L'évadé du clair de Lune
Dans leur campement de fortune au fin fond de la forêt où il avait affronté Peter, Sirius se réveilla quand il sentit Sélène bouger contre lui. Il avait fini par s’allonger près d’elle après avoir lu le journal de son frère en entier. Il n'avait dormi que trois ou quatre heures tout au plus et son sommeil n’avait pas vraiment été réparateur. Il se sentait épuisé.
Il soupira en se tournant sur le dos et s’étira en poussant un gémissement.
— Tu n’as pas l’air d’avoir dormi beaucoup, constata la jeune femme en lui caressant le visage, inquiète.
Il hocha la tête pour confirmer.
— J’ai lu les notes de mon frère pendant une bonne partie de la nuit… souffla-t-il. Ça va mieux, toi ? Ta tête ?
— Un peu comme une gueule de bois, mais ça va, oui, répondit-elle.
Il lui embrassa le poignet en souriant, rassuré sur ce point, puis s’assit au bord du lit. Il se prit la tête entre les mains, encore tourmenté par les pensées qui ne l’avaient pas quitté depuis qu’il avait commencé sa lecture la veille au soir. Il se sentait dévoré par la culpabilité qui ne le lâchait plus depuis que Sélène lui avait avoué le rôle de son frère dans cette chasse aux Horcruxes et qui le rongeait davantage encore depuis la veille.
La jeune femme se mit à genoux, derrière lui sur leur couchette, et entoura sa taille de ses bras, cherchant à lui procurer un semblant de réconfort.
— Je m’en veux tellement, dit Sirius. Pour Regulus…
— Tu as fait ce que tu pouvais avec les informations que tu avais.
— C’était mon petit frère, je l’ai abandonné.
— Et lui t’a rejeté. Une relation implique deux personnes, tu n’es pas le seul responsable.
Sirius hésita puis ramassa le journal intime au pied du lit et l’ouvrit à la dernière page, relisant à haute voix ce que son frère avait noté :
— J’espère avoir l’occasion un jour de revoir mon frère. De lui dire qu’il avait raison, de lui dire ce que j’ai découvert. J’espère qu’il acceptera de me pardonner et qu’il voudra bien se battre à mes côtés et peut-être retrouver un peu de la complicité qu’on avait… Avant.
Ses mains tremblaient. Sélène comprit alors la morosité de son compagnon et resserra son étreinte autour de sa taille. Sirius referma le carnet mais le garda en main, le faisant tourner et retourner entre ses doigts, comme à chaque fois qu’il était mal à l’aise avec ce qu’il ressentait. Il prit une grande inspiration et se dégagea de l’étreinte de Sélène.
— Il faut que j’écrive à Dumbledore, pour lui dire qu’on en a trouvé un de plus et que, d’après Regulus, il y en a encore d’autres. Dumbledore saura quoi faire.
Sirius avait remis le masque derrière lequel il cachait ses sentiments. Sélène n’en fut pas surprise et n’en prit pas ombrage. Il avait toujours été comme ça. Dès qu’on touchait à un sujet trop sensible. Il avait appris à baisser un peu ses barrières avec elle, mais il restait un Black et il avait été endoctriné durant toute sa jeunesse : un Black ne pleure pas, un Black ne s’apitoie pas. Aussi, elle ne chercha pas à prolonger la conversation et se contenta de réagir à l’information qu’il venait de lui donner.
— Il y en a encore plus ? demanda Sélène, effarée. On a déjà confirmation qu’il en a créé deux, peut-être trois avec la relique de Poufsouffle et un autre avec celui chez les Malefoy. Et ton frère pense que Voldemort aurait séparé son âme davantage ? C’est de la folie !!
— Dans son journal, Regulus écrit que Voldemort avait tellement peur de la mort qu’il n’aurait pas hésité, répondit Sirius en s’emparant de leur besace. Mon frère dit que le Seigneur des Ténèbres était obsédé par le chiffre sept. Le chiffre magique par excellence.
