Dollhouse

Chapitre 62 : Le Grand Intendant

11509 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 2 mois

Comme un aimant qui ne parvenait pas à atteindre son autre moitié qui l’appelait désespérément. Son corps appelait sans cesse le mien, à chaque seconde de chaque minute, l’urgence de son état de santé déclinant éveillant mon système nerveux déjà sur-stimulé, entraînant mon corps au bout de ce qu’il était capable de supporter. Mon rythme cardiaque était en tachycardie constante, mon cœur pompant plus de sang en direction de mes muscles pour me permettre d’agir, alors que je ne le pouvais pas. Ma pression artérielle avait largement augmenté pour alimenter mes organes vitaux, et mon sang était redistribué vers mes muscles ainsi que mon cerveau pour me permettre de me battre, alors que je ne le pouvais pas. J’étais en hyperventilation constante pour que mon sang soit oxygéné plus rapidement, me donnant une sensation de suffocation qui ne s’arrêtait pas. Mes muscles subissaient des tensions accrues qui se ne s’amoindrissaient pas pour me permettre de réagir, alors que je ne le pouvais pas. Mes membres tremblaient à cause de la suractivation nerveuse qui ne trouvait aucune échappatoire, ni aucun exutoire à cette activation. Mes pupilles étaient dilatées, cela je le ressentais parce que mes yeux captaient plus de lumière, ma vision était améliorée pour me permettre d’agir avec précision, alors que je ne le pouvais pas. J’étais sujet à une hypersensibilité auditive, mon corps cherchant à me permettre de percevoir les sons menaçants plus facilement pour ajuster ma position, alors que je ne le pouvais pas. L’efficacité de mon système digestif avait diminuée, m’imposant une sensation de nausée et de bouche sèche qui ne me quittait pas. Je subissais des sueurs froides alors que mon système nerveux tentait de refroidir mon corps pour me permettre d’agir, alors que je ne le pouvais pas. Et malgré tout ce sang qui parvenait à mon cerveau, je ne parvenais pas à réfléchir clairement, parce que ce cerveau privilégiait l’action instinctive face à la menace, alors que je ne pouvais rien faire. 

Et puis la détresse. La détresse de sentir son corps appeler le mien, et de ne pouvoir rien faire pour le soulager. La détresse de le savoir dans un tel état, et de ne pouvoir rien faire pour le sortir de là. La détresse de l’avoir vu dans cette cage, enfermé dans ces barreaux de magie noire comme un putain de chien. Et son âme, son âme qui appelait constamment, à chaque seconde de chaque minute la mienne à son secours, et ne pas pouvoir y répondre. La terreur aussi, de ce qu’il lui arriverait. De s’il tiendrait. La rage, encore. Parce que l’on se permettait encore de lui faire du mal, à lui. Aux miens, encore. 

Je m’effondrai à genoux sur le sol de l’entrée du manoir, tenant Blaise contre moi de toutes les forces physiques qu’il me restait, l’état d’alerte constant dans lequel j’étais m’autorisant des prouesses physiques impensables après un doloris. Le corps de Blaise glissa de mon dos et tomba sur le sol à son tour, toujours inconscient. J’entendis des pas courir vers nous. Ma vision était floue alors qu’un reflux acide tordait mes entrailles et remontait dans ma gorge. Je soutenais le haut de mon corps tremblant de mes mains ancrées sur le sol. J’ouvrai la bouche et un nouveau reflux tordit mon ventre avant que l’acidité ne remonte jusqu’à ce que je vomisse sur le sol de l’entrée. J’entendis comme au loin Pansy m’appeler. Je supposai qu’elle était pourtant juste-là. Une nouvelle nausée remonta en moi, et avec elle les larmes qui l’accompagnait. Un grondement guttural déchira ma gorge au même titre que l’acidité de mon estomac, et je vomissais à nouveau sur le sol. Je sentis des mains froides se poser sur mes joues à nouveau mouillées alors que je cherchais à reprendre mon souffle, mais mon hyperventilation ne se calmait pas. Ma tachycardie non plus. La tension de mes muscles et leurs tremblements non plus. La nausée ne s’apaisa pas non plus. Ma détresse non plus. Ma terreur non plus. Ma rage non plus. Son corps appelait désespérément le mien. Et je ne pouvais pas répondre à son appel. Plus les secondes passaient, et plus j’avais la sensation de brûler vivant. Je me demandais s’il ressentait cela, si cette sensation-là lui appartenait à lui. Et plus je me posai la question, plus la détresse augmentait. Et plus je me posai la question, plus la terreur augmentait. Et plus je me posai la question, plus la rage augmentait. 

C’était comme s’il m’appelait. Comme s’il m’appelait désespérément et sans cesse. Sans cesser d’hurler mon nom, à l’agonie, à chaque instant de chaque seconde, sans la moindre pause, et que je ne faisais rien. C’était comme s’il traversait la pire douleur qu’il n’avait jamais connue sans parvenir à trouver le moindre repos, et qu’il me suppliait de l’aider, et que je ne faisais rien. C’était comme si je le ressentais et le regardais être torturé sans cesse, et que je ne faisais rien. Non, ce n’était pas « comme si ». C’était exactement cela. 

Est-ce qu’il savait que j’étais là ? Est-ce qu’il savait que je lui avais tendu la main ? Est-ce qu’il savait que je m’étais battu pour lui ? Est-ce qu’il savait que j’allais le sortir de là ? Est-ce qu’il savait que j’allais m’occuper de lui ? Pensait-il qu’il était désormais seul ? Pensait-il que je ne viendrais pas le sortir de là ? Pensait-il que personne ne viendrait le chercher comme toutes ces années dans le sous-sol de son père ? Savait-il que je traversais ça avec lui ? Était-il conscient que je traversais toujours tout avec lui, depuis tout ce temps ? Savait-il seulement ce que j’étais prêt à faire pour que Voldemort me le rende ? Pensait-il que j’attendais sagement alors que je savais ce qu’il traversait ? Pensait-il qu’il était seul et pire encore, pensait-il qu’il était normal qu’il paye pour nous tous ? Songeait-il qu’il était à sa juste place, dans cette cage ? Était-il seulement conscient ? Était-il en état de penser quoi que ce soit ? Son corps parviendrait-il à récupérer du doloris alors qu’il continuait d’être torturé continuellement ? Allait-il tenir physiquement ? Le ressentirai-je différemment qu’en cet instant, s’il ne tenait plus ? Serais-je seulement averti, parviendrais-je seulement à le déceler ? Ou bien était-il déjà en train de mourir et je ne le savais pas ? Encore une fois…, savait-il que je lui avais tendu la main ? 

Une nouvelle remontée acide brûla ma gorge, et je vomissais sur le sol, les mains froides quittant mes joues avant que la panique dans sa voix ne parvienne clairement à mes oreilles : 

-       DRAGO ! hurla en un déchirement pressant Pansy. 

Je levai des yeux embués vers elle. Mon corps continuait sans relâche de me presser d’aller le sauver, alors que je ne le pouvais pas. Elle était terrifiée. Ses deux yeux verts cherchaient à accrocher ce qu’elle ne trouvait plus à l’intérieur des miens, allant de mon œil droit à mon œil gauche. Dès qu’elle rencontra la vue de mes yeux, elle sut. Ils étaient vides. Des larmes perlaient déjà sur ses joues. 

-       Où est-il ? chuchota-t-elle à mes lèvres comme si elle avait peur que j’entende vraiment sa question, et que je lui réponde. 

Je tournais les yeux sur ma gauche. Le corps de Blaise était toujours allongé sur le sol, inconscient, mais à côté de lui une Mint paniquée le soignait. Pansy avait dû l’appeler pendant que je vomissais mes tripes. 

-       Drago, où est-il ? murmura encore une Pansy suppliante. 

