Dollhouse

Chapitre 61 : Échec et mat

14298 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Quand bien même Blaise avait dit qu’ils partaient se coucher, mes trois amis étaient dans notre salon en train de boire un verre lorsque je pénétrais à nouveau le manoir après avoir escorté Granger dehors. Je les rejoignais en le regrettant presque déjà, les regards joueurs et taquins de Pansy et Blaise rivés sur moi sans me lâcher une seule seconde. J’allais en prendre pour mon grade, c’était certain. 

-       Eh bah bel étalon, c’est plus un sprint que tu nous as fait là, t’étais autant en manque que ça ? se mit-il à rire en se moquant ostensiblement de moi. 

-       Je vous avais dit que je coucherai pas avec elle, leur répétai-je encore en m’enfonçant dans le salon avec eux. 

Ils étaient déjà à leurs places respectives. Pansy leva un sourcil circonspect vers moi. 

-       Pour une fois que tu tiens parole, au seul moment où j’sais pas si ça fait encore une quelconque différence, déclara-t-elle doucement avant de prendre une petite gorgée de son verre. 

Je m’écroulais dans le canapé et laissais un profond soupir nettoyer mes poumons de tout l’air qu’ils avaient emmagasiné. Blaise me servit un verre et me le tendit depuis son coin de la table basse. Je l’acceptai avec plaisir, j’en avais bien besoin. 

-       Qu’est-ce que tu veux dire par là ? questionnai-je Pansy après avoir pris une gorgée méritée. 

Notre amie haussa lassement les épaules. 

-       Que si on va tous se rendre coupables de trahison en faisant alliance avec elle, j’crois qu’le fait que tu la baises ce sera le cadet de tes soucis si on se fait prendre. 

Je soupirai une nouvelle fois. Elle ne comprenait pas. Personne ne comprenait vraiment, il me semblait. 

-       Ça n’a rien à voir avec le fait de coucher avec elle, tentai-je alors, c’est une question de sentiments que je ne peux pas me permettre. 

Theodore pouffa doucement sur ma droite. Je tournais un visage inquisiteur vers lui. 

-       Quoi ? lui adressai-je donc. 

-       Parce que tu crois vraiment que le fait que tu couches avec elle ou non ça change quelque chose à tes sentiments ? me renvoya-t-il immédiatement. 

Non, personne ne comprenait, décidément. C’était fatiguant. Il était minuit largement passé, j’avais utilisé toute ma force pour maintenir des murs en béton armés face à Granger, et j’étais fatigué. Je n’avais pas la force de passer des heures à expliquer le pourquoi du comment il était important pour moi de maintenir une distance physique avec Granger pour parvenir à contrôler mes émotions, et ainsi demeurer le Grand Intendant que je me devais d’être. 

-       Ça change quelque chose sur le sentiment de contrôle que j’ai, défendis-je ma position, et c’est pas la question de toute façon, pourquoi on parle de ça ? Mêlez-vous d’vos culs, pestai-je finalement. 

Blaise dressa les paumes de ses mains vers moi :

-       Ok chef, recula-t-il avec un sourire. 

Je prenais une nouvelle gorgée de mon verre avant de leur poser la question fatidique. Je l’avais faite venir, il ne me servait à plus rien de fuir désormais. Theodore resterait. 

-       Alors, vous en avez pensé quoi ? demandai-je donc. 

L’ambiance changea drastiquement sous mes mots. Pansy et Blaise baissèrent leur regard, tout sourire moqueur ayant quitté leurs visages machiavéliques, tandis que Theodore me regardait gravement. Lui, je n’avais pas besoin qu’il parle pour savoir. Sur un ton voulu léger, Pansy essaya : 

-       Qu’elle a pas changé d’un poil, la miss-je-sais-tout. 

Je lui adressai un sourire en coin, quand bien même il me semblait qu’elle aurait difficilement pu avoir aussi tort qu’en déclarant cela. La Granger que nous avions rencontré ce soir était une Granger qui avait déjà été affectée par la Guerre, peut-être même par moi et ce que cela lui faisait désormais de m’aimer en sachant ce que j’étais et ce que je faisais, ou peut-être même encore l’inquiétude alors qu’elle m’aimait, je ne le savais pas. 

Pansy redevint plus sérieuse quand elle reprit, me tirant de mes pensées : 

-       Et que je vois pas vraiment d’alternative plus envisageable que ce qu’elle propose, même si je dois avouer que je me pose de sérieuses questions sur le fait qu’on puisse lui faire confiance à ce point. Elle pourrait tout aussi bien décider de nous la mettre à l’envers, et dans ce cas-là on crève tous, nota-t-elle gravement en posant ses yeux sérieux sur moi. 

-       J’y crois pas une seule seconde, rétorqua calmement Theo depuis son canapé. 

Pansy leva les yeux au ciel avant de tourner un regard las vers lui : 

-       Ouais, on a compris que tu la kiffes l’fantôme. 

-       Ça n’a rien à voir avec l’affection que je peux lui porter, argumenta-t-il sans broncher, c’est une question de confiance. Et je suis prêt à parier nos quatre vies qu’on peut compter sur elle les yeux fermés, déclara-t-il avec une foi inébranlable. 

-       Je pense pas non plus qu’on a grand-chose à craindre de ce côté-là, admit un Blaise tout aussi sérieux, si elle avait voulu nous la mettre à l’envers elle aurait pu le faire à Poudlard depuis longtemps. 

Pansy soupira avant de boire une nouvelle gorgée de son verre, et je la regardais. Je n’agirai sur aucune décision avec laquelle elle ne serait pas d’accord, même si elle était la seule. Elle en était déjà morte. Si elle ne suivait pas, je ne ferais rien. 

-       De toute façon je sais pas si on a vraiment le choix, dit-elle tout bas en regardant son verre entre ses doigts fins. 

-       Si, appuyai-je vers elle, il n’y a rien d’obligé, et je n’agirai que sur une décision prise à l’unanimité. 

Elle leva les yeux vers moi et m’adressa un faible sourire alors que je lui rendais la profondeur de son regard. Elle n’était pas seule, j’étais avec elle. Si elle ne voulait pas le faire, nous ne le ferions pas. C’était la profondeur de mon engagement envers elle. En cet instant, je vis que cela la toucha. 

-       En ce qui me concerne, reprit Blaise très sérieusement, sachant que si on fait ça on risque de finir à Azkaban si on survit jusqu’à la fin, je préfère m’accrocher à ce qu’il reste encore d’humain en moi, et pouvoir me dire que j’ai essayé de faire ce que je pouvais pour qu’il ne gagne pas, quitte à finir à Azkaban, plutôt que de rester en vie enchaîné à lui jusqu’à ce que je meure physiquement, alors que je serais mort intérieurement depuis déjà longtemps. 

Tout doucement, Pansy murmura en acquiesçant :

-       Moi aussi.

Je tournais les yeux vers Theo. Il me souriait tendrement. Nous y étions. Ils étaient tous d’accord. Je les regardai tous, les uns après les autres. Il m’incomberait de m’assurer qu’ils restent en vie et que nous demeurions insoupçonnés jusqu’à la fin, sinon je passerai l’éternité dans une cellule, leurs cadavres pourrissant à mes pieds. Cela n’était pas une option. Oui, il m’incomberait de parvenir à être un Grand Intendant tellement crédible que notre trahison ne serait jamais révélée avant l’heure. Ensuite, Granger les rendrait libres. Blaise, Pansy, Theo. Elle les rendrait tous libres, oui, en cela je lui faisais amplement confiance, et si ses arguments ne suffisaient pas, j’appuierai leur défense moi-même, et ils seraient finalement libres, et quoi que ce soit qui demeurerait de leur âme serait sauvé. Moi, je serai emprisonné ou exécuté. Mais eux seraient libres. Je faisais tout cela pour eux. Theodore aurait une autre vie. Toute une vie pour récupérer Pansy. Il n’y avait pas de question à se poser. 

Je soupirai et acquiesçai. 

-       Et toi ? me demanda doucement Pansy. 

Je lui souriais tendrement. 

-       Quel genre de Grand Intendant je serai si je n’emmenai pas ma troupe vers la liberté ?

Elle me rendit la tendresse dans mon sourire, et mon cœur se réchauffa. Oui, pour eux. Il n’y avait pas le moindre doute. Ils méritaient tout le bonheur du monde. Ils méritaient bien plus que la vie que je leur offrais-là. Ils méritaient d’en sortir libres. 

Quelques instants plus tard, alors que Blaise et Pansy étaient tous les deux partis se coucher, Theodore étant resté pour, je le savais, avoir une conversation avec moi qu’il ne gardait que pour nous. Je tournais les yeux vers lui dès que nous furent seuls, et il me sourit, lui aussi. 

-       On fuira, me chuchota-t-il alors. 

Je le regardais, incrédule. 

-       On sait tous les deux que Granger est assez brillante pour les défendre tous les deux, et ils pourront être libres, explicita-t-il alors. Mais peut-être pas moi, et certainement pas toi. Alors le moment venu, on fuira. Ils seront libres, et s’ils le souhaitent ils pourront nous rejoindre un jour. Mais toi et moi, on fuira, déclara-t-il avec la force calme qui lui appartenait. Je te laisserai pas te sacrifier pour nous Drago. 

