L'évadé du clair de Lune

Chapitre 17 : Espoirs et rêves brisés

5407 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/07/2024 20:22

Deux jours plus tôt, à Poudlard.

 

Le bureau du directeur était plongé dans la lumière douce du lever de soleil. C’est ainsi que Remus Lupin le découvrit ce jour-là en arrivant dans l’une des plus hautes tours surplombant le parc de Poudlard. Malheureusement, il n’eut pas le loisir d’admirer la vue. Le jeune homme était courbé sous le poids d’un Albus Dumbledore chancelant. Le vieux sorcier avait puisé dans sa magie pour permettre à Remus de transplaner directement ici. Il avait ensuite dû se résoudre à lui laisser la main.

 

Leur nuit avait été agitée et difficile, bien plus difficile que ce que Dumbeldore avait imaginé, et s’ils avaient tous les deux atteint l’objectif qu’ils s’étaient fixé, le directeur de Poudlard en avait été bien amoindri. Remus le mena à son fauteuil, même s’il aurait préféré le laisser dans un lit. Le vieil homme avait besoin de repos, mais cette tête de mule, avec tout le respect qu’il lui était dû, avait décliné l’offre sans aucune possibilité de négociation. Aussi Remus s’était résolu à obéir, comme il le faisait toujours.

 

— Va chercher Severus, dépêche-toi, ordonna Dumbledore. Ma magie ne suffira bientôt plus à endiguer cette malédiction.

 

Remus hocha la tête et se précipita vers les cachots où le maître des potions prenait ses quartiers. A peine eut-il fermé la porte que le directeur se laissait aller contre le dossier de son fauteuil en grimaçant. Il sortit de sa robe de sorcier une bague en or vieilli, sertie d’une pierre noire. Pour la première fois depuis qu’il l’avait récupérée ce soir, il avait enfin le loisir de l’observer de tout son soûl et de confirmer l’intuition qu’il avait eue sur le moment. Sur la pierre était gravé un symbole qu’il n’avait pas vu depuis bien longtemps mais qui hantait toujours la moindre de ses pensées : un rond dans un triangle barré d’un trait vertical. Une gravure légèrement effacée par le temps, mais qui augmentait encore davantage l’attirance malsaine que l’objet exerçait sur le directeur.

 

Au prix d’un énorme effort, il posa la bague sur la table, sans toutefois réussir à en détacher le regard. Sa main le démangeait et le vieux sorcier avait beaucoup de mal à résister à l’envie de saisir sa baguette, tout comme il peinait à ne pas se lever chercher la cape d’invisibilité qu’il avait emprunté il y a cinq ans à James Potter, pour l’étudier avait-il dit. Un caprice qui avait probablement coûté la vie au couple, privé un enfant innocent de ses deux parents et condamné leur meilleur ami à Azkaban. C’était cette culpabilité qui permettait à Dumbledore de ne pas céder à l’appel de l’Horcruxe posé devant lui et de ne pas réunir plus intimement les trois reliques de la mort en sa possession. C’était cette culpabilité aussi qui scella sa décision de détruire la bague et donc toute possibilité d’accomplir la quête de sa vie. Et enfin, c’était cette culpabilité qui le convainquit de rendre la cape d’invisibilité à la personne qui la méritait le plus, dès qu’il en aurait l’occasion.

 

Perdu dans ses pensées, le vieux sorcier sursauta quand la porte de son bureau s’ouvrit à nouveau sur Remus, suivit de près par Severus Rogue. Ce dernier se précipita pour examiner son protecteur, en faisant claquer sa cape noire derrière lui. Remus, lui, s’assit en face du bureau et se saisit de la bague pour l’observer à son tour. Ils l’avaient trouvée par terre, dans l’ancienne maison des Gaunt, témoin de la misérable existence de la mère de Tom Jedusor, futur Voldemort. L’édifice cristallisait tellement de souffrance qu’il a été le berceau idéal pour la transformation de ce bijou de famille en Horcruxe.

 

Remus et Dumbledore avaient compris beaucoup de choses quand Horace Slughorn, à qui ils avaient rendu visite quelques jours plus tôt, leur avait livré ses souvenirs du jeune élève que Voldemort avait été. Des informations capitales qui leur avaient permis de comprendre que Sirius et Sélène étaient sur la bonne voie et qui leur avait aussi dévoilé des indices sur les Horcruxes manquants. L’intuition de Dumbledore avait fait le reste. Remus reposa la bague sur le bureau du directeur.

