L'évadé du clair de Lune
Remus n’était jamais à l’aise dans une rue trop animée : trop de monde, trop de regards. Malheureusement pour lui, l’hôpital Sainte-Mangouste avait élu domicile dans un ancien magasin de Purge & Pionce Ltd., en plein centre du Londres moldu, dans une avenue commerçante et très passante. Par réflexe, il remonta les pans de son imperméable miteux pour cacher le plus possible les cicatrices de son visage laissées lors de ses douloureuses transformations. Parce que même si lesdites cicatrices n’étaient pas aussi caractéristiques dans le monde moldu que chez les sorciers, elles lui assuraient malgré tout d’être au centre d’une attention qu’il n’aimait pas particulièrement.
Il s’approcha d’un des mannequins vétustes, plus dignes d’une galerie des horreurs que d’un grand magasin de luxe, laissés à l’abandon dans la vitrine en perpétuels travaux et s’annonça :
— Remus Lupin, je viens pour une visite.
— Soyez le bienvenu à l’hôpital Sainte-Mangouste pour les Maladies et Blessures Magiques, répondit une voix désincarnée. Veuillez avancer et vous rendre à l’accueil.
Remus avança, traversant la vitrine comme si elle n’existait pas et se retrouva dans le hall d’un hôpital rutilant. Il jeta un coup d’œil rapide à l’accueil où la queue des sorciers et sorcières désirant un renseignement le conforta dans sa décision de ne pas s’arrêter. Après tout, il savait déjà où aller. Rapidement, il se dirigea vers l’escalier le plus proche et monta les marches quatre à quatre, jusqu’au quatrième étage : Service de Pathologies des Sortilèges.
Il parcouru les couloirs jusqu’à trouver ce qu’il cherchait : une chambre au fond du couloir, loin des passages les plus empruntés, et dont la porte était gardée par deux Aurors. Il s’approcha, déclina son identité et les deux surveillants le laissèrent entrer.
Il marqua une pause à peine la porte refermée. La chambre ne contenait qu’un seul lit. Un fauteuil, tournant le dos à la porte, était positionné sur l’un des côtés du lit, de manière à ce que celui qui y était assis-là puisse tenir sans effort la main de la jeune femme.
Remus s’approcha, sur le côté opposé, et caressa le front de la patiente. Il réprima un frisson : la peau de Sélène était froide, plus froide encore que ce qu’il avait imaginé. D’après ce qu’on lui avait dit, son amie, allongée-là, était bien vivante Pourtant, elle ne s’était pas réveillée depuis son arrivée, au beau milieu de la nuit, malgré les soins qui lui avaient été apportés. La pâleur de son visage était accentuée par les draps blancs et la lumière blafarde de la pièce. Le cœur de Remus se serra.
Il leva la tête vers le jeune homme assis dans le fauteuil en face de lui et l’observa pendant quelques secondes. Sirius avait de larges cernes sous les yeux, le teint cireux. Des rides d’inquiétude marquaient son front et son regard gris ne lâchait pas sa compagne. Sa main était posée sur celle de la jeune femme, lui caressant distraitement les doigts, comme pour lui faire savoir qu’il était là.
— Tu fais peur à voir, Patmol.
L’interpellé sursauta, semblant seulement s’apercevoir qu’il n’était plus seul. Un léger sourire anima tristement son visage et il haussa les épaules. Dans un grincement de fauteuil, il se pencha en avant pour porter la main de la jeune femme à ses lèvres pour l’embrasser en regardant tendrement son visage.
— Tu es là depuis longtemps ? demanda Remus.
— Je suis arrivé en milieu de matinée… Je crois, répondit Sirius, hagard.
— Et tu n’as pas dormi depuis combien de temps ? demanda Remus, inquiet pour son ami.
Sirius ne répondit pas tout de suite. Il leva un regard fatigué vers le loup-garou, semblant réfléchir, avant de répondre, après de longues secondes :
— On a dormi quelques heures en fin de journée hier.
— Et ta dernière nuit complète ?
Le jeune homme réfléchit encore.
— La nuit de mon évasion. Et la suivante… Je ne peux pas dormir, je veux être là quand elle se réveillera, ajouta Sirius en couvant Sélène du regard.
