Dollhouse
C’était les yeux morts et grands ouverts de Pansy qui me hantèrent, cette nuit-là. La façon dont ils étaient vides et dont seuls les fantômes de ce qu’il restait de sa vie dansaient en eux. La baffe de Blaise, et les yeux morts de celle qui ne pouvait pas mourir. La froideur glaciale de son corps et le poids de son cadavre dans mes bras. Son odeur, aussi. Cette odeur qui ne me quittait plus. Ces images m’accompagnaient dans mon sommeil comme rappel constant de ce qu’il m’attendait si je n’étais pas à la hauteur. Si je n’étais pas convaincant. Je m’étais réveillé plein de transpiration, ce matin-là. Il me faudrait demander à Mint de changer mes draps, notai-je alors. J’avais soupiré devant la nouvelle journée qui s’annonçait devant moi, et je m’étais levé pour prendre une douche qui laverait le restant de mes péchés qui salissait mon corps. « Quel est ton objectif pour cette Guerre, Drago ? ».
Je m’insérai sous le jet d’eau et le laissait couler sur mon visage. Je revoyais ses yeux à elle. J’entendais sa voix raisonner en moi. Je percevais encore la forme de ses lèvres qui s’étaient tenues juste devant moi, et que je n’avais pas embrassées. Je passai une main sur mon visage trempé tandis que l’eau chaude s’écoulait sur l’intégralité de mon corps. L’embrasser. Cela me hantait. Juste… l’embrasser. Caresser ses lèvres des miennes. Rencontrer la douceur de sa langue encore une fois. Son humidité. Sa texture. Son goût. Rien que ressentir la douceur de ses lèvres contre les miennes. Un contact physique humain tendre et chaleureux. Rien qu’un peu de chaleur.
Je sentis mon sexe se gorger de sang à ces pensées. Je ne parvenais pas à me rappeler quand était la dernière fois que c’était arrivé. J’hésitai en le regardant, l’espace d’un instant. Y avais-je droit, rien qu’à cela ? Où cela ferait-il de moi un monstre plus que je ne l’étais déjà ? La partie rationnelle de mon cerveau ne me laissa pas le luxe de la réflexion, ma main droite se renfermant autour de mon membre alors que je fermais les yeux, ma main gauche soutenant le poids du haut de mon corps contre le mur de ma douche.
Cette même main qui s’était enfermée autour de la gorge de Granger toutes ces fois-là. Sa peau au goût sucré qu’il me semblait presque pouvoir goûter à mesure que je me laissais entraîner dans mes souvenirs. Je revoyais sa tête renversée en arrière dans la bibliothèque. « Je te déteste Malefoy », avait-elle gémit alors que j’embrassai son cou. Je raffermissais ma poigne autour de mon sexe et fermais les yeux de toutes mes forces, l’eau de la douche réchauffant mon corps nu. Je revoyais ses yeux fermés et ses sourcils froncés, l’air chaud qui s’était échappé de ses lèvres entre-ouvertes qui avait rencontré mon visage. Merde, mon corps était sensible, il réagissait au quart de tour. Il n’avait pas été touché depuis trop longtemps. Je léchais mes lèvres et me concentrai pour continuer. Je me rappelai avoir enfoncé ma main dans sa culotte, et avoir découvert à quel point elle était déjà trempée pour moi. Mon sexe pulsa dans ma main. Je mordillais ma lèvre inférieure et me laissait guider par Granger.
Je me rappelai dans le couloir de ma salle commune, juste après qu’elle m’ait apprit être avec Weasley. Je me rappelai sa main sur le même sexe que je tenais dans la mienne. La première fois qu’elle m’avait touché à son tour. Je me rappelai ses yeux démoniaques, ses yeux affamés. Jusqu’alors, je ne savais pas que Granger pouvait regarder qui que ce soit avec de tels yeux, et moi encore moins. Je les avais découverts, et ils m’avaient rendu fou. Je me rappelai la sensation de la paume de sa main autour de moi quand elle s’était agenouillée là. Je me rappelai de la douceur de ses cheveux dans ma main. Et je me rappelai de ses yeux dans les miens quand elle m’avait goûté. Je me rappelai de ses yeux dorés, de l’excitation que je pouvais y lire alors qu’elle me contrôlait. Je me rappelais la sensation sans pareille de ses lèvres autour de moi quand je l’avais poussée à aller plus loin dans son geste. Je m’entendis gémir dans le présent, les mouvements de va et vient sur mon sexe s’intensifiant alors que je luttais pour garder ma prise sur le mur. Je me rappelais son corps nu dans les vestiaires de Quidditch. Je me rappelais la sensation de ses fesses dans mes mains et ses seins contre mon maillot. Je me rappelai la douceur de sa peau sous mes doigts. Je me rappelais de son bassin cambré contre mon sexe, et les gémissements angéliques alors qu’elle ondulait contre moi. Je me rappelais la force avec laquelle elle avait tiré mon visage hors de son cou pour m’embrasser, et sa langue contre la mienne alors qu’elle jouissait contre moi. Je me rappelais les traits de son visage, ses sourcils froncés, sa bouche ouverte, son corps qui tremblait sous mes mains, et son gémissement.
- Putain, m’entendis-je gémir à bout de souffle.
Je me rappelais la première fois que je l’avais pénétrée de mon sexe. Je me rappelais la sensation de l’avoir tout autour de moi. La sensation de son liquide qui se répandait autour de moi pour la toute première fois. Je me rappelais à quel point c’était horriblement délicieux. Je me rappelais son visage, sur le canapé de ma salle commune, quand je la portais au-dessus de moi, m’insérant en elle inlassablement. Je me rappelais ses cris, et ma main accéléra encore ses mouvements. Je mordais violemment ma lèvre inférieure alors qu’un grognement guttural s’échappait de ma gorge. Je la revoyais sur mon matelas, son dos cambré et ses cuisses écartées pour moi. Je pouvais encore sentir son goût sur ma langue alors que je la léchais. Je me rappelais de sa main dans mes cheveux. Et j’entendais sa voix raisonner en moi quand elle avait chuchoté « tu m’appartiens ». Une violente vague de chaleur m’envahit. Ses gémissements qui s’étaient intensifiés alors que je la dévorais. « Tu m’appartiens ». Et son gémissement terrible quand elle avait appuyé mon visage contre elle quand j’avais avoué « je t’appartiens ». Comme pour attester de ce fait, mes respirations de plus en plus courtes et hachées furent entrecoupées de petits gémissements étouffés. « Je t’appartiens », avais-je encore répété, à genoux devant elle. Un gémissement plus marqué accompagné d’un tremblement de ma voix annonça ce que je savais déjà. Oui, je lui appartenais. Un dernier soupir, plus profond et bruyant vint contracter les muscles de mon corps avant que tout ne se détende, un liquide chaud me délivrant. J’ouvrais les yeux et regardais ma semence se mêler à l’eau de ma douche, ma bouche ouverte à la recherche d’un peu d’air. La seconde d’après, la légèreté fut remplacée par le poids de la vie que je menais désormais.
Quand je descendis pour le petit-déjeuner, ils étaient tous déjà à table, chacun à sa place habituelle. Je prenais la mienne, face à Theo et Blaise, Pansy en bout. Je notai avec surprise qu’elle était en train de manger des œufs brouillés. Il y avait même une tranche de bacon dans son assiette, quand bien même elle n’y avait pas encore touché. Elle avait tout de même mit cette tranche dans sa propre assiette.
- Salut champion, me salua Blaise de sa voix matinale.
- Bien dormi ? l’enquis-je en retour.
- Comme un bébé, me sourit-il en se resservant une tasse de thé.
Un coup d’œil dans la direction de Theo me permit de constater des étoiles qui brillaient dans ses yeux. Il avait meilleure mine que quelques jours plus tôt, les cernes violettes autour de ses yeux s’amenuisant de jour en jour, quand bien même elles n’avaient pas encore totalement disparu de son visage. Il ne le disait pas, il n’en disait rien en fait, mais je savais. Je ne pus retenir un tendre sourire alors que je prenais place. Il allait mieux. Ils allaient mieux, tous les deux.
- Alors, on va où aujourd’hui ? me demanda Pansy une fois qu’elle eut terminé sa bouchée.
- C’est repos aujourd’hui, leur appris-je en me servant une tasse fumante de café. On a rendez-vous à la Maison de Joie ce soir pour accueillir ceux de Durmstrang qui nous ont rejoint.
J’échangeai un regard anticipatoire avec Theodore. Il y en avait une en particulier que ni lui, ni moi n’avions hâte de revoir. En suivant ensuite les yeux de Theo, je constatais que Pansy ajustait son assise sur sa chaise, le regard porté bas sur son assiette. Elle était mal à l’aise à l’évocation de cet endroit.
- Ne viennent que ceux qui veulent, mais Theo et moi y allons, terminai-je alors en lui offrant une porte de sortie désinvolte.
- Oh tu vas pas me priver d’un peu de chair fraiche mon garçon, papa a besoin de manger, plaisanta (à moitié, il me semblait) Blaise.
- T’es dégueulasse, pesta Pansy avec une moue de dégoût retroussant ses lèvres.
Elle posa sa fourchette. C’en était finit de nos espoirs qu’elle mange sa tranche de bacon.
- Je ne suis qu’un homme ma chérie, soupira-t-il vers elle avec un sourire qu’il voulait attendrissant.
Il ne l’était pas.
- Un animal serait plus exact, trancha alors la voix de Theodore.
Pansy rit. C’était un petit rire qu’elle n’avait pu retenir et qui ne dura que l’espace d’une seconde, mais elle rit. Mes yeux ronds rencontrèrent ceux de Blaise, mais ni lui ni moi ne nous permirent de faire quelconque réflexion à ce propos.
- Eh, un soldat efficace est un soldat détendu ! s’était finalement défendu Blaise.
- Ta main droite te suffit plus ? enchaîna Pansy en levant un sourcil plein de jugement vers lui.
- Elle a ses limites ma biche, l’homme que tu vois là a besoin d’un peu de chaleur, plaida-t-il sa cause en lui faisant les yeux doux.
- J’peux te prêter la mienne si tu veux, renchérit Pansy sur un ton provocateur.
Le regard noir que lança Theo dans leur direction à tous les deux déclarait la dangerosité de la suite de cette conversation matinale. J’espérais pouvoir prendre quelques gorgées de café avant que la nourriture vole dans tous les sens autour de moi. Blaise, quant à lui, avait la bouche entre-ouverte, sous le choc.
- De chaleur ? demanda-t-il alors pour préciser les propos de sa meilleure amie.
- Non, ma main, explicita Pansy pour lui en rencontrant ses yeux, pour la foutre dans ta gueule et rafraîchir tes idées, sale pervers, cracha-t-elle finalement.
