Dollhouse

Chapitre 67 : Ascension

16939 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 15 jours

La salle de classe de métamorphose s’étalait devant nous, chaque étudiant devant son bureau de bois avec des yeux idiots rivés sur nous. La pièce circulaire était bercée dans une lumière dorée du matin qui réfléchissait sur nous en nous illuminant divinement, comme si nous étions des dieux face à eux. Au fond de sa classe aux fenêtres voûtées, la vieille McGonagall posait un regard indéchiffrable de toute expression sur notre groupe. Nous avions déjà tous pris la parole pour faire notre présentation, chacun avec une aisance qui démontrait notre connaissance accrue du sujet que nous exposions. C’était au tour de Theodore, debout à mes côtés, de s’exprimer. Il était le seul d’entre nous qui tenait un parchemin entre ses mains, son regard rivé sur sa feuille de papier alors qu’il s’apprêtait à lire le paragraphe rédigé par Blaise pour cet exposé académique. 

-       Il est également possible d’utiliser des potions afin de mener à bien une métamorphose humaine, commença-t-il à lire. Comme mes camarades l’ont exposé, celles-ci sont les métamorphoses les plus compliquées à produire convenablement. Il semble per…, buta-t-il sur le mot écrit de la main de notre ami qui se tenait face à la classe à l’extrémité de notre groupe, pertinent, reprit-il en lisant, de noter que certains sorciers peuvent néanmoins modifier leur apparence plus facilement, comme les Animagi, ou encore les Métamorpho…, hésita-t-il encore. Les Métamorphomo…, Métamorpho… 

-       Métamorphomages, chuchotai-je à côté de lui sans avoir besoin de consulter son parchemin. 

-       Métamorphomages, reprit-il alors. 

-       T’as sauté une ligne, murmura Blaise à côté de Pansy, qui elle se tenait à gauche de Theo.

Theodore tourna le visage vers lui avant de relire mentalement les premières lignes de son parchemin. 

-       Pardon, se corrigea-t-il pour la classe qui commençait à esquisser des sourires moqueurs qui m’énervait. Il est également possible d’utiliser des potions afin de mener à bien une métamorphose humaine, se répéta-t-il donc. Parmi celles-ci, le Polynectar permet de prendre, bien que temporairement, l’apparence d’un autre être humain. Il existe aussi des malédictions qui peuvent transformer la personne en une créature, ce qui est le cas d’une Maledicul… 

Blaise pouffa au bout de notre rangée, tout comme plusieurs autres élèves de la classe qui écoutaient notre exposé. 

-       Maledicus, essaya alors à nouveau Theodore. 

Pansy donna un coup de coude bien senti à son ami à côté d’elle tandis que ce dernier portait une main sur sa bouche pour s’empêcher de rire trop ostensiblement. 

-       Malediculus, tenta encore mon frère. 

-       Excusez-le, s’adressa Blaise à McGonagall avec un sourire charmeur, c’est pas d’sa faute, c’est un demeuré, se moqua-t-il chaleureusement. 

-       Si t’écrivais pas aussi mal qu’un putain d’infirme aussi, trancha Pansy à voix basse vers son meilleur ami, bien qu’assez fort pour que le reste de la classe l’entende. 

-       Dit celle qui avait pas l’temps d’écrire sa présentation parce qu’elle galérait comme une première année sur son devoir de potion, lui renvoya Blaise avec un sourire en coin qui en fit rougir plus d’une dans la classe. 

-       Au moins moi quand je fais quelque chose, je le fais bien, répliqua Pansy avec un sourire dénué de sentiments chaleureux. 

-       Pourrions-nous avoir le fin mot de l’histoire ? soupira McGonagall depuis le fond de la classe. 

-       Pardon Professeur, s’excusa Blaise en abaissant dramatiquement le haut de son corps vers le sol, ce que notre camarade essayait maladroitement de dire était « Maledictus », ce qui n’a bien sûr rien à voir avec le cul, osa-t-il en se relevant avec un sourire vainqueur. Lapsus révélateur ? envoya-t-il alors sur un ton joueur vers mon frère tandis que la classe riait. 

A une exception prête. Granger, elle, ne riait pas. Elle leva les yeux au ciel et soupira avant de replonger le nez dans le livre épais étalé sur son bureau comme si nous n’étions pas dignes de son attention. Putain de miss-je-sais-tout insupportable. 

-       Ferme ta vieille gueule d’obsédé avant que j’m’énerve Zabini, menaça Pansy pour son homme sur un ton bas. 

Devant l’assemblée, Blaise haussa les épaules avec un sourire. 

-       Ah, les adolescents et leurs hormones, soupira-t-il faussement alors que la classe riait de ses pitreries. 

Pansy écrasa violemment le pied de son ami du sien, et il couina de douleur sans perdre son sourire pour autant. Je m’entendis pouffer au même rythme que Theodore à côté de moi. 

-       Ça suffit, trancha froidement McGonagall du bout de la classe. Retournez à vos places respectives, et que le groupe suivant prenne place. Ces familiarités affecteront votre note de groupe, comme j’ose espérer que vous vous en doutiez déjà. 

Theodore plia la feuille de papier alors que nous quittions tous l’estrade pour retrouver nos places au fond de la classe. Devant nous, Theo et moi témoignons avec un sourire de Blaise qui passa le bras autour des épaules de Pansy en la taquinant avec un sourire tandis qu’elle lui envoyait un coup de coude bien senti dans les côtes. Je jetais un regard noir en la direction d’une Granger qui nous trouvaient ostensiblement irrécupérables. 

Le contraste entre ce rêve souvenir que j’avais fait cette nuit et l’énergie avec laquelle nous entrions au château en cet instant était surréaliste. Rogue étant désormais le directeur, nous pénétrions dans l’enceinte comme si nous y étions les bienvenus, comme des invités lambda avec des intentions louables. Il n’en était rien. Ragnar et Sekhmet remplissaient l’espace vide et mort de la cour du château de leur présence intimidante tandis que je menais la marche vers la porte d’entrée déjà ouverte. Derrière-moi, toute une troupe de noir vêtue suivait. En première ligne, mes amis me secondaient, tous Masqués. Nous n’étions plus des étudiants insouciants. Nous ne venions pas faire un spectacle qui amuserait une partie de la galerie et en énerverait l’autre partie excédée du manque de sérieux de Blaise. Non, nous ne venions pas en tant qu’étudiants. Nous venions en tant que Mangemorts. Et je venais en tant que Grand Intendant du Seigneur des Ténèbres. 

Je montais les épaisses marches de pierre et pénétrai dans le château le premier, mes soldats suivant assidument derrière moi. Mes murs étaient solidement ancrés autour de moi. La froideur de l’intérieur de l’entrée contrastait avec mes souvenirs de mon ancienne école. Il n’y avait pas un bruit, pas un chat, pas un seul élève, pas de vie. Devant les portes encore fermées de la Grande Salle, deux Mangemorts restés à Poudlard avec Rogue nous attendaient. Ils m’adressèrent un signe de tête lorsque nous approchions en troupe. Aucune salutation verbale ne fut échangée, ni de leur côté, ni du notre. Je me sentis inspirer profondément lorsqu’ils saisirent les poignées épaisses des portes. Elle serait à l’intérieur avec les autres. Dans un grincement strident, les portes s’ouvrirent devant nous. Je demeurai immobile jusqu’à ce qu’elles soient complétement ouvertes pour nous laisser passer. Devant moi, deux épaisses rangées d’élèves étaient entassées de chaque côté de la pièce dépourvue des grandes tables. Le plafond magique était d’un sombre qui n’avait plus rien à voir avec ce que nous avions connu toute notre scolarité. Tout au fond, Rogue se tenait droit sur l’estrade, deux autres Mangemorts derrière lui. Je m’interdisais de laisser mes yeux parcourir les visages des élèves de l’école qui se retournaient anxieusement vers nous, mes yeux rivés droit devant moi sur leur nouveau directeur. Les portes cessèrent de grincer, et je fis le premier pas pour avancer entre les deux rangées d’étudiants. Quand mon pied se posa sur la pierre, le son de mon entrée dans la pièce résonna à travers le silence aussi pesant qu’anxiogène de la pièce. Bientôt, les bruits des pas lourds de mes soldats firent écho aux miens, comme des tambours de guerre annonçant l’arrivée d’une armée ennemie sur leur terre. Lorsque je passai entre les deux rangs séparés, il me sembla que je pouvais sentir leur terreur, presque la goûter, comme un goût à la fois amer et acide qui venait exciter le prédateur en moi. C’était la salle où j’avais mangé matin, midi et soir pendant six années avec mes amis. Elle n’avait plus grand-chose de familier en cet instant. C’était la salle où le rire de mes amis avait retentit bruyamment plus de fois que je ne pourrais les compter. Elle n’avait plus grand-chose de chaleureux en cet instant. C’était la salle où Pansy avait appris à manger de nouveau. Elle n’avait plus grand-chose de rassurant en cet instant. C’était la salle où nous avions appris à transplaner, tous ensemble. Elle n’avait plus grand-chose de pédagogique en cet instant. C’était la salle dans laquelle Pattenrond était venu se loger sur mes genoux alors que je n’étais encore qu’un élève aux yeux de tous. Il ne me restait plus grand-chose d’innocent, désormais. C’était la salle que j’avais transformée en antre romantique et où j’avais fait l’amour à Granger. Elle n’avait plus grand-chose de sentimental en cet instant. 

Comme des coups de tonnerres, violents et résonnants les uns avec les autres en une mélodie angoissante, les pas lourds de mon armée derrière-moi remplirent l’espace froid alors que nous progressions tels des ombres maléfiques parmi les élèves épeurés. Lorsque j’arrivais devant lui, Rogue m’adressa un signe de tête que je ne m’embarrassai pas à lui rendre. Je serai son supérieur après cette dernière épreuve. Je m’arrêtai dans ma marche et me retournai alors que je me tenais devant lui pour faire face à la horde d’élèves entassés là pour nous. Mes soldats se séparèrent en deux lignes ordonnées, s’ouvrants tel un entonnoir sombre devant moi pour venir prendre place en soutien dans mon dos. Sur ma gauche, je pouvais sentir l’aura féroce de mon frère, plus puissante que les autres, et je savais qu’une Pansy masquée se tenait fièrement à ses côtés. Sur ma droite, je savais que Blaise était stationné là, intimidant sous son Masque à la couleur des os. Lorsque mes derniers soldats eurent pris leur place, un épais silence, glacial et lourd de son vide pesant, s’imposa à nouveau dans la Grande Salle autrefois remplie de rires d’étudiants insouciants bien heureux. 

Je laissai mes yeux froids sonder l’assemblée devant moi, rencontrant certaines paires de yeux plus courageuses que d’autres. La plupart baissaient le regard lorsqu’ils rencontraient le gris intimidant qui animait mes yeux tel une brume mêlée de neige et menaçante d’un violent orage. Dans le fond de la salle, un jeune étudiant pleura. Le bruit étouffé du sanglot qui lui échappa retentit d’un son aigu enfantin dans le silence absolu qui nous incombait. 

