Dollhouse

Chapitre 60 : La présentation de Granger

14438 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Le réveil le lendemain matin avait été moins apaisant que la soirée de la veille. J’avais un mal de crâne carabiné et la gorge incroyablement sèche de tout l’alcool que j’avais ingéré. Je m’étais levé de mon lit avec des nausées qui me laissaient un arrière-goût amer de regret, mais dès que je me remémorai les événements de la veille, un sourire se dessinait sur mes lèvres, et je jugeai que cela en avait valu la peine. Je me remémorai les traits enfantins sur le visage souriant de mon frère, et j’acceptai les effets secondaires de cette soirée presque avec gratitude. 

Je n’avais pas trouvé la force physique de me doucher avant de descendre prendre le petit-déjeuner ce matin-là, j’avais besoin de manger quelque chose pour éponger les restants d’alcool dans mon sang avant de pouvoir exiger quoi que ce soit de mon corps. Blaise et Theodore étaient déjà à table lorsque je descendais. Si Blaise avait l’air aussi frais que la rosée du matin, ce n’était pas tout à fait le cas de Theodore. Il n’avait pas autant l’habitude de boire que lui, lui non plus. C’était même très rare qu’il boive vraiment, tout comme moi. Nous en payions le prix largement plus que lui. Si Theodore était tout de même douché et habillé, ses cheveux encore mouillés tombant sur son front, il avait cependant le visage inhabituellement gonflé en témoignage de la soirée que nous avions passée. Cela passerait sans doute dans l’heure, chanceux qu’il était. 

Alors que je prenais place avec eux, une Pansy en vrac descendit à son tour pour nous rejoindre. Ses cheveux étaient sans dessus-dessous, le maquillage qu’elle ne s’était pas enlevé la veille avait coulé sur son visage et ses yeux étaient aussi rouges que gonflés. Elle frottait ses tempes, ses sourcils froncés et ses lèvres retroussées en une moue traduisant son désagrément alors qu’elle prenait place à table en silence. 

-       Bien l’bonjour beauté, lui adressa un Blaise rayonnant et visiblement amusé de l’état de son amie. 

-       Ferme ta gueule Zabini, grogna Pansy d’une voix matinale enrouée. 

-       Tu regrettes tes propres décisions ? me permis-je avec un sourire, quand bien même je ne me sentais pas beaucoup mieux qu’elle. 

-       Putain y avait quoi de pas clair quand j’ai dit « ferme ta gueule » à l’autre bouffon ? sévit-elle encore sans cesser de masser son crâne. 

Theodore souriait avec attendrissement. Nous sourions tous. Sauf elle. 

-       C’est tellement agréable de se lever chaque jour que les Dieux font avec ce rayon de soleil, souffla Blaise avec un sourire malicieux en direction de sa meilleure amie aigrie. 

Elle leva finalement les yeux pour lui adresser un regard aussi noir que son humeur. 

-       On est pas tous des alcoolos chroniques pour qui les gueules de bois n’existent plus, pesta Pansy avant de tendre la main pour attraper un plat de nourriture sur la table. 

-       Merde, elle mord en plus, se moqua Blaise alors que nous pouffions tous. 


J’avais ensuite passé le plus clair de ma journée soit à m’occuper à outre-mesure avec du travail, soit à renforcer mes murs d’occlumencie en préparation de la recevoir chez moi. J’avais renforcé mes barrières mentales au fur et à mesure de la journée jusqu’à être pratiquement certain qu’elles étaient hermétiques, ce qu’elles étaient. J’avais mobilisé le Grand Intendant en moi en effectuant des tâches qui lui incombaient, même si elles ne demeuraient qu’administratives. Ce n’était pas important. J’étais terrifié de la personne que j’étais quand elle était face à moi, terrifié de l’impuissance dans laquelle je me retrouvais quand elle posait les yeux sur moi et qu’elle était à portée de mon touché. Alors j’avais pris toutes les précautions nécessaires, parce qu’il était hors de question que je mélange travail et plaisir. Parce qu’il était hors de question que je nous mette tous plus en danger encore en laissant mes sentiments prendre, encore, le dessus. J’avais missionné Theodore d’ouvrir les barrières protectrices du manoir pour elle et elle seulement en plus de nous, puisque nous ne savions pas exactement à quelle heure elle arriverait, cela dépendant du moment où elle pourrait discrètement quitter Poudlard. J’avais également ordonné à Mint de préparer une chambre d’amis, au cas où elle resterait dormir. Je ne savais pas si elle prévoyait que ce soit le cas ou non, mais je préférais être préparé à toute éventualité afin de ne pas me faire surprendre. Nous la voyons tous ensemble pour la Guerre, je me le répétai sans cesse. C’était tout. Rien qu’un outil éventuel pour nous, et nous pour elle. C’était tout. 

Theodore était venu me voir à plusieurs reprises ce jour-là, prétextant diverses raisons, sans jamais dire explicitement qu’il venait vérifier comment j’allais. Je n’avais pas cessé de lui répéter que ça allait avec un de mes sourires attendris, mais il n’avait pas lâché l’affaire. Je supposai qu’il avait dû noter, au fur et à mesure de la journée, comment je m’étais renfermé de plus en plus. Ainsi, j’étais encore en train de travailler dans le bureau de mon père, la nuit assombrissant l’ambiance de mon espace de travail quand Mint se matérialisa devant moi. 

-       Miss Granger vient de pénétrer la propriété, Maître Drago, m’annonça-t-elle alors. 

Il me sembla que mon cœur manqua un battement, avant que je ne prenne une profonde inspiration par le nez pour m’ancrer dans mes murs. Ce n’était rien. Rien qu’une discussion entre adultes civilisés. Rien que Granger au milieu de mes plus proches amis. Rien que Granger, la Sang de Bourbe du camp ennemi dont j’étais amoureux au milieu de ma famille Mangemort. Non, ce n’était rien. Ce n’était vraiment rien. 

J’acquiesçai en la direction de l’elfe de maison. 

-       Très bien, je vais descendre dans un instant, annonçai-je sur un ton formel. Préviens les autres s’ils ne sont pas déjà en bas et conduis-les ainsi que Miss Granger dans la salle de réunion, ordonnai-je en reportant mes yeux sur le parchemin que j’étais en train de rédiger. 

-       Tout de suite Maître, acquiesça Mint avant de disparaître. 

Je laissai ma plume reposer sur mon parchemin et contrôlait ma respiration. Elle était là, nous y étions. Je fixai mon parchemin. Je ne voulais pas me retrouver en tête à tête avec elle. Je ne voulais pas me mettre dans une situation à risque. Je m’assurai que mes murs demeuraient fermement en place. Ce n’était qu’une réunion de travail. Rien qu’une réunion de travail avec un membre de l’autre côté. Nous écouterions ce qu’elle avait à dire, poserions peut-être quelques questions, et c’en serait finit. C’était tout. Nous en discuterions ensuite plus tard entre nous, et aviserions. Rien n’était promis. Je ne m’engageai à rien. Non, à rien. Je prenais quelques inspirations profondes supplémentaires pour m’ancrer plus fermement. Oui, ce n’était rien après tout, rien qu’une petite conversation civilisée. C’était tout. Je tournai les yeux vers mon horloge de bureau. Il était près de minuit. En guise de dernière vérification, je fermais les yeux un instant, me connectant à mon occlumencie. Je visualisai mon mur qui me protégeait de mes sentiments. Qui nous protégeait tous de mes sentiments. De mes émotions. Comme un chef de chantier, je constatai de la place de chacune des briques. Il y en avait une de tombée. Je la ramassai et la remettait à sa place, au milieu des autres. Je prenais une dernière profonde inspiration, et rouvrais les yeux. Minuit et sept minutes. Bien. Ils devaient tous être dans la salle de réunion désormais. Je poussai la chaise du bureau et me levai pour les rejoindre. 

Je poussais la porte de la salle de réunion sans cérémonie et la pénétrais en gardant mes yeux loin d’elle, quand bien même je repérai sa silhouette dans mon champ de vision. Theo, Blaise et Pansy étaient assis à la table rectangulaire face à elle, qui se tenait debout de l’autre côté. Je constatai que Mint avait, conformément à ma demande, déposé sur cette même table des tasses de thé et petits amuses-bouches. Ce n’était pas parce que c’était une réunion de travail qu’il ne nécessitait pas de bien recevoir. C’était le minimum, après tout. Une place était libre à côté de Pansy, et une autre à côté de Theodore. Ils s’étaient tous retournés vers moi lorsque j’étais enfin arrivé. Je ne m’assis pas avec eux, restant aussi loin que possible du danger, et m’adossai contre le mur, leurs dos face à moi, et elle. Je levai finalement des yeux vides vers elle. Elle me regardait déjà. La vision de ses yeux me frappa, mais elle rencontra mes murs. Elle portait dans ses bras des livres qu’elle était en train de déposer sur la table, des rouleaux de parchemin y étant déjà posés. Est-ce qu’elle était venue parler, ou bien nous donner un cours ? Ses longs cheveux bouclés étaient lâchés, évidemment, quelques mèches plus courtes que les autres encadrant son visage. Elle portait un pantalon à pinces noir ainsi qu’un pull marron par-dessus une chemise blanche dont le col dépassait de son pull. Ses yeux de couleur noisette étaient rivés sur moi. Je lui fis un signe de tête. 

