L'évadé du clair de Lune
Au bout d’un temps de sidération, Sirius ramena le corps de Harry contre lui, refusant de croire au cauchemar dont il venait d’être témoin.
— Non ! Ce n’est pas possible ! Non, murmura-t-il.
Hagard devant l’absence de réaction du petit garçon, il le berça en regardant désespérément autour de lui à la recherche de quelqu’un qui pourrait aider, tout en continuant de répéter :
— Non ! Non ! C’est pas vrai !
Assis par terre, impuissant, continuant à bercer Harry autant qu’il se berçait lui, il regarda derrière lui :
— Remus ? Harry… Il… Remus ? Aide-moi, il faut le soigner, il faut…
Mais Remus ne répondait pas, il ne l'entendait même pas, trop occupé à repousser encore et toujours les assauts de Alecto Carrow, rendue folle par la perte de son frère jumeau, assommé par Rogue quelques instants plus tôt.
Sirius gémit, se maudissant de n’avoir été que peu attentif lors des leçons traitant des sorts de soins. Il avait toujours été plus à l’aise en attaque, surtout au côté de James, et ils laissaient les secours à Lily qui y excellait. Partage des tâches, comme disait son ami. Ils étaient jeunes et insouciants, ils se sentaient immortels. Quelle belle connerie.
Il reporta son attention sur Harry, toujours immobile, les yeux fermés dans ses bras. Il avait cinq ans, James et Lily lui avait demandé de veiller sur lui s’il devait leur arriver malheur. Et voilà, à peine Sirius l’avait retrouvé, que leur fils gisait, dans ses bras, inerte. Sa poitrine ne se soulevait plus, il devenait de plus en plus pâle, presque gris. Il était…
Il était…
Sirius gémit encore, retenant des sanglots avec difficulté. Il releva la tête, et chercha désespérément le seul qui pouvait, selon lui, le sortir de ce cauchemar.
— Professeur, supplia-t-il, Harry…
Mais Dumbledore était, lui aussi, toujours en plein combat contre Voldemort. Leurs sortilèges se mêlaient les uns aux autres pour entourer les deux sorciers d’un tourbillon de débris, de verre cassé ou de poussière, les isolant de l’extérieur. Voldemort grimaçait sous l’effort pour maintenir le niveau face à celui qu’il avait toujours craint et si Dumbledore souffrait lui aussi, il n’en laissait rien paraître.
Sirius dut se rendre à l’évidence, le vieux sage ne pourrait pas l’aider non plus. Il était seul. Il avait causé cette situation, seul. Il avait failli à son devoir, seul. Et il allait devoir en assumer les conséquences, seul.
Harry était…
Son filleul était…
Non…
Non, ce n’était pas possible. Il ne pouvait pas être… Il… Non…
Sirius posa le petit corps devant lui et posa sa main sur le torse du jeune garçon. Puis il regarda autour de lui : le bruit dans la salle à manger était assourdissant, les sorts volaient en tous sens dans un brouhaha où il était presque impossible de discerner les incantations, rendant la défense plus difficile encore. Des gerbes d'étincelles de toutes les couleurs fusaient partout, détruisant les objets de collection qui décoraient le manoir des Malefoy, s’écrasant contre les murs, projetant dans les airs des éclats de plâtre, de bois ou de porcelaine toujours plus nombreux. Des tableaux avaient pris feu et les portraits criaient, rajoutant leurs voix au vacarme ambiant.
Sirius comprit alors : personne ne faisait attention à eux, personne n’avait voulu toucher Harry, pas même Voldemort, entièrement absorbé par son combat. C’était juste un accident, un putain d’accident qu’il aurait pu éviter s’il avait réussi à mettre Harry à l’arbi avant le début du combat.
C’était sa faute.
Tout était de sa faute.
Sirius n’avait pas dormi depuis plusieurs jours et ses nerfs avaient été mis à rude épreuve à Azkaban, pendant sa cavale avec Sélène puis à Sainte-Mangouste à son chevet. La peur de la perdre, le deuil de James et Lily qu’il n’avait toujours pas réussi à faire, la culpabilité de ne pas avoir réussi à sauver son frère, tous ces sentiments lui avaient explosé à la gueule en voyant Peter. Sirius n’avait plus rien maîtrisé et son impulsivité avait fait le reste.