Je notai que tous les plus jeunes avaient été placés à l’arrière de la salle, tandis que les septième et sixième année se tenaient sur les premiers rangs comme des boucliers. Ils ne pourraient pourtant pas les protéger de nous. Contre les murs de la salle, les professeurs étaient dispersés ici et là en gardiens. Je remarquai la présence de Slughorn, celle de Flitwick, madame Pomfresh, ainsi que McGonagall. Les visages qu’ils arboraient étaient aussi abattus que ceux des élèves devant moi : ils se savaient condamnés. Nous étions là, juste devant eux, nous nous imposions dans leur école comme si nous y étions de simples invités. Il ne nous avait même pas fallu combattre pour y pénétrer. Ils étaient entassés face à nous comme des bêtes destinées à l’abattoir, complètement à notre merci. Il était bien peu dire que de souligner à quel point ils étaient en mauvaise posture, et il était inscrit sur leurs visages à tous qu’ils le savaient comme une absolue vérité.   

Je croisai son regard ambré parmi la foule, et un pincement désagréable dans mon cœur m’apprit malgré moi que cela continuait de m’affecter. Qu’elle continuait de m’affecter. Elle ne baissa pas les yeux, ni elle, ni ses deux plus chers amis qui se tenaient à ses côtés. Si les deux autres abordaient des visages déterminés tels des guerriers féroces, pour sa part elle semblait profondément attristée. Il y avait un monde entre elle et moi, un monde aussi métaphorique que physique en cet instant. Elle se tenait du côté des élèves intimidés et menacés, et j’étais la menace, une pourtant si petite partie de mon armée derrière moi. Du côté des méchants. Leméchant en tête. Comment réagiraient-ils tous, s’ils découvraient que quelques lunes plus tôt, elle réchauffait mon lit de son corps nu ? Je baissai les yeux sur son uniforme pour découvrir que Weasley lui tenait la main de la sienne. Ma mâchoire se contracta sous mon Masque tandis qu’un sentiment mêlé de rage et de tristesse envahissait mon poitrail. Je cherchais dans l’air que j’inspirai l’impassibilité dont j’avais besoin pour mener à bien cette ultime mission avant d’être fait Grand Intendant. Je n’étais pas aidé par la partie plus sombre de moi face à ce spectacle, parce que cette dernière considérait profondément que Granger lui appartenait, aussi j’en appelais à la partie plus raisonnée de moi pour me concentrer. Lorsque mes poumons furent remplis de la noirceur dont j’avais besoin, je commençai enfin, ma voix déformée par mon Masque portant dans l’intégralité de l’espace froid de la grande salle sans que je n’ai besoin de l’élever : 

-       Constatez, déclarai-je d’abord simplement. Constatez par vous-mêmes de notre supériorité écrasante sur vous, sur vos professeurs démunis, sur le Ministère dépassé, sur l’Ordre inefficace, listai-je en leur laissant l’espace pour digérer la terrifiante véracité de mes mots. Vous n’êtes en sécurité ni ici, ni dehors. Votre directeur est l’un des nôtres, et vos professeurs ne peuvent rien pour vous. Nous sommes devant vous aujourd’hui comme des invités, sans n'avoir eu besoin de déployer le moindre effort pour pénétrer votre école, leur rappelai-je les faits d’un ton si dénué d’émotion qu’il en semblait inhumain. La seule raison pour laquelle vous avez été épargnés jusque-là, c’est parce que nous l’avons bien voulu. Si je levai ma baguette en cet instant vous seriez tous décimés, et il ne resterait de vous plus que le deuil de vos familles. 

Je laissai mes yeux déferler sur eux tandis que je leur faisais face dans un nouveau silence envoûtant. Lorsque je parlais à nouveau, ma voix était plus basse, moins menaçante. 

-       Nous ne cherchons pas à vous anéantir. Nous ne cherchons pas non plus à anéantir les Sangs de Bourbe ou même encore les moldus. Tout cela n’est que le fruit de la résistance inutile du Ministère Magique et de l’Ordre qui a déjà vu sa tête tomber sous notre autorité, leur rappelai-je encore. Nous ne cherchons qu’une seule chose : que l’ordre naturel des choses soit rétabli. Nous voulons simplement que les sorciers de Sang Pur soient reconnus à leur juste valeur : supérieurs. Ce sont les faits, nous le sommes, déclarai-je dramatiquement. La magie coule dans nos veines, s’intensifie et s’enrichie de génération en génération, nous rendant génétiquement plus puissants que les autres personnes, capables ou non de magie. Pour autant, repris-je plus bas, nous ne nions pas l’utilité publique des autres. Nous croyons profondément que chacun a son rôle à jouer pour une société prospère. 

-       Ceci n’est pas une guerre, c’est une révolution, appuyai-je avec détermination. Notre gouvernement est fait de personnes faibles, à la magie faible, et aux prises de positions tout aussi tremblantes, crachai-je avec un dégoût que je ne feignais pas. Nous en proposons un nouveau, plus censé, plus ordonné, plus naturel. Nous ne voulons tuer personne, leur promis-je en une vérité enrobée, nous voulons simplement remettre les bonnes personnes aux bonnes places. Dans toute chaîne animale se tient en haut de la hiérarchie le spécimen le plus puissant, parce qu’ainsi est censé être l’ordre des choses. Les espèces les plus dégénérées du monde animal en sont conscientes. Et on essaye de nous faire croire que c’est à nous de vivre cachés en laissant les trois quarts du vaste monde aux moldus ? 

J’autorisai le ressentiment dans ma question à les atteindre avant de reprendre avec une fausse considération : 

-       Vous avez été matrixés, et le Seigneur des Ténèbres en est conscient. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, nous ne venons pas en ennemis. Nous venons vous exposer notre politique, et vous invitons à nous rejoindre en tout pacifisme, déclarai-je comme la figure politique que je serai bientôt aux yeux de tous. On vous a menti toute votre vie. Vous avez subi des années de propagande où l’on vous a fait croire que le Seigneur des Ténèbres et ses fidèles étaient les méchants de l’histoire, avides de pouvoir et sans la moindre mesure. C’est faux, appuyai-je fortement. Le Seigneur des Ténèbres n’est pas un assassin, c’est un révolutionnaire. Il connaît et reconnaît le pouvoir des sorciers. Il connaît et reconnaît l’utilité des personnes nées de parents moldus avec des pouvoirs magiques. Il connaît et reconnaît l’utilité des personnes dénuées de pouvoirs magiques. Notre Seigneur souhaite seulement préserver le patrimoine magique qui coule dans nos veines, le cultiver, le perfectionner, et encourager chaque espèce à développer ses pleines capacités, enchaînai-je avec un entrain plus déterminé. Dans une plate culture de la médiocrité, le Seigneur des Ténèbres prône l’excellence, ce que cette école prétend pourtant encourager, lâchai-je en laissant mes yeux analyser les professeurs qu’ils rencontraient. Il ne s’agit pas d’anéantir les moldus, il ne s’agit pas non plus d’anéantir les sorciers de sang impur, il s’agit simplement de hiérarchiser selon des critères objectifs et évidents de supériorité purement physique et magique. Sortez de la propagande dans laquelle vous avez étés plongés depuis toutes ces années, et rendez-vous à l’évidence, les encourageai-je alors. Nous ne voulons faire de mal à personne, nous voulons simplement rétablir l’ordre naturel des choses. 

La sensation désormais familière du bourdonnement magique du pouvoir commença à vibrer sous ma peau, comme un doux picotement enivrant. Ils m’écoutaient tous avec une parfaite attention, chaque mot que je prononçai résonnant dans l’immensité sombre de la salle que je remplissais de ma haute position. 

-       Malheureusement, repris-je avec amertume, nous sommes persécutés et rejetés comme si nous étions des parias simplement parce que nous avons une vision différente de celle qui régit le monde depuis bien trop de temps. Avons-nous dû recourir à la violence pour faire entendre nos idées ? Oui, nous ne le nierons pas, admettais-je adroitement. Mais nous n’avons pas eu le choix ! élevai-je alors ma voix puissante. Le Seigneur des Ténèbres a essayé la manière douce alors qu’il n’était encore que Tom Jedusor, et on a commencé à l’épier et surveiller le moindre de ses faits et gestes parce que sa façon de penser a été jugée trop dangereuse. L’on l’a fait taire et construit une narrative qui ne pourrait pas être plus fausse en expliquant qu’il voulait détruire tous ceux qui lui sont inférieurs. C’EST FAUX ! les insurgeai-je alors. Le Seigneur des Ténèbres ne cherche pas à vous assujettir, il ne cherche pas à assassiner tous ceux qui ne sont pas de sang pur, il cherche seulement à développer un monde d’excellence où chacun sera éduqué et pourra contribuer à sa juste valeur ! défendais-je avec une ferveur nouvelle.

L’excitation du pouvoir qui résidait dans mon discours monta en des vagues chaleureuses à travers l’intégralité de mon corps pour venir s’écraser contre leurs oreilles que je remplissais de mes paroles. 

-       Dans chaque histoire, il y a au moins deux versions différentes, repris-je d’une voix plus contrôlée. Le réel danger existe lorsque l’on n’a accès qu’à une seule de ces versions, parce qu’elle ne devient plus seulement une version de l’histoire, mais la vérité, déclarai-je gravement. 

Je marquai une pause appuyée pour laisser leurs faibles cerveaux digérer la véracité intimidante de mes mots. 

-       Si l’on vous avait toujours raconté que les moldus étaient dangereux sans ne jamais entendre une autre version, vous l’auriez cru sans vous poser la moindre question. Cela s’appelle un dogme, les éduquai-je généreusement. Alors je vous invite à vous questionner. Je me tiens aujourd’hui fièrement devant vous, venu en parfaite paix, pour vous offrir une autre version de l’histoire. Nous n’aimons pas la violence, nous l’utilisons ponctuellement parce que l’on ne nous a pas laissé d’autre choix, insistai-je encore comme la figure politique que je devenais. Les livres d’histoire que l’on vous fait acheter racontent-ils que vos ancêtres ont essayé de massacrer les moldus ? Non, ils ne le font pas, répondis-je pour eux après une courte pause. Les livres d’histoire que votre école vous demande de lire vous racontent-ils que les sorciers ont mené pendant des siècles des expériences médicinales sur les moldus pour le bénéfice des sorciers, en tuant des milliers au passage ? Non, ils ne le font pas, notai-je encore gravement. Ces livres vous racontent-ils que les femmes moldues, ainsi que celles nées de parents moldus avec des pouvoirs magiques étaient violées par des sorciers de tout rang dans un désir aveuglé de peupler la terre de plus de sorciers ? Non, ils ne le font pas, frappai-je finalement. Le Seigneur des Ténèbres n’est à l’origine de rien de tout cela. Le Seigneur des Ténèbres ne prône rien de tout cela. Mais cela, c’est une histoire que l’on ne vous raconte pas, semai-je habilement le doute en eux. 