Je baissai les yeux sur le vomi entre mes deux mains sur le sol. L’urgence qui activait mon corps ne s’arrêtait pas. Non, elle ne s’arrêtait pas, pas une seule seconde. Elle ne s’était pas arrêtée quand j’avais appelé Ragnar pour qu’il vienne nous chercher, seul. Sekhmet aurait mis la grotte à feu et à sang pour récupérer Theo, et cela ne lui serait que retombé dessus. Elle ne s’était pas non plus arrêtée tout le long que Ragnar avait volé, et que j’avais tenu Blaise contre moi. Elle ne s’était pas arrêtée une seule seconde lorsque j’étais descendu de son dos et que j’avais traîné le corps inconscient de Blaise contre le mien jusqu’à l’entrée. Et elle ne s’était toujours pas arrêtée. Son corps appelait le mien à l’aide, et mon corps était constamment prêt pour un combat qu’il ne pouvait pas mener. Et mon cœur ne ralentissait pas. Et ma respiration ne se calmait pas. Et mon cerveau ne s’oxygénait pas. Et mes muscles ne se détendaient pas. Et la douleur de Theodore, elle non plus, ne cessait pas. 

-       Drago, m’appela Pansy dans une supplication désespérée. 

Ils m’appelaient tous. Elle, et lui. Ils m’appelaient tous à l’aide. Ils avaient tous besoin de moi. Du Grand Intendant. De celui qui savait faire. De celui qui pouvait faire. Combien de fois allais-je les laisser tomber, ces deux-là ? Combien de fois allais-je encore détruire leurs vies, à tous les deux ? Quels maux me restait-il encore à leur infliger ? Mon estomac se tordit à l’intérieur de moi, et sans savoir comment, je savais que cette sensation ne m’appartenait pas. Ma mâchoire se contracta douloureusement, et mon visage se mit à trembler. Il était en train de souffrir. Il était en train de souffrir d’une douleur que je ne pouvais même pas mettre en mots. 

-       Où est Theo ? pressa encore Pansy alors que sa voix était tâchée de ses larmes. 

Mon corps m’était abominablement douloureux. Il était aussi figé et crispé qu’il était sur le point d’exploser de ne pouvoir agir, brûlant de se battre pour aller chercher mon frère. Chacun de mes muscles, chacun de mes membres tremblait de contraction. Sur mon front, les sueurs froides perlaient, et des frissons me parcouraient l’échine. Mon frère. Il m’appelait. Il m’appelait continuellement, son corps cherchant le mien. Je relevai les yeux vers Pansy. Je voyais flou, pourtant une silhouette se distinguait dans l’ombre derrière elle. Je ne sursautais pas. Je savais qui c’était. Elle s’approcha tout doucement de moi. 

Elle était grande, très grande, et large. Elle avait l’air forte, puissante. Elle n’avait rien à voir avec la personne que j’étais en cet instant, impuissant et venant de vomir mes tripes sur le sol. Ses bras musclés étaient croisés sur son poitrail. Il approchait tout doucement. Il me regardait de haut, son menton relevé et un rictus de dégoût sur ses lèvres fines. Mon hyperventilation s’accentua, et je me demandais si j’étais finalement devenu fou. Il s’approcha encore. Lentement, son visage sortit de l’ombre pour se dessiner clairement devant moi. Ses yeux d’un gris pourtant si clair avaient une noirceur sans équivoque en eux, le genre de noirceur qui faisait froid dans le dos. Il me paraissait tellement grand. Il me paraissait tellement fort. Il avait l’air impitoyable. Dangereux. Il n’avait pas l’air d’être le genre d’homme qui laissait son frère à la mort sans ne rien faire. Il s’avança jusqu’à se tenir juste devant moi. C’était le Grand Intendant. Il me regardait avec un dégoût qui transpirait par tous ses pores. 

-       Debout, m’ordonna-t-il d’une voix si sèche, si froide, que je ne la reconnaissais pas. 

Mes yeux étaient inondés de larmes. C’était moi, que je voyais devant moi. J’étais vraiment devenu fou. Nous y étions. J’étais devenu fou. Je ne voyais plus vraiment Pansy, pourtant elle était dans mon champ de vision. Il me semblait que ses lèvres continuaient de s’ouvrir, cherchant à me parler. Je ne l’entendais plus vraiment. 

-       Tu vas rester planté là comme une pauvre merde ? me cracha-t-il alors que sa lèvre supérieure se relevait sur ses dents. 

Il était terrifiant. Il était pourtant aussi jeune que moi. Il partageait pourtant le même corps que moi. Il avait pourtant le même visage que moi. Et pourtant, il me semblait que son énergie n’aurait pas pu être plus différente de la mienne. Il était si intense. Son visage était fait de traits anguleux marqués, sa mâchoire finement définie et ses pommettes saillantes creusaient ensuite ses joues, accentuant la structure de son visage digne d’une sculpture. Sa peau était aussi lisse que pâle, elle contrastait drastiquement avec les cernes noirs qui entouraient ses yeux d’un gris saisissant. Ses cheveux blancs semblaient à la fois humides et ébouriffés, comme s’il venait de se battre, des mèches tombant sur son front en assombrissant encore son regard perçant fixé sur moi. Ses sourcils étaient légèrement froncés et ses lèvres aussi fines que dessinées entre-ouvertes alors qu’il me jugeait ostensiblement. Il portait un col roulé noir qui ne faisait qu’accentuer la pâleur de sa peau, ainsi que celle de ses yeux, ou encore celle de ses cheveux. Et ses muscles…, ses muscles tranchaient le tissu alors qu’il tenait ses bras croisés sur son poitrail. Il n’était pas aussi large que Blaise pouvait l’être, il semblait un peu plus léger. Plus vif. Quelque part dix fois plus léthal. 

-       C’est ça ton plan, p’tit génie ? se moqua-t-il d’une voix basse qui n’avait rien ni de familier, ni de rassurant. 

C’était ma voix, je le savais. Pourtant, je ne la reconnaissais pas. Ses longues jambes se plièrent devant moi alors qu’il s’accroupissait pour arriver à mon niveau tandis que j’étais toujours à genoux sur le sol de l’entrée. De ses yeux d’un gris pâle extraordinaire, il me sonda, et je le laissai faire. J’avais perdu la tête. Qu’est-ce qu’il me restait, de toute façon ? On m’avait pris mon frère. Il sonda mes yeux comme s’il étudiait sa proie, puis mon nez, et enfin mes lèvres. Il releva ses yeux vers les miens, et un large sourire se dessina sur ses lèvres fines, creusant plus encore ses joues et illuminant son regard d’une lueur effrayante. Il me semblait étrangement qu’il était plus terrorisant encore lorsqu’il souriait. 

-       Tu es trop faible, se délecta-t-il dans un murmure à la sonorité profonde. 

Et soudain tout sourire s’évanouit de son visage de porcelaine, et je voulais reprendre le dernier constat que j’avais formulé. Il n’y avait plus la moindre lueur joueuse ou sadique dans ses yeux gris. Rien que de la rage. 

-       Tu crois qu’à ta place Theodore resterait là à vomir et à chialer comme une pute ? 

Il se releva, ses longues jambes s’étalant à nouveau devant moi alors qu’il me surplombait de toute sa hauteur. Il me paraissait si grand. Et il avait raison. La rage brûlait en moi, mais je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais pas combattre Voldemort, je n’étais pas assez puissant. Je ne pouvais pas le sauver. Et j’étais trop lâche pour essayer malgré tout. Pire encore, je n’étais pas assez bête pour penser que j’aurai une chance de réussir, et les conséquences seraient encore payées par les miens. 

-       Tu te dégoûtes pas ? cracha-t-il alors que la moue révulsée reprenait place sur ses lèvres. 