 

— La malédiction est endiguée pour le moment, même si j’avoue ne pas comprendre exactement pourquoi, déclara Rogue de sa voix doucereuse à l’attention de son ancien professeur.

 

A ces mots, Remus tourna le regard vers le vieux sorcier et surprit un sourire entendu sur les lèvres du directeur alors que la bague se reflétait dans ses lunettes en demi-lune. Cependant, pas un mot ne sortit de sa bouche pour éclairer ses deux anciens élèves qui ne relevèrent pas, habitués qu’ils étaient aux mystères que leur mentor semblait particulièrement apprécier.

 

Le silence retomba entre les trois hommes pendant que Severus sortait de sa cape une fiole de potion qu’il avait amenée pour soigner Dumbledore. Celui-ci la but sans rechigner et sans poser de question, en toute confiance. Mais Remus ne put s’empêcher de surveiller avec attention les réactions du vieux sorcier. Malgré les années, la confiance qu’il accordait à Rogue était limitée, même si

Dumbledore s’en portait garant. Les restes de leur inimitié adolescente sans doute. Sans compter les regards de dégoût que le maître des potions lui lançait prouvaient que celui-ci n’avait pas oublié la condition de loup-garou de Remus et n’avait toujours pas pardonner la farce malheureuse que James et Sirius avait pu lui faire. A cela s’ajoutait le fait que Rogue était un Mangemort. Pourquoi ce dernier aurait-il retourné sa veste ? Tout cela n’aidait pas à faire régner un climat propice à l’entente entre les deux hommes et l’ambiance était lourde autour du bureau.

 

 

Albus Dumbledore, lui, ne semblait pas s’en préoccuper davantage :

— Severus, avez-vous réussi à mettre la main sur l’Horcruxe qui se trouve chez Lucius ?

 

Celui-ci glissa à nouveau sa main dans sa cape et en sortit un vieux carnet à la reliure en cuir noir qu’il posa avec une attitude s’apparentant à du respect sur le bureau, à côté de la bague. Dumbledore s’en saisit et en feuilleta les premières pages. Son regard s’éclaira alors d’une lueur de victoire.

— Et vous avez réussi à le détruire.

— Mais… Comment ? murmura Remus. Sélène a dit qu’il fallait les détruire de l’intérieur avec un procédé particulièrement néfaste pour contourner la protection première.

 

Rogue renifla avec dédain et avoua avec suffisance : 

— Il m’a suffi d’en comprendre le fonctionnement pour parvenir à le détruire sans la moindre peine. J’ai mélangé un poison rapide à de l’encre et j’ai écrit à l’intérieur. Le journal buvait mon écriture et s’est gorgé lui-même de la substance qui l’a détruit. C’était… pénible mais efficace.

 

Un air de souffrance et de regret passa sur son visage sans que Remus n’en comprît le sens. Il fronça les sourcils, soudainement conscient que son ancien ennemi s’avérait plus complexe qu’il n’y paraissait. Sans doute lui aussi cachait un lourd secret.

— Avez-vous encore de ce poison que vous avez utilisé, Severus ? demanda Dumbledore.

— Il m’en reste une fiole en effet, je vais vous la chercher, dit l’intéressé en se levant.

 

Les deux autres le regardèrent sortir en silence, puis, une fois la porte refermée, Dumbledore se saisit de sa baguette qu’il agita négligemment. Aussitôt un bol en pierre lisse et une fiole d’un liquide translucide s’envolèrent des placards situés derrière le fauteuil du directeur pour atterrir doucement devant lui.

— Quelle potion est-ce là ? demanda Remus innocemment.

— Les moldus appellent cela de l’eau régale, répondit Albus Dumbledore d’un ton professoral tout en attrapant la bague. C’est un mélange ingénieux d’acides qui permet de dissoudre les métaux nobles, dont l’or. Il n’y a rien de comparable ni d’aussi efficace dans le monde sorcier.

 

Il déposa la bague dans le bol en pierre puis se saisit ensuite de la fiole qu’il porta à niveau de leur regard.

— Et je trouve cela délicieusement ironique de savoir que c’est un procédé alchimique moldu qui va nous aider à détruire la bague de famille de Salazar Serpentard, présentement Horcruxe de Voldemort, poursuivit le vieux professeur avec malice.

