L'évadé du clair de Lune

Chapitre 20 : Lancer l'assaut

5260 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/08/2024 11:24

L’après-midi se déroula lentement sans plus qu’aucun mot ne fût échangé entre Sirius et Remus. Le silence avait toujours été confortable entre eux et cet instant ne dérogeait pas à la règle. A aucun moment, Sirius ne lâcha la main de Sélène, qu’il appuyait tour à tour contre son front, ses lèvres ou sa joue. Quoi qu’il se passât dans l’esprit de la jeune femme, il voulait qu’elle ressente sa présence. Et d’un autre côté, pour lui, la chaleur qui restait dans les doigts de la jeune femme retenait l’espoir dans son cœur.

 

Remus, quant à lui, somnolait dans son fauteuil. La pleine lune n’était pas si loin derrière lui et il avait encore du sommeil en retard. Mais derrière ses paupières mi-closes, il observait discrètement le couple, cherchant tout ce qui pourrait les aider à aller mieux. Il aurait aimé apaiser Sirius. Mais il avait beau se creuser la tête, il ne s’imaginait pas lui dire des banalités ni tenter de le rassurer sur l’état de la jeune femme alors qu’il était lui-même sans cesse perturbé par des pensées de plus en plus morbides : combien de temps allait-elle rester endormie ? Et si elle ne se réveillait jamais ? Ou aurait-elle des séquelles ? Puis, d’où venait ce brouillard qui l’avait entourée ? Comment s’était-il dissipé ? Ses amis avaient-ils pu être affectés ? Et dans ce cas, de quelle manière ? Leur santé allait-elle être affaiblie ? Leur esprit corrompu ?

 

Un peu avant la nuit, quand Sélène avait gémi ou qu’ils avaient eu l’impression de la voir bouger, ils s’étaient relevés, prêts à appeler les médicomages. Mais cela n’avait été que de faux espoirs : la jeune femme demeurait dans un état stable et ses yeux restaient clos. Par moment, une larme coulait sur son visage et Sirius s’empressait de l’essuyer avec douceur, lui murmurant au passage des mots rassurants que Remus ne cherchait pas à comprendre, par pudeur.

 

En début de soirée, la porte de la chambre s’ouvrit et le professeur Dumbledore entra. Vêtu d’une grande robe bleu nuit, il s’avança jusqu’au fauteuil où Sirius se trouvait. Celui-ci ne bougea pas : bien conscient de la présence de son ancien directeur, il ne savait pas comment réagir. C’était la première fois qu’il le revoyait depuis tout ce temps, alors il resta immobile, les yeux fixés sur sa fiancée.

— Comment va-t-elle ? demanda le vieux sorcier d’une voix douce.

 

Sirius haussa les épaules et reporta un regard triste sur la femme qu’il aimait.

— Elle est comme ça depuis ce matin. Par moments, elle réagit, elle gémit, pleure ou grimace. Elle a l’air perdue dans un cauchemar et je ne sais pas quoi faire pour la réveiller. Je me sens terriblement impuissant.

 

Le vieux sorcier s’approcha du lit et resta un moment sans rien dire, observant Sélène, puis dit :

— Vous auriez dû venir me voir et me parler dès le départ. Cela aurait peut-être pu éviter bien des choses.

 

Sirius hésita avant de répondre. Il serra la mâchoire devant le reproche à peine voilé. Il ne leva pas les yeux vers Dumbledore. Il resta immobile, assis sur son fauteuil, ses doigts dessinant des arabesques sur le dos de la main de sa fiancée.

— James aurait dû vous mettre au courant… finit-il par avouer. C’était une idée de dernière minute. Je pensais sincèrement que c’était la solution idéale. Que tout irait bien. Si seulement j’avais su…

 

Sa voix se brisa en pensant aux conséquences que son idée avait eues. James, Lily, Harry. Depuis quatre longues années, pas une minute ne s'était écoulée sans qu’ils ne lui manquent atrocement. Il savait que c’était également le cas pour Sélène et Remus.

— La culpabilité que tu ressens ne fera revenir ni James ni Lily, chuchota Dumbledore rompant ainsi le silence qui s'était installé. Quant à Harry, je souhaite te le confier. Vous le confier à Sélène et toi...

