L'évadé du clair de Lune

Chapitre 18 : Cauchemar et réalité

4419 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/07/2024 12:22

Sirius avait envie de hurler sa douleur. Il avait du mal à respirer tant l’effort qu’il faisait pour ne pas crier était intense. Il serrait les dents à s’en abîmer l’émail. Il serrait les poings sur la robe de sa compagne à s’en blanchir les jointures. Il sentait sa rage et sa colère se battre contre sa peine, s’entrechoquant en un maelstrom d’émotions comme il en avait rarement connu. Et ce brouillard noir qui l’entourait toujours semblait les amplifier davantage.

 

La voix de son père y résonnait, lui rappelant sans cesse qu’un Black ne pleurait pas. Jamais. Et lui, Sirius, s’efforçait d’obéir alors que son cœur était déchiré, dévasté par la perte supplémentaire qu’il venait de subir.

 

Puis le visage de Dumbledore se dessina dans le nuage noir et il lui sembla entendre sa voix compatissante lui murmurer :

— Il faut s’y préparer, Sirius, Sélène est morte.

 

Assis par terre, Sirius serra encore plus le corps de la jeune femme contre lui, secouant la tête, refusant de l’abandonner.

— Non, supplia-t-il. Pas encore. Elle ne peut pas mourir. Pas elle…

 

Il entendit le rire de Voldemort parmi les ombres qui l’entouraient. Il entendait le mage noir égrener le nom de ceux que cette guerre lui avait pris, encore et encore, comme un tonnerre qui le rendait fou. James… Lily… Sélène…

— C’est ma faute… Pardon, gémit-il.

 

Il était perdu dans un cauchemar. Ce cauchemar qu’il avait fait si souvent dans sa cellule d’Azkaban et qui avait pris vie devant lui sans qu’il ne puisse réagir. Impuissant. Inutile. Juste bon à éviter que le corps de Sélène ne heurte violemment le sol.

 

Sélène.

Il la tenait, inerte dans ses bras et ça faisait tellement mal. Il la berçait contre lui, humant ses cheveux, incapable de se dire que ce serait la dernière fois.

 

Fou de douleur, sourd à tout ce qui pouvait se passer autour de lui, perdu dans son cauchemar et cette illusion que ce brouillard créait autour de lui, il essayait de dégager les mains éthérées qui tentaient de la saisir pour l’emmener loin de lui. Mais soudain, ses doigts se refermèrent sur un bras tangible. Un bras qu’il n’avait pas vu jusqu’à présent et qui le raccrocha à la réalité.

 

Deux mains le saisirent ensuite par les épaules et le secouèrent légèrement, dispersant un peu le brouillard qui l’avait englouti. Puis il les entendit : des voix qui l’appelaient au loin, de plus en plus proches. Elles lui hurlaient quelque chose. Quelque chose qui semblait ramener l’espoir et éclaircir l’horizon.

 

— Elle est vivante ! Sirius, elle est vivante.

 

Hagard, oscillant entre cauchemar et réalité, il reporta son regard sur la femme qu’il aimait. Tremblant, il leva la main pour caresser son visage. Sa joue était encore chaude, ses lèvres légèrement entrouvertes.

Vivante ?

Il se pencha pour les embrasser et ce faisant, il se figea. Les voix avaient raison, il sentait un souffle contre son visage, un souffle ténu et mince. Il s’éloigna pour regarder sa fiancée, plein d’espoir, et l’air sembla entrer dans ses poumons pour la première fois depuis de longues minutes sans douleur.

 

Oui ! Elle était vivante.

Le brouillard se dissipa entièrement autour de lui. Chaque respiration de sa compagne semblait aspirer la noirceur qui entourait Sirius. Le rire de Voldemort s’estompait et se transformait en un cri inhumain qui s’échappait de la besace que Sélène tenait encore contre sa poitrine.

 

Elle était vivante.

Il rit en caressant à nouveau son visage, l’appelant doucement. Le soulagement et l’espoir, après le désespoir infini qu’il avait ressenti, le rendaient fou de bonheur.

— Sélène, murmura-t-il.

Il assura sa prise sur elle de son bras gauche et de sa main droite, lui caressa le visage, tremblant.

