Dollhouse

Chapitre 57 : Comme des diamants dans le ciel - 1

16730 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Theodore n’était pas quelqu’un de très secret, en tout cas pas pour Drago Malefoy. Pourtant, il y avait bien des choses, au fur et à mesure des années, qu’il n’avait jamais partagées avec lui au sujet de Pansy Parkinson. Drago ne savait pas, par exemple, que Pansy était sujette aux crises d’angoisses occasionnelles depuis plusieurs années, bien avant que lui n’y soit sujet. Drago ne savait pas non plus que le livre dans la chambre de Theo intitulé « Les Potions pour les nuls » était en fait un Portoloin qui menait dans l’ancienne chambre de Pansy, dans la maison de ses parents. Non, Drago ne savait pas, toutes ces années durant, que Pansy envoyait un hibou à Theodore dès qu’elle angoissait lorsqu’ils n’étaient pas à Poudlard pour qu’il la rejoigne. Bien entendu, à l’époque, ni Theodore, ni Pansy n’avait ouvertement avoué ses sentiments à l’autre, et il ne s’était encore jamais rien passé de concret entre eux. Seulement, elle lui envoyait un mot disant souvent « est-ce que tu peux venir ? » ou bien « ça va pas », et dans la seconde suivante Theodore se retrouvait dans sa chambre. 

Theodore ne pouvait se rappeler combien de nuits il avait passé avec Pansy de la sorte. Souvent, ils ne parlaient même pas. Pansy ne lui avait jamais raconté, jusqu’à cette nuit-là à Poudlard, quelle était la source de ses angoisses, et Theodore n’avait jamais vraiment demandé, parce qu’il supposait que si elle souhaitait en parler, elle le ferait. Souvent, il ne faisait que l’observer pour s’assurer qu’elle se calmait au fur et à mesure de sa présence, ce qui était quasiment systématiquement le cas. Ils passaient une partie de leur nuit à regarder les étoiles depuis le toit de la maison des parents de Pansy, en silence, la tête de cette dernière reposant sur l’épaule de Theodore, et ils ne bougeaient pas pendant des heures. Et chaque fois qu’elle avait besoin, il était là. Une fois, Pansy avait avoué à Theodore qu’elle n’osait pas toujours le contacter, qu’elle se disait qu’elle en faisait trop, et que dans ces cas-là elle s’imaginait une forêt enchantée pour se calmer. C’était ainsi que Theodore avait appris l’existence de ce lieu imaginaire qui remplaçait sa présence rassurante. Pansy n’avait jamais précisé à Theo de garder tout cela pour lui, mais cela était tout simplement naturel pour lui. Cela ne lui appartenait pas, et il n’aurait jamais livré à qui que ce soit une histoire qui n’était pas la sienne, surtout pas une histoire qui appartenait à Pansy Parkinson. Et puis, au fond, Theodore aimait savoir qu’il était le seul à connaître cette partie plus vulnérable d’elle. Il lui semblait que cela montrait probablement plus que tout autre chose qu’elle lui faisait confiance, et il trouvait de la joie dans ce constat. Tout ce qu’il souhaitait, c’était pouvoir être là pour elle, autant qu’elle voulait de lui. 

En réalité, il ne savait pas s’il en faisait assez. Toutes ces années, il avait toujours cherché ce qu’il pouvait bien lui dire pour l’aider, mais il était difficile de savoir comment rassurer quelqu’un dont vous ignoriez les peurs. Alors il était présent physiquement, c’était tout. Et aussi étrange que cela puisse paraître, cela semblait apaiser les angoisses de Pansy, alors il continuait de venir chaque fois qu’elle l’appelait, et de lui prêter une épaule sur laquelle se reposer. 

Ainsi, Theodore n’avait pas fait beaucoup plus que cela, cette nuit passée à la Maison de Joie. Trop habitué à noter la moindre accélération des battements de son cœur ou de sa respiration, il avait senti l’angoisse monter en Pansy alors qu’ils parlaient avec cet abject Walden. Désormais, il connaissait les raisons sous-jacentes à cette anxiété-là. Il la connaissait également assez pour savoir qu’elle se serait sentie plus mal encore de subir de telles émotions entourée d’autres personnes, pire encore de Mangemorts. C’était là la raison pour laquelle il l’avait écartée du groupe. La guidant d’une main ferme dans la sienne, il l’avait menée jusqu’à un recoin sombre de la Maison dans lequel il avait pu la faire asseoir. Son propre cœur à lui battait violemment dans son poitrail, il ne supportait pas de la voir souffrir. L’homme qui lui avait fait du mal était mort de ses propres mains. Pourquoi cela ne pouvait-il pas être suffisant pour effacer ce qu’il lui avait fait ? C’était là quelque chose que Theodore ne comprenait pas. Comment se faisait-il que c’était ceux qui avaient subi qui payaient les pots cassés de ceux qui avaient fait du mal ? Il ne trouvait pas beaucoup de sens, ni de justice là-dedans. Si cela pouvait lui faire du bien, il trouverait le moyen de ramener à la vie son oncle, simplement pour pouvoir le tuer à nouveau. Mais il doutait que cela ferait disparaître les cicatrices qu’il lui avait laissées. 

La respiration de Pansy s’était faite de plus en plus difficile à mesure qu’ils s’étaient écartés du groupe, et qu’elle pouvait finalement se permettre d’ouvrir la bouche pour chercher un air qu’elle ne trouvait pas. Theodore s’était accroupi devant elle, sa veste de costume couvrant ses frêles épaules, et il s’était appliqué à fixer le haut de cette veste-ci. Dans un halètement étouffé alors qu’elle avait tenté de parler, probablement pour se justifier - comme si elle avait besoin - Theodore s’était permit de lui préciser : 

-        Tu n’as pas besoin de me le dire, je le sais déjà. Mais si tu veux en parler, je suis là, avait-il ajouté doucement. 

Il avait senti le regard de Pansy s’ancrer sur lui, et sa respiration avait commencée à très doucement s’apaiser. 

-        Tu étais là ? lui avait-elle demandé, incrédule. 

Les yeux de Theodore s’étaient baissés pour qu’elle ne puisse pas voir les larmes qui y naquirent. Chaque fois, c’était une nouvelle claque pour lui. Chaque fois, c’était un nouveau coup de poignard pour lui. Lui se rappelait de tout. Il portait sur ses épaules le fardeau de chaque regard, chaque touché, chaque baisé, et de toutes ces années où ils s’étaient aimés en se le disant de milles et une façons, excepté directement. 

-        Oui, j’étais là, lui avait-il répondu, la gorge serrée. 

En fait, c’était même la première fois où il l’avait regardée dans les yeux, ce soir-là à Poudlard. Ce soir-là, dans la Maison de Joie, il ne trouva pas cette même force. Il ne trouva pas cette même force parce que la dernière fois qu’il avait vu ses yeux, ils étaient morts. Il ne trouva pas cette même force parce que la lumière qui avait brillé à l’intérieur d’eux ces dernières années quand elle le regardait, éperdument amoureuse de lui, n’y brillait plus. Theodore Nott avait bien des forces, mais être confronté à la réalité que Pansy Parkinson ne l’aimait plus sans en être brisé n’était pas l’une d’elles. 

Pansy avait à nouveau baissé les yeux quand elle avait avoué à voix basse, une larme silencieuse coulant sur sa joue pâle : 

-        Le dernier homme qui m’a touchée, c’est lui. 

Le cou que reçu le cœur de Theodore à l’écoute de ces mots n’avait d’égal aucun mot. Il y avait tant de choses qu’il aurait aimé pouvoir lui dire. Tant de choses qu’il aurait voulu pouvoir lui faire ressentir. Tant de choses qu’il aurait voulu pouvoir faire pour lui faire ressentir à quel point ces mots étaient faux. Mais il était persuadé qu’il lui ferait plus de mal encore s’il lui disait la vérité. Alors il avait pincé ses lèvres, et il lui avait demandé : 

-        Est-ce que je peux mettre ma main sur ta cuisse ? 

Il avait relevé les yeux vers sa veste qui reposait sur les épaules de Pansy alors que celle-ci avait faiblement acquiescé. Doucement, il avait porté sa main droite à la cuisse de Pansy, et il l’avait simplement laissée reposer là. 

-        Non, c’est faux, lui avait-il confessé à hauteur de ce qu’il pouvait. 

Un faible sourire attendri, quand bien même elle le nierait si elle le devait, s’était dessiné sur le visage de Pansy tandis qu’une larme perlait sur celui de Theodore. 

Ils étaient restés là en silence quelques minutes pendant lesquelles la main chaude de Theodore n’avait pas quitté la cuisse nue de Pansy, puis il avait noté qu’elle s’était mise à regarder anxieusement autour d’elle, utilisant d’une main tremblante la veste de Theodore pour couvrir sa poitrine sous sa robe de dentelle. Elle voulait partir, et elle n’avait pas besoin de le dire pour que Theodore le comprenne. Elle était bien trop fière pour le dire explicitement, de toute façon. 

-        Tu veux que je demande à Blaise de te ramener à la maison ? avait-il alors proposé. 

Elle avait fait non de la tête avant d’expliquer : 

-        Il a besoin de sortir, même si c’est avec tous ces dégénérés, il a besoin de s’aérer la tête. Et puis, avait-elle ajouté plus doucement, c’est un ordre de Voldemort, il faut qu’on se fasse voir ici. 

-        Mais tu veux rentrer ? avait-il insisté néanmoins. 

Elle n’avait pas répondu directement à sa question. Elle avait continué à regarder autour d’elle, ne trouvant pas en elle la force de mettre son ego de côté pour lui donner une réponse honnête. Theodore n’avait pas eu besoin de plus, et n’attendit pas d’elle qu’elle se montre plus vulnérable encore qu’elle ne l’était déjà. Alors il avait simplement enlevé sa main de sa cuisse, et avait saisi sa main, puis il avait transplané au manoir. Au travers de leur lien, il avait ensuite prévenu Drago qu’ils quittaient la Maison de Joie. 

Une fois dans l’entrée du manoir, Pansy s’était faussement défendue, cherchant à garder ce qu’il lui restait de crédibilité : 

-        T’avais pas besoin de faire ça, j’suis pas une gamine, je pouvais gérer. 

Dos à elle, Theodore s’était permit un sourire en coin. Il savait que pour s’en tenir à son nouveau rôle il y aurait eu bien des choses piquantes qu’il aurait pu lui répondre, mais sachant la façon dont elle se sentait en cet instant, il n’en eut pas le cœur. Alors il avait simplement répondu : 

-        Je sais. 

