L'évadé du clair de Lune

Chapitre 14 : Au bout d'un chemin

5746 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/05/2024 10:26

Après un voyage de presque une journée entière, Sirius et Sélène arrivèrent en fin d’après-midi au-dessus de la forêt où la journaliste Bertha Jorkins, que les deux amants soupçonnaient avoir été enlevée par Voldemort, avait disparu. Les lunettes d’aviateur sur le nez, Sélène désigna un endroit au sommet d'une montagne en dessous d'eux qui semblait luire d’une aura violette, sombre et peu engageante, révélée par le sortilège de Détection de Magie. Sirius poursuivit encore un peu dans cette direction pour s’en assurer.

 

Le soleil était déjà bien descendu dans le ciel et se cachait derrière les montagnes, assombrissant encore davantage la masse d’arbres ensorcelés qu’ils survolaient. La pente était raide, la forêt dense et ses arbres inquiétants, évoquant par moment la Forêt Interdite qui bordait le parc de Poudlard.

 

— C’est là, hurla la jeune femme pour que Sirius l’entende malgré le vent. Pose-toi un peu plus bas, nous n’arriverons pas à passer ici.

 

Sirius hocha la tête et obtempéra, amorçant sa descente le long du flanc de la montagne. Il atteignit, au bout de quelques minutes, une partie plus clairsemée de la forêt et parvint à traverser la canopée, non sans quelques égratignures laissées par les branches qui leur fouettèrent le visage au passage.

 

Une fois au sol, leur atterrissage amorti par un tapis de feuilles mortes, ils rangèrent le balai volant et leurs lunettes dans le sac puis Sirius le passa en bandoulière. Tous deux sortirent leur baguette. Sirius lança l’enchantement des Quatre-Points pour se repérer et confirmer qu’ils n’étaient pas très loin de la partie ensorcelée de la forêt. Le silence qui les entourait était surnaturel, inquiétant. Comme si les arbres plus haut absorbaient tous les sons : pas de piaillement d’oiseaux, aucun bruissement de vent à travers les branches, rien. Tout était comme étouffé. Instinctivement, ils baissèrent la voix pour se parler.

 

— Bon, il va falloir grimper. Je ne sais pas ce qu’on va trouver au sommet mais économise ton souffle, recommanda Sirius en avisant la pente qui les attendait. Et, attention aux créatures que nous pourrions rencontrer. Vu l’ambiance dans cette partie de la forêt, je doute qu’elles soient toutes bienveillantes.

 

Sélène hocha la tête et ils se mirent en route vers la cime et l’épicentre de l’aura de magie noire que les lunettes avaient détectée. La pente de la montagne était raide et effectivement, leur souffle se fit rapidement court. Ils avancèrent lentement et en silence, se concentrant pour ne pas se blesser sur le terrain escarpé. Par moment, leur progression prenait même des allures d’escalade et ils durent s’arrêter pour récupérer un peu. 

 

En une demi-heure, ils n’avaient progressé que de quelques dizaines de mètres et déjà leur endurance était mise à rude épreuve. Sélène s’arrêta quand ils atteignirent une portion un peu moins abrupte.

 

— Moi qui me demandais comment Voldemort pouvait passer inaperçu depuis quatre ans… J’ai ma réponse… nota Sélène, pliée en deux, les mains sur les genoux. Aucun moldu ne pourrait avoir l’envie de grimper par ici…

 

Debout devant elle, Sirius hocha la tête sans dire un mot. Il accusait le coup de son incarcération et constatait avec amertume que ces quatre années enfermé avaient eu raison de son endurance. Lui qui s’était toujours vanté de ses capacités sportives, en avait perdu une bonne partie et profitait lâchement de la pause offerte par Sélène pour récupérer son souffle. Il leva la tête vers la cime. La forêt se densifiait de plus en plus. Il soupira discrètement et se retourna vers sa compagne pour lui tendre la main.

 

— Tu as raison, et il faudra aussi m’expliquer comment et pourquoi Bertha est venue se perdre ici… Allez viens, on continue. La nuit va bientôt tomber.