— Pour deux sorciers qui ont passé leur vie à vouloir décimer les non-magiques, c’est assez cocasse, je dois bien l’avouer, approuva Remus avec un sourire devant l’amusement enfantin de son mentor.

 

Severus Rogue revint sur ses entrefaites, un coffret sous le bras. Il l’ouvrit sur le bureau et sortit du contenu capitonné une fiole ronde d’un liquide d’une couleur bleutée hypnotisante qui aurait pu paraître jolie si on en ignorait la fonction.

— Ceci est l’Étreinte de Mort, un poison rare dont une goutte suffirait à tuer à dragon, souffla le maître des potions d’un ton qui fit frissonner Remus.

— Cela devrait être parfait, répondit Dumbledore satisfait.

 

Il versa l’eau régale sur la bague et il suffit de quelques secondes pour que l’air de la pièce fut vicié par des vapeurs d’acide dorées. Le professeur vida ensuite la fiole de poison, sous l’œil horrifié de Severus Rogue, dans le bol de pierre. Remus toussa avant de se couvrir la bouche et le nez de sa manche. Il se leva brusquement et recula au fond de la pièce quand les vapeurs se transformèrent en fumée noire en forme de serpent qui fusa sur Rémus, tous crocs dehors, avant de s’évanouir dans l’air du bureau. Dans le bol devant Dumbledore, il ne restait plus rien de la bague à part de minuscules particules d’or flottant dans le liquide, dorénavant de couleur noir d’encre.

 

Les battements de cœur de Remus s’apaisaient petit à petit quand des coups furent frappés à la porte.

— Entrez, Minerva, annonça Dumbledore tranquillement.

 

La porte s’ouvrit devant la directrice adjointe qui se couvrit le nez de sa manche après avoir respiré l’atmosphère âcre qui régnait dans le bureau. Elle se figea quelques secondes en découvrant Remus Lupin et Severus Rogue dans le bureau et fronça les sourcils, consciente que quelque chose lui échappait. Elle toussota, la gorge prise par l’odeur âcre qui régnait dans la pièce et posa, d’un geste élégant, sa main sur son nez.

— Professeur Dumbledore, dit-elle, deux Aurors sont là pour vous. Je leur ai dit de patienter.

— Je me doutais qu’ils finiraient par venir ici. Vous pouvez les faire monter, Minerva, répondit Dumbledore.

 

D’un geste, il congédia Severus Rogue qui ne se fit pas prier pour retourner dans ses cachots au fond du château, puis le directeur se tourna vers Remus.

— Je crains qu’ils ne veuillent vous poser des questions également.

— Et je suis prêt à leur répondre, assura l’élève qui ouvrait les fenêtres et dissipait les dernières vapeurs avec sa baguette.

— Tâchez toutefois de rester évasif sur tout ce qui concerne notre quête. Le ministère ne doit pas être impliqué, il reste l’une des instances magiques les plus corrompues malgré la chasse aux mages noires qu’il a tenté d’effectuer.

 

Remus hocha la tête, inquiet et nerveux, alors qu’il repositionnait les deux chaises face au bureau du directeur. Dumbledore, parfaitement calme, le regarda s’agiter et ranger tout ce qui restait de leurs activités, puis s’adossa sur sa chaise et ferma les yeux jusqu’au retour du professeur McGonagall.

 

Celle-ci revint avec les deux hommes que Remus avait pu apercevoir quand ils avaient attaqué la maison de Sélène, alors qu’ils étaient à la recherche de la jeune femme. Cela semblait s’être passé il y a une éternité maintenant. Les deux agents ministériels s’avancèrent dans le bureau et Remus prit le temps de les observer, de les jauger, pour tenter de comprendre ce qu’ils savaient, ce qu’ils avaient pu apprendre depuis.

 

Rufus Scrimgeour entra en premier d’une démarche souple mais légèrement claudicante. L’homme avait un regard intelligent et déterminé, souligné par des sourcils broussailleux, aussi blonds que sa chevelure que ses lunettes dorées avaient bien du mal à cacher. Derrière lui, un homme noir, plus grand d’au moins une tête, le suivait nonchalamment. Il portait un anneau d’or à l’oreille et sa robe de sorcier, trop petite, dévoilait ses chevilles.

 

Ils prirent place dans les sièges en face de Dumbledore puis Remus s’avança à son tour pour se positionner debout, à l’arrière du fauteuil du directeur. Les deux Aurors lui adressèrent un signe de tête satisfait qui ne fit que renforcer la détermination du jeune homme.

