La mort est une fin heureuse

Chapitre 8 : Un été à la mer

6203 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/03/2024 11:32

Hugo, Juillet 2021.

 

— Bonjour, Mr. et Mrs. Weasley, entrez, je vous en prie.

Une femme d’une quarantaine d’années, grande, brune et au visage très souriant, attendait Hugo et ses parents au bout du chemin, à l’entrée d’une grande maison de pierres grises. Lorsqu’ils arrivèrent à son niveau, après avoir soigneusement fermé le petit portail grinçant, les parents d’Hugo serrèrent chaleureusement la main de la femme.

 — Bonjour, Mrs. Erskine, répondit la maman d’Hugo avec un grand sourire. Appelez-moi Hermione.

— Et moi Ron, ajouta le papa d’Hugo.

— Sabrina, fit leur interlocutrice, enchantée. Et tu dois être Hugo ?

Hugo acquiesça à Mrs. Erskine, tout en affichant un grand sourire au visage familier qui venait d’apparaître derrière elle.

— Salut, Hugo, dit Evie, le sourire jusqu’aux oreilles. Tout le monde est déjà là.

Evie avait le teint rouge de timidité à la vue des parents de Hugo.

— Oui, désolée pour le retard, s’excusa Hermione, mon mari n’a pas pu se libérer de son magasin plus tôt. Bonjour, Evelyn, ajouta-t-elle en souriant à Evie, dont le visage devint instantanément cramoisi.

— Il n’y a pas de mal, assura Mrs. Erskine. Tout le monde est arrivé au compte-goutte, cela m’a permis de discuter avec chacun des parents. Entrez, je vous prie, entrez, Ernest va vous servir un verre.

Ils pénétrèrent dans la grande entrée de la maison, qui servait aussi de pièce de vie. Un immense foyer de cheminée en pierre occupait l’intégralité de l’un des murs. De l’autre côté, un petit escalier de bois montait vers les étages. Un grand piano à queue blanc était installé dans un coin. Ils s’assirent sur un canapé blanc, face à une petite table basse. Hugo et Evie restaient silencieux, mais n’arrêtaient pas de se lancer des regards complices.

— Evie m’a dit que vous occupiez un poste haut placé au ministère de la Magie, Hermione ?

— Tout à fait, répondit-elle, je suis directrice du Département de la justice magique. C’est l’équivalent de Secrétaire d’État à la Justice. Nous avons donc un travail très similaire.

— Ah, Hugo aussi vous a dit ce que je faisais ?

— Non, répondit sa mère. Enfin, si, mais je le savais déjà. Voyez-vous, je suis de très près les politiques de nos deux mondes. J’aimerais d’ailleurs vous dire que j’ai été très favorable à votre nomination au Département de l’Environnement. Vos idées sur la transition écologique sont remarquables.

— Merci beaucoup, sourit Mrs. Erskine. Mes idées n’ont pas plu à tout le monde, malheureusement. Les grands lobbys m’ont harcelée pendant des semaines. Enfin, cela prouve que je fais bien mon boulot. J’avoue ne pas pouvoir vous rendre le compliment, n’ayant aucune connaissance de la politique magique.

— Alors croyez-moi sur parole quand je vous dis qu’elle est une excellente directrice, plaisanta son père.

Mrs. Erskine éclata de rire.

— Je n’en doute pas. Quant à vous, Evie m’a simplement dit que vous teniez le magasin le plus populaire de Grande-Bretagne.

— Je ne sais pas si c’est le magasin le plus populaire, répondit modestement son père, mais c’est un magasin de farces et attrapes magiques. Et, entre nous, ajouta-t-il en se penchant en avant et en chuchotant, si, c’est le plus populaire.

Mrs. Erskine rit à nouveau.

— En quoi consistent les farces et attrapes magiques ? demanda-t-elle.

Evie choisit ce moment pour faire un signe discret à Hugo, afin qu’ils puissent s’éclipser de la conversation. Sans un regard en arrière, Hugo la suivit hors du séjour. Ils passèrent par une salle à manger, où ils croisèrent un homme, petit mais costaud, vêtu d’une chemise sombre, qui marchait en direction du salon en portant trois verres et une bouteille sur un plateau. L’homme s’arrêta et fit un grand sourire à Hugo.

— Ernest Butternut, majordome de la maison. Tu dois être Hugo.

— Oui, enchanté ! fit Hugo.