— Sélène, appela-t-il encore, la voix un peu plus forte.

 

Elle ne répondit pas. Elle ne réagit pas. Il passa lentement sa main devant sa bouche et son nez, le souffle qu’il avait senti était pourtant là.

 

Il releva la tête pour chercher confirmation auprès de ceux qui l’avaient tiré de son cauchemar.

— Elle ne se réveille pas !! Pourquoi elle ne se réveille pas ?

 

L’Auror blond, celui qui avait dit s’appeler Scrimgeour, examina Sélène. Sans la lâcher, Sirius observa l’homme retirer le sac qu’elle portait encore et le poser à côté d’eux. Il le regarda passer sa baguette le long de son corps, murmurant des paroles qu’il ne distinguait pas. Il attendit le verdict sans détacher ses yeux de lui. Il savait que son regard était plein d’espoir. Il vit l’air concentré et inquiet que l’Auror arborait. Puis il le vit sourire. Était-ce un sourire ?

 

— Elle est vivante, Monsieur Black, confirma-t-il conscient que Sirius avait besoin de l’entendre encore une fois. Elle est vivante mais elle est très faible. Il faut l’emmener à Sainte-Mangouste au plus vite.

 

Ce fut ces mots qui le firent réagir. Sainte Mangouste. Sélène devait aller à l’hôpital.

Il reprit contenance, hocha la tête et se leva avec Sélène dans ses bras. Scrimgeour voulut l’aider et posa la main sur la jeune femme, Sirius le dégagea violemment. Il était hors de question que quelqu’un d’autre que lui ne la touche. Scrimgeour battit en retraite, les mains levées en signe de reddition, et lui désigna la calèche où Sirius déposa sa fiancée avec une douceur infinie. Il s’apprêtait à monter à ses côtés, quand l’Auror blond le retint.

 

A nouveau, Sirius essaya de se dégager, d’un geste rageur, de la poigne de Scrimgeour, mais en vain. Dans le cœur du jeune homme, la colère et l’injustice prenaient le pas sur sa tristesse. Il en avait plus que marre de la guerre, de la mort, de la douleur. Il voulait remonter le temps, rentrer chez lui, faire que tout ça ne soit jamais arrivé, profiter de la vie avec Sélène. Ils avaient vingt-cinq ans, bordel, James et Lily en auraient vingt-et-un pour l’éternité. Ce ne sont pas des âges pour mourir ou risquer sa vie. Ils devraient se réunir autour d’un verre, rire, danser, crier, chanter. Il ne devrait pas pleurer ses amis ou prier pour que sa fiancée s’en sorte.

 

Ça n’aurait pas dû arriver !!

 

Et pourtant ils en étaient là. Les motifs pour faire la fête avaient disparu. La guerre était entrée dans leurs vies alors qu’ils étaient à peine sortis de Poudlard. James et Lily étaient morts et Sirius devait prier pour que l’amour de sa vie survive et c’est quelque chose qu’il voulait faire au plus près d’elle. Alors cet Auror devait le laisser accompagner Sélène. Il se débattit plus fort mais Scrimgeour tint bon.

 

— Vous ne pouvez pas l’accompagner, dit-il avec compassion. Pas pour le moment. Vous n’êtes pas encore réhabilité. Cela ne fera que créer un mouvement de panique qui retardera les soins qui lui seront apportés. Venez avec moi au Ministère, donnez-moi un peu de temps et vous pourrez la rejoindre, vous avez ma parole !

 

Sirius secoua la tête. Il comprenait les arguments de l’Auror mais il rechignait à laisser Sélène seule.

 

— Kingsley ira avec elle. Elle ne restera pas seule, mais donnez-nous juste le temps d’organiser les choses pour que vous puissiez la rejoindre dans de bonnes conditions, insista Scrimgeour.

 

Laisser Sélène ? Non, il ne pouvait pas s’y résoudre. Ils n’avaient pas le droit de les séparer. Ils l’avaient été trop longtemps déjà et les quelques jours qu’ils avaient passé ensemble après son évasion n’avaient pas suffi à combler son manque d’elle.