-        C’était un ordre de Voldemort, avait-elle encore appuyé. 

Il s’était retourné face à elle et avait effectué un accio pour faire venir à lui un épais plaid. 

-        J’en ai rien à foutre, avait-il avoué à voix basse. Maintenant je vais aller regarder les étoiles en silence, si tu veux te joindre à moi. 

Pansy n’avait rien répondu, et il ne l’avait pas attendue alors qu’il était sorti dans les jardins du manoir. Elle l’avait néanmoins rejoint dehors sans dire un mot, et elle avait accepté le plaid qu’il lui avait tendu en silence. Ils étaient restés tous les deux sous les étoiles pendant près d’une heure, sans n’échanger rien d’autre que la présence l’un de l’autre. De bien des façons, c’était là tout ce qu’il leur restait. La présence l’un de l’autre. 

Les jours suivants, Pansy s’était comportée à nouveau normalement, et été redevenue le sujet de l’attention normale de Theodore. Elle avait continué de l’ignorer royalement, ou bien de lui lancer pique cinglante sur pique cinglante, ne mentionnant jamais cette soirée qu’ils avaient partagée, et Theodore fit de même. Les derniers événements, cependant, avaient fait de Drago le sujet d’attention préféré de Theo. Il ne faisait pas le moindre doute que la visite de Granger l’avait largement bouleversé, lui et ses murs qu’il avait pourtant solidement installés. Theodore suspectait que le fait qu’il soit de plus en plus question d’une alliance avec l’Ordre au travers d’Hermione Granger, et de fait les risques que cela représentait indéniablement, le retournait profondément. Cela apparaissait comme une nécessité absolue pour Theo, et il travaillait doucement à faire accepter ce fait à Drago, mais il respecterait son rythme. Il venait de traverser beaucoup de chocs émotionnels en très peu de temps, le plus gros d’entre eux dont Theodore savait être responsable. Il ne lui en rajouterait pas, autant qu’il le pouvait en tout cas. Il estimait lui avoir déjà assez fait défaut comme cela. 

Depuis la rixe où Drago s’était effondré en rentrant, il était parvenu à se reprendre de façon assez surprenante. Cela étonnait toujours Theodore en réalité, la rapidité avec laquelle Drago pouvait imploser, et la force avec laquelle il parvenait à redevenir celui qu’il avait besoin d’être pour eux dernièrement. Chaque fois, cela ne faisait que lui confirmer ce qu’il savait déjà intimement : Drago était celui qui avait toujours été destiné à ce rôle, et Theodore était à sa juste place : à ses côtés dans quoi que ce soit qu’il entreprenait. Il avait gardé un œil sur lui lors des rixes suivantes, mais cela avait été inutile. Ses murs étaient à nouveau en place, et il avait repris son rôle avec une force que Theodore trouvait inspirante. Oui, il lui semblait parfaitement capable de faire ce qui était attendu de lui. 

Les rixes continuaient de s’enchaîner, et Theodore continuait de se montrer aussi fort qu’implacable. Il combattait toujours non loin de Pansy, qui avait cessé de se plaindre de sa présence indéniablement proche d’elle à tout instant des batailles. Lors d’une nouvelle attaque, alors que les maisons brûlaient autour d’eux et que les habitants tombaient de leurs baguettes, Theodore enchaînait coup mortel sur coup mortel. Il était le seul d’entre eux qui était capable d’utiliser autant de magie noire à la fois en une quantité aussi importante, la magie noire nécessitant plus d’énergie et de force magique que toute autre forme de magie. C’était là l’une de ses spécificités qui faisait de lui un adversaire redoutable sur un champ de bataille. Alors il combattait, gardant constamment un œil en la direction de Pansy qui s’en sortait remarquablement bien. Les entraînements portaient indéniablement leurs fruits, et il ne pouvait s’empêcher de se sentir fier d’elle. Elle était redoutable. Elle dansait, virevoltant à droite puis à gauche, faisant du champ de bataille son terrain de jeu. Son corps aussi fin que léger lui semblait voler dans les airs, se mouvant avec une facilité ainsi qu’une agilité terriblement séduisante. Elle tendait son bras fin, et des hommes tombaient autour d’elle. Elle avait une particularité qui plaisait beaucoup à Theodore : Pansy gardait constamment son bras gauche en l’air à côté d’elle, y ancrant-là son équilibre parfait. Oui, elle avait l’air d’une danseuse. Une danseuse léthale. Ses jambes longues et légères se pliaient et se dépliaient à une vitesse phénoménale, prenant parfois un appui profond sur le sol avant de s’élever dans les airs en un bond d’une élégance qui n’échappait pas à Theodore. Elle gardait toujours ses sourcils froncés sur son front en témoignage de sa concentration, et ses yeux irréellement verts, comme les plus somptueuses pierres précieuses qui puissent être, pointés sur ses assaillants. Elle s’accroupissait, effectuait parfois une roulade à même le sol et achevait son adversaire dans son dos, trop rapide pour les poids plus lourds qu’elle. Oui, c’était-là un spectacle qui rendait tout cela largement supportable pour Theodore, qui combattait de son propre côté. 

Ses sens particulièrement développés représentaient, là-encore, un avantage de taille pour ce dernier. Il sentait et entendait arriver le moindre humain et le moindre sort tout autour de lui, lui offrant une avance sur ses assaillants pour contrer et attaquer chaque tentative de lui nuire, lui ou sa moitié. Un rythme cardiaque particulièrement bruyant précédait les vibrations du sol qui annonçaient l’arrivée d’un homme avant même qu’il ne puisse le voir. La magie d’un sortilège qui tranchait l’air en sa direction s’annonçait comme quelqu’un qui viendrait frapper à sa porte dans une maison plongée dans le silence. La chaleur ou la fraicheur autour de lui permettait de lui apprendre combien de personnes demeuraient debout autour de lui. Et les uns après les autres, ils tombaient autour de lui. 

Il était en train de tuer de trois Avada successifs un homme et deux femmes qui chargeaient face à lui quand il entendit, plus loin derrière lui, un sort arriver en sa direction. Étant donné la force du son de celui-ci, Theodore supposait qu’il s’agissait de plus qu’un simple sort de désarmement. Il progressait rapidement vers lui, mais il disposait encore d’assez de secondes pour terminer d’éliminer les deux femmes restantes face à lui avant de se retourner pour contrer ce sort qui venait à lui. Il nota donc dans son esprit cette information, et continua de diriger son attention ainsi que sa baguette vers les deux femmes face à lui, faisant tomber la première, puis la deuxième. Soudain, sur sa droite, l’harmonie imposante de la voix hurlante de Pansy remplit tout l’espace sonore de Theodore alors qu’elle s’écriait d’une tonalité aussi vibrante que tremblante d’angoisse : 

-        THEO ! 

L’aigu métallique de sa voix trancha l’air et l’atteint en plein cœur de la force de son cri, et il n’entendit plus rien que les échos de sa voix qui appelait son prénom pour la première fois depuis qu’elle était revenue à elle. Frappé par l’émotion, il tourna des yeux ronds vers elle. Il rencontra ses yeux. Pour la première fois, il rencontra à nouveau ses yeux directement à travers son Masque. Elle avait encore la bouche grande ouverte, les échos de son prénom dans sa bouche roulant encore sur sa langue, caressant ses lèvres. Ses deux grands yeux verts étaient rivés sur lui alors qu’il pouvait y lire la peur qu’elle ressentait pour lui. Le temps s’arrêta. Sa Pansy. Elle venait d’appeler son nom. Pas le fantôme. Pas Nott. Son nom. L’air flotta entre eux, les sorts qui volaient entre eux devenus anodins. Ils se regardaient, leurs âmes se rejoignant dans la distance désormais métaphorique qui les séparaient. Il ne pouvait voir qu’elle. Son cœur se mit à battre comme un tambour de guerre dans son poitrail. Il ne pouvait détourner ses yeux d’elle, et elle ne sembla pas pouvoir s’y résoudre non plus. Il n’y avait que leurs yeux qui se rejoignaient. Que l’angoisse de Pansy qui rencontrait l’âme de Theodore. Elle avait appelé son nom. Elle avait hurlé son nom de toutes ses forces. Et il la regardait. Complètement désarmé sur le champ de bataille, parce qu’elle avait appelé son nom. Parce qu’elle s’était inquiétée pour lui. Parce qu’elle l’avait surveillé. Parce qu’elle avait vu ce coup venir. Parce qu’elle avait eu peur que lui ne l’ai pas vu venir. Parce qu’elle avait eu peur de le perdre. Theodore demeurait interdit, figé sur place, ses yeux perdus dans ceux de Pansy. Son cerveau ne traitait aucune information, il se perdait dans le vert de ses yeux. Dans l’écho de son nom qui tournait en boucle dans son esprit comme le rythme entêtant du refrain de la plus magnifique des ballades mélodiques qui puisse être. Il n’était pas en état de sentir si son cœur s’était arrêté où s’il battait de plus en plus fort, il n’y avait que la sidération. Que ses yeux. Que son nom dans sa bouche. Comme si elle était au ralenti, le bras droit de Pansy se balança devant elle au même rythme que sa jambe gauche, puis l’inverse. Elle courrait vers lui. Elle lui revenait. Elle courrait vers lui. Il ne voyait qu’elle, et la terreur dans ses yeux. Une terreur qu’elle ressentait pour lui. Et soudain, il fut violemment propulsé en arrière, le sort qu’il avait entendu venir le frappant en plein poitrail. 