— De même. J’ai hâte de passer les trois prochaines semaines en compagnie des amis d’Evelyn.

Evie afficha un grand sourire à Ernest, puis fila en direction du jardin. Hugo la suivit. Ils arrivèrent à l’extérieur, de l’autre côté de la maison par rapport à l’entrée, où s’étendait un grand jardin verdoyant. À droite et à gauche, deux talus massifs délimitaient la propriété. Au fond, c’était une imposante ligne de sapins. Enfin, Hugo aperçut une petite structure en bois, composée de deux balançoires et d’une petite plateforme, sur laquelle étaient perchés six enfants.

Hugo reconnut les touffes blondes de Lorcan et Lysander Dragonneau, le sourire chaleureux d’Alice Londubat, le teint pâle de Basile Trefflingham, et la chevelure flamboyante de sa cousine Lily.

La jolie compagnie venait de terminer sa deuxième année d’études à Poudlard. Comme l’année précédente, Hugo avait obtenu les notes maximales dans toutes les matières, et à sa grande joie, tous ses amis étaient aussi passés en troisième année, bien que Lorcan soit à nouveau passé de justesse.

Pour fêter cela, Evie leur avait promis à tous de les inviter dans la maison de vacances de sa mère, au Pays de Galles, près de la plage. Hugo avait donc été très heureux de recevoir son invitation par la poste moldue. Enfin jusqu’à ce qu’il découvre qu’Entis Trite avait aussi été invité.

Entis Trite était un élève de Gryffondor, d’un an de plus qu’Hugo. C’était un camarade de Dinah Mokrane. Durant l’année, il avait occupé le poste de batteur au sein de l’équipe de Quidditch de sa maison, et il était excellent. Il était devenu très populaire. Il avait commencé à sortir avec Evie le soir de la finale de la coupe de Quidditch, après avoir gagné face à l’équipe de Poufsouffle. Depuis ce moment, Hugo s’était surpris à le trouver insipide, long à la détente et étonnement ordinaire.

Mais il s’était dit qu’il ferait l’effort de passer trois semaines avec lui, pour ne pas contrarier Evie. De plus, il aurait juste à ne pas lui parler. Il resterait à l’écart, avec les autres. Ça serait du gâteau.

Quand ils virent Hugo, tous ses amis se précipitèrent vers lui. Il était très heureux de les voir.

— Te voilà enfin, Hugo, fit Basile d’un sourire narquois. Tu en as mis du temps.

— Bon dernier, contrairement à d’habitude, plaisanta Evie.

— Je suis à peine arrivé, répondit Hugo, vous me noyez déjà de vos vannes ?

— Evie est surexcitée, aujourd’hui, fit remarquer Alice.

— La ferme, Alice, répliqua Evie.

— C’est clair, continua Basile, elle a rencontré quatre grands héros du monde sorcier, tu aurais dû la voir s’effondrer quand l’immense Harry Potter lui a souri.

— Ce genre de propos perd tout son intérêt quand il concerne quelqu’un que l’on côtoie tous les jours, plaisanta Lily.

— Alors, qu’est-ce que ça fait ? demanda Hugo à Evie, entrant dans le jeu de Basile.

— Je crois bien que je me suis ridiculisée, répondit Evie. Au moment où il est arrivé avec Lily, je suis tombé de la balançoire. J’ai même eu l’impression qu’il m’a lancé un sourire par pitié.

Soudain, Entis apparut de derrière un sapin, et s’incrusta au milieu du groupe, en saluant poliment Hugo, qui lui rendit son signe de tête à contrecœur. Evie en profita pour se taire, et l’arrivée d’Entis fût suivie d’un silence. Pour mettre fin à ce moment de gêne, Evie reprit la parole.

— Bon, et bien euh… maintenant que vous êtes tous là, je vais pouvoir vous expliquer ce qu’on va faire ici. Pour résumer : on va s’amuser, manger, dormir, discuter, profiter, crier, jouer et lambiner. Est-ce que à va à tout le monde ?

— Oui, chef ! cria Basile au garde-à-vous.

— Très bien ! s’exclama Evie. Alors on va commencer par aller chercher le trampoline !

Le concept était si simple : une toile élastique sur laquelle on peut sauter et rebondir. Si simple, mais si amusant. Hugo était trempé de sueur quand ses parents vinrent dans le jardin lui dire au revoir. L’aurevoir timide d’Evie était même plus chaleureux que la bise d’Hugo qui voulait à tout prix se débarrasser de ses parents. Le trampoline était assez grand pour huit, ainsi sautèrent-ils comme des fous sous les regards amusés et attendris de Mrs. Erskine et de Ernest Butternut. Décidément, ces trois semaines de vacances allaient être mémorables.

