Le cycle de la lune bleue
Chapitre 19 : Retour d'une créature démoniaque
4573 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour il y a 3 mois
- Par Merlin ! s’exclama McGonagall. Albus, savez-vous ce que cela signifie ?!
- Oui Minerva, j’en ai bien peur. Cela ne peut traduire qu’une seule chose… Annily, cette créature des Ténèbres a tenté d’absorber votre sang afin d’assimiler vos pouvoirs, pour ensuite les transmettre de manière inaltérée à celle à celle qui la soumet.
- Mes pouvoirs ! Je vous répète que je n’en ai pas ! s’insurgea la jeune femme avec désespoir. Tout ça n’a vraiment aucun sens ! cette Ecole de Sorciers, ma fichue amnésie, ce voyage dans le temps… Puis l’apparition soudaine de ce monstre abominable, soumis au joug démoniaque de cette femme ! Il est impossible que ce qu’elle recherche puisse avoir un quelconque rapport avec moi ! Je n’ai aucun pouvoir, je suis un être humain sans la moindre parcelle de Magie en moi ! Bon sang, je n’appartiens même pas à votre Monde !
- Apparemment, cette femme n’était pas de votre avis.
La voix calme et doucereuse du Maître des Potions fit tourner les têtes de ses collègues.
- Les intentions de cette femme étaient parfaitement claires, poursuivit Rogue. Dérober la Magie qui dérive dans vos veines en collectant votre fluide vital, par l’intermédiaire inéluctable des crocs métalliques de sa bête, ainsi que le Directeur vous en a très justement fait la remarque.
- C’est faux !
- Cessez donc de vous retrancher ainsi dans votre entêtement ! tança le Professeur en perdant patience. Il n’y a là ni erreur ni méprise. Cette femme ne vous a pas choisie par hasard, la précision de ses actes ne permettant pas le moindre doute. Vous êtes devenue sa proie car vous possédez une chose qu’elle convoite ardemment au point de vouloir vous massacrer. Et ce qu’elle ambitionne avec autant d’acharnement et de malveillance ne peut être qu’un pouvoir ! un pouvoir immense dont nous ignorons totalement la nature, la dangerosité et la puissance.
N’osant s’insurger davantage, refusant cependant d’approuver ce qu’elle considérait comme étant une erreur monumentale, la jeune femme se contenta de secouer la tête de droite et de gauche. Malgré l’évidence des éléments insolites qui s’amassaient et la gravité de la situation actuelle, elle ne pouvait intégrer l’idée d’avoir un quelconque rapport avec les mondes occultes, demeurant obstinément convaincue d’avoir été la victime d’une épouvantable méprise.
- Je suis de l’avis du professeur Rogue, intervint soudain une voix derrière eux.
Surprise, Annily se retourna et remarqua alors la présence d’un Sorcier qu’elle ne connaissait pas. Il se tenait légèrement en retrait, adossé contre le flanc d’une armoire vétuste qui regorgeait d’objets et de parchemins. Le nouveau venu gardait le silence, attentif au moindre mot prononcé depuis le début de cette entrevue, ses prunelles vert olive vrillant la jeune femme avec intensité. Annily écarquilla les yeux d’étonnement ; elle ne l’avait pas entendu approcher ni même entrer. Combien d’autres Sorciers allaient avoir l’opportunité de découvrir son existence plus qu’indésirable en ces lieux ? Pour combien d’entre eux, la jeune femme allait-elle être l’objet de cette curiosité lassante ? Elle n’était pas une bête de foire ! Constatant l’irritation et l’embarras de la jeune femme, Dumbledore se leva pour accueillir le nouveau venu.
- Professeur Nightingale, je vous présente Annily, la jeune personne dont vous êtes parvenu à soigner les graves blessures. Annily, voici le professeur Arsène Nightingale, qui enseigne l’Étude des Moldus à nos élèves. Comme vous l’aviez certainement présumé, ajouta-t-il à l’attention de la jeune femme, aucune de nos potions préparées avec l’aide de la Magie, n’était en mesure d’apporter une quelconque aide médicale à votre guérison, ni même de produire le moindre effet métabolique ou physique sur votre organisme. Nous avons donc été contraints de nous tourner vers le savoir moldu du professeur Nightingale, le seul ayant été à même de mettre au point un élixir thérapeutique sans le recours de sa baguette.