 

A ces mots, Sirius se redressa, bien plus alerte. Il échangea un regard avec Remus qui se tenait, lui aussi, bien plus droit qu’auparavant. Dumbledore voulait leur confier Harry ? Mais alors, cela voulait-il dire que le vieux sage pensait qu’elle allait se réveiller ? Il leva les yeux vers son ancien directeur. C’était la première fois qu’il le regardait depuis que le vieux sorcier était entré dans la pièce. Il avait les traits tirés, les cheveux et la barbe bien plus longs et plus blanc aussi.

— Merci, professeur, souffla Sirius en baissant la tête à nouveau.

 

Quelques secondes passèrent pendant lesquelles Sirius sentit le regard du directeur peser sur lui. Il savait que le professeur n’avait pas encore fini de parler. Au fond de lui, il sentait qu’il n’était pas venu ici simplement pour lui témoigner son soutien. Il soupçonnait que mentionner Harry et le potentiel réveil de Sélène avait été une manipulation du vieil homme pour s’assurer l’attention de son ancien élève. Et quand Dumbledore parla de nouveau, Sirius sut qu’il avait vu juste :

— Harry a besoin de toi, Sirius. Il a besoin de vous deux, précisa-t-il en regardant Remus également. Et je suis désolé de devoir te demander de laisser Sélène aux soins des médicomages...

 

Dumbledore se retourna vers la jeune femme allongée dans le lit d’hôpital avant de continuer, en la regardant avec fierté :

— Grâce à l’amour qu’elle avait pour toi, sa détermination à récupérer Harry, elle a vu ce que je me suis efforcé d’occulter tout ce temps. Ce que je ne voulais pas voir : Voldemort est de retour. Il n’a même jamais vraiment disparu.

 

Il reporta son attention vers les jeunes hommes qui s’étaient rassemblés devant lui, absorbés par ce qu’il disait et continua :

— Il faut l’arrêter dès maintenant, ne pas attendre qu’il regagne des soutiens. J’ai contacté les différents membres de l’Ordre du Phénix. Ceux qui restent. Vous savez comme moi qu’ils sont peu nombreux, mais ils me sont toujours fidèles et ne mettent pas ma parole en doute. Ils te croient, Sirius. Certains sont au plus proche de ce qui est en train de se passer. Nous pourrions tenter de mener la bataille sans vous, mais je n’imagine pas cette étape finale sans votre participation.

— Une bataille ? Mais je croyais que les Horcruxes avaient été détruits, que Voldemort serait détruit ainsi !

— Hélas, la destruction des Horcruxes n’a fait que l’affaiblir. Il va falloir l’affronter une dernière fois.

— Sirius, nous devons y aller ! dit Remus. C’est notre combat, depuis qu’on a quitté l’école. C’était celui de James et Lily. C’est le tien et celui de Sélène. Elle t’a fait évader par amour, mais ce combat, elle ne l’a jamais abandonné. Tu l’as vu toi-même dans la maison qu’elle…

— Et regarde où ça nous a mené, coupa Sirius en désignant la jeune femme. Tout ça pour quoi, Remus ? Pour les regards de haine qu’on nous lance depuis qu’on est arrivé ici ? Pour les cicatrices que sa fidélité envers moi lui aura causées et qui me rappelleront pour le restant de ma vie ce que j’ai fait ou pas fait ? Je ne peux pas la laisser…

 

Quand sa colère retomba, Sirius s’affaissa dans son fauteuil. Remus s’accroupit à sa hauteur et, une main posée sur son épaule, lui murmura :

— Sélène voudrait que tu continues.

 

Sirius se plia en avant, posa ses coudes sur ses genoux et soupira, la tête dans ses mains. Il savait que Remus avait raison, mais lui-même était tiraillé entre son envie de rester auprès de sa fiancée jusqu’à son réveil et son devoir, moral, de finir la mission qu’il avait acceptée dès sa sortie de l’école, celle qu’il avait partagée avec James, Remus, Sélène, Lily et les autres.

 

Sentant son hésitation, Dumbledore abattît sa carte maîtresse, l’argument qui, il le savait, allait faire pencher la balance :

— Ils tiennent Harry, Sirius. Ils l’ont enlevé et se sont servis de lui pour rendre son corps et sa puissance à Voldemort. Pour le moment, un de mes espions s’efforce de le protéger, mais le temps est compté.