 

*       *       *

 

        Au bout d’une semaine dans la grande maison de pierre, un certain rythme de vie avait été établi. Déjà, Mrs. Erskine avait vite insisté pour qu’on l’appelle Sabrina, et Ernest Butternut qu’on l’appelle Ernest. Le matin, vers neuf heures, ils se réveillaient au magnifique son du piano blanc sur lequel Sabrina jouait avec grande virtuosité. Enfin, tous sauf Lorcan. Ils descendaient prendre leur petit déjeuner : toasts grillés, Nutella (une sorte de pâte au chocolat et aux noisettes dont les moldus raffolent, Hugo en était devenu dingue), jus d’orange et chocolats chauds. Ensuite, ils s’habillaient, et regardaient tous ensemble, Sabrina et Ernest compris, la série préférée d’Evie : Stranger Things. C’était l’histoire d’un groupe d’adolescents qui se retrouvaient malgré eux dans une histoire des plus mystérieuses. Ils regardaient deux épisodes par jour. Ensuite, ils étaient rejoints par Lorcan, qui se réveillait souvent juste avant midi. Ils mangeaient ensuite tous ensemble les délicieux repas préparés avec amour par Ernest.

        L’après-midi, ils allaient à la plage. Evie leur apprenait à faire voler des cerfs-volants, à faire des châteaux de sable, à faire du surf et du bodyboard, et à jouer au foot avec d’autres enfants de la plage. Hugo s’émerveillait aussi à voir les kiters s’envoler aussi haut sans pratiquer la magie. Ils revenaient souvent vers six heures, exténués. Ils prenaient une bonne douche chaude, et jouaient à des jeux de société jusqu’à l’heure du dîner. Hugo avait pris grand plaisir à dépouiller Entis au Monopoly, et n’avait pu contenir un grand rire quand celui-ci était tombé sur « Mayfair ».

        Enfin, après le dîner, ils allaient tôt se coucher. Sabrina dormait dans sa grande chambre au rez-de-chaussée ; Evie, Lily et Alice dormaient dans la chambre qu’occupait d’habitude Evie ; Lorcan, Lysander et Entis dormaient dans une chambre d’amis ; et Hugo et Basile dans une autre chambre d’amis. Ernest, lui, vivait dans une petite dépendance, collée à la maison, mais Basile suspectait fortement qu’il passait ses nuits dans la chambre de Sabrina. Hugo avait été très heureux d’apprendre que, d’une part, Sabrina avait catégoriquement refusé qu’Entis dorme dans la même chambre qu’Evie, mais aussi que, d’autre part, c’était Entis qui l’avait demandé, pas Evie.

        Evie ne semblait pas autant attachée à Entis qu’on aurait pu le penser. Elle faisait rarement l’effort de l’intégrer dans le groupe qui était si soudé. En fait, Hugo se demandait même si Evie avait vraiment voulu l’inviter. Dans son souvenir, elle lui avait dit « Tu pourras venir avec nous, si tu veux, Entis ! » lorsque celui avait surpris la conversation dans laquelle elle les invitait tous. Mais Entis, lui, était ravi de son séjour. Il s’entendait très bien avec Lysander.

 

        Le mercredi de la deuxième semaine, lorsqu’Hugo se leva, Sabrina était en train de jouer Clair de Lune sur son grand piano blanc. Hugo ne la dérangea pas, et entra dans la salle à manger pour prendre son petit déjeuner tout en profitant de la musique. Il aimait bien être seul, parfois.

        Sabrina ne les accompagna pas à la plage, cet après-midi-là. Elle avait des appels importants à passer. Ernest s’occupa donc de leur surveillance. Pendant que les autres se baignaient, Hugo était assis en tailleur à côté d’Ernest, sur le sable chaud et fin. Il observa Evie et Alice surfer avec aisance sur les vagues. Alice avait beaucoup progressé, et Evie avait toujours été excellente. Il vit Entis essayer de les imiter, monter sur sa planche, et tomber la tête la première dans un rouleau. Hugo sourit. Basile et Lily faisaient du bodyboard, et s’amusaient bien. Lorcan et Lysander, plus loin sur la droite, sautaient dans l’eau depuis une grosse chaîne de rochers.