- C’est trop généreux de ta part, lui sourit faussement Blaise.
- J’peux aussi te balancer dans la neige si t’as trop l’feu au cul, lui offrit encore une Pansy en une forme matinale olympique.
Je notai qu’un sourire se dessina sur les lèvres de Theodore. Ce serait lui qui prendrait pour cela, quand ils s’entraîneraient ensuite. L’enfoiré avait hâte.
- Et si c’était moi qui foutais ton cul dans la neige, espèce d’arrogante, renchérit Blaise vers sa meilleure amie.
- Tu peux toujours essayer, le défia-t-elle avec un sourire en coin.
- J’croyais que t’avais hâte de rencontrer ta came chez les bougs de Durmstrang toi aussi, continua Blaise sur un terrain miné.
Le regard noir que Theo lui lança en attesta. Pansy, par contre, ne quitta pas son assiette des yeux quand elle répliqua :
- Ils ont été assez cons pour s’engager d’eux-mêmes dans les rangs, qu’est-ce que tu veux que je fasse avec ça ?
Le sourire en coin et l’adoucissement du regard de Theodore était notable. Je suivais ce spectacle comme un putain de match de Quidditch, mes yeux allant de droite à gauche en fonction du protagoniste qui avait le Souafle. Le sourire aux lèvres et ses yeux joueurs levés vers moi tandis que Pansy fixait son assiette, Blaise poussa :
- J’croyais que tu les aimais dangereux ?
- Dangereux et taré c’est pas la même chose ducon, lui renvoya-t-elle en relevant le visage vers lui.
- Ah ouais, admit-il alors, genre moi j’suis dangereux mais pas taré, se venta-t-il avec un sourire vainqueur.
- Non, toi t’es ni l’un ni l’autre, recadra Pansy en prenant finalement une nouvelle bouchée de ses œufs.
- Eh ! protesta un Blaise piqué.
- Pardon princesse, j’t’ai blessé ? lui envoya-t-elle avec un faux air concerné.
- J’sais pas pourquoi j’continue d’parler avec toi, pesta finalement notre ami en baissant les yeux sur sa propre assiette.
- Vous êtes bien en forme, notai-je alors avec un sourire attendri, ça fait plaisir.
- Comment vont tes genoux ? raisonna soudainement la voix posée de Theodore.
Il la regardait, en plus. L’air sembla flotter entre nous quatre. L’on aurait entendu une mouche voler jusqu’à l’étage. Oui, quelque chose avait profondément changé entre eux ces derniers jours. Pansy rencontrait ses yeux avant de les baisser quand elle répliqua simplement :
- Ils vont bien.
Un nouveau silence s’abattu sur nous. Comme à son habitude, Blaise parvint à alléger l’ambiance avec humour :
- Lui il est dangereux et taré, marmonna-t-il assez fort pour qu’on l’entende.
Et nous avions tous ri, y compris Theo et Pansy. Je ne pus m’empêcher de remarquer le petit regard en coin que Pansy jeta dans sa direction, quelque chose brillant au fond de ses yeux verts. Je ne pouvais pas encore nommer exactement que c’était, ce qui brillait dans son regard, mais quelque chose m’apparaissait comme certain : en cet instant, ce n’était pas de la haine. Je profitais de cet instant si anodin. Tous les quatre autour de la table, et un sourire sur chacun de nos visages. Pas de sang qui nous tâchait. Juste quatre amis autour d’une table qui riaient ensemble. Mon cœur se réchauffa un peu, et j’avais mangé avec appétit mon petit-déjeuner.
J’avais regardé, au travers de la fenêtre du bureau de mon père, « Blaise » et Pansy rejoindre le terrain d’entraînement. Je m’étais laissé attendrir par les larges sourires qui se logeaient sur le visage de mon ami, conscient que c’était l’âme de frère qui souriait vraiment. Il n’y aurait pas de massacre aujourd’hui. Je supposai que je pouvais me permettre un peu de tendresse, aussi m’autorisai-je un sourire, moi aussi. Blaise ne la quittait pas des yeux, de yeux qui scintillaient d’un éclat dont ils étaient dépourvus lorsque c’était le vrai lui qui regardait Pansy. Lorsqu’il devait bouger, il marchait en arrière pour garder ses yeux sur elle, continuant d’entretenir la conversation inaudible à mes oreilles qu’ils avaient, un large sourire aux lèvres. Je n’entendais rien de ce qu’ils se disaient avant qu’ils ne se mettent à se battre inlassablement, mais j’étais certain d’une chose : Blaise ne regardait jamais Pansy de la sorte. Jamais. Il s’autorisait le contact occasionnel, ici et là, au travers de leurs combats. Une main sur son bras, une autre sur son épaule. Mon cœur se réchauffa encore. Je quittais la fenêtre avec un sourire aux lèvres, avant qu’il ne s’efface que trop rapidement.
J’avais de nouvelles équipes de Mangemorts à composer pour nous permettre de couvrir de plus en plus de territoire, ce qui rendrait inévitablement la tâche plus dure pour l’Ordre. Je ne savais pas s’ils recrutaient également de leur côté, et quand bien même Granger m’avait dit qu’ils commenceraient à riposter, nous ne les avions pas encore croisés sur l’une de nos rixes. Je supposais qu’il leur était difficile de savoir où nous frapperions, puisque nous étalions notre champ d’attaque aléatoirement grâce à ma stratégie parfaitement bien pensée. Mais plus nous serions nombreux, plus nos équipes auraient des chances de les croiser. Au fur et à mesure du temps, nous étions parvenus à amasser de plus en plus de nouveaux soldats. Le Seigneur des Ténèbres faisait le tri parmi ceux que nous capturions, et je devais tenir le compte et répartir en équipes ceux qu’il restait. Nous en étions à bien 200 nouvelles recrues capables, à ce stade. Tous n’étaient cependant pas envoyés sur les rixes, certains d’entre eux avaient des métiers qui pouvaient nous être utiles dans d’autres domaines qui nous permettaient d’étendre notre pouvoir sur le gouvernement, ainsi que sur les gouvernés.
Les étudiants de Durmstrang que nous accueillerions ce soir ne resteraient pas en Angleterre pour faire partie de nos rangs jusqu’à ce que la vraie guerre commence. Ils faisaient partie de nos alliés à l’international que nous solliciterions lorsque nous passerions à la réelle offensive, c’était-là le contrat que j’avais passé avec Karkaroff. L’étape suivante pour nous serait de prendre le contrôle du Ministère ainsi que des médias, et par là-même de l’armée d’Angleterre. Pour pouvoir atteindre mon objectif de contrôler les frontières dans le but de ne pas laisser entrer de potentiels alliés de l’Ordre, il nous faudrait également contrôler le gouvernement moldu, à terme. Le contrôler, ou le terrasser. Je devais encore aborder ce point avec Theodore. Je ne savais encore trop quand, ni comment nous parviendrions à ce résultat, mais il faudrait commencer à s’y pencher dans les semaines qui suivraient. Pour l’heure, nous continuerions ce que nous faisions déjà parfaitement bien en l’attente de la riposte inévitable de l’Ordre. Lorsque ce serait finalement le cas, nous pourrions capturer certains membres pour leur soutirer des informations qui nous permettraient certainement de prendre plus d’avance encore sur eux, et nous donner ainsi plus de chances encore de gagner en force, ainsi qu’en terrain. « Quel est ton objectif pour cette Guerre, Drago ? ». Les faire survivre. Le faire survivre.
J’avais passé une bonne partie de mon après-midi dans le bureau à préparer les nouvelles équipes en fonction des points forts et plus faibles des uns et des autres, avec ce dont je disposais. Theodore était entré dans mon bureau dans la forme de Blaise alors que le soleil commençait à se coucher. Il avait passé la journée de la sorte. Il avait passé la journée avec elle.
- Tu t’en sors ? me demanda-t-il de la voix de notre ami.
Il leva sa baguette vers lui avant de prononcer :
- Finite Incantatem.
Doucement, il reprit son apparence normale. Celle à se damner. Je baissai les yeux sur les documents que j’avais devant moi et le parchemin que je rédigeai.
- Oui, j’ai presque terminé, répliquai-je alors. Il faudra qu’on parle bientôt de la prise de pouvoir sur le gouvernement moldu, l’informai-je quelques secondes plus tard.
- On n’en est pas encore là, posa-t-il de sa voix calme et tranquille qui me donnait l’impression d’être un enfant qu’il rassurait.
- Oui, c’est pour ça que j’ai dit « bientôt », rétorquai-je sans lever les yeux vers lui.
Il ne répondit pas pendant un instant, sondant probablement mon corps et ce qu’il pouvait percevoir de moi. Me surveillant, comme il le faisait toujours.
- On est à combien de nouvelles recrues opérantes ? me demanda-t-il ensuite.
- Quasiment 200.
- C’est beaucoup, ponctua-t-il doucement.
Trop doucement pour en être satisfait, comme il aurait dû en être. C’était le fruit de notre travail, après tout. Notre garantie de rester en vie, pour l’instant.
- Oui, c’est bien, confirmai-je alors.
Une nouvelle fois, il ne me répondit pas. Non, il était trop occupé à me sonder, moi et chacun de mes mouvements.
- Est-ce que Pansy sera de la partie ce soir ? demandai-je en rompant le silence.
- Oui.
Je levai finalement les yeux vers lui. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’elle vienne avec nous, étant donné comment cela s’était passé la dernière fois.
- Ça va aller ? questionnai-je avec inquiétude.
La dernière et seule fois où elle nous y avait accompagnés ne s’était pas exactement passée comme prévu. Il était grand temps que nous arrêtions de montrer aux autres Mangemorts nos faiblesses.
- Je serai là, positionna-t-il avec force.
Je ne pus retenir un sourire.
- Qu’est-ce qui te fait sourire ?
- Tu as l’air d’aller mieux, constatai-je avec un mélange de soulagement profond, et de quelque chose d’un peu plus sombre qui vibrait en moi.
Il ne me répondit pas. Il ne m’en parlait plus beaucoup, d’elle.
- Elle ne t’en fait plus voir de toutes les couleurs ? tentai-je alors de creuser.
- Disons qu’elle s’est un peu détendue, nuança-t-il.
- Que tu l’as détendue, appuyai-je vers lui.
Il leva un sourcil circonspect sur son front.
- Tu penses que je ne vous vois pas ? lançai-je alors en réponse à ce geste.
- Il n’y a rien à voir, tenta-t-il de couper.
- Si tu le dis.
- Nos rapports peuvent être cordiaux sans n’être rien de plus que ça, argumenta-t-il avec un déni qui ne lui ressemblait pas.
- Bien sûr. C’est cordial, de la regarder dans les yeux ? continuai-je encore.