— Professeur Dumbledore, Monsieur Lupin, je me présente, Rufus Scrimgeour, et voici mon collègue Kingsley Shacklebolt, commença l’Auror blond. Nous sommes en charge de l’enquête sur l’évasion de Sirius Black et nous avons quelques questions à poser.

— C’est d’ailleurs une chance de vous trouver là, Monsieur Lupin, ajouta Kingsley. Vous êtes particulièrement doué pour disparaître, presque autant que Mademoiselle Thorne d’ailleurs.

— Je serai ravi de pouvoir vous démontrer leur innocence, répondit Remus.

— Des innocents pourraient se rendre sans craintes, vous ne croyez pas ? provoqua Scrimgeour.

 

Remus, toujours debout derrière le directeur de Poudlard, serra le poing sur le dossier du fauteuil contre lequel il était appuyé. La pleine lune n’était passée que de deux jours et le tempérament sanguin du loup-garou pulsait encore dans ses veines. L’Auror le provoquait pour entrer dans une relation de supériorité, Remus n’était pas dupe, aussi tenta-t-il de garder son calme.

— Messieurs, je pense que vous pouvez comprendre pourquoi ils ne se sont pas rendus, intervint Dumbledore. J’ai été témoin de l’interrogatoire de Sélène dans vos locaux il y a quatre ans. Je pense qu’il est très difficile pour elle de donner sa confiance à ceux qui l’ont traitée ainsi, ne croyez-vous pas ? Et je pense également que ces quelques jours de disparition vous ont donné matière à réfléchir, sinon vous ne seriez pas là, je me trompe ? Sans compter que, selon l’article de Rita Skeeter, vous semblez dans une impasse.

 

Les deux Aurors remuèrent sur leur siège, mal à l’aise, puis décidèrent de jouer cartes sur table :

— En effet, nous étions à la recherche de Monsieur Lupin. Nous venions ici dans l’espoir que vous puissiez nous dire où le trouver. Nous pensons qu’il est le seul à pouvoir nous sortir de cette impasse et nous donner les éléments qu’il nous manque pour clore l’affaire.

 

L’entretien débuta alors, puis, au bout d’une quinzaine de minutes, une lumière aveuglante remplit le bureau du directeur. Tout le monde se tut, hypnotisé par la soudaine apparition qui leur délivra l’information qui leur manquait : Sirius Black, accompagné de Sélène Thorne, les deux fugitifs les plus recherchés du monde magique étaient à Paris. Rufus Scrimgeour et Kingsley Shacklebolt échangèrent un regard et se précipitèrent à l’extérieur sans que quiconque n’ait le temps de les retenir.

 

OoooO

 

Paris, le soir même, au milieu de la nuit.

 

Après avoir quitté la cabane de jardinier où ils avaient pu se reposer un peu, Sirius et Sélène marchèrent moins de cinq minutes pour rejoindre une entrée latérale du cimetière du Père Lachaise. La porte en bois, engoncée dans la muraille était ancienne et le cadenas rouillé, aussi, celui-ci ne résista pas au sortilège de Déverrouillage que Sirius lança. La pièce métallique tomba au sol dans un bruit mat. Sirius et Sélène poussèrent la porte qui grinça sinistrement en tournant sur ses gonds, puis ils se glissèrent à l’intérieur.

 

Les travées du cimetière étaient peu éclairées. Les statues et sépultures anciennes leur donnaient une atmosphère gothique et inquiétante. Les deux amants sortirent leurs baguettes qu’ils tinrent devant eux, prêts à s’en servir. De rares réverbères, qui diffusaient une lumière discrète, leur indiquaient le chemin. Ils avancèrent lentement, se méfiant des ombres traitresses.

 

— D’après mes souvenirs, l’entrée du mausolée des Lestrange se trouve au centre du cimetière, chuchota Sirius qui baissait la voix, impressionné par la solennité du lieu. Il faudra trouver une statue de femme classique, très ancienne, drapée d’un voile qui tient un livre ouvert devant elle. Il devrait y avoir le symbole de leur famille sur les pages.

— Comment tu sais ça ?

— On a fêté les fiançailles de Bellatrix et Rodolphus à la maison, peu de temps avant que je ne parte. Les Lestrange sont fiers et plutôt arrogants. Ce mausolée est imposant et a coûté une petite fortune, ils n’ont pas manqué de le nous faire savoir en le décrivant entièrement.