 Hugo aperçut un jeune garçon avec qui ils avaient joué au foot quelques jours plus tôt. Il était accroché à une voile de kite, cinq mètres au-dessus de l’eau. Le bateau à moteur auquel il était fixé faisait des allers-retours le long de la plage. Alice et Evie, sur leurs planches de surf, entre les vagues, étaient toutes proches du bateau. Avec le recul qu’il avait, Hugo sut que quelque chose allait se passer. Les trajectoires n’étaient pas les bonnes. Il se leva, mais ne put qu’observer. Ernest aussi avait vu, il se mit à courir à toutes jambes en direction de la mer, mais Hugo savait qu’il arriverait trop tard.

Evie, ne voyant rien, de hissa sur sa planche, et se mit debout. Elle se laissa emporter par la vague qui arrivait. Elle riait, et regarda en direction de la plage. Elle aperçut Ernest qui courait en direction d’elle en faisant des grands signes de mains. Mais elle ne vit pas le bateau à moteur qui lui fonça dessus.

Sa planche de surf frappa le flanc du bateau, et Evie fut projetée en avant. Elle percuta le conducteur, et tous les deux tombèrent de l’autre côté du bateau. Evie semblait indemne, mais le bateau continua d’avancer à toute allure. Alice l’évita, et nagea vers Evie. Puis, le bateau heurta la chaîne de rochers sur laquelle Lorcan et Lysander étaient quelques instants auparavant, et s’arrêta net. Au ralenti, Hugo vit le jeune garçon qui faisait du kite tomber vers les rochers. Puis, il s’écrasa violement, d’un énorme bruit sourd qui raisonna dans toute la plage.

Après un long moment de silence, le jeune garçon hurla à pleins poumons. C’était un cri déchirant. Des dizaines de gens coururent en sa direction. Hugo les suivit. Il vit Ernest sortir Evie et les autres de l’eau, puis les rejoindre. Un grand homme et le conducteur du bateau avaient transporté le jeune garçon sur le sable. Hugo aperçut alors sa jambe gauche : son pied formait un angle inquiétait, et son fémur sortait de sa cuisse dans un flot de sang. Cette vision donna à Hugo la nausée. Il n’était pas le seul : un homme derrière lui perdit connaissance, et plusieurs enfants pleuraient. Hugo, lui, était paralysé, et ne parvenait pas à détacher son regard de la jambe du garçon, si dégoûtante soit-elle.

Ernest se fraya un chemin, et indiqua au grand homme, qui semblait être le père du garçon, que les secours avaient été prévenus. Mais ils étaient loin, très loin de l’hôpital le plus proche, même en hélicoptère, ils mettraient au moins vingt minutes à arriver. Les cris du garçon étaient de plus en plus fort. Il souffrait terriblement. Hugo continuait de fixer sa jambe. Si seulement il pouvait faire quelque chose… Sa baguette était à la maison, il aurait eu le droit de l’utiliser, c’était une extrême nécessité. Il sentit Basile arriver sur sa gauche, et lancer une exclamation d’horreur.

Hugo regardait la blessure. Il ne cillait pas. Il savait quoi faire, mais il ne le pouvait pas. La formule était simple, il l’avait lue dans un livre à la bibliothèque… Episkey… C’était un sortilège qui réparait les petites blessures… Hugo était persuadé que cela marcherait… Si seulement il avait sa baguette… EpiskeyEpiskeyEpiskey

D’un grand « crac », la cheville du garçon se remit en place, et son fémur rentra dans sa cuisse. Le garçon cessa de hurler. Du sang continuait de couler légèrement, mais il semblait moins souffrir.

Les gens étaient stupéfaits. Ernest leva la tête, cherchant du regard l’auteur du sortilège. Mais personne ne savait que c’était Hugo. Il n’avait pas prononcé de formule magique. Il n’avait fait aucun geste. Enfin, à sa connaissance.

— Mais tais-toi ! lui souffla Basile.

Il n’avait pas parlé. Il avait juste pensé la formule, plusieurs fois. Cependant, l’homme à sa droite le regardait avec un regard dégoûté. Savait-il ? Avait-il compris ?

 

*       *       *

 

— Tu as chuchoté la formule magique ! lui dit Basile lorsqu’ils furent rentrés chez Sabrina, un quart d’heure plus tard. Des moldus auraient pu t’entendre !