Des larmes montèrent à mes yeux sans que je ne le contrôle vraiment. Je ne savais pas si c’était parce que j’étais trop fatigué, trop épuisé par l’occlumencie dont j’avais dû faire preuve, ou si c’était le poids de cette nouvelle décision que nous venions de prendre et tout ce qu’elle impliquait de terrifiant, ou tout simplement l’effet de ses mots à lui sur moi, mais les larmes montèrent à mes yeux. Je voulais y croire, à ces mots-là. Alors je le regardais, je regardais à quel point il n’y avait pas une once de doute ou de peur dans ses incroyables yeux bleus. Je me laissai porter par à quel point tout était si simple quand c’était lui qui disait les choses, à quel point il était facile de placer une confiance inébranlable en lui et en ses plans, et j’acquiesçai en sa direction. 

Je ne pouvais faire autrement que d’être confronté au fait que chaque fois que moi je flanchais, lui tenait. Je ne pouvais faire autrement que de remarquer que chaque fois que je doutais, lui était sûr. Je ne pouvais faire autrement que de noter que chaque fois que j’étais terrifié, lui était serein. Non, je ne pouvais faire autrement que de me répéter sans cesse que cela aurait dû être lui à ma place, et que nous aurions tous été en sécurité depuis le début. Il aurait toujours su quoi faire et comment le faire. Il n’aurait jamais flanché, jamais fléchit, jamais hésité. Il aurait été la stabilité calme et puissante que le Grand Intendant se devait d’être. Il aurait été parfait. 

-       Ça aurait dû être toi, murmurai-je alors avec vulnérabilité. On aurait tous été en sécurité, tu aurais fait tout ce qu’il fallait. Ça n’aurait jamais dû être moi, avouai-je tout haut ce que je pensais depuis trop longtemps tout bas. 

Il se redressa depuis son canapé sur ma droite, ses coudes trouvant leur place sur ses cuisses alors qu’il se penchait vers moi, ses somptueux yeux bleus dans lesquels brillait l’intégralité de mon monde rivés dans les miens. 

-       Tu sais Drago, commença-t-il doucement, il y a deux catégories de personnes. Il y a celles qui ne valent pas grand-chose mais qui se font passer pour des génies, et avec qui la mascarade ne dure qu’un temps parce qu’on finit toujours par se rendre compte qu’au fond, c’est vide. Et puis il y a celles qui valent beaucoup, celles qui excellent dans ce qu’elles font mais qui n’ont aucune estime d’elles-mêmes, parce que si elles finissent par exceller dans ce qu’elles font c’est parce qu’elles pensent qu’elles n’en font jamais assez, continua-t-il tandis que je buvais ses mots. Et ces personnes-là ne voient pas ce que les autres voient d’elles, parce qu’elles se sentent comme des moins que rien alors que les autres autour d’elles passent leur temps à se demander comment elles font pour être aussi incroyables, et à les envier. Tu fais partie de ces personnes-là, déclara-t-il avec un tendre sourire. Le fait que tu aies parfois peur, que tu doutes, ou que ça te soit difficile c’est normal, c’est l’inverse qui ne le serait pas. Ce qui fait la différence c’est que dans tous les cas, tu fais ce que tu as à faire avec brio. Que tu aies la boule au ventre, l’impression que tu vas mourir ou qu’à l’intérieur tu pleures pendant que tu le fais, ce n’est pas important. Ça ne te rend que plus fort encore, parce qu’alors que tu es terrifié comme ça, tu le fais quand même brillamment. Et tu ne t’en rends même pas compte parce que toi tu te sens terrifié à l’intérieur. Mais ce que tous les autres voient c’est quelqu’un qui gère, parce que c’est le cas, appuya-t-il gravement alors qu’une larme perlait finalement sur ma joue. Malgré tous tes états d’âme, tu gères. Ça n’existe pas, quelqu’un de censé qui fait des choses effrayantes sans avoir peur aussi, à moins d’être tout bonnement un malade mental, et les malades mentaux finissent par faire des erreurs qui ne pardonnent pas. Tu es le plus brillant d’entre nous Drago, et c’est pas peu dire quand on connaît les niveaux académiques de Blaise et Pansy. Ceux qui ont la force combattent, et ceux qui ont la stratégie dirigent, c’est comme ça depuis la nuit des temps. Je suis peut-être ton meilleur soldat, mais tu es le meilleur dirigeant qui puisse être, m’offrit-il alors que je me noyais dans ses yeux. Tu es celui qui va analyser chaque détail de chaque situation et parvenir à trouver la meilleure stratégie possible pour obtenir le meilleur résultat, et c’est aussi pour ça qu’on en est là et que Granger a eu besoin de venir s’allier avec nous pour avoir une chance de gagner à la fin, parce que tu es trop bon. Ce n’est pas les soldats, ce sont les soldats en fonction des ordres qui leur sont donnés. Ce n’est pas une erreur, et non ça n’aurait pas dû être moi, c’était écrit tout le long que ce serait toi, appuya-t-il vers moi avec détermination. C’est toi qui avais un dragon prêt à se transformer à l’instant même où tu es devenu celui que tu étais destiné à être, tu te rappelles ? Les Opaloeils connaissent les destins de leurs Maîtres, et choisissent ceux qui à un moment donné auront réellement besoin d’eux, me rappela-t-il alors. Ce n’était même pas ton père dans sa propre guerre. C’était toi. Ça a toujours été toi. C’est toi le dragon, Drago. Ça a toujours été toi. C’était censé être toi depuis le début, acheva-t-il avec une confiance inébranlable. 

Les larmes perlaient sur mes joues alors que je continuais de me noyer dans le bleu céruléen de ses yeux. Je ne pleurais pas parce que j’étais triste, ni parce que ses mots me touchaient trop. Non, je pleurais parce qu’une nouvelle fois, avec ce pouvoir surnaturel qu’il avait sur moi, il avait enlevé en quelques mots aussi sages que justes un poids qui, jusqu’alors, m’écrasait violemment. Parce qu’il avait raison. Parce qu’en cet instant, je savais qu’il avait raison. Parce qu’il avait débloqué à l’intérieur de moi avec quelques mots ce qui me paralysait le plus dans cette nouvelle vie. Parce qu’il avait suffi de quelques mots de sa part pour que ma perspective sur cette nouvelle vie change intégralement. Parce que je réalisai une nouvelle fois, et d’une façon finalement assez effrayante que tout n’était qu’une question de putain de point de vue. Que parfois il suffisait de prendre de la distance, ou de se regarder au travers des yeux de quelqu’un qui nous aimait pour nous rendre compte d’une toute autre vérité que celle que l’on vivait, et qui nous empoisonnait. Parce qu’une nouvelle fois, l’amour qu’il avait pour moi et la sagesse de ses mots représentaient l’antidote ultime à chacun des poisons qui tâchaient mon sang et obscurcissaient mon cerveau. Et il me semblait qu’il n’existait pas une définition de l’amour plus concrète que celle-ci. 


Avec la nouvelle urgence que représentait les ripostes de l’Ordre et du Ministère, j’avais passé la journée suivante à continuer de refournir les équipes pour pouvoir reprendre les rixes suivantes avec le moins de risques pour nous. Quand bien même nous avions décidé de faire alliance avec Granger, je devais continuer d’être le parfait Grand Intendant pour que nous demeurions parfaitement insoupçonnés. Theodore m’avait aidé une bonne partie de l’après-midi, m’apportant un regard de plus, plus centré sur les capacités de combat de chacun qui venait compléter ma stratégie plus intellectuelle de sa pratique. Nous formions la parfaite équipe, en somme. 

Vers la fin d’après-midi j’avais prévenu Blaise et Pansy que je me rendrais, accompagné de Theo, à la Maison de Joie ce soir-là parce que je devais converser avec Arnold Foe, le politicien d’une quarantaine d’années particulièrement intelligent et informé sur les rangs pour lui demander son point de vue sur certains des membres, avant de clôturer les nouvelles équipes. Puisqu’il ne s’était rien passé de dramatique la dernière fois que nous nous y étions rendus, Blaise et Pansy avaient décidé de nous y accompagner, et j’avais accepté sans rechigner. Suite à cela, Theo et moi étions remontés dans le bureau de mon père pour clôturer notre journée tandis que Blaise, seul, nous avez rejoint. 

-       Je voulais juste vous prévenir que Pansy pose de plus en plus de questions sur Theodore, et sur votre relation à tous les deux, nous apprit-il alors. Je voulais vous dire que je lui avais raconté votre histoire, et celle de ton enfance, déclara-t-il vers mon frère, qui acquiesça en réponse. 

-       Merci de nous avoir prévenus, reconnus-je alors. 

Il avait acquiescé à son tour et s’apprêtait à s’en aller tandis que je l’arrêtais en le sommant : 

-       Tant que tu es là, et puisqu’on va faire alliance avec Granger, commençai-je sur un terrain que je savais glissant, j’avais quelque chose à te demander. 

Il se retourna vers moi, attendant la question que j’avais peur de lui poser. 

-       Est-ce que…, tentai-je difficilement, est-ce que tu pourrais la pardonner ? 

Theodore s’éclipsa discrètement du bureau, nous laissons tous les deux face à cette discussion que je n’osai pas avoir depuis trop longtemps, mais qu’il me semblait nécessaire en ces nouvelles conditions. Il me sourit, non pas d’un large sourire amical, mais d’un tendre petit sourire quelque part plus chaleureux encore. 