Il détourna les yeux de moi.
- C’est arrivé comme ça.
- Mmh, accusai-je. C’est inhabituel, que tu sois touché sur le terrain, amenai-je finalement alors que je sentais mon estomac se serrer.
Il n’avait pas semblé noter à quel point le fait de le voir tomber sur le champ de bataille m’avait terrorisé. A quel point j’avais eu putain de peur de le perdre, encore. Pour elle, encore.
- Elle a appelé mon nom, rétorqua-t-il d’une voix basse.
Je levai les yeux vers lui et attendais qu’il rencontre les miens. Mon sang commença à chauffer dans mes veines. Il aurait pu y rester, tout cela pour quoi ?
- Donc tu te fais toucher par l’ennemi parce qu’elle a appelé ton nom ? lâchai-je sur un ton qui trahissant l’émotion qui montait à l’intérieur de moi.
- Ça m’a pris au dépourvu, se défendit-il calmement.
- Tu n’es pas du genre à être pris au dépourvu, positionnai-je froidement.
- C’est Pansy, rétorqua-t-il comme si c’était une réponse suffisante.
Je le regardais. Que pouvais-je répondre à cela ? Mon cœur battait plus rapidement dans mon poitrail. Nous étions tous impuissants face à sa Pansy.
- Oui, c’est Pansy, tranchai-je alors.
- Qu’est-ce qu’il y a, Drago ? demanda-t-il doucement.
- Il n’y a rien.
- Ne me mens pas, appuya-t-il avec force.
Ah, c’était moi qui mentais. Ce n’était pas celui qui m’expliquait que c’était « cordial » quand il se mettait en danger juste parce qu’elle l’avait putain d’appeler par son prénom sur un putain de champ de bataille.
- Je ne te mens pas. Je m’accommode comme je peux au fait que ta sécurité dépende d’elle et de ce qu’elle fait. Ce n’est pas d’une stabilité très rassurante, crachai-je avec ressentiment en reportant mes yeux sur mon parchemin.
- Écoute…
- … J’ai encore du travail à finir, le coupai-je sèchement.
Je n’avais pas envie de l’entendre justifier le fait qu’il dépendait intégralement d’elle, je le savais déjà. Je l’avais trop bien expérimenté.
- Drago…, tenta-t-il doucement.
- Le Seigneur des Ténèbres n’attend pas, tranchai-je encore. Laisse-moi finir s’il-te-plaît.
Je ne levai pas les yeux vers lui. Il demeura silencieux un instant avant de demander tandis que le sang bouillonnait dans mes veines et que la colère obscurcissait mes pensées :
- C’est vraiment ce que tu veux ?
- Oui, c’est ce que je veux, rétorquai-je sans le regarder.
Il s’en alla quelques secondes plus tard. C’était putain d’ironique, que ce soit lui qui en soit triste. C’était ma vie qui dépendait de lui, et la sienne dépendait intégralement des humeurs de Pansy, qui n’était pas vraiment un putain d’exemple de stabilité. Mais c’était lui qui était triste, et c’était lui qui était un exemple de soi-disant stabilité. Conneries. Il était putain de dépendant, et il n’y avait absolument de rien de putain de stable là-dedans. Et elle voulait se joindre à nous à la Maison de Joie. Pour faire quoi ? Pour son putain d’égo ? Pour ne pas être laissée de côté comme la petite meuf fragile qu’elle était ? Tout ça parce qu’elle n’arrivait pas à se l’avouer ? Et ensuite ce serait à nous de réparer les pots cassés, c’était cela la vérité. Son égo nous mettait en danger, parce qu’il rendait Theodore dangereux. Parce qu’il attaquerait quiconque ne ferait que ne serait-ce que la mettre mal à l’aise, parce que c’était à ce point qu’il était taré à propos d’elle. Même si cela impliquait de se battre dans une putain de horde de Mangemorts. Mais nous ne pouvions rien dire, évidemment, puisque c’était Pansy. Parce que putain de Pansy. Et tout ne tournait qu’autour de ça. Qu’autour de Pansy Parkinson et de son égo surdimensionné qui nous mettait tous en danger, Theodore le premier, et donc moi, par conséquent. Et nous étions juste censés fermer nos gueules parce que la sienne était plus grande. Et nous étions juste censés obéir au moindre de ses désirs comme s’ils étaient des putains d’ordres parce que Theodore était incapable de la recadrer comme il aurait dû déjà le faire depuis longtemps. Et s’il mourrait pour ces conneries, il n’en avait rien à foutre. Non, il n’en avait putain de rien à foutre. Et moi, dans tout ça ? Est-ce que j’avais encore une place dans son cœur, où est-ce qu’il ne restait que Pansy ? Plus que putain de Pansy ?
Ils dînaient déjà tous lorsque j’étais finalement descendu les rejoindre, le travail que j’avais à accomplir pendant qu’ils se reposaient terminé. Pansy mangeait. J’étais ravi de le constater. Aucun d’entre eux n’était encore en tenue pour la soirée, mais les cheveux de Pansy étaient encore mouillés de sa douche. Elle n’avait donc pas changé d’avis.
- Donc tu viens avec nous ? lui lançai-je alors que je prenais place.
- Oui, répondit-elle simplement.
Eh bien parfait. Que se passerait-il ce soir ? Est-ce qu’elle se mettrait à pleurer si un Mangemort lui faisait un compliment ? Est-ce qu’elle allait encore mettre une robe qui n’avait que la forme pour la qualifier de vêtement, pour en pleurer ensuite ? Comptait-elle encore sur Theodore pour prendre sa défense ? Était-elle si égoïste et désinvolte que ça ?
- Tu es certaine de pouvoir ? creusai-je d’une voix basse qui traduisait mon inquiétude sous-jacente.
Inquiétude, colère, je n’étais plus certain de les distinguer l’une de l’autre en cet instant. Elle leva les yeux de son assiette vers moi, et je les rencontrais. Quoi ? Je n’étais pas censé poser la question, c’était secret d’état ? Ou pire, une insulte ?
- Je ne viendrais pas sinon, rétorqua-t-elle sur un ton plus froid que précédemment.
- Ouais, accusai-je, tu disais déjà ça la dernière fois.
- Drago, coupa sèchement Theo.
- Non, ça m’intéresse, m’enquit Pansy avec un sourire faussement amical. Qu’est-ce que tu sous-entends ?
- Je ne sous-entends rien, ce sont les faits, amenai-je froidement en me servant une assiette d’haricots verts. Tu as fait des pieds et des mains pour pouvoir participer et y aller avec nous, on a accepté et ça ne s’est pas exactement passé comme prévu, alors je veux juste savoir si tu es certaine de te sentir de venir cette fois.
Ce n’était que la simple et pure vérité. C’était défendu, de dire la vérité dans cette maison ? Même quand cette vérité nous mettait en danger pendant que m’évertuais à tous les garder en vie ?
- J’ai dit oui, trancha-t-elle plus sèchement encore.
- Je m’inquiète pour toi, c’est tout, avouai-je. Et pour nous tous.
- Qu’est-ce que ça a à voir avec vous tous ? m’enquit-elle, ses sourcils froncés d’incompréhension.
Je pouffai. De l’incompréhension ? Et le culot de me demander en quoi cela avait un rapport avec nous ? Vraiment ? Le pire, c’était la façon dont elle me regardait, avec cet air de défit et de menace. Est-ce qu’elle était vraiment sérieuse ? Ne se rendait-elle sincèrement pas compte d’à quel point ses petits caprices nous mettaient tous en danger ? Bien sûr que non, puisqu’elle obtenait toujours tout ce qu’elle voulait. Pansy, la reine, et nous ses loyaux serviteurs. Oui, tout pour ses beaux yeux, parce que putain de Pansy.
- Quand je suis obligé d’apaiser les choses avec Walden pour maintenir des relations à peu près cordiales pour pas que…
- … Parce que c’est ma faute à moi s’il m’a traité comme si j’étais un putain de bout de viande ? me coupa-t-elle avec une colère montant en flèche.
- Je n’ai pas dit ça, corrigeai-je alors que la mienne suivait la sienne.
- Ouais, tu ferais bien de faire attention à ce que tu dis, me menaça-t-elle explicitement.
Je mordais ma lèvre inférieure alors qu’un sourire qui n’avait absolument rien d’amical ou d’amusé se dessinait sur mes lèvres. Ce culot… Ce putain de culot… Ouh, les choses que j’avais envie de lui dire. Putain, ce que je rêvais de lui dire. Mais j’inspirai profondément par le nez avant d’essayer :
- Je dis simplement qu’on doit faire attention à ne plus montrer nos faiblesses aux autres, c’est déjà trop arrivé. Et ça vaut pour nous tous, ajoutai-je en reportant mes yeux sur mon assiette.
Je l’entendis pouffer. Mon cœur se mit à battre plus rapidement dans mon poitrail, et ma mâchoire se serra presque douloureusement pour garder ce qu’il me restait de calme. Je serrai ma fourchette, enfonçant mes ongles dans la paume de ma main. Ça l’amusait ? Elle était morte, Theodore s’était donné la mort, et j’avais dû vendre mon âme pour ses beaux yeux, et ça l’amusait ? Elle n’en avait rien à foutre de tous nous mettre en danger ? Il y avait quelque chose de putain de drôle là-dedans ? Et peu lui importait, parce que dans tous les cas ses chiens de garde la protégeraient comme une putain de demoiselle en détresse, et peu importait pour Theo ? Peu importait pour Drago ?
- Putain, qu’est-ce qui t’prend là ? me défia-t-elle.
- Ça suffit, tenta de trancher sèchement Theodore.
Je levai des yeux noirs vers lui, mon cœur s’emballant plus encore dans mon poitrail. Je voyais rouge. Il était là, son preux chevalier pour qui il n’y avait plus qu’elle qui comptait. Attention au moindre fou qui lui dirait un putain de mot de travers, même si ce fou avait raison et qu’il s’agissait de son putain de frère.
- On discute, appuyai-je insolemment vers lui. On n’a pas le droit ? Tu préférerais peut-être qu’on ne parle plus de rien ? le défiai-je à mon tour.
Ses sourcils se froncèrent sur son front alors qu’il me regardait dans les yeux. Quoi, il ne comprenait pas ? Oh, décevant. Lui qui comprenait toujours tout si bien. Il n’avait pas l’intelligence de comprendre ce qu’il se passait ? Non, bien sûr que non, puisque tout ce qu’il comptait désormais c’était Pansy.
- Qu’est-ce qui t’arrives Drago ? demanda doucement Blaise.