Hugo en était aphone. Il était pourtant persuadé d’avoir été silencieux. Il ne répondit rien.

        Sabrina les avait retrouvés choqués. Chacun d’eux avaient vu la blessure horrifiante du jeune garçon, et aucun d’eux n’arrivait à effacer cette image de sa mémoire. Sabrina les installa sur des chaises dans le jardin, et alla leur préparer des chocolats chauds. Ernest la rejoint, sûrement pour lui expliquer ce qui s’était passé.

        Après quelques instants de tranquillité seulement, ils entendirent un grand « crac » sonore, et un sorcier vêtu d’une longue cape noire se matérialisa devant eux.

— Bonjour, dit-il. Où sont vos parents ?

— Ici, monsieur, répondit Sabrina qui venait de débarquer. De quoi s’agit-il ?

— Donovan Kirkson, Service des usages abusifs de la magie, madame, se présenta l’homme. Nous avons eu connaissance d’un acte de magie effectué par une personne mineure en présence de moldus il y a exactement dix-huit minutes. L’un de vous en est-il l’auteur ? ajouta-t-il à l’adresse des enfants.

— Écoutez, monsieur, répondit Sabrina, ce n’est sûrement pas la bonne façon de faire…

— C’est moi, monsieur, fit Hugo d’une voix basse. Mais c’était un accident, de la magie involontaire.

— Involontaire ? répliqua Kirkson. Vous êtes étudiant à Poudlard ?

— Oui, monsieur.

— Et le but d’une école de magie n’est-il pas de vous apprendre à contrôler vos pulsions afin d’éviter ce genre d’incidents ?

— Si, mais…

— Monsieur, intervint Sabrina, vous vous adresserez à moi en attendant l’arrivée de ses parents. Il y a eu un accident sur la plage, un moldu a été gravement blessé. Regardez-les, ils sont tous choqués ! Hugo connaissait la formule pour le soigner, il a dû la penser un peu trop fort. Il a guéri le jeune moldu, moi j’appelle cela un heureux incident.

— Heureux ? rétorqua Kirkson. Le jeune Hugo était-il lui-même en danger ? Non, c’est un moldu qui était en danger ! Nous ne risquons pas d’exposer nos secrets pour simplement aider un moldu ! Ils ont des hôpitaux pour ça !

— L’hôpital le plus proche est au moins à vingt minutes d’hélicoptère ! répliqua Sabrina en élevant la voix. Le jeune garçon aurait souffert beaucoup trop longtemps, il aurait pu se vider de son sang !

— Ce n’est pas la question, madame ! s’écria Kirkson. Un sorcier a le droit d’utiliser la magie devant un moldu uniquement si sa propre vie est en danger !

— Très bien, s’exclama Sabrina en baissant tout d’un coup d’un ton. Nous traînerons donc cette affaire en justice. J’imagine qu’il va falloir prévenir ses parents. Voulez-vous que je contacte sa mère, Madame Hermione Granger, directrice du Département de la justice magique, afin de savoir si elle partage vos opinions médiévales à propos de nous autres les moldus ?

Le visage de Kirkson se crispa. Il fusilla Sabrina du regard. Après un moment, il répondit calmement.

— Ça ne sera pas nécessaire, madame. Je noterai dans mon rapport que ce n’était qu’un accident. Je vais appeler les oubliators pour s’occuper des gens sur la plage.

Il s’avança dans la direction opposée, puis lança un regard noir à Hugo. Celui-ci baissa les yeux.

— Tu auras un avertissement, gamin. Un autre évènement de ce genre, et tu n’échapperas pas à l’expulsion de Poudlard.

Et il transplana.

Hugo était effondré. Sabrina lui sourit.

— Ne t’en fais pas, Hugo, assura-t-elle doucement. Ce balourd travaille pour ta mère, tu crois vraiment qu’il va réussir à te coller un avertissement alors que tu n’as rien fait de mal ?

Hugo sourit légèrement.

— Je vais prévenir tes parents, reprit Sabrina. C’est une honte qu’il ait essayé de s’en prendre à toi directement avant de contacter tes parents. Mais je te promets, ajouta-t-elle avec un sourire de malice, que je m’arrangerai pour que tu puisses finir ton séjour ici.

