Dollhouse

Chapitre 54 : Une promesse dangereuse

16249 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 4 mois

Notre retour à la maison avait été des plus réconfortants qui puissent être. Lorsque nous nous étions posés dans le champ à côté du manoir (parce qu’un dragon dans le jardin passait, mais deux, surtout étant donné la taille de Sekhmet, devenait soudainement bien plus compliqué), j’avais noté un sourire en coin chaleureux sur le visage de Theo, traduisant sa joie de retrouver Pansy, et il me l’avait transmise ainsi, cette joie. Je savais qu’être en la présence de celle-qui-ne-souvenait-pas-de-lui lui provoquait désormais autant de bonheur que de souffrance, mais je savais aussi en cet instant qu’il n’en avait que faire de la douleur. Il rentrait à la maison, auprès d’elle. Et je savais qu’il attendait la prochaine pique cinglante qu’elle lui lancerait avec une impatience enfantine. 

Probablement alertés par le tremblement de terre qui accompagnait l’atterrissage non plus d’un, mais bien de deux dragons, Blaise et Pansy nous avaient rejoint dans la prairie voisine pour nous accueillir au retour de notre curieux voyage. Comme à son habitude, Blaise avait fait l’idiot face à cette nouvelle et immense bête, mais je savais qu’au fond, il se chiait dessus. Pansy était restée à distance respectable, ses yeux analysant le nouvel animal, et il me semblait que l’animal en question faisait de même avec elle. Par curiosité de ce que cette dragonne avait à dire de la compagne de son cavalier vu ce que le mien disait de celle qui avait volé mon cœur, je me faisais tout petit en m’insérant dans leur canal de communication interne :

-       Alors c’est elle, constata une nouvelle fois très justement Sekhmet. 

-       Je te découperai à mains nues et je vendrais moi-même les morceaux détachés de ton corps si tu lui fais ne serait-ce que peur une seule fois, la prévint-il avec une froideur mortelle à travers leur lien. 

La dragonne grogna en sa direction avant de continuer son analyse de mon amie, puis sa voix vibrante raisonna une nouvelle fois pour livrer sa conclusion :

-       Je l’aime bien. 

Frustré qu’il parvienne toujours à ses fins, contrairement à moi, je ressortais de leur lien avec dégoût. Je n’avais que très peu d’espoir que Ragnar prenne des notes sur cette dragonne bien plus accommodante que ma salle bête. 

            Nous avions pris un café tous les quatre dans le salon en ce début d’après-midi, avant que Theo et moi ne soyons dans l’obligation d’aller faire notre rapport de mission au Seigneur des Ténèbres. Nous avions raconté comment Theodore été parvenu à conquérir Sekhmet et comment j’en avais profité pour me faire des couilles en or (c’était plus moi que lui qui avait parlé, puisqu’évidemment en plus d’être putain de parfait, l’enfoiré n’était pas du genre à se vanter de ses exploits). J’avais d’ailleurs remarqué que Pansy fixait avec insistance les mains de Theodore durant mon récit, notamment celle sur laquelle la chevalière de mon père décorait ses longs doigts fins. Les traits de son visage s’étaient quelque peu adoucis alors qu’elle avait fixé ces mains, son regard comme absent, puis elle était revenue à elle-même et elle avait de nouveau affiché une froideur indéniable envers Theo et tout ce qui le concernait. 

Nous leur avions ensuite décrit Durmstrang, la froideur des lieux, ainsi que de ses élèves. Mon frère et moi avions échangé un regard quand j’en étais arrivé à la soirée de célébration, et d’un commun accord nous nous en étions tenus là, et n’avions pas raconté la deuxième partie de notre nuit mouvementée. Nous n’avions ni l’un, ni l’autre l’envie particulière de nous ridiculiser ostensiblement, et étions plutôt accordé sur le fait que certaines choses pouvaient demeurer simplement entre lui et moi. Et pendant tout ce temps-là, c’était Theodore qui avait analysé le corps de Pansy. 

            Je l’avais vu la scanner aussi discrètement que possible des pieds à la tête chaque fois qu’elle avait détourné les yeux de lui, ce qui était pour ainsi dire quasiment tout le temps, trop d’ailleurs pour que ce soit naturel. Je savais qu’il évaluait au travers de sa largeur, de la couleur de sa peau, d’à quel point ses cernes étaient marqués ou non et de la couleur de ses lèvres si elle avait assez mangé pendant que nous étions partis. Il ne l’avait pas demandé directement pour ne pas paraître louche, mais je savais qu’il inspectait son corps à la recherche de la moindre égratignure qui aurait pu survenir pendant notre absence, comme s’ils avaient été attaqués et que nous ne l’avions pas su. Comme si toutes les protections qu’il avait rajoutées sur la chambre de Pansy n’avaient pas suffi à la garder en sécurité. Je ne pouvais pas la voir comme lui y parvenait, mais de ce que je percevais, elle m’avait l’air de ne pas trop mal se porter. Certes, je l’avais vue dans de bien meilleurs états : elle avait des cernes rosés sous ses yeux verts et était d’une maigreur qui m’interpellait, mais ce n’était rien que je n'avais déjà vu. Il me semblait qu’elle n’avait jamais été aussi belle et bien portante que lorsqu’elle été devenue réellement sienne, peu importait ce que notre vie était devenu depuis. Comme s’il palliait à tout cela, en fait. A tout cela et à tout son passé. A tous ses démons, en somme.  

-       J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi le Seigneur des Ténèbres a besoin que son Grand Intendant ait un Grand Intendant, mais ok, conclu Pansy en haussant les sourcils à la fin de mon récit. 

-       C’est pas le Grand Intendant du Grand Intendant, sourit Blaise installé à côté d’elle sur le canapé central, c’est sa « bête sauvage », le cita-t-il pour rappel. 

Pansy prit une gorgée de son café avant de réitérer son geste circonspect : 

-       Ouais bah si c’qu’il voulait c’était quelque chose de terrorisant il aurait peut-être dû penser à quelqu’un d’autre qu’une crevette de même pas 20 ans, pesta-t-elle alors en tentant de piquer un Theodore qui ne réagissait pas le moins du monde. 

-       Ah, tu l’as pas encore revu se battre ma biche, se délecta presque Blaise, ils disent tous ça avant de se retrouver face à lui sur un champ de bataille, le vendit-il comme s’il essayait de faire en sorte que Pansy retombe amoureuse de lui, ou du moins l’estime à nouveau. 

Il n’y avait cependant pas grand-chose que je pouvais dire pour le contredire, il n’y avait pas le moindre mensonge dans ses mots. 

-       Vous m’ferez pas croire qu’il a pas pu trouver mieux parmi tous les psychopathes qu’il a sous l’coude pour jouer l’intimidant de service, sans vouloir t’offenser, lança-t-elle vers Theo avec un sourire hypocrite.  

-       Je serais un bien piètre monstre si j’étais offensé par les mots d’une femme qui ne pèse pas plus de quarante kilos toute mouillée, et qui ne pourrait même pas me faire un bleu si elle essayait, répliqua-t-il froidement sans lever les yeux vers elle. 

-       Me tente pas l’fantôme, accusa-t-elle néanmoins avec une moue énervée qu’elle ne pouvait cacher. 

-       Préserve-toi, ce serait dommage que tu te casses un os avant d’avoir pu reprendre du service, l’enchaîna-t-il alors qu’elle ouvrait la bouche devant son culot. 

Blaise et moi échangions des yeux ronds. Pansy installait sans nul doute une dynamique glaciale entre eux, et Theodore la gérait tout aussi froidement en faisant attention de ne pas la faire retomber amoureuse de lui, bien qu’en la remettant à sa place quand elle le testait. C’était une nouvelle dynamique pour le moins… intéressante entre eux. 