 

Sélène se redressa et lui saisit la main, déterminée. Il la hissa vers lui et ils se remirent en route, avançant toujours aussi péniblement. Mais, alors que leurs muscles se tétanisaient de plus en plus et que la fatigue les gagnait, la pente s’adoucit enfin.

 

Ils se reposèrent un instant puis, malgré l’obscurité grandissante, Sirius remarqua des taches de sang séché sur le sol, formant un chemin qui s’enfonçait dans la forêt. Il sortit sa baguette qu’il avait rangé pendant leur ascension et, d’un signe de tête, intima à Sélène de faire de même avant de suivre la piste sanglante. Des cadavres putréfiés de petits animaux s’éparpillaient le long du chemin : des rats, des mulots, parfois des renards. Le couple approchait du cœur de l’aura de magie noire qu’ils avaient aperçue du ciel. Sirius le savait. Il le sentait dans ses tripes. L’atmosphère se faisait plus lourde, l’air plus difficile à respirer. Le jeune sorcier devenait nerveux, il avait les mains moites et son cœur battait plus rapidement. Il lançait des regards de plus en plus fréquents vers Sélène pour s’assurer qu’elle suivait toujours.

 

Soudain, un cri presque inhumain déchira le silence de la forêt.

Un hurlement faisant état d’une souffrance absolue.

Sirius sursauta et s’arrêta immédiatement et tendit le bras pour stopper sa compagne qui s’agrippa à lui. Le cœur battant, sans bouger, retenant presque leur respiration, ils tendirent l’oreille pour déterminer l’origine du bruit. Une fois fixé sur la direction à prendre, Sirius voulut se remettre en route, vers l’origine du cri, mais Sélène le retint. Il se retourna et la vit terrorisée.

— On savait qu’on allait tomber sur quelque chose ou quelqu’un, Sélène, murmura-t-il, très bas.

— Oui, mais… Ce cri… On aurait dit de la torture.

— Raison de plus pour se dépêcher. Bertha est peut-être encore en vie…

 

Sélène se mordit la lèvre, les sourcils froncés, inquiète. Sirius lui prit le menton et délicatement lui releva le visage :

— Tu as peur ?

— Nous sommes dans une forêt maudite par Voldemort lui-même, nous venons d’entendre un cri presque inhumain, nous ne savons pas sur quoi nous allons tomber. Tu as été enfermé pendant quatre ans sans utiliser ta baguette, nous n’avons pas eu le temps de nous entrainer à nouveau et je n’ai jamais été très forte en duel… Bien sûr que j’ai peur !

— Tu es plus forte que tu ne le crois, la rassura-t-il en l’embrassant sur le nez. On est plus forts, ensemble. Et je sais toujours me battre, ne t’inquiète pas pour ça. La formation que Maugrey nous a donnée quand on est rentré dans l’Ordre du Phénix laisse des traces…

— James et Lily l’ont eu aussi cette formation, riposta Sélène.

— James et Lily ont été pris par surprise. Ils ont été trahis. Moi, je suis sur mes gardes depuis que j’ai quitté la prison. Toi depuis plus longtemps encore, murmura-t-il en remettant tendrement une mèche de cheveux derrière son oreille et lui caressant la joue au passage. Sélène, ce qu’il va se passer maintenant, que l’on se batte ou non, que l’on soit blessés ou pas, on le fait pour la mission qu’on s’est fixée. C’est pour James. Pour Lily. Pour Harry.

 

Elle le regarda intensément, puisant sa force dans son assurance. Il lui sourit et, sur un bref signe de la tête, ils se remirent en marche en direction du bruit.

 

Prenant garde où ils posaient les pieds pour ne pas faire craquer de branches, ils arrivèrent dans une partie un peu moins dense de la forêt où, au détour d’un arbre, Sirius aperçut une silhouette recroquevillée sur elle-même au pied d’un tronc creux. Immédiatement, il se retourna vers Sélène et lui plaqua une main sur la bouche en la poussant à l’abri. Il se serra contre elle et plongea ses yeux dans les siens, lui faisant signe d’écouter :

— Maître… entendirent-ils sangloter.