Tous les huit, ainsi que Sabrina, passèrent le reste de la soirée au calme, devant Stranger Things, pendant qu’Ernest préparait le dîner. Vers vingt heures, la mère d’Hugo passa le voir, pour lui demander ce qui s’était passé, pour le rassurer, puis lui indiquer qu’il n’aurait aucun avertissement, et que les oubliators s’étaient occupés des moldus de la plage. Elle l’autorisa bien évidemment à rester avec ses amis chez Sabrina. Il en était ravi.

        De plus, le lendemain, Ernest partit à l’hôpital le plus proche pour prendre des nouvelles du jeune garçon. Grâce à l’intervention d’Hugo (dont les moldus n’avaient plus connaissance), il n’avait plus qu’une profonde entaille dans la cuisse, ce qui sera facilement soignable, même sans magie.

        Ainsi, en sachant que le jeune garçon sera vite remis, et que lui-même ne subira aucune conséquence, Hugo pût rapidement se remettre de cet évènement. En fait, il en était même fier.

        Parce que, contrairement à ce qu’il avait affirmé à Donovan Kirkson, il n’avait pas pratiqué de la magie involontaire. Plus il y repensait, et plus il était persuadé d’avoir véritablement lancé le sort, et ce sans baguette, ce qui relevait d’un grand exploit pour son âge.

        Seul Basile l’avait entendu lancer le sort, ce jour-là, et Hugo avait choisi de ne pas en informer les autres. En revanche, il ne manquait pas de s’en vanter, quand il était seul avec Basile, et celui-ci avait l’air très excité d’apprendre à faire la même chose.

 

*       *       *

 

        Au milieu de la semaine suivante, ils terminèrent la troisième saison – et dernière à ce jour – de Stranger Things, au grand dam d’Evie. Ils ne commencèrent pas de nouvelle série, car il ne restait que quelques jours à passer chez Sabrina. Ils passèrent donc leurs matinées à regarder des films. Basile et Hugo observaient Alice se rapprocher de plus en plus de Lorcan, ce qui les faisait beaucoup rire. Ils aimaient jouer les lourdeaux, et lancer des gros sous-entendus dans une conversation, ce qui faisait rougir Alice. Lorcan, lui, ne comprenait jamais rien.

        En plus, il semblait qu’Entis avait définitivement abandonné l’idée de se rapprocher d’Evie, ce qui poussait les gens autour d’eux à se poser des questions quant à la nature de leur relation. Basile supposa qu’Evie avait peut-être accepté de sortir avec lui juste parce qu’il y avait beaucoup de monde autour d’eux quand il le lui avait demandé, ce qui donna un grand sourire à Hugo.

 

*       *       *

 

Le dernier vendredi de juillet, Hugo commença à avoir une légère boule au ventre : il rentrerait chez lui le lendemain. Il décida donc de profiter un maximum de ses amis avant de les quitter. Le matin, ils regardèrent Retour vers le futur, que Hugo apprécia grandement. Basile, lui, affirma que le voyage dans temps ne fonctionnait pas du tout de la manière dont le film le présentait, ce qui lançant un débat acharné entre Evie et lui.

        L’après-midi, Sabrina les emmena faire une grande balade dans les environs. L’endroit était vraiment magnifique : des collines verdoyantes, des forêts de hauts sapins sombres, le tout dans un air frais et l’odeur vivifiant de la mer.

        Le soir, Ernest leur concocta un délicieux plat de lasagnes, pour leur dernier dîner. Tous ensembles ils jouèrent ensuite au Time’s Up jusqu’à l’heure du coucher.

        Allongé dans son lit, Hugo ne parvenait pas à s’endormir. À côté de lui, Basile dormait paisiblement. Il avait espéré que durant ce dernier jour, quelque chose se passe avec Evie. Il ne savait pas quoi, il ne savait même pas ce qu’il aurait voulu, mais il était quand même un peu déçu. Il se retourna dans son lit.

        Et soudain, il l’entendit.

Le grincement du portail, à quelques mètres de la fenêtre de leur chambre. Il était une heure du matin, et quelqu’un l’avait ouvert. Ou fermé. En tout cas, quelqu’un l’avait bougé. Un animal, peut-être ? Hugo retint son souffle tendit l’oreille.

Il distingua alors le bruit des pas de plusieurs personnes sur le petit chemin de terre. Ils étaient trois, au minimum. Hugo se leva brusquement dans son lit. La fenêtre était entrouverte. Il s’en approcha. Les bruits de pas avaient cessé. Ils étaient sûrement juste en dessous de lui. Peut-être communiquaient-ils par des signes ?