Annily leva de nouveau les yeux vers le jeune professeur, ne sachant trop que répondre. Elle lui adressa un signe de tête timide qu’elle souhaitait éloquent, le remerciant du regard, sans oser le détailler davantage. Le professeur Nightingale s’avança vers la jeune femme et lui adressa un sourire amène :
- Je suis ravi de faire votre connaissance, Annily. Vous me voyez heureux de constater que vos blessures ont entamé leur cicatrisation sans séquelles critiques majeures. La douleur que vous endurez encore avec beaucoup de courage devrait refluer considérablement durant les prochains jours, puis disparaître totalement d’ici quelques semaines. J’espère que votre convalescence s’en trouvera quelque peu adoucie, de même que l’aspect rougeoyant des vestiges cicatriciels qui stigmatisent votre peau, dans la mesure où vous suivrez rigoureusement les recommandations thérapeutiques que le professeur Rogue et moi-même avons établies à votre encontre. Si vous avez de nouveau besoin de mes services, ou si vous ressentez simplement le besoin de vous confier, vous ne devez pas hésiter à venir me trouver ; je me ferai un plaisir de vous venir en aide.
La voix du professeur était douce, avenante, lénifiante. Touchée par cette déclaration simple et sincère, Annily sentit un doux sentiment de réconfort et de soulagement intense l’envahir. Ces quelques mots venaient de momentanément raviver l’étincelle de son existence éplorée et morose, emplissant son cœur d’une profonde gratitude envers ce jeune professeur – un sentiment qu’elle avait à plusieurs reprises ressenti face à la bonté bienfaitrice du professeur Dumbledore, sans pour autant avoir perçu un quelconque allègement du désespoir qui voilait son âme. Plongée dans l’olive de ce doux regard, la jeune femme lui exprima sa reconnaissance à travers un sourire sincère embué de larmes. A l’inverse de ses collègues, ce Sorcier lui inspirait d’emblée une profonde sympathie. Le simple fait d’avoir rencontré une nouvelle personne qui lui avait parlé avec gentillesse, simplicité et bienveillance, sans la moindre once de défiance ou de mépris, avait rompu ses pensées mornes et l’affliction de son quotidien. Annily se surprit à espérer de nouveau, souhaitant chasser cet accablement qui emprisonnait son enjouement et sa douceur depuis des semaines. Elle devait réagir.
- Cette créature des Ténèbres, poursuivit le professeur Nightingale d’une voix douce, a eu à votre encontre des agissements amplement significatifs, malgré votre désaccord et vos doutes Annily. J’ignore quels pouvoirs la Créature s’apprêtait à vous dérober avec autant de cruauté, mais il est certain que vous possédez une chose que sa maîtresse convoite avidement. A ma connaissance, je ne distingue qu’une seule créature capable de dérober du sang humain, en conservant toute la Magie qui coule dans les veines de sa victime.
- Mais qu’est-ce donc, Arsène, s’impatienta McGonagall. Un vampire ?
- La stryge nocturne demeure incapable de préserver les vertus de la Magie résidant dans le sang dont elle se délecte chaque nuit ; sans quoi, les moustiques ou tout autre organisme hématophage seraient eux-mêmes pourvus de nos pouvoirs. Lorsque cette jeune fille a été attaquée par la créature, elle a pu apercevoir des crocs métalliques reluire dans les Ténèbres. Ce n’est pas de l’acier ; c’est un métal unique et extrêmement rare, bien plus précieux que le platine ou l’or, qui lui sert de réservoir lorsqu’elle s’abreuve d’un fluide divin. On parle du "métal clair-obscur", un alliage unique au monde capable de luire dans la pénombre, une matière inexistante dans le monde scientifique moldu et méconnue pour la plupart des Sorciers. Sa reconstitution magique ou scientifique est impossible, de même que sa destruction. Ses propriétés insolites reposent uniquement sur l’extraction et la préservation d’un pouvoir.