— Ils ont parlé de ça à des fiançailles ?

— Ouais… Ils ont fait savoir à ma famille que tout avait déjà été décidé et noté dans le contrat de mariage. Bellatrix n’était plus une Black, mais une Lestrange. Du coup, elle sera enterrée là-bas. Sa crypte est déjà creusée à l’intérieur du mausolée. Elle en était assez fière, surtout qu’elle a dû faire don d’un peu de sang. Et tu sais combien le sang a de valeur pour elle. Bref, j’ai eu le temps d’y penser durant le trajet, je crois que c’est là qu’il faudra chercher l’Horcruxe.

— Ta famille est vraiment charmante, tu sais. Et pour entrer dans le mausolée, on fait comment ?

—La statue fait office de gardienne : c’est elle qui a le pouvoir de nous laisser entrer. Rodolphus a expliqué qu’il fallait faire un sacrifice de sang pour prouver qu’on fait partie de la famille. Il faut laisser une goutte tomber sur le symbole gravé sur les pages du livre que la statue tient. Bellatrix est une Black, je suis un Black, on a des gènes en commun, espérons que cela suffise.

— C’est bien la première fois que je te vois espérer ressembler un tant soit peu à ta cousine, lança Sélène.

 

Sirius se tourna vers elle et lui lança un regard mi-amusé, mi-exaspéré qu’elle devina sous la lumière de la lune. Elle le poussa gentiment en pouffant pour qu’il reprenne sa route.

 

Quand ils arrivèrent au centre du cimetière, Sirius lança un sort de détection de magie et une statue s’illumina. Comme il l’avait décrit, c’était une statue très ancienne de femme, drapée d’un voile autour de son corps nu. Lorsqu’ils s’approchèrent, la statue se pencha vers eux et leur tendit un livre en marbre. Au milieu de la page, érodé par le temps, les deux amants purent voir un blason noir et blanc, un quartier de lune en son centre et une goutte qui tombait vers le bas des armoiries. Un corbeau sur un lit de lierre surplombait l’emblème. De sa main libre, la femme de marbre sortit de sous son voile un couteau en argent qu’elle leur tendit. Après un regard vers Sélène, Sirius s’en empara et s’entailla la paume qu’il plaqua contre les pages que la statue lui présentait. La femme de pierre sourit quand elle se redressa et le socle s’ouvrit pour laisser place à un escalier qui s’enfonçait sous terre.

 

Sirius soigna rapidement sa coupure d’un coup de baguette magique, saisit la main de Sélène derrière lui et s’engouffra à l’intérieur. Les marches, usées par les siècles, étaient irrégulières et couvertes de mousse glissante, rendant chaque pas incertain. L'air, tout d’abord vicié à l’ouverture du socle de la statue, devenait plus frais et plus humide à mesure que les deux jeunes gens descendaient, leur pas résonnant alors qu'ils s'enfonçaient dans la pénombre. Sirius alluma sa baguette révélant une brume légère flottait dans les airs, ajoutant une touche éthérée à l'atmosphère.

Les murs de pierre étaient drapés de lierre. Des racines noueuses et tordues perçaient les parois et semblaient presque vivantes. Leurs extrémités se mouvaient légèrement comme si elles réagissaient à la présence des visiteurs, détectant des intrus. Sélène, mue par son instinct de survie, s’éloigna. Après tout, elle ne faisait, pour sa part, pas partie de la famille et se doutait que les Lestrange avaient dû ajouter d’autres systèmes de sécurité, sans compter que Bellatrix était le bras droit de Voldemort. Elle prit donc soin de descendre, les mains sur les épaules de Sirius, bien au milieu de l’escalier.

Les deux amants progressaient en silence. Leurs nuques frissonnaient du chuchotement imperceptible du vent s'infiltrant par des fissures invisibles. Parfois, le son distant d'un grondement sourd, comme un murmure ancien venu des profondeurs, les faisait sursauter.

Au fur et à mesure de leur progression, les torches accrochées aux murs s’allumaient devant eux et Sirius éteignit sa baguette. La lumière qu’elles projetaient vacillait et créait des ombres dansantes qui formaient des figures fantomatiques autour d’eux. L'odeur de terre humide se mêlait à celle, plus subtile, de restes d’encens brûlé.