Ah, il était là, le fou de la reine. Son bouffon. Celui qui ne servait qu’à faire rire et qui se sentait soudainement pousser des couilles depuis qu’elle était morte. Il en avait une bien grande depuis qu’elle était revenue à la vie, tout ça pour quoi ? Il faisait quoi, lui, pendant que Theodore décimait les Mangemorts dans cette cathédrale et que je me battais pour le récupérer ? Il avait fait quoi pour nous aider ? Ah, c’est vrai. Il avait chialé comme une putain d’hystérique.
- Ouais, c’est quoi ton putain de problème ? renchérit Pansy.
Je m’entendis pouffer froidement, presque rire en vérité. Oui, à bien y regarder, il y avait quelque chose de drôle dans tout ça. Je relevai des yeux froids vers celle dont dépendait ma vie :
- Mon « putain de problème », appuyai-je froidement, c’est de faire ce qu’il faut pour tous vous garder en putain de vie. Excusez-moi si c’est inapproprié de m’assurer que Pansy est en état d’aller dans une putain de maison à putes avec le souci de ne pas montrer, encore une fois, à une putain d’horde de Mangemorts à quel point on est faibles ! m’exclamai-je en ouvrant les bras à mon audience.
Je sursautai soudainement alors que les mains de Theodore frappèrent violemment la table sur laquelle nous mangions, avant que sa chaise ne grince tandis qu’il se levait pour me surplomber de sa hauteur.
- Tu t’arrêtes tout de suite, me menaça-t-il froidement.
Je fus frappé de plein fouet par le regard qu’il enfonçait en moi, et demeurai inerte un instant, comme figé. Il ne m’avait jamais regardé comme ça, pas moi. Il ne m’avait jamais regardé avec autant de menace, autant de froideur dans ses yeux qui m’avaient toujours étés chaleureux. Jamais. Je me sentais soudainement tout petit, alors qu’il était debout de l’autre côté de cette table, ses bras musclés ancrés sur celle-ci, et la menace de ses yeux rivée sur moi. Mes lèvres s’entre-ouvrèrent. J’eu le sentiment d’être à nouveau un enfant. Oui, quelque chose d’ordre enfantin se réveilla soudain en moi, et la culpabilité remplaça doucement la colère que je ressentais quelques secondes plus tôt. Je restai figé, interdit devant ces yeux qu’il posait sur moi. Sur moi. Moi, son frère. Tu vas vraiment le laisser faire sans rien dire ? gronda la colère en moi. C’est lui que tu risques de perdre si tu continues de t’écraser comme une merde ! Non, non, m’accrochai-je difficilement. Tout ce qu’il me restait, c’était ma confiance en lui. Tout ce qui me tenait, c’était ma confiance en lui. En sa sagesse, et en ses capacités. Il ne me mettrait pas en danger. Il méritait que je continue de croire en lui. C’était lui que je risquais de perdre si je continuais de m’enfoncer dans les ténèbres. Il nous protégeait. Il nous protégeait tous. Et Pansy faisait ce qu’elle pouvait, alors qu’elle avait perdu ses souvenirs par ma faute. Elle était perdue, elle aussi, dans cette nouvelle vie qui était la sienne. ELLE LE MET EN DANGER ! se rebella la rage à l’intérieur de moi. Mais il est fort, chuchota l’enfant en moi. Oui, il était assez fort. Assez fort pour nous deux. Et il avait assez d’amour pour nous deux. Comment pouvais-je douter de lui de la sorte ? Je me perdais dans ses yeux menaçants. Ses sourcils étaient froncés et ses lèvres fermement closes. Oui, je me sentais tout petit. Comme un enfant qui venait de se faire gronder, et à raison. Parce que j’avais peur de le perdre. Cela aussi, c’était à raison. J’y avais le droit, moi aussi, non ? D’avoir peur. D’avoir peur de le perdre.
Je clignais des yeux et baissai le regard, honteux. Je m’étais laissé dépasser, encore. Je m’étais laissé dépasser par mes peurs, et ma colère qui les accompagnaient. Comment avais-je pu penser de telles choses ? Comment avais-je pu dire de telles choses ? Pour que Theodore en arrive là… Comment avais-je pu me laisser submerger à ce point par cette colère et en arriver à penser ces atrocités à propos des personnes que j’aimais le plus au monde ? J’avalais difficilement ma salive. Je ne voulais pas y penser. Je ne voulais pas penser à ce que je trouvais en moi depuis cette fois-là, dans la grotte du Seigneur des Ténèbres. Ce n’était pas moi, c’était impossible. Non, ce n’était pas moi. Je n’étais pas comme ça.
- Excusez-moi, chuchotai-je alors. Je suis un peu tendu. Je voulais juste…, hésitai-je alors que je sentais tous leurs regards sur moi, je voulais juste m’assurer que ça irait pour toi Pansy.
J’entendis dans sa voix qu’elle s’était détendue, elle aussi, quand elle me répondit doucement :
- Je comprends. Mais ça ira.
J’acquiesçai, mon regard toujours bas. Elle était bien des choses, dont impulsive et fort réactive, mais Pansy était aussi compréhensive. Il n’y avait jamais besoin de se confondre en excuses pour qu’elle passe à autre chose. Bien souvent en fait, il n’y avait même pas besoin de s’excuser.
- D’accord, acquiesçai-je faiblement.
Je regardai mon assiette. Je n’avais plus faim du tout. J’avais presque la nausée, en fait.
- Je vais aller me préparer, déclarai-je doucement avant de me lever pour m’en aller dans le silence.
Je passai des mains tremblantes sur mon visage en montant à ma chambre. Au fond, si vraiment j’étais sincère, au fond je savais quel était le problème. Je le savais depuis des semaines. Mais ce que je savais aussi, c’était que je n’étais pas capable d’y faire face, et que cette colère envers eux était aussi injuste que justifiée. C’était là le paradoxe, tout comme mon amour pour lui animait ma haine, et tout comme mon inquiétude animait ma colère, et cette chose en moi. Des sentiments. Encore et toujours des sentiments. Mais nous nous rendions dans un endroit infesté de Mangemorts dans lequel je devais être le Grand Intendant. Je n’avais pas le luxe d’étudier ces sentiments qui me débordaient, ni d’avoir peur de ce qu’il y avait en moi alors que j’étais capable grâce à lui. C’était mon prix à payer pour leurs vies, et je le paierai autant de fois qu’il le faudrait.
Je soupirai quand j’entendais la porte de ma chambre s’ouvrir puis se fermer derrière moi. Je ne pouvais pas flancher maintenant.
- J’ai dit que j’étais désolé, me défendis-je sans même me retourner vers lui.
- Je sais, répondit-il doucement.
Je lui faisais face. Je pouvais lire un mélange d’inquiétude ainsi que d’un peu de colère sur son visage qui me scrutait. Il était inquiet, comme d’habitude. Toujours inquiet pour moi. A cause de moi.
- Je le suis, avouai-je doucement.
- Je sais.
J’attendais, et il me sembla qu’il attendait, lui aussi. Nous restions en silence quelques secondes, nous sondant l’un et l’autre. Ne comprenait-il pas que tout était à propos de lui ? Tout était toujours à propos de lui.
- Qu’est-ce qu’il y a Drago ? me demanda-t-il tout bas.
C’était l’inquiétude qui avait gagné en lui. L’inquiétude ou son amour pour moi, ou un mélange des deux, s’ils étaient dissociables. Quelque part, je me sentais soulagé de le voir sur son visage, à la place des menaces que j’avais pu y lire quelques instants plus tôt. Je m’en voulais de rajouter du poids sur ses épaules. J’avais pris ce rôle, c’était à moi de gérer maintenant. Il avait assez porté pour moi comme ça.
- Il n’y a rien, déclarai-je doucement à mon tour, je suis un peu tendu c’est tout.
- C’est moi, appuya-t-il avec tendresse. Tu peux me parler.
Le pouvais-je ? Si je le faisais, que récolterais-je ? La réponse que je n’avais pas envie d’avoir ? La réponse que je n’étais pas prêt à entendre ? Il paraissait qu’il ne fallait pas poser les questions auxquelles on ne pouvait pas entendre les réponses. C’était l’une de ces questions-là.
- Je dois me préparer, chuchotai-je presque alors.
- Drago…, me renvoya-t-il avec une tristesse qui traversait mes murs.
- Je dois me mettre en condition Theo, lui rappelai-je avec un peu plus de force. Je ne peux pas avoir cette conversation maintenant. Laisse-moi, s’il-te-plaît.
J’aurai préféré ne pas la voir, la douleur que je pouvais lire sur son visage. J’aurai préféré ne pas voir que moi aussi, je lui faisais du mal. J’aurai préféré ne pas voir que je le blessai. Mais je le vis quand il baissa le visage en acquiesçant, ce visage que j’aimais tant, ainsi que lorsqu’il pinça ses lèvres avant de se retourner, et de s’en aller. « Quel est ton objectif pour cette Guerre, Drago ? ».
J’avais remonté mes murs aussi proprement que je l’avais pu pendant que je m’étais préparé à la soirée qui se dessinait devant nous. Nous étions tous parfaitement bien apprêtés, et Pansy notablement plus couverte que la dernière fois qu’elle nous avait accompagnés en ces lieux. Elle était toute de noir vêtue, portant un pantalon de costume noir qui moulait ses jambes ainsi que des bottines de cuir à talons, et quoi que ce fut qui était caché sur son torse n’était pas visible, une veste de costume bien trop grande pour elle cachant tout ce qui aurait pu être vu, et descendant sous ses fesses. Un coup d’œil dans la direction de Theodore et le sourire en coin que je notais quand il se retourna dos à elle pour partir m’apprit que c’était sa veste à lui qu’elle portait, et qu’elle ne lui avait pas rendue. Mais bon gentleman qu’il était, il n’en dit rien. Elle demeurait magnifique, et je savais que cela aussi, il le notait. Elle avait tiré ses cheveux dans un chignon plaqué et maquillé ses yeux de beaucoup de noir, ce qui ne faisait que plus ressortir le vert saisissant de ses yeux. Elle avait l’air dangereuse. J’espérais qu’elle se sentait dangereuse aussi.
J’avais proposé à Pansy de venir avec moi chercher des verres lorsque nous étions arrivés dans l’antre, et que nous avions absentement salué les Mangemorts que nous avions croisé. Je parvenais de plus en plus difficilement à repérer où je me situais dans mon esprit. J’étais là, et je ne l’étais plus. C’était moi, puis ce ne l’était plus. Ou peut-être l’était-ce encore, mais différemment. Je n’étais pas même certain de me souvenir de toutes les personnes que j’avais saluées. Peu importait. En gage de paix entre nous, elle avait accepté de me suivre jusqu’au bar où un serveur travaillait pour nous. Il avait l’air jeune et fougueux, fou, en somme. Il avait des cheveux bruns mi-longs qu’il semblait ne pas avoir coiffé depuis bien trop longtemps et une cicatrice qui traversait son œil doit. Il contrôlait plusieurs bouteilles et verres qui se versaient par sa magie.