Il sentit l’impact du sol contre son dos avant de réellement sentir les effets du sort sur son corps. Il revint à lui en sentant de l’air passer sur son torse. Le tissu de son uniforme était déchiré en des coupures qui faisaient couler son sang sur tout le haut de son corps. Avec une grimace, il releva le haut de ce corps ensanglanté, sa baguette fermement tenue dans sa main droite. Dans son champ de vision, l’homme qui était l’auteur de ce sortilège courrait vers lui. Il était très proche de lui. Theodore prit appui sur le sol de sa main gauche pour se relever difficilement quand soudain un autre corps remplit son champ de vision, se tenant devant lui comme un bouclier humain. Les jambes fines de Pansy s’étendaient devant lui alors qu’elle contrait la prochaine attaque de cet homme, puis encore une autre. Il ne voyait qu’elle. Elle était dos à lui, juste là devant lui, mais il ne voyait qu’elle, elle qui le protégeait. Elle remplissait tout l’espace. Elle le protégeait avec une force titanesque. Elle avait l’air si grande, alors qu’il était encore sur le sol tandis que son corps à elle s’étendait devant lui comme une armure invincible qui le protégeait. Son cœur se mit à battre plus fort encore, et Theodore savait que cela risquait de le faire saigner plus encore. Il n’en avait que faire. Le bras gauche de Pansy en appui au-dessus d’elle, elle envoya son bras droit dans la direction de l’attaquant, et un jet de lumière vert quitta sa baguette pour atteindre l’homme qui était parvenu à le toucher. Sur leur droite, un autre homme arrivait. Theodore ne le nota que parce que le visage de Pansy se tourna de ce côté. Elle l’élimina, lui aussi. Une reine. Il ne pouvait que voir une reine. Quiconque aurait regardé Theodore en cet instant aurait vu des étoiles briller dans ses yeux. Tout était noir au-dessus de lui, la nuit, les corps, les habits que portaient Pansy, et pourtant il lui semblait que Pansy Parkinson étincelait dans le ciel comme un diamant. Puis elle se retourna vivement vers lui alors qu’il ne pouvait que regarder son visage. Alors qu’il ne pouvait que regarder ses yeux. Elle analysa son corps en une fraction de seconde. Il supposait que son torse était découpé de part et d’autre. Cela valait tous les saignements du monde. Son cœur ne cessait de battre insolemment dans ce poitrail abimé. Il n’était même pas sûr de ressentir la douleur en cet instant. Tandis qu’il demeurait inerte face à elle, elle tendit une main vive vers lui et attrapa son bras. La seconde d’après, il était debout au manoir, et les bruits de la guerre autour de lui s’étaient évanouis. Il ne restait qu’elle.

Elle était dos à lui, et le tenait toujours par le bras. De sa baguette, elle retira son Masque. Sans perdre une seconde tandis qu’il était toujours sonné des événements, elle le traîna derrière elle sans le ménager jusqu’au salon. 

-        Putain, t’es où ?! paniqua la voix de Drago à l’intérieur de son esprit. 

Theodore pouvait sentir l’angoisse grandissante de son frère à travers leur lien. 

-        Je vais bien, Pansy m’a fait transplané au manoir. Je suis touché mais ce n’est rien de grave, tu n’as pas à t’inquiéter, lui transmit-il en suivant Pansy par la contrainte. 

Il l’aurait suivi quand même. Il la suivrait n’importe où. Jusqu’en enfer, si c’était là que la route menait. 

-        Putain, t’es con ou quoi l’fantôme ?! s’emporta-t-elle alors qu’ils arrivaient dans le salon. Depuis quand tu détournes le regard d’un ennemi qui t’attaques ?! 

Il ne lui répondit rien, parce que sa réponse aurait été « depuis que tu m’appelles par mon nom ». Theodore se sentait sonné. Pansy pesta avant de se retourner face à lui, lâchant finalement son bras. 

-        Pose ton cul de débile, ordonna-t-elle en désignant le canapé d’un mouvement assertif de son menton tandis qu’elle lui retirait son Masque à lui en se saisissant de sa baguette. 

-        Je vais bien, ce n’est rien, tempéra-t-il doucement devant son inquiétude masquée par sa colère apparente. 

Le regard sec de Pansy s’enfonça dans le sien, et il le soutint tandis que les battements de son cœur raisonnaient sourdement dans ses oreilles. Qu’il lui sembla qu’il n’était peut-être toujours pas revenu totalement à lui-même. 

-        J’ai dit : pose ton cul de débile, sévit-elle sans s’adoucir du tout. 

Il ne put retenir le sourire en coin qui étira ses lèvres. Finalement, il baissa les yeux en s’asseyant sur le canapé. 

-        Oui madame, céda-t-il face à l’autorité de sa moitié. 

-        J’rigole pas avec toi putain, ça aurait pu être un sort mortel, continua-t-elle sans se détendre alors que ses yeux analysaient le torse déchiré de Theodore. 

-        Ce n’en était pas un, apaisa-t-il encore doucement. 

Il ne parvenait pas à effacer le sourire sur ses lèvres, ni à calmer les battements de son cœur qui s’excitait inlassablement de l’attention que lui portait Pansy. Non, il n’était définitivement pas revenu à lui-même. 

-        Mais ça aurait pu en être un bordel ! s’emporta-t-elle encore. 

-        Je suis sûr que ça ne t’aurait pas dérangé tant que ça, tenta-t-il en relevant ses yeux vers elle. 

Elle le regarda un instant, elle aussi. Elle s’autorisa à rencontrer ses yeux, la colère ne s’évanouissant pas de ses traits, quand bien même il pouvait y lire de la confusion. Ces yeux lui avaient terriblement manqués. Ces yeux qui lui faisaient si peur du pouvoir qu’ils détenaient sur lui. Oui, désarmé. Complètement et ridiculement désarmé face à ses yeux à elle. 

-        Tu comptes pour Drago, donc si, ça m’aurait fait sacrément chier que ce putain de dépressif chronique déprime encore plus, renchérit-elle finalement. 

-        C’est très prévenant de ta part, sourit encore Theodore alors qu’une chaleur réconfortante remplaçait la douleur physique qu’il savait qu’il aurait dû ressentir plus que ce n’était le cas. 

-        T’y habitues pas, putain d’incapable, pesta Pansy en s’accroupissant devant lui. Tu peux enlever ton t-shirt où il faut que je le fasse moi-même ? enchaîna-t-elle en inspectant son torse. 

Un sourcil se leva sur le visage de Theodore, et il dût utiliser toute sa force pour combattre les pensées ainsi que les mots qui venaient à lui. La situation n’avait pas changé, quand bien même il se permettait de profiter de son attention en cet instant, et quand bien même il était désormais certain qu’il comptait à nouveau pour elle, bien que différemment que dans le passé. Il trouvait là un apaisement de son âme qu’il ne savait pas qu’il viendrait à nouveau un jour. Quelque chose changea en lui, il le sentait. Non, il n’était toujours pas revenu à lui. Elle avait changé quelque chose à l’intérieur de lui en appelant son nom, et en le sauvant de la sorte. Il avala sa salive avant de se reprendre : 

-        Je peux le faire. 

Theodore croisa ses mains sur le bas de son haut, et grimaça de douleur quand il décolla le tissu de son torse ensanglanté pour le retirer par la tête. Il laissa le tissu reposer à côté de lui sur le canapé alors qu’il se présentait à elle. Les joues de Pansy prirent une teinte de rouge alors qu’elle inspectait ses blessures, des coupures qui continuaient de saigner de part et d’autre de son torse. Il attribuait cela à l’effort physique, ainsi qu’à l’adrénaline du combat. 

Dans un silence total, elle dirigea le bout de sa baguette sur son torse griffé et utilisa un Vulnera Sanentur pour refermer chaque blessure, chaque touché de son bout de bois attisant quelque chose que Theodore s’appliquait à réprimer en lui. Il la regardait faire. Dans le silence le plus apaisant qui puisse être, il la regardait faire. Il avait l’impression de rêver, et l’espace d’un instant il se demanda si ce n’était pas le cas, mais le contact de sa baguette contre son torse lui permettait de se dire que c’était bel et bien réel. Pansy s’occupait de lui. Il regardait la concentration dont elle faisait preuve et qui était lisible sur les traits fermés de son visage. Ses joues rosies par l’effort. Dieux, qu’est-ce qu’il aimait voir ses joues rougir sous l’effort. Ses lèvres pulpeuses qui appelaient son nom. Les différentes touches de vert dans ses yeux. Certaines plus foncées d’un vert impérial, d’autres plus claires avec des nuances lui rappelant les plus éclatantes émeraudes qui soient. Oui, ses yeux brillaient comme les diamants qu’il avait achetés pour elle. Il regardait ses cheveux noirs salis de sa transpiration, quelques mèches de sa frange collant à son front. Par tous les Dieux, qu’est-ce qu’il adorait la voir transpirer. Theodore avait du mal à croire qu’un être humain puisse être si beau. Il avait du mal à saisir comment il était possible qu’un être soit aussi parfait que cela. Aussi dangereuse, aussi forte, aussi léthale, aussi tranchante. Aussi parfaite. Non, son cerveau ne parvenait pas à comprendre comment Pansy Parkinson pouvait être réelle.

Des frissons parcouraient son torse de part et d’autre alors que le bout de la baguette de Pansy le caressait, sa magie vibrant doucement contre sa peau. Elle n’en dit rien, et lui non plus. Il se demandait ce qu’il avait pu faire, dans cette nouvelle vie qui était celle de Pansy, pour mériter son attention de la sorte. Pour mériter sa colère qu’il savait être une forme de son inquiétude. Il lui semblait que quelque chose s’apaisait en lui, en cet instant. Que quelque chose de profondément meurtri à l’intérieur de lui trouvait son salut dans la colère de celle pour qui il brûlerait le monde sans le moindre remord. Et soudain, le contact de sa baguette lui fut retiré, et les yeux verts de Pansy remontèrent jusqu’aux siens. Il cligna ses paupières et avala sa salive pour revenir à lui. 

-        Mint aurait pu le faire, amena-t-il doucement en réajustant son assise sur le canapé. 

-        Je le fais mieux, se vanta-t-elle à juste titre. 

Un faible sourire en coin se dessina sur les lèvres de Theodore alors qu’il se rappelait qu’il y avait encore des choses à faire sur ce champ de bataille dont elle l’avait enlevé. 

-        Merci, la remercia-t-il enfin, je dois aller retrouver Sekhmet. 

-        Je suis sûre que ton gros dragon terrifiant peut retrouver son chemin tout seul en suivant Drago et Ragnar, argumenta Pansy justement. 

-        Je dois jouer mon rôle pendant le speech de Drago, continua d’argumenter Theodore à contre-cœur.

Tout ce qu’il voulait, c’était rester avec elle. C’était tout ce qu’il n’avait jamais désiré. Son seul et unique souhait dans cette vie.  

-        Ils peuvent faire ça aussi, pour une putain de fois, trancha encore sèchement sa guérisseuse. 

Un sourire en coin malicieux et joueur prit place sur le visage de Theo alors qu’il cherchait les yeux que Pansy lui cachait tandis qu’il répondit d’une voix basse et rauque : 

-        Je le fais mieux. 

Elle releva des yeux pas le moins joueurs du monde vers lui et sévit une nouvelle fois : 

-        Ne me force pas à te reblesser pour te forcer à rester te reposer Nott, parce que j’te promets que je le ferai avec joie. 