— Sept Horcruxes ? Mais c’est… Par la barbe de Merlin, Sirius ! Nous n’en avons trouvé que deux, souffla la jeune femme.
— Quoi qu’il en soit, pour le moment, on ne peut pas savoir s’il a finalement atteint son but. Mais on a une théorie avec les reliques des fondateurs et là-dessus, Regulus m’a donné une piste, révéla le jeune homme en secouant le journal en direction de la jeune femme. Je sais où la coupe de Poufsouffle peut se trouver, Sélène, et si vraiment Voldemort en a fait un Horcruxe, nous en aurons alors trouvé trois.
— Où ? demanda-t-elle, avide, alors que Sirius fouillait dans le sac à la recherche d’une plume et d’un parchemin.
— Paris. Dans le caveau familial des Lestrange. Apparemment Voldemort avait confié quelque chose de très précieux à ma cousine. Regulus dit que la dernière fois qu’il l’a vue, elle s’apprêtait à partir pour Paris.
— Mais c’est à des milliers de kilomètres d’ici ! C’est beaucoup trop loin pour pouvoir transplaner sans risque ! Comment tu comptes y aller ?
Sirius ne répondit pas, la tête à moitié enfoncée dans le sac, pestant de ne pas trouver ce dont il avait besoin pour écrire une lettre à son ancien directeur.
— Arrête de fouiller là-dedans, s’énerva la jeune femme en lui arrachant le sac des mains. Je n’ai amené ni plume ni parchemin. Je n’avais pas prévu d’écrire à quiconque. Nous sommes en cavale, Sirius, c’est toi qui l’as dit. Et de toute manière, un hibou peut être trop facilement intercepté, nous risquerions d’être localisés.
— Génial, répondit Sirius en levant les yeux au ciel. Et donc, on fait comment maintenant ?
— Je sais pas moi, si vraiment tu tiens à contacter Dumbledore, utilise ton Patronus, comme on le faisait pour communiquer dans l’Ordre du Phénix pendant de la guerre.
Sélène souffla, tentant de maîtriser son énervement pendant que son compagnon s’exécutait en maugréant. Ils avaient mal dormi, Sirius encore moins bien qu’elle, tourmenté comme il était. Ils étaient tous les deux épuisés et leur cavale depuis cinq jours commençait à mettre leurs nerfs à rude épreuve. Une dispute supplémentaire ne les servirait pas.
Elle soupira, canalisant ses émotions puis le regarda invoquer son patronus et délivrer son message. Quand le chien argenté se fut envolé vers son destinataire, Sirius revint vers elle, un peu plus calme.
— Pardonne-moi, dit-il. Mais Peter a rejoint Voldemort hier soir, le temps nous est compté maintenant. Il faut partir.
— Je sais bien… soupira Sélène.
— Ce sera un long voyage jusqu’à Paris, reprit-il d'une voix sûre et calme. Sur le Brossdur, ça prendra presque deux jours en se relayant.
Sélène le regarda, abasourdie et un peu craintive à la perspective d’un si long voyage en balai, en hiver.
— Tu veux vraiment y aller là-dessus ?
— J’aurais préféré une autre solution, crois-moi. Je sais que tu n’aimes pas tellement voler. Mais j’y ai bien réfléchi : le transplanage international, c’est hors de question, c'est beaucoup trop difficile. Les risques de se retrouver désartibulés sont trop grands, voir pire encore.
Il énumérait sur ses doigts et poursuit en levant un deuxième.
— Nous n’avons jamais créé de Portoloins et c’est un procédé beaucoup trop surveillé, nous ne pouvons pas prendre le risque d’essayer maintenant.
Il leva un troisième doigt :
— Et pour la poudre de Cheminette, il faudrait entrer illégalement chez un sorcier dans ce pays et nous n’avons pas de destination sûre à Paris. Sans compter que le réseau de Cheminette est régulé par les Ministères.