- Qu’est-ce que j’vous sers ? lança-t-il vers nous en notant directement notre arrivée.
Des verres désormais pleins volèrent jusqu’aux Mangemorts qui attendaient leur commande au comptoir.
- Un martini rouge, deux whiskeys et un sirop de citrouille, commanda Pansy.
Je tournais des yeux inquisiteurs vers elle. Un sirop de citrouille ?
- L’fantôme ne boit pas quand on a de la compagnie, précisa-t-elle vers moi. T’avais pas remarqué ? me demanda-t-elle avec un sourcil relevé.
Je n’avais pas noté cette information, non. Je ne pouvais retenir un sourire en coin face au fait qu’elle, elle l’avait fait. Elle l’observait attentivement.
- Ça arrive tout de suite ! accusa réception le serveur.
Je me tournais face à elle depuis le comptoir, m’apprêtant à m’excuser à nouveau de mon comportement plus tôt tandis qu’elle était accoudée au bar, tournée vers la pièce immonde aux murs floraux qui s’étendait devant nous. Au centre de la pièce, Theo et Blaise se trouvaient là. La rousse de Durmstrang aussi, y était. Et elle parlait immanquablement à un Theodore aussi fermé qu’il pouvait l’être.
- C’est qui celle-là ? cracha-t-elle alors, ses sourcils froncés.
Mes yeux s’ouvrirent gros malgré moi. Est-ce qu’elle était en train de se montrer jalouse ? Possessive envers… Theodore ? Je regardai dans la direction de mon frère. Rien dans son langage non verbal ne pouvait laisser supposer qu’il était ne serait-ce qu’un peu ouvert à cette sorcière. Tout le contraire, même.
- Personne de particulier, juste une étudiante de Durmstrang qu’on a rencontrée là-bas, répondis-je d’un ton désinvolte. Pourquoi ? me hasardai-je alors avec malice.
Elle cligna des yeux à ma question et tourna le visage vers moi. Ses sourcils étaient toujours froncés sur son front.
- Pour rien, répondit-elle avant d’ajouter : c’est l’genre de Blaise, c’est tout.
Je lui souriais, mais ne répondit rien. Bientôt le serveur nous appela pour que nous attrapions nos verres au vol. Pansy attrapa son martini, et le verre pour Theodore. Je me retenais de sourire une nouvelle fois, et nous les rejoignions. Quand nous arrivions jusqu’à eux, je n’entendis que la fin de la phrase de Theodore à la rouquine :
- … de profiter de ta soirée de ton côté.
Les yeux bleus de la principale intéressée se tournèrent rapidement vers moi, avant de se tourner avec malice vers Pansy qui prit place à côté de Theodore en posant contre son poitrail le verre qu’elle avait commandé pour lui. La rouquine sondait le visage de Pansy avec un sourire en coin qui n’annonçait rien de bon, et le regard noir que Pansy lui retournait n’annonçait rien de bien mieux. Theodore saisit son verre avec un sourire qu’il ne put retenir, mais Pansy ne le regarda pas une seule seconde.
- Tu es donc leur petite protégée, roucoula la rousse.
- Je me protège toute seule, rétorqua directement Pansy. Et tu es ? lui renvoya-t-elle sur un ton fort peu chaleureux.
- Stella Nikolov, se présenta finalement la rousse dont nous ne savions rien jusqu’ici, hormis qu’elle désirait Theodore.
Ce fait était apparemment palpable pour Pansy. Stella, pour sa part, n’était pas habillée en vêtements de soirée. Elle portait l’uniforme de son école aux couleurs rouges, comme tous les autres qui étaient dans cette pièce. Elle avait dans sa main droite un verre de vin rouge qu’elle porta doucement à ses lèvres maquillées avant de lever les yeux vers moi.
- Ravie de te revoir, m’adressa-t-elle avec un nouveau sourire.
Je la saluais d’un mouvement de tête silencieux. Elle fit un pas en avant comme pour s’éloigner et cogna l’épaule de Pansy au passage, renversant « malencontreusement » une large partie du contenu de son verre sur sa veste.
- Oops, que je suis maladroite, lui sourit-elle avec hypocrisie. J’imagine que tu essayais de cacher quelque chose avec cette grande veste, désolée, ajouta-t-elle en mordant innocemment sa lèvre inférieure comme si elle avait fait une bêtise.
Un sourire qui n’avait absolument rien d’amical se dessina sur les lèvres pleines de Pansy, qui tendit son verre à Blaise, ce dernier le réceptionnant comme son loyal serviteur. Sans quitter la rouquine des yeux, elle retira la veste de tailleur trop grande pour elle, découvrant un haut en tulle noire transparent, laissant apparaître un soutien-gorge en dentelle en dessous. D’une main tendue vers Theodore, elle lui tendit la veste :
- Je crois que c’est à toi, lui adressa-t-elle sans lâcher Stella des yeux.
A s’y méprendre, l’on aurait pu croire qu’elle cherchait à lui montrer que Theodore n’était pas disponible. A s’y méprendre. Theo réceptionna la veste avec un sourire que Pansy ne vit pas, et il la posa dans le creux de son bras gauche qui tenait son verre. La rouquine se permit de laisser ses yeux bleus descendre le long du corps dévoilé de notre amie tandis que nous étions tous sur nos gardes, conscients de ce dont une Pansy en colère était capable.
- Mmh, je comprends pourquoi tu es à l’aise d’en montrer autant, roucoula la rousse, puisqu’il n’y a indéniablement rien à voir.
Pansy ouvrit la bouche pour rétorquer mais n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit en retour. La main droite de Theodore, à une vitesse surnaturelle, se renferma autour de la mâchoire de Stella qui afficha une moue effrayée. Un bruit de craquement raisonna alors que les doigts de Theo étaient violemment enfoncés dans ses joues. Est-ce qu’il venait de lui briser la mâchoire, d’une seule main ?
- Shhhh, murmura Theodore sans lâcher sa prise sur elle, tu ne devrais pas dire des choses comme ça Stella, l’avertit-il d’une menace froide.
Les yeux bleus de la rouquine brillèrent des larmes de douleur qui s’y formèrent tandis que Theodore ne la lâchait pas.
- Ne me force pas à rendre ton rêve réalité, ajouta-t-il doucement en faisant référence à l’hallucination qu’elle nous avait provoquée, et durant laquelle il l’avait tuée. Va plutôt terminer la soirée tranquillement de ton côté, d’accord ?
Quand il la relâcha, elle porta une main tremblante à sa mâchoire marquée par la trace des doigts de Theodore. Elle jeta un regard assassin vers Pansy avant de finalement s’éloigner, n’ayant toujours pas pu récolter ce qu’elle était venue chercher auprès de lui.
- Si t’en veux pas, moi j’me la ferais bien, déclara alors Blaise à l’intention de Theo.
- Non, vraiment pas, rétorquai-je directement en lui tendant son verre.
- C’est-à-dire que j’ai pas non plus l’embarras du choix, ponctua-t-il en prenant le verre.
Theo lui fit non de la tête, lui aussi.
- Vraiment, on met notre véto, c’est une tarée, ponctuai-je en prenant ma première gorgée.
Blaise soupira, mais un sourire adornait son visage.
- Où voulez-vous que j’aille si vous me mettez des bâtons dans les roues comme ça, pesta-t-il en nous cédant tout de même sa confiance sur cette femme.
- T’as qu’à te payer une pute, cracha une Pansy au visage dégoûté.
Notre ami tourna un visage qui traduisait la même émotion qu’elle.
- Respecte-moi, lui renvoya-t-il tandis qu’elle le regardait avec des doutes quant à cette dernière requête.
Avant que Theodore ne puisse le faire, parce que je savais qu’il l’aurait fait, Blaise proposa avec élégance sa veste de costume à Pansy. Trop fière pour donner raison à la folle, Pansy la refusa.
Blaise et Pansy avaient passé les trois quarts de leur soirée de leur côté, ne se mélangeant jamais, comme à Poudlard, avec la populace. Le Grand Intendant et Theo, de leur côté, avaient échangé parfois poliment, parfois fermement avec multiples autres membres des rangs. Comme à son habitude, le Grand Intendant s’était montré aussi politiquement correct que directif et autoritaire lorsque cela avait été nécessaire, et il avait pris des notes sur les personnes qu’il avait côtoyées pour le futur. Le Grand Intendant n’avait pu s’empêcher de constater à quel point Theodore, à ses côtés, avait passé son temps à garder un œil sur Pansy, ce qui l’avait progressivement énervé de plus en plus. Il ne pouvait pas se concentrer sur ce qu’il se passait face à eux, trop occupé à observer ce qu’il se passait derrière.
Avant que les Mangemorts ne soient ivres morts, le Grand Intendant avait fait un discours au milieu de la pièce pour accueillir les nouveaux membres qui n’étaient que de passage, l’attention de tous tournée vers lui :
- Je ne peux que vous souhaiter la bienvenue parmi les rangs de ceux qui en ont assez de voir la médiocrité à l’état pur se répandre comme une putain d’épidémie parmi nous, commençai-je vers les élèves de Durmstrang rassemblés devant moi. Puisque vous êtes là, je n’ai pas besoin d’appuyer à quel point vous avez fait le bon choix, mais je tiens tout de même à saluer votre engagement envers un pays qui n’est pas le vôtre, et qui atteste de la force de vos convictions que nous partageons profondément. Il ne me reste plus qu’à vous remercier de nous prêter main forte pour remettre le monde sur le droit chemin, parce que c’est là ce que nous nous acharnons tous à faire ! levai-je mon verre tandis que l’assemblée de mes subordonnés m’imitait. Alors buvons à cette belle alliance que nous formons ensemble, et puissent nos idéaux communs nous unir !
J’entendis des messes-basses à mon propos parmi les rangs autour de moi, désapprouvant l’aplomb que je prenais sur eux, mais ils étaient de moins en moins nombreux. Il me semblait que le nombre croissant de recrues qui arrivaient parmi nous sous mon commandement commençait à constituer des preuves que je n’étais pas si mauvais que cela, en fin de compte. Je les laissais parler entre eux, puisqu’ils n’avaient pas le culot de venir me le dire en face. Il y avait ceux qui parlaient, et ceux qui agissaient. J’étais de la deuxième sorte.
Derrière-moi, j’avais entendu Pansy chuchoter à Blaise tandis que tous buvaient et saluaient les élèves de Durmstrang avec curiosité :
- Ça va pas poser problème, autant de violence entre nous ?