 

Leurs cœurs battaient la chamade quand un murmure semblant venir d’outre-tombe intima, résonnant dans le silence de la forêt :

— Arrête de pleurnicher, tu me dois bien cela, je ne suis plus qu’ombre et vapeur par ta faute. Pendant quatre ans, je n’ai survécu qu’en prenant possession des animaux qui passaient par là. J’ai hâte de rentrer en Angleterre pour reprendre la place qui est la mienne. Maintenant, relève-toi. J’ai attendu suffisamment longtemps et il me tarde de vérifier les informations de cette chère Bertha !!

— Maître ! Je savais que vous seriez satisfait quand je vous ai amené cette femme. Je vais continuer à faire mon possible pour être à la hauteur et pour que, dans votre infinie grandeur, vous puissiez me pardonner, répliqua en pleurnichant la silhouette recroquevillée.

 

Sirius se figea en entendant cette voix.

— Peter, murmura-t-il.

 

Dans sa tête, Sirius retrouva le dilemme qui l’animait depuis son incarcération. Les souvenirs de la trahison de Peter ayant mené à la mort de leurs amis s’opposaient aux souvenirs de sa scolarité à Poudlard, à la gentillesse et la loyauté incomparable dont Peter avait fait preuve. Puis l'image des corps sans vie de James et Lily s’imposèrent dans son esprit. Il se tendit, les mâchoires serrées, le souffle court. Petit à petit, sa main devant la bouche de sa compagne relâcha sa pression. Il l’appuya contre le tronc de l’arbre auquel ils étaient adossés et son poing se serra. Ses yeux, toujours plongés dans ceux de Sélène, ne la voyaient plus.

 

La jeune femme, sentant la rage s’emparer de son compagnon, tenta de le canaliser :

— Sirius, rappelle-toi, il faut le faire juger ! chuchota-t-elle.

 

Mais Sirius ne l’écoutait pas. Il avait pris sa décision. Sa respiration s’était accélérée. Sa colère, sa haine et son désir de vengeance explosèrent, tous les trois dirigés contre le traître. En face d’elle, Sélène pouvait voir ses pupilles briller de rage. Elle sentait la tension émaner de lui et, malgré tous ses efforts, elle ne parvint pas à le retenir. Il s’arracha à son étreinte et, surgissant de derrière l’arbre, se précipita vers la silhouette en hurlant, brandissant sa baguette vers sa cible :

— Peter !!!!

 

Celui-ci avait remonté sa capuche et s’était relevé. Mais en entendant le cri de Sirius, il se retourna en sursaut. A la lueur de la lune qui se levait, il se figea, reconnaissant le nouveau venu :

— Sirius ! s’exclama-t-il. Que… Qu’est-ce… Tu…

 

Peter flottait dans ses vêtements de sorciers. Il avait perdu du poids. Ses cheveux étaient épars sur son crâne et il semblait avoir vieilli de dix ans. En le voyant ainsi, Sirius devinait sans peine que les trois dernières années dans la peau d’un rat, après avoir fui la douceur de sa vie auprès de la famille Weasley, avaient été difficiles.

 

Mais, insensible à l’apparence débraillée de son ancien camarade, Sirius sourit, prédateur, ses yeux luisants de colère et de haine. Pointée devant lui, sa baguette frémissait de toute cette énergie et des étincelles rouges émanaient de la pointe. Il avança, menaçant :

— Tu savais que j’allais me lancer à ta poursuite, Queudver ! C’est pour cette raison que tu es venu ici ! Toi aussi tu as entendu les rumeurs ! Tu es venu chercher la protection de ton maître, n’est-ce pas ?

 

En face de lui, Peter n’arrivait pas à détacher son regard de Sirius, et reculait, recroquevillé, pour maintenir le plus de distance entre eux. Sélène sortit du couvert et se rapprocha d’eux, baguette levée vers Peter qui la fixa avec espoir.

— Sélène, couina l’autre homme. Tu as toujours réussi à le raisonner. Tu as toujours été juste et mesurée. Tu ne vas pas le laisser me tuer, si ?