-       Pansy est assez rancunière pour deux, me répondit-il alors à voix basse. 

Je lui rendais son sourire, conscient que cela signifiait qu’il parviendrait à faire un pas vers elle, et à apaiser le passé. Sans que je ne sache trop pourquoi, cela était important pour moi. J’hésitai alors que je posai une question plus terrifiante encore : 

-       Et à moi ? Est-ce que tu pourrais me pardonner à moi ? 

Il me sonda un instant, et je le laissai faire. Cela empoisonnait nos rapports depuis la mort de Pansy, et ni lui, ni moi n’en parlions jamais. C’était simplement là, constamment flottant entre nous, teintant chacune de nos interactions d’une ombre qui ne nous quittait pas. Il baissa finalement les yeux et dit doucement : 

-       Écoute, ne parlons plus de ça, d’accord ? 

J’avais trouvé le courage de me lancer dans cette discussion effrayante, ce n’était pas pour faire demi-tour maintenant. Je savais que Blaise était un professionnel de l’évitement, et je savais que je pouvais sans problème le suivre là-dedans. Mais c’était de notre relation dont il était question, et il importait trop pour moi pour que je le laisse me fuir de la sorte. 

-       Je veux pas que ça reste comme non-dit entre nous, et que ça empoisonne notre relation, insistai-je alors. 

Il considéra mes mots avant de soupirer, détestant probablement autant que moi la conversation que nous étions en train d’avoir. Blaise n’était pas vraiment fan ni des confrontations, ni des conversations aussi profondes que désagréables. S’il pouvait simplement fuir, cela lui allait tout aussi bien. Mais pour moi, il fit l’effort, et je savais que cela attestait de l’amour qu’il avait encore pour moi. 

-       Est-ce que je pense qu’on aurait dû écouter Pansy quand elle nous a expliqué à quel point c’était une mauvaise idée que tu sois en relation avec Granger ? Oui, déclara-t-il alors, effectivement, parce qu’elle avait clairement raison. 

J’accusai sa réponse alors qu’il humidifiait le bout de ses lèvres avant de continuer gravement :

-       Mais je comprends que toi aussi, tu avais le droit à un peu de bonheur dans toute cette énorme merde. 

Je sentis mon poitrail se gonfler d’un air qui était bientôt accompagné d’une bouffée de chaleur. Je savais que Blaise était le seul de mes amis qui me voyait vraiment pour ce que j’étais dans toute cette situation : coupable. Son absolution à lui, en cela, était celle qui avait le plus de poids à mes yeux. Je ne me défiais pas à son regard, peu importait à quel point il me faisait peur, parce qu’il me voyait pour ce que j’étais. Un égoïste qui avait risqué la vie de ses amis qui avaient tout sacrifié pour lui, pour un peu de plaisir. 

-       Maintenant, tu as payé, reprit-il plus bas. Tu nous as rendu Pansy au prix de ton âme. Alors en ce qui me concerne, on est bon, prononça-t-il finalement son verdict. 

Je baissai mon visage sur le bureau alors qu’un nouveau poids trop lourd à porter s’allégeait sur mes épaules. Les larmes montèrent à mes yeux et dégoulinèrent le long de mes joues avec une rapidité frappante. Il me pardonnait. Après tout cela, après ce que j’avais fait, il me pardonnait finalement. Il ne pouvait exister une mise en mots qui traduirait fidèlement ce que je ressentais. Quand bien même je ne pouvais effacer entre moi et moi ce qu’il s’était passé, ni le poids de ma culpabilité, son pardon à lui importait plus que je ne m’en étais douté jusqu’alors. Il était mon ami depuis plus d’années que je ne pourrais les compter, bien avant Poudlard. Depuis le début. Le mien, et celui de Theodore. Il faisait partie de nous, lui aussi. Partie de moi. Je l’avais perdu, ce lien avec lui, depuis la mort de Pansy. S’il demeurait présent en surface, quelque chose avait été brisé entre nous, et ce plus encore alors que j’avais pris position ferme pour Theodore, et lui pour Pansy. Mais nous étions amis. Lui et moi, nous étions amis. Il était mon ami, lui aussi. Et son importance pour moi était loin d’être anecdotique. 

-       Oh non te mets pas à chialer, se mit-il alors à rire alors que je pleurais à chaudes larmes. 

Je relevais le visage vers lui et riais avec lui. Il me souriait. Il me souriait chaleureusement. Il y avait à nouveau dans les yeux qu’il posait sur moi de l’amour. Quelque chose de doux et de brillant, quelque chose que je n’avais plus vu depuis trop longtemps lorsqu’il me regardait, moi. Cela ne me fit que pleurer plus encore. J’avais failli le perdre, et je le savais. Il n’existait pas de liens qui soient inconditionnels. Il existait toujours une limite qui ne devait pas être franchie, une limite qui, lorsqu’elle était traversée, laissait des traces. Je savais que ce que j’avais fait était l’une de ces limites franchies-là, tout en étant parfaitement conscient que les limites de Blaise étaient anormalement larges. Mais j’étais allé trop loin. Je lui avais pris sa meilleure amie. J’avais pris le bonheur de sa meilleure amie à un moment où il jugeait que j’aurais dû raisonner Theodore, mais trop coupable que j’étais, je m’y étais refusé. Et il me pardonnait. Malgré tout, il me pardonnait. Incroyable. Il était incroyable, cet homme devant moi qui me souriait avec ses yeux. Je ne pleurais que plus encore quand il ouvrit ses bras sur les côtés, prêt à m’accueillir. Un large sourire s’étala sur ses lèvres pulpeuses quand il m’invita : 

-       Viens voir papa. 

Je riais encore à travers mes larmes quand je me levais de mon bureau pour venir rencontrer son torse et serrer sa taille de mes bras. Il m’entoura des siens, les muscles durs qui composaient son corps m’encerclant de toutes parts, et son odeur boisée se répandant dans mes narines. Je n’étais pas certain d’avoir déjà partagé un câlin avec lui, et lui seulement. Je n’étais pas certain que de toute notre vie, et de toute notre amitié, il m’avait déjà ouvert ses bras de la sorte. Tous ensemble, cela oui. Pansy et lui, cela aussi, fréquemment même. Mais lui et moi, tout comme lui et Theodore, il me semblait que cela n’était encore jamais arrivé. Cela ne faisait qu’attester de l’importance et de la profondeur de l’instant que nous partagions tous les deux. Et cela ne me fit que pleurer plus encore. Il faisait partie de ces gens qui n’offraient que très rarement des mots d’amour, plus encore des gestes d’amour, si l’on ne considérait pas le fait qu’il parvienne à rendre nos vies constamment plus légères grâce à la chaleur de son rire et la profondeur de sa bêtise comme des gestes d’amour. C’était cela, son langage de l’amour à lui. Cela rendait ce qu’il m’offrait-là seulement plus précieux encore, alors je m’en délectais. Je me laissai profiter de son odeur profondément boisée, je laissai mes bras être élargis par la taille proéminente de ses muscles, et je laissai ses bras imposants me serrer contre lui autant qu’il me le permit, et mon cœur se réchauffa de son amitié que je retrouvais. 


Ce soir-là, à la Maison de Joie, j’avais donc rejoint Foe pour prendre un verre avec lui. Il s’avérait qu’il était le seul Mangemort ne faisant pas partie de mon clan à qui je faisais à peu près confiance. Il m’avait donné de bons conseils à plusieurs reprises, se montrait toujours aussi poli que respectueux envers moi tel le politicien expérimenté qu’il était, et m’avait présenté aux personnes qu’il fallait au moment où il le fallait. De moi-même, j’avais à nouveau sollicité son expertise à propos de certains membres que je connaissais encore trop peu, dans l’espoir de former des équipes qui tiendraient le choc des futures rencontres avec l’Ordre et le Ministère. 

-       Monsieur Malefoy, quel plaisir de vous croiser ici ce soir, m’avait-il accueilli dans le salon principal, ses yeux vert brillant d’intelligence me souriant. 

-       C’est un plaisir partagé Monsieur Foe. Malheureusement, je ne suis pas venu pour le plaisir, lui appris-je sans ne plus attendre. 

Je ne souhaitais jamais m’éterniser dans un tel lieu. 

-       Ah, qu’êtes-vous donc venu faire ici ? me questionna-t-il alors qu’il prenait une gorgée de son verre de whiskey sans glace. 

-       Je voulais solliciter votre avis sur les affaires une nouvelle fois. 

Il me regarda avec ses yeux pétillants avant d’acquiescer en ma direction. 

-       Souhaitez-vous que nous nous écartions ? proposa-t-il alors que nous étions entourés d’autres Mangemorts.   

Je me retournais en la direction de mes amis. Ils buvaient un verre tous les trois un peu plus loin. Theodore était avec eux, ils étaient donc en sécurité. Je pouvais être tranquille. 

-       Avec plaisir, acquiesçai-je alors. 