Je le laissai s’installer doucement dans leurs frêles esprits avant de reprendre avec plus de force encore : 

-       Nous ne sommes pas entendus, et ce depuis des décennies désormais. Nous avons essayé de parlementer, l’on nous a fait taire. Nous avons essayé d’avoir des places légitimes au Ministère afin de pouvoir ne serait-ce que contribuer aux choix politiques qui affectent notre pays, et l’on nous a banni. Avant même que nous n’utilisions la violence, nous avons été injustement chassés de la société, crachai-je avec un ressentiment débordant. Aujourd’hui, on nous reproche notre violence. Je vous le demande, que nous restait-il ? questionnai-je dramatiquement. Pour faire entendre notre voix, que nous restait-il ? La violence a été notre dernier recours, et elle le restera, mentis-je avec douceur. Le pacifisme avec lequel je me tiens devant vous alors que je pourrais simplement tous vous soumettre à l’impérium en témoigne plus qu’aucun des mots que je pourrais vous adresser. 

Je menai ma barque avec une habilité déconcertante. Oui, j’étais son Grand Intendant. La figure politique intelligente, intimidante et aux allures respectables. 

-       Nos rangs se multiplient, vous le savez, et c’est vrai, admis-je encore. De plus en plus de personnes répondent à notre appel parce qu’elles l’entendent enfin. Aucune d’entre elle n’a été contrainte ou forcée, enrobai-je la violente vérité. Nous nous battons pour nous faire entendre, c’est vrai. Parce que ce gouvernement ne nous en a pas laissé le choix, mais ce n’est pas l’avenir que nous voulons offrir à notre monde. Nous voulons seulement un gouvernement plus pertinent. Je sais que cela vous est désormais enseigné dans vos cours, notai-je mon faux intérêt pour eux. Je sais que vous commencez à entendre une autre partie de l’histoire. Nous menons une révolution, et nous la gagnons, rappelai-je notre supériorité. Je le répète, constatez par vous-mêmes. Bientôt, nous serons également à la tête du Ministère de la Magie, leur appris-je avec une force calme qui ressemblait à celle de mon frère. Aujourd’hui, je ne suis pas là pour vous forcer à quoi que ce soit. Aujourd’hui, je suis là pour offrir le choix de participer à la plus grande révolution du monde sorcier. Vous aussi, vous pouvez y contribuer. Vous comptez. Votre choix comptera, leur donnai-je une importance qui les dépassait largement.

Je pouvais voir les idées confuses fuser dans leurs regards perdus désormais levés vers moi maintenant que j’avais réussi avec succès à leur faire croire que je ne représentai pas une menace pour eux. Pas en cet instant en tout cas.  

-       Je ne peux pas vous mentir, si vous ne nous rejoignez pas, vous deviendrez nos ennemis le temps que nous atteignons nos objectifs par la force, parce que c’est tout ce qu’il nous reste, admettais-je avec l’ombre d’un regret dans le ton de ma voix. Et vous perdrez. Mais nous ne souhaitons pas en arriver là. Le Seigneur des Ténèbres ne souhaite pas en arriver là, enrobai-je encore la plus violente vérité.  Alors, j’invite ceux qui ont la vision du grand avenir que nous proposons à nous rejoindre maintenant et dans les jours suivants. Posez-vous les bonnes questions, et prenez votre décision, les assénai-je de responsabilités qui les dépassaient. Et si vous doutez encore de nos intentions, rappelez-vous que nous aurions pu vous assujettir aujourd’hui, et qu’à la place, je me suis tenu humblement devant vous, et que je vous ai simplement offert le choix avec une honnêteté dont on vous a bien gardé. 

Une dernière fois, je laissai le pouvoir métaphysique que je versai sur eux les atteindre au plus profond de leur être avant de les sommer avec une force vibrante :  

-       Ceux qui savent déjà que ce que nous proposons est juste, avancez offris-je en leur ouvrant finalement les bras, seul et unique mouvement que j’effectuai de toute ma tirade. 

Mon ordre résonna dans la salle autrement plongée dans un silence pesant en un écho appelant le nom de ceux qui savaient déjà qu’ils allaient nous rejoindre, comme la mélodie mortelle d’une sirène qui réclamait les marins dans la profondeur de ses eaux léthales. Avec une lenteur timide, certains élèves ici et là s’étalèrent pour laisser passer les plus téméraires d’entre eux. Je les regardai faire avec l’anticipation excitée d’un prédateur. Ceux-là avaient mordu à l’hameçon, et ils représentaient mon billet de sortie de ce cauchemar. Grâce à eux, je serai fait Grand Intendant. Grâce à cela, je libérerai ma famille des griffes acérées de Voldemort. Qu’ils étaient assez stupides pour adhérer à mon discours bien monté, cela ne me regardait plus. 

Quelques revendications tentant de les empêcher de nous rejoindre commencèrent à se faire entendre en des chuchotements effarés. La plupart de ceux qui s’avancèrent jusqu’à nous semblaient être des cinquième, sixième, et septième année. Les couleurs de leurs cravates m’apprenaient qu’ils étaient certes principalement composés de Serpentard, mais également de Serdaigle, et même de quelques rares Gryffondor. 

-       Bienvenue dans nos rangs, les accueillais-je tandis que Blaise, à ma droite, les guidait de la main pour prendre place derrière nous. 

C’était alors qu’un autre Gryffondor sortit des rangs, et je savais que celui-là ne s’avançait pas pour nous rejoindre. Neville Londubat se positionna entre les deux rangées d’élèves encore stationnés-là en pointant un doigt accusateur vers moi, son visage tordu par la rage. 

-       Vous mentez ! s’écria-t-il alors avec colère. Vous dites que ceux qui vous ont rejoint l’ont fait par choix, mais vous mentez ! appuya-t-il encore en gardant son sale doigt dans ma direction. 

Je sentis l’appel du pouvoir qui sommeillait en moi se réveiller en des pulsations dans mes doigts qui appelaient ma baguette. J’inspirai profondément au lieu de la lever vers lui. Ma mission était claire, et je devais terminer de la mener à bien. C’était moi, après tout, qui avait négocié pour vendre du pacifisme aujourd’hui. Pour elle. Je devais maintenir la face. 

-       Vous ne dites pas le nombre de victimes que vous avez faits pour renflouer vos rangs ! Vous taisez le nombre de personnes, d’hommes, de femmes, d’enfants que vous avez sauvagement assassinés pour recruter par la terreur des sorciers pour effectuer vos basses besognes ! 

Sous sa rébellion, de plus amples chuchotements retentirent dans la Grande Salle. Il devait être contrôlé. 

-       Calme-toi, offris-je alors doucement. Personne ici n’a été emmené par la force, comme tu peux le constater toi-même. 

-       Vous ne racontez pas le nombre de villages que vous avez détruits, le nombre de villages que vous avez réduits en cendre ! ne se calma-t-il pas. Vous dites que vous ne voulez pas tuer, vous dites que vous ne voulez pas vous en prendre aux moldus, mais on sait ! On connaît les villages que vous avez exterminé simplement pour le plaisir de leur faire savoir que vous leur étiez supérieur ! Qu’en était-il de vos belles paroles, quand vous détruisiez des foyers et assassiniez des familles entières ?! s’emporta-t-il en ouvrant les bras pour appuyer les faits qu’il nommait. 

Il avait du courage, je ne pouvais pas le lui enlever. Mais il causait du grabuge là où devait régner l’ordre, et je ne pouvais pas laisser la situation dégénérer comme elle promettait de le faire. 

-       Je te demande une dernière fois gentiment d’arrêter de causer du désordre là où il n’y a encore que paix et consentement, le sommai-je d’une voix plus forte désormais. 

-       Vous ne nous aurez pas avec votre propagande mensongère ! s’exclama-t-il alors que plus de mouvement se soulevait dans leurs rangs. 

Il nous fallait réagir, et je devais maintenir la face que je leur vendais-là. 

-       Vous n’êtes que des monstres et vous… 

Je m’apprêtais à ordonner mentalement à Theodore de s’occuper de cet élément perturbateur qui nous incommodait quand je vis sa baguette se tendre sur ma gauche. Certains élèves hurlèrent de torpeur avant même que Londubat n’en ait la chance lorsque le doloris de mon frère le frappa en plein poitrail. Il s’écroula sur le sol en une position anguleuse qui n’avait plus grand-chose d’humain, et ses gémissements douloureux se noyèrent dans le brouhaha émit par les élèves choqués autour de lui. Du rang sur la gauche sortit soudainement en tête un Potter suivi de Weasley, une Granger catastrophée les suivant comme malgré elle. Mon cœur se serra douloureusement dans mon poitrail alors qu’elle se dressait désormais devant moi, à quelque quinzaine de mètres, un monde métaphorique nous séparant largement. Les yeux ambrés de celle qui ne devrait pas se tenir là rencontrèrent directement les miens, et je la détestais pour cela. Je ne voyais plus que la rougeur dans ses iris qui menaçait de se transformer en larmes tandis que nous étions tous deux conscients que nous ne pouvions pas nous affronter, mais que nous devrions le faire si la situation dégénérait. Il me sembla que ma respiration se coupa un instant, comme si mon corps essayait désespérément d’empêcher la scène qui me terrifiait de se produire. Elle ne pouvait pas se dresser contre moi devant autant de témoins alors que je me trouverais obligé de m’attaquer à elle dans de pareilles conditions. Elle ne pouvait pas être désinvolte au point de prendre un risque tel, le genre de risque qui pouvait faire basculer une vie en le quart d’une putain de seconde. Non, elle ne pouvait pas faire cela. Et pourtant elle était là, sortie de son rang, visible par tous les Mangemorts derrière-moi qui attendaient encore que je prouve avoir une main ferme qui ne tremblait pas. Comment pouvait-elle se montrer aussi désinvolte après tout ce que nous nous étions dit ? Comment pouvait-elle nous mettre dans une situation aussi dangereuse en pleine conscience, tandis que quelques nuits plus tôt son corps brûlait d’un feu ardent contre le mien ? Comment pouvait-elle, en pleine conscience, me confronter encore une fois à l’écart abyssal qu’il y avait entre nous, et qu’aucune caresse, aucun mot, aucune tendresse ne pouvait réduire dans l’abominable contexte qui était le nôtre ?

Peu importait à quel point je voulais l’effacer du décor, la retirer de cette sombre pièce que j’obscurcissais plus encore de ma présence menaçante, elle était là, ses cheveux de feu et ses yeux rougis de la douleur que je lui faisais – encore – éprouver juste devant moi, et devant mes soldats. Et il me fallait demeurer le Grand Intendant. Tandis que mon cœur battait dans mon poitrail avec une force qui me semblait presque surnaturelle, des sueurs froides dégoulinant sous mon Masque, je levai une main apaisante vers Theodore pour l’inciter à abaisser sa baguette, et cesser son sortilège de torture en espérant que cela préviendrait la catastrophe absolue. 

