La mort est une fin heureuse

Chapitre 6 : La légende racontée par les enfants

5550 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/03/2024 10:13

Hugo, Juin 2020.

 

— Alors, comment ça s’est passé ? demanda Evie.

Hugo venait à peine d’arriver dans la salle commune de Serdaigle. Il sortait tout juste de son examen pratique de sortilèges, le tout dernier examen de l’année. Et comme il était le dernier dans l’ordre alphabétique, il avait été le dernier à passer. Au moment où il était entré dans la salle commune, ils étaient donc tous officiellement en vacances.

        Cependant, certaines personnes étaient trop angoissées de ces examens, et ne pouvaient s’empêcher d’en reparler après coup une dizaine de fois. C’était le cas d’Evie.

        Hugo haussa les épaules.

— T’as vraiment besoin de savoir ? répondit-il avec un sourire provocateur. Tu sais très bien que j’ai trouvé ça facile.

— Et voilà ! On va encore se faire humilier par le rouquin ! s’exclama Basile.

— Attend, tout n’est pas écrit, répliqua Alice, moi je peux au moins égaliser sa note.

— Oui, mais nous autres communs des mortels n’arrivons pas à ta cheville, Alice, plaisanta Basile, et nous n’apercevons même pas les talons d’Hugo. Nous devons nous serrer les coudes entre nous seulement pour espérer réussir. Pas vrai Lorcan ? ajouta-t-il en tapant amicalement le dos de l’intéressé.

— Parle pour toi, répondit-il avec fierté, moi j’ai brillamment réussi à faire exploser ma pastèque.

— La faire exploser ? s’écria Basile en s’écroulant de rire. Mais il fallait la faire s’éplucher !

— Quoi ? Mais… Aah ! C’est pour ça que Flitwick n’avait pas l’air content ! En plus il avait de la pastèque partout sur le visage !

Tandis que tout le monde éclata de rire, Basile reprit la parole.

— Si on résume, Alice et Hugo sont beaucoup trop forts pour nous, et Lorcan est complètement paumé. Il ne reste plus que nous dans notre catégorie, Evie.

— Et encore, je suis particulièrement satisfaite de mes examens, répondit-elle. Je pourrais même te battre, pour une fois.

Basile poussa alors un grand rire forcé.

— Evie, je veux pas de démoraliser, intervint Hugo, mais je suis passé juste après Basile à chaque examen pratique, et il a vraiment bien géré.

— Ah oui, et tu penses que je ne peux pas être meilleure que lui ? répliqua Evie en fronçant les sourcils.

— Je dis pas ça… C’est juste que… Il t’a battue à tous les devoirs depuis le début de l’année… Donc statistiquement…

— Statistiquement ?! s’indigna Evie. Tu sais, moi et les probabilités… Je vais t’en montrer des statistiques, moi ! On va faire un pari. Si j’ai une meilleure moyenne que Basile aux examens, je gagne.

— Très bien, approuva Hugo. Mais s’il gagne, et je pense qu’il va gagner, tu nous écris à chacun une lettre par semaine pendant tout l’été en nous disant à quel point on te manque. Y compris Lily et Lysander !

Evie ouvrit la bouche, horrifiée. Puis, elle eut une idée.

— J’accepte. Mais en échange, si je gagne, Lily et toi accepterez de nous raconter à tous la véritable histoire de votre famille !

— Oh oui ! s’écria Alice. Mon père ne m’a jamais rien dit !

— Mais c’est génial, ça, dit Basile, dans tous les cas je suis gagnant !

— Oui, tu n’as pas l’impression que ce pari s’écarte un peu du fait que c’est entre Basile et toi, et que je ne suis pas vraiment concerné ? dit Hugo à l’adresse d’Evie.

— Alors, tu refuses le défi ? répliqua Evie, imperturbable. Remarque, ça m’étonne pas tellement. Tu t’en fiches, toi, haut perché dans ton nid de premier de la classe.