-       Bonsoir, lui adressai-je on ne pouvait plus formellement. Quand tu es prête, on t’écoute, l’autorisai-je à procéder sans ne plus tarder en croisant mes bras fermement sur mon poitrail.

Elle ne sembla ni surprise, ni particulièrement déçue de mon salut. Elle acquiesça simplement, et sortit sa baguette de son manteau qui était posée sur une chaise à côté d’elle. 

-       Je tiens d’abord à vous remercier de me recevoir malgré les circonstances, et d’avoir accepté que nous puissions échanger en vue d’une potentielle alliance, commença-t-elle de sa voix presque politique. 

Parfaitement sérieuse, en tout cas. Je ne réagissais pas à ses mots. Je me concentrai pour demeurer indifférent au son de sa voix dans le creux de mes oreilles, et de sa vue dans ma maison. De Granger dans ma maison. 

-       Merde, que c’est solennel, chuchota Blaise vers Pansy, quand bien même nous l’entendions tous. 

Elle ne s’assit toujours pas. D’un coup de sa baguette, elle déroula magiquement le premier parchemin qu’elle avait emporté avec elle. Il était long. Très long. Il se déroula presque jusqu’au sol alors qu’elle le tenait de sa magie en lévitation. Pansy pouffa :  

-       C’est quoi tout ça ? 

-       La première partie de ma présentation, déclara Granger sans se laisser impressionner. 

-       Putain elle nous a carrément fait un exposé, se moqua Pansy vers Blaise, qui pouffa avec elle. 

Elle était venue préparée, c’était net. Je comprenais désormais pourquoi elle avait exigé trois nuits avant cette réunion. Toujours aussi putain de studieuse. Toujours autant putain de perfectionniste. Toujours aussi bien préparée. 

-       On te donne une note à la fin ? plaisanta Blaise vers notre invitée. 

-       Je suppose que votre décision finale servira d’évaluation à mon travail, renchérit-elle toujours aussi sérieusement. 

-       On t’écoute le crac, apaisa de sa voix encourageante Theo. 

Ses yeux noisette se tournèrent vers lui, l’ombre d’un sourire se dessinant sur son visage avec douceur. Elle avait là un allié, c’était évident. Je ne pouvais pas voir le visage de mon frère, mais j’étais prêt à parier qu’il souriait, lui aussi. Pansy tourna le visage vers lui, le côté de son visage que je voyais adornant une moue proprement contrariée. Granger acquiesça une nouvelle fois, et concentra toute son attention sur le parchemin qu’elle tenait en lévitation devant nous avant que sa voix ne retrouve refuge dans mes oreilles alors que je m’accrochais à mes murs. 

-       Bien, pour commencer j’ai pris le soin de vous regrouper quelques statistiques qui concernent notre gouvernement magique, démarra-t-elle donc. Vous l’ignoriez peut-être, mais le Ministère de la Magie est composé à 72,4% de sorciers et sorcières qui ne sont pas de sang pur, parmi lesquels 47,7% de Sang-Mêlé et 24,7% de sorciers nés de parents moldus. En d’autres termes, notre gouvernement magique actuel ne compte que 27,6% de sorciers et sorcières de sang pur, et ce pour cause, ils se font de plus en plus rares, déclara-t-elle en pointant sa baguette sur les chiffres notés sur son parchemin tel un professeur devant sa classe. 

-       T’en as quatre devant toi, on n’est pas en voie de disparition ma grande, pouffa encore Pansy. 

-       Là ne réside pas mon propos, reprit Granger en reportant les yeux sur son parchemin sans perdre sa concentration une seule seconde. 

Ses cheveux volèrent derrière elle en une traînée de feu alors qu’elle tournait le visage vers son travail. Ils étaient plus longs que la dernière fois que je les avais vus. Ils descendaient bien jusqu’au milieu de son dos désormais. Je clignais des yeux pour arrêter de les regarder.

-       Ulick Gamp, chef du Magenmagot, et premier sorcier à avoir porté le titre de Ministre de la Magie, accessoirement créateur du Département de la Justice Magique à qui l’on doit un semblant d’ordre, était un Sang-Mêlé. Artemisia Lufkin, très célèbre sorcière, est la première Ministre de la Magie entre 1798 et 1811. Elle fondera le Département de la coopération magique internationale et sera en grande partie à l’origine de l’organisation d’une Coupe du Monde de Quidditch en Grande-Bretagne, ce qu’il me semble que vous affectionnez particulièrement, pointa-t-elle en retournant vers nous ses yeux bruns avant de les reporter à nouveau sur son parchemin. Elle est née de parents moldus. Le Département des jeux et sports magiques, un des sept départements du Ministère de la Magie, a été fondé par l’ancien Ministre Grogan Stump, Sang-Mêlé. 

-       Est-ce que tu es en train de prôner le bon fonctionnement du même Ministère sous Fudge qui a réduit à néant vos chances d’être convenablement préparés pour cette Guerre ? la coupai-je en haussant les sourcils avec dédain. 

Elle tourna les yeux vers moi, son visage concentré tout aussi non-impressionné que le mien. L’expression hautaine qu’elle m’adressait et l’ennui feint face à ma remarque me rappelait toutes les fois où nous avions ardument débattu ensemble à Poudlard. Je combattais ce que cela réveillait en moi. 

-       Non, je tâche de vous montrer que la diversité parmi nous a apporté de bonnes choses, répliqua-t-elle vers moi avec mordant. 

Je laissai un sourcil circonspect levé sur mon front, mais la laissai continuer sa – très préparée – présentation. 

-       Je dois d’ailleurs vous rappeler qu’avant la mise en place du Code International du Secret Magique en 1689, les moldus persécutaient violemment les sorciers, reprit-elle de plus belle. C’est une partie de l’histoire qui est souvent laissée de côté dans les discussions entre sorciers de Sang Pur, mais cela reste une partie de l’histoire néanmoins. Si ce Code a été mis en vigueur ce n’était pas pour protéger les moldus, mais bel et bien les sorciers qui étaient violemment assassinés par ces moldus qui avaient peur d’eux. Si vous avez des trous de mémoire à ce propos, appuya-t-elle en tournant les yeux vers moi avec défiance, l’ouvrage de Bathilda Tourdesac contient une étude détaillée de cette période sanglante de l’histoire de la sorcellerie. Je vous ai apporté ma copie personnelle, au cas où vous seriez curieux de le lire par vous-même, posa-t-elle sur le ton hautain qui lui était caractéristique en tendant la main vers sa pile de livres. 

Elle mit de côté le plus haut de la pile, attrapa le deuxième, et le lança au centre de la table. Aucun de mes amis ne s’en saisit. Moi, j’y jetterai un coup d’œil, mais plus tard. Je la regardais faire sans pouvoir réprimer un sourire en coin. La Miss-Je-Sais-Tout était venue en force. J’avais l’étrange sensation que quelque chose à l’intérieur de moi était comme fier d’elle. Je gardais mes bras croisés sur mon poitrail et reportait mon attention sur elle tandis qu’elle reportait la sienne sur son parchemin. 

-       Il se trouve en effet que le gouvernement moldu ainsi que ses citoyens sont globalement largement sous-estimés par la communauté sorcière. Au niveau politique, reprit-elle en faisant défiler son parchemin d’un coup de poignet délicat, le système de Westminster de l’Angleterre a inspiré de nombreux autres pays. Sa priorité a longtemps été de lutter contre l’inflation, diminuer la fiscalité, les dépenses budgétaires, le poids de l’État et des syndicats, ainsi que d’encourager les initiatives privées, lista-t-elle comme la parfaite élève qu’elle était. Certains points avec lesquels je suis certaine que vous approuverez, nous adressa-t-elle en se retournant une nouvelle fois vers son audience avant de poursuivre son exposé. En 1922, le Royaume-Uni moldu est la première puissance mondiale avec quatre cents millions d’habitants. Il s’agit du plus grand empire jamais créé au cours de l’histoire moldue, récita-t-elle alors que sa voix me berçait trop tendrement. Entre 1979 et 1990, la productivité augmente de 7,5%, les personnes non employées retombent à moins de 7% et le secteur de la finance se développe à tel point que la livre, ou monnaie moldue, reprend une place mondiale de premier plan. 

-       Qu’est-ce que ça vient foutre là, Granger ? coupai-je encore en démontrant une lassitude grandissante que je ne forçais qu’à moitié. 

-       Les moldus ont largement participé à faire de l’Angleterre le pays de renom que c’est aujourd’hui à l’international, argumenta-t-elle en retour. Le Département Magique en lien avec les affaires moldues rapporte d’ailleurs près de 22% de la richesse du Ministère, le Premier Ministre moldu nous payant gracieusement pour maintenir la paix et régler les accidents entre sorciers et moldus. Je sais que tu n’es pas fan des chiffres, posa-t-elle avec un ton hautain vers moi, mais je suis certaine que tu conviendras que 22% de nos revenus ça représente une somme importante. 