— Sirius ! appela Scrimgeour un peu plus fort faisant sursauter l’interpelé. Elle va vivre et vous la retrouverez, mais il faut que vous veniez avec moi.

— Non ! lâcha-t-il brusquement, en dégageant son épaule de la poigne de l’Auror pour lui faire face. Vous avez dit que vous nous saviez innocents. Je ne l’abandonnerais pas.

— Monsieur Black. Je sais ce que vous ressentez…

— Ah, vraiment ? coupa Sirius. Vous savez ce que je ressens ? On se bat depuis toujours contre Voldemort et ses sbires. Depuis notre sortie de Poudlard. Et comment a-t-on été remerciés ? J’ai été enfermé à Azkaban pendant quatre ans, jugé coupable, sans procès, d’avoir tué mes meilleurs amis. J’ai déjà perdu tant d’êtres chers, et elle … Elle est toute ma vie et elle est presque morte, victime à l’instant de ceux que vous pensiez être mes alliés.

 

— Monsieur Black… tenta Scrimgeour qui l’avait lâché pour ne pas augmenter le ressentiment de l’ancien prisonnier.

 

Mais Sirius était trop en colère et ne le laissa pas continuer.

— Elle a été torturée ! Parce qu’elle a été fidèle à la vérité ! Et personne n’a voulu la croire ! Le chef de la justice magique a voulu la brûler vive ! Et vous, vous voudriez que je la laisse entre les mains de votre collègue ?

— Je comprends… lança Scrimgeour sans hausser le ton.

 

L’Auror leva les mains en un signe apaisant dans l’espoir de désamorcer la colère du jeune homme.

— Alors non ! Croyez-moi, vous n’avez aucune idée de ce que je ressens ! finit par dire Sirius, vidé.

 

Scrimgeour encaissa les remarques. Il comprenait la colère et il devait bien l’avouer, malgré ce qu’il avait affirmé, Black avait raison : il n’avait pas la plus petite idée de la douleur ou de l’injustice que le jeune homme pouvait ressentir. Il avait répondu par automatisme, en suivant bêtement les instructions reçues lors de sa formation. Mais c’était bien la première fois, au cours de toutes ses années de carrière, qu’il était confronté à une telle situation. Alors il devait se rendre à l’évidence : le règlement, qui avait pu faire ses preuves par le passé, allaient devoir être abandonné face à cet homme.

 

— Vous avez raison, concéda-t-il. Je ne peux qu’imaginer ce que vous avez enduré et croyez-moi, je ferais tout pour vous rendre votre liberté. Mais j’ai encore besoin de vous, de votre témoignage dans toute cette affaire. Pour clôturer ce dossier et vous rendre votre liberté, officiellement. C’est ce qu’elle voulait, non ?

 

Pour appuyer ses propos, il montra d’un signe de tête l’intérieur de la calèche, où gisait Sélène. Sirius regarda dans cette direction et Scrimgeour eut l’impression que le jeune homme l’écoutait enfin. Il poursuivit en douceur :

— Et pour le moment, vous ne pouvez rien pour elle. Elle va aller à Sainte-Mangouste pour être soignée. Kingsley va l’accompagner et s’assurer qu’elle reçoive les meilleurs soins. D’accord ?

 

Sirius se tourna vers Shacklebolt, qui hocha la tête pour appuyer les propos de son collègue. Scrimgeour continua :

— Mais vous, vous n’êtes pas encore innocenté. Si vous vous obstinez à vouloir l’accompagner maintenant, vous n’allez faire que retarder les choses pour vous et pour elle. Vous le savez. Donnez-moi la matinée, pour tenter de démêler tout ça et je vous accompagnerai personnellement pour la rejoindre le plus vite possible. Je vous le promets !

 

Sirius serra les mâchoires puis il hocha la tête. Ils avaient gagné. Il suivrait l’Auror blond. Il se retourna vers sa fiancée. Elle semblait en proie à un combat intérieur. Son visage était crispé de douleur. Une goutte de sueur perla sur son front. Il l’essuya avec douceur puis se pencha vers elle pour lui murmurer des mots rassurants à l’oreille en lui caressant tendrement les cheveux. Enfin, Sirius se redressa et rejoignit l’Auror blond. Il regarda ensuite avec regret Shacklebolt prendre la place qui aurait dû être la sienne. Ce dernier lui fit un signe de tête avant de refermer la porte.