Je le suivais alors qu’il menait le chemin vers l’escalier de la maison qui menait à l’étage que je découvrais pour la première fois. Un long couloir plongé dans une lumière incroyablement sombre offrait de multiples pièces sur la droite et la gauche de celui-ci. Je me sentis immédiatement mal à l’aise, l’ambiance changeant ostensiblement. A l’étage, il n’y avait pas de musique. Tout ce qui raisonnait étaient des gémissements tantôt féminins, tantôt masculins qui se répondaient en écho, les bruits de la peau des Mangemorts en rut rencontrant celle des prostituées. L’odeur était abominable, le lieu empestait le sexe à plein nez. Sur la droite, une porte était ouverte. Alors que nous passions en marchant devant elle, une femme brune était à quatre pattes sur un lit tandis qu’un Mangemort la pénétrait, cinq autres d’entre eux disposés autour du lit, aussi nus que des vers, chacune de leurs mains sur leurs propres sexes qu’ils malaxaient comme des animaux. Une nausée de profond dégoût monta en moi alors que je continuais d’avancer en me concentrant pour ne plus laisser mes yeux vagabonder dans les embrasures des portes trop rarement fermées. 

Arnold Foe s’arrêta finalement face à une porte ouverte sur la gauche donnant sur une chambre vide dans laquelle il m’invita à entrer. Il y avait en son centre un lit bordé, et quelques fauteuils autour de celui-ci. Foe referma la porte derrière nous, et ni lui, ni moi ne nous asseyons sur quelconque fourniture de la pièce. 

-       Navré pour le décor lugubre, mais nous n’avons pas vraiment de bureau à disposition ici, s’excusa-t-il avec un sourire. Je vous écoute Monsieur Malefoy, dites-moi ce que je peux faire pour vous ? 

Je lui exposai alors la situation sur nos rixes avec l’Ordre et le Ministère, et les pertes et dommages que nous avions déjà subis, ainsi que ma stratégie de fournir plus généreusement les équipes. Je lui donnai les noms sur lesquels j’avais de doutes quant à leurs points forts ou capacités, et comme il l’avait déjà fait auparavant, il me donna des conseils avisés sur ceux d’entre eux qu’il connaissait déjà. Les autres, trop nouveaux pour qu’il les connaisse, rencontrèrent les limites de son savoir, mais il promit de se renseigner comme il le pouvait pour me faire part le plus rapidement possible des résultats de ses recherches. Je m’apprêtai à le remercier et à retrouver les miens quand il ajouta : 

-       Ils commencent à vous respecter, vous savez. 

J’acquiesçai en sa direction. Je m’en étais bel et bien rendu compte, en effet. Si je n’avais pas encore fait l’unanimité, l’ambiance à mon égard avait largement changée depuis que j’avais obtenu des résultats conséquents au travers de mes ordres et stratégies. 

-       Je sais, oui, lui confirmai-je alors. 

Il me sourit, les rides au creux de ses lèvres attestant du fait qu’il le faisait souvent. 

-       Vous faites un travail remarquable Monsieur Malefoy, plus remarquable que je ne l’avais imagé je dois l’avouer, m’accorda-t-il doucement. Nous serions bien aises de vous avoir pour Grand Intendant, je voulais que vous sachiez que j’appuyais votre nomination officielle au titre, qui je n’en doute pas, ne serait tarder. 

Je pondérai ses mots, et me demandait ce que je pouvais y répondre. J’avais appris, au cours de ma vie, qu’il fallait toujours se méfier des flatteries, quand bien même je commençais à lui faire franchement confiance, autant que l’on pouvait faire confiance à un Mangemort. Je décidai de simplement acquiescer en sa direction en réception de ses mots. 

-       Si je puis néanmoins me permettre, continua-t-il encore, à votre place je me méfierai de Monsieur Maxwell, qui se trouve être dans votre équipe. 

Il marqua une courte pause avant de reprendre :

-       Les chiens fous ont tendance à provoquer des problèmes de toutes sortes. De plus de sortes que l’on l’imagine souvent, appuya-t-il avec un sourire. 

Je lui souriais en retour. 

-       C’est pour ça qu’il est dans mon équipe, confirmai-je ses réserves avant de le saluer. 

Je n’avais pas traîné à l’étage plus longtemps et était aussi rapidement que possible redescendu dans le salon floral immonde en gardant mes yeux rivés sur le sol en traversant ce couloir de la mort. De la musique légère raisonnait à nouveau, les bruits de sexe et son odeur nauséabonde me quittant petit à petit. Je tournais le visage vers la gauche à la recherche de mes amis depuis l’encadrement de la porte. Ils étaient là, tous trois en train de boire un verre ensemble. Pansy portait un pantalon noir plutôt moulant, et un col roulé de la même couleur qui moulait son torse pour une fois dépourvu de bandage. Theo ne portait pas de costume, lui non plus. Il était tout de noir vêtu, comme Pansy, son pantalon moulant ses cuisses musclées au même titre que son même col roulé moulait ceux de son torse. Blaise, quant à lui, portait un costume vert foncé, apparemment décidé à séduire ce soir. Ce dernier avait le sourire aux lèvres, il semblait raconter une blague ou en tout cas une connerie, ses yeux joueurs fixés sur Pansy face à lui. Cette dernière balança son visage en arrière, ses cheveux volant avec ce geste, ses lèvres s’entre-ouvrant largement pour laisser un rire éclater, ses miettes venant rencontrer mon cœur. Theodore, à côté d’elle, posait sur elle un regard surnaturellement illuminé alors qu’il la regardait faire, un tendre sourire dessiné sur ses lèvres pleines. Ma famille. Je ne le pensais pas seulement en mots, je le ressentais au plus profond de moi, une vague de chaleur éveillant des picotements agréables à l’intérieur de l’intégralité de mon corps. Les miens. Les meilleurs qui soient. Ma famille. Celle pour laquelle je ferai n’importe quoi. 

Je les avais finalement rejoints et avait partagé un verre avec eux dans une ambiance apaisée, nos sourires ne quittant pas nos lèvres tandis que nous ne laissions pas l’opportunité aux Mangemorts autour de nous d’amoindrir notre plaisir. Alors que la musique raisonnait dans la pièce immonde, Blaise avait pris la main de Pansy et l’avait faite danser en son centre, Theodore et moi restant à l’écart pour les regarder avec amour. Les sourires ancrés sur les lèvres de nos amis valaient tout l’or et toutes les morts du monde. Cyprus Maxwell avait malheureusement choisi cet instant pour venir vers Theo et moi, ses yeux néanmoins rivés sur Pansy qui tournoyait de la main de Blaise. 

-       Tu sais Nott, je commence à trouver que Parkinson et toi n’avez pas l’air si proches que ça finalement, murmura-t-il avec un sourire prédateur rivé sur notre amie qui dansait. 

Je tournais des yeux anticipatoires vers mon frère, mais ce dernier n’avait ni perdu son sourire, ni détourné son regard de sa bien-aimée. Il avait l’air en paix. 

-       Tu sais quoi Maxwell, répondit-il doucement, fais-toi plaisir, drague-là si t’en as envie, l’autorisa-t-il alors que mes yeux s’ouvraient sous le choc. 

-       C’est quoi le piège ? questionna un Cyprus tout aussi surprit que moi. 

Theodore ne détourna toujours pas son regard apaisé de Pansy. 

-       Il n’y a pas de piège, rétorqua-t-il calmement. Fais-toi plaisir, répéta-t-il encore. 

Maxwell l’analysa encore un instant, cherchant une menace implicite en lui qu’il ne trouvait pas, et moi non plus. Enfin, un large sourire se dessina sur ses lèvres, creusant ses joues, et il déclara :

-       Faut pas me le dire deux fois, avant de s’avancer vers le centre de la pièce où Pansy dansait avec Blaise. 

Theodore ne broncha pas, ses bras croisés sur son poitrail, le même sourire serein comme tatoué sur ses lèvres. Abasourdi, j’observai le spectacle qui se déroulait alors sous nos yeux. Maxwell s’approcha de nos deux amis, et tenta de se positionner derrière Pansy en dansant maladroitement derrière elle. Il pencha son visage plus bas vers elle et chuchota quelque chose à son oreille que nous n’entendions pas avant de lui tendre une main. Il lui avait probablement proposé de danser avec elle. Les sourcils de Pansy se froncèrent de façon dédaigneuse sur son front tandis qu’elle cessa de danser un instant. Elle se retourna face à lui, son visage ne nous étant plus visible. Je tournais un regard inquiet vers mon frère. L’enfoiré avait l’air toujours aussi calme et tranquille, observant la scène avec un sourire, ses bras lassement croisés sur son torse. Nous n’entendions pas ce que Pansy lui répondit, mais petit à petit, le sourire s’évanouit du visage de Maxwell, qui tenta de lui parler une nouvelle fois. Blaise, à côté d’eux, tourna lui aussi ses yeux vers Theodore, et constata de la même sérénité incongrue que moi. Pansy sembla lui parler une nouvelle fois et, la queue entre les jambes, Maxwell finit par s’en aller sans un regard vers nous, trop fier pour admettre sa défaite éclatante. Je tournais à nouveau les yeux vers mon frère alors que Pansy reprenait sa danse avec notre ami. Il souriait plus encore. Il avait l’air fier, en fait. 

-       Et si elle avait accepté ? lui demandai-je alors doucement. 

Il leva un sourcil circonspect vers moi, son magnifique sourire ne quittant pas son visage. 

-       Je suis le seul qui peut la gérer, déclara-t-il avec une confiance débordante. Et elle le sait maintenant, ajouta-t-il en reportant ses yeux étincelants vers elle. 