- Si l’on suit votre raisonnement Arsène, une créature dotée de tels organes, serait capable de ponctionner du sang de Sorcier afin de lui dérober ses pouvoirs et de l’en priver, simplement en mordant sa victime ? s’enquit McGonagall, horrifiée.
- C’est exact, confirma le jeune professeur. Agissant sur injonction de sa maîtresse, la bête aux saillies vampiriques reluisantes lui rapporte ainsi le breuvage intact, protégé de toute altération au sein même de ses crocs, l’alliage emprisonnant la Magie pour en conserver toute la puissance.
- Et vous dites connaître le nom d’une telle créature, Arsène ? demanda vivement Dumbledore. Serait-ce, comme nous le craignons…
- Oui Albus, et nous ne pouvons l’ignorer davantage. Il s’agit du dernier Dermacentor vivant sur cette Terre. Cette même créature qui a anéanti le peuple des Centaures en 683…
- Mais je croyais que cette créature des Ténèbres avait été vaincue par les Elfes de Lynn lors de la Période Sombre, avança la professeure de Métamorphose, visiblement troublée par cette révélation.
- Je le pensais également, mais il semblerait que nous ayons tous été dans l’erreur… Le premier indice menant à ce terrible constat a été l’identification du poison de Laädehn retrouvé dans l’organisme d’Annily, inoculé par le biais d’une effraction de sa barrière cutanée lors de son attaque. A ma connaissance, seuls le Dermacentor et les Démons de Khörn véhiculent ce poison mortel au sein de leurs griffes. Le second indice, et pas des moindres, est directement lié à la description-même du monstre. Je ne suis certes pas un spécialiste des Créatures Fantastiques, cependant je n’en connais aucune répondant avec autant de précision à ce portrait. Quant à la dernière indication évocatrice de son retour, un nombre croissant de créatures de la Forêt relate tout récemment et unanimement la réapparition d’une Elfe déchue et de sa Bête. Bon nombre d’entre elles ont déjà fui les lieux, sans même attendre la certitude de sa résurrection.
Les professeurs devinrent tour à tour livides. Le Directeur et le professeur de Potions échangèrent un regard grave ; ainsi donc les spéculations qu’ils redoutaient s’avéraient fondées.
- Annily, poursuivit Dumbledore en se tournant vers la jeune femme qui n’avait pipé mot depuis l’intervention du jeune professeur. Avez-vous pu voir clairement cette femme ? Pouvez-vous de nouveau préciser ses gestes à votre encontre ?
Totalement dépassée par cet amoncellement d’informations toutes plus incohérentes les unes que les autres, la jeune femme acquiesça néanmoins.
- Lorsque ce monstre m’acculait contre le tronc, ses griffes enlisées dans ma chair, elle s’est approchée de lui et a enfoui ses doigts dans l’épaisse fourrure. La créature s’est instantanément apaisée. Celle qui la contrôlait a alors émis cet horrible chuintement sonore à vous glacer le sang, incitant son monstre à approcher la pointe de ses crocs tout contre ma gorge. C’est alors qu’elle s’est approchée de moi… Elle m’a agrippé le menton et m’a obligée à lui faire face, tournant de force ma tête sur le côté, exposant davantage mon cou pour ce qui allait indubitablement suivre. Ses yeux luisant de démence étaient plongés dans mes miens. Un sourire concupiscent étirait ses lèvres tandis que son visage se rapprochait davantage du mien, comme si elle s’apprêtait à m’embrasser pendant que je me faisais écorcher vive…
- Ma pauvre enfant, compatit McGonagall avec sincérité. Je n’ose imaginer le calvaire que vous ont fait vivre cette femme et son abominable monstre ! ainsi que toute cette souffrance… Par Merlin ! quelle situation épouvantable !
La jeune femme n’y tint plus et fondit en larmes. Le traumatisme de cette nuit-là marquait aussi durement que les stigmates dans sa chair ; à l’instar de ces entailles cuisantes, il ne s’estomperait jamais totalement… Le professeur Nightingale s’agenouilla face à elle et prit ses mains dans les siennes, plongeant son regard olive dans l’iris ravagé.