Au bout d’un temps qui leur parut interminable, ils atteignirent enfin un vaste hall menant à une série de couloirs sombres qui desservaient de multiples cryptes. Chacune était marquée par des portails en fer forgé, ornés de motifs archaïques évoquant des runes protectrices qui brillaient d'une lumière douce. Dans certaines alcôves, des lumières bleutées semblaient émaner de cristaux enchâssés dans les murs, baignant l'espace d'une lueur presque apaisante. D'autres restaient plongées dans l'obscurité totale. Au-dessus des linteaux des portes était gravé dans la pierre le nom de la personne inhumée : Corvus Lestrange I et sa femme Héloïse Beaufort, Falco Lestrange et Salomé Volant, Corvus II, III et IV puis enfin, profondément dans le mausolée, à l’entrée d’une crypte encore vide : Rodolphus Lestrange et Bellatrix Black.

 

Sirius sentit la main de Sélène serrer la sienne. Ils avaient trouvé. Ils échangèrent un regard et s’avancèrent dans l’alcôve vers le piédestal qui, plus tard, recevrait les cercueils. Dessus était posé un petit coffre richement ornementé. Sélène l’attira vers elle, puis après un dernier regard vers Sirius, l’ouvrit, laissant s’échapper une vapeur viciée. Elle toussota et releva le visage vers son compagnon, un sourire de victoire aux lèvres.

 

La coupe de Helga Poufsouffle, tout en or, ornée d’un blaireau, emblème de la maison qu’elle avait fondée à Poudlard était là, devant eux. Le troisième Horcruxe de Voldemort. Enfin. L’objet frémissait de magie noire. Sirius et Sélène ressentirent la même sensation d’attirance malsaine que pour les deux autres. La jeune femme la sortit de l’écrin et la glissa dans le sac qu’elle portait puis les deux amants rebroussèrent chemin, pressés de retrouver la fraicheur de l’air du cimetière.

 

Sirius venait de poser un pied à l’extérieur du mausolée quand il s’arrêta net, empêchant la jeune femme de sortir à son tour, bloquée entre deux murs de pierre. En face de lui se trouvaient deux hommes : ceux qui avaient pénétré dans sa maison et déclenché leur cavale, les deux Aurors responsables de sa traque : Rufus Scrimgeour et Kingsley Shacklebolt.

 

— Monsieur Black, Mademoiselle Thorne, vous n’êtes pas faciles à attraper, déclara l’Auror blond.

 

Derrière lui, Sirius sentit Sélène se figer en sentant la menace puis elle voulut passer devant lui pour le protéger, plaider encore une fois son innocence, lui laisser le temps de fuir, mais il l’en empêcha de son bras. Elle le saisit par la taille et tenta de transplaner, mais les Aurors avaient sans doute lancé des sortilèges d’Entrave et elle échoua.

 

Sirius, lui, restait immobile, le bras le long de son corps, baguette à la main. Il ne voulait pas faire plus, lancer les hostilités ne servirait à rien. Il sentait Sélène s’agiter derrière lui. Elle avait peur, peur qu’il soit recapturé, peur qu’il soit condamné au baiser du Détraqueur. Mais lui, la maintenait hors du champ de vision des deux Aurors et il attendait, ne les quittant pas des yeux, attentif à leurs moindres faits et gestes.

 

En face de lui, Rufus Scrimgeour et Kingsley Shacklebolt n’avaient pas sorti leurs baguettes et aucun des deux n’étaient menaçants. Se sentaient-il à ce point supérieurs ? Pourtant, Sirius ne se laisserait pas faire, même s’il ne voulait pas faire le premier geste belliqueux qui jouerait en sa défaveur, il était prêt à se défendre. Il préférait être tué en se battant pour sa liberté, qu’accepter sans broncher un sort injuste. Cependant, il devait d’abord s’assurer que Sélène ne soit pas inquiétée. Il la coinça davantage entre son corps et le socle de la statue.

— Sélène n’a rien fait, laissez-la partir, murmura-t-il à l’attention des deux hommes.

— Non ! Sirius ! Tu es innocent, cria la jeune femme. Laissez-le, il est innocent ! lança-t-elle aux deux Aurors par-dessus l’épaule de Sirius.

 

Elle tentait de se libérer derrière lui, il la sentait s’agripper à ses vêtements pour essayer de le pousser hors de son chemin, mais il résistait, refusant de l’exposer.

