Pensées volées
James,
Je me suis trompé.
A genoux à côté de ton corps immobile, j’en ai la preuve insupportable aujourd’hui. Mon cœur est brisé et crois-moi, mon frère, je n’ai jamais rien connu d’aussi douloureux de toute ma vie. Je ne réalise pas encore et j’ai du mal à croire qu’on ne se parlera plus jamais, qu’on ne rira plus jamais. Pour tout te dire, je ne sais même pas si j’arriverais encore simplement à rire après ça.
Tu étais mon frère, mon double, mon jumeau. Jamais je n’aurais cru que pareille amitié pouvait exister. Je n’ai pas été élevé pour croire à ce genre de choses. Mais tu m’as appris tout ça. Tu m’as élu comme ton meilleur ami, ton frère. Tu m’as accueilli chez toi, sous ton toit, sans hésiter une seule seconde. Tu m’as appris ce qu’une famille devait être. Tu étais ma famille.
Je n’ai jamais été dupe tu sais. Toutes tes pitreries, tes sempiternelles anicroches avec les Serpentard, les sortilèges que tu leur lançais. Je savais que c’était en partie pour moi. Pour me faire rire. Peut-être un peu aussi pour me venger de ce que j’avais pu subir chez moi. Et c’est sans doute parce que j’étais le seul qui arrivait à te tempérer que j’ai compris tout ça. C’était ton but dans la vie : rendre ceux qui t’entouraient heureux et plus ils étaient écorchés par la vie mieux c’était. Et bordel, par Merlin, je peux te dire que tu as réussi : nous n’avons jamais été aussi heureux qu’à tes côtés.
Et Lily, la belle et douce Lily, je te taquine toujours en disant que tu l’as eue à l’usure ou à la pitié. Mais c’est faux. Elle a juste fini par comprendre qui tu étais. Vous étiez faits pour être ensemble : même combat, même grandeur d’âme, même amour de votre prochain. Tu as toujours dit que tu voulais mourir à ses côtés. Et là encore, tu as eu ce que tu voulais…
Nous étions quatre.
Quatre garçons que rien ne prédestinait à être ensemble et tu as été le ciment de notre amitié.
Toi, Remus, Peter et moi. Toujours ensemble, toujours unis.
On avait toujours pensé que rien ne nous séparerait, que jamais l’un de nous n’en trahirait un autre. Qu’on garderait les secrets des uns ou des autres, au péril de nos vie.
C’était le pacte des Maraudeurs.
C’était sacré et il a tout bafoué.
On ne peut haïr que quelqu’un qu’on a aimé et honnêtement, je ne pensais pas qu’il était possible de haïr l’un de nous à ce point.
Nous étions frères, putain, ça ne représentait donc rien pour lui ?
Nous étions frères et ta perte a brisé ce lien pour toujours. Dorénavant, je hais Peter de tout mon être et je passerais volontiers ma vie à Azkaban pour le meurtre que je m’apprête à commettre. Je t’entends déjà dans ma tête, tenter de me raisonner pour que je le fasse juger. Je ne peux pas faire cela mon frère et tu le sais. Avant de te connaitre, je n’étais pas quelqu’un de bien. Encore une fois, je n’ai pas été élevé pour ça. Tu as été mon garde-fou toutes ces années mais maintenant, je sens la folie me gagner doucement.
Vingt ans, bordel. Vous aviez tout juste vingt ans, Harry n’en a même pas deux. Comment est-ce Merlin possible que votre vie se termine maintenant, comme ça, dans les ruines de cette maison qui était censé être votre havre, votre cachette ?
Putain mec, je suis tellement en colère.
La trahison est amère et j’ai la haine, si tu savais. Je la sens en moi, elle bout à l’intérieur : l’envie de vengeance. C’est un feu qui ne s’éteindra sans doute jamais.
Ce sera ma perte, ou ma raison de vivre. Une façon d’oublier encore un peu que tout est ma faute. De m’occuper l’esprit pour ne plus penser à ce qui m’obsède depuis quelques heures. C’est moi que tu avais choisi, mon frère. Et c’est finalement moi, mon choix, mon conseil qui ont causé ta perte. Et je m’en veux. Je m’en veux terriblement, si tu savais !
Ta main est déjà froide quand je la serre, mon frère, et ça ne fait que renforcer ma colère. Je vais vous venger, toi, Lily et Harry. Votre famille méritait tellement mieux que cela. Alors je te jure que je te vengerai. Peu importe le temps que cela me prendra : un jour, un mois, un an, dix ans… Peu importe.
En attendant, repose en paix, mon ami.