Il leva un quatrième et cinquième doigt :
— J’élimine d’office le Magicobus et je doute que l’on passe les contrôles des transports moldus. Alors, à moins que tu aies un tapis volant dans ce sac…
Au fur et à mesure que leurs options diminuaient, Sélène se renfrognait. Ils n’avaient donc pas le choix. Ils allaient devoir parcourir les deux milles kilomètres les séparant de la capitale française en balai et il leur faudrait compter presque deux jours avant d’arriver à destination.
— Dans ce cas, autant nous mettre en route, soupira-t-elle.
Sirius lui sourit, conscient de l’effort qu’un voyage en balai aussi long représentait pour elle. Lui-même appréhendait aussi un peu, le confort du Brossdur n’étant pas optimal pour des voyages longue distance. En silence, ils remballèrent leurs affaires et se mirent en route, toujours sous un sortilège de Désillusion pour ne pas être repérés.
Ils affrontèrent le vent, la pluie, même la neige quand ils volèrent aux dessus des montagnes autrichiennes. Ils durent redescendre à plusieurs reprises pour se réchauffer et se restaurer mais ne s’autorisèrent que peu de temps de repos à chaque fois. Même Sirius, pourtant habitué aux conditions extrêmes après son séjour à Azkaban, souffrait du froid qui transperçait leurs vêtements. Il sentait les mains glacées de Sélène à travers sa cape, mais jamais elle ne se plaignit, jamais elle ne demanda à faire des arrêts plus longs ou à trouver un autre moyen de transport.
Lors de leurs courtes pauses tout au long de la journée, il profitait de la moindre occasion pour l’observer et l’admirer quand elle ne le voyait pas et par Merlin ! Qu’il la trouvait belle, courageuse et forte. Il l’aimait comme un fou, peut-être même plus qu’avant. Ils se serraient ensuite l’un contre l’autre près du feu et restaient enlacés, dans un silence confortable, le temps que leurs corps se réchauffent avant de repartir.
Ils volèrent ainsi jusqu’à ce que la fatigue ne leur permette plus d’avancer en sécurité. Durant la nuit, alors qu’elle se reposait dans une grotte qu’il avait trouvé non loin d’une station de ski moldue, il s’éclipsa pour voler des vêtements plus chauds et des gants dans une boutique, pour elle et pour lui. Le lendemain à l’aube, elle le remercia d’un doux baiser, reconnaissante de l’attention qui allait rendre le reste du trajet bien plus confortable.
Sirius poussait le balai à sa vitesse maximale, penché sur le manche, entrainant Sélène qui ne lâchait pas sa taille. Il cherchait à être le plus aérodynamique possible en utilisant les techniques de Quidditch que James appliquait au collège. Sélène, elle, fermait les yeux avec force, renonçant à profiter du paysage. Mais quand Paris se profila à l’horizon, en début d’après-midi le surlendemain de leur départ d’Albanie, Sirius ne put s’empêcher de ralentir. Devant eux, la tour Eiffel montrait le chemin. Ils l’avaient fait. Ils étaient transis de froids, courbaturés et épuisés comme jamais auparavant, mais ils avaient réussi et la vue magnifique de la capitale française en était la récompense. Sélène poussa une exclamation admirative et Sirius se jura se revenir ici avec elle, dans d’autres circonstances bien plus agréables. Un voyage de noce par exemple. Il sourit, conquis par l’idée.
Après un moment pour admirer la vue, Sélène lança à nouveau un sortilège de Désillusion pour les rendre invisible le temps d’atterrir dans une petite ruelle discrète, proche de leur destination. A bout de force, il se plaquèrent contre le mur tant pour se cacher davantage que pour les aider à tenir debout.
— Il sera plus facile et plus discret d’entrer dans le cimetière du Père Lachaise de nuit, dit Sirius préoccupé. C’est trop touristique comme endroit et dans la journée, nous serions entourés de moldus, en plus des sorciers.
Sélène hocha la tête qu’elle posa sur l’épaule de son compagnon.