Hugo soutint le regard d’Evie. Il était évident qu’il n’allait pas se faire avoir par sa provocation. Mais en même temps, il aimerait bien avoir une lettre par semaine de la part d’elle pendant l’été. Et en plus, il considérait qu’il était peut-être temps pour Evie, et pour les autres, d’en savoir un peu plus sur leur famille légendaire.

        En effet, Lily et Hugo avaient toujours catégoriquement refusé d’entrer dans les détails de ce qui s’était passé pour leurs parents pendant la dernière guerre des sorciers. D’abord parce que leurs parents eux-mêmes avaient mis du temps avant de leur en parler, et qu’ils leur avaient formellement interdit de tout raconter, mais aussi parce qu’ils voulaient être reconnus autrement que par les exploits de leurs parents.

        Mais en y réfléchissant, Hugo était venu à la conclusion qu’en tant que premier de classe dans toutes les matières, il était parfaitement parvenu à se démarquer des autres à lui tout seul. Il répondit alors :

— C’est d’accord, j’accepte.

Tandis que Lorcan, Alice et Evie sautèrent de joie, Basile commenta :

— Pour une fois que j’espère être battu à plate couture…

 

*       *       *

 

Le samedi suivant, ils étaient tous assis à la table des Serdaigle dans la Grande Salle. Ils attendaient impatiemment que le professeur Flitwick leur distribue leur compte-rendu de leurs examens.

        Quand Hugo avait parlé de son pari à Lily, il s’était attendu à une réaction colérique. Mais elle avait soupiré, et avait répondu « Bah, de toute façon il va bien falloir leur raconter un jour ».

        Flitwick s’approcha de leur petit groupe. Il commença par Evie.

— Miss Erskine ! De très beaux progrès ! Tous les professeurs sont unanimes : vos efforts visibles durant ces dernières semaines ont porté leurs fruits. Quinze virgule sept sur vingt, bravo ! Cela fera donc seize points pour Serdaigle !

Evie poussa un rugissement de satisfaction, ce qui amusa Flitwick. Celui-ci passa à Lorcan.

— Monsieur Dragonneau… Vos aptitudes en magie sont conséquentes, votre compréhension des consignes pourtant simples l’est un peu moins. Il vous faudra faire attention à l’avenir. Onze sur vingt, onze points pour Serdaigle !

Lorcan choisit ce moment pour bailler, et Flitwick lui lança un regard indigné.

— Miss Londubat… Excellent, excellent ! Votre père était très fier de découvrir tous vos résultats durant le conseil de classe. Dix-neuf virgule deux sur vingt ! Dix-neuf points pour Serdaigle !

Alice, rouge comme une tomate, remercia chaleureusement Flitwick.

— Monsieur Weasley… Que vous dire de plus que ce qui ne vous ait déjà été dit durant l’année ? Tout simplement parfait, vingt sur vingt, vingt points pour Serdaigle.

Hugo, absolument pas surpris, remercia Flitwick avec nonchalance. Tous attendaient à présent le résultat de Basile.

— Monsieur Trefflingham… c’est tout à fait correct aussi ! J’avoue avoir été particulièrement impressionné par votre prestation lors de l’examen de sortilèges, mais je ne m’attendais pas à ce que vous ayez autant progressé dans les autres matières également. Voyez-vous, j’étais assez inquiet par rapport à ce que m’avait dit le professeur Lupin vis-à-vis de vos…

— Excusez-moi, monsieur, coupa Basile, mais il y a pari en cours ! Combien j’ai eu ?!

— Heu… Oui, certainement. Vous avez obtenu quinze virgule quatre sur vingt, donc quinze points…

Le pauvre Flitwick n’eut pas le temps de terminer sa phrase, car Basile, Evie, Lorcan et Alice venaient de sauter de leur banc pour hurler de joie. Flitwick leur lança un regard surpris et interrogateur, puis s’éloigna, un léger sourire aux lèvres.

 

*       *       *

 

        L’après-midi, tous les sept se rejoignirent donc sous un hêtre, au bord du lac dans le parc de Poudlard. Le temps était magnifique, et Hugo trouvait que c’étaient d’excellentes conditions pour raconter une histoire. Lily et lui s’assirent au pied du vieil hêtre, et les cinq autres s’installèrent en rond autour d’eux. Amusé, Hugo prit la parole.