- Vous n’êtes plus entre leurs griffes Annily, et vous êtes sauvée. Essayez d’apaiser votre émoi, sans quoi la douleur risque de reprendre le dessus. Revenir sur des souvenirs aussi pénibles vous bouleverse, mais vous devez tenter de surmonter cette tourmente, le temps pour nous de comprendre ce qui vous est arrivé. D’accord ?
Annily s’accorda de longues minutes silencieuses, incapable de réfléchir avec cohérence. Son esprit fatigué ne parvenait plus à optimiser la situation. La seule chose qui l’empêchait actuellement de sombrer était la bonté de ce professeur qui avait contribué à sa guérison et l’atténuation salutaire de ses souffrances. Elle devait se ressaisir et trouver la force de tout leur raconter, ne serait-ce que pour tenter de protéger les élèves de cette créature redoutable qui les menaçait tous. D’un revers de main elle sécha ses larmes et releva le menton.
- Très bien, acquiesça-t-elle, je suis prête. Que voulez-vous savoir de plus ?
- Vous avez indiqué voir cette femme avec une précision surprenante alors qu’elle évoluait dans la nuit, J’ai besoin que vous m’en fassiez une description précise, demanda doucement le professeur Nightingale.
La jeune femme réprima un frisson d’horreur et ferma un instant les yeux, avant de les rouvrir.
- Malgré le noir qui nous enveloppait, je pouvais la distinguer aussi clairement que si nous étions en plein jour, confirma la jeune femme. Elle était… plutôt grande, élancée, et d’une très grande beauté. Une beauté glaciale… Sa peau diaphane était enveloppée d’un halo phosphorescent, rappelant la bioluminescence des lucioles. Elle tenait dans le creux de sa main une flamme verte, qui embrasait les ténèbres alentours d’une lueur irréelle. Ses longs cheveux lisses arboraient une couleur pourpre sanguine flamboyante, à l’instar de sa tenue… Elle portait une cape rouge vacuolisée par-dessus une longue robe vermeille, dont les extrémités paraissaient… comment dire… indissociables des racines-mêmes de la terre ; la silhouette de cette femme semblait étrangement être le prolongement ondoyant des branchages qui jonchaient le sol.
Annily suspendit un instant sa description, secouant la tête d’incrédulité quant à l’existence d’un tel être humanoïde qu’elle avait pu contempler de bien trop près.
- Lorsqu’elle a émergé du clair-obscur et s’est penchée au-dessus de moi, reprit-elle d’une voix rauque, j’ai pu voir à la lueur de sa flamme la couleur de ses yeux : à l’instar de ses cheveux, ils étaient écarlates et brûlaient de démence, au milieu d’un visage parfaitement blanc et lisse. Comment… ? comment un tel être peut-il exister… ? Cette femme est dangereuse et extrêmement puissante ! Elle contrôlait sa bête avec un calme incroyable et une maîtrise parfaite.
Jusqu’alors silencieux, Maugrey s’était brusquement avancé en claudiquant, tandis qu’Annily terminait de dresser le portrait de cette femme redoutable.
- Comment avez-vous réussi à échapper à la créature ? lui demanda-t-il de sa voix bourrue. A-t-elle réussi à tailler votre chair par la pointe de ses crocs ? Est-elle parvenue à vous soutirer ne serait-ce qu’une seule goutte de sang ?!
Annily le dévisagea avec frayeur. Ce professeur aussi agressif que disgracieux avait presque hurlé sa requête, tandis qu’il agrippait férocement l’accoudoir du fauteuil dans lequel la jeune femme était assise, la forçant à lui faire face. Il semblait visiblement très tendu, appréhendant la réponse avec une grande nervosité. Annily s’accula au maximum contre le dossier et jeta des œillades inquiètes à l’assemblée ; tous les Sorciers la dévisageaient avec intensité et paraissaient pendus à ses lèvres.