Tout était de sa faute.
A genoux à côté du corps immobile de son filleul, Sirius posa les mains sur ses cuisses et serra les poings. Il s’enfonçait les ongles dans ses paumes pour effacer cette douleur qui lui oppressait le cœur. Il avait mal au point d’avoir du mal à respirer. Il serrait les dents et les paupières pour retenir les larmes qui menaçaient de le submerger. Cela lui demandait un effort effroyable et il haletait.
— Ah, gémit-il alors qu’il avalait une large bouffée d’air.
Sa respiration resta coincée dans sa trachée, comme une boule, incapable d’atteindre ses poumons.
Merlin, qu’il avait mal ! Il ne voulait plus avoir mal ! Il avait l’impression de devenir fou. C’était pire qu’en présence des Détraqueurs d’Azkaban. Il imaginait, derrière ses paupières closes, les gens qu’il aimait le juger sévèrement pour son échec.
Son échec qui avait causé la mort d’un si jeune garçon.
Son filleul.
Le fils de James et Lily.
Celui que Sélène lui avait ordonné de ramener.
Il avait échoué.
Echoué.
Il ne voulait plus souffrir, il voulait oublier la douleur, oublier qui il était.
Il l’avait déjà fait, en prison, quand la présence des monstres à capuche menaçait sa santé mentale. Il se transformait toujours. Ses pensées étaient alors moins humaines et les sentiments moins forts, moins douloureux.
Peut-être pouvait-il se métamorphoser et rester un animal, pour toujours ? Qu’est-ce qui l’en empêcherait ? A qui manquerait-il ? Sélène ne voudrait probablement plus le voir quand elle saura ce qu’il avait fait, ce que sa précipitation et son impulsivité avaient causé.
Oui, c’est ce qu’il devait faire, peut-être que son cœur pourrait alors battre moins vite et lui faire moins mal.
Peut-être qu’il pourrait respirer à nouveau normalement.
Peut-être qu’il pourrait retenir ses larmes ?
Oui, voilà. Il allait redevenir Patmol et tout irait mieux. De toute façon, personne ne les regardait et puis, même... Peu importe si les autres le voyaient. Sirius irait en prison pour être Animagus non déclaré et pour tout le reste aussi. Et cette fois, il était réellement coupable.
Puis soudain, alors qu’il allait se transformer, il entendit un hoquet devant lui. Il ouvrit les yeux, persuadé que son esprit lui jouait un tour. Mais non, Harry se tortillait en gémissant. Puis soudain, les grands yeux vert émeraude le regardèrent en se remplissant de larmes. Un rire bref échappa de la gorge nouée de Sirius : pour sûr, il devenait fou. Harry bougeait.
Le p’tit bonhomme était toujours vivant et se redressait pour faire face à son parrain qui n’y croyait toujours pas.
Par miracle, pour la deuxième fois de sa courte vie, il avait réussi à survivre à un sortilège de mort.
Harry se redressa et pleura à chaudes larmes, évacuant de la seule façon qu’il pouvait la peur, le choc et l’incompréhension de ce qu’il venait de se passer. Ces pleurs, aussi déchirants furent-ils, déclenchèrent un fou rire irrépressible chez Sirius qui laissait éclater son bonheur après des instants de désespoir intense. Il en avait le vertige.
Mais devant les sanglots de Harry qui ne tarissaient pas, Sirius s’efforça de se contrôler et prit son filleul dans ses bras pour tenter de le calmer.
Que faire maintenant ? Il ne pouvait se résoudre à déserter le combat et ses camarades qui peinaient à prendre l’avantage et en même temps il ne pouvait pas abandonner Harry.
L’amener à Sélène peut-être, et revenir ? Mais cela signifiait laisser Harry sans protection pendant un temps indéterminé sans que Sélène ne puisse s’occuper de lui.
Le ramener chez son oncle et sa tante ? Sirius ne savait même pas où ils habitaient.