— Bien. J’imagine que vous savez déjà ce que tout le monde sait.

En cœur, Basile, Alice et les jumeaux répondirent « Oui », mais Evie répondit « Non ». Hugo soupira.

— Bon, pour ce qui est des faits de bases qui peuvent être lus dans n’importe quel livre de la bibliothèque, veux-tu bien nous faire l’honneur, Basile ?

— Avec plaisir, cher ami, sourit Basile en se tournant vers Evie. Alors, autant commencer par le plus percutant. Il existe dans le monde des sorciers trois Sortilèges Impardonnables, dont un qui donne la mort, l’Avada Kedavra. Ce sort est impossible à parer, même avec un charme du Bouclier, et celui qui reçoit ce sort meurt instantanément. Eh bien son père – il désigna Lily d’un signe de tête – s’en est pris un en plein tronche quand il était bébé. Il a survécu. Il est le seul à y avoir survécu dans l’Histoire de la Magie. Depuis, on l’appelle Le Survivant.

— Quelle entrée en matière, s’affola Evie en regardant Lily avec des yeux ronds.

— En plus, c’est Lord Voldemort qui le lui a lancé, le mage noir le plus puissant du monde des sorciers. Mais son Sortilège de Mort a rebondi sur le p’tit Harry Potter, et il se l’est pris en plein fouet. Il a disparu. À l’âge d’un an, Potter était déjà un héros. Mais un orphelin. Ses parents, James et Lily Senior, ont été tués.

Même si seule Evie ignorait ces faits, tout le monde était captivé par ce que disait Basile. Il était un excellent orateur.

— Quatorze ans plus tard, Voldemort est revenu, mais seul Potter a assisté à sa renaissance. Personne ne l’a cru, le ministère et la presse l’ont discrédité. La moitié des sorciers le prenaient pour un fou complotiste. Potter et ses amis se sont battus contre les Mangemorts – les partisans de Voldemort – au Département des Mystères, sous le nez du ministre, et Sirius Black, le parrain de Potter, est mort en traversant le Voile de la Mort…

— Ne demande pas, coupa Lily en voyant la moue d’incompréhension d’Evie, personne ne sait ce que c’est.

— Puis, le ministre a enfin vu Voldemort de ses propres yeux, reprit Basile. Potter a à nouveau été placé au rang de héros. « L’Élu », le seul capable de vaincre Voldemort. Puis, quand Potter avait dix-sept ans, Voldemort a réussi à infiltrer et à corrompre le ministère. Potter est alors devenu l’Indésirable Numéro Un. Pendant un an, l’Année des Ténèbres, ce fût le chaos. Potter était un fugitif, avec ses parents – il désigna Hugo d’un signe de tête – les enfants de Moldus étaient considérés comme impurs, comme des voleurs de magie, et étaient pourchassés. Potter, lui, menait sa quête avec Ron Weasley et Hermione Granger, sous les ordres du défunt Albus Dumbledore – tu sais, c’est le plus grand sorcier de tous les temps.

— Après Hugo, bien sûr, commenta Alice, ce qui fit rire les autres.

— On dit qu’ils ont réussi à pénétrer les endroits où ils étaient le plus recherchés : le ministère, la base de Voldemort, Gringotts, et enfin Poudlard. Quand ils sont arrivés à Poudlard, Voldemort les avait suivis, avec une armée. Alors ils se sont battus, eux et tous les sorciers présents. La Bataille de Poudlard est entrée dans la légende. Beaucoup sont morts. Mais Potter a finalement décidé de se rendre, car Voldemort était trop puissant. Il l’a tué.

Evie poussa un léger cri étouffé, prise dans l’action. Puis, elle réfléchit, et fronça les sourcils en signe d’incompréhension.

— Mais attend, tu étais déjà née, Lily, à ce moment-là ?