-       D’où tu tiens ces chiffres ? défiais-je en retour, allumé par la pique qu’elle me lançait ostensiblement. 

Sa main tenant sa baguette demeura en l’air pour maintenir le parchemin en lévitation tandis qu’elle utilisait sa main gauche pour chercher parmi les autres bouts de parchemin qu’elle avait emmené avec elle. Elle fouilla parmi eux quelques secondes avant d’attraper l’un d’eux et de le lancer à l’autre bout de la table : 

-       Le rapport annuel des recettes avec entrées et sorties du Ministère de la Magie, consultable sur demande au Ministère, répliqua-t-elle d’une tonalité victorieuse. 

Je réprimais un sourire en coin avec tout ce que j’avais de bonne volonté. Je me décrochais du mur pour aller saisir le parchemin qu’elle avait lancé en ma direction sur la table comme si j’étais un chien, avant d’y retrouver ma place en déroulant ledit parchemin. 

-       Je me doutais que tu voudrais vérifier, aussi ai-je souligné de ma plume le passage en question pour que tu le retrouves plus facilement, enfonça-t-elle plus encore. 

Je mordais ma lèvre inférieure alors que le sang commençait à chauffer dans mes veines, mais je ne levais pas les yeux vers elle. Je ne savais pas ce qui aurait brillé dans mes yeux, si je l’avais regardée en cet instant. En effet, elle avait souligné le passage en question, et le document me semblait officiel. Je feignais de continuer de le parcourir pour ne pas lui donner la satisfaction qu’elle attendait, préservant ce qu’il me restait de fierté. 

-       Est-ce que j’attends que tu aies finis ou je peux continuer ? continua-t-elle de m’assaillir de sa voix perçante de première de la classe. 

Je forçais encore mon visage à ne pas sourire, et cela n’aurait pas été un sourire amical. Putain, j’avais oublié à quel point elle pouvait avoir tendance à me mettre hors de moi. Je ne levai toujours pas les yeux vers elle, maintenant intact ma fierté en continuant de feindre de l’intérêt pour le parchemin entre mes mains alors que je l’empressai de continuer de son côté avec un signe de tête désintéressé. Ce qu’elle racontait était en fait plutôt intéressant, parce que je l’ignorais, même si je n’allais jamais le lui avouer. 

-       Comme je disais donc, reprit-elle de plus belle, une importante partie des fonds du Ministère de la Magie nous est directement fournie par les moldus, mais leur contribution au développement de notre propre monde ne s’arrête pas là. Contrairement aux sorciers qui sont obnubilés par la magie et son expansion, les moldus n’ont de cesse de développer les sciences et les domaines académiques en tout genre, nous faisant largement profiter de leurs plus importantes découvertes. 

Je lançai finalement le parchemin sur la table et reportait mon attention sur elle. Elle continuait de faire défiler son parchemin, debout devant mes amis comme la conférencière qu’elle était, ses cheveux flottant derrière elle au rythme de ses mouvements. J’avais du mal à croire qu’elle était vraiment là, dans ma maison. Devant ma famille. 

-       Pour ne parler que des britanniques, continua-t-elle alors que je me concentrai sur ce qu’elle disait, Isaac Newton, un mathématicien et notamment physicien, est celui à qui l’on doit la découverte de la loi de gravitation universelle qui explique les mouvements des planètes autant que l’attraction terrestre, ce qui concerne bien entendu également le monde sorcier. La théorie de l’évolution, proposée par Charles Darwin, suggère que toutes les espèces vivantes sont en perpétuelle transformation et subissent au fil des générations des modifications aussi morphologiques que génétiques, ce qui sert d’ailleurs largement d’appui à vos postulats selon lesquels les Sangs Purs seraient supérieurs aux autres sorciers, appuya-t-elle en continuant de faire défiler son putain de parchemin. Rosalind Franklin, une scientifique de renom, a percé à jour le secret de la structure même de l’ADN et des chromosomes qui servent à coder l’information génétique qui semble vous concerner grandement. 

-       A quoi nous sert tout ce baratin, Granger ? pestai-je encore, mes bras à nouveau fermement clos sur mon poitrail en position de défense. 

Je ne souhaitais pas donner à mes oreilles l’opportunité d’être hypnotisées par elle plus qu’il ne l’était nécessaire. Elle tourna vers moi un visage sur lequel l’impatience grandissait, et posa sur moi des yeux menaçants. 

-       Tu m’as fait venir pour que je vous parle, non ? marqua-t-elle une pause pendant laquelle je demeurai silencieux, parce que j’avais juste envie de l’étrangler. Alors laisse-moi parler, exigea-t-elle en appuyant ses mots d’un regard dédaigneux. 

Je mordais ma lèvre inférieure pour m’empêcher de la remettre à sa place alors qu’elle se retournait à nouveau vers son parchemin, le regard rieur de Blaise tourné vers moi, et elle reprit son exposé comme si je n’étais pas intervenu de façon pertinente du tout. Mon sang commençait à bouillir dans mes veines. 

-       Stephen Hawking, un physicien théoricien et cosmologiste britannique a grandement avancé notre compréhension à tous de la cosmologie quantique et de l’espace qui nous entoure, encore une fois, tous, reprit-elle donc. Finalement, je citerai Tim Berners-Lee, l’ingénieur moldu ayant posé les fondements de l’Internet en 1989, à savoir la plus grande bibliothèque d’informations qui puisse exister, mondes moldus et sorciers confondus. Si je prenais le temps d’appuyer ce point, ce que je ne ferais pas, je pourrais largement argumenter que de bien des façons, cette invention de leur part est en soit, plutôt magique. Pour un autre point non anecdotique, au travers du développement des sciences, de la découverte du monde et de la physique, les moldus ont par ailleurs réussi à construire des armes qui nous sont léthales encore aujourd’hui, et qui justifient largement le Code des Sorciers encore à l’heure actuelle. 

-       Tu n’as pas besoin de nous convaincre que ce ne serait pas une bonne chose que Voldemort l’emporte le crac, rit doucement un Theodore visiblement attendrit par la dévotion de Granger à sa présentation. 

-       Mieux vaut prévenir que guérir, rétorqua-t-elle avant d’enrouler de sa baguette ce premier parchemin en un mouvement circulaire de son fin poignet trop séduisant.  

Il fallait que je me reprenne. 

-       Tu n’as pas sorti les statistiques qui comparent les capacités magiques entre les Sang Pur et les autres ? questionnai-je alors, déçu. 

-       Non, je n’ai pas jugé que c’était pertinent, mais peut-être que je me suis trompée sur ce point, me renvoya-t-elle fermement. 

-       Ce n’était pas nécessaire, coupa encore doucement mon frère. 

-       Venons-en au fait, continua-t-elle comme si je n’étais encore une fois pas intervenu, maintenant qu’il est établi que les moldus autant que les sorciers qui ne sont pas de Sang Pur sont d’une pertinence non anecdotique dans notre monde, et l’enrichissent même largement, au sens propre comme au figuré. 

De sa baguette, elle déroula le deuxième parchemin qu’elle avait emporté. Je concentrai mes yeux sur le bout de papier plutôt que sur la finesse de sa main. 

-       De ce que je sais, vous avez indéniablement déployé une force conséquente pour remplir les rangs de Voldemort. Je pense qu’il est adéquat de dire qu’au vu de vos méthodes, vous nous avez déjà largement dépassés en nombre, et peut-être même en force, s’avança-t-elle avec plus de réserve que précédemment. Je doute que vous me contredirez si je postule que si vous continuez comme ça, vous risquez de prendre le dessus sur notre conflit. Je n’ai pas toutes les informations, mais je présume que vous avez des infiltrés au moins au Ministère, si ce n’est ailleurs. Nous avons par ailleurs repéré l’arrivée d’étudiants de Durmstrang sur nos terres… 

-       … Ils sont repartis, la coupai-je encore. 

Je n’aimais pas beaucoup qu’elle se tienne là devant moi à me faire la leçon. Je trouvais satisfaction à corriger au moins l’une de ses informations. 

-       Peu importe, vous les avez recrutés, non ? 

Je demeurai silencieux. Je n’avais pas encore décidé de lui partager quelconque information concernant mes rangs. Elle soupira que je ne lui donne rien en réponse. 

-       Les faits sont les suivants : vous semblez être en force pour l’instant, encore plus maintenant qu’Albus Dumbledore est mort, rappela-t-elle en baissant les yeux un instant, mais le Ministère au travers des Aurors ainsi que de l’Ordre riposte désormais, ce qui signifie que le danger grandit des deux côtés. Permettez-moi néanmoins de vous rappeler que la Première Guerre a été perdue par les rangs de Voldemort et…

-       … Elle n’a été perdue que parce que Voldemort s’est pris le sortilège destiné à Potter, rappelai-je alors pour contextualiser ses propos outrément simplifiés, comme à son habitude. 