- Non, le monstre n’a pas eu le temps de me mordre. Tandis qu’il me plaquait contre l’arbre, je suis parvenue à dégager un bras et ma main a arraché un bout d’écorce affilée. Sans même réfléchir, j’ai abattu mon arme sur la tête de la créature et je lui ai transpercé un œil, plantant de toutes mes forces le pal improvisé jusqu’au crâne. La Bête a poussé un hurlement déchirant ; elle m’a lâchée sous le coup et s’est projetée en arrière, le pieu saillant de son orbite sanglante, bousculant violemment la femme dans sa retraite. La flamme verte s’est éteinte. Les Ténèbres m’enveloppant à nouveau, je me suis alors mise à courir comme une folle, droit devant moi, me heurtant aux multiples obstacles de cette maudite Forêt, mais sans jamais m’arrêter ni me retourner. J’entendais la créature qui rugissait lamentablement, son cri se répercutant comme un effet de souffle après une violente explosion. Avant de disparaître, j’ai eu le temps de percevoir la voix menaçante de cette femme résonner dans les bois, promettant à mon encontre une persécution constante et indéfectible, où que je puisse me réfugier… A cet instant j’ai su qu’elle disait vrai ; quoi que je fasse, où que j’aille, elle et sa bête me retrouveraient !
- Ma pauvre enfant, quelle terrible épreuve ! compatit McGonagall, le visage blême. Cependant je puis vous affirmer que Hogwarts représente le meilleur refuge que l’on puisse concevoir, un rempart puissant et inébranlable contre les périls extérieurs. De tout le continent il est l’endroit le plus sûr, investi d’un pouvoir inégalé, capable de vous protéger sans faillir des dangers auxquels vous avez miraculeusement réchappé cette nuit-là.
Annily était loin de partager cette certitude. Elle croyait fermement en la promesse destructrice de cette entité démoniaque, et la redoutait plus que tout autre danger mortel. Elle ne se sentait plus en sécurité nulle part, même si la puissante Magie des Sorciers faisait pour le moment office d’une protection a priori redoutable. La voix onctueuse et sarcastique de Rogue la ramena sans douceur dans l’instant présent, lui rappelant brutalement la troublante altercation physique qu’ils avaient eue quelques heures plus tôt.
- Vous paraissez avoir accompli l’exploit hautement improbable d’avoir réchappé aux griffes de la plus dangereuse des créatures, survivant extraordinairement à cette attaque démoniaque à l’issue assurément fatale pour quiconque. De cette stupéfiante performance s’ensuit alors l’inimaginable prouesse de votre retour remarquablement pompeux, vous lançant à corps perdu dans la traversée d’une forêt à l’étendue incommensurable et aux dangers mortels. Une épopée somme toute désastreuse dénuée d’élégance…
Le sombre professeur harponna les accoudoirs qui cernaient la jeune femme et imposa au fauteuil un mouvement rotatoire, obligeant Annily à lui faire face.
- Nous serions tous extrêmement curieux de savoir comment vous êtes parvenue à réaliser cette invraisemblable prouesse, orientant miraculeusement vos pas jusqu’aux abords de notre Ecole en dépit des circonstances.
Annily le dévisagea un instant, déconcertée par un tel dénuement d’indulgence et de pitié.
- Je n’en ai pas la moindre idée, consentit-elle enfin à répondre. J’ai tout simplement eu une chance inouïe. Après être parvenue à m’extirper des griffes du monstre, je n’avais plus qu’une seule idée en tête : fuir. J’étais morte de peur, je souffrais atrocement et je saignais abondamment, mais je ne devais pas abandonner. Même cachée dans le noir, je n’avais aucune chance de leur échapper ; bien qu’à moitié aveugle, la créature n’aurait eu aucun mal à pister mon sang ! Alors j’ai continué à courir, désespérément, sans réellement m’orienter, essayant juste de mettre le plus de distance possible entre moi et ce monstre sanguinaire. La Forêt grouillait de bruits inquiétants tout autour de moi, et j’étais terrifiée à l’idée de tomber sur une nouvelle créature de votre Monde… A un moment donné j’ai perçu comme une brusque cavalcade dans mon sillage, des bruits de sabots entremêlés de voix furieuses et de branchages piétinés, des hurlements rageurs, le son d’une corne dans laquelle on a soufflé longuement… Était-ce des cavaliers en train de chasser une proie, comme je l’étais devenue moi-même ? Par chance ce tumulte chaotique s’est progressivement éloigné de moi, semblant poursuivre une direction opposée, puis tout est devenu confus, lointain, m’abandonnant de nouveau aux rumeurs nocturnes et terrifiantes des bois.