Remus ne rajouta rien de plus et se mordit la lèvre, inquiet pour son ami. Il garda le silence pendant quelques minutes puis tenta de le sortir de cette léthargie qui semblait s’être emparée de lui en lui racontant les derniers évènements :
— Dumbledore a récupéré les affaires que vous aviez dans le sac. Ta cousine a détruit le diadème avec son Avada Kedavra et lui a réussi à détruire la coupe. Ça fait donc trois fragments d’âme de moins. Je suis allé voir Slughorn avec lui et nous en avons trouvé deux autres, détruits également. D’après cette vieille limace, Voldemort voulait en créer sept, mais Dumbledore doute qu’il en ait a eu le temps.
— Bien.
— D’ailleurs, Sélène avait raison : il y en avait un chez les Malefoy…
Sirius sourit tristement à nouveau en embrassant la main de la jeune femme et ajouta d’une voix tendre :
— Elle a toujours raison.
Remus grimaça. Il n’avait encore jamais vu son ami aussi éteint et aussi peu réactif, surtout vis-à-vis de ce qu’il venait de lui apprendre. C’était son combat pourtant. L’inquiétude de Remus augmenta.
— Sirius… tenta-t-il.
Son ami leva un regard fatigué vers lui et le lycanthrope s’apprêtait à poursuivre quand la porte s’ouvrit. Les deux hommes se tournèrent vers l’intruse : une guérisseuse entra pour apporter des soins à la malade. Elle s’avança lentement et Sirius détourna son attention, désabusé face au regard plein de haine qu’elle lui lançait. La jeune femme posa avec fracas le plateau de fioles sur la table de chevet de la patiente en lui lançant un coup d’œil plein de mépris. Remus, lui, fronça les sourcils. Après tout ce qu’il s’était passé, il avait oublié que pour ses autres congénères, Sirius n’était toujours pas innocenté et Sélène était sa complice. Il voulut alors dire ou faire quelque chose pour arranger cela quand Sirius lui coupa l’herbe sous le pied en haussant les épaules.
— Laisse tomber, qu’ils me haïssent s’ils le veulent, je n’ai plus l’énergie de me battre contre ça, Remus, avoua-t-il la voix emplie de tristesse ignorant la jeune femme. J’ai trop perdu dans cette guerre : Lily, James, Harry… Et maintenant elle… Je suis fatigué. Alors je veux juste rester là et attendre qu’elle se réveille, peu importe le temps que ça prendra…
Remus eut un pincement au cœur. Non, décidément, jamais encore il ne l’avait vu aussi éteint, prêt à renoncer à ce combat contre les forces du mal qui l’avait pourtant animé depuis qu’il le connaissait. Il ne chercha pas à le convaincre et après avoir jeté un regard à la guérisseuse, enchaina :
— Et qu’ont dit les Aurors ? Ils t’ont interrogé ? Quand vas-tu être innocenté officiellement ?
Après quelques secondes où Remus aurait juré l’avoir vue sursauter, la guérisseuse concentra son attention sur les soins à prodiguer à la patiente. Sirius reporta son regard vide sur son ami, qui lui fit un signe de tête en désignant la guérisseuse qui ne perdait pas une miette de leur conversation. Il haussa les épaules, las, avant de s’adresser à son ami :
— J’ai fait ma déposition ce matin. Scrimgeour semblait satisfait : j’ai corroboré toutes leurs déductions. Il m’a accompagné ici pour éviter la panique mais il a aussi préféré laisser deux gardes devant la porte, au cas où, pour éviter les curieux. Puis il est reparti terminer son rapport et le donner à la Ministre. D’après lui, je devrais pouvoir être innocenté sans peine et ils devraient publier des excuses officielles dans la Gazette du Sorcier dans la foulée. Par contre, il n’a pas pu me donner de délai.
Remus hocha la tête de contentement. Enfin un peu de justice, même si ce n’était qu’une maigre consolation pour le jeune homme tant que Sélène serait dans cet état. Du coin de l’œil, il vit la guérisseuse se détendre et dans son regard posé sur Sirius, il devinait dorénavant plus de curiosité que de haine. Il retint un sourire. Il avait posé cette question dans le but non avoué de redonner à son ami un visage humain et non celui d’un meurtrier, au moins auprès de ceux qui allaient s’occuper de Sélène le temps de son séjour ici. Il misait beaucoup sur l’espoir que la guérisseuse soit bavarde et si tout se passait comme il l’espérait, celle-ci raconterait tout ce qu’elle venait d’entendre à ses collègues et les deux amants recevraient peut-être un peu plus de considération et de respect de la part du personnel. C’était toujours ça de gagné en attendant la suite.
La guérisseuse termina son soin dans le silence total et se redressa. Mais juste avant de s’éloigner pour quitter la pièce, elle se tourna vers Sirius pour s’adresser à lui.