Je supposai qu’elle faisait référence à la misérable démonstration de force de Theodore sur cette rouquine quand elle avait insulté Pansy, si l’on pouvait considérer qu’elle l’avait fait, l’insulter. Theo était à côté de moi, et je savais que si je pouvais entendre notre amie, il le pouvait aussi.
- C’est la loi du plus fort ici, lui chuchota Blaise en retour tandis que je prenais une nouvelle gorgée de mon verre en observant mes soldats festoyer.
Oui, c’était la loi du plus fort ici. Et la plupart d’entre eux n’étaient pas encore conscients d’à quel point c’était réellement moi, le plus fort. Je jubilais à l’idée qu’ils l’apprendraient certainement très bientôt, probablement à leur dépend.
Plus la soirée continuait, plus le Grand Intendant prenait de place en moi. Je ne le contrôlais plus vraiment, cela se faisait naturellement. Alors qu’il avait été absent jusque-là, Cyprus intervint finalement comme la putain de drama queen en besoin d’attention qu’il était. Il tenait contre lui, ligotée, une fille aux cheveux blonds d’à peine 18 ans tout au plus.
- Regardez c’que j’vous ramène, chers collègues ! avait-il déclaré avec son immense sourire caractéristique. Une Sang de Bourbe de première qualité !
Tous les regards s’étaient tournés vers lui, comme il le voulait. Une vraie petite pute en manque d’affection.
- Cadeau de bienvenu ! s’était-il écrié. Enfin, si le chef le permet, m’avait-il alors défié de ses yeux malicieux qui me défiaient.
Les yeux bleus de la fille étaient déjà larmoyants alors qu’ils regardaient partout autour d’elle. Encore une, soupirai-je avec lassitude. Pensait-il que j’allais faiblir pour une fille ? Pour une seule et unique fille ? Mes murs étaient en place. Le Grand Intendant vivait en moi. Ma famille était avec moi. Pensait-il que je perdrais la face alors que j’avais Theodore avec moi ? Pensait-il que j’allais montrer des faiblesses pour une seule putain de vie alors que Theodore se tenait juste là ? Je riais intérieurement. Il était pitoyable. C’était comme ça qu’il pensait m’atteindre ? En menaçant une pauvre petite vie ? Insensible, je lui souriais en dévoilant mes dents.
- Amusez-vous, autorisai-je d’une voix basse de prédateur.
Leurs cris gutturaux remplirent la pièce alors qu’ils s’avançaient pour participer à l’animation de la soirée, les élèves de Durmstrang les premiers. Des animaux. C’étaient des animaux. L’un lui tirait les cheveux, l’autre découpait sa joue d’une lame tranchante, un autre crachait sur son visage pendant qu’un autre lui assenait des coups de pieds et encore un autre un doloris. Ils riaient. Ils riaient aux éclats et s’encourageaient avec force. De vrais putains d’animaux. C’étaient eux que je regardais. Pas la fille qui pleurait et hurlait sur le sol pendant qu’ils la maltraitaient. Eux. Je regardais l’excitation sur leurs visages. Leurs yeux exorbités, leurs sourires béats, la façon dont ils se tapaient le coude les uns aux autres pour s’assurer que le voisin approuvait de ce qu’ils faisaient. Et je fantasmais du jour où je pourrais leur faire une chose pareille. Les mettre à genoux devant moi, tirer leurs cheveux et les forcer à lever le visage vers moi, leur cracher à la gueule et éviscérer leur peau. Les regarder ramper sur le sol alors qu’ils essayeraient de m’échapper, et marcher solennellement derrière eux. Enfoncer un couteau dans un pied, un autre dans le mollet, un autre dans le ventre, et un dans l’épaule. Les regarder tourner des yeux larmoyants et terrifiés vers moi. Et leur adresser un sourire avant de leur trancher la tête. Merde, j’en aurais presque bandé.
Lassé du spectacle, je me retournais vers mon clan sans un regard en arrière pour la pauvre fille qui hurlait à la mort.
- On rentre, déclarai-je alors qu’ils suivaient derrière moi.
- Eh, boss ! me somma alors la voix de Maxwell qui me surveillait, visiblement. Tu pars déjà ?! Pourquoi tu ne nous fais pas l’honneur ? me défia-t-il encore en désignant la fille de sa main.
Je me retournai vers lui. Tous les autres s’étaient arrêtés. Ils attendaient. La fille, à genoux par terre, ses mains ligotées dans son dos, posait sur moi des yeux larmoyants. Son visage était lacéré, son œil droit gonflé des coups qu’elle avait reçu. Doucement, je m’avançais dans le demi-cercle qu’ils formaient. Ses yeux me regardaient avec des supplications silencieuses. Je m’accroupis à son niveau, son visage à quelques centimètres seulement du mien. Je la regardais. Elle avait la peau assez pâle, des lèvres plutôt roses. Elle était plutôt jolie, avant de s’être faite dévisager. Du sang coulait sur sa lèvre inférieure. Je penchais mon visage sur le côté en regardant ce liquide rouge sur son visage. De mon pouce, j’essuyais cette lèvre. Lentement, je portais mon doigt tâché de son sang jusqu’à mon nez, et je le reniflais. Je relevai les yeux vers elle.
- Tu pues, murmurai-je alors.
Ses yeux terrorisés étaient rivés sur moi. J’approchais mon pouce tâché de sa joue et l’essuyai avec force, laissant une trace rouge sur son visage. Dans un mouvement rapide, ma main gauche saisi son menton, et ma main droite l’arrière de son crâne. Je brisai sa nuque d’un coup sec. Elle tomba sur le sol dans un bruit sourd. Je me relevai, et leur tournai le dos pour reprendre ma route.
- Faites nettoyer les tapis, ordonnai-je vers mes sous-fifres. J’veux pas de son putain d’sang ici.
Mon manteau volait derrière moi alors que je menais le pas jusqu’à l’extérieur, où mon clan et moi transplanions pour rentrer chez nous.
Je me questionnai, parfois. Lorsque nous rentrions et qu’il ne restait plus que nous. Lorsque le masque n’était plus et qu’il ne restait que ce que j’étais vraiment. Je me demandai ce qu’il se passait à l’intérieur de moi. Si j’étais en train de m’habituer à l’horreur. Si j’étais en train d’être insensibilisé à l’horreur. Si j’étais en train de prendre goût à l’horreur. Il y avait de plus en plus un laps de temps durant lequel je demeurais le Grand Intendant alors que nous étions rentrés. Un laps de temps durant lequel Drago n’osait pas noter les pensées qui animaient le Grand Intendant. J’avais de plus en plus de mal à les délimiter et les différencier l’un de l’autre. Puis éventuellement Drago reprenait le contrôle, et tout était douloureux. Tout était terrifiant. Tout était anxiogène. Tout était nauséeux. Et la plus grande peur de toutes, celle de perdre Theodore, finissait par reprendre le contrôle, et avec elle, le Grand Intendant. Qu’est-ce que j’étais censé faire d’autre, de toute façon ? Me refuser à la violence ? Regarder les miens mourir ? Me mettre en boule dans un coin et chialer comme une gamine ? Je l’avais déjà trop bien fait dans bien trop de moments où j’aurais dû me montrer fort et inatteignable. Tout ça pour quoi ? Pour quelques vies ? C’était une guerre. Les gens mourraient. Chacun avait pour responsabilité de protéger les siens. Les plus faibles perdraient et verraient les leurs suivre avec eux, et les plus forts survivraient aux côtés de leurs être aimés. Sélection naturelle, en quelque sorte. Je ferai partie des plus forts, et ce qui devrait être fait pour que cette aspiration devienne réalité serait fait. J’avais suffisamment regardé les miens souffrir en restant impuissant, m’écrasant comme une pauvre petite merde qui ne pouvait rien faire. Peu importait le nombre de victimes qu’il faudrait faire. Peu importait qui, quand ou comment. Tout pour lui. Le monde entier pour lui. Si cela me rendait monstrueux, tant mieux. Je l’étais pour lui. Monstrueux.
Le levé était souvent le plus difficile. Les murs n’étaient plus aussi fermement en place que la veille, la force de ma volonté ayant faibli pendant mon sommeil, et mes cauchemars se réveillaient. Les émotions remontaient souvent en flèche, et il me fallait un peu de temps pour parvenir à au moins les contrôler, au mieux les enfermer complètement. J’y devenais cependant meilleur, au fur et à mesure que les semaines passaient, et que mon quotidien se répétait. Tout s’apprenait, visiblement. Même l’horreur.
Ce matin-là, Theodore s’était une nouvelle fois invité dans le bureau de mon père. Derrière-lui, il refermera la porte en silence, ce qui m’annonçait que c’était là une discussion sérieuse qu’il voulait avoir avec moi.
- J’ai à te parler, déclara-t-il avec un sérieux qui ne me disait rien de bon.
Je levai les yeux vers lui. Il ne m’avait pas l’air très à l’aise. Il était calme, comme toujours, mais quelque chose chez lui me faisait ressentir qu’il était mal à l’aise.
- Je t’écoute, l’invitai-je alors en posant ma plume, et lui donnant l’attention complète qu’il était venu chercher.
Il prit place sur la chaise en face de mon bureau. Il ne le faisait jamais. Je contrôlais les tremblements anxieux de ma jambe sous le bois du meuble, quand bien même je n’étais pas assez illusionné pour penser sincèrement que cela lui échappait. Rien ne lui échappait. Je supposais que c’était pour cela que l’on en était là. Je pouvais mentir à qui je voulais, à moi en premier. Mais pas à lui. Il m’avait déjà sondé pendant le petit-déjeuner, je supposai qu’il avait trouvé que j’étais en état d’avoir cette conversation, quelle qu’elle soit.
- Écoute, commença-t-il doucement et cela ne me plaisait pas, je sais que tu m’as dit que tu ne pouvais pas et je t’ai entendu, mais je voudrais qu’on puisse en parler ensemble, de l’option d’écouter ce que Granger aurait à dire si on lui en laissait l’occasion.
Je laissai mon dos retomber lassement sur ma chaise et soupirai de façon audible. Pourquoi est-ce qu’ils me mettaient tous des bâtons dans les roues comme cela ? Pansy, maintenant lui. Blaise et sa grande gueule quand il avait picolé un coup. Aux dernières nouvelles, c’était moi qui était aux commandes, non ?
- Je croyais qu’on en avait déjà parlé, soupirai-je encore en soutenant son regard sérieux du mien, blasé.
- Non, me corrigea-t-il calmement, tu as parlé et je t’ai écouté. J’aimerais que tu fasses de même pour moi maintenant.
J’inspirai profondément par le nez en le regardant contre l’appui de ma chaise. Je portais une main sur l’accoudoir et la laissait reposer contre ma bouche un instant, mes jambes écartées sur mon chaise.