-       Baisse ton Masque, me défia Potter tandis que Granger s’accroupissait à côté du corps tremblant de Londubat. 

Il ne levait pas sa baguette vers nous, conscient malgré sa témérité culotée qu’il ne pouvait présentement rien contre nous. Je tentai de trouver de l’apaisement dans ce constat, mais la terreur en moi continuait de sonder le moindre des gestes de celle qui n’avait rien à faire là. 

-       Si vous n’êtes pas les monstres qu’on croit que vous êtes, alors arrête de te cacher ! beugla-t-il vers moi. Arrête de te cacher, et montre à tout le monde qui tu es !

La colère accusatrice qui vibrait en Potter vint à la rencontre de la mienne, plus froide, plus dormante, probablement cent fois plus léthale. La sienne était éclatante, comme un volcan qui se réveillerait soudainement pour faire éruption sans prévenir. Elle était immature. La mienne se construisait lentement. Elle amassait petit à petit toutes les épreuves qui s’étaient abattues sur moi et les accumulait pour se renforcer, comme un lac qui se gèlerait doucement, progressivement, emprisonnant dans ses profondeurs toute personne ayant participé de près ou de loin à cette douleur enrageante. Alors tandis que ses bras s’agitaient pour me pointer du doigt, cherchant à montrer à tous que j’étais le méchant de son histoire, les traits de son visage tordus avec bien peu de grâce par sa colère non contenue, je demeurai immobile à ma place. Je réalisai que le pouvoir qu’il avait autrefois eu d’éveiller en moi mes démons aussi immatures que les siens s’était éteint avec cette part de moi. Il était au chaud dans son château, ses plus proches amis et ses valeurs humaines bien préservées pour le border la nuit. Je n’avais plus rien de tout cela. J’avais vu mes amis dans des positions qui ne pouvaient être nommées, j’avais lu la mort dans les pupilles émeraude de ma meilleure amie, j’avais violé toutes mes valeurs pour pouvoir protéger les miens d’un danger qui ne fléchissait ni ne s’amoindrissait jamais. Sa lutte acharnée contre moi n’avait plus qu’un amer goût de nostalgie, comme un distant souvenir que je ne parvenais même plus à goûter tant il me semblait lointain. Non, ce qui m’animait en cet instant n’avait rien à voir avec le rival du grand et saint Potter. Ce qui m’animait en cet instant face au défi qu’il me lançait était l’arrogance du Grand Intendant qui voulait lui montrer, à lui et à tous ceux qui nous encerclaient, qu’il ne pouvait pas me faire peur. Le Grand Intendant qui voulait baisser son Masque pour leur montrer à tous ce dont j’étais capable désormais. Et cela brûlait dans mes veines, titillant le bout de mes doigts de vibrations piquantes qui désiraient abaisser ce Masque qui protégeait encore mon identité. 

-       Arrête d’être lâche, et montre ici à tous qui ose leur mentir comme tu le fais ! hurla-t-il alors que ses yeux verts rencontraient directement les miens. 

Devant l’intégralité de Poudlard. Il me défiait de la sorte devant l’intégralité de Poudlard et je demeurai immobile, presque faible et réduit à l’impuissance sans pouvoir répondre à ses accusations. C’était pourtant tout ce que je désirai. Les pulsations frénétiques du désir de dominance brûlaient sous ma peau comme des ombres sombres qui exigeaient de pouvoir abaisser ce Masque, et plus il me le demandait, plus je brûlais de le faire. Je trouvais un ancrage dans le regard suppliant d’une Granger accroupie sur Londubat derrière lui. Ses yeux rougis étaient rivés sur moi, Weasley se tenant à côté d’elle comme pour la protéger de moi. Je pouvais lire la peur dans son regard. Elle m’avait demandé de ne pas le faire, afin d’avoir la moindre petite chance désuète de pouvoir me sauver un jour. Si nous nous en sortions. 

-       Montre-leur qui a tué Dumbledore ! beugla d’une voix portante son meilleur ami. 

Je ne lâchai pas les yeux de ma Sang de Bourbe. Ils se remplissaient de larmes tandis qu’elle, elle savait parfaitement qui se trouvait sous ce Masque. Tandis qu’elle savait parfaitement que le monstre qui se tenait devant l’intégralité de son école était l’homme qu’elle aimait. Tandis qu’elle savait parfaitement que le dictateur qui venait semer l’horreur chez elle était le même homme que celui qui était entre ses cuisses quelques lunes plus tôt. Dans un geste d’une discrétion telle qu’il en était presque imperceptible, elle fit non de la tête, les supplications silencieuses de sa demande m’atteignant en plein cœur et me ramenant à l’importance de l’instant présent. Je devais lui accorder le peu de confiance qu’il me restait. Je devais lui accorder le peu d’espoir qu’il me restait. Alors j’inspirai et remplissais mes poumons d’air sans lever les mains vers mon Masque, et je fis un premier pas entre les deux rangées d’élèves vers Potter. 

-       Enlève-le ! hurla-t-il encore tandis que je m’approchai lentement de lui. 

Je ne saisissais pas ma baguette, et lui non plus. Il ne se présentait pas à moi tel une menace qu’il fallait combattre, seulement comme un fouteur de merde éhonté qui venait défier mon autorité. Et moi non plus, je n’étais pas là pour le combattre en cet instant. Ni lui, ni aucun autre. Alors j’approchais, mon regard rivé sur le sien, chacun de mes pas résonnant dans la salle redevenue intégralement silencieuse, comme si elle retenait son souffle depuis l’instant où j’avais bougé. 

-       C’est parce que nous sommes persécutés que je suis obligé de protéger mon identité, moi et tous mes soldats, défendis-je à voix haute alors que j’arrivais juste devant lui. 

Je m’arrêtai si près de lui que j’aurai sans doute pu sentir son souffle sur ma peau si mon Masque ne m’avait pas protégé. Dans un geste lent, je me penchais vers lui et chuchotai à son oreille d’une voix basse : 

-       Tu sais qui je suis, Potter. 

Je me reculai lentement pour pouvoir admirer ses traits lorsqu’ils obtenaient enfin la satisfaction de sa réponse. A ma grande surprise, c’était du choc. Ses sourcils se dressèrent légèrement sur son front, ses iris se dilatèrent et ses lèvres s’entre-ouvrirent comme pour laisser s’y glisser une expiration coupée. Je me sentis froncer les sourcils sous mon Masque. Il ne le savait donc pas ? Il ne l’avait donc pas compris, lorsqu’il m’avait défié ainsi ? Ou bien n’était-ce qu’une hypothèse qui lui semblait invraisemblable, le fait que ce soit moi, Drago Malefoy, celui que Voldemort avait nommé à la tête de son armée ? 

Il demeura interdit l’espace d’une seconde, le vert de ses yeux sondant le gris des miens à la recherche d’une confirmation qu’il y trouvait. Derrière lui, l’ombre de Granger demeurait. Las de n’obtenir aucune réaction de sa part, je lui tournais le dos pour rejoindre les miens avec un pas léger. Il ne représentait pas une menace pour moi en cet instant, et quand bien même il saisirait sa baguette pour m’attaquer, j’avais les yeux concentrés de mon frère rivés sur lui, dans ma ligne de mire. Il ne pouvait rien m’arriver. J’avais même toute une armée masquée face à moi, mes plus proches amis en première ligne. Et j’étais leur Grand Intendant. Il ne pouvait rien m’arriver. Cela était une sensation enivrante qui étira le coin de mes lèvres sous mon Masque. 

L’inévitable se produisit pourtant. Je devinais que Potter sortit sa baguette de sa robe lorsque le choc avait cessé d’obscurcir son esprit et la pointais en ma direction quand mon frère dégaina la sienne avec une rapidité qui n’avait plus rien d’étonnante. Un éclair de lumière rouge pour accompagner l’Expelliarmus qu’il lança à mon attaquant s’échappa de sa baguette. Je ne me retournais pas lorsque j’entendais le corps de Potter tomber sur le sol au même rythme que quelques hurlements de protestation des autres élèves. Je ne leur faisais face une nouvelle fois que lorsque j’avais atteint ma juste place, en tête de ma troupe. Face à nous, une McGonagall au regard déterminé s’avançait d’un pas vif à travers les lignées d’élèves, baguette tendue. 

-       Baissez votre baguette, la sommai-je d’une voix calme qui portait malgré tout à travers l’intégralité de la salle. 

Les soldats à mes côtés sortirent leurs propres armes en sa direction, en position défensive. La professeure passa devant Londubat allongé sur le sol, et devant Granger, toujours accroupie à côté de lui. Elle levait encore vers moi des yeux suppliants, mais les miens étaient rivés sur la menace qui fonçait droit sur nous. McGonagall ne baissa pas sa baguette. Les élèves autour d’elle commencèrent à s’agiter, hésitant encore à décider quelle marche suivre : participer, ou s’indigner de terreur. 

-       Nous venons en paix, rappelai-je alors sans perdre mon calme plat malgré l’activation grandissante dans mon corps. 

Mon cœur se mit à battre plus rapidement tandis qu’elle passait devant Weasley, lui encore debout et sa baguette inutilement tendue malgré son immobilité, et devant un Potter qui se relevait encore trop difficilement pour participer aux festivités. Elle ne cessa pas sa course. 

-       Les élèves qui repartent avec nous sont tous consentants, ajoutai-je pour maintenir l’image que je m’étais appliqué de donner lors de cette représentation. Il n’y a pas eu d’usage de force de notre fait. 

Mon ancienne professeure ne cessa pas sa course, son regard déterminé et résolu quand bien même elle savait qu’elle avançait à sa propre perte. Pour ses élèves, je le savais. Pour son école, je le savais. Parce qu’elle était ce genre de femme. Parce qu’elle n’était pas le genre de personne à rester en retrait sans ne rien faire pour ceux qu’elle estimait devoir protéger. 

-       Nous ne voulons pas en arriver là, avertis-je encore avec le calme qu’il me restait. 

Non, je ne voulais pas en arriver là. C’était une femme qui m’avait appris beaucoup de magie depuis que j’étais un garçon prépubère. C’était une femme malgré tout inspirante qui avait supporté les âneries de mes amis, surtout celles de Blaise. C’était une femme aussi dure que juste qui avait toujours tout fait pour le bien-être de ses élèves. Elle réduisit encore l’écart entre nous, sa baguette toujours aussi tendue droit sur moi. Je fis signe à mon frère de baisser la sienne sans dérober mon regard à celui de la vieille femme qui ne savait même pas qui elle attaquait. Je me demandais si cela changerait quelque chose, si je baissai mon Masque. Les élèves s’agitèrent plus encore, certains appelant même son nom dans des supplications timides. Pourtant, une part de moi espérait secrètement qu’elle n’arrêterait pas. Une part de moi espérait qu’elle n’arrêterait pas, parce que ma narrative ne pourrait en être que mieux construite encore si elle me forçait à faire cela devant tous ces témoins. 