Avec une vitesse et une agilité déconcertante, il leva sa jambe droite, et son pied s’écrasa avec violence contre ma joue gauche. Je tombais contre le mur porteur entre l’entrée du manoir et le salon, sonné. 

-       Sérieusement, tu te dégoûtes pas ? pouffa-t-il devant mon culot. 

Avec mon corps endoloris, je prenais appui contre le mur pour ne pas tomber visage contre le sol, chancelant. Pitoyable. J’étais pitoyable. 

-       C’est ça, tout c’que t’as ? se moqua-t-il de moi. 

Il prit de l’élan en balançant sa jambe en arrière avant de la laisser s’écraser une nouvelle fois contre mon visage, et je tombais dans l’encadrement vide de la porte du salon. Je m’appuyais des paumes de mes mains sur le sol alors que je reculais, cherchant à le fuir. Cherchant à me fuir. Ses traits se durcirent alors qu’il ouvrait grand la bouche pour hurler d’une voix vibrante : 

-       LÈVE-TOI !

Il avança d’un pas vers moi, et renvoya son pied dans mon visage qu’il propulsa sur le sol. Je relevai le haut de mon corps sur des bras tremblants, et rampait dans le salon en cherchant à fuir cette ombre qui ne me laissait pas m’échapper, terrifié. 

-       LÈVE-TOI PUTAIN ! sévit-il encore de sa voix qui vibrait en moi avant de me frapper encore. 

Cette fois, il m’empêcha de me relever. Le bas de sa chaussure, froide et dure, s’écrasa contre ma joue et écrasa mon visage sur le sol en bois du salon. Je gémissais faiblement de douleur. Je sentis les larmes perler mon visage. Je n’étais rien. Rien qu’une merde. Je méritais cela. Je méritais d’être traité comme cela. Je pleurai, mais je me détestais de pleurer encore. Je méritais tout cela. 

-       ARRÊTE DE FUIR ! C’EST TOI QUI A FAIT ÇA ! hurla-t-il de toute sa rage terrifiante. 

Je fermais ces yeux qui pleuraient, cherchant à ne plus le voir. Cherchant à ne plus l’entendre. Cherchant à ne plus le sentir. Cherchant à le fuir. Il appuya encore sur mon visage de son pied et j’eu la sensation que mon crâne allait exploser. Serait-ce si malheureux, si c’était le cas ? 

-       C’EST TOI QUI LUI A FAIT ÇA ! gronda-t-il encore alors que son pied quittait mon visage seulement pour prendre de l’élan avant de me frapper encore. 

Je relevai mes yeux larmoyants vers lui. 

-       Non, murmurai-je doucement. Non c’est pas vrai, pleurai-je. C’est pas vrai, c’est pas moi... C’est pas moi, pleurai-je douloureusement, c’est Voldemort. 

La moue de dégoût s’intensifia sur son visage pâle et il me frappa encore alors que je tombais dos contre le sol. 

-       IL ÉTAIT TA RESPONSABILITÉ ! C’EST TOI QUI EST EN TRAIN DE LUI FAIRE ÇA ! hurla-t-il alors que sa voix enragée traduisait son inquiétude pour notre frère. 

Je fis frénétiquement non de la tête. Non, ce n’était pas vrai. Ce n’était pas moi qui lui faisais du mal. Ce n’était pas moi qui étais en train de lui faire ça. Je ne lui ferais jamais une chose pareille. Pas moi. Pas à lui. Pas ça. De sa hauteur, il me regarda, et un nouveau sourire terrorisant se dessina sur ses lèvres en creusant ses fines joues.  

-       Tu le sens ? me demanda-t-il tout bas alors que je pleurais. Ton cœur qui se déchire, tu le sens ? appuya-t-il avec une jouissance malsaine qui brûlait au fond de ses yeux gris. Son corps qui t’appelle alors que tu ne lui réponds pas, tu le sens ? insista-t-il froidement.

-       Arrête, pleurai-je douloureusement. 

Parce que je le sentais. Je sentais tout. Je sentais mon cœur qui se déchirait. Je sentais son corps qui m’appelait au secours alors que je ne pouvais pas lui répondre. Je sentais tout. Je sentais sa panique et son désarroi, et je ne faisais rien. 

-       EST-CE QUE TU LE SENS ?! beugla-t-il avec une rage vibrante qui envahissait mon âme en me faisant sursauter. 

-       ARRÊTE ! suppliai-je en hurlant désespérément à mon tour. 

Sa main se renferma soudainement autour de mon menton qu’il releva fermement vers lui, forçant mes yeux à le rencontrer une nouvelle fois, ses doigts s’enfonçant durement dans mes joues. Il était si grand. Il me semblait si fort. Et moi, si faible. 

-       Laisse-moi m’en occuper, m’offrit-il d’une voix désormais languissante, quelque chose brûlant au fond de ses yeux gris cernés de noir que je ne parvenais pas à définir. 

Je me perdais dans ses yeux. Le diable semblait vivre en eux. C’était enivrant, de plonger dans ses yeux. Ils avaient l’air capables de tout. Incapable de rien. Les traits de son visage s’adoucirent alors qu’il s’accroupissait à nouveau devant moi, ne lâchant pas sa prise sur mon menton une seule seconde. J’étais complètement à sa merci. Il pouvait faire ce qu’il voulait de moi. Il faisait ce qu’il voulait de moi. 

-       Laisse-moi m’occuper de toi, chuchota-t-il à mes lèvres. Je vais le ramener, et tu le sais, promit-il doucement. 

Forcé de lever le visage vers lui quand bien même il était accroupi devant moi, je pleurais en le regardant. Il était terrorisant. Tout simplement terrorisant. Et moi, j’étais impuissant. Je n’avais rien à voir avec lui. Ses yeux descendirent jusqu’à mes lèvres avant de remonter à mes yeux. 

-       Laisse-toi faire Drago, murmura-t-il avant d’approcher son visage du mien. 

Il ferma les yeux, et apposa ses lèvres contre les miennes tandis que mes yeux abasourdis demeuraient grand ouverts. Il ne lâcha pas sa prise sur mon menton alors que ses lèvres s’entre-ouvrirent avec une douceur étrange pour laisser passer sa langue qu’il força dans ma bouche. Avec les forces qu’il me restait, je le poussais de mes deux bras, et reculai encore sur le sol, terrorisé. 

-       Qu’est-ce que tu vas faire ? pleurai-je en le regardant, aussi choqué qu’effrayé. Tu ne peux pas mettre Theo en danger ! 

Il se releva et avança à nouveau vers moi, un sourire ancré sur ses lèvres qu’il venait de m’imposer. Il passa sa langue sur ces mêmes lèvres, comme pour me goûter. 

-       Mettre Theo en danger ? répéta-t-il alors que ses sourcils se dressaient sur son front. Il est la raison même pour laquelle j’existe, mon seul et unique objectif, explicita-t-il en s’avançant encore vers moi alors que je reculais difficilement depuis le sol dans le salon. Tu crois vraiment que je ferai quoi que ce soit qui le mettrait en danger ? 

Je le regardai avec effroi. Sa hauteur. Sa démarche léthale. Ses yeux fous. Moi. Une sorte de moi, quand bien même je ne me reconnaissais pas en lui. Le diable, oui le diable, voilà ce que j’avais devant moi. 

-       Pourquoi je te vois ? m’entendis-je alors chuchoter. Est-ce que je suis fou ? pleurai-je alors avec vulnérabilité. 