- Se pourrait-il que les Centaures soient intervenus Albus ? s’étonna la professeure de Métamorphose. Je les croyais décidés à ne plus jamais intercéder en faveur d’un être humain.
- Je l’ignore Minerva, cependant je ne vois pas qui d’autre qu’un Centaure correspondrait à ce descriptif, en plein cœur de la Forêt Interdite. Nous demanderons à Hagrid de questionner de nouveau son ami Firenze à ce sujet. Annily, avez-vous pu apercevoir ces êtres hybrides, des destriers humanoïdes quelque peu imposants mais nullement dangereux, lors de votre fuite à travers la Forêt ?
- Non, je n’ai pas cherché à savoir qui avait eu la malchance de croiser la route de mes poursuivants ; j’avais bien trop peur de retomber entre leurs griffes. J’ai poursuivi ma course, et personne ne m’a rattrapée. Je n’ai cessé de courir pendant des heures, changeant parfois de direction pour tenter de brouiller ma piste, mais sans jamais revenir sur mes pas. Je me heurtais sans cesse aux troncs bien trop rapprochés les uns des autres, trébuchant contre leurs racines géantes, m’affalant lamentablement dans les ronces qui jonchaient le sol, mais me relevant toujours. Je ne parvenais absolument pas à m’orienter, j’y voyais à peine pour me diriger, et je n’apercevais toujours pas le moindre quartier de ciel. Il m’était devenu impossible de réfléchir de manière cohérente, mes pensées étaient écrasées par un instinct de survie décuplé, qui a donné à mes jambes une force inouïe ! Mais j’étais à bout de souffle, et une douleur insupportable, toujours plus intense à chaque pas, me transperçait la chair à tel point que je ne pouvais m’empêcher de gémir lamentablement. Lorsque j’ai senti un désespoir plus grand que ma terreur me submerger, je me suis arrêtée de courir et je me suis effondrée, m’attendant à tout instant à être rattrapée par mes poursuivants. J’ai alors souhaité de toute mon âme l’apparition d’un secours providentiel pour m’aider à me tirer de cet enfer. Mais personne n’est venu ; ni elle, ni vous… Personne. Mes forces s’amenuisaient de minute en minute et je ne cessais de perdre du sang. Alors je me suis relevée et me suis remise à courir. Je devais continuer à avancer, jusqu’à trouver la frontière de cette interminable Forêt, ou épuiser mes dernières forces et sombrer dans le coma pour ne plus avoir à subir la terreur et la douleur. Je crois que j’aurais perdu tout espoir de me sortir de cet enfer, si je n’avais finalement aperçu au loin les lumières du Château, à travers la frondaison. C’était inimaginable, pourtant mes pas hasardeux m’avaient ramenée à mon point de départ. J’étais parvenue à retrouver le chemin de votre Ecole.
En terminant son récit, Annily éclata en sanglots. Elle ne s’était pas aperçue que des larmes coulaient déjà sur son visage tandis qu’elle relatait son incroyable épopée nocturne. Dumbledore se leva et posa une main réconfortante sur son épaule. Il resta quelques instants silencieux, attendant que la jeune femme retrouve son calme. Tout à son émoi, Annily n’avait pas remarqué la pâleur inhabituelle qui avait envahi le visage du vieil homme. Le professeur Nightingale s’était discrètement éclipsé, sans une parole, une vive inquiétude assombrissant ses prunelles. Les professeurs Maugrey et McGonagall gardaient également le silence, échangeant des regards troublés, incapables l’un comme l’autre de prononcer le moindre mot. Rogue quant à lui observait Annily avec intensité. Ses traits exprimaient toujours la méfiance, mais ses pensées étaient en proie à une profonde réflexion ; derrière la glace de son regard, se terrait un sentiment grandissant de stupéfaction mêlé à l’effarement qui le laissèrent subrepticement interdit. Les révélations d’Annily n’admettaient aucun doute possible…
Elle était revenue !