 

Il avait fait mouche. Sirius sauta sur ses pieds, inquiet et en colère.

 

Harry.

 

— QUOI ? Mais vous l’aviez confié à son oncle et à sa tante. Hagrid a dit que c’était pour sa sécurité ! Et il a été enlevé ?! Mais comment avez-vous pu laisser faire ça ?

— Il semblerait que j’aie surestimé l’amour que Pétunia avait pour sa sœur.

— Ah oui ? Lily ne s’en était pourtant jamais cachée !! Et Sélène l’a répété à Hagrid à Godric’s Hollow, il y a quatre ans.

 

Sirius fulminait. Il ne pouvait pas rester là, sans rien faire, si Harry était en danger. Sélène ne lui pardonnerait jamais de ne pas le secourir, même si c’était l’amour qui le retenait à ses côtés. Il lui prit la main qu’il serra et se pencha sur son visage. Tendrement, il lui déposa un baiser sur les lèvres. Il lui caressa les cheveux alors qu’il murmurait à son oreille :

— Il faut que je parte, Sélène, Harry a besoin de moi. Je te promets de te rejoindre dès que je le peux. Avec Harry.  

 

Il lui embrassa encore une fois la tempe puis les lèvres, encore et encore. Les yeux fermés, front contre front, il luttait encore contre son envie de ne pas la quitter et priait Merlin et Morgane de veiller sur elle en son absence.

 

— Sirius ! le pressa Remus dans son dos.

 

Comme piqué par ce rappel, il se redressa brusquement, reposa en douceur la main de la jeune femme sur le lit et se retourna vers les deux hommes. Remus lui lança un regard d’excuse, plein de compassion, conscient du dilemme qui agitait le cœur de son ami, et Dumbledore se contenta d’un signe de tête encourageant. Sirius glissa sa main dans sa poche et, pour se rassurer, serra la baguette de James qu’il avait récupérée à la sortie de son entretien avec les Aurors. Son esprit se projeta vers son meilleur ami, où qu’il soit, le suppliant de lui donner la force de sauver son fils. Il ne sut alors si c’était juste une illusion de son esprit fatigué, mais il aurait juré que la baguette avait irradié une douce chaleur dans sa main. 

 

Les trois hommes sortirent de la chambre et Dumbledore les transporta près d’une imposante demeure que Sirius n’avait pas vue depuis bien des années, avant qu’il ne quitte sa famille pour aller vivre chez James. Cette demeure grandiloquente était à l’image de tout ce qu’il détestait chez les sang-purs et depuis qu’il savait que c’était ici que Sélène avait failli perdre la vie quelques jours plus tôt, sous la baguette de son propriétaire, il le détestait encore plus : Le manoir des Malefoy. Il sortit son arme de sa poche et son poing se serra autour du manche. Ce fut le seul moyen qu'il trouva pour tenter de canaliser ses émotions autour de cet accessoire qui symbolisait tant de choses pour lui.

 

Caché derrière l’immense haie de tuyas, il inspira calmement, refoulant au fond de lui ses sentiments négatifs pour en faire une force qui allait l’aider à atteindre son but : sauver Harry. Il devait à tout prix sauver Harry.

 

Dumbledore s’approcha :

— L’ardeur que Sélène a mis à prouver ta valeur et ton innocence a été entendue par certains, déclara-t-il en désignant les six résistants de la main. Son courage et sa détermination ont été un exemple pour tout le monde.

 

Soudain Sirius reçut une immense tape dans le dos et se tourna vivement, pour se retrouver en face de Maugrey Fol-Œil qui portait encore plus de cicatrices que la dernière fois qu’il l’avait vu.

 

— Je savais bien, au fond de moi, qu’il était impossible que tu aies trahi James. Pardon d’avoir laissé mes doutes prendre le dessus. Je suis heureux de combattre à nouveau à tes côtés.

 

Sirius fut profondément touché par cette déclaration. D’autant plus parce qu’il savait que l’Auror n’était pas familier de telles tirades. Son ancien camarade et entraîneur au sein de l’ordre du Phénix lui sourit et lui tendit la main. Sirius la prit avec joie et se laissa entrainer en une brève accolade. Puis, le bras de Maugrey Fol Œil, accroché à son épaule, le fit pivoter et le jeune homme sentit alors l’espoir gonfler son cœur.