— Quand tous les espoirs semblaient perdus, coupa Basile, quand Voldemort exhiba le corps inerte de leur héros, du symbole de leur résistance, Potter se leva à nouveau. Il revint à la vie. Il fit peur aux partisans de Voldemort qui prirent la fuite. Puis dans un combat singulier, il abattit Voldemort. La guerre était gagnée. Potter est devenu l’Immortel.

Un long silence s’ensuivit.

— Et vous dites qu’il y a encore plus fabuleux à cette histoire ? demanda Evie à l’adresse de Lily, surexcitée.

— Oh, oui, répondit Lily avec fierté. Mais c’est une histoire que je préfère écouter plutôt que raconter.

— Ok, commença Hugo. Maintenant que vous en êtes tous au même niveau, nous allons pouvoir aborder les choses sérieuses. D’abord, un petit point sur le retour de Voldemort. Il avait déjà essayé de revenir à la vie trois ans plus tôt, lorsque la Pierre Philosophale avait été cachée à Poudlard. Voldemort avait pris possession d’un des professeurs. Harry et mes parents ont tous les trois arrêté Voldemort à temps. Ils avaient onze ans.  

— Quoi ?! s’écria Alice. La Pierre Philosophale ?! Mais comment est-ce possible que personne ne le sache ?!

— Parce que Dumbledore a tout fait pour éviter le projecteur sur des élèves de onze ans, répondit Hugo. Il a simplement annoncé que la Pierre avait été détruite.

— Parce qu’en plus elle est détruite ? demanda Basile.

— Dis, Basile, tu veux bien le laisser raconter l’histoire ? intervint Lily.

— Désolé, rit Basile.

— Bon. Lors de leur deuxième année, Poudlard a subi de nombreuses attaques. La Chambre des Secrets a été ouverte.

— Quoi ?!

— Basile !

— Désolé…

— C’est quoi, la Chambre des Secrets ? demanda Evie.

— C’est un chambre secrète construite à Poudlard par le fondateur Salazar Serpentard lui-même, que seul son véritable héritier peut trouver et ouvrir, et dans laquelle se cache un monstre qui assurerait les volontés de Serpentard à savoir l’éradication des élèves nés-moldus, récita Basile à toute vitesse.

— Mais c’est horrible ! s’affola Evie. Je suis née-moldue, je suis en danger !

— Ne t’en fais pas, assura Hugo. Harry et mon père ont trouvé la Chambre, sont entrés et ont tué le monstre.

Basile éclata de rire. Ses nerfs étaient définitivement hors de contrôle.

— Ça, mon père me l’avait dit ! commenta fièrement Alice.

— Et quel était ce monstre ? demanda Lorcan.

— Un basilic, répondit simplement Hugo.

— Un basilic ? répéta Evie. Comment une plante a-t-elle pu…

— Le basilic est un monstre antique ayant la forme de serpent géant, expliqua Lysander. On le surnomme parfois le Roi des Serpents. Son venin peut vous tuer en quelques minutes, et si vous croisez son regard ne serait-ce qu’une fraction de seconde, vous mourrez sur-le-champ.

— Et ce truc-là se baladait en liberté dans le château ? s’horrifia Evie.

— Oui, enfin dans la plomberie, répondit Hugo.

— Et qui avait ouvert la Chambre ? demanda Alice.

— Ma mère, dit simplement Lily. Enfin, était possédée par Voldemort, ajouta-t-elle en voyant les visages effarés d’Alice, de Lysander et d’Evie. Donc c’est plutôt Voldemort qui a ouvert la Chambre… D’ailleurs, il a essayé d’enlever ma mère et l’a enfermée dans la Chambre avec le basilic. Heureusement, mon père et mon oncle l’ont sauvée.

— Mais vous avez une famille de badass !! cria Evie, qui n’en pouvait plus. Ils étaient hyper jeunes en plus, c’étaient les Goonies en fait !

        Personne ne releva la référence probablement obscure d’Evie, et elle les regarda silencieusement avec un petit sourire, comme si elle attendait que quelqu’un comprenne enfin, et se mette à rire. Mais ce moment ne vint pas.

— Bon, ben continue alors ! se reprit Evie.