-       S’il-vous-plaît, je ne veux pas en arriver là, tentai-je en une dernière prière à son encontre. 

Les lèvres fines et ridées de mon ancienne enseignante s’entre-ouvrirent, le bout de sa baguette pointée sur moi s’illumina d’une pointe rouge, et derrière moi Rogue avança pour la combattre. En un quart de seconde, je levai ma propre baguette sur elle, un éclair vert jaillissant quand la formule léthale sortit de ma bouche, et la frappa en pleine poitrine. Je regardais son regard s’éteindre doucement alors que ses genoux s’effondraient sur le sol dans un bruit sourd. Un épais silence pesa dans la salle avant qu’elle ne s’écroule face contre terre, morte, et je la regardais faire avec l’ombre d’un pincement dans le cœur. L’instant d’après, une hystérie générale anima la foule autour de nous, hurlant et pleurant de toutes parts. Je levai les yeux vers celle qui était mienne. Une larme perlait silencieusement sur sa joue tandis que ses yeux brisés étaient rivés droits sur moi. Je pouvais lire en elle la douleur que je lui incombais par ce que j’étais obligé d’être. C’était pour cela. C’était exactement pour cela qu’il me fallait cesser de la toucher. C’était pour la douleur qu’elle me faisait ressentir en me forçant à me confronter à sa déception, chaque fois qu’elle était face à celui que j’étais devenu. C’était pour ne plus la voir ainsi, à genoux de l’autre côté de la pièce, une larme coulant sur son visage désespéré de constater de la monstruosité de l’homme qu’elle pensait aimer. 

Je baissai le visage vers le sol un instant, inspirant profondément tandis que la panique gagnait l’assemblée. 

-       Vous voyez ? leur demandai-je alors d’une voix basse qui, cette fois, transpirait de tension. 

Je relevai des yeux sombres vers la foule devant moi. 

-       Nous n’avons jamais voulu en arriver là, mentis-je éhontément. Vous avez été témoin, les insurgeai-je de responsabilités qui avaient trop de poids pour leurs frêles épaules. 

Et dans une agitation hystérique provoquée par leurs propres erreurs téméraires, nous disparaissions du château en ne laissant traîner derrière nous que l’ombre d’un passage meurtrier qui avait emporté l’âme de leur château. 

J’avais moi-même amené les nouveaux partisans que j’avais moi-même récupérés à Poudlard à Voldemort dans l’antre que j’avais moi-même créé pour lui. Il m’apparaissait de plus en plus que tout le pouvoir qu’il accumulait depuis quelques mois n’était que le fruit de mon travail, qu’il soit physique ou intellectuel. Quelque part, je me demandais combien de mon pouvoir à moi résidait vraiment dans le pouvoir qui lui était attribué à lui. J’avais laissé entre ses mains osseuses les élèves qui avaient été assez stupides pour nous rejoindre, et il m’avait annoncé qu’il allait donner un événement officiel ensuite pour me nommer Grand Intendant. Mes amis et moi étions ensuite rentrés au manoir pour redevenir les jeunes adultes incertains que nous étions, le nom d’une nouvelle victime assombrissant le tableau des personnes dont j’avais pris la vie. 

-       C’est flippant, observa Blaise alors que nous retirions tous nos Masques en pénétrant le salon de notre maison, parce que quand tu dis des trucs pareils, quand t’arrives à tourner le truc de cette façon-là, j’te croirai presque. 

Il s’adressait à moi, et à ma capacité à être un dictateur convaincant. Je demeurai impassible face à sa remarque tandis que Pansy rebondissait en acquiesçant à son tour :

-       De ouf, c’est terrifiant à quel point c’est convaincant, appuya-t-elle en tournant les yeux vers moi.

Je la voyais venir à des kilomètres, mademoiselle-pas-le-moindre-tact. 

-       C’est mon travail, coupai-je simplement. 

J’étais intégré. Je n’étais plus terrifié des ombres terriblement sombres qui vivaient et évoluaient en moi, je les avais acceptées. Elles ne faisaient plus qu’un avec mes parts de lumière qui, dans un contexte pareil, n’avaient plus beaucoup d’espace pour briller. J’avais finalement fait la paix avec cela, et il me semblait que cela était probablement aussi bénéfique pour moi que pour eux. Il n’y avait plus d’anxiété écrasante sur moi, plus de regrets éclatants qui m’empêchaient de dormir, ni d’odeur de mort qui me suivait peu importait où j’allais. Et pour eux, il y avait désormais quelqu’un qui était capable de les protéger convenablement. 

-       Je crois que je commence à comprendre ce que Voldemort voit en toi, m’adressa Blaise avec un regard en coin, j’savais juste pas que c’était là avant. 

Je pouvais voir dans les yeux qu’ils posaient sur moi qu’ils se questionnaient sur celui que j’étais désormais. Eux aussi, ils me découvraient sous un jour nouveau, et ils avaient besoin de s’adapter à cela, tout comme moi lorsque j’avais eu besoin de me prouver que j’étais désormais capable de faire l’impensable face à Granger. Je l’étais. Il n’y avait que Theodore qui ne semblait pas me scruter du regard alors qu’il se laissait tomber sur son fauteuil dans le salon, le coussin en cuir s’affaissant doucement sous son poids. 

-       Mais genre…, hésita une Pansy toujours debout tandis que Blaise imitait Theo sur le canapé opposé, est-ce que…, quand tu le dis, est-ce que t’y crois ? 

 Je rencontrais son regard d’émeraude. Je pouvais lire l’incertitude et la façon dont elle marchait sur des œufs, comme si elle avait peur de me casser en me posant réellement la question qui tournait dans son esprit. Je décidais de jouer l’imbécile tandis que, comme elle, je demeurai le seul encore debout dans la pièce. 

-       À quoi ?  

-       Tout ça, tout c’que t’as raconté, précisa-t-elle alors que l’air dans la pièce sembla étrangement devenir électrique. 

Pesante, malgré le fait que nous n’avions rien échangé d’inconvenant. Je ne réagissais pas à l’insulte qui résidait dans le fait qu’elle ose me poser une telle question, et gardai un visage impassible tandis que je scrutais son visage à mon tour. Elle avait dans les yeux une méfiance nouvelle, comme une sorte de recul qu’elle prenait face à moi, comme si elle n’était plus tout à fait certaine de pouvoir me faire confiance en cet instant. 

-       Tu penses que je ferais alliance avec Granger si je croyais à tout ce que j’ai dit ? lui renvoyai-je alors simplement. 

Je ne me sentais pas vraiment insulté à vrai dire. Un peu attristé peut-être, mais j’étais conscient que Pansy avait vu des choses de moi qui pouvaient justifier un tel questionnement. Et puis, ce n’était pas non plus comme si je ne croyais rien de tout cela. Le fait que nous étions dans un système régit par des faibles et pour des faibles malgré le fait que les Sangs Purs étaient juste-là était tout simplement un fait, il ne pouvait y avoir de débat sur la question. 

Elle me sonda à son tour, face à moi sans n’oser s’asseoir non plus, comme si le premier qui prendrait place sur un fauteuil perdrait la bataille silencieuse et latente que nous nous livrions en cet instant. 

-       « À tout », répéta-t-elle comme si c’était là une mauvaise chose que j’avais dite. 

-       Quoi ? lui fis-je expliciter alors. 

-       T’en crois une partie, souligna-t-elle justement, pourtant d’un ton profondément accusateur.

Je plissai mes yeux d’un gris orageux sur elle, cherchant à déceler ce dont, exactement, elle était en train de m’accuser comme si elle ne partageait pas le même point de vue que moi.

-       Tu vas essayer de me faire croire que toi non ? lui renvoyai-je alors d’un calme plat qui était dangereux, venant de moi. 

Ses sourcils se dressèrent sur son front, et je pouvais le voir malgré sa frange. 

-       À ton discours de dictateur ? Non, trancha-t-elle tandis que la lourdeur de notre échange nous écrasait de plus en plus à chaque seconde qui s’écoulait. 

-       À la suprématie des Sangs Purs, nuançai-je pour elle. 

Depuis notre gauche sur son canapé, Blaise tenta avec un soupir qu’il voulait aussi désinvolte que possible : 

-       On est vraiment obligés de parler politique maintenant alors que tout le monde est tendu ? 

Ni Pansy, ni moi ne furent ne serait-ce qu’à peine distraits. 

-       Il y a une nuance entre savoir que les Sangs Purs sont plus puissants que les autres sorciers, et vouloir les dominer à cause de ça, posa-t-elle d’un ton aussi froid que tranchant malgré son calme apparent. 

Une guerre froide, c’était là la sensation que cet échange me donnait. Je me demandais de quoi elle se plaignait, elle la princesse des Serpentard. 

-       C’est toi qui dis ça ? pouffai-je alors. 

-       Ouais, y a quoi ? me défia-t-elle avec plus d’hostilité encore. 

-       Doucement, imposa Theo depuis son canapé, vous n’êtes pas redescendus tous les deux. 

Lui non plus, il n’eut pas beaucoup de succès pour nous arrêter dans notre joute verbale passive-agressive dont je ne comprenais pas l’origine. 

-       Tu es probablement celle d’entre nous qui méprise le plus les sorciers et sorcières de sang impur, arrête ton hypocrisie, pestai-je alors avec un sourire en coin qui était plus provoquant qu’amical en cet instant. 

-       Je méprise tout le monde, pas juste les sangs impurs, se défendit-elle faiblement avec un rictus de dégoût retroussant ses lèvres. 

Je fronçais les sourcils devant son culot. 

-       T’as besoin que j’te rappelle le nombre de personnes que t’as harcelé à Poudlard à cause de leur sang ? lançai-je alors vers elle. 

-       J’étais une gamine matrixée Drago. 

-       Et maintenant, t’es quoi ?

Ma questionna sonna comme une insulte, je l’entendis moi-même. Ce n’avait pas été mon intention. Ou peut-être que si. Je n’en étais pas certain. Je savais que si j’avais tourné les yeux vers mon frère en cet instant, son regard sur moi aurait été aussi noir que menaçant. 

-       Une amie effrayée de c’qu’est en train de devenir son pote, trancha-t-elle alors que l’air devenait un semblant plus respirable malgré la teneur de ses propos. 

Comme si l’orage qui menaçait sourdement de s’éclater avait enfin commencé, rendant l’air moins lourd, la tension moins anticipée. 

-        J’essaye juste de m’assurer que le dictateur que t’arrives magnifiquement bien à incarner n’est pas la totalité de c’que t’es, ajouta-t-elle avec plus de vulnérabilité quand bien même elle ne perdait rien de son tranchant caractéristique. 

Je lui souriais alors. Ce n’était pas un sourire forcé, et il n’était pas non plus totalement hypocrite, même s’il était loin d’être le sourire le plus sincère et amical que je lui avais adressé. 