— Je ne serais pas contre dormir un peu avant d’aller profaner la tombe de tes cousins, plaisanta à moitié la jeune femme.
Sirius sourit avant de poser doucement sa joue contre les cheveux de sa compagne.
— Je crois que nous avons effectivement tous les deux besoin de repos, confirma-t-il, en sentant la lassitude le gagner et engourdir ses membres.
Oui, ils avaient bien besoin de dormir, tous les deux. Mais où aller ? Ils étaient traqués par les Aurors et les Mangemorts. Les moldus avaient aussi été prévenus de l’évasion de Sirius, présenté comme un dangereux criminel, et, s’ils n’étaient pas sûrs que l’alerte ait été donnée jusqu’en France, mieux valait ne pas tenter le diable. Ils se sentaient acculés. Ils restèrent ainsi de longues minutes, perdus dans leurs pensées, luttant contre le sommeil.
Sentant sa fatigue prendre le dessus, Sirius sursauta, réveillant Sélène qui s'était finalement endormie debout, la tête sur son épaule. Il leur fallait trouver un endroit sûr, ils ne pouvaient pas rester plusieurs heures dans cette ruelle, si peu fréquentée soit-elle. Il faisait froid, en ce début du mois de décembre et ils allaient finir par geler sur place malgré les équipements de ski qui en plus, risquaient fatalement d’attirer l’attention.
— On pourrait tenter de trouver un hôtel, non ? proposa-t-il. Il faut vraiment qu’on se repose, tu dors debout.
— Ton portrait a été diffusé également chez les moldus, objecta Sélène en secouant la tête.
— Alors vas-y seule, je me débrouillerai et on se retrouve ce soir.
— Hors de question ! protesta la jeune femme dont la voix partait vers les aigus. Je ne me sépare pas de toi ! Je n’arrive pas à croire que tu proposes ça. Et puis rien ne dit que mon portrait n’a pas été diffusé aussi !
— D’accord, d’accord, on reste ensemble, céda Sirius en la prenant dans ses bras pour l’apaiser.
Ils retombèrent dans le silence puis Sirius revint à la charge :
— Tu n’as pas pris tes accessoires ? Pour te déguiser ? Je te suis sous le sortilège de Désillusion.
La jeune femme secoua la tête.
— Je ne pensais pas en avoir besoin. Quant au sortilège de Désillusion n’est pas aussi fiable qu’une cape d’invisibilité. Vu le monde qui circule ici à Paris, tu risques d’être vite repéré et ce serait une infraction au Code International du Secret Magique.
— On est déjà recherchés, alors bon, ça de plus ou de moins… maugréa Sirius.
— Je risque déjà Azkaban pour t’en avoir fait évader. Je ne tiens pas à rajouter des charges à mon dossier, objecta Sélène.
Ils se turent un moment, puis la jeune femme se redressa :
— Mais j’y pense !! En arrivant, j’ai repéré un square, pas très loin d’ici et proche du cimetière. Il semblait peu fréquenté et avait une sorte de cabane à l’intérieur. On pourrait l’utiliser pour se reposer, non ?
Le jeune homme approuva son idée puis se transforma en chien. Sélène, elle, rangea dans le sac sans fond sa tenue de vol, puis d’un coup de baguette magique, transforma sa robe de sorcière bien trop voyante en tenue moldue qui n’attirerait pas l’attention.
Ils quittèrent ensuite la ruelle et elle pressa le pas vers le square qu’elle avait repéré. En chemin, et malgré les précautions prises, les Parisiens qu’elle croisait lui jetaient des regards étonnés, amusés ou apeurés tandis qu’elle marchait dans la rue au côté d’un énorme chien noir au poil hirsute et dont la tête dépassait sans peine sa taille. D’un coup d’œil vers son compagnon, elle le vit, la langue pendante, qui jouait son rôle et semblait naturellement profiter de la balade dans les rues. Oubliant la fatigue, elle pouffa de rire et s’attira un aboiement faussement réprobateur de Sirius. Il s’éloigna alors en trottinant et, sans se départir de son sourire, elle dut courir pour le rattraper. Le tableau fit sourire les passants.