Il balança son visage en arrière, les traits tracés de sa mâchoire s’imposant par le bas à moi tandis qu’un rire profond et vibrant faisait sursauter son poitrail musclé. Il rit pendant plusieurs secondes, les sons graves et profonds de son rire résonnant sourdement dans le salon qu’il remplissait de sa présence malsaine. Quand il eut terminé, il s’approcha à nouveau de moi, et je ne trouvais plus la force de le fuir. Il me semblait que c’était désuet de toute façon. Je ne pouvais pas le fuir. Avec une douceur étrange, il plaça un doigt sous mon menton qu’il releva vers lui alors qu’il me dominait de sa hauteur. 

-       Tu es trop faible, chuchota-t-il alors que son torse musclé, ses traits anguleux et son regard noir s’étalaient dangereusement devant moi. 

Son doigt ne quitta pas mon menton qu’il maintenait élevé vers lui. 

-       Tu es tellement faible que tu préfères croire que tu es différent de moi au point de t’inventer des histoires et d’imaginer des choses qui n’existent pas, murmura-t-il pourtant avec force, tout ça pour ne pas assumer que je suis tout simplement toi. 

Il humidifia encore ses lèvres parfaitement dessinées du bout de sa langue avant de se baisser à nouveau vers moi, s’accroupissant devant moi. Ses yeux et le diable qui brûlait en eux s’enfoncèrent dans les miens, me forçant à me sentir si faible. Tellement, tellement faible face à lui. Tellement petit.

-       Mais c’est pas grave Drago, chuchota-t-il en laissant sa main caresser ma joue mouillée de larmes avec une douceur terrifiante. Ton petit secret est en sécurité avec moi, promit-il avec un sourire en coin qui le rendait… ravissant. 

Je me perdais dans ses traits. Je me perdais dans sa magnificence et sa dangerosité léthale. Il y avait quelque chose d’enivrant, oui de réellement enivrant chez lui. Il avait l’air si puissant, si froid, si dangereux. Si… capable, en somme. 

-       Et si tu arrêtais de te battre contre moi, murmura-t-il à mes lèvres alors qu’il me laissait me noyer dans ses yeux, peut-être qu’on pourrait enfin ne faire qu’un pour se battre contre lui, chuchota-t-il avec une tendresse nouvelle. 

Sa main glissa doucement de ma joue, et il la tendit devant moi, ouverte pour moi. 

-       Arrête de me résister parce que tu as peur de moi, me sourit-il tendrement alors que je lui donnais ma main. 

Il me souleva du sol avec une facilité déconcertante, ses yeux ne lâchant pas les miens, ni les miens les siens. Mon dos prit appui contre le mur du salon tandis que je peinais encore à tenir debout sur mes jambes. Il avança sa main droite de mon visage, et il effaça ma dernière larme d’une caresse de son pouce alors que je me noyais dans la douceur nouvelle que je trouvais dans ses yeux lorsqu’il me regardait. 

-       Alors qu’il n’y a rien que je ne ferai pas pour toi, murmura-t-il à mes lèvres. 

Il me regardait comme si j’étais un trésor. Oui, comme si j’étais le trésor qu’il protégerait à tout prix. J’étais complètement décontenancé. Il approcha doucement ses lèvres des miennes, sa main prenant possession de ma gorge et ses doigts s’étalant sur ma joue qu’il caressait doucement. Je ne me retirai pas à son contact. Je ne m’échappai pas à son baiser empoissonné. Je le laissai faire, parce qu’il me donnait l’impression de savoir faire. De pouvoir faire. Et j’avais besoin de quelqu’un qui pourrait faire. Ses lèvres rencontrèrent les miennes avec une douceur surprenante. Il tourna le visage légèrement sur la droite pour trouver un angle qui lui offrirait plus de moi dans ce baiser. Je fermai les yeux. Il entre-ouvrit les lèvres, et je le laissai mener la danse en entre-ouvrant les miennes en retour. Sa langue caressa le bout de mes lèvres avant de s’insérer lentement dans ma bouche, rencontrant la mienne avec une humidité rafraichissante. Il me força à ouvrir plus grand ma bouche. Il me donnait la sensation de savoir exactement ce qu’il faisait, et c’était le cas. Il m’embrassait avec une douceur, et pourtant avec une prise si forte, si ferme et si possessive que je savais que je ne pouvais pas le fuir, et si j’étais tout à fait honnête, je ne le voulais même pas, lui fuir. Je ne savais pas si c’était le désespoir ou si c’était la douleur déchirante constante de sentir Theodore m’appeler, ou si c’était encore tout autre chose, mais en cet instant il me semblait que j’avais besoin de lui. Besoin de ça. De ce monstre que je détestais en moi. J’avais pensé pouvoir le contrôler tout ce temps. Je me rendais désormais compte à quel point j’avais été ridicule d’y croire une seule seconde, parce qu’alors que les mouvements de sa langue se faisaient plus affamés, plus puissants dans ma bouche, je réalisai que je ne l’avais jamais contrôlé. Pas une seule seconde. 

Il ne lâcha pas sa prise sur ma gorge, et une nouvelle fois, il me força à ouvrir la bouche plus grande alors qu’il me dévorait littéralement. Son baiser se fit plus intense, bien plus brûlant, et appuyé contre le mur, je le laissai faire, impuissant. Sa langue rencontra la mienne en une danse frénétique, et ses lèvres caressèrent les miennes avec avidité. Soudain, ses lèvres se défirent des miennes, et il se retira de son baiser. J’ouvrais les yeux à sa recherche, un fil de bave liant encore sa bouche à la mienne. Il me regardait, un désir ardent brûlant au fond de son regard froid. Il cherchait à constater de mon consentement. S’assurer que j’étais d’accord avec sa prise de contrôle. Je me noyais dans ses yeux et, parce qu’il ne me restait que lui, j’attrapais le tissu de son col roulé, et l’attirait contre moi alors que son sourire satisfait s’effaçait contre mes lèvres. Je l’embrassai, cette part sombre de moi. Cette part terrorisante de moi. Je l’embrassai à pleine bouche. Et je la voulais, je la désirai au plus haut point. Je voulais qu’elle efface la douleur par la force de sa vengeance. Par sa dureté. Par sa fermeté. Je voulais qu’elle me prenne, moi et tout ce qu’il y avait de faible en moi et qu’elle efface l’impuissance de sa rage dangereuse. Je voulais qu’elle prenne toute la vulnérabilité en moi et qu’elle ne laisse qu’une puissance léthale. Il paraissait qu’il fallait combattre les démons en soi. Que le but de la vie était de devenir meilleur que la veille. Qu’une bonne personne était une personne qui avait travaillé pour éteindre les démons en elle. Qu’en était-il de ceux qui avaient besoin de ces démons ? Qu’en était-il des personnes qui ne pouvaient pas survivre sans ces démons ? Que faisait-on de ceux qui n’avaient pas le luxe d’être dans un environnement qui leur permettait de dire au revoir à ces démons ? Qu’en était-il de ceux qui avaient développé cela en eux ? Était-on simplement censés éteindre toute une partie de nous qui s’était construire à l’intérieur de nous à raison, juste parce qu’elle ne convenait pas au reste du monde ? Juste parce qu’elle était trop moche pour les autres ? Je m’étais assez battu. J’avais assez essayé. Cela n’avait rien donné. On m’avait tout prit. On m’avait pris mon frère. Que me restait-il, à part cette part de moi qui était capable de continuer, contrairement à moi ? C’était agréable, si j’étais honnête. De cesser de lutter. De lui céder. De tout lâcher. D’abandonner l’idéal d’un homme bon qui évoluerait dans un environnement atroce. 