— Je veille sur elle et je ne la quitterais pas avant votre retour, le rassura-t-il.

 

Sirius ne répondit pas et se contenta d’acquiescer. Il regarda, le cœur lourd, les Sombrals s’envoler, emmenant Sélène loin de lui. Quand la calèche ne fut plus qu’un point indiscernable dans la nuit, il baissa la tête. 

 

Scrimgeour s’approcha et lui posa une main qui se voulait compatissante sur l’épaule. D’une légère pression, alors que les Aurors français qui revenaient de leur course-poursuite s’approchaient, il lui fit relever la tête.

— Vous êtes prêt ? Nous rentrons en Angleterre.

 

Sirius se dégagea, parce que même si la colère l’avait quitté petit à petit, ces hommes représentaient malgré eux cette institution qui l’avait rejeté. Face à la menace et n’étant pas au courant du revirement de situation dans cette affaire, les français avaient levé leur baguettes, prêts à en découdre. Sirius se tourna vers eux, sans se saisir de son arme, contenant son agressivité malgré sa colère.

— Bellatrix ? demanda-t-il d’une voix sourde.

 

Les français consultèrent leur collègue anglais qui leur confirma de la tête qu’ils pouvaient répondre. Après avoir échanger quelques regards interrogatifs entre eux, l’un des agents français répondit, dans un anglais teinté d’un accent marqué : 

— Elle s’est échappée.

— Vous étiez nombreux et elle a réussi à passer entre les mailles ? Vous vouliez vraiment l’attraper, dites-moi ? répondit-il avec hargne.

— Vous sous-entendez que nous sommes corrompus ? s’énerva le français.

— Vous ne seriez pas les premiers… cracha le jeune homme.

 

Scrimgeour tenta de temporiser et fit un signe des mains pour inciter ses homologues français à baisser leurs baguettes. Il se retourna ensuite vers Sirius.

— Monsieur Black, je ne pense pas qu’il soit sage de provoquer mes collègues. Je peux comprendre votre révolte mais essayez de vous maîtriser. Je vous répète que vous n’êtes pas encore officiellement relaxé en Angleterre, et à plus forte raison ici…

 

Sirius ne répondit pas, mais tourna son visage vers lui et Scrimgeour put voir ses pupilles briller de colère. L’Auror devait absolument le calmer pour éviter qu’il ne fasse une bêtise qui pourrait le renvoyer en prison.

— Deux Aurors français sont morts ce soir, dit-il d’une voix sombre, retrouvés derrière des tombes. Vous avez manqué certains éléments pendant que vous étiez dans cet espèce de brouillard… Votre cousine n’était pas seule : elle était accompagnée de deux hommes.

— Il semblerait même que l’un de mes hommes ait été soumis à l’Imperium, ajouta le français en désignant un homme en imperméable prostré un peu plus loin.

— Quoi ? demanda Sirius, incrédule.

— Vous pensiez vraiment qu’elle avait réussi à s’évader seule d’Azkaban ? Non, ce sont tous les Mangemorts qui se sont enfuis.

— Tous les Mangemorts ?

— Oui, tous.

— Mais… comment ?

— Les Détraqueurs se sont retournés contre nous : ils ont attaqué les gardiens et ne sont pas intervenus pendant que les détenus s’enfuyaient, avoua sombrement Scrimgeour.

 

Sirius accusa le coup. Il tombait des nues. Il réalisa alors à quel point ils s’étaient coupés du monde pendant sa cavale avec Sélène, enfermés dans leur bulle depuis cinq jours, concentrés sur leur mission. Grâce à Sélène, il savait que le temps leur était compté, que Voldemort allait regagner en puissance. Mais il n’avait pas imaginé que cela irait si vite. Découragé, il se voûta. Scrimgeour lui posa la main sur l’épaule :

— On y va, Monsieur Black ? Il est temps de rentrer. Mais vous allez devoir me donner votre baguette, pour des raisons de sécurité.