Rapidement, il jeta un coup d’œil autour de lui pour trouver une idée, puis ses yeux se posèrent à nouveau sur Emeline, dont le corps n’était qu’à quelques pas de lui, toujours en partie recouverte par la cape d’invisibilité. Mais oui, elle était là, la solution !
D’un coup de baguette magique, il attira la cape à lui et murmura en désignant un renfoncement à côté de la cheminée, derrière deux grands vases en porcelaine :
— Harry, il faut que j’aille aider nos amis à combattre les méchants qui t’ont enlevé. Il le faut, tu comprends ? Pour que plus aucun petit garçon comme toi ne puisse avoir peur ou avoir mal. D’accord ?
Harry leva la tête vers son parrain en l’écoutant attentivement. Il avait encore peur, Sirius pouvait le voir dans les yeux de son filleul et cela lui serrait le cœur, mais il n’avait pas le choix : il fallait qu’il aille les aider. Il allait continuer l’explication quand Harry parla, la voix encore tremblotante :
— Oui, il faut pas que d’autres enfants ont peur !
Sirius sentit une bouffée de fierté le gagner. Le courage de ce petit garçon était immense pour son âge. Oh James, il te ressemble tellement si tu savais ! Sirius sourit et montra la cape à Harry.
— On va jouer à un jeu, d’accord ? Tu vas te mettre là, au coin, et tu ne vas plus bouger. Ça, c’est la cape de ton papa. Il va te protéger de là-haut et personne, personne ne pourra te faire du mal parce que personne ne te verra tant que tu la garderas sur toi. Mais il faut que tu sois courageux et que tu ne dises rien du tout. Que tu ne fasses aucun bruit. D’accord ? Tu peux faire ça pour moi ? Et n’oublie pas : ton papa veille sur toi et c’était le plus fort de tous. Il ne laissera personne te faire du mal, ok ?
Harry hocha la tête, même si les larmes remplissaient encore ses grands yeux verts. Sirius lui sourit, lui embrassa le front avant de le couvrir de la cape.
— Courage bonhomme, je reviens vite, ok ?
— Tu promets ?
— Oui, c’est promis ! assura Sirius
— Croix de bois, croix de fer ? demanda Harry
— Si je mens, je vais en enfer, répondit Sirius en crochetant son petit doigt à celui de son filleul.
Sirius releva la capuche sur la tête de Harry qui disparut de la vue de tous, puis le poussa vers le renfoncement de la cheminée qui lui servirait d’abri de fortune. Il Sirius se tourna ensuite vers le combat avec la volonté de racheter son écart de conduite et de, peut-être, faire définitivement pencher la balance en la faveur de l’Ordre du Phénix. C’est alors qu’un rire aigu et dément le fit sursauter. Il vit avec horreur que sa cousine venait d’abattre froidement Maugrey Fol-Oeil devant la baie vitrée détruite, à l’autre bout de la pièce, et elle riait, de ce même rire qui avait résonné entre les tombes du cimetière du Père Lachaise, la veille, juste après qu’elle ait tenté de tuer Sélène.
Sirius resserra sa prise sur son arme et hurla de rage. Bellatrix tourna le regard vers lui, et tandis qu’il se précipitait vers elle pour engager le combat, elle le visa de sa baguette magique, fermant un œil. Un sort fusa et le toucha à l’épaule. Une douleur intense se diffusa dans son bras et le stoppa dans son élan. Il serra les dents. Son poing, encore teinté du sang de Peter, se referma sur la baguette de James qui irradia dans sa main, puis son poignet. Sirius sourit, féroce : son ami réclamait sa dose de combat, il allait la lui offrir.
Rageusement, il contre-attaqua mais sa cousine para en riant. Sirius enchaîna, encore et encore. Expelliarmus, Reducto, Stupefix, Petrificus Totalus. A une vitesse folle. Son ennemie cessa petit à petit de ricaner et recula sous les assauts incessants.
L’épaule gauche du jeune homme lui faisait mal. Elle était presque paralysée suite au sort qui l’avait touché et son bras pendait mollement le long de son corps. Il le sentait raide et froid. Quel maléfice Bellatrix avait-t-elle donc utilisé ? Il serra les dents, mais ne faiblit pas, malgré la douleur. En face de lui, la Mangemort ripostait sans succès : Sirius semblait comme transcendé, enchaînant les sortilèges qui affaiblissaient coup après coup sa cousine honnie. Bellatrix reculait sous l’assaut.