Une fraction de seconde plus tard, Hugo entendit un homme chuchoter : « Entrez ! », et il entendit la porte d’entrée se fracasser sur le sol. Basile se leva en sursaut.

— Mmmmh squipasse ? grogna-t-il.

— Y’a des gens qui sont entrés ! chuchota Hugo, paniqué. Il faut aller chercher les autres.

Tandis que Basile se levait, Hugo entendit les hurlements de Sabrina. Les gens étaient sûrement entrés dans sa chambre. Mais que voulaient-ils ? Puis, quelqu’un commença à monter les escaliers de bois. Hugo et Basile se précipitèrent hors de la chambre, et foncèrent à travers le couloir, pour gagner la chambre de tout au fond, celle des filles. Sur le chemin, ils heurtèrent Lorcan, Lysander et Entis, qui étaient sortis en même temps qu’eux. Dans la panique, Hugo se retourna.

        Face à lui, au bout du couloir, un homme venait d’arriver en haut des escaliers. Il portait une veste de cuir noir, et tenait un long poignard dans sa main droite. Mais le plus marquant était le masque qu’il portait sur sa tête, un masque noir avec des motifs rouges difficilement perceptibles dans la pénombre. L’homme s’immobilisa en croisant le regard d’Hugo, puis cria « En haut ! ».

Au même moment, Evie cria : elle venait d’ouvrir la porte de sa chambre pour voir ce qui se passait, et avait vu l’homme au masque. Ce dernier commença à courir vers eux. Dans des mouvements paniqués et maladroits, les cinq garçons s’engouffrèrent dans la chambre des filles, et refermèrent la porte au moment même où l’homme fonça dessus. En mettant toutes leurs forces et tout leur poids sur la porte, Hugo et les quatre autres parvinrent à garder la porte fermée.

— Mais qu’est-ce qui se passe ?! s’écria Lily.

Evie était encore sous le choc de la vision de l’homme au masque, et Alice essayait de passer la tête à travers le vélux pour appeler à l’aide.

— Je sais pas, mais viens nous aider ! cria Basile, à bout de souffle. On ne tiendra pas si un autre arrive !

Lily se précipita sur la porte pour les aider. Ils entendirent alors tous de grands bruits sourds, et Sabrina cria de plus belle, sous leurs pieds. Evie commença à pleurer et à faire les cent pas dans la chambre. Soudain, Alice poussa un cri : un homme venait de s’engouffrer dans la chambre par le vélux ouvert. C’était Ernest.

— Sortez par-là ! chuchota-t-il.

Ernest ne paraissait pas paniqué comme les enfants, mais il avait dit ça d’un ton ferme.

— Ernest ! beugla Eve. Où est ma mère ?! Que se passe-t-il ?!

— Je ne sais pas, répondit-il. Je voulais l’aider, mais ils sont trop nombreux, en bas. Sortez discrètement, et cachez-vous quelque part. La police est sur le chemin. Allez, allez !

— Mais, si on lâche, l’homme va rentrer ! cria Entis.

— Laissez-le, je m’en occupe, fit simplement Ernest.

D’un seul coup, Hugo et les cinq autres qui tenaient la porte reculèrent. La porte s’ouvrit, et l’homme entra en trombe dans la chambre, déséquilibré. Tous se renfrognèrent contre le mur du fond, tandis qu’Alice commença à grimper à travers le vélux.

        Sans laisser le temps à l’homme d’analyser la situation, Ernest le plaqua contre le mur adjacent à la porte, en tenant fermement la main qui tenait le couteau. De sa main gauche, il l’assaillit de coups de poing.

        Ernest savait se battre, se dit Hugo. Même armé, l’homme ne pouvait rien contre lui.

        Alice avait réussi à monter sur le toit, Lily était en train d’escalader à son tour, aidée par Lysander.

        Après quelques instants, Ernest réussit à maîtriser son adversaire. L’homme s’écroula sur le sol, inconscient, et son masque tomba de son visage. Hugo le reconnût alors : c’était l’homme de la plage, qui lui avait lancé un regard dégoûté après qu’il ait guéri le garçon blessé. Les oubliators l’avaient-ils oublié ?

        Avant qu’Ernest n’ait pu reprendre son souffle, un autre homme se jeta sur lui, et tous les deux s’écrasèrent contre les lits superposés. Impassible, Ernest se releva et ramassa le poignard du premier assaillant.

— Ne regardez pas ! cria Ernest aux enfants.