-       Et il se trouve que nous avons toujours Harry parmi nous, appuya-t-elle avec fierté. Et Rogue, dont je vous assure qu’il fait partie de l’Ordre bien plus que de ses rangs. Je ne sais pas si j’ai encore besoin de détailler le désastre aussi bien magique que moldu, national et international si Voldemort l’emportait, ni ce qu’il adviendrait de vous, je pense que vous le savez mieux que moi. Il se trouve que Drago est maintenant dans une position haute qui peut permettre de croiser nos informations pour vous protéger vous le plus possible, grâce à mes informations à moi, mais aussi d’œuvrer ensemble à faire pencher la balance du côté de l’Ordre le moment venu. 

Elle posa sa baguette sur la table un instant et son parchemin glissa sur le sol. 

-       Ce que je vous propose est relativement simple dans la théorie, bien que certainement plus compliqué dans la pratique, j’en conviens, continua-t-elle alors qu’elle attrapait son pull par le bas avant de le faire passer par-dessus sa tête. 

Mes yeux s’écarquillèrent. Qu’est-ce qu’elle était en train de faire ? Les boucles de ses cheveux rebondirent en retombant sur la chemise blanche qu’elle portait en-dessous. Je sentis mon corps se tendre. Un strip-tease, maintenant ? Blaise tourna le visage en arrière vers moi, un large sourire joueur aux lèvres. Je lui soulignai d’un signe de tête de se retourner vers elle. Elle reprit sa baguette sur la table et tendit le bras pour faire flotter le parchemin à côté d’elle à nouveau, le tissu de sa chemise caressant sa poitrine au passage, en traçant les contours. Je baissai les yeux sur le sol un instant avant de reporter toute mon attention sur son bout de papier, et non plus sur elle. Juste le bout de papier. Rien que le bout de papier. 

-       Je peux vous aider à rester en relative sécurité en vous prévenant par avance des lieux où l’Ordre va riposter, en sachant que je n’aurais pas accès aux informations des Aurors. Mais puisque ces deux organisations travaillent main dans la main, je pense que vous serez largement prévenus, et pourrez adapter votre position en conséquence. Il me semble qu’il faudrait établir ensemble une liste de personnes que vous vous engagez à ne pas tuer, de sorte à ce que l’Ordre continue d’avoir une chance de l’emporter à la fin, amena-t-elle en poursuivant. Le but pour moi de vous prévenir de la sorte est d’épargner vos vies à vous, pas celles des autres Mangemorts. Il va de soi qu’il vous faudrait sacrifier certains soldats, comme nous de notre côté, pour que notre alliance demeure insoupçonnée, et que vous puissiez rester en sécurité autant que possible. Bien entendu, je pourrais également vous prévenir des projets de l’Ordre s’il y en avait, et vous des vôtres si l’on décidait d’œuvrer ensemble vers la victoire de cette Guerre, et nous déciderions ensemble d’un commun accord de ce que chaque camp est prêt à sacrifier pour œuvrer dans l’ombre vers la victoire. 

-       Tu t’engages au nom de quoi ? demandai-je alors froidement, mes sourcils froncés sur mon front. Est-ce que ton Ordre est au courant de notre rencontre ce soir ?

-       Non, il ne l’est pas, répliqua-t-elle doucement. 

-       Donc ce n’est pas l’Ordre, c’est juste toi, la corrigeai-je alors que la tension de cette conversation montait en moi. Tu es en train de sous-entendre que tu vas toi, faire le choix de qui dans ton camp va mourir ou de qui est-ce que tu vas vendre, tu t’en rends compte ? la bousculai-je alors. 

-       C’est déjà ce que fait Rogue, à bien moindre échelle je te l’accorde mais… 

-       … Rogue est un homme adulte qui a déjà traversé une Guerre, la coupai-je sèchement. 

-       C’est une Guerre, et si nous ne nous allions pas pour contrôler les dégâts ce n’est pas seulement ceux sur lesquels nous nous accorderons que vous prendrez, mais tous, argumenta-t-elle fermement, sans qu’on ne contrôle non plus les pertes de votre côté au passage, vous quatre en premier, appuya-t-elle gravement.  De la façon dont je vois les choses, c’est des milliers, peut-être des milliards de vie que nous sauverions. 

-       Écoutez-là parler comme un grand général de guerre, pouffa une Pansy non impressionnée. 

-       Écoutez, reprit plus bas Granger, il se trouve que Drago et moi nous trouvons tous les deux dans une position à faire bouger les choses de chaque côté, et il se trouve que… quoi que ce soit que nous ayons eu pourrait être mit à profit pour qu’on se batte tous pour avoir un avenir commun. Ce que j’essaye de faire, c’est aider le reste du monde avec mes valeurs et mes convictions, mais aussi faire tout mon possible pour vous aider vous, parce qu’il se trouve que je tiens à l’un d’entre vous plus que je ne saurai l’avouer devant vous, confessa-t-elle avec vulnérabilité. 

Je baissai les yeux à mon tour, mes bras fermement clos sur mon poitrail tandis que je m’accrochais à mes murs tremblants de ces mots. Elle ne pouvait pas dire des choses comme cela. 

-       Ah, tu veux nous aider ? renchérit une Pansy dont la tonalité de la voix ne me disait rien de bon. Reçois la Marque, cracha-t-elle alors avec défit. 

-       Pansy, tenta doucement de tempérer Blaise. 

-       Quoi ? C’est une Guerre, et même si t’es une Sang de Bourbe je suis sûre que Voldemort verra un coup stratégique à avoir le meilleur élément de Potter dans ses rangs, continua-t-elle d’argumenter crument. Tu veux vraiment aider ? lui adressa-t-elle froidement. Alors qu’est-ce que tu attends ? Va recevoir ta putain de Marque, va torturer et assassiner des innocents, va trahir les gens que tu aimes et vends ton âme au diable, et ensuite tu pourras t’asseoir à cette table et nous parler solennellement de nous protéger juste parce que tu tiens à Drago, cracha-t-elle dans son aigreur la plus froide. 

-       C’est évidemment hors de question, positionnai-je devant une Granger ostensiblement mal à l’aise. 

Pansy se mit à rire d’un rire qui n’avait rien de chaleureux avant de se retourner vers moi sur sa chaise. 

-       Bien sûr, parce que nos âmes à nous ne sont pas importantes, mais la sienne oui ? me défia-t-elle avec colère. 

-       Tu sais très bien que c’est faux, tentai-je d’apaiser doucement en rencontrant ses yeux verts. 

Comme si elle avouait qu’elle savait que j’avais raison, elle ne rebondit pas sur ce point et se retourna à nouveau face à Granger : 

-       C’que j’dis c’est que si Granger rejoignait les rangs, l’Ordre saurait très bien que c’est en tant qu’espionne, et nous ça nous ferait une putain de sécurité, parce que si elle rejoint les rangs on ne sera pas accusés de traitrise si on se fait prendre, puisqu’on pourra plaider qu’on pensait pouvoir lui faire confiance auprès de Voldemort. 

-       On ne se fera pas prendre, trancha la voix sûre et posée de Theodore. 

-       T’es bien gentil l’fantôme, mais t’en sais absolument rien, lui cracha encore Pansy en se tournant dans sa direction. 

-       Cette discussion est inutile, j’ai dit que c’était hors de question, tranchai-je fermement. C’est moi le Grand Intendant, et je ne veux pas d’elle dans mes rangs, appuyai-je avec autorité. 

Pansy pestait dans sa barbe quand je questionnais :

-       Cependant, Pansy soulève un point important. Comment comptes-tu justifier à l’Ordre le fait d’avoir des informations nous concernant ? adressai-je vers Granger. Il est hors de question que tu nous mettes en danger en leur livrant, si jamais on acceptait, ce qui n’est pas encore le cas, qu’on fait alliance avec eux au travers de toi. 

Elle acquiesça en ma direction comme pour attester de la pertinence de ma question avant d’y répondre :  

-       J’ai deux options à vous proposer : la première, vous me vendez le nom de l’un des vôtres qui vous importe peu mais qui est assez haut placé pour que ce soit crédible, si possible un ancien étudiant de Poudlard pour que je puisse vendre une correspondance avec ce dernier, et je le désigne auprès de l’Ordre comme ma source. Au cas où nous serions pris, ce serait cette personne qui serait vendue. La deuxième, à l’image de Rogue, je leur déclare être une espionne et avoir réussi à vous duper au travers de mes intentions, et au cas où nous sommes pris je vous aurais soutiré les informations contre votre volonté. 

-       Je sais exactement qui on pourrait donner pour la première option, répondit Blaise avec un sourire en direction de Pansy. 

-       Le problème de la première c’est que si Voldemort fouille son esprit, il n’y trouvera pas la moindre preuve, et il ne s’en satisfera pas jusqu’à ce qu’il ait trouvé la vraie taupe, corrigea-je son entrain. Et le problème de la deuxième c’est que si on est pris, nous passerons pour des incompétents aux yeux de Voldemort, et il nous exécutera. 

-       Tu ne peux pas dire que tu gardes ta source anonyme pour des questions évidentes de sécurité ? tenta doucement Theodore vers Granger. 

-       Si, dans un premier temps, lui accorda-t-elle. Mais je doute que l’Ordre s’en satisfasse au fur et à mesure de l’avancée dans la Guerre, mais je pourrais toujours essayer. 