— C’est entre lui et moi, Sélène. Ne t’en mêle pas, gronda Sirius.

— Nous ne voulons pas te tuer, Peter. Tu as des choses très intéressantes à dire au Magenmagot, j’en suis persuadée, répondit froidement la jeune femme.

 

Sirius serra la mâchoire et ses doigts se refermèrent davantage sur sa baguette. Il sentait ses ongles s’enfoncer dans sa paume. Sa colère bourdonnait à ses oreilles et si les paroles de Sélène avaient été entendues, il n’était plus si sûr de vouloir les respecter. Son corps entier tremblait, réclamant sa vengeance.

 

— Pourquoi, Peter ? Tu étais notre ami ! hurla-t-il.

— Votre Ami ? Votre ami ! Vous me méprisiez, toi et James ! Vous m’avez toujours considéré comme un faible. A Poudlard d’abord, puis plus encore dans l’Ordre du Phénix. Le Seigneur des Ténèbres, lui, a su voir ce que je valais ! cracha Peter.

 

Puis soudain, la même voix d’outre-tombe qu’ils avaient entendue auparavant, la voix de Voldemort, s’éleva de derrière Peter sans qu’ils ne puissent en déterminer l’origine et ordonna :

— Tue-les !!

 

Peter tressaillit et se redressa en une fraction de seconde. Vif, fier, un sourire cruel aux lèvres. Il dégaina sa baguette à une vitesse qui surprit ses adversaires et lança à Sélène un maléfice de mort qu’elle évita de justesse en se jetant au sol. Sirius riposta en hurlant et des étincelles rouges fusèrent vers l’ancien maraudeur.

 

Les sortilèges des deux hommes éclairaient la portion de forêt de flashs verts, rouges ou blancs. Les arbres étaient touchés et des écorces volaient par endroit. Aucun des deux adversaires n’arrivait à prendre le dessus sur son opposant. Sélène se releva doucement, tremblant à chaque esquive de Sirius. Retenant un cri à chaque fois qu’un sort le frôlait de trop près. Peu sûre de sa précision, elle n’osait intervenir de peur de blesser son fiancé. Sa main se serrait sur sa baguette et elle ragea de se sentir aussi impuissante.

 

Le combat gagna en intensité. La rage de Sirius était décuplée, nourrie par la déception et la colère qu’il éprouvait envers son ancien ami. En retrait, Sélène le comprenait. Devant ce combat qui durait et alors que Sirius semblait peiner à prendre l’avantage, elle se laissa gagner elle aussi par la haine envers celui qui l’avait privée de ses meilleurs amis et fait accuser l’homme qu’elle aimait. Désespérément, elle cherchait une faille dans la défense de Queudver afin d’aider son amant.

 

Peter… Il cristallisait tous leurs ressentiments et, elle en était témoin, la puissance des sorts de Sirius en était augmentée. Mais malgré cela, le rat résistait incroyablement bien. Il utilisait des sorts que Sirius et Sélène ignoraient. Il se battait avec une vitesse et une violence qu’ils ne lui avaient jamais connues, contrastant avec sa constitution quelque peu chétive après avoir passé des années dans la peau d’un rat. Il semblait émaner de lui une aura bien plus sombre que de coutume et par moment, ils pouvaient voir des lueurs rougeâtres danser dans ses yeux.

 

Le combat dura longtemps. Des branches d’arbres jonchaient maintenant le sol de la petite clairière. Sirius sentait les gouttes de sueur lui brûler les yeux. Il s’essoufflait alors que Peter ne semblait pas souffrir du manque d’endurance qu’il aurait dû ressentir. Toujours à l’écart, Sélène tentait de comprendre comment l’adolescent rondouillard qu’elle avait connu toujours un peu à la traîne pendant les cours, parvenait maintenant à soutenir les assauts d’un Sirius en colère.

 

Brusquement, Peter sourit, cruel et rusé. Il cibla un arbre qui se brisa et tomba vers son adversaire. Sirius l’évita de justesse en se jetant à terre. Il lâcha sa baguette qui roula hors de sa portée. Le traitre se tourna alors voyait danser dans les yeux de son ancien camarade.