-       Eh l’bouledogue, ils viennent de rentrer, tenta de tempérer Blaise avec humour. 

-       Y a pas à faire l’daron comme ça juste parce qu’il a un grand méchant dragon maintenant, continua notre amie dans toute sa douceur féminine. 

Cherchant à ce que la situation ne dégénère pas alors que nous venions tout juste de rentrer à la maison, j’amenai avec un sourire : 

-       Bon et vous, ça a été ? 

Pansy soupira avant de me répondre sur un ton sarcastique : 

-       Ouais super, pas pouvoir sortir, pas pouvoir s’entraîner, pas pouvoir vous aider comme des prisonniers ou des putains de demoiselles en détresse qui attendent le retour de leurs princes charmants, c’était top. 

-       Pansy…, essaya encore Blaise avec un sourire doux qu’il forçait vers elle pour l’apaiser.

-       Ça va être comme ça tout le temps maintenant ? continua-t-elle sans n’être apaisée du tout. Vous allez partir faire les trucs dangereux pour lesquels on a tous signé et nous on va vous attendre comme de gentilles filles en faisant la bouffe et le ménage ? 

-       Ah non, ça c’est le taffe de Mint, tentai-je à mon tour avec légèreté. 

-       J’ai l’air de rigoler avec toi ? me renvoya-t-elle avec un visage on ne pouvait plus sérieux. 

Je lui souriais avec tendresse. Décidément, nous lui avions manqué, cela ne faisait pas le moindre doute. 

-       A peine revenue d’entre les morts et tu t’ennuies déjà ? 

-       Qu’est-ce que tu veux que j’te dise Drago, y a celles qui te regardent partir en chialant en te priant de rester, et y a celles qui veulent t’accompagner sur le champ de bataille, m’aligna-t-elle avec un large sourire qui n’avait absolument rien d’amical.

Elle cherchait par là à s’assurer que je comprenne bien son sous-entendu. Je n’avais pas besoin de traduction, je savais très bien ce qu’elle voulait dire par là. Je passai ma langue sur mes dents en accusant réception de sa pique à l’intention de Granger, et inspirai profondément avant de lui répondre avec une douceur que je forçais – je n’étais pas dans une position de lui rétorquer quoi que ce soit de toute façon : 

-       Eh bien j’espère que tu t’es bien reposée, parce que ça va pas durer encore longtemps de rester sur la touche.  

Je n’avais pas besoin de tourner le visage vers lui pour sentir le regard noir que Theodore écrasait sur moi. 

-       Vaudrait mieux si tu veux pas que je finisse par te retourner ta baraque, soupira alors une Pansy un peu plus détendue par cette perspective, j’me fais chier comme un putain d’rat mort. 

-       Moi j’peux rester pour vous faire à manger quand vous rentrez, mes valeureux guerriers, ajouta Blaise avec le trait d’humour qui lui était propre, et qui détendait toujours tout le monde. 

Nous avions ri, puis nous avions terminé nos cafés avant que Theo et moi partions en direction de notre Quartier Général afin de faire notre rapport au Seigneur des Ténèbres. Notre départ avait été retardé de quelques minutes lorsque Blaise était sorti seul du salon pour aller aux toilettes tandis que nous allions nous en aller, et Theodore lui sauta à la gorge pour lui demander en détail comment le séjour s’était passé : comment allait Pansy, comment elle avait mangé et comment elle avait dormi. Avec un sourire attendri, Blaise avait expliqué que bien qu’elle eût peu mangé, elle avait tout de même avalé quelque chose chaque jour, et que certaines des techniques qu’il avait données à Mint, notamment en ce qui concernait les raisins partout dans la maison ainsi que les amandes avaient fonctionné. Il lui avait également dit que ça avait l’air d’aller pour elle, hormis le fait qu’elle se faisait royalement chier. Pansy était de celles qui avaient besoin d’action. Vu le regard que Theodore posait sur Blaise alors qu’il lui racontait tout cela, je soupçonnais que Pansy n’allait pas si bien que cela, mais qu’elle ne le disait ni ne le montrait tout simplement pas, et ce fut également la conclusion de Blaise. Nous savions tous que notre amie avait tendance à taire sa souffrance, jusqu’au verre de trop qui la faisait pleurer, et éventuellement parler. Lorsqu’il eut récolté les informations dont il avait besoin, Blaise avait pu aller pisser, et nous avions pu partir. Avant que nous ne transplanions, Theodore m’avait néanmoins averti : 

-       Fais attention à ce que tu promets. 

Et j’avais pris bonne note entre moi et moi que je n’allais plus pouvoir remettre notre discussion à propos de Pansy et de sa reprise de service à bien plus tard, peu importait combien je la craignais. 

            De la même façon qu’avec nos amis, bien que dans une ambiance bien moins détendue, Theo et moi avions rapporté en détail les récoltes de notre voyage à notre Maître. Comme à son habitude, le Seigneur des Ténèbres était resté silencieux tout le temps de mon récit, puis un simple « mmh » m’avait confirmé, comme je l’avais supposé, qu’il était plutôt satisfait du résultat de notre initiative. 

-       C’est faible en nombre, mais je ne peux nier que ce seront certainement de précieux soldats que tu nous amènes-là, ronronna-t-il en marchant de façon contemplative dans sa grotte aménagée. Vous aurez tous les deux une prime pour ça, en récompense de votre travail. 

-       Merci, Maître, m’inclinai-je devant lui. 

Je notais que quand bien même mon cœur battait plus rapidement dans mon poitrail que dans toute autre situation normale, je ne me sentais plus aussi paniqué que je pouvais l’être dans le passé chaque fois que je me retrouvais face à lui. Bien entendu, il pouvait soudainement décider de me tuer et de tuer tous ceux que j’aimais dans d’atroces souffrances, et en cela il demeurait absolument terrifiant, mais plus je le voyais, et plus j’avais le sentiment de m’ancrer dans le Grand Intendant que je devenais. Comment pouvais-je être un second convainquant si je bégayais devant lui ? 

-       Ce doit être ta priorité actuelle, le recrutement d’une armée de qualité, continua-t-il de sa voix sifflante. Je ne veux pas seulement prendre Poudlard, et je ne veux pas seulement contrôler le monde sorcier. Je veux contrôler le monde sorcier et celui des moldus, je veux l’Angleterre et je veux le reste du monde, et pour cela nous allons avoir besoin de beaucoup de soldats, et je les veux rapidement, appuya-t-il gravement, me laissant sous-entendre que si je n’y parvenais pas, je ne vivrais plus très longtemps. Plus on laisse de temps au reste du monde, plus on perd notre avantage. Est-ce clair ? 

J’acquiesçai gravement en sa direction. 

-       L’Angleterre et le reste du monde sont soit avec nous, soit contre nous, et cela a intérêt d’être clair dans ton processus de recrutement. Si tu me fais passer pour faible Drago, je n’ai pas besoin de te rappeler ce qu’il adviendra de toi et de ceux qui te sont cher… 

Pourrir dans un cachot jusqu’à la fin de ma vie avec les cadavres de mes êtres aimés à mes pieds. Non, il n’avait pas besoin de me le rappeler. Les images me hantaient suffisamment à chaque seconde de chaque jour. 

-       Vous pouvez compter sur moi, Maître, appuyai-je avec détermination.

-       Je t’ai fait cadeau d’une bête sauvage, fais-en bon usage, cracha-t-il avec un regard en la direction de Theo. 