— Vous allez nous suivre tous les deux, lança le deuxième Auror. Vous êtes encerclés par nos collègues français, vous ne pouvez pas fuir. Ils seront moins conciliants que nous.

— Comment nous avez-vous trouvés ? demanda Sirius d’une voix blanche.

 

Scrimgeour s’avança et Sirius se tendit imperceptiblement. L’Auror n’avait toujours pas sortit sa baguette et ne semblait pas vouloir l’attaquer. Mais le jeune homme savait que les deux agents du Ministère étaient rapides et entraînés. Il ne bougea pas. Une fois proche de lui, l’Auror murmura :

— J’étais présent dans le bureau de Dumbledore quand votre message est arrivé. Il faut un cœur pur pour réussir à faire apparaître un Patronus corporel. Les Mangemorts sont incapables d’en produire. Le vôtre a eu raison de tous les doutes qui subsistaient.

 

Le cœur de Sirius fit un bond dans sa poitrine, refusant de croire ce qu’il venait d’entendre. Il lança un regard autour d’eux. Ils étaient encerclés par des agents français qui pointaient leur baguette en sa direction.

— Et vos collègues sont au courant ? demanda-t-il, méfiant.

— Pour le moment non, il est vrai, concéda Scrimgeour en mettant ses mains les poches de sa robe. Il nous manque quelques éléments pour conclure notre enquête et la disparition de Monsieur Pettigrow reste un mystère. Nous comptions sur vous deux pour nous éclairer sur les derniers points.

— Vous avez conclu l’affaire ?

— Oui, malgré le peu d’indices que votre compagne laisse derrière elle. Mais nous sommes remontés plusieurs années en arrière et nous sommes d’accord sur une chose : vous n’êtes pas plus un mage noir que nous et vous n’avez pas trahi les Potter.

 

Sirius ferma les yeux pour contenir son émotion. Tout son corps se détendit. Il sentit Sélène reposer sa tête entre ses omoplates et ses mains trembler contre ses côtes. Il entendit ses pleurs de soulagement. L’Auror venait de dire qu’il le savait innocent, leur cavale était terminée.

 

— La Ministre recevra notre rapport dès que vous aurez répondu à quelques questions. Vous devrez probablement affronter un procès afin de faire les choses correctement cette fois mais j’aimerais déjà vous présenter nos excuses.

— Et Sélène ? demanda Sirius.

— Mademoiselle Thorne a bafoué quelques lois, il est vrai, avoua Scrimgeour. Mais, je pense qu’elle a subi suffisamment de préjudices depuis quatre ans pour que son ardoise soit effacée. Après tout, elle n’a fait que réparer une injustice.

 

Scrimgeour s’écarta pour laisser à Sirius la place d’avancer. Plus loin, une calèche tirée par des Sombrals attendait le couple. Sirius fit un pas sur le côté et après avoir serré brièvement Sélène dans ses bras, lui sourit en lui faisant un signe de tête : ils rentraient à la maison. Rayonnante, les yeux encore un peu rouges et brillants de larmes de joie, la jeune femme rangea sa baguette dans sa poche et passa devant lui, confiante, pour se diriger vers la calèche. Mais quand elle voulut y monter, son regard fut attiré par un mouvement derrière les tombes, en bordure de son champ de vision. Elle se tourna vers l’endroit où elle pensait avoir vu une silhouette féminine mais n’eut pas le temps d’alerter les autres quand l'ombre pointa sa baguette sur elle et lança :

Avada Kedavra !

 

Elle ne fut pas assez rapide pour sortir sa baguette mais, dans un ultime réflexe, elle se saisit de son sac qu’elle utilisa comme bouclier. Le sort toucha la besace qu’elle avait levée devant sa poitrine mais la projeta violemment en arrière. Sirius la vit tomber comme au ralenti alors que le son du rire sadique de sa cousine déchirait le silence qui s’était abattu sur le cimetière. Il vit du coin de l’œil les Aurors se jeter à la poursuite de la Mangemort. Mais lui, un brouillard noir l’entourait petit à petit. Un brouillard qui le menait en plein cauchemar alors que les noms de ceux que cette guerre lui avait arrachés résonnaient à ses oreilles : James, Lily…

Sélène…

Il accusa le coup alors qu’il sentait son cœur se briser et tomba à genoux, serrant et berçant contre lui le corps inerte de celle qu’il aimait.

Sélène...

 


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