 

Il y avait là Elphias Doge, presque aussi vieux que Dumbledore, Dedalus Diggle, Sturgis Podmore, Emeline Vance et même Abelforth, le frère de son ancien directeur, qui se tenait bien loin de ce dernier, bougonnant. En comptant Dumbledore, Remus et Maugrey, ils étaient neuf. Sirius n’en avait pas espéré tant en quittant l’hôpital.

 

Les anciens membres de l’Ordre s’avancèrent pour présenter leurs excuses à l’ancien prisonnier et tous eurent quelques mots pour Sélène qui n’était pas parmi eux. Sirius sentit l’émotion le gagner. Il avait l’impression d’avoir à nouveau quelque importance dans ce monde, de ne plus être un coupable, un dangereux évadé en cavale, mais de faire partie de quelque chose de plus grand que lui. Il sourit, la gorge serrée. Il aurait tant voulu que Sélène soit là, qu’elle voit tout ça.

 

— Ce qui va se passer ce soir va aussi jouer en ta faveur, l’encouragea Remus. Tu vas bientôt être innocenté et le monde magique tout entier saura ce que tu as fait. La Ministre n’aura d’autre choix que de te présenter des excuses. Ainsi qu’à Sélène.

— Je ne veux pas de leurs excuses, Remus. Quant à Sélène, je ne peux pas parler pour elle, mais avec ce qu’ils lui ont fait, je doute qu’elle soit prête à les accepter, répondit Sirius à nouveau en colère à l’évocation du Ministère. Nous voulons juste récupérer Harry ! Il n’a que cinq ans, allons vite le sortir de là !

— Bien parlé, gamin ! tonna Maugrey, en tournant son regard féroce vers les murs du manoir. 

 

Sirius leva ses yeux vers la sombre demeure à son tour. L’allusion au Ministère et à l’absence de Sélène avait assombri son esprit. Les survivants de l’Ordre n’avaient aucune idée de ce qu’ils allaient affronter. Et, même s’il y avait là des sorciers parmi les plus puissants qu’il lui ait été donnés de côtoyer, ils n’étaient que neuf contre toute une armée de Mangemorts galvanisés par le retour de leur maître. Quelles chances avaient-ils ?

 

Au creux de sa main, il sentit pour la deuxième fois la baguette pulser et répandre une chaleur bienfaitrice et rassurante dans son bras. James. Cette fois, il en était sûr, même dans la mort, il restait un peu de son courage et de son enthousiasme face au combat dans sa baguette magique. Sirius sourit. Après toute une vie dans le monde de la magie, il découvrait encore des choses et savoir qu’une partie de son frère de cœur l’accompagnait dans cette bataille lui rendit l’énergie qui lui manquait.

 

— Comment entrer sans se faire repérer ? demanda Remus. Ces grilles sont enchantées, Sélène me l’a dit. Elles s’ouvrent automatiquement quand elles détectent une présence suffisamment proche et préviennent leurs maîtres de potentiels intrus.

— Le contraire m’aurait étonné, répondit calmement Dumbledore. Mais il me semble savoir que Sélène a réussi à s’enfuir du manoir sans passer par ces grilles.

— Dobby, l’elfe de maison des Malefoy, l'a aidée, murmura Sirius.

— Comment un elfe de maison peut-il passer outre l’ordre de ses maîtres ? demanda Emeline.

— Je ne sais pas. Nous n’avons pas de nouvelles depuis qu’il a ramené Sélène saine et sauve chez nous, ce jour-là. Il a disparu, rappelé par ses maîtres probablement et il n’a pas dû passer un très bon moment. Quoi qu’il en soit, il faisait confiance à Sélène.

— Les amis de Mademoiselle Sélène sont mes amis, fit une petite voix aiguë derrière lui.

 

Les neuf combattants sursautèrent et se retournèrent vivement, pour se retrouver face à l’elfe de maison qui les regardait, contrit, les mains derrière le dos, se balançant d’avant en arrière avec un petit sourire timide.

— Dobby est désolé d’avoir effrayé ces Messieurs-Dames, dit-il de sa voix d’enfant. 

 

Sirius, heureux de cette apparition providentielle, se précipita vers lui.