-        Tu serais prête à te donner bien beaucoup de mal pour rendre Drago heureux, joua doucement Theodore. 

Non, il n’était décidément pas revenu à lui. Pas totalement. Elle l’avait ensorcelé. 

-        Ouais eh bien, c’est ce qu’on fait tous, non ? répliqua-t-elle en baissant les yeux. 

Il l’imita dans son geste, et l’ambiance changea radicalement. Il n’y avait plus rien de joueur dans l’air. La brutalité de leur vie actuelle les avait déjà rattrapés. 

-        Oui, c’est ce qu’on fait tous, confirma Theodore à voix basse. 

Pansy pinça ses lèvres avant de se relever soudainement. 

-        J’y retourne, déclara-t-elle alors. 

Theodore ne retint pas sa main droite qui vint se renfermer fermement autour du poignet de Pansy. 

-        Je ne crois pas, non, sévit-il froidement cette fois. 

Les yeux de Pansy se baissèrent sur la prise qu’il avait sur elle avant de reprendre son contact visuel avec lui. Doucement, elle argumenta d’une voix basse qui témoignait du fait qu’elle cherchait à comprendre les sous-entendus dans l’opposition ferme de Theodore : 

-        Tu n’as plus besoin de moi et je ne suis pas blessée. 

Theodore utilisa son lien avec Drago pour lui transmettre : 

-        Elle veut vous rejoindre mais c’est hors de question. 

Immédiatement, Drago répliqua dans son esprit tandis que Theo ne lâchait pas le bras de Pansy, qui pour sa part demeurait dans l’expectative :

-        Dis-lui qu’on a presque finit, je suis en train de faire mon speech, on sera de retour dans 20/30 minutes maximum. 

Theo releva les yeux vers Pansy, satisfait. 

-        Drago vient de me dire qu’il est en train de donner son speech, ils ont quasiment fini. C’est inutile que tu utilises plus de ta magie pour y retourner et ensuite pour revenir directement, lui apprit-il alors en la relâchant finalement. 

-        Qu’est-ce que tu racontes « Drago vient de te dire » ? renchérit-elle, ses sourcils froncés d’incompréhension.

Theodore réalisa à l’instant qu’elle ne se souvenait pas du lien qu’il y avait entre eux, puisque cela le concernait lui, et qu’elle ne savait plus rien de lui. Il laissa son dos nu retomber contre le canapé alors qu’il lui expliquait : 

-        On partage un lien qui nous permet une sorte de télépathie. 

La confusion grandit sur le visage de Pansy qui le regardait, incrédule. 

-        Quoi ? appuya-t-elle en ce sens. 

-        C’est un genre de lien d’âme que Granger a découvert qu’on utilise pour se parler dans l’esprit l’un de l’autre. 

La concentration de Pansy, mêlée à sa confusion, ne quittait pas ses traits alors qu’elle continuait à le regarder à la recherche de réponses. 

-        Comment ? demanda-t-elle encore. 

-        C’est un truc magique de nos âmes qui se sont choisies mutuellement, apparemment c’est une condition assez rare. 

C’était compliqué à expliquer pour lui, parce qu’il n’était pas certain d’avoir bien comprit lui-même. Tout ce qu’il savait, c’était ce que cela leur apportait, et c’était là tout ce qui comptait pour lui. Il n’avait pas besoin de tout un tas de théories farfelues pour lui expliquer ce qu’il savait déjà depuis bien longtemps, à savoir que la relation qu’il avait avec Drago était trop spéciale pour être expliquée avec des mots. 

Les yeux de Pansy se firent plus ronds à ces mots, mêlant cette fois incompréhension, surprise et émerveillement. 

-        Comment putain d’Granger a pu découvrir ça ? questionna-t-elle finalement avec une colère nouvelle. 

Un doux et sincère sourire se dessina sur les lèvres de Theodore. 

-        C’est un sacré crac, amena-t-il avec tendresse. 

Il n’eut pas besoin d’expliciter que cela signifiait que c’était un génie pour que Pansy le comprenne. Elle le comprenait toujours. Elle affichait cependant désormais une mine de dégoût sur ses lèvres retroussées. 

-        Tu peux penser ce que tu veux, mais on peut pas nier que cette fille est un génie, et elle ne nous a pas apporté que des emmerdes, argumenta-t-il encore. 

-        Donc tu fais partie du fan club, toi aussi ? rétorqua froidement Pansy. 

Theodore haussa les épaules nonchalamment. 

-        Je l’apprécie, si c’est la question, avoua-t-il avec honnêteté. 

-        Ou alors t’es juste tellement trop doux avec Drago, même quand ça ne sert pas ses intérêts, que tu t’es convaincu qu’elle était bonne pour lui, suggéra-t-elle avec son tranchant habituel. 

Les sourcils de Theodore se dressèrent sur son front, et il releva les yeux vers elle. Par tous les Dieux, qu’est-ce que cela lui avait manqué de réellement parler avec Pansy en tant que lui-même, et non pas en tant que Blaise. 

-        Je suis trop doux avec Drago ? répéta-t-il en l’invitant à élaborer sa pensée. 

Un unique sourcil se leva sur le front de Pansy à ces mots. 

-        Tu veux vraiment faire genre que tu le sais pas déjà ? Je savais que t’étais bien des choses, mais j’pensais pas que t’étais con. 

-        Tu viens pourtant largement de me qualifier de débile, renchérit Theodore. 

-        Me fais pas déjà regretter de t’avoir soigné l’fantôme, trancha Pansy devant ses remarques taquines. 

Un large sourire se dessina sur les lèvres pleines de Theodore qui accusait ses mots avant de redevenir sérieux dans la conversation intéressante qu’ils avaient. Les conversations étaient toujours intéressantes avec Pansy. 

-        Je ne suis pas trop doux avec lui, expliqua-t-il alors sérieusement, j’attends juste le bon moment pour dire les bons mots pour qu’il puisse vraiment les entendre. 

-        Ouais, c’est c’que j’viens de dire, ne se laissa pas du tout impressionner face à son apparente sagesse Pansy. 

-        Comment ça ? l’invita encore à élaborer Theodore. 

Les paroles de Pansy ainsi que ses avis tranchés avaient toujours eu beaucoup d’importance pour lui, parce qu’il savait que sous le tranchant de ses mots se cachaient bien souvent des vérités désagréables, mais des vérités tout de même. 

-        C’est quoi exactement dans notre conjoncture actuelle qui te permet de penser qu’on a le temps d’attendre que cette drama queen de compétition soit capable d’entendre quoi que ce soit que t’ai à lui dire ? Non pas que je sois d’accord avec tout ce que tu racontes, mais même, pondéra-t-elle dans sa réflexion. Le fait que tu fasses autant attention à ne pas heurter sa sensibilité ou à ne pas le pousser trop loin alors qu’on parle littéralement de situations de vie ou de mort ça le dessert lui, et ça te rend toi trop doux avec lui.  

-        A quelles situations fais-tu allusion ? poussa encore Theodore en écoutant attentivement sa moitié. 

Elle lui lança un regard noir appuyé. 

-        Tu sais de quoi je parle. 

Un large sourire malicieux s’étala sur les lèvres de Theodore alors qu’il soutenait son regard. 

-        Vraiment pas, non, la taquina-t-il explicitement. 

-        Putain, arrête-ça, le coupa-t-elle en un avertissement menaçant. 

Il ne pousserait pas plus loin le vice, sachant tous deux qu’ils parlaient du fait de laisser Granger les aider à gagner la Guerre contre Voldemort. 

-        Donc tu es d’accord aussi, conclut-il finalement. 

-        Non. Je sais juste pas. J’y ai pensé, c’est tout. 

-        Et ? continua de questionner Theodore sans la lâcher des yeux. 

Merde, qu’est-ce qu’il la trouvait belle. 

-        Et j’en sais rien putain. Juste je commence à me demander ce qu’il se passera s’il se trouvait qu’on faisait gagner ce malade mental, parce que j’accumule des preuves qui m’font penser qu’on n’est finalement pas aussi mauvais que je l’aurais pensé, avoua-t-elle avec un énervement grandissant face à la situation dans laquelle ils se trouvaient. 

-        C’est un sage raisonnement, salua sincèrement Theodore. 

-        J’ai dit que je ne savais pas, nuança Pansy néanmoins. Je considère juste les options. 

-        C’est tout ce que je suggère pour l’instant, les options, confirma doucement Theodore. 

-        Sauf que tu ne te bats même pas pour l’option en question, lui fit remarquer Pansy avec dédain. 

-        Je plante des graines, rétorqua alors Theo. 

-        C’est une Guerre, les graines n’ont pas le temps de pousser. Soit t’imposes tes plantes, soit tu regardes tes graines crever dans ce terreau de merde, trancha-t-elle dans toute sa magnifique honnêteté.

Theodore la prenait au sérieux. Autant qu’il aimait ces échanges et autant qu’ils l’amusaient, il les prenait profondément au sérieux. Alors, il continua d’enchaîner ses arguments pour mieux la laisser les démonter, et décider lequel d’entre eux avait raison à la fin : 

-        Il est à bout de forces. Il ne peut pas être poussé trop loin maintenant, ça le mettrait en danger. 

-        Ouais eh ben, encore une fois, c’est une putain de guerre. On gère tous nos propres merdes aussi bien qu’on peut, et on est tous à bout de forces. Mais ce qui doit être fait est fait, c’est le deal. Ceux qui ne peuvent pas le supporter meurent, cracha Pansy dans la froideur factuelle qui lui était propre. 

-        C’est de ton meilleur ami dont tu parles, la recadra Theodore. 

-        C’est d’un futur qu’on n’aura jamais si on continue comme ça dont je parle, nuança-t-elle sans se dérober à son regard. Penser que t’as le temps de planter des graines et de les faire pousser dans ce contexte, c’est au mieux de la pure illusion, et au pire de la connerie emprunte d’une profonde lâcheté, et je n’avais jusqu’ici pas l’impression que tu étais un lâche, Nott. 

Theodore prit une profonde inspiration en se laissant s’enfoncer plus encore dans le canapé, son torse toujours dévoilé à une Pansy qui s’appliquait à ne pas le regarder. Il laissait ses mots atteindre son cerveau pour se permettre de vérifier ce qu’il en pensait. Pansy demeurait ancrée, debout devant lui, calme et sereine dans ses idées. 