Moi, je le regardais lui. Il était de retour. Le Theodore ancré et serein qui savait que Pansy était sienne, et que personne ne représentait une menace pour lui. Je ne savais pas ce qui lui avait permis de retrouver cette certitude, mais il n’y avait pas de doute, il n’éprouvait plus la moindre menace face à d’autres potentiels hommes, et il savait que quiconque essayerait se ferait – pas si gentiment –remballer par sa Pansy. Parce qu’ils n’étaient pas lui. Parce que personne ne pouvait être comme lui. Personne ne lui arrivait ne serait-ce qu’à la cheville. Quand je tournais les yeux vers nos amis qui dansaient, je découvrais que le regard d’un vert saisissant de Pansy était rivé sur Theodore. Elle continuait de danser, ses mains caressant son corps qui ondulait avant de les balancer au-dessus de sa tête. Si j’y connaissais quelque chose, j’assurerai que c’était un putain de désir ardent qui brûlait dans ces yeux qu’elle posait sur lui. Il avait raison, elle le savait. Je ne pus retenir un sourire, moi non plus. Tout semblait rentrer dans l’ordre, finalement. 

Quelques temps plus tard, Blaise et Pansy nous avaient finalement rejoint pour que nous partagions un dernier verre ensemble avant de partir. Nous étions tous conscients qu’il n’était pas bon de nous attarder ici. Je notai que quand bien même Blaise disait qu’il venait pour tenter de se trouver une nana à baiser, il ne s’écartait jamais de nous pour aller tenter sa chance, contrairement à ce qu’il faisait lors de nos soirées à Poudlard. Je me demandais si ce n’était pas qu’un prétexte après tout, mais qu’il n’avait jamais eu l’intention de draguer qui que ce soit ici. 

-       Vous dansez pas ? nous demanda une Pansy transpirante alors qu’ils nous rejoignaient. 

-       On préfère profiter du spectacle, lui rendit très (trop ?) tendrement un Theodore visiblement encore hypnotisé. 

Pansy baissa les yeux, je le notai avec surprise. Merde, il avait clairement raison. Il n’avait plus le moindre souci à se faire sur une quelconque concurrence potentielle. 

Nous profitions donc de notre dernier verre ensemble, hormis Theodore qui ne buvait pas, au centre de la pièce florale immonde avant de prendre congé quand Walden Macnair, le gros pervers taré d’une soixantaine d’années aux dents pourries passa derrière Blaise et Pansy. Plus spécifiquement derrière Pansy, en fait. Je ne vis pas bien tout ce qu’il se passa, simplement des bribes. Walden passa derrière elle lentement. Pansy se figea, du choc mêlé à de la peur assombrissant soudain les traits de son visage alors qu’elle était face à Theodore et moi. Le corps de Theodore se tendit drastiquement, ses yeux rivés sur notre amie choquée et apeurée. Les yeux de Blaise, qui se tenait à côté d’elle, se baissèrent sur les fesses de notre amie, où je devinais que la main de Walden était logée. Un rire terrifiant qui n’avait absolument rien d’amical résonna sourdement dans le poitrail de Blaise. Avant que je ne puisse comprendre quoi que ce soit, Blaise se retourna violemment vers Macnair en laissant son verre s’éclater sur le sol, se plaçant dans son dos alors qu’il saisissait ses deux bras qu’il tenait fermement en arrière. Les paires de yeux aux alentours se tournèrent vers nous. Theodore fonça avec une vitesse surhumaine sur le vieil homme avant que je ne puisse cligner des yeux, écartant une Pansy sous le choc d’un bras avant de tordre le cou de l’homme d’un seul coup de ses deux mains sur le visage du Mangemort. Blaise lâcha les bras de Walden. L’homme tomba sur le sol dans un bruit sourd. Mort. 

Putain. Theodore était dos à moi, devant le cadavre de l’homme qui avait touché Pansy sans son consentement, Blaise de l’autre côté de celui-ci. Je regardai autour de nous. Les regards tournés vers nous étaient tantôt choqués, tantôt profondément colériques. Putain. Mon cœur se mit à battre sourdement dans mes oreilles. Je n’étais pas censé cautionner cela. Ils venaient de tuer l’un des nôtres impunément au milieu de plein d’autres d’entre nous. Putain. La colère s’intensifia dans les yeux qui étaient rivés sur mon frère. Certains firent un pas vers lui. Un seul pas de leur part avant que je ne contrôle mon corps qui s’élança à son tour devant mon frère que je repoussai d’un bras derrière moi, mes deux bras étendus sur mes côtés en signe de protection alors que je m’imposai devant lui. Bordel de merde. La haine s’intensifia dans le regard des Mangemorts autour de nous face à la position que je prenais devant mon frère, et que je n’aurai pas dû prendre en étant leur Grand Intendant. Mon bras gauche était toujours tendu devant mon frère alors que je plongeais ma main droite dans la poche de mon pantalon pour en sortir ma baguette. Ils ne le toucheraient pas. 

Les Mangemorts autour de nous lancèrent les premiers coups. Certains de leurs poings s’élancèrent d’abord vers Blaise, d’autres frappèrent avec leurs baguettes vers Theodore et moi. Je contrais les sortilèges, aidé de Pansy derrière moi qui avait également saisi sa propre baguette. Blaise contra les coups physiques, comme Theodore le fit. Je ne frappais pas pour tuer, mais je frappai néanmoins. En l’espace de quelques secondes, une ruée de Mangemorts en colère se jeta sur nous, hurlant à l’injustice. J’éloignais de ma baguette ceux qui se rapprochaient le plus dangereusement de nous, Blaise frappait violemment ceux qui se jetaient sur lui, prenant quelques coups au passage mais il était fort. Pansy protégeait de sa magie les sorts qui arrivaient vers Theodore, et Theodore frappait de ses poings ainsi que de ses pieds ceux qui approchaient vers nous. Je regardai autour de nous à la recherche d’un allié, mais n’en trouvait pas. Ils étaient tous contre nous. Il devait y avoir une vingtaine d’entre eux dans la pièce. Des bouteilles pleines ainsi que des verres volèrent et éclatèrent en notre direction, l’une d’elle s’éclatant sur mon crâne. Le liquide se répandit sur moi, mais je ne bronchai pas. J’étais un peu sonné, mais je tenais bon. Ils s’en prenaient aux miens. Je ne faiblirais pas. Des sorts jaillirent jusqu’à nous sans pouvoir nous toucher sous la protection de Pansy et moi. Des corps tombaient sous les coups violents de Blaise et Theodore qui dansaient autour de nous, dont celui de Maxwell qui avait profité de l’occasion pour se jeter sur mon frère, sans récolter le succès escompté. Bientôt, nous étions tous quatre dos à dos, assurant chaque angle de vue aux alentours, baguettes ou poings tendus. Certains Mangemorts tombèrent, sonnés physiquement, ou encore désarmés de leurs baguettes. Rapidement, ceux qui restaient debout arrêtèrent de nous combattre, réalisant qu’ils ne pourraient pas gagner. Non, ils ne pouvaient pas gagner. Ils ne pourraient jamais gagner. Nous reprenions nos souffles, sur nos gardes, quand soudain mon bras me brûla. Putain de merde. 

Je tournais des yeux anxieux vers mes amis. La même expression traversait les visages de Blaise et Theodore. Cette expression n’était pas sur celui de Pansy. Theo se retourna vers elle avec hâte, ses yeux pressants rivés dans les siens alors qu’il la tenait fermement par les épaules.

-       Rentre au manoir tout de suite, lui ordonna-t-il avec une angoisse transparente dans son ton. 

Les yeux de Pansy traduisirent la même émotion alors qu’elle le regardait. 

-       Ne laisse personne entrer, préviens Mint, et enferme-toi dans ta chambre, continua-t-il de la commander pressement. 

-       Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda-t-elle alors, à bout de souffle de la bagarre générale que nous venions d’essuyer. 

-       Il nous appelle, expliqua la voix haute de Blaise en sa direction, quand bien même elle ne regardait que Theodore qui la tenait encore. 

-       TOUT DE SUITE ! hurla alors mon frère à son visage. 

Elle acquiesça frénétiquement, et la seconde suivante Pansy avait disparu. 

-       Justice ! s’écria alors un Mangemort alors que nous échangions des regards appuyés tous les trois. 

Nous acquiescions à notre tour les uns vers les autres, et transplanions vers le Quartier Général sans plus le faire attendre. Nous n’avions pas le luxe d’élaborer une stratégie avant de répondre à son appel. 

Je n’avais pas le temps de réaliser concrètement ce qu’il venait de se passer, ni de prendre conscience d’à quel point nous étions actuellement dans la merde, ou encore de réfléchir à comment nous défendre que nous étions déjà devant le Seigneur des Ténèbres au centre de la grotte qui nous servait de Quartier Général. Il était seul avec son serpent, pourtant je ne pouvais que noter que quelqu’un qui s’était trouvé dans la Maison de Joie avait indéniablement parlé pour qu’il réagisse aussi vite en nous convoquant tous trois. Ou alors il y avait une sorte de magie qui lui permettait de surveiller ce qu’il s’y passait, et il se trouvait qu’il le contrôlait à cet instant précis-ci, ce qui me semblait plutôt invraisemblable. L’air frais, la sombreur ambiante et le silence le plus total me frappa et me sortit de mes pensées que je n’avais pas le temps d’analyser. 