-       Merci de ta sollicitude Pansy, elle me touche. Tu peux être tranquille, la rassurai-je doucement en prenant finalement place sur le canapé, la seule chose que je crois c’est que ce gouvernement est aussi mou que médiocre et qu’il est évident que les sorciers de Sang Pur sont au-dessus des autres, mais je n’éprouve aucune joie à aller terroriser ces autres pour prendre le pouvoir sur eux, ne mentis-je alors qu’à moitié. 

-       Bien, parce que t’es putain d’convaincant, nota-t-elle en se détendant un peu à son tour, bien que posant toujours un regard quelque part menaçant sur moi. 

Elle se laissa finalement tomber sur le canapé qui accueillait Blaise à son tour. Je me demandais qui de ce groupe gagnerait vraiment, si l’on se livrait à un concours de dominance. 

-       Votre vie à tous en dépend, alors oui, je donne de ma personne, lui accordai-je le mot de la fin. 

-       Vous avez fini ? demanda Blaise en soupirant à côté d’elle. 

Les regards sombres que Pansy et moi lui adressions le poussèrent à hausser les sourcils : 

-       Quoi, vous allez vous mettre sur moi maintenant ? J’voulais juste proposer de boire un verre à la mémoire de McGonagall. C’était quand même pas rien…, proposa-t-il doucement, une tonalité teintée d’une pointe de tristesse dans sa voix.  

-       Bonne idée, décida alors Theodore pour nous tous avec un ton qui, lui, ne laissait pas de place à quelconque négociation. 

Alors nous l’avions fait. Dans une atmosphère teintée de nos amers regrets d’en être arrivé à un tel extrême, nous avions trinqué à la mémoire de la grande dame que j’avais assassiné devant tant de témoins ce soir-là. Blaise et Pansy avaient partagé quelques souvenirs, parmi lesquels de nombreuses remontrances vis-à-vis de leurs comportements trop régulièrement inappropriés. Blaise s’était pris un nombre d’heures de retenues qui devait approcher du record de l’école, toutes années confondues, et Pansy l’avait accompagné dans beaucoup d’entre elles. 

Étrangement, contrairement à la vaste majorité du corps enseignant, McGonagall avait été celle qui nous avait le moins discriminé pour la seule et unique raison que nous faisions partie de la maison des serpents. Elle était pourtant Gryffondor jusqu’à l’os, et quand bien même elle ne semblait pas nous porter particulièrement dans son cœur, elle traitait tous les élèves avec la même sévérité, et aussi stupide que cela puisse paraître, c’était rafraîchissant pour nous. Nous avions toujours été regardés sous les trous de nez, suspectés et surveillés simplement parce que nous étions les héritiers de Salazar, et en cela nous avons été jugés avant même d’être coupables de quoi que ce soit. Elle au moins, elle jugeait tout le monde à la même enseigne, et d’ailleurs il fallait être soit stupide, soit aveugle pour ne pas se rendre compte que tout cela n’était qu’une façade qu’elle abordait. McGonagall aimait profondément les élèves, pas pour les personnes profondes qu’ils étaient, mais pour le potentiel à cultiver qu’il y avait en chacun. Elle n’en cultiverait plus aucun, désormais. En levant ma baguette sur elle, en laissant déferler en elle ma magie la plus sombre, en l’envoyant traverser sa peau et résonner sourdement dans ses os comme la plus violente des décharges électriques, je lui avais retiré la possibilité de cultiver de nouveaux talents. Et j’avais fait cela sous les yeux de ma Gryffondor. 

Je prenais une nouvelle gorgée de mon verre, mon esprit naviguant de nuage en nuage, emporté par un vent nostalgique profondément orageux pendant que mes amis échangeaient des éclats de rire chaleureux dont aucune miette ne parvenait à atteindre la froideur de mon âme. Cette larme que j’avais vue couler sur sa joue s’imposait à mon esprit chaque fois que je tentais de m’autoriser l’ombre d’un sourire. Là-encore, il existait de profondes contradictions en moi. D’une part, j’étais profondément soulagé, même satisfait si je devais me l’avouer, d’avoir pu constater que j’étais capable de faire ce qu’il me fallait - incluant le pire - quand bien même elle était présente. D’une autre part, je sentais dans la douloureuse façon dont mon poitrail était oppressé, comme si une part plus sensible à l’intérieur de moi s’y tordait en s’y contorsionnait de peine, à quel point cette unique larme dans ses yeux ambrés m’avait affecté. Elle savait, mais désormais elle avait vu, et il y avait-là un monde entre ces deux expériences. Elle avait été témoin de ma violence, de la facilité avec laquelle je parvenais à revêtir ce Masque, la crédibilité avec laquelle je prononçais des abominations qui me dépassaient largement, pire encore la puissance avec laquelle mes mots résonnaient chez les êtres assez fous pour m’écouter. Puis la facilité avec laquelle ma baguette se levait pour prendre une vie. L’aisance nauséeuse avec laquelle je prenais la vie de quelqu’un qui avait eu une place dans ma vie. Une place dans la sienne. Et sur mes joues à moi, il n’y avait plus de larme qui coulait. Il n’existait plus de ressentiment désagréable, plus de vulnérabilité faiblarde, plus d’angoisse anticipatoire ni de regret vertigineux. Il n’y avait en moi plus aucune larme à verser pour quelque innocent que ce soit, je les avais toutes épuisées pour les miens. Il n’existait en moi plus aucune empathie compatissante pour toutes les vies que je détruisais, ma coupe était pleine avec ma propre famille. Je pouvais voir, je pouvais ordonner, et je pouvais exécuter des atrocités qu’elle n’imaginait même pas sans même sentir l’ombre d’un pincement dans mon cœur, parce que mon cœur était déjà brisé en mille morceaux de tout ce que ma famille avait traversé. Il ne restait rien de moi pour le reste du monde, et cela, elle l’avait vu. 

Je soupirai depuis le canapé tandis que ma vision s’ajustait pour se reconnecter à ladite famille autour de moi. Je prenais une nouvelle gorgée de mon verre, et je me rendais compte que je n’avais pas la moindre putain d’idée de combien j’en avais enchaîné. Un peu trop, si je devais me fier à la façon dont l’espace semblait s’étirer et se rétrécir étrangement tout autour de moi. 

-       Non, non, non, attends ! tenta une Pansy visiblement ivre vers son meilleur ami. C’était pas avec ce fils de pute de dents d’lapin de Finnegan plutôt ? tanga-t-elle vers lui avec un large sourire qui trahissait son état d’ébriété. 

Theodore la regardait depuis sa propose assise avec une lueur plus attendrie que les Dieux auraient dû le permettre dans les yeux. Blaise ouvrit grand la bouche, comme s’il se remémorait soudainement un vieux souvenir que je ne remettais pas. Il frappa frénétiquement la paume de la main de sa meilleure amie comme pour la féliciter de cette trouvaille parmi leurs nombreux souvenirs en communs : 

-       Mais si putain !!! s’extasia-t-il alors, lui aussi clairement attaqué. AAAAAH AVEC SA VIEILLE DENT, FFFFTTSSS FFFTTSSSS FFFFTTSSSS, imita-t-il un sifflement postillonnant pitoyable en retroussant ses lèvres pour dévoiler ses dents tandis que Pansy se mettait à hurler de rire. 

Il la suivit de près, l’un frappant la main de l’autre à tour de rôle tandis que la chaleur de leur rire emplissait la pièce que j’habitais difficilement. Un sourire désinhibé prit place sur mon visage face au spectacle incontestablement vivant qu’ils donnaient là. 

Quelques verres de trop plus tard, Pansy et Blaise réalisaient dans leurs cerveaux empoisonnés que j’allais désormais être officiellement fait Grand Intendant. Si une ambiance morne aurait pu être anticipée, il n’en fit rien, et j’avais moi-même trop d’alcool dans mes veines qui venait diminuer la négativité sombre de la vie que nous menions pour m’en sentir quelque peu affecté. Non, à la place Pansy s’était levée en manquant de peu de s’étaler de tout son long sur la table basse, et elle avait fait une révérence qui manquait d’équilibre devant moi : 

-       Je m’incline devant vous, Votre Seigneurerie, plaisanta-t-elle en tanguant dangereusement sur ses frêles jambes pliées. 

Blaise s’était bien entendu joint à elle tandis que j’échangeais un sourire chaleureux avec mon frère, ce dernier siégeant tel le roi qu’il était sur son fauteuil. 

-       Monseigneur Grand Intendant des Ténèbres, salua en s’inclinant Zabini, je vous supplie de m’accepter comme votre humble serviteur. 

Pansy se pencha plus encore en avant, et manquant de peu de s’écrouler sur le sol elle saisit le bras musclé de son ami à côté d’elle pour y trouver l’équilibre qui lui manquait alors qu’elle continuait : 

-       Lord Dictateur de Voldepute, prenez mon âme, elle est à vous de toute façon. 

Mon frère et moi pouffions ensemble de leur spectacle tandis qu’un Blaise concentré dans son rôle se laissa tomber à genoux, entraînant Pansy avec lui dans sa chute. Il se prosterna sur le sol, et bientôt Pansy l’imita alors qu’il enchaînait :

-       Vous hantez mes nuits et bercez mes jours, ô Grand Étalon des Fanatiques Fachos Décérébrés.

Je m’émerveillai de la dérision dont mes amis étaient capables dans pareille situation quand Pansy continua en laissant le haut de son corps épouser le tapis :

-       Laissez-nous baisez vos… 

Un bruit étranger vint couper le spectacle humoristique qu’ils nous donnaient, et tous nos regards dorénavant bien plus graves se tournèrent vers l’encadrement de la porte. Mint se matérialisa là, précédant de peu Granger dont je devinais qu’elle était venue nous annoncer l’arrivée sur les lieux. 

-       Miss Granger, annonça-t-elle malgré le fait que nous pouvions désormais tous constater de sa présence dans notre maison avant que l’elfe de maison ne disparaisse à nouveau. 

Il ne resta plus rien de l’ambiance légère que mes amis avaient créée. 

-       Putain elle a jamais assez, marmonna une Pansy renfrognée. 

Les mouvements dans sa voix m’apprenaient qu’elle se relevait du sol, mais je n’en constatais pas par moi-même. Mes yeux étaient rivés sur la Gryffondor qui avait fait irruption dans la pièce, immobile dans l’encadrement de la porte tandis que son regard grave était figé sur moi. Un frisson glacial me parcouru l’échine devant le sérieux profondément triste que je pouvais lire dans ses yeux rougis par les émotions que j’avais déclenchées en elle de mes actions répréhensibles.