Sirius finit par acculer Bellatrix contre le mur et celle-ci perdit sa superbe. Des signes de panique commençaient à apparaître sur son visage. Son regard se perdait autour d’elle à la recherche d’une aide qui ne venait pas.
— Tu veux me tuer, petit cousin ? ricana-t-elle en insistant sur le « petit » dans une ultime tentative pour le déstabiliser.
— Tu ne mérites rien de plus, espèce de folle, siffla-t-il.
— Tu devras retourner à Azkaban, tu le sais ?
— Pour avoir débarrassé la communauté magique de toi, je pense plutôt qu’on me remettra l’insigne de Merlin.
Bellatrix se rua sur lui en hurlant, mais Sirius esquiva et la laissa passer, emmenée par son élan. Sa cousine se retourna vers lui pour lui lancer un dernier sort. Dès la première syllabe, il comprit. L’Avada Kedavra. Il riposta par le premier sort qui lui vint en tête, Diffindo, et qui la frappa violemment en plein coeur, la figeant dans son geste menaçant. Puis elle s’écroula. Morte.
Sirius tomba à genou, soudain épuisé et terrassé par la douleur de qui irradiait son épaule. La salle à manger du manoir était un véritable capharnaüm. Il tourna la tête vers l’unique combat qui durait encore : celui entre Dumbledore et Voldemort qui était devenu le centre de l’attention de tous les survivants, fascinés. Mais la défaite de son meilleur lieutenant avait donné un coup au Seigneur des Ténèbres, qui peinait à maintenir le niveau face au directeur de Poudlard.
En le voyant combattre ainsi, Sirius comprenait pourquoi il était celui qui avait toujours fait peur au mage noir, celui qu’il n’avait jamais osé affronter, même au fait de sa puissance. Dumbledore irradiait, littéralement, de force. Sirius était hypnotisé, incapable de bouger, le regard suspendu aux baguettes des deux sorciers, attendant le résultat du duel. Mais soudain, Dumbledore trébucha. Dans un sursaut, Sirius voulut se précipiter près de lui pour l’aider, mais le directeur l’envoya voler plus loin, l’éloignant du combat.
Sirius tomba au sol, sur son épaule endolorie. Ivre de douleur, il ne parvint pas à se relever de suite. Ce fut à ce moment-là qu’une toute petite voix se fit entendre, figeant le cœur de Sirius dans un moment de terreur intense. Une voix d’enfant. Harry. Il était sorti de sa cachette en criant, apeuré de voir la seule personne qui s’était occupé de lui repoussée aussi violemment. Il avait enlevé la cape et se tenait là, au milieu de la salle à manger des Malefoy.
Voldemort se tourna vers lui, menaçant. Ses pupilles semblables à celles d’un serpent brûlaient de haine. Harry se recroquevilla, terrorisé. Sirius, bien trop loin pour pouvoir agir à temps, hurla :
— HARRY, COURS !!
Mais alors que le petit garçon se détournait du mage noir pour s’enfuir, ce dernier leva sa baguette dans un mouvement ralenti. Sirius sut ce qui allait se produire. Il tenta de se relever, maladroitement, et trébucha en essayant d’atteindre et de protéger son filleul. Il n’y parvint pas, les étincelles vertes fusèrent vers le petit garçon.
— NOOOOOON !!!!
Mais un miracle se produisit. Encore un. Alors qu’il était au sol, Sirius vit une créature se matérialiser devant le rayon vert et hurler :
— VOUS NE FEREZ PAS DE MAL À HARRY POTTER !
Le sortilège fut bruyamment repoussé vers son auteur, telle une explosion. Et Voldemort s’écroula, un air choqué sur le visage, sans vie. Il avait été battu, par un être qu’il méprisait plus que tout. Une créature qu’il n’avait même jamais considérée comme étant digne intérêt et qui le regardait maintenant, les yeux écarquillés de terreur, voûté, la tête dans les épaules. Un elfe de maison avec deux chaussettes dépareillées aux pieds : Dobby, qui tentait de se cacher derrière son bouclier de fortune : un plateau en argent maintenant complétement bosselé.