- Tu es conscient que si le Seigneur des Ténèbres trouve cette discussion dans mon esprit, c’est fini pour nous tous ? lui renvoyai-je avec un calme las, quand bien même les battements de mon cœur commençaient à s’accélérer.
- Je le suis, me confirma-t-il. Mais je sais aussi que tu es tout à fait capable de le lui cacher, tout comme tu nous as tous appris à le faire.
Je pouffai. Quelle putain de bonne idée j’avais eu. Vraiment, brillante. Je levai un sourcil anticipatoire vers lui.
- Je veux juste en parler avec toi, continua-t-il doucement.
Une nouvelle fois, je soupirai avec exaspération. Il ne me lâcherait pas, visiblement.
- Je t’écoute, répétai-je en rendant mon ennui explicite pour lui.
Il me sonda un instant, comme pour s’assurer que j’allais vraiment respecter ce que je lui promettais là. Je le laissai faire. Ce n’était pas comme si je pouvais me dérober ni à son regard, ni à son analyse.
- On fait ce qu’on doit faire pour lui, explicita-t-il alors, ça ne change pas et ça ne peut pas changer, de toute façon. Le but n’est pas de nous mettre plus en danger qu’on ne l’est déjà.
- Avoir cette conversation nous met en danger, nuançai-je.
- Écoute-moi, exigea-t-il plus fermement.
Je me taisais.
- On est coincés, on ne peut pas juste fuir et rejoindre l’Ordre, admit-il justement. On ne peut ni se faire prendre, ni se faire repérer. Tout ce qu’on peut faire à l’heure actuelle, c’est espérer pour le futur que l’Ordre l’emporte.
Une nouvelle fois, je pouffai.
- Parce que tu crois qu’il se passera quoi pour nous, si l’Ordre gagne ?
- Je n’en sais rien, avoua-t-il en haussant les épaules. Mais je sais qu’il y a plus de chances qu’on ait un quelconque avenir si l’Ordre l’emporte, plutôt que si c’est Voldemort.
- Tu n’en sais rien, tranchai-je sèchement.
- Je sais que cette situation ne peut pas durer indéfiniment, me contra-t-il avec douceur.
- Laquelle ? Celle où on est tous vivants et où on rentre tranquillement chez nous le soir dans des lits bien bordés ? Celle où tu peux passer tes journées auprès de Pansy ? appuyai-je alors que la colère commençait à monter en moi.
- Celle où vous êtes tous à bout, nuança-t-il. Celle où tu rentres d’une rixe à bout de force en pleurant, celle où Pansy balance des bouteilles contre les murs et où Blaise hurle de colère. Celle où on rentre à la maison dans le silence le plus mort qui soit pour aller laver nos corps pleins de sang. Celle où on se satisfait tous de survivre, termina-t-il à voix basse.
- Tu préfères peut-être qu’on soit tous enfermés à Azkaban ? lui renvoyai-je avec défit.
- Je préfère qu’on essaye au moins de nous battre pour quelque chose qui en vaut la peine.
- Te battre pour que Pansy reste à tes côtés, ça ne te suffit plus ?
- Pas quand je vois son âme mourir à l’intérieur d’elle à chaque jour qui passe, non, déclara-t-il. Ni la tienne, ajouta-t-il plus bas.
Ah, il s’en faisait pour mon âme.
- On est vivants, ponctuai-je avec justesse.
- Non, on survit.
- C’est une Guerre Theo, appuyai-je alors que ma lassitude cédait la place à ma colère. C’est tout ce qu’on peut aspirer à faire.
- Non, me contra-t-il encore. Il se trouve qu’on est justement en position de faire basculer les choses d’un côté, ou de l’autre. Il ne nous reste qu’à choisir de quel côté on veut que la bascule se fasse.
- Il me semble que tu as déjà fait ce choix quand tu as rejoint les rangs, crachai-je alors.
- Je ne mène pas cette Guerre pour lui, me corrigea-t-il encore. Ce n’est pas l’avenir qu’il propose que je veux vous offrir, et je ne crois pas que ce soit celui que tu veuilles nous offrir non plus, s’avança-t-il dangereusement.
- Moi j’essaye juste de vous garder en vie, ce qui n’était pas le cas il y a quelques temps de ça, au cas où tu aurais oublié, tranchai-je de plus en plus froidement.
- Je ne l’ai pas oublié, chuchota-t-il presque. Tu t’es battu pour tous nous garder en vie, tu nous as tous sauvés de la mort et je ne pourrais jamais t’en remercier assez. Mais maintenant je te parle d’essayer de nous offrir tous ensemble un avenir qui ne réside pas dans le sang et la violence, où au moins d’envisager cette option.
Je me levai de ma chaise et marchai dans le centre du bureau de mon père, passant une main sur mon visage. Il se tourna sur sa chaise pour pouvoir continuer de me regarder. J’avais donné mon âme pour le sauver, mais ce n’était pas suffisant. Il voulait plus. Que me restait-il à lui donner, exactement ? Qu’y avait-il que je n’avais pas encore vendu de moi ? J’avais renoncé à tout, sauf à lui. Et il me demandait de le mettre en danger, lui aussi, pour un avenir plus que putain d’incertain.
- Je veux juste qu’on puisse étudier cette option ensemble, avec elle, ajouta-t-il doucement. Si on se rend compte que ce n’est pas faisable, on n’en parle plus. Si on trouve des solutions, je veux simplement qu’on puisse les envisager. C’est tout, pour l’instant.
Je pouffai, encore une fois, l’impatience grandissant en moi.
- Je sais que tu as dit que tu n’avais pas confiance en tes capacités de faire ça en étant le Grand Intendant, continua-t-il, mais moi j’ai confiance en toi, et je sais que tu en es capable. Et je serai là pour te le rappeler à chaque fois que tu l’oublieras.
Mes yeux se mouillèrent de larmes sans que je ne puisse le contrôler, et mon cœur s’emballa dans mon poitrail. Le sang bouillonnait dans mes veines alors que je me tournais face à lui, mes mains fermement ancrées sur mes hanches.
- Vraiment ? Tu seras là pour me le rappeler à chaque fois ? crachai-je avec ressentiment. Et chaque fois que je faiblirais, tu seras là pour me redonner de la force, c’est ça ? Et chaque fois que j’aurais besoin de toi, tu assureras mon dos, n’est-ce pas ? Et tu seras à côté de moi autant que j’aurais besoin de toi, c’est ça le deal, non ? Demain et tous les jours d’après ?
- Oui, osa-t-il chuchoter.
- ARRÊTE DE ME MENTIR ! hurlai-je alors d’une voix grave qui vibrait contre les murs, hors de moi. TU NE M’ABANDONNERAS PAS, C’EST ÇA ?! À PUTAIN DE CONDITION QUE PANSY VIVE ! crachai-je dans toute ma haine.
Je sentis une larme perler sur ma joue, et il baissa les yeux. La rage bouillonnait à l’intérieur de moi. Je mordais ma lèvre inférieure tremblante, et pointai un doigt tout aussi tremblant sur lui, la haine animant les traits de mon visage :
- Tu m’as mentis, Theodore, le confrontai-je froidement. Et tu me demandes de mettre en danger tout ce que j’ai fait pour pouvoir te récupérer ? De quel droit ? crachai-je avec une haine glaciale. Tout ça parce que toi tu n’as pas peur de mourir, tout ça parce que tout ce qui t’importe c’est Pansy… Et moi, dans tout ça ? chuchotai-je alors qu’une nouvelle larme perlait sur ma joue. Et moi, Theodore ?
Il leva des yeux larmoyants vers moi. Ces yeux pour lesquels je ferai tout et n’importe quoi.
- Est-ce que tu sais ce que ça m’a fait, de te sentir mourir ? pleurai-je alors. Est-ce que tu sais seulement que je t’ai littéralement senti mourir à l’intérieur de moi ? appuyai-je en portant un cou à mon cœur. Est-ce que tu sais que j’ai senti ton âme se déchirer de la mienne ? Est-ce que tu imagines seulement à quel point c’était douloureux pour moi ? Est-ce que tu te demandes ce que j’ai ressenti, quand je t’ai vu te trancher la gorge devant moi ? Est-ce que t’as la moindre putain d’idée de ce que ça m’a fait, à moi ? crachai-je tandis que mes joues se mouillaient de plus en plus. QU’EN ÉTAIT-IL DE MOITHEODORE ?! hurlai-je tandis que ma voix se brisait sous mes sanglots douloureux. PENDANT QUE TU MOURRAIS POUR ELLE, QU’EN ÉTAIT-IL DE MOI ?! QU’EN ÉTAIT-IL DE TES PROMESSES ?!
Une larme coula sur sa propre joue.
- Tu me promets d’être là, chuchotai-je froidement, tu me promets d’être à mes côtés, tu me promets de me soutenir et de toujours assurer mes arrières, tu me dis de ne pas avoir peur parce que tu seras toujours là pour te tenir à mes côtés, mais ce que tu ne dis pas c’est que c’est à condition que Pansy soit vivante. Mais je crois que t’as pas compris que moi je peux pas continuer sans toi, avouai-je finalement. Je crois que t’as pas compris que la personne que moi je ne peux pas perdre, c’est toi.
Il me regardait, silencieux, ses sourcils froncés en signe de douleur et des larmes perlant sur ses joues. Et il ne disait rien. Que pouvait-il dire, de toute façon ?