 

Sirius hocha la tête et présenta son artefact, en guise de bonne foi. Scrimgeour s’en saisit et la rangea dans sa poche intérieure tandis que Sirius ne la quittait pas des yeux. C’était la baguette de James, que Sélène lui avait donnée. Il ne voulait surtout pas la perdre.

— C’est juste la procédure, vous le savez, lui indiqua l’Auror à la crinière de lion. Je vous la rendrai aussi vite que possible.

 

Sirius reporta son regard sur l’homme en face de lui et le sonda. Il semblait sincère et il eut envie de l’être également.

— Cette baguette… C’était celle de James. Sélène l’a récupérée sur les ruines de Godric’s Hollow et m’en a fait cadeau, juste avant qu’on ne parte de chez nous il y a cinq jours. Quoi qu’il se passe… Ne la détruisez pas, je vous prie… C’était la baguette de James !

 

Un murmure parcourut les Aurors français. Scrimgeour, lui, ne répondit pas tout de suite. Sirius ne s’en rendait pas forcément compte, mais il venait de lui donner une preuve supplémentaire de son innocence, devant témoins. Les baguettes magiques sont des objets puissants. Elles ont leur volonté propre et celle-ci avait accepté de changer de propriétaire. Cela attestait de beaucoup de choses, à commencer par la loyauté de Sirius envers le précédent détenteur. C’était un témoignage impossible à défaire. Il suffirait simplement de la soumettre à l’expertise d’Ollivander, le célèbre fabriquant, pour le confirmer au tribunal s’il devait y avoir un procès.

 

Il hocha la tête à l’attention de Sirius et le rassura :

— Je la garde pour le moment mais je vous la rendrai bientôt. La ministre de la magie a reçu mon rapport préliminaire et j’espère lui apporter la conclusion de mon enquête rapidement. Un communiqué devrait paraître dans la foulée dans la Gazette pour vous présenter des excuses publiques pour votre incarcération. Mais tout cela dépend de vous. Je dois vous interroger pour clôturer l’instruction. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, il ne me manque plus que quelques détails.

 

Puis l’Auror fit un signe de tête à ses homologues français qui levèrent le sortilège les empêchant de transplaner. Il resserra alors sa prise sur l’épaule du jeune homme et l’escorta au Ministère de la Magie français, première étape de leur voyage de retour.

 

OoooO

 

Le lendemain matin

 

 

Le salon de Mrs Figg sentait le chou et le petit garçon de cinq ans s’ennuyait. La vieille dame dormait, affalée sur son fauteuil et entourée de ses chats, tous autant assoupis. Tante Pétunia, Oncle Vernon et son cousin Dudley étaient partis pour au cinéma, parce que c’était ce que Dudley avait décidé ce matin en se levant. Harry avait un peu espéré les accompagner, mais la tante Pétunia lui en voulait toujours d’avoir fait repousser ses cheveux quand elle avait tenté de les lui couper pour les discipliner alors ils l’avaient déposé chez la voisine. Cette dernière lui avait donc allumé la télé, mais au bout de quelques minutes, il avait commencé à s’en désintéresser.

 

Harry s’approcha de la fenêtre et croisa ses bras sur le rebord. Il y posa sa tête et regarda les flocons tomber sur Privet drive. C’était la première neige de la saison. Elle avait commencé à tomber le matin et recouvrait déjà le jardin de sa gardienne. Harry soupira, il aurait bien voulu jouer dehors mais Mrs Figg le lui avait formellement interdit. 

 

Il hésita un court instant puis avança sans faire de bruit vers la porte d’entrée. Au moment d’actionner la poignée, il surveilla encore la pièce mais aucun de ses habitants, humains ou animaux, n’avaient fait attention à lui. Il enfila son bonnet et son écharpe, puis sortit de la maison. Un frisson le parcourut quand le froid mordit sa peau à travers son pull trop grand et tout mité mais la porte claqua avant qu’il ne puisse aller récupérer son manteau.

 

Harry haussa les épaules, se retourna vers le jardin puis sourit, malicieux et heureux d’avoir réussi son coup. Au final, en bougeant, il n’allait pas avoir froid. Alors il commença à attraper les flocons qui voletaient près de lui et rit aux éclats quand l’un d’eux se posa sur son nez, le faisant loucher.