-       C’est ce qu’il vaudrait le mieux, oui, confirmai-je. Bien entendu si l’on faisait ça et que l’Ordre finissait par te mettre la pression pour savoir, il faudrait que tu nous en parles et qu’on décide ensemble quoi faire avant que tu ne fasses quoi que ce soit de ton côté, sévis-je encore. 

-       Bien entendu, confirma-t-elle en acquiesçant. 

Pansy se retourna vers moi depuis sa chaise. 

-       Et toi ? Comment tu vas justifier d’avoir des informations de l’Ordre ? 

-       Moi je suis un légilimens. Je peux dire avoir trouvé ces informations dans l’esprit de ceux qu’on capturera. 

-       Et si Voldemort finit par vérifier ? continua mon amie. 

-       S’il finit par vérifier c’est qu’il a des doutes sur nous, et on sera déjà morts, alors la question ne se posera plus, tranchai-je d’une voix sombre. 

Pansy se retourna vers Granger. 

-       Tu te rends bien compte que si on fait ça avec toi, c’est nos vies à tous qu’on met en jeu pour cette alliance ? lui demanda-t-elle on ne pouvait plus sérieusement. 

-       Oui, j’en suis consciente, reçut gravement Granger. 

-       Et tu réalises que si tu fais le moindre pas de travers, si tu ouvres ta gueule à qui que ce soit, quand que ce soit, on crève tous ? continua Pansy. 

-       J’en suis consciente, acquiesça-t-elle encore avec autant de sérieux que c’était possible. 

Je permettais à mes yeux de la sonder un instant, parce que c’était important pour prendre une décision éclairée. Elle avait l’air changée. Elle avait toujours été très sérieuse, et elle avait également toujours été incroyablement déterminée lorsqu’elle croyait en quelque chose, mais il y avait désormais chez elle quelque chose de plus…, solide ? Oui, quelque chose de plus solide, de plus stable, de plus ancré dans la façon dont elle avait tout envisagé avec le plus grand sérieux. Dans la façon dont elle avait l’air prête à faire ce qu’il fallait, quitte à vendre certains des siens et en être responsable, pour le plus grand nombre, et pour leur victoire à la fin. Quelque chose qui ressemblait à ce que j’étais prêt à faire, moi aussi. Quelque chose qui faisait écho en moi. Je me surprenais à me demander ce qu’elle avait vu, ce qu’elle avait entendu, ce qu’elle avait lu, ce qu’elle avait traversé pour en être arrivée à être cette version d’elle devant moi. Je n’aimais pas ce constat. Le constat qu’elle avait inévitablement été impactée par la Guerre que je menais. Non, je n’aimais pas ce constat du tout. 

Elle tourna le regard vers moi, et ses yeux rencontrèrent gravement les miens alors que nous nous sondions l’un l’autre, nous demandant mutuellement bien que silencieusement si nous pouvions tout risquer l’un pour l’autre de la sorte. Je pouvais tout aussi bien la trahir et utiliser les informations qu’elle me donnerait pour faire gagner Voldemort et m’assurer que les miens demeureraient en vie. Elle pouvait tout à fait faire de même de son côté. Elle pouvait nous piéger, et nous pouvions la piéger nous aussi. Tout reposait sur ce qu’il y avait eu entre elle et moi, et la confiance que nous pouvions en tirer aveuglément l’un et l’autre. Il y avait dans ses yeux ambrés de la tristesse et de la douleur, mais il y avait aussi de l’espoir. Quelque chose qui inspirait en moi une émotion que je n’avais pas ressentie depuis très longtemps. Une lueur d’espoir pour un lendemain différent. Pour un jour qui se lèverait à nouveau. Qui aurait cru que cet espoir pour Drago Malefoy viendrait de putain d’Hermione Granger ? 

-       Si vous avez fini de vous dévisager, on pourrait peut-être reprendre ? coupa à mes pensées la voix moqueuse de Blaise. 

Granger et moi clignions des yeux et elle se racla la gorge alors qu’elle reprenait sa baguette pour dérouler son troisième et dernier parchemin pendant que j’ajustais ma position contre le mur, cherchant à me reprendre. 

-       J’en viens à mon troisième point : l’après-guerre, s’il se trouvait que nous faisions alliance et que Voldemort était vaincu, reprit-elle donc. Le but pour nous ne se limite bien sûr pas à ce que nous gagnions et à ce que soyez vivants, mais à ce que vous soyez également libres. Pour ce point, j’ai pris appui sur l’après Première Guerre, déclara-t-elle en se tournant vers son parchemin, ses cheveux volant derrière elle en une cascade de feu. 

Son visage semblait plus concentré encore qu’il ne le fût jusque-là, alors qu’elle parlait de notre défense. Il n’y avait plus rien d’hautain dans la façon dont elle s’exprimait, simplement la plus grande gravité qui puisse être. Son indéniable intérêt pour notre liberté frappait mes murs. 

-       Suite à la défaite de Voldemort, le Ministère a entrepris de traquer, rechercher, et enfermer à Azkaban les Mangemorts ayant pris part au conflit. Si effectivement certains Mangemorts ont été enfermés comme par exemple Antonin Dolohov ou encore Bellatrix Lestrange, certains autres, comme Lucius Malefoy ou encore Avery sont parvenus à s’en sortir grâce à une défense basée sur le sortilège de l’Imperium. Rogue, encore différemment, a été défendu par Dumbledore et acquitté par le ministère grâce à son implication dans l’Ordre. Puisque je doute qu’une défense solide puisse aujourd’hui, après déjà une Première Guerre, se limiter à plaider l’Imperium, il me semble que le choix le plus judicieux réside dans cet exemple de la défense de Rogue. Si à l’époque Barty Croupton Senior avait une réputation de juge implacable, c’est aujourd’hui moins le cas d’Amelia Susan Bones qui dirige actuellement le Département de la justice magique. Un point me semble important à préciser en prévision de votre procès, il me semble savoir que vous avez des Masques qui protègent vos visages ? 

J’acquiesçai en sa direction, sachant déjà où elle voulait en venir.  

-       Gardez-les chaque fois que vous serez en mission en extérieur, sans exception, appuya-t-elle alors. Cela pourra constituer un argument lors de ce procès, même s’il sera rapidement contredit par les éventuels témoignages d’autres Mangemorts qui chercheront à dire qu’ils vous ont obéit, et surtout à toi, Drago. Nous pourrons tout de même espérer jouer avec ça, si ton visage n’est jamais dévoilé sur un champ de bataille. 

-       Et qui, exactement, nous défendra puisque Dumbledore est mort ? lui renvoyai-je alors qu’elle laissait son dernier parchemin se réenrouler sur lui-même. 

Elle saisit ensuite sa baguette, la passa sur le haut de son crâne et l’enroula avant de la coincer là, relevant une partie de ses cheveux. Est-ce qu’elle le faisait exprès ? Parce que putain, elle était magnifique. Mes murs prirent un nouveau coup. Chers Dieux, enlevez le souvenir de ses lèvres contre les miennes de mon esprit, priai-je intérieurement. Emportez avec vous le plaisir languissant dans mes souvenirs. Enlevez son goût et sa douceur de mes pensées. Exorcisez hors de moi à quel point j’en voudrais encore. 

-       Moi, déclara-t-elle simplement. 

-       Et si t’es morte ? renchérit une Pansy peu convaincue. 

Blaise et Theo tournèrent tous deux leurs visages vers elle alors qu’un lourd silence s’abattait sur nous. 

-       Ben quoi ? se défendit-elle innocemment. C’est une guerre hein, on sait jamais. 

-       Elle ne va pas mourir, coupai-je froidement. 

-       On n’en sait absolument rien, continua Pansy en se retournant vers moi. 

-       Je laisserai un testament ou quelque chose du genre à mes amis, trancha alors la voix de Granger depuis l’autre côté de la table. 

-       Ouais, c’est sûr on peut compter sur tes potes, pouffa alors Pansy. 

-       Je leur fais entièrement confiance, rétorqua calmement Granger. 

-       Ouais bah tu nous permettras de douter de ce que Saint Potter qui a essayé de tuer Drago et Weasmoche qui l’a séquestré et rué de coups feraient pour nous défendre si t’étais plus là, lâcha alors Pansy. 

-       Pansy, tranchai-je d’un ton glacial. 

-       Quoi ? chuchota Granger. 

-       Merde Drago, se retourna Pansy vers moi, si on va vraiment faire ça il faut qu’elle sache que son ex est au courant pour vous ! 

Ma mâchoire se serra alors qu’elle se permettait encore de dire quelque chose que je lui avais expressément demandé de ne pas divulguer, quand bien même je devais avouer qu’elle marquait-là un point pertinent. 

-       Il… qu’est-ce que Ron a fait ? demanda alors la principale intéressée. 

Je demeurai silencieux tandis que ses yeux ambrés me sondaient avec horreur. 

-       Il l’a enfermé dans les cachots à Poudlard et il l’a tabassé en lui disant de ne plus t’approcher parce qu’il avait découvert que vous couchiez ensemble, cracha alors Pansy. 