Theodore était à ma droite, Blaise à ma gauche. Je réalisai à l’instant seulement que j’étais essoufflé. Tout s’était passé trop vite. La cape du Seigneur des Ténèbres était d’un gris qui ne se distinguait que trop peu de la roche plongée dans la nuit de la grotte. Son regard rouge, lui, perçait le décor sombre. Nagini souffla en notre direction avant qu’il ne nous adresse le moindre mot, et je me rappelai amèrement de l'effet que cela faisait, que d'être devant lui en ayant fait une erreur. L’impuissance. La terreur. Le risque qu’il décide soudain de tuer l’un d’entre nous, sinon chacun d’entre nous. La rapidité et la facilité effrayante avec laquelle il pouvait faire basculer nos vies au cauchemar en une fraction de seconde. Les battements frénétiques de mon cœur résonnaient sourdement jusque dans mes oreilles, et je savais que le serpent face à nous pouvait sentir ma peur. J’avais fait une erreur, et je le savais. Je n’aurais pas dû prendre part à la bagarre en faveur de Theodore, mais le jour où je laisserai qui que ce soit s’en prendre en lui sans ne rien faire n’était pas encore arrivé.

Avant de dire quoi que ce soit, le Seigneur des Ténèbres soupira. 

-       Je suis très déçu, déclara-t-il finalement de sa voix perçante presque inhumaine. J’étais satisfait de vous jusqu’alors. Je n’avais pas grand-chose à te reprocher Drago, m’accorda-t-il en s’approchant doucement de nous tel le serpent menaçant qu’il était. Tu faisais du bon travail, et il me semblait que ton équipe aussi. Quel dommage que vous vous soyez crus permis un tel affront dans mes rangs, sur mes soldats, appuya-t-il avec une intention claire de démontrer sa supériorité sur nous. 

Il ne se tenait plus qu’à quelques centimètres de nous, et je baissai les yeux ainsi que le visage vers le sol en signe de soumission. Je me doutais que Blaise faisait de même. J’espérai que c’était également le cas de Theodore. Je tentais désespérément de trouver quelque chose à lui répondre pour justifier de nos comportements, mais je savais qu’il ne pardonnerait pas ainsi un meurtre puis une bagarre générale pour une main aux fesses. Je ne trouvais rien à dire, rien à part que nous étions désolés. 

-       Je vous présente nos plus plates excuses Maître, tentai-je alors en gardant le visage bas. 

-       Oui, je n’en doute pas, accusa-t-il tout bas. Mais tu comprendras qu’un tel affront ne peut pas demeurer impuni face à une telle injustice envers les membres de mes rangs Drago, continua-t-il avec un sourire dans la voix. Le Grand Intendant ne peut pas se battre contre ses soldats pour un seul ou deux d’entre eux, peu importe ses liens avec ces derniers. Le Grand Intendant doit œuvrer pour le bien de mes soldats, à tous, et se montrer parfaitement exemplaire. Crois-tu que tu aies été exemplaire, Drago ? me demanda-t-il alors doucement. 

-       Non, Maître, avouai-je tout bas. 

-       Non, en effet, confirma-t-il froidement. 

Je détestais cela. Je détestais ce pouvoir qu’il avait sur nous, et la facilité avec laquelle il nous rendait complètement impuissants. À sa merci. Il soupira à nouveau, et la froideur inhumaine de son souffle morbide rencontra la peau de mon visage. 

-       Je sais que tu es jeune et que tu as encore beaucoup à apprendre, reprit-il ensuite. Mais il me semble qu’il est temps que tu comprennes que tu n’as pas droit à de telles erreurs puériles alors que nous sommes en Guerre, et que tu dois parvenir à galvaniser les troupes. Puisque tu as fait du bon travail jusqu’à ce soir, continua-t-il plus bas, je ne vais pas te tuer pour cette erreur que j’attribuerai à la fugueur de la jeunesse. Tu seras néanmoins puni pour cela, déclara-t-il finalement. 

-       Je reconnais mériter un châtiment en tant que responsable des soldats ici présents que j’aurais dû contrôler, Maître, tentai-je alors de négocier. 

Peu m’importait d’être puni, moi, tant qu’eux étaient en sécurité. J’étais leur responsable, après tout. 

-       Oh, ils vont être punis, eux aussi, mit-il brutalement fin à mes espoirs. Je suis fatigué que tu te crois tout permit, Theodore, cracha-t-il alors bien plus froidement en marchant dans sa direction. Tu ne t’en tireras pas comme ça cette fois, lui promit-il alors que les battements de mon cœur se faisaient plus violents dans mon poitrail. 

Je n’eus pas même le temps de relever le visage vers lui lorsqu’il tendit sa baguette vers nous. Il ne prononça pas le moindre mot, mais je reconnaîtrais les effets de ce sortilège entre tous les autres. Quand les corps de Blaise et Theodore tombèrent à genoux en même temps que le mien, je compris qu’il nous soumettait tous trois, en même temps et d’un seul coup, à l’endoloris. Une douleur d’une intensité innommable se répandit dans l’intégralité de mon corps désormais sur le sol, et je mordais ma lèvre inférieure pour m’empêcher d’en hurler d’atrocité. Mes muscles se crispèrent et se contractèrent sous la torture magique qu’il nous infligeait, et un à un je les sentis se déchirer à l’intérieur de moi. D’abord mes bras, puis au niveau de mon cœur qui me brûlait, puis le pire, au niveau du ventre, comme si mes entrailles se déchiraient et explosaient à l’intérieur de moi, puis les jambes qui se contractaient en des crampes abominables. Ce fut d’abord Blaise qui ne put contenir ses cris, les hurlements atroces de sa douleur résonnant avec la mienne. De toute la force dont je disposai, je mordais ma lèvre inférieure alors que je vis le haut du corps de Blaise rencontrer le sol de pleine face, des spasmes violents et incontrôlables faisant trembler son corps. Sur ma droite, Theodore était toujours à genoux, et il ne criait pas, lui non plus. Les vagues continues et de plus en plus intenses de la douleur physique la plus abominable qui puisse être m’empêchait de raisonner, et pourtant elle était accompagnée d’une douleur émotionnelle qui ne faisait qu’accentuer les effets de son sortilège. Les miens étaient encore en danger. Les miens étaient encore torturés. Et je ne pouvais rien faire pour les aider, parce que j’étais dans la même position basse qu’eux. Le corps de Blaise se tordait inhumainement sur le sol tandis que le mien commençait à trembler, les larmes naissant au creux de mes yeux floutant ma vision. Je n’avais pas su les protéger. Encore une fois, encore une putain de fois, je n’avais pas su les protéger. Et les hurlements de Blaise que je m’étais juré de ne plus jamais entendre emplissaient à nouveau mes oreilles, tranchant mon âme d’une affliction infame. La douleur de Theodore faisait écho à la mienne au travers de notre lien, et je savais qu’elle rendait la sienne pire, à lui aussi, se répondant sourdement en intensifiant celle de l’autre. 

-       Où es-tu ?! me pressa soudainement la voix alertée de Ragnar à travers mon esprit. 

Je ne trouvais pas la force ni magique, ni mentale de lui répondre en cet instant. Je supposai que lui aussi, il ressemblait ce qu’il m’arrivait, et Sekhmet de même. Ils ne pouvaient rien pour nous. C’était moi qui aurait dû trouver le moyen d’empêcher cela. De protéger les miens. Et j’avais failli, encore une fois. L’intégralité de mon corps se mit à trembler alors que la torture se prolongeait, et je ne pus retenir les cris vibrants de ma douleur plus longtemps. Tandis que j’avais la sensation insupportable que tous mes organes étaient déchirés en moi, mon corps se mit à me brûler, comme si j’étais en feu. Comme si j’étais en train de cramer vif. Je serrai les dents alors que je ne pouvais retenir un grognement profond qui faisait écho aux hurlements plaintifs de Blaise sur le sol. Je ne savais ce qui était le pire, en cet instant. Je ne savais pas si c’était la douleur physique de la pire torture qui existait au monde, ou si c’était celle psychologique d’être à nouveau confronté à la douleur à laquelle ma famille était soumise parce que je n’avais pas su la protéger une nouvelle fois, alors que je m’étais juré qu’une telle situation ne se reproduirait jamais. Je ne parvenais pas à savoir si j’hurlais plus de douleur, ou de rage envers moi-même. Impuissant. A nouveau réduit en esclavage. Minable, cracha le Grand Intendant qui sommeillait en moi. 

Le corps de Theodore tomba à son tour sur le sol. Ses yeux bleus s’évanouirent derrière ses paupières, ne laissant plus qu’un blanc terrorisant. Il ne hurla pas, il était déjà plus loin que cela. Déjà de l’autre côté de la douleur insoutenable qui ne nous permettait même plus d’hurler. Et son corps convulsa à son tour, ses yeux blancs et vides dépourvus du bleu que j’aimais tant. MINABLE, hurla le Grand Intendant enragé de ce spectacle atroce tandis que ce qu’il restait de mon cœur se brisait. Les larmes perlèrent sur mes joues, mais je ne les sentais pas. Tout ce que je parvenais à ressentir était la plus abominable des douleurs psychologiques, mêlée à la douleur physique que je ressentais, et que je sentais que Theodore ressentait également. Son corps appelait le mien au secours, et le mien le sien en un écho de poussées de vagues de douleurs qui s’ajoutaient au sortilège du mage noir devant nous. Et je regardais mon frère sur le sol, mon visage tremblant. Impuissant.