Alors je m’abandonnai à lui, et je le laissai me prendre. Sans lâcher ma gorge, son corps dur et musclé s’écrasa lourdement contre le mien, et il prit tout ce qu’il avait à prendre en moi. Il m’embrassait avec une passion aussi fougueuse qu’affamée, et je lui rendais. Une de ses mains caressait ma joue et l’autre gardait pleine possession de ma gorge. J’ouvrais la bouche plus grande pour lui, et je le laissai s’insérer en moi. Il me sembla qu’il pénétra doucement en moi, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne pour m’embrasser. Plus aucun corps contre le mien. Plus aucune main autour de ma gorge. Plus aucunes lèvres contre les miennes, et plus aucune langue dans ma bouche. Je pris une profonde inspiration par le nez. Le corps de Theodore continuait d’appeler le mien. Je sentais encore sa douleur dans mes entrailles. Mes muscles demeuraient crispés. Mais quand j’ouvris à nouveau les yeux, il était à l’intérieur de moi.

Pansy se tenait dans l’encadrement de la porte du salon. Blaise, derrière elle, était assis par terre, conscient. Tous deux me regardaient avec de grands yeux ronds. Mint n’était plus là, je supposai que Pansy avait dû l’envoyer faire je ne savais trop quoi. Je me souvenais à l’instant que Pansy ne savait pas où était Theodore. Je me décollais du mur et fit un pas vers elle. Mon corps fonctionnait mieux. 

-       Voldemort garde Theodore dans la cage noire, lui appris-je alors platement. 

Elle ne cligna même pas des yeux. Ses lèvres étaient entre-ouvertes alors qu’elle me regardait, comme hébétée. Finalement, elle demanda tout doucement : 

-       Qu’est-ce qu’il vient de se passer, Drago ? 

Je fronçais les sourcils en sa direction. 

-       De quoi tu parles ? lui demandai-je simplement. 

D’accord, je n’avais peut-être plus toute ma tête. Mais j’aimerais bien savoir qui l’aurait encore entière après tout cela. Et puis, il me semblait que nous avions plus urgent sur le feu. 

-       Drago, chuchota-t-elle effrayée, qu’est-ce qui vient de se passer ? Tu…, tu hurlais par terre et tu avais l’air de te débattre alors qu’il n’y avait rien, murmura-t-elle, visiblement terrorisée. 

-       Ah ça, lui souris-je avec nostalgie, ce n’est rien. C’est réglé, la rassurai-je alors. 

Elle ne sembla pas rassurée du tout. Elle continuait de me regarder comme si j’étais un monstre, ou bien dangereux, ou bien je ne savais encore trop quoi. Elle avait l’air d’avoir peur de moi en tout cas. Tant pis.  

-       Drago…, chuchota-t-elle alors qu’une larme perlait sur sa joue. 

-       Tu n’as pas entendu ce que j’ai dit ? sévis-je alors plus fermement. Il garde Theo dans la cage noire. 

-       Drago je…, hésita-t-elle en me regardant avec méfiance, j’ai appelé Gr… 

La porte d’entrée s’ouvrit à la volée, et elle pénétra dans la pièce avec une urgence qui guidait ses pas. Granger. Je ne la regardais même pas le quart d’une seconde. Mes murs ne tremblaient pas, je n’en avais pas. Je n’en avais pas besoin. Mes yeux colériques se reportèrent sur Pansy. 

-       Qu’est-ce qu’elle fout là ? la questionnai-je froidement. 

-       Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda une Granger paniquée. 

Je ne lâchai pas Pansy des yeux. Elle me regardait, elle aussi. Elle ne perdait pas cet air concerné. 

-       Est-ce que tu vas bien ? s’inquiéta l’intrue en s’approchant de moi. 

Je l’avertissais d’un regard de ne pas approcher, et elle s’arrêta dans sa course. Je reportais mes yeux froids sur Pansy. Je savais que la rage durcissait mes traits. 

-       Qu’est-ce qu’elle fout là ? réitérai-je vers cette dernière. 

-       Je savais pas quoi faire, murmura-t-elle alors, tu…, tu avais l’air de…, je savais pas quoi faire Drago, chuchota-t-elle alors que de nouvelles larmes perlaient sur son visage terrorisé. 

J’inspirai profondément par le nez. Son corps continuait d’appeler le mien. Les rythmes de mon cœur ne s’étaient pas calmés. La douleur dans mon ventre non plus. La nausée ne m’était pas passée. Mes muscles demeuraient douloureusement contractés. Ma respiration ne se faisait pas plus profonde. L’état d’alerte de mon corps était constamment maintenu alors que son corps continuait sans cesse d’appeler le mien à l’aide. Je reportais des yeux vides sur Granger. Elle vit qu’elle ne me trouverait pas dans ces yeux-là. Tant mieux, peut-être m’épargnerait-elle une nouvelle scène. 

-       Retourne d’où tu viens, lui ordonnai-je froidement. 

Elle me sonda de ses yeux marrons. Elle sembla regarder plusieurs points distincts sur mon visage. Je supposai qu’il devait s’agir des endroits où j’étais blessé et où je saignais. Comme si c’était exceptionnel, un peu de sang. Elle n’avait aucune idée d’à quoi ressemblait notre quotidien, depuis sa tour d’ivoire. Elle fit un nouveau pas vers moi, tentant d’attendrir son regard en ma direction. 

-       Drago, qu’est-ce q…

-       … Je ne veux pas de toi ici, la coupai-je fermement. 

Je reportai mon regard sur Pansy tandis que Granger accusait mes mots. Je la regardai avec la même froideur glaciale. 

-       Et toi, dans la situation dans laquelle on est, tu t’es dit que c’était une bonne idée de faire venir la Sang de Bourbe ici ? 

Pansy sembla choquée de mes mots. Je ne tournais pas les yeux vers Granger pour savoir quel effet ils avaient eu sur elle, cela n’avait pas la moindre importance. C’étaient les putains de faits. Dans une situation où nous étions punis pour des erreurs que nous avions commises, elle faisait venir une personne qui, à elle seule, pouvait entraîner notre mort à tous si elle était découverte ici ? Putain de brillante idée oui. 

-       Qu’est-ce que tu viens de dire ? murmura la principale concernée sur la droite de Pansy. 

Je tournais des yeux morts vers elle. Elle les vit, ces yeux, et elle sut que je n’étais plus là. 

-       Qu’est-ce qu’il t’arrive Drago ? chuchota-t-elle encore alors que ses yeux marrons se remplissaient de larmes. 

Je trouvais cela ironique, la façon dont tout le monde s’inquiétait lorsque j’étais ce qu’il fallait pour sauver Theodore. Je trouvais cela ironique qu’ils s’inquiètent tous lorsque j’étais capable de faire ce qu’il fallait, alors qu’ils avaient tous l’air rassurés quand je pleurais comme une sombre merde. 

-       Je ne vais le répéter qu’une seule fois, appuyai-je froidement, retourne d’où tu viens. 

Une larme perla sur sa joue alors que je soutenais son regard. Pensait-elle que cela m’attendrirait, alors que je sentais mon frère m’appeler au secours à chaque instant qui s’écoulait ? Pensait-elle pouvoir m’atteindre alors que mon âme se déchirait à l’intérieur de moi ? Pensait-elle que j’allais m’écrouler et me mettre à pleurer pour qu’elle puisse se sentir mieux en me consolant comme si j’étais un petit garçon sans défense ? Dommage pour elle, je n’étais pas un petit garçon sans défense qui avait besoin d’être consolé. Son visage se mit à faire non pour elle. 

-       Je voudrais retrouver le Drago que je connaissais, murmura-t-elle tout bas alors qu’une nouvelle larme coulait sur sa joue. 

Mes sourcils se dressèrent sur mon front devant son culot. 