Granger leva vers moi des yeux perdus. Il lui fallut quelques secondes avant qu’elle me demande alors que je soutenais son regard en silence : 

-       Pourquoi tu me l’as pas dit ? 

Ma mâchoire tiqua, et je baissai les yeux sans lui répondre. Parce que je ne veux pas te faire de mal. Une nouvelle fois, Pansy se permit à ma place, la tonalité de sa voix explicitant pour elle à quel point elle était lassée de cette situation : 

-       Il voulait pas que tu te mettes à douter de tes cons de proches alors qu’on allait entrer en Guerre. 

-       Merci d’avoir respecté ma volonté, lâchai-je froidement vers mon amie. 

Elle se retourna totalement vers moi, les traits de son visage traduisant la colère qui montait en elle : 

-       Tu te fous de ma gueule ou quoi ? Tu voulais qu’on fasse alliance avec elle et qu’on risque nos vies sans lui dire que son débile d’ex est au courant depuis le début et que ça pourrait nous retomber dessus à littéralement n’importe quel moment s’il ouvrait sa vieille gueule ?! 

-       Elle a raison, enchaîna doucement Granger. C’était important que je sache que Ron sait. Je vais m’en occuper, assura-t-elle avec détermination. 

-       Et tu vas faire quoi exactement ? continua Pansy en se retournant vers elle. Tu vas gentiment lui demander de tenir sa langue et avoir aveuglément confiance en ce con qui t’a déjà mentit ? 

-       Non, je vais lui enlever ce souvenir, déclara-t-elle alors. Outre le fait que si je mourrais il pourrait ne pas vous défendre à cause de ça, cela pourrait également mettre en danger notre potentielle alliance et le fait que je maintienne l’anonymat de ma source, annonça-t-elle avec un sérieux froid. 

-       Tu n’es pas obligée de faire ça à ton ami, m’entendis-je alors prononcer doucement. 

Concerné et attendrit. Trop concerné et attendrit. 

-       Si, trancha-t-elle sérieusement. Vous n’êtes pas les seuls à devoir faire des sacrifices, et si ça peut participer à vous montrer mon sérieux dans la proposition que je vous fais et vous mettre ne serait-ce qu’un peu plus en sécurité, alors il n’y a aucune question à se poser. Que vous décidiez de faire alliance avec moi ou non, je le ferai, déclara-t-elle gravement. Et ainsi, s’il se trouvait que je mourrais dans la guerre, mes amis seraient plus enclins à vous défendre si je leur laisse une note posthume qui explique que vous étiez ma source tout ce temps, conclut-elle alors. 

-       Dans tous les cas il me semble qu’on a tous moins à perdre si tu crèves pas, déclara une Pansy un peu plus apaisée. 

Ce n’était pas une option, de toute façon. Ce n’était absolument pas une option. Granger ne mourrait pas dans cette Guerre. C’était absolument hors de question, gronda la rage en moi. 

-       J’ai fini ce que j’avais prévu de vous dire, je ne sais pas s’il vous reste des questions auxquelles je pourrais répondre ? proposa alors notre conférencière. 

-       En conclusion, résuma Blaise, si on fait alliance il faut absolument qu’on reste anonymes, qu’on prie pour que le Seigneur des Ténèbres n’ait pas de doutes sur nous sinon on est finis, et qu’on prie pour que tu restes en vie pour que peut-être, avec beaucoup, beaucoup de chance, tu puisses nous défendre devant le Magenmagot et qu’on soit tous libres. 

Pansy et Blaise pourraient être défendus plus facilement que Theodore et moi, surtout moi, à vrai dire. Il y avait une chance pour que les cas de mes amis soient défendus, rien que par le fait que Voldemort tenait leurs familles et qu’ils étaient mineurs quand ils s’étaient engagés. On pourrait certainement plaider la contrainte, et cela pourrait fonctionner pour les soldats ordinaires qu’ils étaient. Mais cela ne fonctionnerait pas pour moi, j’en avais déjà trop fait, et ma position n’était pas défendable en tant que Grand Intendant. J’étais leur ennemi mondial numéro 2. Il n’y aurait pas de rédemption pour moi, c’était là du pur déni de la part de Granger. Mais mes amis avaient une chance d’être libres. C’était tout ce qu’il comptait. Je pourrais aussi plaider que je leur avais lancé des Imperium pour ne pas être seul là-dedans, et appuyer ainsi leur défense. Oui, eux pourraient être libres. Elle pourrait les sauver. Mon cœur se réchauffa à cette considération qu’elle avait pour les miens, et je m’attendrissais encore malgré moi. 

-       C’est à peu près ça, oui, confirma Granger à mes amis. 

-       Nous en discuterons ensemble, achevai-je alors, et je te tiendrais au courant s’il nous reste des questions, et de notre décision. 

Elle acquiesça en ma direction. 

-       Merci pour ton sérieux dans ta proposition le crac, tu as été très bien, lui sourit alors Theodore. 

Elle lui sourit tendrement en retour, et accusa son compliment d’un signe de tête avant de ranger ses parchemins alors que mes amis se levaient de leurs chaises. 

-       Lèche-cul, pesta Pansy dans sa barbe. 

-       Bon ben nous on va se coucher, amena Blaise d’une façon gênante. A plus, peut-être, lui adressa-t-il alors qu’ils quittaient la pièce en me lançant des regards appuyés encore plus gênants. 

Elle rassemblait ses affaires, ses livres et ses parchemins alors que je la regardais. Nous étions seuls. Quelques mèches bouclées plus courtes que les autres retombaient de son demi-chignon lassement assemblé par sa baguette sur son visage, le reste de ses cheveux dégoulinant magnifiquement dans son dos. Elle avait l’air fatiguée, je ne le notai qu’à cet instant. Elle avait dû passer ses dernières nuits à préparer cette présentation de grande qualité, je devais l’avouer. Comme toujours. Elle était brillante et travailleuse, la combinaison la plus dangereuse qui soit. Inarrêtable, en somme. Et prête à tout cela pour mes amis. Prête à mettre sa réputation auprès des siens et du reste du monde sorcier en doute pour les miens. Prête à cela pour moi, sachant très bien qu’elle serait lynchée pour cela. 

-       Est-ce que je te laisse le livre de Tourdesac ? me demanda-t-elle en levant finalement les yeux vers moi. 

Un sourire en coin se dessina sur mon visage. Celui avec lequel elle m’avait nargué plus tôt. Je fis doucement non de la tête, attendri. 

-       Je te fais confiance, avouai-je alors doucement. 

Trop doucement. Elle acquiesça avant de baisser à nouveau les yeux sur ses affaires, et elle se pencha pour rattraper le livre qu’elle m’avait lancé à l’autre bout de la table. Sa chemise blanche s’entre-baillât sous ce geste, me dévoilant le haut de son décolleté. Merde, qu’est-ce qu’elle était belle, ne pus-je m’empêcher de constater. Elle avait l’air d’une femme d’affaire, avec son pantalon à pinces, sa chemise blanche et sa baguette dans ses cheveux. Juste somptueuse. Même si je ne l’avais pas su, c’était écrit sur elle à quel point elle était intelligente. Je détestais ça. 

Je me décrochais finalement du mur et m’approchait de la table. 

-       Est-ce que tu veux une tasse de thé ? proposai-je alors. 

C’était la moindre des choses, non ? Elle venait de parler pendant un certain moment, parce que comme toujours, elle avait eu beaucoup de choses à dire. Elle devait avoir soif. Ce n’était que de la simple et normale courtoisie. Elle ne leva pas les yeux vers moi quand elle me répondit simplement : 

-       Ça ira, merci. 

Je parcourais le coin de la table et marchait vers elle, l’aidant d’une main à rassembler ce qu’il restait de ses affaires jusqu’à me retrouver à côté d’elle. Son odeur de vanille envahit indécemment mon nez. Je me surpris à l’inspirer profondément. Je ne voulais pas la toucher, mais je ne voulais pas qu’elle parte. Cela s’était finit trop tôt. Je voulais juste pouvoir la regarder encore un peu. C’était tout. Rien de bien méchant. Juste pouvoir la regarder encore un peu. 

-       Est-ce que tu dors ici ? lui demandai-je alors que mes yeux s’aventuraient sur les traits de son visage porté bas sur ses affaires. 

Elle avait des cernes un peu creusées dans la peau. Contrairement à Theo et moi, les siennes n’étaient pas colorées. Elles étaient simplement enfoncées dans sa peau comme une marque indélébile. J’attribuais cela à son grain de peau, bien plus fin, bien plus délicat que le nôtre. Elle avait un teint plus vivant aussi, plus chaleureux. Sa peau n’était pas halée pour autant, mais elle avait des tonalités dorées à se damner qui faisaient ressortir les taches de rousseur qui parcouraient le bout de son nez et s’étalaient sur ses joues comme une voie lactée. Je me surprenais à me demander si elle en avait plus encore, lorsque l’été pointait le bout de son nez. J’espérais secrètement avoir la chance de le découvrir un jour, même si je ne l’aurais jamais avoué. 

-       Non, me répondit-elle alors simplement sans lever les yeux vers moi. 