-       OÙ ES-TU ?! gronda la voix profonde et rugissante de Ragnar dans mon esprit. 

Il me semblait que je ne ressentais presque plus la douleur physique du sortilège de torture de Voldemort. Mon corps tremblait, mais moi, je ne ressentais presque plus rien de ses effets. Je ne voyais que le corps de Blaise sur ma gauche et celui de Theodore sur ma droite, tous deux en proie à des spasmes douloureux incontrôlables. Et tout ce que je ressentais, ce qui me tuait de l’intérieur, c’était mon impuissance. Encore de l’impuissance. Ma rage montante, destructrice et incontrôlable de haine envers moi-même. Ils étaient ma responsabilité. C’était moi, le Grand Intendant. Ah oui ? ronronna dangereusement le Grand Intendant en moi. Tu le crois vraiment ? me somma-t-il en crachant presque ces mots avec dédain. Oui, c’était moi. C’était ma responsabilité. REGARDE CE QUE TU AS FAIT ! hurla la rage en moi. Je tournais des yeux tremblants vers le corps de Theodore. Il y avait du sang qui coulait désormais de son nez. La rage bouillonna en moi, me retournant les intestins plus que n’importe quelle torture physique n’aurait pu le faire. REGARDE CE QUE TU AS ENCORE FAIT ! Je regardai Blaise. Son dos se tordait et se détendait sur lui-même en une danse atroce sur le sol, son visage tant contrit par la douleur qu’il en était à peine reconnaissable. Mon ami. Mon frère. Ma famille que j’aimais. Nous n’étions pas censés voir les gens que nous aimions dans pareille condition. Il n’y avait rien, rien qui était comparable à voir quelqu’un que l’on aimait se tordre sur le sol de la sorte. Je voulais pleurer, je voulais encore pleurer mais je ne trouvais plus assez de tristesse en moi. Il ne restait que la haine. Que de la haine pure et simple. COMBIEN DE FOIS ENCORE ?! m’insurgeai-je dans mon esprit, incapable de contrôler cette haine qui m’envahissait. Blaise ne hurlait plus, lui non plus. Combien de temps est-ce qu’il tiendrait encore ? Le mage noir ne cessait pas son sortilège impardonnable. Oui, impardonnable. Je ne pouvais plus trouver en moi toutes les bonnes excuses que je m’étais trouvé jusqu’alors face à mon incapacité de les protéger. COMBIEN DE FOIS ENCORE VAS-TU PRÉFÉRER ÊTRE LE GENTIL PETIT GARÇON IMPUISSANT ?! me terrassa la noirceur sanglante en moi. Plus jamais. Le corps de Theodore convulsa de moins en moins sur le sol. La terreur monta en moi. COMBIEN DE FOIS ENCORE VAS-TU PRÉFÉRER ÊTRE LE GENTIL GARÇON AU GRAND INTENDANT QUE TU DOIS ÊTRE ?! ne s’apaisa pas à cette vue la profonde rage en moi. Plus jamais. COMBIEN DE FOIS ENCORE VAS-TU LES LAISSER ÊTRE TORTURÉS POUR TON INCOMPÉTENCE ?! Les larmes perlèrent sur mes joues alors que j’attestais avec horreur de l’inconscience dans laquelle mon frère sombra finalement, son corps continuant de convulser malgré lui. COMBIEN DE FOIS ENCORE ?!

La haine enrageante qui brûlait au fond de mon âme explosa dans mon corps alors que je levai le visage vers les cieux et la laissait déferler en moi. Son onde vibratoire trouva sa source tout au fond de mes entrailles, et alors que j’ouvrais grand la gueule pour la laisser nous écraser, la force de ma haine résonna en remontant dans mon poitrail, brûlant mon œsophage puis grondant dans ma gorge avant de trouver enfin la sortie sur le bout de mes lèvres pour venir s’écraser dans la grotte. Mon hurlement vibra entre les murs de pierre alors que je laissai l’intégralité de ma rage se déverser dans la tonalité aussi profonde que grave de mon cri, ma haine prenant violemment possession de moi pour se déverser en ces murs de glace, les frappant d’une colère que je ne pouvais plus contenir. Je hurlais à mon impuissance, et je hurlais au danger qui planait sur ma famille. Je hurlais à mon humanité, et je hurlais à Voldemort de ce qu’il se permettait de faire aux miens. Je hurlais à ce qu’il restait du garçon que j’étais, et j’invoquais l’homme que je devais être. J’hurlais aux Dieux et j’hurlais à la mort. Le diable ? Tout le monde savait qu’il n’existait pas. Dans le passé, non, il n’existait pas. Cette nuit, il était né. Les échos de ma haine résonnèrent entre les murs de la grotte bien après que je n’ai plus eu de force en moi, et finalement Voldemort baissa sa baguette. 

Mon corps continua de trembler, mais je ne ressentais plus la douleur physique. Il n’y avait plus qu’un épuisement tel que, même après la fin de ce supplice, j’étais absolument incapable de bouger, moins encore de me relever. Mais je refusais de me laisser tomber sur le sol. Je refusais de me laisser tomber sur le sol contre le corps inconscient de Theodore. Je refusais de me laisser encore tomber sur le sol sous l’effet de sa baguette comme je l’avais fait cette nuit-là dans la forêt, contre le corps encore mort de Pansy. Je ne tomberai pas, pas cette fois. Je tournais mes yeux embués de larmes vers le corps de Theodore. Son poitrail continuait de se remplir d’air. Je tournais les yeux vers le corps de Blaise. Son dos continuait de s’élargir au rythme de ses respirations. Je m’autorisai à reprendre une respiration difficile par la bouche. Voldemort s’accroupit devant moi, ses yeux rouges rivés dans les miens et un putain de sourire sadique ancré sur ce qu’il restait de ses lèvres. 

-       Tu es devenu intéressant, mon cher Drago, roucoula-t-il à mon visage. 

Je le regardais, moi aussi. Je ne me défilais pas à son regard. Je le laissai me voir, et je le regardais en retour. Je le regardais pour ce qu’il était : un monstre. Un monstre humanoïde qui n’avait que les restants d’un corps aux semblants humains, sans plus d’âme ni de sentiments. Je me demandais si c’était cela qu’il me fallait devenir pour protéger les miens. 

-       Le jeune Zabini et toi êtes libres, vous pouvez vous en aller, m’annonça-t-il en se relevant. 

Musique suggérée : Farewell Life (Arn Andersson Remake) – Nights Amore

Les battements de mon cœur s’accélérèrent encore. Il voulait garder Theodore. Il voulait garder mon Theodore. Ma respiration se fit plus difficile encore, tremblant au bout de mes lèvres entre-ouvertes. 

-       Maître ? m’entendis-je alors presque mendier tout bas. 

Je ne reconnaissais pas même ma propre voix. Je n’entendais plus rien, je ne voyais plus rien, je ne ressentais plus rien. Il n’y avait que la menace qui planait au-dessus de mon frère, et qui s’écrasait sur moi comme la plus violente des sentences possibles. La pire sentence possible. 

-       Celui-là va rester quelques jours avec moi, ronronna le prédateur en caressant la joue de mon frère de son pied nu. Il restera dans la cage noire, le temps qu’il comprenne enfin, ronronna-t-il tout bas. 

Mon monde s’écroula. Je levai des yeux ronds vers lui, l’implorant silencieusement, l’horreur traversant chaque membre de mon corps pour être transmise à lui au travers de mes yeux. La cage noire était une technique de torture inventée par le Seigneur des Ténèbres lui-même. C’était une cage faite de magie noire qui prodiguait d’elle-même, et sans besoin de sa présence ou du moindre effort de sa part, une torture physique constante à la personne qui se trouverait à l’intérieur de ses barreaux. Je n’en avais qu’entendu parler, mais je savais qu’elle avait rendu fou, et même tué plus d’une personne qui en avait été victime, quand bien même ses effets étaient moins forts qu’un sortilège doloris. Cette cage torturait continuellement, sans n’arrêter une seule seconde. Il avait parlé de jours. Je m’écroulais finalement sur le sol, réduit à la pire impuissance qui soit. Pas ça. Pas lui. Pitié. Pas ça, pas lui. Je sentis de nouvelles larmes perler sur mes joues. Pas lui. 

-       Pitié, murmurai-je en levant des yeux implorants vers le Seigneur des Ténèbres. Pitié, on a compris, pitié…, pleurai-je faiblement. 

-       Toi, tu as compris, nuança-t-il avec une langueur jouissante dans sa voix. Lui, il a besoin de plus de temps. 

Je tournais mes yeux inondés de larmes vers mon frère. Il était recroquevillé sur lui-même, ses yeux fermés et le sang coulant encore de son nez. Il avait l’air mort. Il avait l’air si faible, si petit en cet instant. Mon frère. Mon Theodore. J’étais réduit à néant. J’étais réduit à l’enfant que j’étais auparavant. Cet enfant qui savait que son frère était enfermé pendant des jours durant au fond d’un sous-sol sombre dans lequel il était seul, laissé pour-mort. Je ne contrôlais pas les sanglots enfantins qui me secouaient. Pas lui. Pas ça. Pas encore ça. Pas lui… 

De toute la force qu’il me restait, je tendais un bras vers Theodore. La cage tomba sur lui dans un vacarme assourdissant, sommée par Voldemort, m’empêchant d’atteindre sa main, ses barreaux me séparant de lui. Dès qu’il fut emprisonné sous la cage, les traits de son visage se durcirent sous la nouvelle douleur qui l’assaillait, et son corps m’appela au secours au travers de notre lien. Des gémissements plaintifs s’échappèrent de ses lèvres alors que ses yeux étaient douloureusement clos. Ce qu’il restait de mon cœur se déchira dans mon poitrail, et je m’entendis sangloter difficilement. J’utilisais toute la force physique qu’il me restait pour ramper vers lui, chaque mouvement de mon corps éveillant de nouvelles poussées atroces de douleur en moi. Je cherchais ses yeux, mais ils étaient fermés. Je tendais une main tremblante vers lui à travers les barreaux de sa cage. 