Ils approchèrent ainsi de leur destination, confirmant la première impression de la jeune femme : le petit parc était vide à cette heure de la journée. Elle posa sa main sur la tête de Sirius, rassurée : ils pourraient se réfugier ici pour attendre la nuit, à l’abri des regards. Elle leva les yeux et sourit quand elle vit le nom de la rue :
— Rue Merlin. A croire qu’il guide nos pas. Je pense que ça fera l’affaire. Il n’y a personne ici et on sera à l’abri si jamais il se met à pleuvoir. Ca te va ?
Sirius leva la tête. Le square était vraiment petit, plus petit encore que le square Grimmaurd où il avait passé son enfance. Cela s’apparentait presque à une cour privée pour les immeubles alentours. Un grand chêne abritait un banc où il devait faire bon vivre l’été et quelques platebandes de fleurs, vides à cette saison, terminaient le tableau. Au coin, le cabanon qui les intéressait n’était pas plus grand qu’un cagibi où le jardinier du parc devait remiser ses outils mais cela leur fournirait un abri bien venu. Le chien aboya donc pour exprimer son accord.
Ils s’avancèrent dans le square et discrètement, après avoir vérifié les alentours, Sélène déverrouilla la porte de la cabane. Ils y entrèrent et elle referma en vitesse derrière elle. Elle visa la serrure de sa baguette et murmura le sortilège d’Emprisonnement pour sceller la porte et ainsi s’assurer de ne pas être dérangés. La pièce était minuscule et encombrée de râteaux, de pelles et de seaux. Des vêtements de travail pendaient derrière la porte. L’endroit était sale et jonché des restes de l’automne mais, en rangeant un peu, ils auraient largement la place de s’installer contre le mur, à défaut de pouvoir s’allonger sur le sol. Sélène leva encore sa baguette et lança :
— Recurvite.
Les feuilles mortes et les traces de boue disparurent instantanément et le sol parut beaucoup plus accueillant.
— C’est mieux, non ? demanda-t-elle au chien.
— Parfait, répondit Sirius qui avait repris forme humaine.
Elle lança un regard apeuré vers la petite lucarne, craignant que quelqu’un regarde à l’intérieur du cabanon et sonne l’alerte. Elle s’apprêtait à protester mais Sirius ne la laissa pas faire :
— Nous sommes à l’abri des regards, Sélène. Personne ne va venir regarder à travers la fenêtre d’une vieille cabane de jardinier, en plein hiver qui plus est, pour voir si un sorcier en cavale s’y trouve. Et si vraiment ça te fait peur, je peux toujours l’occulter. Mais je préfère te tenir entre mes bras qu’entre mes pattes.
Rassurée, Sélène lui sourit :
— C’est vrai que je m’étais toujours fait la promesse de ne jamais dormir avec toi sous ta forme animale.
Sirius s’esclaffa en sortant du sac une couverture dont il fit un matelas de fortune et s’installa, adossé contre le mur. Il lui ouvrit les bras pour qu’elle vienne le rejoindre, ce qu’elle fit sans se faire prier. Il la serra contre lui, l’entourant de sa cape de voyage pour ne pas qu’elle ait froid, puis reposa sa tête contre le mur derrière lui.
— Et toi ? Tu vas être gelé, protesta-t-elle.
— Je suis habitué au froid et au manque de confort. A Azkaban, ils ne nous donnaient pas de couverture supplémentaire pendant l’hiver et il y avait bien plus de courants d’air qu’ici. En plus, j’ai ton corps contre le mien, ta chaleur me suffira, rétorqua-t-il en l’embrassant. Dors maintenant.
Sélène se colla davantage à lui, les jambes par-dessus celles de Sirius, la tête contre son épaule. Avec les bras de son homme autour d’elle, elle se sentait bien. Elle entendait son cœur battre contre ses oreilles, elle ferma les yeux pour se laisser bercer par ce son si doux.