— Très bien. Quand ils étaient en troisième année, il était de notoriété publique que Harry était pourchassé par un mage noir qui venait de s’échapper d’Azkaban. Sirius Black, le parrain de Harry. Apparemment, il était celui à cause de qui les parents de Harry avaient été tués par Voldemort. Durant toute l’année, ce mage noir a réussi à pénétrer dans l’école deux fois, il est même parvenu à entrer dans la salle commune de Gryffondor durant une nuit. Mais à la fin de l’année, Harry et mes parents ont découvert que ce mage était innocent, et qu’il traquait en réalité le véritable traître, un animagus qui s’était caché sous la forme d’un rat pendant douze ans dans la famille de mon père.

Hugo avait raconté tout ça d’une traite, et cela avait eu son petit effet.

— Ouah ! fit Alice.

— Et du coup, le prisonnier a été innocenté ? demanda Evie.

— Non, dit Hugo. Le véritable coupable s’est échappé, et est parti rejoindre Voldemort. Du coup, Sirius Black s’est fait arrêter dans le parc de Poudlard. Il a été condamné à mort. Mais Harry et ma mère l’ont sauvé grâce au Retourneur de Temps qu’avait ma mère.

À ces mots, Basile sursauta, et regarda par-dessus son épaule comme pour vérifier les parages.

— Un… un Retourneur de Temps ? balbutia-t-il. Ta mère a un Retourneur de Temps ?

— Non, elle l’a rendu au ministère quelques semaines après. Et d’ailleurs, ils ont tous été détruits depuis. 

— Qu’est-ce que c’est, un Retourneur de Temps ? demanda Evie.

— C’est un objet magique qui permet de retourner quelques heures dans le passé, expliqua Basile. C’est extrêmement rare et dangereux. C’est incroyable que ta mère ait pu s’en procurer un. 

— Et qu’est devenu Sirius Black ? demanda Alice.

— Il a pris la fuite, répondit Hugo. Malgré ce que disaient nos parents, tout le monde le croyait coupable. Il a quitté le pays, mais est revenu tout de suite après pour rejoindre l’Ordre du Phénix.

— Le quoi ? s’écria Evie.

— L’Ordre du Phénix. Une société secrète fondée par Albus Dumbledore lui-même pour lutter contre Voldemort et ses partisans. Il l’a refondée le jour-même où Harry a annoncé le retour de Voldemort.

— J’avais compris que personne ne le croyait ? dit Lysander.

— En fait, c’est plus compliqué. Lors de leur quatrième année…

— Hé, petit génie, coupa une voix forte et grave venant de derrière Hugo.

Hugo se retourna et vit Dinah Mokrane, une élève de Gryffondor de deuxième année, qui se tenait à quelques mètres d’eux, seule. Hugo n’aimait pas beaucoup Mokrane. Ils s’étaient rencontrés dans le hall d’entrée, quand Hugo avait vu pour la première fois les sabliers géants, et avait réalisé à quel point Serdaigle avait de l’avance sur les autres maisons grâce à lui. Malheureusement, il l’avait réalisé à haute voix, et Mokrane l’avait entendu. Elle l’avait trouvé particulièrement prétentieux – et peut-être n’avait-elle pas eu tout à fait tort – et s’était moquée de lui. Depuis, à chaque fois qu’elle le croisait, elle lui mettait une petite tape derrière le crâne en murmurant « Fais gaffe à ta tête, petit génie ! ».

        Hugo soupira.

— Tu expliques à tes copains comment endormir une manticore ? lança-t-elle. C’est facile ça, petit génie, il suffit que tu lui racontes ta vie…

— La ferme, Mokrane ! s’écria Basile. Il est en train de nous raconter comment vous autres les Gryffondor vous êtes fait annihiler au Quidditch par les Serdaigles, cette année !

— Hé ! protesta Lily.

— Désolé, Lily, plaisanta Basile. Allez va-t’en, Mokrane !

— Crois-moi, je n’ai aucune intention de rester pour l’écouter, ricana Mokrane en s’éloignant.