-       Ah oui ? lui renvoyai-je sur un ton glacial alors que la colère montait en moi. Qu’est-ce qui ne te convient pas, exactement ? lui crachai-je au visage en faisant un pas vers elle. Dis-moi, dans l’homme que je suis aujourd’hui, dans l’homme qui se tient devant toi aujourd’hui, qu’est ce qui ne te va pas Granger ? Hm ? insistai-je vers elle. Dans l’homme qui sent son frère être torturé constamment, qu’est-ce qui ne te convient pas ? la pressai-je en faisant un nouveau pas menaçant devant elle. Comment tu préférerais que je sois Granger, hein ? Tu préférerais que je pleure à tes pieds ? Tu préférerais savoir que je suis faible et impuissant comme un pauvre petit garçon ? Est-ce que tu te sentirais mieux de m’aimer si c’était ce que j’étais ? 

Je faisais un nouveau pas vers elle, me tenant désormais juste devant elle pour qu’elle puisse bien me regarder. La rage bouillonnait en moi au même rythme que la douleur de mon frère qui m’appelait sans cesse. Elle levait vers moi des yeux pleins de larmes. Je ne trouvais aucune sympathie pour elle en moi. 

-       RÉVEILLE-TOI ! hurlai-je à son visage alors qu’elle sursautait. LE DRAGO QUE TU AS CONNU EST MORT AUX PIEDS DE VOLDEMORT, ET SI C’EST LUI QUE TU ATTENDS, RENTRE TE METTRE BIEN AU CHAUD DANS TON CHÂTEAU, PARCE QUE TU LE TROUVERAS PAS ICI ! Tu n’aimes pas ce que tu vois ? repris-je dangereusement plus bas. Tant mieux. Peut-être que maintenant tu vas arrêter de courir après un fantôme, crachai-je avec un mélange de dégoût et de colère. 

Des larmes continuaient de perler sur ses joues alors qu’elle faisait non de la tête. Elle ne voulait pas croire ce qu’elle avait juste sous ses yeux, pour changer. 

-       Ça aurait dû être Theodore à ta place, lâcha-t-elle alors. Toi, tu n’avais pas ça en toi.

Je voyais rouge. J’entendais mon cœur battre dans mes oreilles. Je la regardais, et je ne ressentais rien que de la haine. Ma respiration s’accéléra encore. Rouge. Je voyais rouge. Comment pouvait-elle se permettre de dire une telle chose ? Qu’est-ce qui, chez moi, lui avait donné l’impression qu’elle pouvait se permettre de dire une telle chose à propos de mon frère ? Qu’est-ce qui lui avait fait croire qu’elle avait le droit de prononcer de tels mots à propos de la personne que j’aimais le plus au monde ? À quel moment lui avais-je donné l’impression qu’elle pouvait se permettre un tel affront ? 

-       Sous-entend encore une fois une chose pareille à propos de mon frère, et tu es morte pour moi, l’assenai-je d’une menace aussi froide que léthale. 

-       Tu vas trop loin, s’interposa Pansy en faisant un pas vers moi, se positionnant entre nous. Calme-toi, Drago. 

Un rire qui n’avait rien d’amical vibra dans mon poitrail avant que je ne pose sur elle des yeux dans lesquels ne brillait aucun amusement. J’avais l’impression d’être en plein délire. Où avaient-ils tous trouvé tant de culot ? 

-       Oh, tu la défends maintenant ? 

Elle n’avait plus l’air tant effrayée, cette Pansy-là. Elle avait délaissé la peur et l’inquiétude pour revêtir son masque de femme forte et solide, ses sourcils froncés sur son front et son regard vert ancré sur moi. 

-       Je ne la défends pas elle, je te recadre toi, positionna-t-elle avec force. C’est pas sa faute si Theo est dans cette situation. 

Le regard noir que je posai sur elle n’avait pour égal que le profond néant de l’espace. 

-       T’as raison, lui accordai-je tout bas, c’est pas sa faute. C’est la tienne, lui crachai-je alors. 

Avec une rapidité frappante, sa main droite s’écrasa contre ma joue gauche, forçant mon visage à tourner sur la droite. Un large sourire se dessina sur mes lèvres. Quand je tournais à nouveau le visage vers elle, Blaise s’était levé, et fonçait vers moi en claudiquant. Il attrapa de ses deux mains le tissu de mon haut et m’entraîna à reculer alors qu’il continuait d’avancer jusqu’à me plaquer violemment contre le mur, son visage rouge de menace. D’une secousse sèche, il me fit rebondir contre le mur avant de me sommer : 

-       Putain, arrête tes conneries Drago ! Reviens parmi nous bordel ! 

Tout sourire s’évanouit de mes traits alors que je le regardais, lui et son culot, à lui aussi. À eux tous. Leur culot à tous de me regarder et me traiter comme si j’étais un monstre parmi eux. Je trouvais tout cela très ironique, oui. Tout ce temps, ils s’étaient tous inquiétés que j’aie pris un rôle que je ne pouvais pas remplir. Ils me hurlaient dessus et étaient terrifiés lorsque je n’étais pas capable de remplir mes obligations. Et maintenant, lorsqu’ils se rendaient compte que j’avais en moi ce qu’il fallait pour remplir ce rôle, ils me hurlaient dessus et étaient terrifiés de ce nouveau constat. Qu’est-ce qui ne leur allait pas, encore, dans ce que j’étais aujourd’hui ? Ils avaient le culot de ne pas être satisfaits du monstre que j’étais devenu pour eux, pour chacun d’entre eux ? Pour leurs vies à tous, celle de Pansy pour commencer, à cause de Granger ?! Ils avaient le culot indécent de ne pas être satisfaits de la façon dont je réagissais alors qu’on m’avait pris mon frère comme si c’était une réaction démesurée, comme si je devais tranquillement attendre que le temps passe et que Voldemort veuille bien me rendre Theo ! De mes deux mains sur son poitrail, je repoussai Blaise violemment loin de moi. Il trébucha en arrière et tomba sur le sol. 

-       AUCUN DE VOUS NE SAIT ! hurlai-je alors à pleins poumons. AUCUN DE VOUS NE SAIT ! JE LE SENS LITTÉRALEMENT, PUTAIN ! beuglai-je de toute ma rage en frappant mon cœur. CHAQUE SECONDE DE CHAQUE PUTAIN DE MINUTE ! EN CE MOMENT MÊME ! JE SENS SA DOULEUR CONSTANTE ! JE SENS SON CORPS QUI APPELLE DÉSESPÉREMENT LE MIEN, ET JE PEUX PUTAIN DE RIEN FAIRE ! ET ÇA FAIT MAL ! hurlai-je alors qu’une larme de rage coulait sur ma joue. ÇA FAIT TELLEMENT MAL, PUTAIN ! C’EST MON FRÈRE ! IL M’APPELLE ET JE NE RÉPONDS PAS ! À CHAQUE INSTANT, IL M’APPELLE AU SECOURS, ET MOI JE NE RÉPONDS PAS ! VOUS NE SAVEZ PAS ! 

Granger fit un pas vers moi et me tendit sa main, comme si j’avais besoin de son réconfort. Ils ne comprenaient rien. 

-       NE ME TOUCHE PAS ! lui retirai-je violemment mon bras. 

Je les regardais, la rage bouillant dans mes veines. Et son corps m’appelait. Et ils étaient là, à me regarder comme si j’étais fou. A me regarder comme si j’étais anormal. Comme si ma réaction était anormale. Je me mis à faire non de la tête, dégoûté du spectacle que j’avais sous les yeux. Ils me regardaient tous, interdits. C’était cela, ce que je récoltais pour leur avoir sauvé à tous la vie un nombre incalculable de fois ? C’était cela qu’ils faisaient, pendant que Theodore était torturé ? C’était comme cela qu’ils honoraient tous les sacrifices qu’il avait toujours faits pour nous ? C’était comme cela qu’ils l’aidaient ? En se plaignant de moi ? 

-       Je reste pas ici une minute de plus à attendre dans l’impuissance, crachai-je en essuyant ma larme d’un revers de manche appuyé. C’est le Grand Intendant qu’il veut, lâchai-je en marchant hors du salon, je vais lui donner le putain de Grand Intendant. 