— Les médicomages tentent un nouveau traitement. Il est expérimental mais il a déjà donné de bons résultats sur d’autres patients. Malheureusement, le cas de Mademoiselle Thorne est particulier et ne s’est encore jamais vu ici. Mais nous faisons vraiment de notre mieux. Par contre, je suis sûre qu’elle sent votre présence à ses côtés et qu’elle peut entendre ce que vous lui dites, alors continuez. C’est vraiment aussi important que toutes les potions que l’on pourrait lui administrer. Vraiment, parlez-lui, l’encouragea-t-elle.
Sirius la regarda avec des yeux ronds, surprit qu’une inconnue puisse s’adresser à lui de manière aussi polie. Cela faisait bien longtemps que ce n’était pas arrivé. Ces dernières heures, les guérisseurs n’avaient jamais répondu à ses questions, ils lui avaient tous lancé des regards de haine au point que Sirius avait été surpris qu’aucun n’ait sorti sa baguette. Sans doute étaient-ils refroidis face aux deux plantons devant la porte. Certains autres avaient été tellement terrifiés qu’ils tremblaient au point que le jeune homme eu peur qu’ils blessent Sélène. Aussi, il sourit à la femme et d’une voix rauque, la remercia. La guérisseuse lui fit un signe de tête et s’éclipsa.
Sirius sourit en coin, pas dupe de la manœuvre de son ami, avant de répondre :
— Merci, Remus, c’est la première fois depuis que je suis arrivé que quelqu’un m’informe de ce qu’ils font.
Il sourit encore, puis, alors que Remus avait l’impression que ses yeux gris devenaient soudain plus brillants, il se reposa au fond de son fauteuil et plaça sa main devant son visage. Le loup-garou vit son menton trembler alors qu’il essayait de se contrôler. Il détourna le regard, par pudeur, sachant que Sirius n’aimerait pas être vu dans cet état. Il songea que son ami devait être complètement épuisé pour se laisser submerger ainsi.
— Elle a vingt-cinq ans, Remus, lui dit-il la voix tremblante, et c’est la deuxième fois que je risque de la perdre à cause de cette fichue guerre… Et bordel de goule, ça n’a pas changé ici, c’est toujours aussi blanc… Et froid…
— Elle s’en sortira aussi aujourd’hui, Sirius, tenta de le rassurer son ami.
Sirius grimaça.
— Les circonstances ne sont pas les mêmes, Remus. Là, elle a été directement ciblée. Elle n’a échappé à l’Avada Kedavra de ma cousine que par pure chance.
— Que Merlin bénisse ses réflexes, murmura le loup-garou en regardant la jeune femme.
Sirius leva la tête vers lui, intrigué.
— Je ne comprends pas, Remus. J’ai beau y penser, j’ai l’impression qu’ils ne savent pas ce qu’elle a ou pourquoi elle ne se réveille pas. C’était un sort de mort, elle aurait dû… Elle ne devrait plus être là…
Remus hésita :
— Attends, on ne t’a rien expliqué ?
— Je viens de te le dire, Remus, personne ne m’adresse la parole ici. Cette guérisseuse était la première.
Son ami grimaça avant de répondre :
— Dumbledore semble croire que c’est l’Horcruxe qui était dans le sac qui s’est pris le choc de plein fouet. Le maléfice a dû être particulièrement puissant pour briser le diadème. Il ignore cependant les conséquences que cela aura pour Sélène, ajouta Remus en voyant Sirius ouvrir la bouche.
— Quand Sélène est tombée, il y a eu une sorte de brouillard qui est apparu. Au début, je pensais que c’était dans ma tête, mais non, il semblait sortir du sac qu’elle portait, Remus. Et crois-moi, ce brouillard n’était pas normal, reprit le jeune homme, comme perdu dans ses souvenirs. Il était si noir, il amplifiait tout ce que je ressentais, tous mes sentiments négatifs… Il était empli de désespoir. C’est comme si je me retrouvais huit ans en arrière, quand Sélène avait disparu après l’attaque de sa maison et l’assassinat de ses parents, quand Dumbledore me disait de me préparer à sa mort. J’ai entendu la même phrase que celle qu’il m’avait dit ce jour-là. Puis l’instant d’après, c’était Voldemort qui me hurlait en riant les noms de tous ceux qu’il m’avait enlevé : James, Lily…
— Et comment est-ce que le ce brouillard a disparu ? demanda Remus, absorbé par le récit de son ami.