J’acquiesçai encore. Nous nous apprêtions à disposer quand il nous arrêta : 

-       Oh et, Drago, si tu espères gagner la position de Grand Intendant officiellement et que mes partisans te respectent, tu ferais bien de te montrer parmi eux, appuya-t-il avec un sourire en coin sur la fente qui représentait ce qu’il restait de ses lèvres. 

La Maison de Joie, et ce n’était pas une suggestion. Une nouvelle fois, j’acquiesçai gravement en sa direction : 

-       Si mon Seigneur permet que je récupère du voyage, je m’y rendrais demain soir sans faute. 

-       Bien, approuva-t-il. Et emmènes la fille Parkinson avec toi, il est grand temps qu’elle reprenne la place qu’elle est venue chercher elle-même, ronronna-t-il avec un regard sadique dans la direction de Theo qui se tendait visiblement sur place. 

-       Très bien, mon Seigneur, concédai-je en m’apprêtant à partir avant de noter que Theo demeurait figé, son regard noir fixé droit sur le visage du Seigneur des Ténèbres. 

Cette fois-ci, mon cœur se mit à battre bien plus violemment dans mon poitrail. Je savais qu’il n’y avait rien de plus dangereux comme situation que celle-ci. 

-       A moins que le jeune Nott n’ait quelque chose à dire à ce sujet ? provoqua alors le mage noir sans quitter mon frère des yeux, et sans effacer le sourire qui rendait son visage plus terrifiant qu’il ne l’était déjà. 

La mâchoire de Theodore se serra distinctement, et mon cœur manqua un battement. La tournure de la situation qui se présentait à nous dépendait intégralement des prochains mots qui sortiraient des lèvres de mon frère. Je sentis mes mains se faire moites alors que je fixais ces lèvres qui avaient le pouvoir de le protéger comme de le condamner à mort. Je m’apprêtais à utiliser notre lien pour le tempérer quand finalement sa mâchoire se détendit, et mon frère répliqua avec une froideur qui ne trouvait d’égal que les lacs gelés des pays du Nord : 

-       Non, il n’y a rien. 

-       Bien, se délecta une dernière fois l’enfoiré avant que Theo et moi ne nous retirions avec hâte. 

Ce soir-là, je ne savais pas vraiment ce qui m’avait poussé à ouvrir mon carnet. Je ne savais pas si c’était les mots des Bulgares à son propos, je ne savais pas si c’était l’hallucination somptueuse que j’avais eue d’elle, ou si c’était encore tout autre chose, mais je l’avais ouvert alors que j’étais parti me coucher. Je n’étais pas non plus certain de ce à quoi je m’attendais en ce faisant. Je ne savais pas si j’avais pensé qu’il y aurait un mot, ou pas un seul, mais une chose m’apparaissait comme évidente alors que j’étais confronté à ce que je lui faisais réellement : je ne m’attendais pas à cela. Les mots traduisant son anxiété face à ma situation s’enchaînaient de façon incessante, me frappant en plein cœur l’un après l’autre. A peine trois jours. Je m’étais absenté à peine trois jours. Et je l’avais prévenue que je partais en déplacement. Et pourtant, ses messages s’accumulaient sur les pages tâchées de son encre sur mon carnet. 

« Ce Duc est-il bien arrivé à sa destination mystérieuse ? »

« Votre Grâce a-t-elle fait bon voyage ? »

« Drago ? »

« Je veux juste savoir que tu es vivant. »

« Rends-moi mes nuits, et dis-moi simplement que tu vas bien. » 

« S’il-te-plaît, dis-moi seulement que tu es encore en vie. » 

« Je ne dormirais pas tant que tu ne m’auras pas dit que tu es en vie Drago. » 

« Je ne te demande pas grand-chose… » 

« Je suis terrifiée et je ne sais rien de ce que tu fais ou de ce que tu traverses. Je sais tout ce que tu m’as dit et je sais que rien ne change. Ça ne signifie rien si tu me dis simplement que tu es en vie. » 

« Je n’arrive pas à dormir, je ne fais qu’imaginer le pire… » 

« S’il-te-plaît. »

« Si je ne dois plus rien attendre de toi, dis-le-moi simplement, que j’arrête d’attendre une réponse qui ne viendra pas. » 

« J’ai peur Drago… Dis-moi seulement que tu es en vie je t’en prie… » 

« Tu me dois deux nuits. » 

« Tu ne peux pas simplement m’ignorer, je vais perdre la tête… » 

« Juste un mot, rien qu’un mot Malefoy… » 

« Tu vas vraiment me laisser comme ça ? » 


Mon rythme cardiaque raisonnait violemment dans mes tympans, et ma respiration l’accompagnait en s’accélérant vivement. C’était douloureux. C’était physiquement douloureux de constater encore une fois de ce que je lui faisais. De ce que je lui avais fait en la laissant tomber amoureuse de moi alors que je savais comment tout allait se terminer. Et elle continuait d’attendre. Elle continuait de m’attendre. Quelque part, elle continuait d’espérer. Peu importait combien de fois je lui avais dit que c’était terminé, peu importait la violence à laquelle je l’avais confrontée, peu importait ce qu’elle savait et avait vu de moi. Elle continuait de m’attendre. Elle continuait d’espérer qu’il existait quelque part, dans un univers alternatif peut-être, un espoir pour nous. Pour que nous puissions être ensemble. 

Mais il n’en existait pas. J’avais moi aussi mit beaucoup de temps à l’accepter, et si j’étais tout à fait honnête je n’étais pas certain de l’avoir réellement intégré encore. Je supposai que les événements qui s’étaient déroulés depuis que j’avais quitté Poudlard ne m’avaient pas offert le luxe de prendre le temps de m’épancher sur mes sentiments. Je n’avais pas vraiment ni le temps, ni l’énergie, ni la liberté d’esprit de me demander si j’avais vraiment fait le deuil de Granger et de notre relation, ainsi que de mes sentiments pour elle, ou si j’avais tout simplement mis tout cela de côté parce que je n’avais pas d’autre choix que de devoir gérer désormais. Le Seigneur des Ténèbres me l’avait rappelé encore aujourd’hui, ce qui arriverait à ceux que j’aimais si jamais je ne parvenais pas à être un Grand Intendant convainquant. Non, Granger n’avait aucune place là-dedans. Il n’y avait plus rien que je pouvais lui donner. Plus aucun rôle qu’elle pouvait jouer dans ma vie. Plus aucune porte d’entrée que je pouvais lui laisser. J’étais dedans jusqu’au cou, et j’avais quitté Poudlard. Je devenais soit un Grand Intendant convainquant, soit je pourrissais dans une cellule jusqu’à la fin de ma vie en cherchant tous les moyens possibles de me suicider sans matériel à ma disposition pour ce faire. Elle était une Sang de Bourbe du camp adverse. Non, il n’y avait plus aucune place pour elle dans cette nouvelle vie qui était la mienne. Et je me rendais compte, alors que l’encre sur les pages de mon carnet s’effaçait maintenant que j’avais lu chacun de ses messages, d’à quel point il était égoïste de ma part que d’entretenir quelque chose qui n’était plus. En lui écrivant quelques mots ici et là, je continuais d’entretenir l’espoir pour elle. L’espoir qu’un jour il y ait à nouveau plus. Mais ce n’était pas le cas. Je sentis mon cœur se serrer dans mon poitrail à cette pensée. Non, ce n’était pas le cas. Et peu importait à quel point je voulais pouvoir me montrer égoïste et garder Flora Mayfair sous la main pour les moments où j’en aurais vraiment besoin, je n’avais pas le droit de lui faire cela à elle. Ce qui était une petite discussion innocente et énergisante pour moi était une torture pour elle. Ce qu’elle impliquait d’attentes et d’angoisse pour elle ensuite n’en valait pas la peine. 