-        Gagner une guerre c’est un marathon, pas un sprint, argumenta-t-il encore doucement. La stratégie est…

-        … Ta stratégie est obstruée par ton amour pour lui, le coupa sans relâche une Pansy ancrée dans ses opinions. 

Theodore leva un sourcil circonspect vers elle à ces mots, mais il ne répondit rien. 

-        Quoi ? le défia-t-elle alors. T’aimes confronter les autres avec leurs vérités pas très jolies mais tu peux pas supporter qu’on te balance la tienne ? 

Une nouvelle fois, il accusa ses mots en silence, les laissant raisonner en lui. Il avait assez d’années d’expérience de vie auprès de Pansy Parkinson pour savoir qu’il fallait être idiot pour ne pas écouter ce qu’elle avait à dire, peu importait la forme qu’elle utilisait pour le dire. En fait, il adorait cette forme, et toutes les autres que ses mots prenaient. Il trouvait cela profondément rafraichissant, contrairement aux personnes comme lui qui prenaient des pincettes pour que ce qu’il avait à dire soit entendu, ou pire contrairement à ceux qui ne disaient pas ce qu’ils pensaient. Elle ne s’encombrait pas de ces futilités. Les choses étaient dites et elles étaient claires avec elle. C’était simple, pour quiconque avait les épaules pour l’entendre. Il les avait. 

-        Écoute, reprit-elle plus doucement, je dis juste que tu ne sers ni ses intérêts à lui, ni ceux du reste du monde en essayant de préserver sa santé mentale qui est déjà fragile de toute façon. Et de ce que je perçois de cette situation, c’est soit parce que tu l’aimes trop, soit parce que c’est plus facile pour toi d’te raconter que tu fais ça pour lui, au lieu de te confronter au fait que t’as le sentiment que tu lui dois quelque chose ou que tu dois te faire pardonner d’un truc, pour quelque raison que ce soit. Ou peut-être que c’est un mélange des deux, mais après tout qu’est-ce que j’en sais ? 

Le bruit du transplanage de Blaise dans l’entrée du manoir apprit à Theodore qu’ils étaient rentrés, tout comme le tremblement léger du sol sous l’arrivée de Ragnar dans le jardin. Il regardait Pansy en silence, laissant ses mots déferler sur lui. Elle avait raison, et il le savait très bien. Il existait peu d’expériences qui lui procuraient autant d’humilité que ses discussions avec Pansy Parkinson. Il ne le lui dit pas, mais Theodore était profondément reconnaissant pour cette conversation dont elle lui avait fait cadeau. Peut-être venait-elle de leur faire gagner la guerre contre Voldemort, en lui offrant ces quelques mots tranchants. Qui vivrait verrait. 


Le lendemain matin, après le petit-déjeuner, Theodore avait amené Blaise jusqu’à sa chambre pour l’y confiner en vue de l’entraînement de Pansy. 

-        T’es un putain de psychotique, tu le sais j’espère ? l’avait-il taquiné en entrant – de force – dans sa propre chambre où il passerait le reste de sa matinée. 

-        Je le sais, rassure-toi, avait renchérit Theodore avec un sourire en sa direction. 

-        Si j’avais pensé qu’un jour tu volerais mon corps pour gérer ta meuf, avait continué Blaise avec un grand sourire aussi charmeur que taquin. 

-        Tu en aurais plus pris soin ? lui avait renvoyé un Theodore sur le même ton. 

-        Oh bébé, si tu as jeté un coup d’œil tu sais très bien à quel point j’en prends soin. 

Theodore lui avait envoyé un clin d’œil en saisissant la poignée extérieure de sa porte. 

-        Je le sais. 

Blaise avait ouvert grand la bouche et une lueur avait brillé dans ses yeux quand il avait demandé : 

-        Qu’est-ce que ça veut dire ça ? 

-        Oh Zabini, tu ne veux pas savoir les choses que j’ai faites à ton corps, l’avait achevé Theodore d’une voix roucoulante. 

Et comme à son habitude face au charme de Theodore, Blaise avait baissé les yeux alors qu’il mordait sa lèvre inférieure à la recherche d’une réponse qu’il ne trouvait pas. 

-        Je pense que je veux tout à fait savoir ! s’était finalement écrié Blaise alors que Theodore refermait sa porte en riant.

Theodore, déguisé en son ami Blaise, attendait Pansy dans les jardins pour son entraînement avec la baguette de ce dernier. La manœuvrer n’était pas aussi intuitif que cela l’était que de faire de la magie avec la sienne, mais à force de répétition il parvenait à en saisir les subtilités. Elle lui semblait moins sensible que la sienne, moins réactive peut-être. Elle nécessitait plus d’efforts et de concentration que celle dont il avait l’habitude depuis toutes ces années. Cela ralentissait un peu ses ripostes lors des entraînements, mais il demeurait plus rapide que Pansy. Lorsque cette dernière traversa la porte du manoir pour le rejoindre, les yeux de Blaise furent incapables de voir quoi ce soit d’autre. Elle portait un pantalon noir si moulant qu’il lui semblait plus être un collant qu’autre chose, dans lequel était rangé le tissu de son haut noir tout aussi moulant. Les bandages désormais habituels noirs qui serraient sa taille ainsi que sa poitrine pour s’enrouler autour de son épaule droite fermement maintenue en place. Et elle avait fait deux petits chignons sur le haut de son crâne, un de chaque côté, alors que sa frange retombait sur son front. Somptueuse, songeait Theodore. Parfaite à son goût. Il pensait avoir déjà tout vu d’elle, pourtant elle trouvait toujours le moyen de le surprendre. Il pouvait voir chaque muscle de ses cuisses qui se contractait à mesure qu’elle avançait vers lui au travers de la finesse du tissu qui recouvrait son corps. Un ange noir. 

-        Qu’est-ce t’as Zabini ? T’as vu un fantôme ? le ramena alors à lui la voix de Pansy. 

-        Nouvelle coiffure ? lança-t-il en se remettant dans son rôle en clignant des yeux. 

Pansy passa une main sur sa frange pour l’aplatir alors qu’elle arrivait jusqu’à lui. 

-        Ils poussent trop, ils commencent à me gêner quand j’me bats. Faudrait demander à Drago de faire venir un putain d’coiffeur, même toi tu vas bientôt te retrouver avec une brosse à chiottes sur la gueule, se moqua-t-elle en désignant les cheveux de Blaise sur la tête de Theo. 

Leurs cheveux à tous avaient poussé, c’était une réalité. Ils n’avaient pas pu entretenir leurs coupes depuis désormais trop longtemps. 

-        J’ai des doutes sur la faisabilité de ton projet, rétorqua Blaise avant de dégourdir ses jambes pour les échauffer. Bon, t’es prête ? 

Depuis le jardin, Pansy commença à l’imiter. Elle chauffa doucement les muscles de ses jambes, fit tourner ses chevilles, puis sa nuque. Elle étira son dos et fit tournoyer ses bras pour réveiller ses épaules, dont celle qui lui était désormais fragile. Elle se retourna face au manoir, et sembla regarder dans la direction du bureau de Drago. Le vitrail qui l’ornait était assez imposant pour reconnaitre la pièce entre milles. 

-        Qu’est-ce que tu crois qu’ils foutent là-dedans, pendant tout c’temps ? demanda-t-elle à son ami en gardant son regard sur la fenêtre comme si elle cherchait à y apercevoir quelque chose. 

-        Qui ? se hasarda tout de même à demander Theo pour confirmation alors qu’il terminait d’échauffer le corps de Blaise, lui-aussi. 

-        Drago et l’fantôme, répondit-elle la tête en l’air, les yeux vers la fenêtre, et l’esprit semblant être bien ailleurs encore. 

-        Des trucs de stratégie de guerre, j’imagine. 

-        Mmh, répliqua-t-elle tout aussi absente de la conversation. 

Quand elle retourna son visage vers « Blaise », elle le taquina en saisissant sa baguette : 

-        Tu ne vas pas me demander comment ça a été avec Nott ? 

Theodore se sentit figé sur place. Bien entendu, Blaise était du genre à largement commérer avec elle. Visiblement, quand bien même Pansy ne se souvenait pas de leur histoire, Blaise et elle parlaient de lui. Cependant le regard plein de défi qu’elle lançait vers lui lui donnait curieusement l’impression que c’était surtout quelque chose que Blaise avait l’habitude de faire, mais auquel elle ne répondait pas. Theodore ne savait pas vraiment comment il pouvait l’expliquer, mais il la regardait, et il savait. Il la regardait et il savait que même à Blaise, elle ne parlait pas de lui. Quelque part, il supposait que c’était bon signe pour sa mission à lui. Si elle retombait amoureuse de lui, elle en parlerait sans nul doute en long, en large et en travers avec son meilleur ami, comme elle l’avait fait toutes ces années. C’était une bonne chose, se rappela Theodore alors que son cœur se pinçait. 

-        Parce que tu me répondrais ? renchérit alors « Blaise ». 

Un large sourire dévoila les dents de Pansy alors que Theodore était happée par le spectacle de son visage rieur qui se déroulait sous ses yeux. Quelque chose avait changé en lui, il le sentait. 

-        Non ducon, parce que y a rien à dire à part que j’peux pas m’le sentir, et maintenant on s’y met où t’as peut-être besoin d’une autre tasse de thé princesse ? 

Le même vaste sourire prit sa place sur les lèvres que Theodore avait empruntées à Blaise, et il se mit en position face à elle pour se mettre au travail. 

-        Je vais commencer à t’apprendre un nouvel enchaînement de combat aujourd’hui, lui annonça-t-il donc plus sérieusement. 

-        Commencer à me l’apprendre ? leva-t-elle un sourcil circonspect. C’est un défi ? 

-        Prends-le comme tu veux, haussa-t-il les épaules avec un sourire en coin. 

Theodore lui expliqua un de ses enchaînements préférés sur le champ de bataille lorsque quelqu’un chargeait en sa direction : d’abord, un Impedimenta qui permet de ralentir le corps qui fonce vers lui lorsqu’on vise particulièrement bien, ensuite un Stupefix pour bloquer totalement l’adversaire, et ensuite, pour sa part, il achevait l’adversaire avec un Avada, ce dernier étant optionnel pour elle. Ces sorts demandaient une concentration d’énergie magique importante pour parvenir à les enchaîner rapidement, puisque chacun d’entre eux nécessitait une grande dose d’énergie. Comparé à ce dont il était capable, ces sorts lui étaient faciles, mais il s’agissait là de sorts puissants qui n’étaient pas nécessairement faciles à réaliser et moins encore à parfaitement bien enchaîner.