Sirius hocha la tête :
— Qu'est-ce que j'en sais ? Il s'est dissipé, c'est tout. Elle était presque morte, je n'ai pas fait attention…
A ces mots, Remus reporta encore son attention vers la jeune femme, toujours endormie, mais une lueur d’inquiétude s’était allumée dans ses prunelles noisette. Il tira un fauteuil prêt du lit et se laissa tomber mollement dessus.
— Mais si elle a inhalé le brouillard, cela pourrait avoir des conséquences pour elle, non ? murmura-t-il.
Le regard fatigué de Sirius lui renvoya son inquiétude. Mais le jeune homme ne répondit pas, il prit une grande inspiration et appuya son front contre la main de la jeune femme, priant pour qu’elle se réveille rapidement. Remus n’insista pas et reporta son attention sur la jeune femme. Il se leva quand il vit la chair de poule serpenter le long de son bras. Fraternellement, il remonta la couverture afin qu’elle n’attrape pas froid, puis se rassit et veilla la jeune femme à son tour, espérant qu’elle se réveille bientôt et sans séquelle.
OoooO
La cave était sombre et humide, Harry avait froid. Personne ne lui avait donné de manteau ni même de couverture, alors il s’était recroquevillé en boule au fond de la pièce, retenant difficilement ses larmes de petit garçon terrorisé.
Il n’avait pas vu grand-chose de la maison où le monsieur l’avait emmené, mais il savait déjà que tante Petunia et oncle Vernon le puniraient avec interdiction de sortir de son placard pendant très longtemps, s’ils savaient où il se trouvait. Tous ceux qu’il avait croisé portaient des vêtements bizarres et ils avaient tous en main la même baguette de bois que celle de celui qui l’avait enlevé. Certains l’avaient même brandie vers le plafond et des étincelles rouges et vertes en étaient sorties. Harry avait eu très peur.
On l’avait ensuite enfermé ici et puis plus rien. Il avait dormi un peu et ne savait maintenant plus s’il faisait jour ou nuit. Il se leva avant de faire le tour de la pièce. Sa petite main courrait le long de la pierre. Doucement, il appela :
— Eh oh ! Y a quelqu’un ? J’ai froid !
Un petit pop retentit derrière lui, le faisant sursauter et il se tourna dans cette direction, la peur le faisant reculer jusqu’à se trouver dos au mur. Une voix aiguë lui répondit :
— Harry Potter a appelé ?
Comment se faisait-il que tout le monde connaisse son nom alors que lui, n’avait reconnu personne ? Curieux, il avança la tête, plissant les yeux derrière ses lunettes rondes pour essayer de voir dans le noir. Peine perdue. Un claquement de doigt retentit, le faisant tressaillir à nouveau, et une lueur apparut, suspendue au-dessus de l’index d’une créature étrange qu'il n’avait encore jamais vue.
Un drôle de bonhomme à la peau pâle, pas beaucoup plus grand que lui, chauve avec de grandes oreilles, un long nez et des yeux globuleux. Un bandage lui enserrait la tête et les mains mais le petit être lui souriait, de manière presque timide. Harry lui trouva presque un air gentil et cela lui redonna un peu de courage pour demander :
— Bon… Bonjour… Monsieur ? Qui es-tu ? Tu es bizarre !
Harry tendit la main, un peu tremblant, vers la créature, sa curiosité l’emportant sur sa peur.
— Et pourquoi tu as un pansement ? Tu es tombé ? ajouta-t-il en désignant la tête de la petite chose en face de lui.
La créature secoua la tête avant de lui répondre :
— Je m’appelle Dobby, Harry Potter. Je suis un elfe de maison et Dobby est juste vraiment, vraiment, très content de rencontrer Harry Potter !!
— Content de me rencontrer, moi ? Mais … Pourquoi ? Pis, c’est quoi un elfe de maison ?
— Harry Potter a vaincu le Seigneur des Ténèbres, Monsieur.
— Moi ? J’ai fait ça ? Mais je sais même pas qui c’est !!
Dobby eut un petit rire nerveux. Il ne s’était pas attendu à tant de questions et il n’arrivait même pas à répondre à toutes.
— C’est un sorcier très puissant qui a fait des choses que Dobby ne veut pas répéter.
Harry ne comprenait pas grand-chose de ce que Dobby lui disait et il n’était vraiment pas sûr d’avoir réussi à faire ce que l’elfe disait qu’il avait fait.
— J’me rappelle pas, souffla-t-il en baissant la tête.
— Harry Potter était tout bébé quand c’est arrivé. Harry Potter est un héros chez les sorciers grâce à ça. Et ses parents aussi.