— Merci, Basile, reprit Hugo sans un regard en arrière. Bon, comme je disais, lors de leur quatrième année, une nouvelle édition du Tournoi des Trois Sorciers a eu lieu à Poudlard. Il s’agit d’un tournoi opposant un champion de chacun des trois plus grandes écoles de magie d’Europe : Durmstrang, Beauxbâtons, et Poudlard. Seuls les élèves de plus de dix-sept ans pouvaient concourir à ces épreuves, difficiles comme dangereuses. Sauf que quelqu’un a ensorcelé la Coupe de Feu – une coupe magique qui sert de sélectionneur des champions – et Harry a été nommé quatrième champion.

— Inédit, pour un Tournoi des Trois Sorciers, commenta Basile. Je commence à avoir l’impression que le jeune Harry Potter n’a pas eu une scolarité des plus paisibles.

— Et tu as tout à fait raison, reprit Hugo. Harry a failli mourir une demi-douzaine de fois pendant ce tournoi. Le pire, c’est que la troisième épreuve consistait à s’emparer d’un trophée avant les autres. Mais celui qui avait ensorcelé la Coupe, a aussi ensorcelé le trophée. Quand Harry et l’autre champion de Poudlard l’on pris en même temps, ils ont été transportés là où se trouvait Voldemort, ainsi que son serviteur qui l’a rejoint dont j’ai parlé tout à l’heure.

— Ah oui, le rat, fit Evie.

— Oui. Voldemort a fait tuer le deuxième champion de Poudlard, et a utilisé le sang de Harry pour revenir à la vie. Puis, il a appelé tous ses anciens partisans. Harry était seul, à quatorze ans, à des centaines de kilomètres de Poudlard, entouré de Voldemort et d’une trentaine de Mangemorts, un ami mort à ses côtés.

— La vache, le traumatisme… dit Alice, horrifiée.

— Il a réussi à s’échapper. Je ne sais pas comment. Pour lui-même, c’était un peu flou. Mais il a ramené le corps du champion de Poudlard, ainsi que l’information cruciale : Voldemort était de retour. Et c’est là que les sorciers se sont divisés. Le ministre de l’époque, qui était présent, n’en a pas cru un mot. Il pensait que c’était un complot de Dumbledore pour récupérer son poste, bref, un idiot. Dumbledore a donc dû refonder l’Ordre du Phénix en secret. Sauf qu’à cause des idioties du ministères, Voldemort a pu reprendre de sa puissance en toute discrétion.

— Génial, dit Evie. Super, le gouvernement.

— En plus, pendant leur cinquième année, le ministère a envoyé une de leurs employées pour espionner Dumbledore. Une horrible harpie. Aujourd’hui, elle est encore à Azkaban, d’ailleurs. Pendant que Harry l’avait dans le collimateur, Voldemort a réussi à établir une connexion entre leurs esprits. Il a manipulé ses pensées afin de lui faire croire qu’il avait capturé son parrain, Sirius Black, dans une salle secrète du ministère. Tous nos parents, ainsi que ton père – Hugo fit un signe à Alice – et votre mère – il désigna les jumeaux – se sont rués là-bas pour le sauver, mais c’était un piège, il n’y avait que des Mangemorts pour les cueillir. Sauf que l’Ordre du Phénix est arrivé pour les aider, et Sirius est mort ce soir-là. Comme l’a dit Basile, il a traversé la Voile du Département des Mystères…

— Attendez… Je comprends toujours pas, c’est quoi ce truc ? interrogea Evie.

— Le Département des Mystères est l’endroit où sont effectuées les recherches top secrètes des sorciers, expliqua Basile. Une sorte de zone 51 des sorciers. Et dedans, il y a un Voile mystérieux, que personne ne comprend – puisque c’est autour de lui qu’a été bâti le Département – qui tue tous ceux qui le traversent.

— Mais c’est tellement flippant ! s’exclama Evie. 

— Eh oui, acquiesça Basile. Et encore, tu n’as pas idée des rumeurs qui circulent à propos de toutes les atrocités qu’il y a au Département des Mystères !