Le temps me sembla se figer, comme si l’univers lui-même étirait l’instant autant qu’il le pouvait afin d’éviter que la scène suivante ne se produise, conscient qu’une nouvelle catastrophe était sur le point de s’abattre sur nous. Les battements de mon cœur se firent plus rapides dans mon poitrail, et pendant de trop longues secondes personne n’osa prononcer le moindre mot, effrayé de ce qu’il pourrait déclencher. Sans que je ne puisse m’en empêcher, mon esprit se mit à analyser ce que je pouvais lire en elle. Elle portait un long manteau marron dont elle ne se défit pas, elle se tenait tout aussi immobile que moi dans mon canapé. Ses yeux ambrés étaient rivés sur moi avec une tristesse si immense que je pouvais presque la goûter, et cette vision douloureuse serra mon cœur. Je me sentis inspirer profondément, mon corps cherchant visiblement à se préparer à la raison de sa présence. M’abandonner, je le devinais. Elle avait témoin de mon atrocité, elle avait constaté comme moi du monde abyssal qui nous séparait l’un de l’autre, elle avait assisté à mon animalité, à ce que j’étais devenu, et elle n’en voulait plus. Elle était venue me dire qu’elle ne pouvait plus continuer, et qu’elle m’abandonnait. Il ne pouvait y avoir aucune autre raison qui expliquait la peine dévastatrice que je voyais sur son visage épuisé. Elle demeura silencieuse trop longtemps, elle aussi. Elle avait sans nul doute peur des conséquences qui suivraient le message qu’elle était pourtant venue livrer de son plein gré. 

-       On va vous…, commença alors doucement un Theodore que je ne regardais pas avant que les lèvres fines de ma Gryffondor ne s’entre-ouvrent. 

Je ne voyais qu’elles, ses lèvres. Je les regardais parce qu’elles détenaient la vérité que j’étais terrorisé d’affronter, quand bien même je la savais juste. Je les regardais se séparer, le fin fil d’air qui pénétra entre leur pulpe, et je les regardais se plisser, comme hypnotisé, pour annoncer d’une voix tremblante :

-       Nous avons quitté Poudlard. 

L’air environnant s’échappa de la pièce, intégralement happé par ses mots. Je demeurai inerte, assommé, dans une incompréhension totale tandis que la lourdeur vide du silence bruyant pesait à nouveau bien trop violemment sur nous. Je ne parvenais pas à faire quoi que ce soit d’autre que fixer ses lèvres, attendant une quelconque autre information que cela. Mon cerveau ne parvenait pas à intégrer l’information totalement dénuée de contexte qu’elle me donnait là, et pourtant il sembla que cette seule information affola mon cœur encore plus. Ce n’était pas « je ne t’aime plus ». Ce n’était pas « je ne peux pas continuer ». Ce n’était pas « qu’est-ce que tu as fait ? » ou même « pourquoi as-tu fait ça ? ». Non, ce n’était qu’une information qui n’avait pas le moindre sens. Ces lèvres létales s’ouvrirent une nouvelle fois, et je les fixais à la recherche d’une réponse qui me conviendrait mieux que cela : 

-       Harry, Ron et moi, nous avons quitté Poudlard. 

Ses mots s’écrasèrent sur moi comme si tout l’air qu’elle avait retenu dans la pièce me retombait dessus avec une pression surnaturelle. Une vague de chaleur m’envahit, grandissant en moi à l’image d’une nausée fiévreuse qui prenait violemment possession de mon corps, retournant mes intestins, ma gorge et la moindre de mes pensées sur son passage. Sa voix tremblait, elle n’était presque qu’un murmure. Comme si elle avait peur de me donner cette information. Je demeurai assommé, mes amis muets. Mon regard se releva jusqu’à ses yeux. Ses sourcils se froncèrent légèrement en signe de sa douleur à l’instant même où mes yeux rencontrèrent les siens. J’y cherchais la moindre preuve que je l’avais mal comprise. J’y cherchais quelque chose, n’importe quoi, qui m’attesterait que je n’avais pas bien entendu ce qu’elle venait de me dire. Mais elle ne nia pas les mots qu’elle venait de prononcer, comme si cela était tout simplement un fait et qu’il n’y avait plus rien à en dire d’autre. La vague sombre de chaleur qui infligeait des torsions douloureuses à l’intégral de mes muscles, à chacun de mes organes sur son passage s’intensifia à l’intérieur de moi, et bientôt mes oreilles se mirent à bourdonner comme pour ne plus entendre les mots dénués de sens qu’elle venait de prononcer. 

-       Qu’est-ce que tu viens de dire ? 

Mes mots s’échappèrent de mes lèvres sans que je ne les contrôle vraiment, et ils ne sonnaient comme rien d’autre qu’un murmure aussi bas que menaçant. Je notais la façon dont ses sourcils se froncèrent un peu plus sur son front, effrayée de ma réaction à l’annonce insensée qu’elle venait de me faire. Je regardais la finesse parfaite de ses lèvres tracées s’ouvrir à nouveau pour l’écouter chuchoter : 

-       Nous rejoignons officiellement l’Ordre pour les aider à former leur propre armée et nous battre avec eux. 

Mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines, retournant à l’intérieur de moi jusqu’à ma conscience, la rendant en cet instant simplement inaccessible. A l’instant même où elle termina sa phrase, ma main droite se saisit avec une vitesse proprement surnaturelle de la bouteille de whiskey qui siégeait sur la table basse, et mes jambes se dressèrent pour me porter sur mes pieds alors que je l’envoyais s’écraser de toutes mes forces contre le mur sur ma gauche. Elle s’éclata dans un vacarme qui fit sursauter Granger tandis que ses yeux effrayés se mouillaient de larmes, rivés sur moi comme pour contrôler la menace que je lui semblais représenter en cet instant. 

Mes tempes pulsaient violemment dans mon crâne, donnant un rythme lourd et anxiogène à chacun des battements frénétiques de mon cœur. L’intégralité du sang qui était disponible dans mon corps semblait se rassembler en les extrémités de mon corps, titillant chacun de mes membres de détruire tout ce qui se trouvait autour de moi à l’image des derniers espoirs de sécurité pour elle qu’elle détruisait de ces mots en cet instant. Ma vision elle-même se teinta d’un rouge si foncé qu’il me rappelait les nombreuses victimes que j’avais faites jusqu’alors. Victimes dont elle risquait désormais de faire partie. Victimes dont elle prenait le risque de faire partie, tout en étant consciente de ce qu’il se passait de notre côté. 

Je passais mes deux mains tremblantes de rage sur la peau glaciale de mon visage, cherchant à reprendre un semblant de mes esprits. Je n’en trouvais rien. Le rythme indécent de mon cœur résonnait sourdement en moi à travers des pulsations douloureuses qui m’étaient insupportables. Je n’entendais qu’eux, et ce bourdonnement assourdissant dans mes oreilles qui m’annonçait le réveil du monstre. Je laissais mes mains appuyer sur la peau de mon visage, m’écorchant au passage, m’accrochant désespérément au peu de raison que je cherchais en me répétant qu’elle ne pouvait pas venir de me dire cela. Elle ne pouvait pas venir de me dire cela. 

-       Non, m’entendis-je alors prononcer d’une voix si rauque qu’elle m’en était presque méconnaissable.

Mes mains glissèrent finalement pour retomber sur mes flancs tandis que je lui faisais face, me tenant à peine à cinq mètres d’elle. Ses yeux tristes, ses deux putains de yeux tristes demeuraient rivés sur moi, et une larme perla sur sa joue. Encore une. Encore une putain de larme sur sa joue. Elle ne dit rien pour retirer les paroles insensées qu’elle venait de prononcer. Mon visage se mit à appuyer ma négation pour moi en des mouvements répétés de droite à gauche. 

-       Non, répétais-je avec plus de force. 

Ses lèvres s’entre-ouvrirent une nouvelle fois, plus tremblantes cette fois. 

-       On ne peut plus rester sans rien faire, chuchota-t-elle d’une voix qu’elle voulait attendrissante. 

Elle n’en avait rien en cet instant, d’attendrissant. Je me retournais sur moi-même, la violence pulsant dans chacun des membres de mon corps tandis que mon esprit s’obscurcissait de plus en plus à chaque seconde qui s’écoulait durant lesquelles elle ne revenait pas sur sa décision dénuée de toute raison. Je saisissais d’une main ferme le vase en porcelaine de ma mère qui siégeait sur un guéridon de bois derrière moi et tentais de trouver un quelconque soulagement en l’éclatant à même le sol de toutes mes forces. Les ombres dangereuses semblaient danser à travers mes veines, m’appelant à plus de violence, m’intimant à plus d’intimidation. Peut-être changerait-elle d’avis si elle prenait assez peur. Peut-être réaliserait-elle l’énormité sans nom qu’elle venait de m’annoncer si elle constatait par elle-même du danger que je représentais. 

-       NON ! hurla ma voix enragée en couvrant intégralement le bruit du verre éclaté sur le sol. 

-       Drago, entendis-je Theodore appeler derrière-moi sur un ton aussi posé qu’inadapté à la situation qu’elle provoquait-là. 

Je ne l’écoutais pas. Je n’avais plus de prise sur rien. Elle allait mourir. Elle allait rejoindre l’Ordre, et elle allait mourir. Elle allait prendre part aux batailles, et elle allait mourir. Je n’entendais plus rien, plus de raison, plus de réassurance, je n’entendais plus que le monstre en moi qui me hurlait à chaque seconde atroce qui s’écoulait qu’elle allait mourir parce qu’elle avait choisi de quitter Poudlard, le seul endroit sur cette terre où elle demeurait en relative sécurité. 

-       Tu vas y retourner, m’entendis-je alors ordonner froidement, un doigt menaçant et tremblé rivé sur elle. 

Le ton de ma voix n’avait plus rien de familier. Il n’y avait, dans la façon dont je m’adressai à elle, plus rien de la douceur avec laquelle je m’adressai d’ordinaire à elle. Il n’y avait plus que le Grand Intendant qu’elle forçait à se montrer. Plus que le Grand Intendant qui ne pouvait pas avoir à se retrouver face à elle sur un champ de bataille. 

Une nouvelle larme perla le long de sa joue, trouvant refuge au creux de ses lèvres qu’elle pinça pour la réceptionner, cherchant à l’effacer. C’était trop tard. Je l’avais vue. Dans un geste si discret qu’il en était presque imperceptible, elle fit doucement non de la tête. 

-       TU VAS Y RETOURNER ! sévit alors la voix brutale du Grand Intendant qui vibrait dans la pièce envahie de ma colère. 

Elle sursauta encore, réceptionnant difficilement la rage qu’elle avait déclenchée. Ses sourcils se froncèrent plus encore sur son front, mais elle n’acquiesça pas. Elle ne me promit pas de m’obéir. Elle ne m’assura pas qu’elle ne prendrait pas part à cette guerre plus tôt qu’elle ne le devrait. 

-       C’est trop tard Drago, murmura-t-elle tout bas, nous sommes partis. Nous n’y retournerons plus. 