— Peter, arrête. On doit parler, tenta-t-elle.

 

Sa main se crispa sur sa baguette qu’elle leva d’une main tremblante. Peter avançait toujours vers elle, droit, fier. L'aura maléfique qui émanait de lui la tétanisait. Elle hésita, jeta un regard vers Sirius qui se relevait. Il se précipita vers sa baguette. Trop tard.

Repulso, hurla Peter.

 

Le sort envoya Sirius rouler plus loin. Sélène retint un cri et reporta aussitôt son attention vers son ennemi. Elle voulut profiter de la distraction de son opposant pour lui lancer un sort et l’immobiliser, mais il fut plus rapide. Il para et riposta. Elle se prit le sortilège d’expulsion en plein ventre et fut projetée en arrière. Sa tête heurta durement un arbre et elle perdit connaissance.

 

— NON ! Sélène !! hurla Sirius.

Il se précipita sur sa baguette. Peter en profita pour transplaner et disparu dans un craquement. Un silence pesant retomba sur la forêt. Puis Sirius jura avant de se précipiter vers Sélène, affalée contre l’arbre, la tête tombant sur sa poitrine, un mince filet de sang coulant dans sa nuque.

 

Il s’agenouilla près d’elle et lui releva doucement le visage, inquiet. Il soupira de soulagement quand il la vit cligner des paupières. Elle gémit.

— Il est parti ?

— Oui, il a transplané juste après t’avoir lancé le sort, lui répondit Sirius, soulagé de la voir en assez bon état.

 

Il chercha la trousse de secours dans le sac qu’il portait toujours en bandoulière. Il jeta des regards fébriles à sa fiancée puis, ne trouvant pas ce qu’il cherchait, finit par déverser le contenu du sac au sol. Il fouilla avec encore plus d’empressement, sans parvenir à ses fins. A bout de patience, il eut finalement recours à un sortilège d’Attraction et entreprit d’éponger le sang qui coulait à l’arrière du crâne de Sélène. Elle gémit encore. La douleur lui donnait la nausée. Sirius lui releva doucement le visage et, incapable de prononcer un mot, les sourcils froncés, concentré, les mains tremblantes, il lui donna une potion tirée du sac qu’elle but sans rechigner. Elle baissa la tête, persuadée d’avoir été un fardeau dans cette bataille.

— Pardonne-moi.

— De quoi, répondit-il, abrupt.

— J’ai essayé de trouver un moyen de t’aider, se justifia-t-elle. Je voulais trouver un angle d’attaque, son point faible ou autre chose, mais…

 

Il soupira puis se détendit.

— Tu as été surprise par sa résistance… termina Sirius. Moi aussi. Je l’ai sous-estimé et nous venions d’escalader cette fichue montagne.

— Il y a plus que ça. Il a été enfermé pendant quatre ans dans la peau d’un rat, insista-t-elle, grimaçant en amenant sa main à l’arrière de sa tête. Il aurait dû être amoindri.

 

Sirius hocha la tête, sombrement.

— Voldemort était là. On ne l’a pas vu mais il était là. Tu l’as entendu comme moi. Il lui a fait bénéficier de sa puissance.

— Mais… Comment ? demanda Sélène. Il n’existe pas de sortilège de transfert de compétences. Pas à ma connaissance.

 

Elle se tut, semblant réfléchir à quelque chose. Puis elle murmura :

— Mon dieu, Sirius… Il faisait sombre… Mais… A un moment j’ai cru… Ses yeux, j’ai eu l’impression qu’ils étaient rouges. Comme ceux de…

— Ce devait sûrement être les reflets des sortilèges, coupa Sirius, horrifié, refusant de croire ce qu’elle sous-entendait. Tu l’as dit toi-même Sélène, il faisait sombre.