            Résigné à l’abandonner, je m’apprêtais à refermer mon carnet lorsqu’un nouveau message pénétra mes pages qui étaient redevenues vierges : 

« Je sais que tu es là Drago, je vois l’encre s’effacer de mon carnet. »

Mon cœur se mit à battre plus violemment encore dans mon poitrail. Refermer mon carnet et la laisser ainsi était une chose, savoir qu’elle était juste là, de l’autre côté de ses pages à m’attendre pendue à sa plume en était une autre. Avant que je n’aie eu le temps de me décider à quoi que ce soit, d’autres mots vinrent s’inscrire sur mon carnet : 

« Je suis sans nul doute ridicule, mais je suis soulagée. Au moins je sais maintenant que tu es vivant. »

Je me sentais bloqué. Il fallait, encore une fois, que je lui dise les mots dont j’avais moi-même peur, et qui me coûtaient à chaque fois. 

« Ça ne sera jamais plus que ça ? Tu entretiens quelque chose qui est mort en m’écrivant quelques mots volés et moi je continue d’espérer comme une idiote, mais il n’y aura jamais de ‘nous’, n’est-ce pas ? Ou est-ce qu’il y a un espoir qu’il y ait plus un jour ? »

Je sentis une larme perler sur ma joue. Je ne parvenais pas à comprendre comment parfois lui parler rendait tout mon monde meilleur, et comment d’autres fois cela faisait s’écrouler tout ce qu’il restait de ce monde qui était le mien. La dernière chose dont j’avais envie en cet instant était de lui confirmer ce dont elle avait peur, mais pour l’amour que j’éprouvais envers elle, je ne pouvais plus entretenir quelque chose qui, comme elle le disait si bien, était bel et bien mort. Il me semblait que quelque part, avec la douleur que je ressentais en cet instant, il y avait également une part de colère en moi. Je lui avais dit. Je lui avais déjà dit tout cela. Je ne parvenais pas à saisir à quel moment elle était parvenue à garder de l’espoir. J’avais déjà fait tout cela. Je lui avais déjà dit que c’était terminé, et que nous ne pourrions jamais être. Je m’étais même évertué à le faire depuis le début, en fait. Elle ne m’avait jamais écouté. Et je me retrouvais encore une fois confronté à sa douleur, qui m’entraînait à moi de la douleur en retour, et je devais recommencer ce que je détestais au plus haut point, et c’était sans fin. Tout cela parce qu’elle n’avait jamais voulu entendre. Alors je laissai la larme couler sur ma joue, et je saisissais finalement ma plume pour réitérer ce qu’elle m’avait déjà forcé à faire trop de fois : 

« Il n’y a pas de place pour toi dans la vie que je mène aujourd’hui Granger. 

Il n’y a pas le moindre espoir de plus. » 

Je ne voulais pas être confronté à sa douleur encore une fois. Je ne voulais pas me rappeler les larmes que j’avais déjà vues sur son visage toutes les fois où elle avait compris ce que j’étais et ce que je devais faire. Je ne voulais pas entendre une nouvelle fois sa voix se briser sous l’effet du mal que je lui faisais en étant ce que j’étais. Je ne voulais pas me remémorer le passé du garçon que j’avais été et qui ne faisait que desservir l’homme que je devais être au présent, parce que c’était là tout ce que cela faisait : mettre les miens en danger. J’avais vu Theodore mourir une fois. J’avais senti Theodore mourir une fois. Pas deux. Plus jamais. Alors je laissai cette unique larme perler le long de ma joue, puis de mon menton, et je la laissai s’écraser sur la page de mon carnet avant de le refermer définitivement sans attendre une quelconque réponse de sa part, parce qu’il n’y avait rien qu’elle pouvait dire qui changerait quoi que ce soit. 


            Il était à peine 7heures30 du matin lorsque j’étais descendu prendre mon petit-déjeuner dans la salle à manger dans laquelle ils étaient déjà tous. Pansy et Theo étaient douchés et habillés, comme je l’étais, et Blaise quant à lui était encore en peignoir. Ils étaient en train de manger la table fournie par Mint, hormis Pansy qui ne buvait qu’un café bien noir et bien entendu, sans sucre. 

-       Salut, leur lançai-je en découvrant que ma voix normale n’avait pas encore remplacée celle du réveil. 

-       Bien dormi ? m’adressa Blaise en beurrant une tartine. 

J’avais rêvé que Granger trouvait la mort parce que certains Mangemorts avaient découvert ce qu’elle représentait pour moi, et qu’ensuite Theo, Blaise et Pansy étaient assassinés sur une place publique par ma faute. Étant donné que pour une fois mes cauchemars tenaient de choses qui n’étaient pas (encore) arrivées, je supposais que ce n’était pas une si mauvaise nuit que cela. 

-       Ça va, répliquai-je alors en m’installant à ma place face à Theo et Blaise, Pansy installée en bout de table. 

Le regard que Theo leva vers moi à ces mots portait trop attention à mes cernes pour croire ce que je venais de dire. 

-       Alors, c’est quoi le programme aujourd’hui ? commença déjà une Pansy visiblement énergique. 

Je tournais le coin de mes yeux vers elle, puis vers Theodore qui posait sur moi un regard mortellement sérieux, et je soupirai. Il était trop tôt pour ces conneries. Je décidai de gagner du temps en attrapant ma tasse fumante de café :

-       J’ai même pas bu une gorgée de café Pansy. 

Je portais attention à son accoutrement. Comme si elle était prête à l’action, elle portait un pantalon moulant noir ainsi qu’un pull col roulé fin de la même couleur, son bandage désormais habituel marquant d’autant plus sa taille de guêpe en remontant sur son épaule droite. 

-       Comment va ton épaule au fait ? demandai-je alors. 

Si j’allais devoir argumenter qu’il fallait qu’elle reprenne du service actif envers Theodore, il était temps de récolter les dits arguments.  

-       Aussi bien qu’elle pourra aller je suppose, y a plus d’amélioration mais ça ne s’empire pas non plus. 

-       Tu peux bouger le bras normalement ? continuai-je de questionner en m’appliquant à ignorer les yeux bleus assassins rivés sur moi en face. 

-       Oh, je pourrais foutre un sacré poing dans la gueule du premier con qui viendrait me faire chier, oui, sourit-elle en penchant la tête vers Theodore sans pour autant le regarder directement. 

-       Je confirme, répliqua Blaise avec la bouche pleine de sa tartine, le démon ici présent est tout à fait en capacité physique de faire mal. 

-       Et de la magie ? demandai-je alors toujours aussi sérieusement. 

Pouvoir bouger son bras normalement était une chose, pouvoir effectuer de la magie, et pire encore de la magie noire représentait une autre demande physique encore. 

-       C’est-à-dire que j’ai pas vraiment eu d’opportunité de me mettre à l’épreuve, piqua-t-elle avec un sourire sarcastique en ma direction, mais en soit oui, ajouta-t-elle tout de même. 

-       Donc c’est une supposition, ponctua Theodore froidement. 

Lentement, le visage de Pansy se tourna en sa direction alors que sa mâchoire se serrait. Ses deux grands yeux verts avaient l’air de se remplir de sang alors qu’ils venaient se poser sur lui. 

-       J’te demande pardon ? lui offrit-elle une opportunité de se rétracter. 

-       J’ai dit, donc c’est une supposition, répéta Theo en continuant de manger son assiette tranquillement. Tu n’as pas pu tester ton hypothèse sur le terrain, ajouta-t-il sans sembler le moins du monde intimidé. 

-       Non, confirma-t-elle finalement en pinçant ses lèvres, en effet, puisqu’on m’interdit d’y retourner, cracha-t-elle en tournant cette fois ses yeux assassins vers moi. 