— Mon papa et ma maman ? C’est des héros ? demanda le petit garçon en relevant la tête pour regarder l’elfe, les yeux brillants.
— Oh oui ! De très grands héros ! Dobby aurait bien aimé travailler chez eux plutôt qu’ici.
A peine eut-il finit de prononcer cette phrase que Dobby poussa un cri, faisant sursauter Harry, et courut se taper la tête contre le mur. Craignant qu’il se fasse encore plus mal, le petit garçon le retint de toute ses forces par le bras, au bout duquel la petite flamme vacillait dangereusement. Il tira la créature en arrière et cria :
— Arrête !! Pourquoi tu fais ça ?
— Dobby a dit du mal de ses maîtres. Dobby doit se punir.
— Quand j’serai grand, je ferai que les elfes doivent plus se punir !!
Dobby le regarda avec des yeux emplis d’espoir. Puis il s’assit par terre et se mit à pleurer très bruyamment. Harry se précipita auprès de lui, tout désolé :
— Pardon, tu es triste. Je voulais pas ça !
— Dobby n’est pas triste, Harry Potter, Dobby est juste surpris par votre gentillesse envers lui.
Harry, lui, pensa qu’il était plutôt normal d’être gentil avec les gens alors il ne comprenait pas la tristesse de la créature. Il lui aurait bien fait un câlin, comme Tante Petunia faisait à son cousin Dudley quand il pleurait mais il ne savait pas si l’elfe de maison apprécierait. D’ailleurs, Dobby ne lui avait pas répondu sur ce qu’était un elfe de maison. Il s’apprêtait à reposer la question quand la porte s’ouvrit brusquement. L’elfe disparut soudainement dans un crack sonore et Harry se recroquevilla contre le mur.
D’un claquement de doigts, le nouveau venu alluma les torches qui parsemaient la cave avant de descendre l’escalier et se planter devant Harry qui n’osa pas lever les yeux. Maintenant que Dobby était parti, il sentait la peur revenir. Du coin des yeux, Harry ne pouvait voir que le bas du vêtement de l’homme qui faisait les cent pas devant lui. Un vêtement très noir. Harry n’aimait pas le noir. Il se dit avec effroi que cet homme était peut-être le Seigneur des Ténèbres dont avait parlé Dobby. Ses yeux se remplirent de larmes.
Les chaussures se plantèrent devant lui et une voix grave siffla :
— Regarde-moi !
Harry tressaillit. Il n’aimait pas la voix de l’homme. Elle était froide et dure. Il n’avait pas envie d’obéir. Mais il se dit aussi que les punitions de ceux qui l’avaient enlevé devaient probablement être bien plus douloureuses que celles que Tante Petunia ou Oncle Vernon lui infligeaient. A dire vrai, eux se contentaient surtout de l’ignorer en l’enfermant dans son placard mais il n’était pas sûr que les hommes en robe noire allaient se contenter de ça. Alors par peur, Harry releva les yeux vers celui qui lui faisait face.
L’homme en noir scruta le visage de l’enfant avec une haine à peine dissimulée. Harry eut très envie de plaquer ses cheveux sur sa tête quand il vit le regard noir de l’homme s’assombrir encore plus devant sa mèche rebelle. Puis les deux pupilles noires se plantèrent dans les siennes et la physionomie de l’homme changea en quelques secondes. Il tremblait presque quand il saisit sa tête entre ses mains.
— Le vieux fou avait raison… murmura-t-il.
Harry fronça les sourcils, décidément il rendait les gens tristes aujourd’hui, mais il ne comprenait pas pourquoi.
— Pourquoi tu pleures ?
— Je ne pleure pas ! cracha l’homme.
Harry rentra la tête dans les épaules puis sursauta quand ils entendirent :
— Severus !!
Quelqu’un, une femme, appelait du haut des escaliers. Celui qui semblait s'appeler Severus regarda Harry avec dégoût, puis ses yeux noirs se fixèrent à nouveau sur les pupilles du jeune garçon et ses traits s’adoucirent.
— Il a fallu que tu aies ses yeux… murmura-t-il, la voix tremblante.
— Severus, il arrive !! appela à nouveau la femme au rez-de-chaussée d’une voix particulièrement enthousiaste.
Severus, lui, frissonna et se détourna du garçon dans un mouvement de cape. Il claqua les doigts et la torche s’éteignit, puis il sortit de la pièce en claquant la porte derrière lui, laissant le jeune Harry dans le noir le plus total.