J’avais observé attentivement la façon dont ses lèvres fines s’étaient entre-ouvertes et pincées pour prononcer ce mot. Elles avaient l’air terriblement douces. Fines, pourtant suffisamment pleines pour moi. Légèrement rosées naturellement, bien que pas autant que celles de Pansy. Elles allaient parfaitement avec la couleur de sa peau, s’y fondant en un dégradé de beige parfait. 

-       Ok, m’entendis-je rétorquer tout bas. 

Je ne pouvais me cacher du fait que je ressentais de la déception. Je n’aurais su l’expliquer en mot, mais quelque part il me semblait que j’espérais seulement qu’elle me resterait un peu plus longtemps. Cela avait été trop court. Elle allait encore disparaître, et je ne savais quand je pourrais la revoir à nouveau. Alors qu’elle était juste-là, juste devant moi, chez moi. 

Elle leva soudain les yeux sur moi, surprenant la façon dont je la regardais déjà. Le marron chaud de ses yeux, teinté de nuances plus claires ici et là s’imposa magnifiquement à moi, et je me laissai me noyer en eux. Si c’était la dernière fois que je la voyais avant je ne savais combien de temps, j’avais bien le droit de la regarder, non ? Je ne faisais que cela, la regarder. Cela n’avait jamais tué personne. 

-       Je veux que tu me prennes au sérieux, murmura-t-elle presque en rencontrant mes yeux, elle aussi. Je ne veux pas que tu croies que c’est juste une tentative désespérée pour rester proche de toi. 

J’aurai pu lui répondre bien des choses. J’aurai pu lui dire que cela ne m’avait pas même traversé l’esprit une seule seconde, parce que je savais à quel point elle était une femme réfléchie. J’aurai pu lui dire que j’estimai assez la guerrière qu’elle était indéniablement pour ne pas soupçonner qu’elle serait prête à donner des vies simplement pour être dans la même maison que moi, ne serait-ce que l’espace d’un instant. J’aurai pu lui dire que je lui faisais dangereusement confiance, et que c’était amplement ridicule de sa part que de penser que je puisse songer une telle chose à propos d’elle. Mais ses yeux rencontraient les miens, son odeur vanillée remplissait mes narines, et rien d’autre ne sortit de ma bouche hypnotisée que le chuchotement suivant : 

-       Ok. 

Elle se perdit dans mes yeux, elle aussi. Elle n’était qu’à quelques centimètres de moi. Juste là, à la portée de mon touché. La femme la plus brillante qui soit. Celle à qui je savais que je pouvais confier sans l’ombre d’un doute la vie de mes plus chers amis. L’avenir de ma famille. Celle à qui je savais que je pouvais confier leur avenir sans l’ombre d’un putain de doute, même si je n’étais plus. Elle se perdait dans mes yeux, plongeant tantôt dans le droit, tantôt dans le gauche, et je me demandais ce qu’elle y voyait, en cet instant. Je me demandais si elle y voyait celui qu’elle avait connu à Poudlard, ou celui qui avait torturé et fait tuer l’un des siens la vieille. Je me demandais si seulement elle le savait, sans vraiment vouloir connaître la réponse à cette question. 

-       Parce que ça ne l’est pas, chuchota-t-elle alors. 

Je laissai la douceur de sa voix raisonner en moi. J’avais le droit de faire cela aussi, non ? Ce n’était rien d’autre que de la pleine conscience, après tout. Rien d’autre que m’autoriser l’instant présent, pleinement. Rien d’autre que noter la tonalité délicatement cassée de sa voix douce. Rien d’autre que laisser son murmure raisonner en moi comme une tendre mélodie qui réchauffait ce qu’il restait de mon cœur. Une tendre mélodie qui réanimait ce qu’il restait d’humain en moi. 

-       Ok, m’entendis-je encore murmurer en réponse. 

Mon cerveau ne trouvait rien d’autre à lui dire, il était trop subjugué par sa présence juste devant moi. Par son odeur dans mon nez. Par sa voix dans mes oreilles. Par la vue de ses yeux plongés avec douceur dans les miens. Par ses cheveux sauvages qui décoraient la beauté sans pareille de son visage fin, indécemment magnifique alors qu’elle ne portait pas même une miette de maquillage. 

-       C’est plus grand que simplement toi et moi, chuchota-t-elle alors que mes yeux descendaient jusqu’à ses lèvres. 

Je me rappelai ce que j’avais ressenti, lorsqu’elle avait été devant moi la dernière fois, et que je ne l’avais pas même embrassée. Je me rappelai ce que j’avais ressenti alors qu’elle avait été juste là, et que je n’avais pas ne serait-ce que caresser sa joue. Je me rappelai ce que j’avais ressenti alors qu’elle avait été juste là, et que je n’avais rien fait que la renvoyer là d’où elle venait. Elle allait encore disparaître. 

-       Et j’ai entendu tes besoins à toi, continua-t-elle tout bas, et je veux que tu saches que je les respecte, murmura-t-elle alors que je sondais ses lèvres.  

Ses propres yeux à elle descendirent vers mes lèvres, pendues à elles en l’attente d’une réponse que je ne trouvais pas. Il n’y avait que la façon dangereuse dont elle regardait mes lèvres, et moi les siennes. 

-       Ok, chuchotai-je à sa bouche alors que je faisais un pas dangereux vers elle sans pouvoir le contrôler. 

Ses yeux se relevèrent jusqu’aux miens. Ils étaient presque suppliants. Comme hypnotisés. Je savais que les miens traduisaient la même émotion qu’elle. Ils se languissaient d’elle. Je voulais juste la regarder un peu plus longtemps. Je voulais juste sentir son odeur encore un peu plus longtemps. Elle releva le visage plus haut vers moi pour continuer de me regarder maintenant que j’avais réduit l’espace entre nous. Qu’est-ce que j’aimais quand elle était obligée de faire cela, lever le visage pour pouvoir continuer de mes regarder avec ces yeux-là. 

-       Ce qu’on fait nous dépasse largement, répéta-t-elle plus bas encore, et je suis prête à faire tout ce qu’il faut pour qu’il ne l’emporte pas à la fin. 

-       Mmh mmh, accusai-je d’une vibration grave de mes cordes vocales. 

Elle baissa les yeux. Putain, qu’est-ce que j’aimais quand elle baissait les yeux devant moi. Tout à l’intérieur de moi s’enflammait. Le monstre, moi, mon corps, mon cœur, tout. Elle ne pouvait pas me montrer le pouvoir que j’avais sur elle avec autant d’indécence. 

-       Bien sûr, continua-t-elle tout doucement en gardant son regard baissé, l’objectif que je vous défende à la fin de cette guerre est plus personnel, mais après tout ce ne sera que justice pour ce que vous aurez fait pour nous aider, tu ne crois pas ? 

Elle releva ses yeux de biche haut vers moi. Mon corps s’électrisa sous la réception de son regard. Sous ce regard implorant qu’elle levait vers moi. Ce regard qui venait encore bousculer les murs que j’avais mis tant de temps, et tant d’effort à ériger contre elle. Merde, qu’est-ce qu’elle avait fait de moi. Qu’est-ce qu’elle était en train de me faire, encore ?  

-       Mmh mmh, m’entendis-je encore ronronner presque à ses lèvres. 

Je n’étais même pas certain que mon cerveau enregistrait les mots qu’elle prononçait. J’humidifiais mes lèvres du bout de ma langue, ses yeux analysant ce geste avant qu’elle ne baisse encore le regard. Je me surprenais à regarder les cernes sous ces yeux qu’elle me cachait. J’aimais beaucoup l’idée que d’une certaine façon, c’était moi qui l’avais empêchée de dormir ces derniers jours. En cet instant, j’adorais l’idée qu’elle avait sacrifié son sommeil pour m’aider, moi et ma famille. Mes yeux se posèrent dangereusement sur ses lèvres qui s’ouvraient encore.   

-       Et bien entendu, murmura-t-elle tout bas alors que la douceur de sa voix faisait écho en moi, si ça me permet de te voir de temps en temps, même si c’est dans ces circonstances et seulement pour parler de cette guerre, je ne peux ni nier, ni mentir en disant que ce n’est pas un bonus quelque peu agré…

-       … Putain, arrête de parler Granger, chuchotai-je dangereusement à ses lèvres alors qu’elle relevait des yeux enivrés vers moi. 

Je ne contrôlais pas la main qui se leva doucement vers son visage pour soutenir sa joue avant de s’enfoncer dans ses cheveux. Je ne contrôlais pas non plus la façon dont mes yeux s’abandonnaient aux siens, et elle aux miens. Et je ne contrôlais rien non plus de la douceur avec laquelle mon visage se baissa jusqu’à elle pour venir rencontrer ses lèvres. La pulpe rebondie de la finesse de sa bouche atteignit la mienne, me libérant l’espace d’un instant du poids de mes responsabilités. Je m’entendis grogner de satisfaction alors que je retrouvais ce qui me revenait de droit avec la plus magnifique des douceurs. La femme qui était prête à tout pour sauver les miens. Mes doigts s’entremêlèrent dans ses cheveux comme il y avait bien trop longtemps qu’ils ne l’avaient pas fait, gardant son visage contre le mien, lui empêchant de m’échapper encore. Lui empêchant de me disparaître, encore. Mienne, gronda la force en moi. 