-       T’aurais pu t’entraîner avec Blaise, rajouta alors mon frère en amenant tranquillement une bouchée d’œufs jusqu’à ses lèvres. 

Le regard que Blaise et moi partagions en cet instant alors que Pansy tournait à nouveau les yeux vers lui ne nécessitait pas de mots. Rien de tel qu’un petit-déjeuner en famille. 

-       Oh bah oui, parce que t’es tellement occupé qu’t’as p’t’être oublié l’état dans lequel vous l’avez laissé quand vous êtes partis, cracha-t-elle vers lui dans tout son sarcasme cinglant. T’en as d’autres des idées brillantes comme ça l’fantôme, ou c’est bon tu vas bouffer tes poussins ratés dans ton coin et fermer ta gueule maintenant ? 

Il le contrôla avec toute sa force, mais je notais le sourire en coin sur le visage de Theodore qui mourrait d’envie de venir élargir sa bouche. Je ne le comprenais pas. Vraiment, autant que j’essayais, je ne le comprenais pas. L’enfoiré aimait cela. 

-       Putain meuf relax, tenta d’apaiser Blaise avec un sourire, il est même pas 8heures du mat. 

-       Y a pas de ‘relax’, enchaina-t-elle directement, j’en ai plein l’cul d’être sur la touche et que vous me traitiez tous comme si j’étais en sucre. Ok j’suis morte, c’est bon on a compris, on passe à autre chose, c’est pas comme si c’était monsieur tout le monde qui m’avait buté et que j’avais pas su m’défendre, c’était putain d’Voldemort à un moment où on pensait tous qu’il allait buter Drago ! s’exclama-t-elle alors. 

Quelque chose se serra dans mon corps sous ces derniers mots. 

-       Pansy…, chuchota alors Blaise sans plus aucun humour. 

Tout le monde était soudainement mal à l’aise. Il n’y avait pourtant pas l’ombre d’un mensonge dans ses mots. 

-       Mais quoi ?! continua-t-elle de s’exclamer en ouvrant ses bras pour se défendre. C’est vrai ! Et lui on l’enferme pas en faisant de lui une pauvre petite chose faible parce qu’il aurait pas su se défendre face à lui non plus, nan on fait bien mieux qu’ça, on l’enfonce encore plus dans la merde en lui donnant une putain de promotion ! cracha-t-elle en nous regardant chacun tour à tour avec un sérieux mortel. 

Elle marqua une pause pendant laquelle aucun d’entre nous ne trouva quoi lui répondre avant qu’elle n’ajoute : 

-       C’est pas parce que j’suis la seule meuf du groupe qu’il faut qu’vous fassiez les darons avec moi, j’crois qu’vous vous êtes trompés d’pote si c’est c’que vous attendez d’moi. 

Un lourd silence emplit la salle que nous occupions tous les quatre alors que j’échangeais un regard appuyé avec Theodore. Il était temps que nous parlions, lui et moi. L’avertissement qu’il essayait de m’envoyer à travers ses yeux m’attestait que je ne pouvais plus remettre cette discussion ne serait-ce qu’à demain, sans même parler de l’impatience grandissante de sa chère et tendre moitié. 

-       Je dois d’abord organiser la suite des événements aujourd’hui avant de donner les missions à chacun, déclarai-je alors calmement. Mais ce soir, on a rendez-vous dans la Maison de Joie sur ordre du Seigneur des Ténèbres. 

Elle prit les miettes que je lui offrais-là en s’en satisfaisant, pour le moment, et nous avions pu terminer notre petit-déjeuner dans un semblant de paix. 

J’avais donc demandé à Theo de m’accompagner dans le bureau pour que l’on voit la suite ensemble. Pansy avait cherché à nous accompagner, mais j’étais parvenu à nous défaire de sa compagnie en lui disant que j’avais à parler à Theodore de quelque chose de confidentiel. Elle avait encore gueulé, mais elle avait fini par accepter de nous laisser. 

-       Des fois t’as pas envie d’la… arghhhhh, grondai-je en mimant un étranglement avec mes mains tandis que nous entrions tous les deux dans le bureau de mon père. 

Theo fixait le sol avec un sourire en coin sur le visage qu’il n’avait plus besoin de cacher. 

-       Si, répliqua-t-il d’une voix basse, mais pas de la façon à laquelle tu penses. 

Je levai mes yeux au ciel en riant avant de prendre place au bureau tandis que lui restait debout, ses mains rangées dans ses poches, attendant que je trouve les couilles d’entamer la conversation que je n’avais cessé de remettre à plus tard. Elle était morte à cause de moi, et j’avais failli le perdre lui aussi à cause de mes conneries. Je ne me sentais pas légitime de devoir lui dire qu’il fallait qu’il accepte que celle qu’il aimait reprenne du service. J’humidifiais mes lèvres à la recherche d’un peu de courage, et de la bonne façon de commencer cette conversation dangereuse. 

-       Écoute Theo…, démarrai-je alors en marchant sur des œufs tandis qu’il me faisait face avec un visage fermé. 

Je soupirai malgré moi, me coupant moi-même. 

-       Je sais, murmurai-je avec tendresse, mais on n’a pas le choix, et on a besoin de tous nos soldats.  

-       Je compte au moins bien pour deux, répliqua-t-il alors sans me quitter de ses incroyables yeux bleus. 

-       Si c’était que moi… 

-       … C’est toi qui diriges, me coupa-t-il. 

-       Tu sais bien que c’est faux, tentai-je à voix basse. 

Je le regardai avec tendresse. Je ne pouvais pas imaginer être à sa place, et si j’étais tout à fait honnête, moi non plus je ne voulais pas qu’elle retourne sur le terrain. Pas en sachant quel était le risque s’il lui arrivait à nouveau quelque chose. Mais nous n’avions pas le choix. 

-       Quoi, tu veux en faire une femme au foyer ? essayai-je alors avec un sourire en sa direction. 

Il haussa les épaules. 

-       Il n’y aurait rien de mal à ça. 

-       Non, lui accordai-je, sauf que ce ne serait pas Pansy. 

Je laissai mes mots l’atteindre avant de continuer avec la même douceur : 

-       Tout comme je lui ai rappelé quand tu étais censé devenir Grand Intendant qu’elle ne pouvait pas te demander de ne pas être la personne que tu es au fond de toi, et qu’elle n’avait pas le droit de t’en vouloir, c’est la même chose pour toi aujourd’hui. Tu ne peux pas l’empêcher d’être qui elle est, ajoutai-je avec tendresse, et il se trouve que la meuf que tu aimes n’est pas du genre à regarder les autres se battre à sa place. C’est même plutôt le genre à déclencher la bagarre, lui souriais-je alors. 

Il inspira profondément en laissant mes mots raisonner en lui. Je pinçais mes lèvres en cherchant la chose la plus intelligente à dire pour qu’il finisse à se faire à l’idée que de toute façon, nous n’avions pas le choix. 

-       Je ne serai pas aussi efficace si je dois m’inquiéter pour sa sécurité, chuchota-t-il presque finalement. 

J’acquiesçai à ses mots. Je pouvais tout à fait les comprendre. 

-       Est-ce qu’il y a quelque chose qui pourrait te rassurer un peu dans cette situation ? demandai-je alors. 

Il me tourna le dos et inspecta le bureau alors qu’il considérait ma question. 

-       J’imagine que si je savais qu’elle était parfaitement entraînée, je serai peut-être un tout petit peu moins inquiet, confessa-t-il. 

-       Ok, acquiesçai-je encore, comment est-ce qu’on peut mettre ça en place ? creusai-je avec espoir. 

-       Je n’aurai confiance en personne d’autre que moi pour l’entraîner. 