-       Theo, appelai-je en un murmure gémissant. 

Les larmes obscurcirent ma vue alors que je rampais à nouveau difficilement vers lui, cherchant à l’atteindre de ma main plongée dans sa cage. J’enfonçais l’intégralité de mon bras jusqu’à être bloqué par mon épaule, étirant mes doigts aussi loin que je le pouvais pour atteindre sa main. Elle n’était qu’à un centimètre de la mienne. La douleur émotionnelle fit trembler mon corps à nouveau. Je léchais mes lèvres alors que je forçais mon corps à aller le chercher plus loin, les barreaux brûlants de la cage s’enfonçant douloureusement dans mon épaule dont ils cramaient la peau. Je lui tendais ma main à m’en déchirer les muscles de mon bras. 

-       Theo, murmurai-je au travers de mes larmes plaintives. 

Je ne l’atteignis pas. Ma main ne rencontra pas la sienne. Il ne reçut rien de la chaleur que j’avais à lui donner. Il était seul dans cette cage au milieu de cette grotte sombre dans laquelle il était encore torturé. Il ne pouvait pas lui faire ça. Il ne pouvait pas me faire ça, à moi. Je ne pouvais pas supporter ça. Pas ça. Pas lui. Je ne pouvais pas savoir qu’il était continuellement torturé, et que je n’étais pas là pour lui. Je ne pouvais pas savoir qu’il avait mal, sans cesse mal, et que je ne pouvais rien faire pour lui. Fou. J’allais devenir fou. Le barreau de la cage réduisit en cendre mon vêtement qui le touchait et brûla ma peau à vif, et je continuais de lui tendre ma main sans pouvoir l’atteindre. 

-       Prends ma main, suppliai-je à travers mes larmes. 

Pas ça. Pas lui. Pas comme ça. Pas encore ça. Je ne pouvais pas le laisser seul. Je ne pouvais pas le laisser seul comme ça. Je ne pouvais pas le laisser être réduit à néant encore une fois. Je lui avais promis que personne ne lui ferait ça à nouveau. J’étais allé le chercher, cet enfant perdu et apeuré qu’il était dans cette cave. J’étais allé le chercher et je lui avais promis que je le protégerai. J’avais regardé ses grands yeux bleus terrifiés et je lui avais promis que je ne laisserai plus personne lui faire du mal. 

-       Prends ma main, sanglotai-je en étirant tout ce qu’il restait de moi en enfonçant mon épaule brûlée plus profondément dans le barreau magique. 

Il gémissait douloureusement sur le sol, replié sur lui-même tel l’enfant qu’il était autre fois. Ses yeux demeuraient clos, et je n’atteignis pas sa main. Et son corps m’appelait, son corps me pressait de venir le sauver, de le sortir de là à travers notre lien. Et je ne l’atteignais pas. Je ne pouvais pas lui faire sentir que j’étais là. Je ne pouvais pas le sortir de là. 

-       Je suis désolé, pleurai-je en essayant encore de l’atteindre. 

Ce n’était plus ma voix. C’était celle d’un enfant sanglotant. Il n’y avait plus rien d’adulte, plus rien de contenu en moi. Il ne restait que l’enfant que j’étais face à l’enfant qu’il était. Et il redevenait ce qu’il était alors : seul, torturé, et moi impuissant, ne pouvant pas l’atteindre. 

-       Je…, je suis tellement désolé, m’entendis-je alors sangloter violemment. 

Comme un enfant abandonné, sans la moindre fierté, je sanglotais en des gémissements plaintifs impossibles à dissimuler. Mon souffle était erratique, ma gorge serrée et mon âme détruite. Et ma main tremblante tendue vers lui ne l’atteignait pas. 

-       Rentre chez toi Drago, m’ordonna froidement Voldemort. 

-       Pitié, pleurai-je comme un enfant bruyant, mon souffle irrégulier devenu saccadé par mes sanglots étranglés. 

-       ARRÊTE ! hurla la voix profonde du Seigneur en me faisant sursauter sur le sol. 

Je levai des yeux implorants et effrayés vers lui. Non, plus la moindre fierté. Plus rien d’un homme. Ma voix, lourde de détresse, était déformée de vagues incontrôlables de plaintes gutturales aiguës. Plus rien d’un homme. Il ne restait rien de l’homme que j’étais. 

-       J.. J… J’ai b… besoin de lui, sanglotai-je à travers mon souffle entrecoupé de hoquets que je ne pouvais contrôler. Pou… Pou… Pour les… les missions, achevai-je trop difficilement. 

Le Seigneur des Ténèbres me regardait avec un profond dégoût. Je le comprenais. Je me dégoûtais, moi aussi. Je l’avais laissé lui faire ça, à lui.  

-       Tu pourras te passer de lui quelques jours, cracha-t-il son venin. 

Je laissai mes yeux retrouver mon frère, réalisant à l’instant seulement que ma peau continuait de brûler vive contre le barreau de sa cage. Ses jambes étaient pliées contre son torse en position fœtale. Mon visage se contrit sous la douleur de cette vue atroce de la personne que j’aimais le plus au monde. De la personne que j’avais sauvée et sortie là tout ça pour l’y enfermer à nouveau. De la personne à qui j’avais promis que je ne laisserai plus jamais cela arriver. L’enfant qu’il était m’avait cru. Il m’avait suivi hors du sous-sol. Il m’avait cru. Moi aussi, j’étais réduit à l’enfant que j’étais autrefois en cet instant. Cet enfant qui savait ce qu’il se passait, et qui ne pouvait rien faire. 

-       Pitié…, mendiai-je encore en un sanglot étranglé qui n’avait rien d’adulte. 

Un cou soudain et violent de son pied me frappa en plein visage, propulsant mon corps en arrière et mon bras hors de la cage. 

-       ARRÊTE DE SUPPLIER COMME UNE PUTAIN ! beugla le Seigneur en me faisant sursauter une nouvelle fois. Tu as intérêt à me montrer que tu es mon Grand Intendant et que je n’ai pas fait d’erreur sur mon choix, sinon tu sais ce qu’il se passera. ALORS VA-T’EN ! ordonna-t-il en un hurlement menaçant appuyé de ses yeux rouges rivés droit sur moi. 

Je levai les yeux vers lui. Je ne voyais plus que lui. Cet homme qui tenait mon frère. Cet homme si grand, cet homme si fort et si terrifiant qui se permettait de me prendre mon frère comme son père l’avait fait trop de fois auparavant. Cet inconscient qui se permettait de mettre sa vie en danger. Ce malade qui se permettait de lui faire du mal alors que j’étais juste là pour le regarder. La rage me consuma, faisant trembler ce visage mouillé de larmes que je levai vers lui. Il ne me le rendrait pas ce soir. Il voulait me le prendre. Il voulait le briser. Il voulait briser ce qu’il restait de mon frère et en faire son chien. Mon frère. Mon frère. Oh non, ce ne serait pas le monstre vide qu’il était que je deviendrais. Ce serait pire. Parce que mes sentiments me rendaient plus fou que lui, et cent fois plus dangereux encore. Il voulait que je sois parfait pour récupérer Theodore ? Je serai pire. Il n’avait pas la moindre putain d’idée du malade mental qu’il venait de provoquer. Il n’avait pas la moindre putain d’idée de l’être vil et dénué d’âme qu’il venait de créer. Je l’anéantirai pour ça. J’anéantirai le monde pour ça. Il voulait que je lui montre que j’étais son Grand Intendant pour récupérer mon frère ? Il ne gagnerait rien de cette Guerre, rien que des cendres et des ruines, et il ne resterait plus personne pour lui. Il ne resterait rien des moldus, rien des sorciers, rien des hommes ou des femmes. Les enfers. Je déchainerai les enfers sur le monde et le diable prendrait des notes, parce que s’il me prenait Theodore, il ne restait plus rien d’humain en moi. Il voulait que je lui montre que j’étais un vrai Grand Intendant ? En cet instant, il n’y avait rien d’égal à ma cruauté. Il n’y avait pas d’égal à ma folie. Il pensait s’être trompé de personne pour mener cette Guerre ? Il ne se rendait pas compte d’à quel point j’étais vraiment le Grand Intendant. Il ne soupçonnait pas l’étendue de ma cruauté ni le pouvoir léthal du venin de ma haine. C’était un monstre qu’il voulait. C’était un monstre qu’il aurait. Je regardais mon frère réduit en esclavage dans sa cage, la rage tordant et nouant mes entrailles à l’intérieur de moi. Non, il ne restait plus rien d’humain en moi quand Theodore n’était pas en sécurité auprès de moi. Si c’était le reste du monde contre moi, je n’en avais plus rien à foutre. Échec et mat, sombres merdes.


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