça, tu as d’autres choses à penser.

        Leliti n’insista pas.

— Tout le monde est au courant, ici ? demanda-t-elle plutôt.

— Victoire m’en a parlé parce que je connais le sujet. Je n’en ai parlé à personne, et je crois que Teddy et Victoire non plus. Mais oui, ils le savent. Les cousins Weasley savent qui tu vois Victoire une fois par mois. Ils ont vite fait le lien avec Remus Lupin, dont tout le monde ici a au moins entendu parler.

        Hermione se pencha vers elle et sourit.

— S’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est que les Weasley sont la famille la plus bienveillante et accueillante du monde sorcier. Tu n’as rien à craindre. Je te le promets.

        Leliti acquiesça prudemment.

— Est-ce qu’il y a d’autres élèves de Poudlard qui savent ? demanda Hermione. Des amis, par exemple ?

— Je n’ai pas d’amis, répondit Leliti en haussant les épaules comme si c’était une évidence.

— Je suis certaine que c’est faux, assura Hermione. Tes voisines de dortoir, par exemple ?

— Elles sont très gentilles. C’est vrai qu’Emma m’adresse souvent la parole. Mais je sais pas… Je n’ose pas…

— Ne t’en fais pas, tu as tout ton temps. Je suis sûre que ça se passera bien.

        Elles interrompirent leur discussion lorsqu’un homme entra dans la salle. Il avait le teint pâle, des yeux fatigués et cernés derrière des lunettes rondes, des cheveux d’un noir de jais en bataille, et une fine cicatrice sur le front. De toute évidence, c’était Harry Potter. Leliti ne l’avait jamais vu, mais lui l’avait vue lorsqu’elle était dans le coma, la nuit de sa morsure. Il avait arrêté son voisin Jacob. Intimidée, elle baissa les yeux.

— Désolé du retard, lança Mr Potter, j’ai eu une garde abominable. Un trafiquant a essayé de s’en prendre à Mondingus parce qu’il lui avait volé la moitié de ses- bref, une galère.

        Il se dirigea vers Mrs Potter et ses enfants, et les embrassa chaleureusement, avant de faire le tour de la pièce. Puis, il repéra enfin les parents de Leliti. Son sourire se dissipa un peu.

— Bonjour, Mr et Mrs Tekula, dit-il en leur serrant la main, je suis enchanté de vous revoir dans d’heureuses circonstances.

— Oui, nous de même, Mr Potter, répondit la mère de Leliti en souriant.

        Il chercha Leliti du regard, et la trouva dans son coin de la pièce en compagnie d’Hermione. Lentement, il se dirigea vers elles.

— Bonjour, Leliti, fit-il d’une voix douce tandis que les autres reprenaient leur conversation.

— Bonjour, répondit-elle en baissant la tête, intimidée.

        Mr Potter s’agenouilla à sa hauteur.

— Nous sommes tous ravis et reconnaissants que tu sois ici avec nous, assura-t-il.

        Leliti leva les yeux vers lui en s’attendant à lire dans son regard de la pitié, mais ce ne fut pas le cas. Elle lut au contraire de l’admiration. Elle sourit, et Mr Potter le lui rendit. Il se redressa, salua chaleureusement Hermione, et retourna auprès de son épouse.

— Pas un grand bavard, hein ? ricana Hermione.

— Non, répondit Leliti, néanmoins extrêmement satisfaite de sa rencontre avec le plus grand sorcier de l’époque.

        Hermione continua de discuter avec elle. Leliti lui raconta ses débuts de scolarité, son quotidien à Poudlard, sa relation avec Victoire et Teddy. Après une vingtaine de minutes, elles s’interrompirent au son d’un grand « Aaaaaaah ! ». Leliti leva les yeux. La porte de l’autre côté de la pièce, qui devait mener vers les salles d’accouchement, venait de s’ouvrir. Une femme aux longs cheveux blonds et argentés, qui devait être la mère de Victoire, entra dans la pièce, et tout le monde se précipita vers elle avec des questions. Derrière elle, Teddy apparut à son tour, au son d’un nouveau « Aaaaaaah ! » de la part des autres.

        Mais Teddy ne souriait pas. La mère de Victoire non plus.

        Progressivement, les cris d’excitations se turent, et un terrible silence qui parut durer une éternité s’abattit dans la salle d’attente. La mâchoire de la mère de Victoire tremblait, et une larme coulait sur la joue de Teddy. Que s’était-il passé ?

        Le père de Victoire fut le premier à oser le demander. Il s’approcha lentement de son épouse et la prit dans ses bras.

— Que s’est-il passé ? murmura-t-il, rompant le silence.

        La grand-mère de Teddy s’approcha de lui et l’enlaça, suivi par Molly et Arthur. La maman de Victoire éclata en sanglots au moment où Teddy prononça les terribles paroles :

— Dragoncelle infantile. Ils n’ont rien pu faire.

        Un choc électrique parcourut la pièce. Hermione avait la main sur la bouche. Teddy avait la tête posée sur l’épaule de sa grand-mère, et cette dernière lui caressait doucement le cuir chevelu, qui avait pris une couleur gris foncé. Les parents de Victoire se précipitèrent dans le couloir menant vers les salles d’accouchement, suivis de près par Dominique et Louis. Mrs Potter s’était rassise sur une chaise.

        Leliti tourna le regard vers ses parents, qui la rejoignirent immédiatement.

— Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? leur chuchota Leliti. Où est Sophie ?

        Sa mère lui répondit, les yeux humides.

— Elle… elle est morte, ma chérie. Elle avait une maladie. Cela arrive, parfois.

        Leliti sembla tomber vers le plafond. Elle sentit son cœur traverser ses entrailles et quitter son corps. Une immense boule s’était formée dans sa gorge, comme si quelqu’un y avait fait apparaître un cognard.

        Comment était-ce possible ? Comment une petite fille pouvait-elle mourir avant même d’avoir vécu ? Leliti sentit les sanglots monter, et ne prit pas la peine de les arrêter. Ses parents la serrèrent dans leurs bras. Au bout de quelques minutes, Leliti retrouva la parole.

— Il… Il faut que j’aille voir Victoire et Teddy, parvint-elle à formuler.

— Non, Leliti, répondit gentiment son père. On va les laisser en famille. Teddy a vu que tu étais là, il est sûrement très touché. Mais ils ont besoin d’espace pour gérer tout cela.

— Mais…

— Teddy et Victoire viendront te voir quand ils seront prêts, mais ils ont besoin de temps. Allez, on y va, je vais quand même prévenir Molly et Arthur…

        Leliti se laissa entraîner dehors par sa mère, et marcha machinalement à ses côtés. Elle ne parvenait pas à penser à autre chose.

        Elle pensa à Teddy, à qui elle aimerait dire à quel point elle était désolée et qu’elle pensait à lui. Elle pensa à Victoire, à qui elle voulait faire le plus doux et affectueux des câlins. Elle pensa à sa Sophilleule, à qui elle aurait voulu dire bonjour, qu’elle aurait voulu accueillir dans le monde, qu’elle aurait voulu regarder grandir.

        Elle pensa à Sophie.


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