— Comment as-tu su que nous avions besoin de toi ?

— Dobby a entendu un membre de sa famille l’appeler.

— Je ne suis pas un membre de ta famille, pourtant, douta Sirius.

— Monsieur est le cousin de ma Maitresse. Monsieur est donc de la famille de Dobby et Dobby ne désobéit pas en écoutant Monsieur.

 

Sirius sourit avant de demander :

— Dobby, est-ce que tu pourrais nous faire tous entrer à l’intérieur du manoir ? Il faut à tout prix que l’on trouve Harry, tu sais où il est ? Il faut le faire sortir au plus vite.

 

Dobby remua la tête, désolé :

— Dobby sait où se trouve Harry Potter, Monsieur. Dobby voudrait vraiment aider Monsieur Harry, malheureusement, Dobby ne peut rien tenter pour le faire sortir. C’est très dangereux là-bas. Le Seigneur des Ténèbres est là.

— Nous savons, Dobby, c’est pour ça que nous sommes ici.

— Et cette fois, nous n’allons pas le laisser gagner, grogna Maugrey Fol-Œil.

— Combien sont-ils, Dobby ? demande Dumbledore.

— Dans le salon, autour du Seigneur des Ténèbres, ils sont douze. Tous ceux qui étaient avec lui avant. Harry Potter est là aussi, à côté de la cheminée.

— Est-ce qu’il est blessé ? demanda Sirius.

— Ils lui ont juste pris un peu de sang, pour un rituel qui a permis au Seigneur de regagner sa puissance. Il a ensuite hésité à… le tuer… mais Monsieur Rogue a dit qu’il serait sans doute plus intéressant de le garder vivant et de s’approprier sa puissance, couina l’elfe en rentrant sa tête dans ses épaules.

— NON !! Severus, je vais te le faire payer, espèce de crapule pleine de poux.

— Il y a d’autres Mangemorts dans la maison ? demanda Dumbledore.

— Dobby ne sait pas, Monsieur. Dobby a été envoyé dans les cuisines pour préparer le repas. Dobby devrait y retourner, Monsieur.

— Tu vas y retourner, Dobby, mais il serait bien que tu puisses d’abord nous faire entrer : cinq prendront le manoir d’assaut par l’extérieur, sous le commandement d’Alastor, les autres entreront directement dans les cuisines avec moi.

— Je viens avec vous ! déclara Sirius.

— Je n’aurais jamais osé suggérer le contraire, répondit Dumbledore d’un air malicieux. Alastor, Elphias, Abelforth, Dedalus et Sturgis, vous donnerez l’assaut extérieur. Attendez le signal, vous les prendrez à revers. Dobby va vous emmener dans le jardin puis il reviendra pour nous faire transplaner, Sirius, Remus, Emeline et moi, dans les cuisines. Essayez d’en mettre le maximum hors combat dès le premier sort.

 

Sur un signe de tête, le premier groupe disparut avec Dobby puis le vieil homme se tourna vers ses deux anciens élèves et sortit quelque chose de sa cape. Un tissu gris argenté, d’une fluidité sans pareille, qui ramena Sirius et Remus plusieurs années en arrière. Leurs visages s’éclairèrent du même sourire que cette nuit-là, dans le dortoir de Gryffondor, quand James avait exhibé la vieille cape de son père devant eux. Parce que c’était de cela qu’il s’agissait : Dumbledore tendait à Sirius la cape d’invisibilité de James sous laquelle ils s’étaient tant de fois dissimulés.

 

D’une main tremblante, Sirius s’en saisit, regardant sans trop y croire. L’émotion lui serrait la gorge quand ses doigts glissèrent sur la soie si fine, si délicate. Les souvenirs lui gonflaient le cœur. 

— Peu de temps avant sa mort, j’avais demandé à James le droit de l’étudier, expliqua le vieux sorcier. Il me l’avait confiée et je trouve juste qu’elle te revienne à présent, en attendant que Harry soit en âge de l’utiliser.

 

Sirius fut incapable de parler, mais ses yeux exprimaient toute la reconnaissance qu’il ressentait envers le vieil homme. Celui-ci se détourna pour laisser à son ancien élève le temps de se reprendre avant de continuer à donner ses instructions.