 

Au bout de quelques minutes, il se lassa puis entreprit de construire un bonhomme de neige. Il avait à peine commencé quand il fut attiré par un mouvement un peu plus loin, au fond du jardin. Au début, il crut à un animal qui creusait des sillons dans la neige fraîche et, curieux, s’en approcha. Il pencha la tête sur le côté, intrigué, quand il s’aperçut qu’il s’agissait en réalité d’une petite voiture toute neuve. Il voulut l’attraper, mais la voiture s’échappa quand il avança la main pour s’en saisir.

 

Il fronça les sourcils et releva la tête, ses yeux d’un vert éclatant cherchant autour de lui qui pourrait lui faire ce genre de blague. Il ne vit personne. De nouveau, il tenta d’attraper la petite voiture d’un geste vif, mais encore une fois, le jouet s’éloigna, longeant la clôture, vers le portail menant à la rue. Il insista, encore et encore, jusqu’à arriver aux pieds d’un homme grand et mince, aux cheveux couleur paille et à la peau très blanche constellée de taches de rousseur. Il lui souriait d’un air mauvais qui faisait se lever le duvet sur la nuque de Harry et celui-ci ne parvint pas à lui rendre ce sourire.

 

Cette personne le mettait mal à l’aise et il sentit tout d’un coup qu’il n’aurait pas dû être là, qu’il n’aurait jamais dû quitter la maison de Mrs Figg. Il se releva, s’excusa d’une toute petite voix et courut vers la porte. Mais il n’avait même pas fait dix pas qu’il se retrouva immobilisé et tomba, la tête la première dans la neige.

 

Il entendit l’homme s’avancer, lui saisir le col de son large pull et le relever sans effort.

— Harry Potter…

 

Harry sentit la peur le saisir. Comment cet homme qu’il n’avait jamais vu connaissait-il son nom ? L’individu leva le bout de bois qu’il tenait dans sa main et écarta les cheveux qui barraient le front de Harry pour faire apparaître sa cicatrice. Et à nouveau, un sourire malsain éclaira le visage de l’homme en face de lui. Il avait l’air d’un dément. Harry tenta de se débattre, mais n’y arrivait pas. Il était tout raide. En fait, il n’arrivait plus du tout à bouger son corps. Ses yeux se remplirent de larmes.

 

— Comment se fait-il que le Seigneur des Ténèbres n’ait pas réussi à te tuer quand tu étais bébé, hein, Potter ?

 

Il rit, un peu comme un fou, sans que Harry ne comprenne pourquoi et se remit à parler :

— Peu importe, il sera bientôt de retour. Imagine ma récompense quand il apprendra que c’est moi qui t’ai capturé ? Je recevrai pour cela plus d’honneurs que tous les autres. Je serai le plus aimé, le plus proche de ses fidèles…*

 

Harry ne comprenait vraiment pas ce que le monsieur devant lui disait. Il voulait juste ne pas être là. Il voulait juste ne jamais avoir ouvert cette porte, ne pas avoir eu envie d’aller jouer dans le jardin. Il aurait même préféré rester dans son placard au 4, Privet Drive.

 

L’homme lança des regards autour de lui. La rue était déserte en cet après-midi hivernal. Tout le monde avait préféré rester au chaud. Il reporta ensuite son regard fou sur Harry et brandit sa baguette sur son cœur.

Enervatum !

 

Le corps du jeune garçon put enfin bouger à nouveau. Il battit des pieds et des poings pour s’échapper, mais l’homme était plus fort.

— Si tu essaies de partir, je te lance encore un maléfice pour t’immobiliser. Est-ce que c’est clair ?

 

Harry ne comprenait pas tout à fait ce qu’était un maléfice, mais il n’avait aucune envie de se retrouver paralysé à nouveau, alors il hocha la tête :

— Oui, Monsieur.

— Bien. Allons-y alors.

 

Et l’homme le reposa par terre et raffermit sa prise sur son bras. Puis Harry, dans un instant de terreur sans nom, sentit comme un crochet dans son nombril l’aspirer en tourbillonnant.

 

 

 

* Extrait de Harry Potter et la Coupe de Feu

 

 

 

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