— Ca m’avait manqué, pendant toutes ces années : ta chaleur, ton odeur… écouter ton cœur battre quand je m’endors. Si tu savais comme tu m’as manqué ! souffla-t-elle.
Une larme finit par franchir la barrière de ses paupières. Sa main remonta sur la poitrine de Sirius et ses doigts fins se refermèrent sur un pan de sa chemise pour tenter de juguler les sentiments qui lui serraient le cœur. Pendant quatre ans, elle avait vécu sans la douceur de cet homme et seule sa quête pour le faire libérer l’avait maintenue debout. Même maintenant, alors que cela faisait un peu plus d’une semaine qu’ils étaient à nouveau ensemble, elle s’interdisait parfois ces moments de tendresse, tant elle avait du mal à y croire. C’était à présent sa quête des Horcruxes et des preuves pour le faire innocenter qui lui servait d’excuses. La vérité était qu’elle avait peur de se laisser aller alors qu’ils risquaient encore d’être séparés. Les raisons étaient nombreuses et même si elles étaient pour le moment imaginaires, elles l’empêchaient régulièrement de trouver le sommeil : la recapture de Sirius, son emprisonnement à elle pour l’avoir fait évader, ou même la mort de l’un d’entre eux. Elle enfouit son visage contre le torse de son fiancé pour ne plus penser à ces éventualités.
Elle sentit alors Sirius redresser la tête et resserrer son étreinte. Il posa ses lèvres sur les cheveux de la jeune femme, respira son odeur et la berça tendrement.
— Être loin de toi pendant tout ce temps a été la pire des tortures, finit-il par avouer dans un souffle. Je n’avais pas besoin des Détraqueurs pour me rappeler ce fait. Quand on s’est séparés sur les ruines de la maison de James et Lily, je t’ai vue tomber. Ça tournait en boucle dans ma tête : ta tempe a heurté les décombres, j’ai vu ton sang tâcher les pierres de la maison de James et Lily et je n’ai jamais su si tu étais morte ou vivante avant de te voir devant moi à la prison. Quand j’ai entendu ta voix, ce jour-là, j’ai cru que mon cœur allait exploser. J’ai dû déployer des trésors de self-control pour ne pas te trahir.
Elle releva la tête vers lui et plongea dans ses iris gris. Dieu qu’elle aimait ces yeux et ce regard intense tellement désarmant.
— Je ne pouvais pourtant pas mourir avant de te revoir une dernière fois. Tu aurais dû t’en douter, non ? murmura-t-elle émue.
— Je t’interdis de mourir même maintenant. Je n’en ai toujours pas assez de toi. Je n’en aurais jamais assez de toi !
Les yeux de Sélène se remplirent de larmes quand Sirius se pencha vers elle pour l’embrasser avec douceur. Quand ils se séparèrent, ils restèrent simplement front contre front, savourant la présence de l’autre.
— Je n’y arrive plus, Sirius, gémit-elle. Je n’arrête pas de me dire qu’il va se passer quelque chose. J’ai l’impression que c’est une quête sans fin, que Voldemort est une hydre dont la tête repousse à chaque fois qu’on en tranche une. J’ai peur. Peur de te perdre, de perdre Harry, de me perdre moi. J’ai l’impression de devenir folle.
— Je ne te laisserai pas devenir folle, affirma Sirius. On y arrivera. J’ai trop de rêves à réaliser pour que tout s’arrête maintenant. On élèvera Harry, comme James et Lily le voulaient. Ensemble !
Il essuya avec douceur les larmes sur le visage de sa fiancée puis posa sa main sur celle de Sélène restée accrochée à sa chemise. Un à un, il desserra les doigts pour les porter à sa bouche et en embrasser la paume. Puis il passa à nouveau son bras autour de la taille de la jeune femme et l’attira plus proche de lui encore.
— Tu es épuisée, mon amour. Il reste environ trois heures avant la fermeture du cimetière. On est en sécurité ici, alors s’il-te-plait, essaie de dormir.