-       Très bien, alors tu peux l’entraîner, proposai-je alors. 

-       Non, c’est trop risqué, elle ne peut pas savoir que c’est moi. 

-       Tu aurais trop peur qu’elle retombe amoureuse à force de passer du temps avec toi ? le questionnai-je sérieusement. 

-       Tu mets en doute mon charme ? me sourit-il alors en me faisant à nouveau face, un sourcil levé sur son visage parfait. 

-       Je n’oserai pas, lui rendis-je sur le même ton. 

Je réfléchissais à son dilemme, et à ce que nous pouvions mettre en place pour le soulager ne serait-ce qu’un peu. Il fallait que ce soit lui, mais elle ne pouvait pas savoir que c’était lui. Pansy avait une confiance aveugle en Blaise, qui contrairement à moi passerait sans doute plus de temps au manoir. 

-       Et si tu prenais du polynectar pour l’entraîner sous la forme de Blaise ? proposai-je alors. Elle a confiance en lui. 

Il réfléchit à ma proposition un instant avant d’acquiescer. 

-       Ça pourrait marcher, oui. A une condition. 

-       Je t’écoute ?

-       Il est hors de question que tu l’envoies sur une mission sans moi, exigea-t-il avec un sérieux mortel. 

J’acquiesçai à mon tour. Il me semblait que cela, je pouvais le faire. 

-       Ok, vendu.  


J’étais ensuite parti chercher Blaise pour le tenir au courant de notre nouveau plan d’action en ce qui concernait le retour dans les rangs de Pansy. Lorsque nous lui avions exposé notre plan dans le bureau, ce dernier nous avait ri au nez : 

-       Vous êtes sérieux ? 

-       On ne peut plus sérieux, trancha fermement Theo. 

-       Non mais vous êtes fous, et moi pendant c’temps j’fais quoi ? demanda encore Blaise en riant. 

-       Tu restes enfermé dans ta chambre, enchaîna mon frère alors que Blaise hurlait de rire. 

-       Ben voyons, et pourquoi j’peux pas tout simplement l’entraîner moi-même ? questionna-t-il avec le sourire aux lèvres. 

-       J’ai beau t’aimer et t’estimer hautement Zabini, j’aurais confiance en personne d’autre que moi pour l’entraîner elle

-       Putain mon reuf t’es loin dans ta tête hein, j’espère que tu l’sais, appuya Blaise vers mon frère avec un large sourire. 

Puis il leva les bras au ciel et accepta finalement son destin en les laissant retomber lassement sur ses cuisses. 

-       Ben ok, qu’est-ce que vous voulez que j’vous dise t’façon, c’est pas comme si vous me demandiez mon avis, si ? 

-       Non, en effet, trancha finalement Theo. 

J’avais ensuite appelé Mint en lui demandant de nous amener une fiole de polynectar, puis je lui avais demandé de récolter des cheveux de notre ami pour préparer plusieurs nouvelles doses de la potion. 

-       T’es au courant q’tu vas devoir la regarder dans les yeux pour être crédible ? lâcha alors Blaise avant de s’en aller. 

-       Je peux faire ça avec tes yeux à toi si c’est le prix à payer pour ne pas la voir mourir une seconde fois, s’engagea Theo sans laisser planer l’ombre d’un doute sur ses capacités à faire ce qu’il fallait pour protéger sa Pansy. 

Blaise acquiesça, puis soupira. 

-       Sachez que si j’accepte de la prendre pour une conne de la sorte, ajouta-t-il plus gravement, c’est uniquement parce que je sais ces entraînements ne pourront que l’éloigner plus encore de la mort. 

Puis il était parti s’enfermer dans sa chambre en se foutant royalement de la gueule de Theo, et ce dernier avait pris une potion de polynectar pour prendre l’apparence de notre ami avant d’aller la trouver en prétextant vouloir tester ses capacités pour s’assurer qu’elle était prête à retourner sur un champ de bataille. 

Pour ma part, j’étais resté à l’intérieur un moment afin de commencer à organiser la suite des événements. Le Seigneur des Ténèbres avait été on ne pouvait plus clair sur le fait qu’il nous fallait recruter un maximum de soldats capables, et qu’il était hors de question que ce soit fait avec de simples invitations. Nous devions transmettre la terreur à tous les habitants de l’Angleterre, sorciers et moldus confondus. Nous préparions la Guerre, et il était temps qu’ils nous craignent tous. Ils nous rejoignaient, ou ils mourraient. Il avait également été clair sur le fait qu’il voulait s’étendre à l’international, mais côté stratégie il me semblait plus intéressant de se concentrer d’abord sur la conquête de l’Angleterre. Plus nous y aurions de pouvoir et de monde, plus nous pourrions asseoir notre autorité ailleurs. Je supposai que plusieurs étapes étaient nécessaires pour parvenir à prendre un pays. Tout d’abord, effectivement, un recrutement massif qui passerait par des rixes violentes dans différentes villes et villages. Rapidement, il nous faudrait également prendre la tête du Ministère afin de contrôler notamment les médias pour faire de la propagande. Il me faudrait d’ailleurs certainement nommer certaines personnes de confiance à ces différents postes, et en cela le fait de me mélanger aux autres Mangemorts à travers la Maison de Joie prenait tout son sens. Je ne pouvais pas correctement mener une armée que je ne connaissais pas. Je supposai qu’il nous faudrait ensuite placer des soldats aux frontières afin d’empêcher d’éventuels alliés de l’Ordre de venir nous mettre en difficulté, et boucler le pays le temps qu’il nous appartienne. Donc en soit, beaucoup de recrutement. Donc aller sur le terrain, semer la terreur, tuer beaucoup de monde, et ramener les hommes et femmes capables. Donc beaucoup de danger, et beaucoup de morts. La Guerre, en somme. 

Un éclat de rire venant de l’extérieur attira mon attention. Je me levai de mon fauteuil pour regarder à travers la fenêtre et découvrais Pansy avec le cul dans la neige, « Blaise » riant à cœur joie devant ce spectacle. Un large sourire se dessina sur mes lèvres et je m’autorisai à descendre pour profiter un peu de cette tendre scène qui s’étalait sous mes yeux. Il riait. Ce n’était pas son corps, ni vraiment son rire, mais il riait sincèrement avec elle. 

Le temps que je descende jusqu’aux jardins, Pansy s’était relevée, ses fesses désormais mouillées, et tendait à nouveau sa baguette vers mon frère déguisé en son meilleur ami. 

-       Arrête de rire comme un con Zabini, j’vais te faire bouffer la neige par les trous d’nez si tu continues, le menaça-t-elle avec un sourire pincé. 

Je m’appuyais contre l’encadrement de la porte d’entrée pour les regarder dans le jardin enneigé. 

-       Il aboie, mais est-ce qu’il mord ce bulldog ? la taquina-t-il avec un sourire en coin qu’il ne feignait pas. 

-       Tu fais un peu trop le malin pour le bolloss qui s’est fait clouer par Drago y a quelques jours, lui renvoya Pansy avant de tenter de le désarmer avec un expelliarmus qu’il contra sans difficulté. 

-       Raté, ponctua « Blaise » sans perdre son sourire. 

Il la regardait. Il la regardait vraiment. Quand bien même Blaise pouvait parfois regarder Pansy avec beaucoup de tendresse, il n’y avait pas le moindre doute sur le fait que ce n’était pas de l’amitié qui brillait au fond de ces yeux marrons-là. 

Pansy pivota sur elle-même pour se déplacer et tenter de le prendre par surprise à travers un nouvel angle d’attaque, mais ne parvint toujours pas à atteindre sa cible. 

-       Encore raté, la charia-t-il encore. 