— Oui, tu as sans doute raison…

 

Ils échangèrent un regard, tentant vainement de se convaincre l’un l’autre que leur ancien camarade n’avait pas trahi l’Ordre du Phénix à ce point. Sirius reprit ses soins sur la plaie à l’arrière du crâne de la jeune femme qui serra les dents. Quand il eut fini, il s’assit à ses côtés, adossé contre l’arbre puis avoua, les yeux fixés sur la baguette de James qu’il faisait tourner entre ses doigts :

— Tu sais, ce n’est pas plus mal qu’il se soit échappé finalement. Je ne suis pas sûr que j'aurais été capable de l’épargner. Il s’en est fallu de peu avant que je lui lance un Avada Kedavra. Je me suis laissé aveuglé par la colère.

 

Il soupira :

— Et en même temps… Pendant tout le combat, je nous revoyais à Poudlard, tous les quatre, James, Remus, Peter et moi. Pourquoi, Sélène ? Pourquoi a-t-il trahi ? Je me pose cette question en boucle depuis tout ce temps sans jamais trouver de réponse. A quel moment l’avons-nous méprisé ?

 

Sélène posa sa tête encore douloureuse sur l’épaule de son compagnon.

— Qui sait ce qu’il s’est passé dans sa tête. Il a sans doute mal interprété des choses. Ce n’était pas forcément nous. C’était peut-être les autres membres de l’Ordre qui, sans le savoir, ont dit des choses blessantes. Ou tout simplement Voldemort qui a su voir une faille et l’a exploitée, attisant sa jalousie à notre égard. Nous ne le saurons sans doute jamais.

 

Ils restèrent silencieux pendant un moment. Puis Sirius demanda :

— Comment te sens-tu ? Tu te sens capable de redescendre ?

— J’ai l’impression qu’un Eruptif rue dans mon crâne, répondit faiblement Sélène.

 

Il lui jeta un regard en biais. Elle avait le teint blafard, légèrement verdâtre à la lumière de la lune. Il releva les yeux vers la clairière. L’endroit était jonché de branches, d’écorces et de cadavres d’animaux qui ne devait en rien arranger la nausée de sa fiancée. Sirius aurait préféré camper dans la vallée mais, malheureusement, Sélène n’était pas en état d’entreprendre la descente. En plus l’aura maléfique qu’ils avaient ressentie en arrivant semblait avoir disparu avec Voldemort et Peter. Il soupira.

— Je vais monter le campement et lancer les sorts de protection, ne bouge pas.

 

Sirius s’exécuta et revint au bout de quelques minutes pour aider Sélène à se relever. Celle-ci gardait les yeux fixés en face d’elle, sur l’arbre devant lequel Peter était prostré avant l’attaque. Elle saisit la main tendue de Sirius mais ne lâcha pas l’arbre du regard. Elle se releva puis s’écarta de Sirius et se dirigea vers le grand chêne noir qui l'intriguait, les sourcils froncés, tentant de regarder plus précisément. Elle saisit sa baguette et murmura :

- Lumos !

Sirius la suivit, intrigué, ne comprenant tout de suite ce qu’elle comptait faire, puis il releva la tête, suivant son regard. Et là, dans le creux de l’arbre, il vit quelque chose. Du tronc, il sortit un diadème en argent représentant un aigle serti d’une pierre bleue. Une inscription « Tout homme s'enrichit quand abonde l'esprit » était encore visible malgré les années qui l’avaient ternie.

— Le diadème perdu de Serdaigle ! s’exclama Sélène.

 

Sirius le fit tourner dans ses mains et tout comme le médaillon de Serpentard, le bijou semblait pulser une énergie malsaine. Un murmure sombre et attirant qui les hypnotisait.

— Apparemment, Voldemort l’a retrouvé et en a fait un Horcruxe.

— Et Peter l’a laissé là avant de fuir ?

— Je lui barrais le passage et il n’arrivait pas à prendre l’avantage. Mais Voldemort lui fera sûrement regretter de l’avoir laissé là. Quoi qu’il en soit, ça en fait un de plus. Il faudra prévenir Dumbledore, commenta Sirius.

 

Sélène hocha la tête et lui prit respectueusement l’artefact des mains pour l’observer plus en détail. Elle effleura les arabesques en argent des doigts.

Le diadème de Serdaigle.