Sélène hocha la tête qu’elle posa à nouveau sur le torse du jeune homme, tout contre son cœur aux battements si doux. Elle ferma les yeux et se laissa aller au sommeil, bien au chaud. Quand il sentit son souffle s’apaiser, Sirius reprit sa position contre le mur et s’endormit à son tour. Ce fut le rayon de lune qui le réveilla en passant à travers la lucarne. Doucement, il caressa le visage de Sélène, toujours pelotonnée contre lui, pour la réveiller à son tour.
— Hmmm ? grogna-t-elle.
— Il est tard, on a trop dormi ! Il faut manger et se mettre en route, annonça-t-il. Il nous reste quelque chose dans le sac ?
Sélène se redressa en grimaçant et lui tendit leur bagage. Elle se sentait un peu plus reposée mais n’aurait pas refusé de dormir un peu plus longtemps. Encore rêveuse, elle se perdit dans la contemplation de son compagnon en face d’elle. La lumière de la lune qui passait à travers la lucarne de la cabane laissait des ombres sur son visage, creusant encore davantage ses traits. Il n’avait pas encore repris tout le poids qu’il avait perdu à Azkaban et ses traits étaient toujours plus anguleux qu’avant son incarcération. D’une main, il dégagea les cheveux qui lui barrait le regard. Sélène le regarda faire. Elle l’avait toujours connu les cheveux courts, au collège d’abord, puis dans l’Ordre du Phénix par la suite. Elle n’aurait jamais pensé qu’elle aimerait le voir ainsi, les cheveux plus longs, mais cela lui donnait un air un peu plus sauvage qui ne lui déplaisait pas. Par contre, il semblait toujours un peu fatigué malgré le repos qu’ils s’étaient octroyé. Avait-il pu dormir lui aussi, s’inquiéta-t-elle ?
Sirius releva la tête, se sentant observé. Ses prunelles étaient rendues plus sombres encore par la pénombre qui régnait dans la pièce. Il semblait déterminé et préoccupé par la tâche qui les attendait. Quand leurs regards se croisèrent, le cœur de la jeune femme se serra sous l’intensité de ce qu’elle ressentit. Depuis qu’ils s’étaient retrouvés, elle ne s’était pas laissée aller à l’observer ainsi, à laisser son esprit vagabonder et elle fut submergée. Peut-être aussi le fait de s’être livrée sur ses sentiments l’avait enfin libérée. Elle aimait cet homme. Elle l’aimait plus que tout, plus qu’avant toutes ces épreuves : sa force de caractère, sa volonté sans faille, sa fidélité envers elle, envers James, Lily, Harry, Remus, Dumbledore même. Malgré les épreuves, malgré son emprisonnement, malgré tout ce qu’ils avaient traversé, il n’avait pas hésité à la suivre dans sa folle entreprise. Elle se mordit la lèvre. Son cœur lui faisait mal soudain.
— Que se passe-t-il ? demanda Sirius surpris de la voir le dévisager ainsi.
Sélène sortit de sa rêverie. Elle força un sourire pour ne pas l’alarmer.
— Rien. Ça faisait longtemps que je n’avais pas pris le temps de te regarder, c’est tout. Tu es beau et je t’aime, répondit-elle en se relevant pour aller planter un baiser sur ses lèvres.
Elle lui prit le sac des mains alors qu’il ne trouvait rien à répondre, surpris de sa déclaration. Elle en sortit deux sandwichs. Elle lui en donna un. Chacun avala rapidement son repas puis Sirius jeta un coup d’œil par la lucarne :
— La voie est libre, on peut sortir, dit-il avant d’ouvrir la porte et sortir.
Sélène hocha la tête, mit le sac en bandoulière et suivit Sirius dehors. Main dans la main, ils longèrent ensuite les murs pour profiter de l’obscurité puis rejoignirent le cimetière du Père Lachaise où ils projetaient de trouver le troisième Horcruxe.