Comment Dobby avait-il pu recevoir des vêtements ? D’où avait-il eu l’idée d’utiliser de l’argenterie comme bouclier ? Comment avait-il réussi à repousser le sortilège de Voldemort ? Sirius n’en avait aucune idée. Mais tout ce qui comptait, c’était que Harry était vivant. Il était vivant !
Alors que Dumbledore, hagard et surpris, se rapprochait du corps de Voldemort, Sirius se releva et se précipita vers son filleul, tremblant de peur, manquant de trébucher à plusieurs reprises. Il finit par s’asseoir auprès de lui et le serra contre lui de son bras droit. Le petit garçon s’accrochait à lui avec l’énergie du désespoir.
— C’est fini maintenant, Harry. C’est fini.
Puis Sirius se tut et le consola tranquillement tout en regardant autour de lui. Rares étaient ceux qui restaient encore debout et tous étaient blessés. Avec un immense soulagement, il repéra Remus, la tête en sang, mais dont le visage s’éclaira d’un sourire quand son regard se posa sur lui. Mais Sirius ne put lui rendre. Il avait cédé à la haine et mis Harry en danger. Par sa faute, Emeline, Sturgis, Diggle et Maugrey étaient morts… Parce qu’il n’avait pas été foutu de respecter le plan…
Son regard se reporta sur Peter, toujours stupéfixé. Il constata, horrifié, ce que sa haine lui avait fait faire : dans sa rage, il avait complètement défiguré son ancien camarade, à mains nues. Légèrement honteux, Sirius observa sa main droite qui maintenait Harry serré contre lui. Elle était couverte de sang. Le sien et celui de Peter. Il releva la tête vers Remus, accroupi aux côtés du traître. Le loup-garou passait sa baguette au-dessus du corps immobile de leur ancien ami, murmurant des sorts de soins. Puis il le laissa à la surveillance d’Elphias Doge et s’approcha de Sirius.
— Ne dis rien, murmura ce dernier que la honte empêchait de lever les yeux vers son ami.
— Je ne comptais rien dire de particulier, répondit Remus en s’asseyant à ses côtés.
Les deux amis se détendirent et restèrent en silence, assis par terre, appuyés l’un contre l’autre. Dans les bras de Sirius, Harry s’était calmé et ne tremblait plus. D’un coup d’œil, Sirius constata qu’il dormait. Il sourit : bénit soit l’innocence et l’ignorance des enfants... et la chute d’adrénaline. Non loin d’eux, Dumbledore parlait avec Dobby puis l’elfe transplana vers une destination inconnue.
Le directeur se dirigea alors vers eux et devant leur regard interrogateur dit :
— La magie des elfes est quelque chose d’étonnant, couplée à la faculté magique du métal argent, Dobby a réussi à renvoyer le sort. Je ne cesserais jamais de m’en émerveiller. C’est un miracle qu’il ait réussi à viser, cela dit.
— Comment a-t-il pu agir contre la volonté de ses maîtres ? demanda Remus.
— Ah ça… Il semblerait que dans la panique et dans sa précipitation pour fuir, Lucius Malefoy ait malencontreusement laissé tomber les chaussettes de son fils dans les mains de son elfe de maison. Dobby s’en est lors trouvé libéré et a pu intervenir. Je l’ai envoyé à Poudlard pour le remercier.
— Malefoy a fui alors ? regretta Sirius.
— Oui, lui et quelques autres n’ont pas eu le courage de se battre pour leurs convictions. Heureusement pour nous, ils nous ont cru plus nombreux que ce que nous étions et ont profité de la confusion initiale pour dispareître, confirma le vieux sorcier. Ils ne devraient pas aller bien loin et, cette fois-ci, les témoignages contre eux seront bien plus nombreux qu’il y a quatre ans. Et bien plus accablants…
Le silence retomba entre les trois hommes et tous regardèrent Harry dormir, au creux des bras de Sirius. Ils sourirent malgré le chaos ambiant, gagnés par la sérénité que le petit garçon dégageait.