Mais Hugo était paralysé, et ne put s’empêcher de regarder Ernest planter son couteau avec force entre les côtes du deuxième homme. Ce dernier s’effondra.

Ernest, sans prendre le temps de se reposer, attrapa Lysander et le balança à travers le vélux. Il fit de même avec Entis et Lorcan. Il ne restait plus qu’Evie, Basile et Hugo quand trois assaillants débarquèrent dans la chambre. Sans aucune hésitation, Ernest se jeta sur eux, et Basile commença à grimper.

Tandis qu’Ernest était pris dans la bagarre, une femme, masquée elle aussi, entra à son tour dans la pièce. Elle croisa le regard de Hugo, puis se jeta sur lui.

— Non ! s’étrangla Ernest.

Par réflexe, Hugo sortit sa baguette de sa poche, mais il ne connaissait pas de sortilèges de défense. Il n’eût cependant pas besoin d’en lancer : Basile, que la femme n’avait pas vu, se laissa tomber de la fenêtre et bouscula la femme par au-dessus. La femme fût désarçonnée assez longtemps pour qu’Ernest puisse l’attraper par le col et la balancer à l’autre bout de la pièce. Puis, il retourna vers ses autres assaillants.

Hugo ne prit pas le temps d’observer le combat, cette fois-ci. Basile, Evie et lui se ruèrent vers le vélux, et grimpèrent tant bien que mal sous les cris et les sons de mâchoires cassées. La maison était basse, et l’extrémité du toit n’était qu’à deux mètres du talus. Les cinq autres les attendaient là, debout dans l’obscurité. Basile sauta tout de suite vers eux, puis Hugo et Evie le suivirent, et tous coururent en direction de la petite route de campagne.

En passant devant la fenêtre de la chambre de Sabrina, Evie s’arrêta net. Elle regarda à travers la fenêtre, et sa bouche s’ouvrit en tremblant. Hugo regarda à son tour.

Sabrina était étendue sur le sol, près de son lit. Elle était sur le dos, les bras en croix, les yeux grands ouverts fixés vers le plafond. Elle était immobile. Une profonde entaille traversait sa gorge, mais le sang ne coulait plus.

Elle était morte.

 

Evie ne bougeait pas, mais tremblait de tout son corps. Une larme coula le long de sa joue, et tomba dans sa bouche ouverte. Hugo, mortifié lui aussi, ne pouvait se résoudre à la bousculer. Mais les six autres ne s’étaient pas arrêtés, et ils s’éloignaient sans se retourner. En plus, Hugo entendit le vélux d’où ils étaient sortis se briser.

— Evie, s’il-te-plaît, chuchota doucement Hugo. Il ne faut pas rester là. Ils arrivent.

Evie tourna lentement sa tête vers lui, et plongea son regard dans celui d’Hugo. Puis, elle acquiesça. Tous les deux poursuivirent alors les autres.

 

        Sur la route, ils trouvèrent un grand buisson derrière lequel il y avait un espace bien caché, assez large pour huit enfants. Ils s’y assirent en silence, et attendirent. Tous tremblaient, reniflaient, mais seuls Evie et Hugo avaient vu ce qui était arrivé à Sabrina.

— Personne n’a de miroir ? tenta désespérément Alice.

Personne ne répondit à voix haute, mais tout le monde fit « non » de la tête.

Au bout de quelques minutes, Lily sursauta. La tête d’Ernest venait d’apparaître au-dessus d’eux. Il avait le visage ensanglanté, et était à bout de souffle. Sans dire un seul mot, il s’allongea près d’Evie et respira profondément.

— Ernest ? fit Basile. Est-ce que ça va ?

— Ça va, souffla ce dernier. Ils sont partis.

— Qui était-ce ? demanda timidement Entis.

— ‘Sais pas. ‘Leur ai pas demandé. Mais vous êtes en sécurité, maintenant.

— Où est Sabrina ? demanda Lily.

Ernest prit une longue inspiration.

— Ils… Ils l’ont… Elle a été…

— Elle est morte, coupa Evie. On l’a vue, avec Hugo.

Evie ne pleurait plus, mais elle tremblait comme jamais. Hugo, lui, versa une petite larme. Basile poussa un juron, et Alice se mit à sangloter. Evie s’allongea près d’Ernest. Tous deux s’enlacèrent.

 

        Ils restèrent ainsi, dans le calme et le silence, à attendre les secours.

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