« Blaise » se positionna donc d’abord à côté de Pansy pour lui apprendre les fondamentaux de l’Impedimenta. Il lui expliqua que le Maléfice d’Entrave n’était que temporaire, et que c’était pour cela qu’il était nécessaire de parvenir à bien enchaîner ensuite pour ne pas se faire prendre de court. La difficulté supplémentaire était qu’il était impossible de viser une partie du corps spécifique qui serait ralentie, les effets étant donc aléatoires s’ils ne parvenaient pas à être généralisés, et pour qu’ils soient généralisés sur toute la personne, il fallait concentrer une énergie magique importante pour l’extraire de soi. Il n’eut pas besoin de lui expliquer ensuite comment réaliser un Stupefix, Pansy savait parfaitement bien l’exécuter. La difficulté serait de parvenir à l’enchaîner avec assez de force. Lorsqu’elle saisit les bases du Maléfice d’Entrave, « Blaise » reprit place face à elle, et commença à courir dans sa direction. Les sourcils froncés et sa concentration totale sur le corps de son meilleur ami, Pansy tenta un premier coup que Theodore ne contrait pas pour l’aider à s’entraîner. Seul son bras droit fut ralenti, et il arriva jusqu’à elle en un rien de temps. 

-        Concentre plus d’énergie dans ton sort, la somma-t-il avant de reprendre sa position, et de recommencer à charger vers elle. 

Les pieds de Pansy bien ancrés dans le sol, son bras gauche en l’air pour son équilibre, elle tenta une nouvelle fois. Cette fois-ci, les jambes de Theodore furent toutes deux ralenties, mais seulement pour une seconde ou deux. Pansy n’eut pas le temps de lui lancer un Stupefix qu’il était déjà juste devant elle. Theodore s’éloigna encore, et ils recommencèrent une nouvelle fois sans plus de succès, puis encore une autre, et encore une autre. 

-        Lance-moi un Expelliarmus, ordonna-t-il alors. 

-        C’est pas c’que t’étais en train de m’apprendre.

-        Lance-moi un Expelliarmus, insista-t-il. 

Pansy s’exécuta, et Theodore laissa le sort le frapper de plein fouet. Il le ressentit précisément dans le bras qui tenait sa baguette. La magie que lançait Pansy n’était jamais précisément concentrée en elle, et de fait ses sorts atteignaient une cible trop précise sans se diffuser chez ses adversaires, amoindrissant donc leur puissance. C’était en fait le cas de la plupart des sorciers, mais ce n’était pas le cas de Theodore. Lorsqu’il combattait il faisait se rejoindre toute son énergie magique intérieure au niveau de ses entrailles, parce que c’était avec ses tripes que l’on combattait lorsque l’on combattait vraiment. Il l’entassait là à l’intérieur de lui, au lieu de la laisser être diffuse dans tout ce corps, ce qui rendait chacun de ses coups incroyablement plus précis et puissant. L’énergie de Pansy, elle, était trop diffuse en elle, et donc pas assez puissante sur ses adversaires, ni assez précise. C’était du perfectionnement, mais Theodore n’était là pour rien d’autre que cela. 

-        Ok, assieds-toi, la somma-t-il finalement. 

Elle leva un nouveau sourcil en sa direction.

-        Dans la neige ? 

D’un coup de baguette, Theodore enleva la neige sous Pansy. 

-        Assieds-toi, ordonna-t-il encore. 

-        Merde, ok chef ! 

Il était on ne pouvait plus sérieux. Peut-être un peu trop sérieux pour être Blaise Zabini, d’ailleurs. Pansy s’assit en tailleur sur l’herbe mouillée du jardin, et Theodore s’assit de la même façon face à elle. 

-        Tu peux poser ta baguette, précisa-t-il, et elle s’exécuta. Ferme les yeux. 

Une nouvelle fois, Pansy leva vers lui un sourcil circonspect. 

-        Ferme les yeux, répéta-t-il. 

Avec une moue désapprobatrice, Pansy finit par obéir, et elle ferma les yeux. Un faible et tendre sourire se dessina sur les lèvres de « Blaise », mais il continua : 

-        Concentre-toi sur ta magie, sur la magie qui vibre en toi. Et dis-moi ce que tu sens. 

Pansy prit une profonde inspiration par le nez, gardant ses yeux fermés pour l’exercice. Theodore savait que s’il n’avait pas eu l’apparence de Blaise en cet instant, elle ne se serait jamais montrée aussi docile à faire quelque chose dont elle ne comprenait pas la raison. Il se permit de la regarder, pendant le temps qu’il lui fallut pour se concentrer sur ce qu’il se passait à l’intérieur d’elle. Il était juste en face d’elle, leurs genoux se touchant presque. Il pouvait voir chaque port de sa peau claire éclairé par la lumière matinale et réfléchit par la neige tout autour d’eux. Ses joues étaient déjà rosées par l’effort, ainsi que le bout de son nez par le froid ambiant. Elle avait l’air douce, lorsque ses yeux étaient fermés et qu’elle respirait profondément de la sorte. Il y avait bien longtemps qu’il ne l’avait pas vue douce de la sorte. Cela lui rappelait le nombre de fois où il l’avait regardée dormir, tout contre son corps à lui. Elle n’avait jamais été aussi douce qu’en ces instants, ses cheveux en bataille et ses lèvres entre-ouvertes touchant la peau de son avant-bras qui soutenait son visage comme le plus confortable des oreillers. 

Pansy ouvrit soudain un œil. Theodore cligna des yeux pour revenir dans le présent, et cesser de la dévisager comme Blaise ne le faisait jamais.  

-        J’sens rien frère, déclara-t-elle alors. 

-        Tu es déconnectée de ton corps, observa-t-il.

Cela ne l’étonnait pas beaucoup. La magie de Pansy avait changé depuis qu’elle était revenue à la vie. Dans le passé, sa magie avait été beaucoup plus concentrée, bien que pas au point où l’était celle de Theodore. L’hypothèse de Theodore était qu’elle n’était pas réconciliée avec son corps, n’ayant pas souvenir de tout ce qu’elle avait surmonté avec lui, et n’ayant plus que comme dernier souvenir de ce qu’elle partageait avec son corps que le traumatisme infligé par son oncle. De bien des façons, Pansy rejetait son corps, ainsi que la connexion à celui-ci. 

-        Commence par te concentrer sur ce que tu ressens à l’extérieur de ton corps : le sol sur lequel t’es assise, le froid sur ta peau, tes vêtements contre toi, l’aida-t-il donc. 

-        C’est vraiment nécessaire ? souffla Pansy. 

-        Oui, déclara simplement Theodore. 

Elle soupira, mais elle reprit l’exercice et ferma une nouvelle fois ses yeux. Theodore l’inspecta au travers du corps de Blaise. Rapidement, il lui sembla que le rythme cardiaque de Pansy s’accéléra. Ses sourcils se froncèrent sur son front, puis quelques instants plus tard elle humidifia ses lèvres du bout de sa langue. Quelques secondes après, Pansy fit craquer sa nuque, puis redressa son dos. Ensuite, elle entre-ouvrit ses lèvres et gonfla sa poitrine d’air avant de tout expirer à nouveau. Finalement, elle frotta ses genoux avant qu’une jambe ne se mette à trembler nerveusement. Ça n’allait pas. 

-        Ok arrête, la coupa Theodore. 

Elle ouvrit les yeux directement, sans avoir besoin d’être plus priée que cela. 

-        Qu’est-ce qui se passe Pansy ? tenta doucement Theo en se rappelant qu’il avait l’apparence de son meilleur ami en qui elle avait confiance, et à qui elle parlait. 

Pansy porta une main à son visage et grata l’un de ses sourcils. Elle ne le regardait pas dans les yeux, son regard était porté bas. Non, ça n’allait pas. Cet exercice lui était indéniablement trop difficile. 

-        J’en sais rien, j’y arrive pas, c’est tout, lui renvoya-t-elle avec une impatience grandissante. 

Theodore ne répondit rien, mais il continua de l’accompagner de son regard. Elle releva les yeux vers lui face à la réponse qui ne venait pas, et mordit sa lèvre inférieure avant d’élaborer : 

-        C’est juste…, pas agréable, avoua-t-elle en haussant les épaules. 

-        Qu’est-ce qui n’est pas agréable ? essaya de creuser Theodore avec une tendresse dans la voix qu’il ne forçait pas. 

Il ne pouvait pas supporter d’être confronté aux conséquences de ce dont il n’avait pas pu la protéger, chaque fois que cela était le cas. Que cela fut ces années à transplaner dans sa chambre pour simplement être là, toutes ces années à la regarder ne pas pouvoir manger normalement, où encore cela. Il ne le supportait jamais. Le sang bouillait dans ses veines. 

-        J’en sais rien putain, juste j’y arrive pas à ton exercice de merde ! s’exclama-t-elle en balançant ses bras en l’air avant de les laisser retomber en un claquement sur ses cuisses. 

Theodore savait ce que c’était, que de ne pas pouvoir se connecter à son corps. Différemment d’elle, c’était certain, mais il pouvait le comprendre à sa façon. Seulement lui, il n’avait pas la légilimencie de Drago qui lui permettait de l’accompagner à l’intérieur, et il ne savait pas comment il pouvait l’aider, pourtant il était certain que les capacités magiques de Pansy bénéficieraient largement qu’elle en soit capable. Il ne lui restait que la parole, ainsi que l’apparence de Blaise. 

-        Est-ce que tu peux me dire ce que ça te fait, quand tu essayes ? essaya-t-il plus doucement encore. 

Les sourcils de Pansy demeuraient froncés sur son front. 

-        Je me sens mal, c’est tout, coupa-t-elle froidement sans maintenir le contact visuel avec lui. 

Theodore réfléchit à ce qui pourrait l’aider. Drago lui avait tenu les mains pendant plusieurs séances lorsqu’ils essayaient de le connecter à son esprit, sans succès certes mais encore une fois les raisons et leurs mécanismes de défenses à tous les deux, quand bien même similaires, étaient différents. Peut-être que cela pourrait fonctionner pour elle, songea-t-il alors, mais étant donné son historique, il ne savait pas s’il était bienvenu de lui proposer de la toucher. Il se rappela néanmoins de cette soirée dans la Maison de Joie, et du fait qu’elle avait accepté qu’il lui touche la cuisse, et que ce contact avait semblé l’apaiser un peu, et puis il se rappela aussi qu’il avait en cet instant l’apparence de Blaise, l’homme en qui elle avait sans doute le plus confiance actuellement. 