— Emeline, je compte sur vous pour évacuer Harry le plus vite possible.

Sirius s’avança :

— Harry est mon filleul, professeur. Je souhaiterais m’occuper de lui.

 

Dumbledore le jaugea, hésitant.

— Je dois te dire, Peter est ici et vu ce que tu viens de dire à propos de Severus, j’ai des doutes concernant ta capacité à te maîtriser. Je ne pense pas t’apprendre que tu as toujours été impulsif.

 

Sirius ne répondit pas.

— Mais je comprends ta volonté d’aller sauver Harry. Je te propose d’être en première ligne et d’avancer avec Emeline. De la protéger si besoin le temps qu’elle puisse l’atteindre et le protéger. Cela te convient-il ?

— Oui, accepta Sirius après avoir pris quelques secondes de réflexion.

— Bien, si tout le monde est prêt, je propose que Dobby nous accompagne au-delà des grilles. S’il le veut bien.

— Dobby est prêt, Monsieur, répondit la créature qui venait de revenir.

 

Les quatre combattants se regroupèrent autour de l’elfe de maison afin de le saisir avant d’être transportés en un claquement de doigts dans les cuisines du manoir, sans avoir déclenché d’alarme.

 

Sirius tendit la cape d’invisibilité à Emeline :

— La cape est bien plus sûre qu’un sortilège pour disparaitre. C’est à toi qu’il revient d’exfiltrer Harry, alors prends la, s’il te plait.

 

Emeline accepta et la revêtit immédiatement, disparaissant totalement aux yeux de ses camarades qui se lancèrent un sortilège de désillusion. D’un coup d’œil, Sirius remarqua que le sort de Dumbledore était, sans aucun doute, bien plus puissant et efficace que le sien et celui de Remus, qui était toujours discernable si on y prêtait vraiment attention, mais cela suffirait amplement pour avancer sans se faire repérer.

 

Sirius sourit. Enfin de l’action concrète. C’était ce qu’il avait toujours préféré et, même s’il savait que tout le travail qu’il avait effectué avec Sélène était nécessaire, son truc à lui c’était la bataille. Et il n’avait qu’une hâte : retrouver et vaincre la cousine qu’il détestait au-delà de tout entendement, encore plus depuis la veille. Il s’en était fallu de peu, mais Sélène n’était toujours pas tirée d’affaire. Son poing se resserra encore davantage sur son arme.

 

Il se força à canaliser sa colère qui menaçait de prendre le pas sur sa raison, mais c’était plus fort que lui. Il les détestait tous. Les Mangemorts. Ils lui avaient tant pris. Sirius voulait les faire payer. Il le pouvait. Il connaissait les sorts qui pouvaient faire basculer la bataille.

— Les Sortilèges Impardonnables ou la magie noire ne les feront pas revenir. Tu vaux mieux que ça, entendit-il derrière lui.

 

Ce n’était qu’un murmure, mais Sirius sursauta. Evidemment. Dumbledore sentait l’énergie qui l’habitait ou peut-être même le voyait-il, déterminé et bouillant de rage sous le sortilège de Désillusion. Comment savoir ? Son vieux professeur était plein de surprises.

— Je sais bien. Je ne franchirai pas la ligne, assura le jeune homme qui, grâce à cette intervention, avait réussi à reprendre la main sur ses émotions.

 

Ils montèrent les marches le plus silencieusement possible, en rang serré. Sirius en tête, étant celui qui connaissait le mieux les lieux, même si ses souvenirs de cette maison remontaient à loin, datant du mariage de sa cousine avec Lucius Malefoy. Il s’était réfugié dans les cuisines ce jour-là. La salle à manger où se trouvaient ses ennemis était juste au-dessus, comme dans beaucoup de maisons de sorciers de sang pur, pour que les elfes de maison puissent servir le repas sans importuner leurs maîtres.

 

Sirius tenait sa baguette en avant et, s’il sentait son cœur battre la chamade par anticipation du combat qu’il allait mener, sa main ne tremblait pas. Plus il avançait et plus les visages honnis de ceux qu’il savait être là-haut se dessinaient devant ses yeux.

Bellatrix, dont le fanatisme faisait d’elle quelqu’un d’extrêmement dangereux.