— Ah oui ? s’intéressa Lorcan. Quoi, par exemple ?

— Bon, et si nous revenions à nos veracrasses ? coupa Lily.

— Oui, pardon, répondit Basile. Vas-y, Hugo.

— Juste après, reprit Hugo, Voldemort a essayé de posséder Harry, mais le ministre a débarqué, et l’a vu de ses propres yeux. Son retour était donc devenu public, Harry est redevenu un héros, etc. Pendant sa sixième année, Harry a suivi des cours particuliers avec Albus Dumbledore lui-même afin de pouvoir vaincre Voldemort. Mes parents étaient aussi au courant, mais ils ne m’ont jamais répété ce qu’ils faisaient. Je crois que ça avait quelque chose à voir avec le passé de Voldemort. Enfin bref, avant que Harry n’ait eu le temps de tout apprendre, Dumbledore a été assassiné par un des profs à l’époque, Severus Rogue.

— Par un prof ? s’écria Evie.

— Oui, confirma Hugo. En plus, juste après, Voldemort a réussi à corrompre le ministère, et ce prof-là est devenu le directeur de Poudlard. Mais Harry et mes parents ne sont pas retournés à Poudlard pour leur septième année, d’une part parce qu’Harry, à cause de la pression du nouveau gouvernement qui l’avait fait passer pour l’assassin de Dumbledore, était devenu l’Indésirable Numéro Un, mais qu’en plus il a décidé de continuer la quête qu’il avait commencée avec Dumbledore.

— En quoi consistait cette quête ? demanda Lysander.

— Nos parents sont toujours restés flous à ce sujet, répondit Hugo. Mais en gros, ils cherchaient des objets spécifiques qui les aideraient à tuer Voldemort. D’ailleurs, personne ne savait que mes parents aidaient Harry. Mon père a déguisé la goule de sa maison pour faire croire qu’il était toujours là-bas atteint d’éclabouille. Et ma mère s’est effacée elle-même de la mémoire de ses propres parents pour pas qu’on ne la retrouve, et a été portée disparue.

— C’est horrible, fit Evie.

— Ils ont localisé le premier objet en plein ministère, là où le visage de Harry en tant qu’indésirable était partout. Ils ont réussi à y entrer avec du polynectar, ont pris l’objet, et y sont ressortis de justesse, en sauvant au passage toute une ribambelle d’innocents qui allaient être envoyés à Azkaban. Ils ont localisé le deuxième objet à Gringotts, dans la chambre forte d’une Mangemort.

— Alors c’était vrai ! s’écria Basile, tout excité. Comment ils ont fait pour entrer ? Et pour sortir ?!

— Pour entrer, ils ont eu de l’aide de la part d’un gobelin qu’ils avaient sauvé au préalable. Mais celui-ci les a trahis en plein milieu du casse.

— Argh, comment ont-ils fait pour sortir ?!! s’exclama Basile et se leva.

Hugo sourit, car il savait que la réponse allait rendre Basile fou.

— Ils sont montés sur le dos du dragon qui gardait les coffres, et l’ont laissé s’échapper.

À ces mots, Basile éclata à nouveau de rire, tout en faisant les cent pas.

— Mais non mais… parvint-il à prononcer. Mais qu’est-ce que… Mais c’est incroyable !

— C’est tellement classe, commenta Alice.

— C’était quoi comme dragon ? demanda Lorcan.

— Allez, continue l’histoire ! supplia Evie.

— Ok, continua Hugo. Enfin, ils ont localisé le dernier objet à Poudlard. Ils ont réussi à s’introduire dans le château et à trouver l’objet, mais Voldemort les a suivis avec une armée entière. Il a attaqué le château. C’était la Bataille de Poudlard. Finalement, pendant cette bataille, nos parents ont appris que le prof qui avait tué Dumbledore l’avait fait sous les ordres de ce dernier, afin de gagner la confiance de Voldemort, et de veiller sur Poudlard en tant que directeur.

— Oh, un agent double ? fit remarquer Evie.