La relique de sa maison.

— La relique de Serpentard, maintenant celle de Serdaigle, murmura Sirius. On dirait que Voldemort fait une fixation sur les Fondateurs !

— C’est une idée à explorer. L’épée de Gryffondor est en sécurité à Poudlard, il reste donc la coupe de Poufsouffle ? Mais où la chercher ? Nous n’avons aucune piste.

 

Ils rangèrent le diadème dans le sac et Sirius laissa Sélène, la tête toujours douloureuse du choc reçu, se reposer dans la tente avant de partir en quête de nourriture. Malgré ses efforts, il ne ramena qu’un faible butin, auquel la jeune femme toucha à peine. Elle avala une gorgée de potion de sommeil avant de s’allonger. Sirius s’assit à ses côtés pour veiller le plus possible à son repos, inquiet. Pour se maintenir éveillé, il sortit le journal de son frère de sa poche et commença à lire l’écriture appliquée de Regulus.

 

« Sirius avait raison. Je me suis fourvoyé depuis le début, aveuglé par les paroles fanatiques de Bellatrix. Mais je vois clair maintenant : le Seigneur des Ténèbres n’est qu’un homme terrifié par la mort. Plus que son idéologie, plus encore qu’asseoir la supériorité des Sang-purs, ce qu’il cherche, c’est le secret de l’immortalité.

 

Quand j’ai rappelé Kreattur auprès de moi après l’avoir confié au Seigneur des Ténèbres, j’ai pris peur. Il était dans un état épouvantable. Il délirait complètement, j’avais même l’impression qu’il ne me voyait pas. Mais dans ses élucubrations, il racontait toujours la même histoire. Il parlait d’une grotte. D’un bassin. D’une potion. Et d’un « vilain médaillon ». Il répétait sans cesse « ce vilain médaillon ». C’est là que j’ai compris et que j’ai fait le lien avec ce que Le Seigneur des Ténèbres disait le soir où il m’a emprunté Kreattur. 

 

Ce soir-là, lors du banquet chez les Malefoy, il s’est vanté, pour s’assurer notre soutien, d’être allé « au-delà des limites de ce qu’on appelle le Royaume du Mal ». Je n’ai pas tout de suite compris ce qu’il voulait dire par là. Ce n’est que grâce à ce que Kreattur m’a raconté et les recherches que j’ai pu faire par la suite dans les livres de Père que j’ai pu saisir l’étendue de sa folie.

 

Il a créé des Horcruxes, des objets qui conserveraient une partie de son âme, l’empêchant ainsi de mourir même si son enveloppe physique était détruite. J’ignore combien il en a créé, sans doute plusieurs, et grâce à Kreattur, je sais déjà où se trouve l’un d’entre eux. Ce sera mon combat, peu importe le prix à payer, je vais les détruire. Je suis bien décidé à lui montrer qu’il n’est qu’un simple mortel, comme tout le monde. »

 

 

 

OoooO

 

Au même moment, dans un village d’Angleterre.

 

Remus avait toujours été l’homme de Dumbledore. Il n’avait jamais discuté ses ordres, même les plus farfelus. Il avait toujours obéi. Mais ce soir, alors que Dumbledore avait enfin accepté de l’emmener dans une de ses escapades, il se demandait vraiment ce qu’il faisait là et ce que le vieil homme attendait de lui. 

 

Oh, il connaissait parfaitement la personne qu’ils étaient venus voir. Il se souvenait même très bien de son ancien professeur de potions, mais il doutait vraiment que ce soit réciproque. Du moins, pas en bien, ça c’était sûr.

 

Il avait perdu le compte du nombre de chaudrons que les Maraudeurs avaient fait exploser au cours de leur scolarité et si James et Sirius étaient toujours parvenus à se faire pardonner leurs frasques grâce à leurs excellentes notes, lui avait toujours été un élève moyen dans cette matière. Meilleur que Peter qui assumait de bonne grâce toutes les conséquences, certes, mais pas suffisamment bon pour que Slughorn soit bien disposé à son égard.