Elle se rapprocha un peu plus de lui d’un pas vif, baguette tendue, et envoya un nuage de neige sur lui d’un coup de pied furtif avant de tenter un nouvel expelliarmus en sa direction. En décalant simplement le haut de son corps sur sa gauche, Theodore esquiva encore son attaque sans la moindre difficulté. Il était bien trop rapide pour elle. Pansy se laissa glisser à même le sol dans la neige et tenta une nouvelle fois de l’atteindre à contre-bas, sans plus de succès. Après ce nouvel échec, Pansy demeura quelques secondes au sol, reprenant son souffle.

-       Debout, soldat, ordonna-t-il alors sans perdre son sourire. 

-       Depuis quand t’es devenu aussi rapide ? questionna justement Pansy en se relevant, ses joues rosées autant par la fraicheur ambiante que par l’effort. 

-       Je crois que la question c’est plutôt quand est-ce que t’es devenue aussi lente, lui renvoya-t-il avec malice. 

Un sourire sadique se dessina sur les lèvres de Pansy avant qu’elle ne disparaisse soudain de là où elle se trouvait une seconde plus tôt. Je levai les yeux et la découvrais perchée à un arbre au-dessus de Theo où elle avait transplané. Si elle était capable de transplaner, notai-je alors, elle était tout à fait en état physique de se battre. « Blaise » ne leva pas les yeux vers elle, mais le sourire en coin qui se dessina sur ses lèvres m’apprit qu’il savait parfaitement où elle était. Il demeurait lui-même, et il entendait sans nul doute les battements de son corps au-dessus de lui. Lorsqu’elle sauta de l’arbre dans l’espoir de lui tomber dessus, il s’écarta de quelques centimètres, et elle se rétama une nouvelle fois dans la neige, son visage traduisant de plus en plus sa frustration de ne pas parvenir à l’atteindre. 

-       Lève-toi, ordonna encore Theodore sans lui accorder le moindre répit. 

Pansy demeura au sol un instant, reprenant son souffle, la neige ayant heureusement amorti sa chute. 

-       Tu es morte une fois. Tu ne feras pas ça deux fois. Lève-toi, ordonna-t-il avec un sérieux léthal. 

-       Tu pourrais m’aider à me relever enfoiré, lui renvoya Pansy avec une colère montant en flèche, j’me suis enfoncée dans la neige. 

-       Tu comptes faire les beaux yeux à ton adversaire pour lui demander un coup de main ? lui demanda « Blaise » en levant vers elle un sourcil circonspect. 

-       Ramène ton cul Zabini, exigea Pansy en se tortillant difficilement dans la neige, j’suis coincée. 

Theo rit en se moquant d’elle avec attendrissement, mais il finit par se reprocher en lui tendant sa main gauche. Tout sourire s’évanouit de son visage quand la peau de Pansy vint rencontrer celle qu’il avait empruntée, mais la douceur de cet instant ne fut que de courte durée. La maligne utilisa cette prise sur lui qu’il lui offrait volontairement pour projeter son corps fin sur lui et le clouer au sol, sa baguette désormais sous la gorge de « Blaise » allongé sur la neige. 

-       C’est qui qui est trop lent maintenant ? se délecta Pansy, à califourchon sur lui, une main dans la neige à côté de son visage tandis que l’autre maintenait sa baguette sur sa gorge. 

Theodore demeura interdit un instant, ses yeux perdus sur le visage de Pansy assise sur lui, son visage juste au-dessus du sien. 

-       T’as triché, murmura finalement mon frère en ne quittant pas son visage des yeux, comme s’il avait peur d’en perdre la vue. 

Un large sourire dévoila les dents de Pansy qui le surplombait. 

-       J’ai gagné, le corrigea-t-elle alors. 

Soudain, « Blaise » attrapa sa hanche droite de sa main gauche et la fit basculer violemment hors de lui. Une nouvelle fois, elle s’écrasa dans la neige, mais elle était trop occupée à rire à pleine voix pour noter que Theo saisissait une motte de neige pour l’écraser sur son entre-jambe, les joues bronzées de « Blaise » désormais rouges écarlates.  

            

            Le soir venu, nous nous étions retrouvés dans le hall d’entrée du manoir pour prendre la triste direction de la Maison de Joie. Theo avait retrouvé son apparence normale et se tenait à côté de moi, portant un costume noir quasiment identique au mien, nos manteaux déjà sur nos épaules tandis que nous attendions que nos deux princesses nous rejoignent. Ce fut Pansy qui descendit nous rejoindre la première, contre toute attente. Ses longues jambes fines dévoilées furent la première chose que je vis, et je ne pus m’empêcher de tourner les yeux vers mon frère alors qu’elle descendait vers nous. Ses lèvres s’étaient très légèrement entre-ouvertes alors qu’il laissait ses yeux découvrir ses talons noirs, ses longues jambes nues, puis la petite robe noire à l’allure d’une fine nuisette faite de dentelle qui dévoilait la finesse de ses courbes. Elle avait laissé ses cheveux lisses qui avaient d’ailleurs poussés retomber sur ses épaules et maquillé ses yeux verts d’un noir appuyé. Les lèvres de Theodore se pincèrent alors qu’il détournait finalement les yeux. 

-       Elle ne porte pas ça, gronda-t-il dans mon esprit alors qu’elle arrivait vers nous. 

-       Madame est prête, l’accueillais-je avec un sourire. 

Theodore n’avait jamais été du genre à avoir quelconque difficulté avec le style de Pansy, et n’en avait jamais dit mot. Je supposai que le combo « elle ne sait pas qui je suis + elle ne m’aime plus + on va dans une Maison de Joie + la dernière chose dont elle se souvient c’est d’avoir été agressée par son oncle » le tendait légèrement plus qu’à l’accoutumée. 

-       T’as qu’à lui dire toi, lui répondis-je alors, je tiens encore un peu à la vie moi. 

La mâchoire serrée, Theodore me répondit à travers notre lien : 

-       On va dans un lieu infesté de Mangemorts en rut. 

-       Je sais, je suis d’accord, lui accordai-je sincèrement. 

Blaise débarqua dans la foulée dans un costume d’un vert si foncé qu’il en était presque noir. Il dévala les escaliers deux à deux avant que son regard ne s’attarde sur sa meilleure amie : 

-       Merde, Mama ! s’exclama-t-il en soufflant. T’es à tomber ! 

Theodore lui jeta un regard noir tandis que je gloussais doucement. Le sourire pincé, presque timide, ou en tout cas flatté qui se dessina sur le visage maquillé de Pansy attesta de sa joie de s’être faite belle de la sorte depuis la première fois depuis longtemps. Elle se sentait belle. Theodore le nota. 

-       Ces jambes putain, regarde-moi ça ! continua un Blaise enthousiaste qui ne faisait jamais défaut à son amie. 

Mais il y avait un autre ami auquel moi non plus, je ne faisais jamais défaut. 

-       C’est vrai, tu es très belle, commençai-je avec un sourire, mais… 

-       … Allons-y, me coupa alors Theo. Plus vite on est partis, plus vite on sera rentrés. 

Un sourire attendri s’était dessiné sur mes lèvres tandis que nous transplanions tous quatre dans la maison que Pansy découvrait pour la première fois. Comme lors de notre précédente visite, nous nous accordions tous pour pénétrer dans la salle de droite, celle avec la tapisserie rose immonde aux dessins floraux, mais qui abritait tables, guéridons, fauteuils et canapés pour boire un verre et discuter. La musique retentissait encore moins fort que les conversations ambiantes en ce début de soirée. Il nous avait semblé qu’il valait mieux se rendre sur les lieux plus tôt afin d’éviter autant que possible une horde de Mangemorts ivres. Beaucoup de regards se tournèrent vers nous à notre arrivée, et beaucoup d’entre eux sur le corps dévoilé de Pansy aux côtés de laquelle Theodore demeurait fermement ancré, prêt à se battre contre quiconque viendrait chercher la merde. Je priai pour que cette soirée se passe bien. 