Son mari, Rodolphus Lestrange, et Rabastan, le frère de ce dernier, n’étaient que des brutes sanguinaires. Puissants mais particulièrement bêtes.

Il se méfiait davantage de Lucius Malefoy, qu’il savait rusé et fourbe, mais dont il ignorait complètement le talent au combat. Risquerait-il de se salir ou de se casser un ongle, sachant que sa famille était aussi ici, quelque part dans ce manoir ?

Et Peter. Le petit Peter, celui qui avait été leur ami, le traître. Aurait-il la même puissance que celle qu’il avait démontré lors de leur combat dans la forêt d’Albanie ?

 

Sirius se concentra. Le combat allait être rude et maintenant qu’il entendait les voix lui parvenir dans le vestibule où lui et ses compagnons se trouvaient, il se rendit compte à quel point les forces étaient déséquilibrées. La porte de la salle à manger était ouverte.

 

La réussite de leur plan ne reposait que sur leur faculté à lancé le sort de d’invisibilité. Mais ce sortilège n’était pas infaillible. Dumbledore avait pu le voir alors qu’il était immobile, leurs ennemis pourraient eux aussi les apercevoir lors de leur avancée. Seule Emeline était certaine de passer inaperçue grâce à la cape et Sirius se félicita encore de la lui avoir cédée. C’était l’accessoire indispensable pour pouvoir évacuer Harry au plus vite et en sécurité. A peine le petit garçon serait sous la cape qu’il disparaitrait aux yeux de tous. Mais pour cela, il fallait que Remus, Dumbledore et lui, Sirius, fassent diversion et cela tenait à leurs sortilèges de Désillusion qui devaient les maintenir hors de vue le temps qu’ils se mettent en place. Il suffisait pourtant qu’un Mangemort soit plus attentif que les autres, qu’il repère le contour de leurs silhouettes pour que tout tombe à l’eau.

 

Il jeta un coup d’œil : ils étaient tous là, une quinzaine de Mangemorts, attablés autour du Seigneur des Ténèbres. Malgré lui, Sirius frissonna. Dumbledore le lui avait annoncé à l’hôpital, plus tôt dans la soirée, mais le voir de ses propres yeux, c’était autre chose. Voldemort avait réussi à retrouver l’usage de son corps et de profil, le crâne chauve et le nez absent, il était purement hideux. Quel rituel de magie noire avait permis cela ? Harry y avait-il vraiment contribué ? Où était-il ?

 

Son cœur battait la chamade alors que ses yeux balayaient la scène pour trouver son filleul. La peur menaçait de le tétaniser. Puis il le vit, prostré derrière la robe noire d’un de ses ennemis. Son plus vieil ennemi qui le menaçait de sa baguette…

— Harry !! Il est là, derrière Rogue, murmura-t-il à ses camarades.

 

Instinctivement, il avança d’un pas mais fut arrêté dans son élan par la poigne de Dumbledore.

— Doucement, ne te laisse pas submerger par la haine, la peur ou la colère. Elles ne sont pas bonnes conseillères.

— Mais Rogue…

— … Est avec nous, le coupa Dumbledore de sa voix calme. C’est lui qui m’a prévenu de la présence de Harry et de ce qu’ils lui ont fait, et qui le protège depuis. C’est lui qui m’a aidé à trouver et détruire un des Horcruxes, celui que Sélène n’a pas pu localiser. Il nous aidera dans la bataille qui s’annonce.

— Quoi ? Mais…

— Plus tard, Sirius, pour le moment, tu vas devoir me croire sur parole, coupa le directeur d’une voix tranchante.

 

Sirius grimaça sans que personne ne puisse le voir. Il avait du mal à le croire, mais la voix du vieux sorcier était ferme et laissait peu de place au doute, alors Sirius ne dit rien de plus, se promettant de garder un œil sur Severus Rogue. Oui, un coup de baguette malencontreux et il ne lui pardonnerait pas. Il lui rendrait au centuple la moindre égratignure que Harry pourrait recevoir par sa faute.

 

Il braqua à nouveau son regard noir vers la salle à manger et ses ennemis.

Son cœur battait la chamade et il desserra légèrement sa poigne autour de la baguette, pour chasser les fourmillements qui s’étaient emparés de ses doigts.

Il allait bientôt pouvoir assouvir sa vengeance.

Enfin.

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