 

Soudain, Albus s’arrêta, forçant Remus à l’imiter. Le jeune homme lança un regard vers son mentor. Celui-ci semblait hésiter sur la suite. Il fallait bien avouer que toutes les maisons dans ce lotissement se ressemblaient. Le vieux sorcier regarda à droite, à gauche, vers le ciel dégagé. Il pointa une étoile du doigt :

— Ah ! C’est par-là, s’exclama-t-il avant de reprendre sa marche d’un pas rapide.

 

Remus le suivit, toujours aussi perplexe, mais confiant. Les décisions de Dumbledore étaient toujours - presque toujours - justes. Celui-ci le mena vers une jolie maison dont toutes les lumières semblaient éteintes. Il sortit sa baguette et, d’un moulinet du poignet, ouvrit la porte d’entrée. Il entra, toujours suivi de Remus et referma derrière eux.

 

— Professeur, je doute que le professeur Slughorn apprécie que l’on soit entré par effraction chez lui.

— Tu as sûrement raison, Remus, mais vois-tu, malgré son âge et sa corpulence, ce cher Horace est aussi agile qu’une anguille pour échapper à ceux qu’il n’a pas envie de voir. Je compte donc sur ta jeunesse et tes réflexes de loup-garou, présents encore pour quelques jours, pour l’empêcher de nous échapper cette fois, répondit le directeur.

— Pourquoi tenez-vous tant à le voir ?

— Parce que le professeur Slughorn était le professeur préféré d’un jeune élève de Serpentard. A l’époque, Horace était celui vers lequel ce jeune élève rusé se tournait pour obtenir des réponses que lui seul pouvait donner.

— Ce jeune élève, c’était Voldemort, c’est ça ?

 

Dumbledore hocha la tête pour confirmer.

— Horace était tout ce que le jeune Jedusor, futur Voldemort, valorisait : il s’y connaissait en magie noire, il était - et est toujours - un formidable potionniste, et un sorcier de sang-pur particulièrement compétent en bien des domaines. Et tout comme Tom faisait partie du « Club de Slug », Tom aurait bien voulu qu’Horace fasse partie de ses plus proches partisans. Ce que mon vieil ami a toujours refusé.

— Et vous avez évidemment une idée de la raison de ce refus, affirma Remus.

— Evidemment, confirma Dumbledore.

 

Remus attendit que son vieux professeur poursuive, mais le vieil homme avait toujours aimé se faire désirer et ses yeux qui étincelaient de malice ne faisaient que confirmer cela. Remus retint un sourire et demanda :

— Faut-il que je vous supplie ?

 

Dumbledore sourit en le regardant par-dessus ses lunettes en demi-lune et annonça : 

— Je pense, avec très peu de chances de me tromper, que Horace se sent responsable de la transformation de Tom Jedusor en Voldemort. Je pense qu’il avait connaissance de ses intentions. Et je pense qu’il se sent coupable de ne pas avoir su l’arrêter ou du moins, de ne pas avoir transmis les informations à ceux qui aurait pu l’arrêter bien plus tôt, causant ainsi le décès de son élève préférée.

— Lily… murmura Remus en baissant la tête, se remémorant les regards de fierté que le professeur de potions posait sur elle.

— Il a toujours refusé de me raconter la vérité sur ce qui a transformé sa relation avec Tom. Mais je pense aussi que tout a changé maintenant que les rumeurs selon lesquelles Voldemort serait toujours en vie commencent à se propager.

 

Dumbledore laissa encore un silence s’installer, le temps pour Remus de faire le lien et de réfléchir, avec ces nouvelles informations, sur sa présence ici.

— Vous pensez que cela ravive sa culpabilité par rapport à la mort de Lily et comme je suis, officiellement, le dernier ami des Potter encore en vie, vous voulez que j’appuie sur ce lien pour qu’il nous dise ce qu’il sait.

 

Dumbledore hocha la tête, ravi que son ancien élève soit arrivé à cette conclusion et poursuivit :

— Et j’espère bien que l’état d’ébriété dans lequel Horace reviendra de sa petite soirée chez un de ses anciens protégés nous rende la tâche plus facile.


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