— Exactement. Mais il est mort lui aussi pendant la bataille. Finalement, nos parents ont perdu plein de proches. Beaucoup d’élèves. Quelques professeurs. Mon père a perdu un frère.

— Ah bon ? s’étonna Alice. Parmi tes cousins, certains sont orphelins ?

— Non, ils sont tous nés après la bataille, qui a eu lieu en 1998. La plus vieille, Victoire, est née en 2000. Mais le père de Freddie et Roxanne avait un frère jumeau, avant. C’est avec lui qu’avait été créé le magasin Farces pour sorciers facétieux, à l’origine. Il avait vingt ans.

— C’est tellement triste, fit Evie.

— Oui. Et les deux parents de Teddy Lupin sont morts pendant la bataille, eux aussi. Teddy avait à peine deux mois.

— Quoi ?! s’écria Alice. Le professeur Lupin est orphelin ?

— Oui, répondit Lily. Il a été élevé par sa grand-mère, ainsi que mon père, son parrain.

— Le parrain du professeur Lupin est Harry Potter ?! beugla Evie. La vache. Je vais peut-être arrêter de rêvasser pendant ses cours, moi…

Tandis que Lysander et Basile éclataient de rire, Hugo reprit son histoire.

— Face à toutes ces morts, Harry partit se rendre auprès de Voldemort. Celui-ci lui a lancé un Avada Kedavra.

— Mais Harry est un coriace, il va ressusciter ! dit Evie avec fierté.

— Eh non, perdu, répliqua Hugo. Il ne va pas ressusciter, car il n’a pas été tué. Il a à nouveau survécu. Ne me demande pas comment, je ne sais pas.

— Mais il est tellement badass, dit Evie.

— Il a feint sa mort jusqu’à ce que Voldemort ramène son corps au château. Puis, dans un élan de désespoir, tout le monde a chargé ! Depuis le château, depuis Pré-au-Lard, depuis la forêt. Ensuite, dans la confusion générale, Harry s’est caché. Et il a réapparu sous le nez de Voldemort, dans la Grande Salle. Et là, devant tout le monde, il lui a parlé. Il l’a humilié, il lui a dit comment il avait trouvé les objets pour le tuer, comment il avait une baguette plus puissante, ou je ne sais quoi.

Basile haussa les sourcils.

— Et alors, reprit Hugo, ils se sont lancé un sort en même temps. Voldemort, l’Avada, et Harry l’Expelliarmus. Et Voldemort est mort. Et voilà.

Tous les cinq spectateurs applaudirent à tout rompre. Deux élèves de quatrième année qui passaient par-là sursautèrent.

— Franchement, dit Basile avec allégresse, votre histoire de famille est fabuleuse. On n’aurait pas dit, de l’extérieur, parce que vous ressemblez surtout à une belle bande de babouins braillards à cheveux roux, mais vous avez mon respect à vie.

— Ce qui me choque le plus, ajouta Alice, c’est à quel point le monde a changé entre ce que tu as raconté, et ce qu’on connaît aujourd’hui.

— C’est clair ! acquiesça Evie. Toute cette haine envers les nés-moldus d’il y a vingt ans, c’est terrifiant.

— Bon maintenant écoutez-moi, coupa Hugo qui était cependant content de ces compliments. Je n’avais pas le droit de raconter tout ça, et je l’ai fait quand même. Ça ne veut pas dire que vous pouvez raconter ça à tout bout de champ. La plupart des sorciers connaissent la version qu’a dite Basile, et c’est très bien comme ça. C’est compris ?

— Oui, oui ! chantèrent en chœur tous les autres.

Les sept amis se levèrent et marchèrent lentement et joyeusement en direction du château, sans se soucier le moins du monde du regard moqueur que leur lançait Dinah Mokrane depuis le petit rocher où elle était assise. Derrière eux, le soleil écarlate disparaissait dans les montagnes.

Basile ne pût s’empêcher de commenter :

— Quand même, vu les exploits de vos parents, c’est à se demander comment vous allez faire pour vous faire remarquer !

Hugo lui donna un léger coup de coude en souriant.


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