- J’en ai rien à foutre du reste, pleurai-je en ouvrant mes bras. J’en ai rien à foutre des autres, j’en ai rien à foutre du manoir, j’en ai rien à foutre de l’avenir, j’en ai rien à foutre des familles, des femmes, des enfants, j’en ai rien à foutre de Poudlard, putain, j’en ai rien à foutre ! criai-je alors. Je ne me bats pas pour eux, je ne me bats pas pour Blaise, je ne me bats pas pour Pansy, je ne me bats pas pour ma mère, putain, je ne me bats pas pour Granger ou même pour moi, je me bats pour toi ! POUR TOI ! m’écriai-je. Et j’en ai rien à foutre que ça fasse de moi un monstre, un égoïste, un faible, putain j’en ai rien à foutre ! Tu m’as mentis et tu m’as fait goûter à ce que c’était que de te perdre, et je ne peux pas. Alors non, je n’en ai rien à foutre si je dois décimer des villages jusqu’à ce que je sois putain de centenaire, tant que t’es à côté de moi ! Et tu me demandes de risquer ta vie pour un « avenir » ? m’entendis-je alors rire. Mais quel avenir ? Pour moi y a pas d’avenir sans toi. Tu me demandes de risquer ta vie à toi, pour le reste du monde ? Mais j’en ai rien à foutre du reste du monde Theo, pouffai-je avec vulnérabilité. J’en ai rien à foutre qu’ils crèvent tous, qu’ils soient tous assujettis, que les moldus et les Sang de Bourbe soient décimés, j’en ai rien à foutre putain ! Est-ce que tu sais ce que je me dis, chaque fois que je prends une vie ? chuchotai-je alors. Est-ce que tu sais ce que je fais, chaque fois que je mets mon Masque ? Est-ce que tu sais qu’à chaque fois je tiens en me rappelant que je fais ça parce que je ne peux pas te perdre, toi ? Est-ce que tu sais qu’à chaque fois que je te regarde, je me rappelle que ça en vaut la peine ? Que tu en vaux la peine ! Quand je ne peux plus, c’est ta voix que j’entends. Quand je doute, c’est tes mots que j’écoute. C’est toi qui me donnes la force de continuer. Quand je doute, c’est tes yeux que je regarde. C’est tes yeux à toi qui me rappellent que ça en vaut la peine, appuyai-je en pointant un doigt sur lui. Et tu peux rire de moi, putain vous pouvez tous rire de moi et de mon ridicule, j’en ai rien à foutre. Je sais que je ne suis qu’une pauvre petite merde égoïste et je sais que je suis complétement dépendant de toi alors que je ne te suffis pas, mais je m’en fou. Même ça, je m’en fou, riais-je en ouvrant mes bras avec impuissance. Est-ce que tu es seulement conscient d’à quel point je t’aime, Theo ? repris-je plus bas. Est-ce que tu as la moindre idée de ce que je suis prêt à endurer pour toi ? Tout en sachant que ta vie dépend de celle de Pansy. Tout en sachant que peu importe combien j’aurai besoin de toi, tu ne seras plus là s’il lui arrive quelque chose. Tout en sachant que quand j’avais besoin de toi, tu n’étais plus là. Tout en sachant que je ne suis pas assez pour toi, pleurai-je douloureusement. Tout en sachant que je ne suis pas assez, chuchotai-je.
Mon visage fit des mouvements de droite à gauche alors que je mordais ma lèvre inférieure à l’évocation du pire souvenir de ma vie, la douleur m’insurgeant violemment. C’était ça, la vérité. Je n’étais pas assez pour lui. Pas assez important pour qu’il me reste. Pas assez. Pas assez pour lui.
- Tu n’étais plus là, murmurai-je en un sanglot. Tu avais promis d’être toujours là pour moi, et tu n’étais plus là.
Lentement, il se leva de sa chaise. Je fis plus encore « non » de la tête. Son visage était inondé de larmes. Son visage me disait que mes mots n’étaient pas justes. Encore de la souffrance. Mon cœur était brisé dans mon poitrail.
- Tu n’étais plus là, chuchotai-je encore alors qu’il s’avançait vers moi.
- Je suis désolé, murmura-t-il vers moi.
Je pinçais mes lèvres, mes sourcils se fronçant violemment sur mon visage. Je ne voulais pas entendre ça. Putain, je ne voulais pas entendre ça.
- Je suis tellement désolé Drago, chuchota-t-il en m’ouvrant ses bras. Tu avais besoin de moi, et je n’étais pas là.
- Arrête, pleurai-je en reculant.
- Je t’ai laissé seul, et je t’ai laissé gérer seul quand le pire est arrivé. J’avais promis de ne pas t’abandonner, et je l’ai fait. Je suis tellement désolé, pleura-t-il encore en s’approchant doucement de moi.
- Ne t’excuse pas, murmurai-je difficilement.
Non, parce que là-encore je n’étais pas légitime. C’était de ma faute, s’il l’avait perdue elle. C’était à moi de m’excuser, pas à lui.
- Tu es mon frère, chuchota-t-il alors que les traits de son visage se tordirent sous la douleur qu’il ressentait à ces mots. Je n’avais pas le droit de t’abandonner. Je n’avais pas le droit de te laisser comme je l’ai fait, murmura-t-il.
Je fermais mes yeux, mais ils n’arrêtaient pas de pleurer. Mon cœur saignait dans mon poitrail. Putain, j’avais tellement mal. J’avais tellement, tellement mal.
- Je suis tellement désolé, répéta-t-il encore.
Je continuais de faire non de la tête.
- Je n’accepte pas tes excuses, murmurai-je en retour.
Ses deux mains se renferment sur mes joues mouillées, et il enfonça ses yeux larmoyants dans les miens. Je ne pouvais plus le fuir. Je ne pouvais jamais le fuir. Il me regardait avec toute la douleur du monde, m’imposant encore ce que je venais de lui faire avec ces mots que je lui avais assénés. Il était vulnérable face à ma douleur, et j’étais démuni devant lui. Simplement et proprement démuni, parce qu’il n’existait pas un seul univers dans lequel je pouvais le perdre lui, et que c’était cela, le risque constant qui me menaçait.
- Je suis tellement désolé, chuchota-t-il encore à mes lèvres. Je t’ai fait ressentir que tu n’étais pas suffisamment important pour moi, et je ne me le pardonnerai jamais. Je ne me le pardonnerai jamais, murmura-t-il douloureusement.
- Arrête, pleurai-je faiblement, fermant mes yeux dans une tentative désespérée de lui échapper, à lui et à ses mots.
- Tu es mon monde tout entier, murmura-t-il encore à mes lèvres sans me laisser m’échapper. Je suis tellement désolé Drago, pleura-t-il avec vulnérabilité.
Je tentais de secouer mon visage de gauche à droite encore une fois, mais il me tenait fermement, m’empêchant de le fuir. Je pouvais sentir son souffle chaud contre ma peau. Il me tenait comme s’il ne me laisserait plus jamais m’échapper. Il me tenait et me regardait comme s’il ne me laisserait plus jamais. Comme si j’importais plus que tout au monde. Je pleurai en me noyant dans ces yeux. Dans ces yeux qui me regardaient comme si j’étais la chose la plus précieuse qu’il avait. Je voulais être la chose la plus précieuse qu’il possédait.
- Je ne veux pas que tu t’excuses, murmurai-je alors à son visage, mes larmes perlant contre ses doigts, à bout de forces. La seule chose que j’ai besoin de savoir maintenant, c’est si tu le penses quand tu dis que tu vas être à mes côtés jusqu’à la fin, quoi qu’il se passe, exigeai-je injustement de lui.
Je savais que j’étais égoïste. Je savais que je ne pouvais pas lui demander ça. Mais il me regardait de la sorte, il me tenait de la sorte, et je ne pouvais rien faire d’autre qu’être aussi égoïste que ça. Je ne pouvais pas le perdre, lui. Il demeura silencieux pendant de nombreuses secondes, ses yeux perdus dans les miens, et les miens dans les siens. Les larmes continuaient de couler sur ses joues, et les miennes sur ses mains. Il n’y avait que son souffle qui rencontrait le mien, et nos yeux qui s’analysaient de la façon la plus intime qui puisse être. Mon frère. Celui avec qui j’avais tout traversé. Celui que j’avais senti perdu dans le néant, toutes ces nuits. Celui que j’avais désespérément essayé de ramener dans la lumière. Celui qui ne pouvait pas me laisser. Il rompit ce contact visuel entre nous l’espace de quelques secondes, ses yeux se baissant sur le sol. Je savais qu’il ne pouvait pas me mentir. Mon cœur se brisa dans mon poitrail, et je pleurai plus encore. Il allait me dire qu’il ne pouvait pas me faire une telle promesse. Que je n’étais pas suffisant, encore. Le bleu saisissant de ses yeux me fut à nouveau accessible, m’offrant ce monde que je ne pouvais pas quitter. Je regardai ses lèvres qui s’étaient entre-ouvertes, sur le point de détruire ce qu’il restait de mon monde. Je les regardais s’ouvrir pour laisser passer ma sentence :
- Jusqu’à la fin, promit-il en un murmure.
Je me noyai dans ses yeux, réduit au silence par sa promesse, comme assommé par ses mots. Il traverserait la mort de Pansy pour moi. En cet instant, je le savais. Si elle mourait à nouveau, il traverserait les enfers et en ressortirait de l’autre côté pour moi. Il ne m’abandonnerait plus. S’il la perdait à nouveau, il resterait pour moi. J’étais assez. Et je savais qu’il ne pouvait exister une plus grande preuve d’amour que cela. Je sanglotai alors que j’acquiesçai, et il me serra finalement contre lui. Dans ses bras forts et chauds qui me contenaient toujours. Contre son cœur qui battait et que je pouvais sentir contre mon propre poitrail. Et je pleurai, parce qu’il ferait cela pour moi. Parce que j’étais assez pour lui. Je pleurai, parce qu’il m’ôtait là le plus gros poids qui pesait sur mes épaules par ces quelques mots. Parce que je savais désormais que si le pire arrivait, il resterait pour moi. Quelque douleur qu’il pourrait traverser dans le futur, il la traverserait pour moi. Pour moi. Parce que j’étais assez pour lui.
Je l’avais serré, moi aussi. Je l’avais serré comme si ma vie en dépendait, parce que c’était le cas. Ma vie en dépendait. Et quand mon rythme cardiaque s’était calmé, quand le sang avait cessé d’inonder mes veines et que mes pensées avaient pu être autre chose que des scénarios catastrophes qui tournaient en boucle dans mon esprit, et quand ses mots avaient pu atteindre mon cerveau, j’avais pu entendre. Et il m’était apparu clair que si Theodore avait lâché l’affaire l’autre fois, tout comme Granger l’avait fait, c’était parce qu’ils savaient et l’un, et l’autre, qu’ils n’obtiendraient rien de moi en l’état. La question de cette dernière s’imposait à nouveau à mon esprit : « Quel est ton objectif pour cette Guerre, Drago ? ». Et je me rappelai que déjà à Poudlard, alors que Pansy avait une confiance aveugle en Theodore, elle avait déjà elle-même suggéré qu’il était peut-être inutile de combattre ce que je ressentais pour Granger, mais plutôt de l’utiliser à bon escient pour faire tomber le Seigneur des Ténèbres. Elle avait, à l’époque, basé cette hypothèse-là sur le fait que Theodore lui avait dit qu’il viendrait un temps où il faudrait que Granger soit là, avec moi, qu’il en avait la profonde conviction sans ne parvenir à l’expliquer pour autant. Et Blaise, cette fois-ci, s’était montré ouvert et curieux à cette idée. Ils avaient tous, à un moment donné, supposer que c’était une possibilité qu’il fallait explorer, Theo et Granger en premier. Et Theodore serait à mes côtés, quoi qu’il arrive. Il resterait avec moi.
- Ok, chuchotai-je alors contre l’épaule de mon frère. J’accepte qu’on parle avec Granger.
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Liv