D’un pas vif et décidé, je sortais du manoir et appelai Ragnar à moi. Avant même que je n’arrive au fond du jardin, il se posa devant moi dans un tremblement de terre. Sans m’arrêter une seule seconde, je prenais appui sur le sol et montait sur sa selle. D’un coup de talon, je lui ordonnai de s’envoler alors que j’entendais les autres protester derrière-moi. Qu’ils restent là, comme les subordonnés impuissants qu’ils étaient. Ils ne m’entraîneraient pas dans leur sage impuissance. 

Ragnar ne se permit aucun commentaire, ni aucune protestation. Lui m’avait attendu. Il avait attendu le Grand Intendant. Celui qui n’avait d’égal que le diable lui-même. Et comme moi, il y avait une chose qu’il ne pouvait supporter : sentir Theodore nous appeler, nous appeler en vain, sans cesse. C’était ainsi que les méchants naissaient. Ils ne naissaient pas avec l’âme sombre. Ils naissaient lorsque ce qu’ils chérissaient le plus était détruit. Ils naissaient lorsque ce qu’ils chérissaient le plus leur était enlevé. Leur trésor. Le trésor du dragon. C’était le dragon que Voldemort voulait. C’était le dragon qu’il aurait. 

Alors Ragnar vola. Il vola jusqu’à la grotte du Quartier Général. L’âme animée par la rage la plus profonde que je n’eus jamais ressentie, je pénétrais l’antre. D’un pas décidé, je la traversai jusqu’aux cachots en m’enfonçant dans la noirceur. Je n’en avais pas peur. J’étais plus noir que ça encore. Dix fois plus sombre, et cent fois plus terrifiant. J’arrivai rapidement devant les nouvelles recrues entassées sur la droite. Elles avaient peur de moi. Tant mieux. Sur ma gauche se tenait ce que j’étais venu chercher. Je l’entendis alors. J’entendis les gémissements étouffés de douleur de Theodore, désormais enfermé dans un cachot près de là où je me tenais. Mon cœur se serra. Je fermais les yeux l’espace d’une seconde. Mon corps demeurait continuellement suractivé, cherchant à le sauver sans pouvoir trouver satisfaction. Ce n’était pas en faiblissant maintenant que je le récupérerai. La mort au cœur, je me concentrai pour ignorer ses gémissements plaintifs. C’était mon frère, juste-là. Ses gémissements ne faisaient qu’attiser ma rage. Comment pouvait-il se permettre de me le prendre de la sorte ? Je me tournais vers la pile de cadavres des recrues sur la gauche qui n’avaient pas passé le test de Voldemort. Mon cœur pleura d’entendre Theodore souffrir. Je fis léviter la pile de cadavres au-dessus de moi, et sortait des cachots. Je reviendrais pour lui. 

-       Je suis là, lui envoyai-je à travers notre lien sans savoir s’il pourrait m’entendre. Je suis juste-là.

En maintenant les corps vides de vie en lévitation, je sortais de la grotte la mort dans l’âme, et retrouvai Ragnar à l’extérieur. Il reprit son vol, et obéi aux ordres implicites qu’il sentait vibrer en moi. Il voulait le Grand Intendant. Il voulait que je lui montre que j’étais le Grand Intendant. Il l’aurait. Le corps de Theo continuait d’appeler le mien sans cesse, maintenant mon corps dans un état d’alerte qui ne trouvait pas de repos, au même titre que mon désarroi ne trouvait pas de soulagement. 

Ragnar vola au-dessus d’un premier village. Je lui ordonnais de le cramer alors que nous passions au-dessus, les cadavres continuant de voler derrière moi. Il brûla les premières maisons. Je laissai tomber un premier corps sur ce village. Les premiers cris retentirent. Ragnar continua de brûler des maisons, des champs, des villageois. Je mobilisai ma magie en cherchant à soulager ces muscles qui demeuraient contractés en moi, prêts à se battre. Je lâchai un deuxième cadavre sur eux. Les cris d’horreur augmentèrent, et je ne trouvais pas satisfaction. Je lâchai un troisième cadavre sur eux. Ragnar continua de progresser dans sa course, le feu se répandant derrière-lui. Leurs cris animaient ma rage. Ils avaient peur ? Tant mieux. Ils avaient mal ? Tant mieux. Pourquoi devrais-je être le seul à avoir mal ? 

Mon dragon progressa dans sa course, et arriva bientôt au-dessus d’un deuxième village. L’âme vide de tout ressentiment, je commençai à balancer de nouveaux cadavres sur eux. Ragnar brûla plus de maisons. Il y eut plus de cris. Plus de familles décimées. Des gens sortaient de leurs maisons en flamme. Je laissai des cadavres tomber à leurs pieds. Ragnar avançait, et il brûlait leurs habitations. Un Grand Intendant dont la cruauté n’avait pas d’égal ? Il l’avait. Je ne ressentais rien pour eux. Ils étaient terrifiés ? Tant mieux. Ils mourraient ? Tant mieux. Ils perdaient des êtres chers ? Tant mieux. Je faisais pleuvoir les cadavres sur eux au même rythme que Ragnar décimait leurs villages. Que la mort s’abatte sur eux. Que le désespoir s’abatte sur eux. Que la terreur s’abatte sur eux. Que l’on me rende mon frère. 

Plus ils hurlaient, et plus je vibrais. Le pouvoir, je retrouvais. Du contrôle, je retrouvais. On me torturait ? Je torturais. On me menaçait ? J’étais la menace. On me défiait ? Je terrassais. A chaque nouvelle mort, mon frère était un peu plus proche de moi. Un peu plus proche de m’être rendu. Alors qu’ils crient. Qu’ils pleurent. Qu’ils meurent. Leurs vies ne signifiaient rien. Leurs hurlements attisaient ma haine. Pourquoi auraient-ils le droit de rester tranquillement au chaud dans leurs maisons, avec leurs être chers, pendant que moi je sentais mon frère être torturé à chaque instant ? Pourquoi avaient-ils le droit de choisir leur camp alors que le mien m’était imposé ? Pourquoi avaient-ils le luxe de s’endormir auprès de leurs êtres chers sans savoir ce qu’il se préparait ? Pourquoi pouvaient-ils dormir tranquillement pendant que moi je ne pouvais même pas fermer l’œil sans sentir mon frère m’appeler désespérément à l’aide ? 

Un nouveau village. De nouveaux cris. Des cadavres que je faisais pleuvoir sur les habitants. Leurs maisons qui cramaient. Des pleurs. Des morts. Le corps de Theodore qui m’appelait. Le rythme de mon cœur qui ne s’apaisait pas. Des cadavres que je faisais tomber sur eux. Le sang qui faisait trembler mes muscles. Le feu qui les terrassait. La nausée qui ne me passait pas. Des cadavres que je faisais pleuvoir sur leurs jolies petites vies tranquilles. Mes sueurs froides qui me faisaient trembler. Le corps de Theodore qui m’appelait. Des morts. Mes entrailles qui se tordaient de la douleur de Theodore. Sans cesse. Et je cramais. Et je faisais s’abattre la mort sur eux à la recherche désespérée d’un peu de soulagement que je ne trouvais pas. Innocents ? Peu importait. Enfants ? Peu importait. Plus ils étaient désespérés, plus j’étais animé. Ils partageaient un peu de mon désarroi. Au moins eux, ils comprenaient un peu de ma douleur. Leur peine faisait écho à la mienne. Leur impuissance faisait écho à la mienne. Au moins eux pouvaient fuir. Moi, je ne pouvais aller nulle part. Je ne pouvais ni me sauver, ni sauver les miens. Putain de chanceux. Et ils pleuraient ? Et ils hurlaient ? La putain de blague. Leurs maisons cramaient ? Oh, les pauvres. Des cadavres tombaient sur eux ? Terrible. Leurs mamans brûlaient ? Moh, abominable. Avaient-ils dû torturer leur père ? Avaient-ils assisté à son exécution ? Avaient-ils dû nettoyer son sang sur le parquet de leur maison ? Avaient-ils dû torturer leurs plus chers amis ? Les avaient-ils regardé vendre leurs âmes ? Les condamner à une vie de misère ? N’avaient-ils pas eu le droit d’aimer, et d’être aimé en retour ? Sentaient-ils l’être le plus cher qu’ils avaient mourir de l’autre côté et les appeler à l’aide sans pouvoir le sauver ? 