— Comment a-t-il pu encore une fois survivre à un sort mortel ? demanda Sirius au bout de quelques minutes.
— Je ne puis que faire des suppositions pour te répondre, soupira le directeur de Poudlard.
D’un coup de baguette, il répara une chaise et s’assit en face d’eux, l’air soudain très las.
— Il semblerait que, quand le sort de Voldemort a été dévié par mon bouclier, il ait accompli la prophétie.
— L’un devra mourir de la main de l’autre car aucun d’eux ne peut vivre tant que l’autre survit… souffla Remus.
Dumbledore hocha la tête.
— Voldemort a lui-même détruit le dernier Horcruxe en tentant de tuer Harry et ce faisant, il s’est rendu vulnérable.
— Alors ça y est ? C’est fini ? demanda Sirius en s’affaissant sur lui-même.
— C’est fini, oui. Toi et Sélène allez pouvoir vous reposer.
— Mais, Regulus parlait de sept Horcruxes dans son journal, insista le jeune homme.
— C’était l’objectif final de Voldemort, il semblerait cependant que notre jeune ami ici endormi ne lui en ait pas laissé le temps. Il en a créé cinq : les reliques de Serpentard, Poufsouffle et Serdaigle que Sélène et toi avez retrouvées, la vieille bague de son père que j’ai dissoute et le journal intime du jeune Tom Jedusor, détruit par Severus.
— Rogue en a détruit un ? s'étonna Sirius.
Dumbledore ne releva pas le ton condescendant du jeune sorcier. Il se contenta de soupirer, conscient que rien n’arriverait à réconcilier les deux hommes. Il poursuivit donc son raisonnement.
— Avec l’Horcruxe involontaire qui se partageait l’âme du jeune Harry et que Voldemort a détruit, il y en avait six.
Le silence retomba ensuite entre eux pendant lequel ils observèrent Elphias et Abelforth, les seuls survivants de leur groupe, ligoter les prisonniers qu’ils libéraient des maléfices d’entraves ou soigner ceux qui étaient blessés avant de les attacher à leur tour. Un brouhaha se fit alors entendre à l’entrée de la salle et les Aurors, menés par Rufus Scrimgeour et Kingsley Shacklebolt, entrèrent. Ils distribuèrent leurs ordres pour capturer les Mangemorts toujours vivants et sécuriser les lieux puis s’approchèrent de Sirius, Remus et Dumbledore.
— Messieurs, la communauté magique vous doit décidément beaucoup. Voilà qui va encore s’ajouter à la liste d’excuses que nous vous devons, Monsieur Black, déclara Scrimgeour.
Sirius haussa les épaules et se sentit soudain accablé de fatigue. Il ne voulait pas d’excuses. Pas de la part du Ministère, elles ne seraient que politiques, sans sincérité, même si, il en convenait, cela lui permettrait sans doute de vivre en paix dorénavant.
— J’apporte également une nouvelle qui devrait vous ravir, ajouta Shacklebolt.
Sirius ne dit rien et attendit, sans même relever la tête.
— Nous sommes passés par l’hôpital avant de venir. Nous voulions vous voir pour d’autres formalités. Quand nous avons constaté votre disparition, nous vous avons traqué, comme la loi nous l’autorise. Mais avant que nous sortions de la chambre…
— Mademoiselle Thorne nous a fait l’honneur d’ouvrir les yeux, annonça Rufus Scrimgeour, le sourire aux lèvres.
Sirius releva brusquement la tête, un sanglot lui échappant sans qu’il ne puisse le retenir. Tant pis pour l’adage de son père. Remus lui serra le bras, tout aussi ému que lui. Sélène s’était réveillée.
— Nous lui avons dit de ne pas s’inquiéter, que vous étiez maintenant innocent et que nous vous ramènerions vers elle, voulut le rassurer Shacklebolt.
— Elle a répondu qu’elle ne s’inquiétait pas, que vous lui avez promis de la rejoindre rapidement et que vous aviez intérêt à ramener Harry avec vous, compléta son collègue.
Sirius sourit en reportant son regard sur son filleul, toujours endormi dans ses bras.
— J’ai hâte de la retrouver. Nous avons des tas de rêves à réaliser.