Elle entre-ouvrit les lèvres pour moi en une caresse veloutée, me laissant un accès total à sa bouche. Ma langue s’échappa impatiemment pour aller retrouver la sienne, la dégustant onctueusement. Je retrouvais son goût suave, sa saveur sucrée, sa texture souple et son humidité enivrante. Je sentais mon corps brûler pour elle, chaque cellule de mon organisme réclamant de se mélanger aux siennes dans la forme la plus pure d’amour qui puisse être. Elle s’abandonna à mon contrôle dans ce baiser délicat, laissant l’intégralité du poids de son visage reposer dans le creux de ma main qui la soutenait. Impuissante. Impuissante face à mon touché. Avec une harmonie démesurée, la douceur surnaturelle de ses lèvres caressa les miennes pour s’ouvrir plus encore, laissant à ma langue l’opportunité de venir rencontrer plus d’elle encore. Je prenais possession de sa bouche dans la danse la plus délicate qui puisse être, toute la tendresse que je ressentais envers elle transpirant dans chaque molécule de ma salive qui se mélangeait à la sienne. Elle lécha délicatement ma lèvre supérieure en un mouvement aussi lent qu’onctueux, parsemant ma bouche de picotements qui en réclamaient plus. De ma main encore libre, je serrai sa hanche en l’attirant tout contre moi, où était sa véritable place. Elle gémit dans le creux de ma bouche, d’un gémissement languissant qui me suppliait de lui donner plus de moi. D’un gémissement qui m’attestait d’à quel point elle m’appartenait réellement. Elle s’abandonna à mon étreinte, chaque seconde s’étirant avec une langueur rythmée par la douce brûlure de ma langue cherchant la sienne. Un vertige délicieux suivit l’explosion des hormones dans mon cerveau qui ne pouvait plus raisonner à propos de rien tandis que nos lèvres se rencontraient en une osmose parfaite. Ma langue chuchotait à la sienne tous les mots que je ne pouvais pas lui dire en une communion silencieuse, un aveu de faiblesse aussi délicieux que dangereux. Ma main gauche trouva sa juste place en remontant lentement dans le creux de son dos, l’appuyant plus fermement contre moi, cherchant comme à la faire fusionner avec moi. Je pouvais sentir le rebondissement de sa poitrine s’écraser contre mon torse en la collision la plus parfaite qui puisse être, et je savais qu’elle pouvait sentir à quel point j’étais dur pour elle. Si dur, et pourtant si doux pour elle. Je voulais tout lui donner. En cet instant, je voulais effacer les terreurs de la guerre pour elle, enlever de son esprit chacune de ses peurs, chacun de ses cauchemars, apaiser de ma langue chacune de ses angoisses, désinfecter chacune de ses douleurs et ne lui laisser plus que le nirvana enivrant qui nous gagnait tous les deux quand nos corps se rencontraient. Et je voulais m’abandonner à elle, moi aussi. En cet instant, je voulais tout abandonner pour elle, et c’était à quel point elle était dangereuse pour moi. Nous fusionnions dans un échange envoûtant de caresses délicates d’une sensualité exquise, et il ne restait plus rien de l’individualité que j’étais. Il ne restait que la douce violence de l’extase que nous partagions. 

Je lui retirai ma langue l’espace d’un instant, décrochant douloureusement mes lèvres des siennes pour laisser s’échapper un soupir suspendu entre deux souffles. Mes yeux étaient totalement subjugués, complètement hypnotisés par son visage toujours levé vers moi, tenu au creux de ma main, ses lèvres humides entre-ouvertes et ses yeux fermés à la recherche désespérée de mon contact. Du bout de ma langue, j’effleurais avec délice la pulpe de ses lèvres, caressant en même temps sa joue de mon pouce, et elle frémit entre mes doigts sous la douceur de ce contact languissant. Suspendue à mes lèvres, l’expression n’avait jamais été aussi littérale que cela. Je savourais chaque frisson que m’offrait chacun de mes sens face à elle. La vue enivrante d’à quel point elle était mienne, perdue en moi et dépendante de chacun de mes gestes. Les sonorités angéliques de la difficulté progressive de son souffle que je lui volais impunément. La délicieuse odeur sucrée de sa peau vanillée, et celle, un peu différente mais qui se mélangeait en le parfum le plus exquis qui puisse être d’amandes de ses cheveux qui trouvait son chemin jusqu’au plus profond de mon cœur. Le goût nostalgique teinté d’une légère saveur de miel du mélange parfait de nos langues dans ce baiser interdit. Oui, elle avait le goût de tout ce qu’il me manquait. De tout ce qui me rendait complet. De tout ce qui me rendait humain. Et le contact terrible de ses lèvres que j’effleurais encore des miennes, comme un homme ivre qui se délectait de chaque sensation frissonnante. C’était ce que j’étais, ivre d’elle. Je laissai mes lèvres danser avec les siennes, ne pouvant me lasser de l’onde vibratoire exquise que chaque contact érigeait à l’intérieur de moi. Je ne savais pas si je m’étais déjà senti aussi ivre d’amour. Totalement et intégralement ivre d’amour. Subjugué par les sensations que sa langue réveillait jusqu’à l’intérieur de mon âme. 

Alors je me délectais d’elle. Je laissai ma langue lui dire en des caresses appuyées tout ce que je n’avais pas le courage de lui dire avec des mots, et elle me recevait, comme elle le faisait toujours. Toujours ouverte pour moi. Toujours présente pour moi. Une violente et chaleureuse sensation vibratoire, presque physique, de gratitude se répandit en moi, et j’intensifiai l’appui de mon baiser, serrant son corps contre le mien en une étreinte désespérée. Parce que je savais que j’allais devoir la lâcher. Parce que je savais que j’allais devoir la regarder partir. Parce que je savais que dès que je lui retirerai le contact de mes lèvres, elle redeviendrait la femme que je devais à tout prix éviter. Parce qu’elle me rendait dangereux. 

En une caresse ardente de ma langue plus appuyée qui la savourait, je l’explorais plus profondément, et un nouveau gémissement étouffé rencontra mon âme. Ses mains se posèrent finalement sur mes hanches, et je frémissais sous ce contact. Et je savais en cet instant que je devais me reculer, parce que je ne serais plus maître de moi si elle me touchait, elle aussi.  Je laissai l’osmose parfaite de nos langues réduire en lambeaux ce qu’il me restait de raison avant de retirer lentement, en une douce caressante languissante, ma langue de la sienne. J’effleurais avec un désir brûlant l’embrasure de ses lèvres en sortant avant de douloureusement éloigner mon visage du sien. D’une lenteur démesurée, je laissai mes mains glisser tantôt de son dos, tantôt de ses cheveux, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien d’elle en moi. Totalement et absolument enivrée, elle ouvrit lentement les yeux à ma recherche, son regard vitreux n’étant pas encore revenu dans le réel, les pulsations de notre baiser vibrant encore contre nos lèvres. Je léchais moi-même ma lèvre inférieure à la recherche d’un peu plus de son goût. Je voulais plus. Je voulais tellement plus que cela. Mais je m’étais fait une promesse, à moi et à ma famille. Et je la respecterais. Alors je contrôlais de toutes mes forces l’énergie ardente et vibrante qui brûlait en moi, désireuse que je me jette sur elle tandis qu’elle se noyait dans mon regard. 

-       Qu’est-ce que c’était que ça ? murmura-t-elle si bas que sa voix teintée d’ivresse ne m’était presque pas audible. 

Un tendre et sincère sourire étira ces lèvres bénies qui venaient de l’embrasser. 

-       Ma façon de te dire merci, chuchotai-je en retour. 

-       Mh, gémit-elle tout doucement. 

Ses yeux se refermèrent l’espace d’une seconde et elle tangua contre moi. Oui, comme ivre. Je sourirais face au spectacle de l’effet que j’avais sur elle. Merde, elle était magnifique quand elle était aussi dépendante de moi. Aussi enivrée de moi. Je laissais mes yeux se délecter du spectacle sans perdre l’attendrissement dans mon sourire. Je ne pus retenir mes bras de venir l’encercler à sa taille, la retenant droite contre moi. Son visage était toujours levé vers moi, à la recherche de mon contact. Le sourire aux lèvres, j’apaisai une ultime caresse de mes lèvres contre les siennes. 

-       J’aime comment tu dis merci, murmura-t-elle à mes lèvres. 

Et encore une fois, je ne contrôlais rien de l’attendrissement aussi profond que léthal qui brillait dans mes yeux quand je la regardais, rien de mes bras qui l’encerclait pour la maintenir sur ses pieds, rien de la vague émoustillante de chaleur qui brûlait en moi, ni rien du sourire aussi niai qu’idiot qui adornait mes lèvres à qui elle avait trop manqué. 

Le feu ardent qu’elle avait allumé à l’intérieur de moi continuait de vibrer inlassablement lorsque je l’avais raccompagnée dehors, et que je l’avais regardée me disparaître, encore. 


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