-        Est-ce ça pourrait t’aider à te concentrer d’abord sur l’extérieur de ton corps si je mettais une main sur toi ? proposa-t-il donc doucement. 

Le regard noir que Pansy leva vers lui lui apprit sans conteste que ce n’était finalement pas une bonne idée. 

-        Reste à ta place Zabini, positionna-t-elle sur un ton glacial. 

-        Je parlais de te tenir la main, se défendit « Blaise ».

-        Bon on en a déjà parlé et j’y arrive pas, soupira Pansy en reculant de quelques centimètres sur le sol, donc c’est bon, on peut passer à autre chose là ? 

Theodore considéra en rester là, mais il se rappela la conversation qu’il avait eue avec elle sur le fait qu’il était trop doux et ne poussait pas assez ceux qu’il aimait parce qu’ils étaient en guerre, alors il ne lâcha pas, parce qu’il savait qu’elle atteindrait un tout autre niveau sur le champ de bataille si elle parvenait à effectuer cet exercice :

-        Peut-être qu’on pourrait en reparler ?  

La colère fut translucide dans les traits de Pansy. 

-        Tu te fous de ma gueule ? cracha-t-elle alors froidement. Je vais devoir te le répéter combien de fois ? s’emporta-t-elle en se relevant du sol. Je ne veux pas en parler, lâche-moi avec ça, merde !

Puis elle rentra à l’intérieur du manoir, et Theodore ne la croisa plus du reste de la journée. Il nota qu’elle n’en parlait visiblement pas même à Blaise, et cela ne lui plaisait pas. Elle était toute seule avec sa douleur. Elle ne la partageait avec personne. Non, cela ne lui plaisait pas du tout. 

Une ou deux heures plus tard, alors que Theodore avait repris son apparence normale, Blaise toqua à sa porte alors qu’il sortait de la douche et se préparait pour la rixe suivante. Blaise referma derrière eux alors qu’il le rejoignait dans sa chambre : 

-        Eh mon reuf, que-ce t’as foutu ? Pourquoi Pansy est vener contre moi ? demanda-t-il alors. 

-        Ce n’est rien, ça va passer, rétorqua Theodore en passant devant lui pour récupérer de nouveaux vêtements. 

La main de Blaise saisit son avant-bras et le stoppa dans sa course. Theodore leva vers lui des yeux qui l’avertissaient de faire attention à la façon dont il le touchait. 

-        Eh, l’averti-t-il on ne pouvait plus sérieusement. Je te prête mon corps, mais c’est avec ma meilleure amie que tu joues. Si ça commence à affecter ma relation avec elle, ça ne va pas me faire rire longtemps. Fait attention à ce que tu fais avec elle quand t’es dans ma peau, c’est compris ? 

Theodore pouvait comprendre, après tout, et il ne souhaitait éloigner plus encore Pansy de Blaise que ces souvenirs en moins ne l’avaient déjà fait. Elle avait plus que jamais besoin de soutien et de son amitié, et il ne pouvait pas jouer avec ça. 

-        J’ai essayé de la pousser à se connecter à son corps, lui expliqua-t-il alors que Blaise lâchait sa prise sur lui. 

-        Ah, accusa ce dernier. 

-        Et j’ai essayé d’en parler avec elle pour l’aider, mais elle s’est renfermée directement. 

-        Ouais, soupira un Blaise bien plus calme, j’ai déjà essayé d’avoir plusieurs conversations dans le genre avec elle, et ça a fini comme ça à chaque fois. Je lui avais promis de ne pas remettre le sujet sur la table, ajouta-t-il alors. 

Ceci expliquait cela. 

-        Je suis désolé, déclara sincèrement Theodore.

-        Tu pouvais pas savoir, t’inquiètes. Mais c’est encore une des conséquences de tout ça, continua-t-il tout de même. 

-        Je sais, lui accorda Theo. 

Blaise pinça ses lèvres, comme s’il hésitait à poursuivre cette conversation, ou s’il hésitait sur quel ton la poursuivre. Theodore lui laissa le luxe d’y réfléchir en attendant ce qu’il avait envie de lui dire sans ne rien dire, ni sans bouger alors que son torse dégoulinait d’eau sur la serviette nouée à sa taille. 

-        Écoute je vais pas dire ça comme un reproche, ok ? commença alors Blaise. Mais juste pour que tu sois averti, vu que tu te fais passer pour moi quasiment tous les jours auprès d’elle, histoire d’éviter que ce genre de situation ne réarrive à nouveau. 

Theodore acquiesça. 

-        Elle me parle de pleins de choses, et on est proches comme on pouvait l’être avant sur quasiment tous les aspects, mais y a certains sujets de conversation qu’on ne peut plus avoir. Tout ce qui touche à son corps, sa sexualité, et bien entendu à son oncle, ce n’est plus possible. 

La mâchoire de Theodore se serra. C’était de son fait, et il le savait. Il savait également que par le passé, Pansy abordait largement, en long en large et en travers ses désirs et fantasmes sexuels avec Blaise en ce qui concernait Theodore. Elle semblait avoir trouvé en lui quelque chose qui apaisait ce qu’elle avait vécu, ainsi que son rapport à son corps. 

-        Et toi, ajouta gravement Blaise alors que Theodore levait vers lui des yeux surpris. Hormis pour dire qu’elle te déteste ou que tu l’énerves, ou pour poser une question à ton propos ici et là, c’est compliqué de parler de toi. Elle s’énerve rapidement, expliqua-t-il finalement.

Une nouvelle fois, Theodore acquiesça. 

-        D’accord, accusa-t-il simplement. 


Ce soir-là, lors de la rixe suivante, Pansy n’était pas aussi efficace qu’elle l’était normalement. Theodore savait que cela était de sa faute à lui, parce qu’il l’avait trop poussée à un moment où elle n’y était pas prête. Il avait découvert, en observant à la fois Drago quelques jours plus tôt, ainsi que Pansy ce soir-là, que dans la vie qu’ils menaient aujourd’hui, être dans un état émotionnel ne serait-ce qu’à peine secoué représentait un danger de taille. Plus que d’ordinaire ce soir-là, Theodore avait assassiné quasiment toutes les personnes qui s’étaient approchées d’elle pour la combattre, ainsi que celles qui venaient pour lui. Pansy lui avait hurlé plusieurs fois de « se mêler de son cul », mais il n’en avait rien fait. Autour de lui, les hommes et les femmes étaient tombés les uns après les autres. Son cœur avait violemment battu dans son poitrail lorsqu’il avait été pris dans un combat avec une femme plus douée que les autres, et que Pansy avait été frappée par un sortilège non léthal, mais elle était violemment tombée à genoux sur le sol. Theodore avait senti l’odeur de son sang, et le monstre en lui s’était réveillé. Il n’avait contrôlé ni la vitesse, ni les violences de ses coups suivants quand il avait décimé la personne qui lui avait fait cela, et tous ceux qui avaient suivi. Pansy avait pu continuer de se battre, mais cela lui avait coûté plus que d’ordinaire, ses mouvements de jambes n’étant plus aussi fluides et rapides qu’ils l’étaient normalement. 

Lorsqu’ils étaient tous rentrées, Blaise et Drago étaient partis se doucher, comme à leur habitude à tous, dans le plus grand des silences. Mais Theodore avait attrapé Pansy, sa mâchoire toujours serrée de la terreur qu’il avait ressentie lorsqu’il l’avait vue tomber à genoux, et il l’avait entraînée dans le salon. 

-        Putain, qu’est-ce que tu fous Nott ?! protesta-t-elle alors qu’il la traînait avec lui. 

-        Assieds-toi, la commanda-t-elle fermement. 

Il contrôlait sa colère, parce qu’il savait que c’était lui, le fautif. Il ne parvenait pas à supporter l’idée que Pansy se soit mise en danger. Pire encore, qu’il l’ait mise en danger, lui. 

-        Qu’est-ce que tu m’veux bordel ? s’impatienta-t-elle.

-        Assieds-toi où c’est moi qui t’assieds, sévit-il finalement. 

-        Arrête de faire le daron avec moi putain, j’suis pas ta pote, s’énerva-t-elle alors. 

Theodore n’attendit pas plus d’invitation de sa part, il se baissa jusqu’à s’accroupir sur le sol, saisit Pansy par les mollets sous les protestations ahuries de cette dernière et la porta contre son épaule jusqu’à l’asseoir sur le canapé. 

-        Tu saignes, observa-t-il en se repositionnant à genoux devant elle. 

-        Finement observé l’fantôme, j’ai juste à aller me doucher, laisse-moi tranquille j’suis une grande fille. 

-        Accio trousse de secours, somma Theodore de sa baguette sans répondre à sa remarque. 

Pansy tenta de se relever, mais d’une main ferme appuyée sur sa hanche, Theodore l’en empêcha. 

-        Laisse-moi payer ma dette, négocia-t-il alors que la trousse de premiers secours arrivait jusqu’à lui par magie. 

-        Tu me dois rien, cracha Pansy en tournant le visage sur le côté pour ne plus le voir, croisant ses bras sur sa poitrine. 

-        C’est pas l’impression que j’ai, et comme ça on sera quittes, alors tais-toi et laisse-moi faire. 

Pansy soupira, mais elle ne résista pas plus. Il ne savait pas si c’était parce qu’elle était trop fatiguée, ou si c’était parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait pas lui tenir tête de toute façon, mais elle le laissa faire, ses bras gardés fermement croisés sur sa poitrine en signe de mécontentement. Étant donné qu’il ne comptait pas lui demander de retirer son pantalon pour pouvoir soigner ses blessures, Theodore déchira de ses mains le tissu autour de son premier genou qui était déjà un peu troué de l’impact.

-        Eh ! protesta-t-elle. 

-        Laisse-toi faire, ordonna-t-il plus doucement, concentré dans sa tâche. 

-        Mais qu’est-ce que tu fous bordel ?! ne s’apaisa-t-elle pas en se penchant vers lui, sur le sol devant elle. 

Theodore leva les yeux vers elle et rencontra les siens. 

-        Tu préfères l’enlever ? la défia-t-il alors. 

Pansy pinça ses lèvres en une moue accusatrice, mais elle ne répondit rien. Theodore reprit donc son travail, et déchira le tissu autour de son deuxième genou. Des lambeaux de tissus demeuraient collés ici et là sur ses plaies, ainsi que quelques bouts de gravier qui étaient enfoncés dans sa peau. Dans un silence total, Theodore ouvrit la trousse de secours sur le sol à côté de lui, et saisi la pince à épiler qui s’y trouvait. 