Mon visage se remit à dire non pour moi dans un rythme frénétique, ma vision se renfermant de plus en plus sur elle comme si elle était la seule chose que je pouvais voir en cet instant. Sa voix si baisse, si faible, la seule chose que je pouvais entendre. Mes mains tremblaient, cherchant inlassablement à pouvoir évacuer un peu de toute la noirceur qu’elles avaient accumulé dans des gestes violents que je tentais de retenir. Je ne contrôlais rien du pas menaçant que je fis vers elle, mes yeux noirs rivés dans les siens. Je pouvais lire la peur dans ses iris sombres. Une nouvelle larme perla sur sa joue. Je serrai les poings avec autant de force que je le pouvais, cherchant désespérément à retenir en moi l’incommensurable violence qui menaçait de la détruire, mes ongles s’enfonçant dans les paumes de mes mains, y laissant sans nul doute des traces de ce qu’elle était la seule à pouvoir déclencher en moi. 

-       Est-ce que tu te rends compte que Poudlard est le seul endroit sur terre où tu es en sécurité ? 

La froideur dans ma voix était sans égale. Il n’y avait plus rien d’humain, plus rien de tendre. Il n’y avait qu’une froideur glaciale qui tranchait ses peurs de lames aiguisées. Dans mes yeux, je savais qu’elle ne pouvait plus rien trouver d’humain non plus. 

-       Est-ce que tu te rends compte que si tu quittes Poudlard, nous allons devoir vous pourchasser ? 

La rage froide qui m’animait résonnait dangereusement dans chacun des mots que je prononçais, l’assommant de la tension sombre qui abimait encore les paumes de mes mains qui tentaient désespérément de contenir ma colère. Ma terreur. 

-       Est-ce que tu réalises que tu vas te retrouver sur des champs de bataille face aux monstres que j’ai créés ? 

Je laissai le tranchant de mes mots l’atteindre en plein cœur tandis que sa poitrine et la mienne cherchaient un air qu’elles ne trouvaient plus, l’espace entre nous désormais envahit par mes peurs les plus secrètes. 

-       FACE À MOI ?! hurlai-je à son visage d’une voix si forte qu’elle en était terrifiante. 

Ses yeux se fermèrent un instant, comme si elle cherchait à fuir la violente réalité que je lui imposai là. La réalité qu’elle avait apparemment occultée en prenant une décision aussi irresponsable que celle-ci. 

-       EST-CE QUE TU RÉALISES QUE SI TU QUITTES POUDLARD JE NE POURRAIS PLUS TE PROTÉGER ?!

Elle ne broncha pas, ses yeux tristes à nouveau ouverts droits sur moi. Je ne savais pas si c’était l’alcool. Je ne savais pas si c’était le monstre. Je ne savais pas si c’était la rage, mais en cet instant, je voulais porter ma main à son visage dans une tentative désespérée de remettre un peu de bon sens dans son esprit. Dans une tentative désespérée de reconnecter les neurones qui, de toute évidence, ne fonctionnaient plus correctement dans ce cerveau pourtant autrement si brillant. Mais la connexion ne semblait pas se faire. Je la regardais, elle et ce visage qui abritait un cerveau qui lui faisait défaut. Un cerveau qui nous faisait défaut à tous les deux. Comment pouvait-elle ne pas comprendre ? Comment pouvait-elle ne pas voir à quel point cela était dangereux ? À quel point ils n'avaient pas la moindre chance contre nous ? Elle ne pouvait pas être aussi dénuée de bon sens. Elle ne pouvait pas avoir à ce point perdu tout sens commun. Et elle me regardait simplement, ses yeux tristes mouillés de larmes qui s’écoulaient silencieusement sur son visage. Je voulais la secouer. Je voulais la secouer et lui hurler de ne pas faire ce qu’elle promettait de faire. La haine brûlait au creux de mes mains. Mon poing droit se desserra doucement, des picotements vibrants faisant trembler ma main qui était appelée par sa joue. Tout ce que j’avais fait. Tout ce que j’avais mis en place pour la protéger. Dumbledore que je n’avais pas tué. Pansy qui était morte pour sa vie. Rogue au château qui était là pour s’assurer qu’il ne lui arriverait rien. La stratégie pacifique que j’avais dangereusement négociée avec Voldemort pour notre visite à Poudlard, juste parce qu’elle était là. Les arguments que j’avais dû chercher, travailler et vendre au mage noir le plus violent de tous les temps pour justifier d’un tel choix stratégique, juste pour elle. Juste pour qu’elle ne soit pas en danger. Mon choix de laisser Poudlard en dehors de tout cela, autant que nous le pouvions. Les Mangemorts les moins sanglants qu’il soit que j’y avais envoyé pour les encadrer. Pour elle. Pour sa sécurité qu’elle me jetait purement et simplement à la gueule. 

Tout cela pour des idéaux. Tout cela pour des idéaux alors qu’elle se mettait déjà en danger en faisant alliance avec nous. J’avais accepté cela. Je l’avais acceptée elle, peu importait à quel point j’avais tenté de la repousser. Que pouvait-elle encore me prendre ? Qu’y avait-il encore que je ne lui avais pas donné de moi, et qu’elle voulait encore me prendre ? Que restait-il encore en moi qu’elle n’avait pas détruit ? Ma main droite trembla doucement, mes yeux noirs rivés sur elle. Elle ne revenait pas à elle. Elle ne retrouvait pas la raison. Elle allait mourir, elle allait mourir et je ne pourrais plus l’en protéger, tout cela pour des putains d’idéaux. Tout cela pour suivre ses putains de potes dans une putain de mission suicide. Elle en faisait déjà assez. Putain, elle en faisait déjà assez pour cette guerre. Mais elle en voulait plus. Elle en voulait toujours plus. Et peu lui importait à quel point elle mettait sa vie en danger. N’avait-elle à ce point pas la moindre conscience de l’importance que sa vie avait pour moi ? N’avait-elle à ce point pas la moindre idée de ce qu’elle représentait pour moi ? Pensait-elle que je pouvais simplement la regarder mourir, et continuer comme si rien ne s’était passé ? Pensait-elle qu’elle ne serait qu’une victime de plus ? Parce qu’elle serait tuée, et elle le savait. Elle ne pouvait pas ne pas le savoir. Elle ne pouvait pas ignorer à quel point je faisais du bon travail. Elle ne pouvait pas ne pas savoir à quel point je nous avais rendus puissants. Elle ne pouvait pas ignorer la force terrorisante de l’armée que j’avais dressée. Elle ne pouvait pas l’ignorer. Elle choisissait simplement de le faire. Elle choisissait simplement de l’ignorer pour suivre ses petits amis dans un combat perdu d’avance. 

Oui, ma main droite tremblait. Et sa joue gauche m’appelait. Elle devait récupérer un semblant de sens commun. Elle devaitretrouver la raison. Je sentis une vague de force traverser mon bras droit qui s’apprêtait à se dresser devant elle pour tenter de la ramener à la raison quand, soudain, une main ferme et chaude se renferma autour de mon poignet droit. Je clignais des yeux, et les baissai sur cette main forte autour de mon bras pourtant encore baissé. Je relevais mon regard vers lui. Il se tenait juste à côté de moi, ses yeux d’un bleu surnaturel enfoncés gravement dans les miens. 

-       Ça suffit, trancha-t-il d’un calme froid dans mon esprit. 

Je revenais doucement à moi alors que ces yeux-là étaient tout ce que je voyais en cet instant. J’avais été sur le point de baffer Granger. Une vague de nausée monta en moi, se mêlant affreusement avec l’activation aussi paniquée qu’enragée de mon corps de l’horreur persistante de son annonce. Theodore demeura immobile à côté de moi, sa main chaude fermement close autour de mon poignet que je ne lui retirai pas. Il resta ainsi, silencieux et inerte alors que ses yeux demeuraient plongés dans les miens en l’attente d’un semblant de retour à un peu plus de calme en moi. Je n’en trouvais que trop peu face à l’énormité de ce qu’elle était venue me livrer. Je cherchais les réponses en lui. Étais-je simplement censé l’accepter sans broncher ? Accepter sa mise à mort sans ne rien dire ? Étais-je supposé pouvoir encaisser une telle abomination ? Je n’en trouvais pas la force en moi. Je ne trouvais en moi rien du calme fort et tranquille qu’il dégageait avec une gravité ancrée. Mais il me tenait, et les ombres à l’intérieur de moi semblèrent s’échapper doucement à son contact, comme si sa peau envoyait de la lumière en moi, les chassant par la magie sereine de son touché. Lentement, l’animalité primale et violente en moi s’évanouit doucement, laissant la place à une colère froide un semblant plus contrôlée. Un semblant plus gérable, malgré sa terrifiante violence assommante. 

Lorsqu’il fut certain que je ne risquais plus de faire le moindre geste que je regretterai amèrement par la suite, le regard de mon frère se déplaça lentement jusqu’à Granger. En une caresse douce sur mon poignet, il me libéra finalement de sa poigne ferme. Dans une atmosphère pesante, il nous tourna le dos pour se diriger vers les canapés. 

-       Assieds-toi Hermione, ordonna-t-il alors d’une voix aussi calme que terrifiante. 

Il n’y avait pas de tendresse dans la façon dont il s’adressait à elle dans son ton malgré le fait qu’il l’avait appelée par son prénom. Au contraire, le fait qu’il l’ait appelée par son prénom en cet instant semblait trahir la tension mécontente qui était dormante et parfaitement contrôlée en elle. Avec un pas timide, Granger obéit. Elle passa devant moi en m’adressant un regard attristé, presque désolé, et s’avança jusqu’aux canapés où elle prit place aux côtés d’un Blaise mal à l’aise. Pansy, assise par terre devant la table basse, avait les sourcils froncés avec colère. Theodore s’avança vers le bar, toujours dos à moi, et se saisit d’une nouvelle bouteille ainsi que d’un verre de plus. 

-       Rejoins-nous Drago, commanda-t-il platement alors qu’il rejoignait l’espace du salon à nouveau sans même lever les yeux vers moi. 

Il n’y avait que lui qui bougeait. Que lui qui parlait. Et tout le monde écoutait, attendant la suite qu’il promettait d’annoncer. Il posa le verre vide sur la table basse avant d’ouvrir la bouteille, laissa le bouchon retomber comme le seul bruit dans toute la pièce, puis il se pencha pour attraper le verre alors que je négociais : 

-       Non, je… 

-       … Assieds-toi, ordonna-t-il plus fermement, pourtant avec toujours autant de calme. 

J’inspirai profondément, et m’exécutai finalement. Je retrouvais doucement le chemin jusqu’à mon propre canapé, les yeux de mon frère ne se levant toujours pas vers moi. Je pouvais toujours sentir la rage et la terreur retourner mon corps à l’intérieur de moi. Pendant un instant, nous n’entendirent rien d’autre que l’alcool que Theo versa dans le verre. Il reposa doucement la bouteille sur la table basse, et tendit le verre à Granger qui l’accepta. Dans une atmosphère pleine d’anticipation anxiogène, Theodore se rassit finalement sur son fauteuil en bout de la table basse. Il inspira profondément, son torse se gonflant d’air tandis qu’il relevait les yeux vers l’intruse parmi nous. Un ange passa. 

-       Maintenant on va parler, déclara-t-il gravement. 


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