Ce n’était pas suffisant. Ce n’était pas suffisant. Ils n’auraient pas de procès. Qu’ils brûlent tous. Leur douleur n’était rien à côté de la mienne. Leurs pertes n’étaient rien à côté des miennes. Leur terreur n’était rien comparé à la mienne. Et ils avaient le luxe de pleurer ? Et ils avaient le luxe de fuir ? Non. Pas sous ma surveillance. J’étais leur bourreau, et c’était l’heure de leur exécution. Sous un village décimé par les flammes, je faisais pleuvoir les derniers cadavres. Ce n’était pas suffisant. La rage au ventre alors que Theodore continuait de me supplier de le sortir des enfers, je levai ma baguette vers le ciel. Dans un cri vibrant de désarroi qui déchirait ma gorge, je faisais apparaître la Marque dans le ciel. Un éclair gronda, faisant écho à mon hurlement enragé, et ma Marque se dessina dans le ciel. Leurs hurlements de terreur résonnèrent à travers le grondement des flammes. Je les regardais depuis ma hauteur. Le dégoût s’empara de moi. Leur douleur ne m’apaisait même pas. Elle n’était rien. Rien comparé à la mienne. Ils me révulsaient. C’était tout ce qu’ils étaient capables de supporter ? Ils ne méritaient pas de vivre. 

-       Pose-toi, ordonnai-je froidement à mon dragon. 

Il ne se baissa pas vers la terre. 

-       POSE-TOI ! hurlai-je de toute ma rage. 

Ce n’était pas suffisant. Ma rage me consumait. Mes muscles tremblaient. Mon corps ne trouvait pas de repos. Le corps de Theodore ne trouvait pas de repos. Chacune de mes cellules, chaque membre de mon corps vibrait et tremblait de le sauver sans pouvoir le faire. J’en avais physiquement mal. Comme un aimant. Comme un aimant qui me tirait désespérément vers lui et auquel je devais résister de toutes mes forces. 

-       POSE-TOI ! grondai-je avec une force vibratoire trahissant la rage qui m’animait. 

Ce n’était pas suffisant. Il devait me revenir. Je devais montrer que j’étais le Grand Intendant. Je devais être puissant. Je devais retrouver un peu de pouvoir. Je devais retrouver un peu de contrôle. Un exutoire. Quelque chose pour apaiser mon corps. Quelque chose pour soulager la contraction de mes muscles. Quelque chose pour apaiser ma douleur. Ils ne souffraient pas assez, eux. Ce n’était pas juste. Non, ce n’était pas suffisant. 

Ragnar se posa, et je sautai avec hâte de sa selle. D’un coup de baguette, je revêtais mon Masque. Le sourire aux lèvres, je m’élançais en courant vers eux. Le vent frappait mon corps brûlant. Les maisons cramaient autour de moi. Les parents sortaient des maisons en portant leurs enfants dans leurs bras. Certains corps étaient en train de brûler vif. L’odeur de la chaire cramée remplissait doucement mes narines. Ce n’était pas suffisant. J’avais faim. J’avais besoin de plus. De beaucoup plus. Cette douleur que j’avais autour de moi n’équivalait pas à la mienne, pas même un tout petit peu. 

Un hurlement de guerre vibra dans mon poitrail alors que je m’élançais seul au milieu de ces moldus. Je n’étais pas là pour faire des recrues. J’étais là pour tuer. Ils ne pourraient pas se défendre. Les trois quarts d’entre eux étaient sidérés, inertes devant l’imposant dragon qui se tenait derrière moi et brûlait ceux qui se trouvaient autour de moi. D’un coup de baguette magique, je déclenchais un nouvel incendie qui se répercuta sur les pâtés de maison qui se succédaient. J’élançais mon bras douloureux vers une famille qui se serrait les uns contre les autres. Un faible soulagement accompagna la magie noire qui quitta mon corps lorsque je leur lançai un avada à grande échelle. Ce n’était pas suffisant. Je continuais de courir, cherchant désespérément à soulager mes jambes qui cherchaient à courir vers lui, et j’hurlais à la recherche vaine d’un peu moins de douleur. Face à moi, un homme tendait un objet métallique vers moi. Je sourirais sous mon Masque. De l’espoir brûlait dans ses yeux. L’espoir de pouvoir m’abattre. Oui, je sourirais. Ceux qui avaient de l’espoir étaient les plus satisfaisants à éteindre, parce qu’ils y croyaient encore, et qu’il y avait plus à leur prendre. Où étaient mes espoirs, à moi ? On m’avait tout pris. On m’avait pris mon frère. 

-       VAS-Y ! hurlai-je vers cet homme sur lequel je fonçais tandis qu’il demeurait statique.

Plus j’approchais, plus il me semblait que son objet tremblait. 

-       DÉFENDS-TOI ! ordonnai-je à pleins poumons. 

Quelque chose sortit de son arme avec un bruit brutal et percutant, comme une petite explosion assourdissante qui venait déchirer l’air jusqu’à moi. Je me jetais sur le sol, effectuait une roulade et évitait la trajectoire de ce qu’il avait lancé vers moi. Je me relevais et reprenais directement ma course le sourire aux lèvres. Un nouvel avada s’échappa de mon corps pour m’apporter une seconde d’apaisement alors que le corps de Theodore continuait sans cesse de m’appeler au secours. L’homme tomba mort, et je marchais sur son cadavre en continuant ma course. Qui venait le délivrer de ses douleurs, lui, mon frère ? J’étais trop bon avec eux. Le bruit de sirènes retentit en une musique répétitive, et des véhicules moldus aux lumières bleues et rouges arrivèrent bientôt pour m’encercler tandis que j’exterminais tout sur mon passage. Je sourirais. Des hommes en sortirent, brandissant ces mêmes objets vers moi, m’ordonnant de me rendre. De me rendre ? Je riais. Je portais ma baguette à ma bouche et cessai ma course pour leur faire face. J’inspirai profondément, et laissai sortir de moi toute ma rage. Toute ma douleur. Toute ma magie noire sur le bout de ma baguette. L’air de mes poumons se transforma en un nuage de flammes qui virevolta au-dessus de moi avant que je ne me penche en avant pour l’envoyer en d’épaisses vagues vers eux. Certains hurlèrent. Des bruits de petites explosions retentirent. Je lançai un protego important autour de moi. Un profond bruit d’ailes raisonna, et l’ombre imposante de Ragnar emplit mon champ de vision alors qu’il écrasait des véhicules de ses pattes en se positionnant devant moi, grondant d’une force vibrante impressionnante. Il les brûla à son tour en un cri sourd. Je courrais jusqu’à lui et remontait sur son dos. Quand il prit de la hauteur, je constatais du carnage qui se dessinait sous nous, l’adrénaline pulsant encore dans mes veines. Ils brûlaient. Ils hurlaient. Ils mourraient. Mes muscles épuisés trouvèrent un apaisement l’espace d’une seconde, et je souriais, comme hébété de cette courte sensation de répit. Puis le corps de Theodore m’appela encore au secours. 


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