-        Je vais toucher ton mollet pour t’empêcher de bouger, l’avertit-il avant de procéder. 

De l’entièreté de sa main gauche, il saisit le haut du mollet de Pansy qu’il tint fermement. De sa main droite qui ne tremblait pas, il approcha tout doucement la pince à épiler du genou droit de Pansy, et commencer à retirer, petit bout par petit bout, le tissu qui s’y était accroché. Il portait une attention méticuleuse à ne pas toucher la chair à vif de Pansy en ce faisant, chaque geste étant d’une précision chirurgicale. Chaque fois qu’il approchait la pince à épiler de sa peau, il sentait les muscles de sa jambe se contracter. Avant de s’attaquer aux cailloux qui y étaient enfoncés, il retira tout doucement chaque bout de tissu qui étaient dans son genou gauche, et cette fois-ci la jambe de Pansy ne se contracta pas à chaque fois qu’il s’en approcha. Il savait que cela signifiait qu’il ne lui avait pas fait mal, et il trouvait là-dedans un peu de satisfaction. 

Dans le même silence, Theodore reprit son travail sur le genou droit, saisissant fermement son mollet. Trois cailloux y étaient incrustés, mais ils n’avaient pas l’air bien enfoncés dans la chair. Il supposait que cela ne lui ferait pas très mal. Avec plus d’attention que précédemment encore, il retira chaque caillou, et si Pansy s’était à nouveau tendu, rien d’autre n’avait indiqué qu’elle avait eu mal. Dans son genou gauche, par contre, cinq cailloux étaient profondément enfoncés à même la plaie. Il approcha tout doucement la pince à épiler, et l’ouvrit précisément juste assez pour qu’elle saisisse parfaitement le premier caillou le plus éloigné de la plaie à vif. Il le retira sans difficulté, et les muscles du mollet de Pansy se contractèrent dans sa main. Le suivant, à l’opposé, fut également retiré sans difficulté notable. Celui d’après, néanmoins, plus gros et bien plus enfoncé dans sa plaie ensanglantée, serait probablement une autre histoire pour elle. Lorsqu’il le retira d’un coup sec, tout le corps de Pansy se tendit et elle grinça des dents en grimaçant. Cherchant à ne pas prolonger sa souffrance trop longtemps, Theodore accéléra le rythme pour retirer les derniers qu’il restait. Pansy mordit sa lèvre inférieure et serra ses poings sur le canapé alors qu’il enlevait aussi rapidement que possible ceux qui y étaient le plus enfoncés à même la plaie. Dès qu’il eut terminé, il posa la pince à épiler sur le sol, saisit le devant de son mollet de sa main droite pour le serrer, approcha son visage tout près de la plaie qui saignait à nouveau et se mit à souffler de l’air frais tout doucement dessus. Dans ses mains, la jambe de Pansy se figea, et il continua de souffler sur sa plaie pour apaiser sa douleur. Doucement, les muscles du mollet de Pansy se décontractèrent alors. Il continua de souffler délicatement sur son genou, et leva les yeux vers elle pour vérifier que la moue de douleur qu’il avait vue sur son visage avait disparue. 

Les lèvres de Pansy étaient entre-ouvertes et ses yeux figés sur lui quand il les rencontra. Une demi-seconde plus tard, elle ferma l’espace entre ses lèvres et avala sa salive en clignant des yeux. Il n’y avait plus la moindre moue de douleur qui venait tâcher ses traits. Il lâcha alors son mollet et cessa de souffler sur la plaie. Le silence entre eux ne se rompit pas lorsqu’il attrapa le désinfectant dans la trousse de secours, ainsi que quelques compresses. Il versa du liquide sur la première compresse, et vint doucement tapoter la plaie sur le premier genou de Pansy, qui grinça une nouvelle fois des dents. 

-        Est-ce que je peux te dire quelque chose qui risque de te surprendre, mais genre, en mal ? demanda soudainement Pansy, probablement plus pour se distraire du désagrément qu’autre chose songea Theo. Enfin…, quelque chose de pas très beau à propos de moi, précisa-t-elle sur un ton bas. 

Un sourire en coin se dessina sur les lèvres de Theodore alors qu’il demeurait concentré sur la première plaie qu’il désinfectait en faisant attention à ne pas trop appuyer contre sa peau. 

-        Tu peux toujours essayer, répliqua-t-il sur la même tonalité basse. 

Il n’y avait pas le moindre bruit dans la pièce. Que leurs deux voix qui se rencontraient et qui n’avaient pas besoin d’être portées très haut pour être parfaitement bien entendues. 

-        Te méprends pas, se défendit alors Pansy, c’est pas que je veux me confier à toi, c’est juste que t’es le seul taré à qui j’peux dire un truc pareil. 

Un unique sourcil se dressa sur le front de Theodore alors qu’il levait les yeux vers elle. Elle pencha la tête sur le côté, pinça ses lèvres et haussa les épaules avec une attitude provocatrice, l’air de lui dire « eh bien quoi, tu as quelque chose à dire ? ». Lorsqu’il baissa à nouveau les yeux sur la plaie qu’il désinfectait, son sourire en coin retrouva sa place sur ses lèvres. 

-        Parle-moi Pansy, lui offrit-il alors. 

-        Des fois…, hésita-t-elle doucement, pas tout le temps hein, mais des fois…, certaines personnes, notamment des hommes assez murs, des fois j’aime ça…, de les tuer, avoua-t-elle, visiblement embrassée. 

Theodore leva les yeux vers elle en souriant. Elle regardait ses blessures, évitant ses yeux. Theodore attendit. Elle rencontra son regard. 

-        Quoi ? lui envoya-t-elle sur la défensive. 

Il pinça les lèvres, son sourire étirant toujours les coins de sa bouche. 

-        Rien, j’attends la partie qui est censée me surprendre, dit-il tout bas alors qu’il prenait désormais sa baguette pour refermer la plaie de Pansy sur son premier genou à l’aide de la magie. 

D’une petite claque sur l’épaule, Pansy le frappa, et Theodore se permit de rire doucement. 

-        Putain de psychopathe, marmonna-t-elle alors.

Le sourire aux lèvres, Theodore continua de la soigner, le premier genou intégralement réparé alors qu’il s’apprêtait à désinfecter le deuxième. 

-        Tu crois que ça fait de moi une malade mentale ? demanda doucement Pansy ensuite. 

Il garda la tête baissée, un sourire tendre ancré sur son visage alors qu’il tapotait la plaie de sa compresse. 

-        Tu demandes ça au psychopathe ? la questionna-t-il d’une voix basse et rocailleuse. 

-        Je demande ça à la seule personne dont je me fous de comment elle va me voir en sachant ça de moi, se défendit-elle encore. Et puis, ajouta-t-elle ensuite, Blaise et Drago n’arrêtent pas de dire qu’étrangement, t’es quelqu’un de plutôt sage et de bon conseil. 

Il accusa le coup, mais il continua de sourire malgré lui. Elle se confiait à lui, peu importait ses raisons. Elle se confiait à lui. Il prit le temps de lui répondre à voix basse : 

-        Eh bien, si c’est au psychopathe que tu demandes, il te répondrait surement que tu lui ferais une bonne partenaire de jeu. 

-        Et si c’était à toi que je demandais ? continua-t-elle d’une voix plus basse encore. 

Theodore leva les yeux vers elle. Elle était pendue à ses lèvres, attendant une réponse qui la rassurait. Le cœur de Theodore battit plus rapidement dans son corps face à ce constat. Il les baissa à nouveau et continua de désinfecter sa plaie quand il répondit : 

-        Alors je te répondrais qu’étant donné l’impuissance dans laquelle tu t’es retrouvée entre les mains d’un homme, je comprends que quelque part tu trouves du plaisir à retrouver du contrôle et du pouvoir envers la sous-race qui t’a fait défaut. 

Il posa la compresse tachée de sang sur le sol avant de prendre sa baguette pour refermer sa deuxième plaie. 

-        Et je ne crois pas que ça fasse de toi une malade mentale, lui offrit-il alors tout bas. 

Elle ne lui répondit rien, et lorsqu’il eut finit de réparer son deuxième genou, il posa sa baguette sur le sol, mais il resta lui-même à genoux devant elle. 

-        Mais si tu veux en tuer d’autres, tu ferais mieux de te reprendre pour la prochaine rixe. Blaise t’as appris à te battre mieux que ça, la taquina-t-il alors. 

-        J’t’emmerde, cracha-t-elle avec un dédain qu’elle feignait, un sourire en coin menaçant d’étaler ses lèvres. 

Elle était détendue. Theodore lui sourit en rencontrant ses yeux. D’un ton piquant mais d’une voix basse, Pansy ne quitta pas son regard quand elle lui lança : 

-        Ça te va bien, d’être à genoux devant moi et de devoir lever les yeux pour me regarder, l’fantôme. 

Le large sourire qui se dessina sur les lèvres de Theodore avait pour fantôme toutes les choses qu’il lui avait déjà faites en étant à genoux devant elle, mais il ne lui en fit pas part. 

-        Aller viens, ordonna-t-il en se relevant du sol. Tout bon psychopathe qui se respecte reprend des forces après un massacre.

Il se dirigea vers la cuisine et, étonné, il constata que Pansy le suivit en silence, sans la moindre protestation. Elle s’assit sur le plan de travail alors qu’il sortait des œufs du frigo. Elle ne protesta pas non plus devant son choix. Il sortit des pousses d’épinards pour les ajouter à l’omelette qu’il s’apprêtait à lui préparer. Elle ne protesta pas non plus. Elle resta assise en silence sur le comptoir pendant que Theodore lui préparait, dos à elle, cette omelette dans ses habits de Mangemort. Theodore, dos à elle, ne voyait pas les yeux inquisiteurs que Pansy posait sur lui. Et il ne savait pas non plus qu’elle était en train de se demander qui était vraiment l’homme qui venait de prendre soin d’elle comme si elle était la chose la plus précieuse au monde, et qui lui faisait à manger au milieu de la nuit tandis qu’il assassinait sauvagement tous ceux qui l’avaient approchée quelques minutes plus tôt. Non, Theodore ne vit pas toutes les questions qui tournaient dans la tête de Pansy alors qu’elle le regardait lui préparer à manger. Cette nuit-là, Pansy Parkinson mangea avec appétit. 


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