Nous eûmes à peine le temps d’enlever nos manteaux que Cyprus Maxwell, l’ancien étudiant de Poudlard de la maison Serdaigle que nous tenions pour responsable de ce qui était arrivé à Blaise, accompagné de son acolyte brun Allan Weber, vinrent à notre rencontre, de grands sourires aux lèvres. 

-       La forme, Zabini ? lui lança-t-il en laissant pourtant ses yeux mi-marrons, mi-verts déferler sur le corps de Pansy. 

-       Plus que jamais, lui rendit notre ami avec un large sourire, et toi p’tite balance ?

Notre interlocuteur ouvrit ses bras sur les côtés pour signifier sa fausse innocence, ses fossettes se creusant au même rythme que son sourire. 

-       Faut pas se faire de fausses idées, j’ai rien à voir avec tout ça ma biche, même si j’ai apprécié le spectacle de ton pote, m’adressa-t-il ensuite. J’peux pas mentir, tu m’as impressionné Malefoy, j’savais pas qu’t’avais ça en toi. 

-       On vient se détendre Cyprus, le recadrai-je froidement, ce serait dommage que tu nous énerves déjà. 

-       Loin de moi cette idée mon Seigneur, ironisa-t-il en baissant son visage vers moi, je viens vous accueillir comme il se doit. Je ne peux m’empêcher de noter le retour de ma petite Mangemort préférée parmi vous, ronronna-t-il ensuite avec l’immense sourire qui lui était propre en direction de Pansy. 

-       Il va me falloir un très grand verre, répliqua alors notre amie en lui accordant à peine un regard. 

-       Suivez-moi très chère, proposa Blaise en la prenant par la main pour l’emmener vers le bar. 

-       T’es canon Parkinson ! cria alors Cyprus à son dos dénudé qui s’éloignait de nous. 

-       Ferme ta vieille gueule Maxwell ! lui rendit Pansy en lui adressant un doigt d’honneur.

Il me sembla que le sourire qui s’étalait sur ses lèvres se fit plus large encore. Il se permit de laisser ses yeux glisser le long du dos de Pansy jusqu’à son arrière train avant de se mordre la lèvre inférieure. Il reporta ensuite son regard sur un Theodore tendu à côté de moi qui l’assassinait du regard. 

-       J’ai cru comprendre qu’elle était libre maintenant, se hasarda-t-il en terrain miné.

Theodore ne riait ni ne souriait du tout quand il répliqua avec une froideur glaciale :

-       Non, elle ne l’est pas. 

Maxwell fronça ses sourcils exagérément avant de se rapprocher dangereusement de mon frère en murmurant : 

-       Voilà qui est curieux, j’ai entendu dire que vous n’étiez plus ensemble. T’as pas entendu ça Allan ? appuya-t-il vers son pote. 

-       Eh si, j’ai entendu ça moi aussi, confirma ce dernier. 

A son tour, Theo humidifia le bout de ses lèvres, pondérant la réponse adaptée à son affront. Pour ma part, je me préparais à devoir stopper une bagarre, sur le qui-vive. 

-       Même quand elle est célibataire, elle reste à moi, et si tu veux vérifier à quel point ce fait est vrai, je t’en prie, l’invita-t-il dangereusement, invite-là à sortir avec toi. Moi je vais rester là et commencer à réfléchir à où dans le monde est-ce que je vais me débarrasser de chaque partie de ton corps. 

Un nouveau large sourire vint décorer les lèvres pulpeuses du malade qui se trouvait face à mon frère, et je priais pour ne pas avoir à cacher un corps ce soir encore. 

-       Voyons Theodore, le Seigneur des Ténèbres ne te laisserait pas faire une telle chose. 

Theo fit un pas dangereux vers Maxwell, son aura meurtrière transpirant par tous ses pores. Je sentis mon cœur se mettre à battre plus fortement dans mon poitrail. Un sourire en coin se dessina sur le visage de mon frère, et je savais alors que ce qui suivrait serait soit la fin de cette altercation, soit la fin de Cyprus Maxwell. Il était absolument putain de terrifiant. Tout doucement, il ronronna presque à l’oreille du malade : 

-       Tu n’as pas entendu les rumeurs ? J’en ai tué vingt d’entre vous à moi seul, et ensuite j’ai eu une promotion. Oui, c’est la vérité. Tu peux aller vérifier à quel point je suis sérieux en courant raconter ça à ton Maître, j’ai pas peur d’un peu de douleur. Alors si t’es assez con pour vouloir voir ce que je ferai au fou qui pensera pouvoir l’approcher, je t’en prie, fais-toi plaisir. Mais je peux te promettre que ton Seigneur ne pourra rien pour toi. 

Je fus soulagé à cet instant que Pansy et Blaise reviennent, chacun deux verres en main, Blaise en tendant un vers Theo qui demeurait de marbre face à un Cyprus qui, cette fois, semblait se forcer de continuer à sourire, et Pansy en tendant un vers moi. 

Maxwell pouffa avant de se reculer : 

-       Passez une bonne soirée les mioches, dit-il finalement en nous faussant compagnie. 

Et Theodore prit finalement le verre que Blaise lui tendait toujours. Nous avions à peine eu le temps de déguster deux gorgées de nos verres respectifs quand Macnair, le vieux pervers qui adorait se payer des filles d’à peine 20 ans pour son plaisir, et qui travaillait au Ministère de la Magie vint à notre rencontre, là-encore probablement plus attiré par Pansy qu’autre chose. Nous étions des putains d’aimants à merde, pestai-je dans mon esprit. 

-       Et voilà l’deuxième, soupira Blaise en avalant son verre cul-sec. 

-       Bien le bonsoir à vous les enfants, nous salua le vieux aux dents pourries. 

-       Walden, lui rendis-je avec autant de politesse que je le pus, autant dire pas beaucoup.

Le corps de Theodore se rapprocha subtilement de celui de Pansy dès que le pervers s’approcha de nous comme pour lui servir de bouclier humain. Pansy ne chercha pas à s’éloigner de lui. 

-       C’est un véritable plaisir de te trouver ici en une si jolie tenue, ma petite Pansy, se permit-il en laissant ses yeux parcourir le bout de son corps que Theo ne cachait pas avec une envie évidente. 

-       Ouais, souffla Blaise, j’vais me chercher un deuxième et peut-être même un troisième verre, dit-il avant de s’en aller à nouveau. 

-       Tu participes aux festivités, très chère ? s’enquit encore le vieux pervers avec des yeux brillants tout droits posés sur elle. 

Theodore se décala encore pour la cacher plus encore de lui, son sérieux mortel ne s’échappant pas de son visage. 

-       Ne t’avise pas de l’insulter vieillard, tu risquerais de ne pas aimer le genre de corps à corps que tu récolterais, la protégea encore Theo. 

Un regard en la direction de Pansy me sembla apprendre que sa poitrine se soulevait et s’abaissait plus rapidement que d’ordinaire. 

-       Est-ce qu’il y a quelque chose que je peux faire pour toi Walden, ou est-ce que tu en as finis ici ? m’interposai-je alors à mon tour. 

-       Il n’y a pas besoin d’autant de cérémonie, tenta-t-il avec un sourire, je suis simplement venu saluer Pans…

-       … Miss Parkinson, le coupa sèchement Theo. 

-       Pardon ?

-       J’ai dit, Miss Parkinson. 

-       Je vois, eh bien…, continua le vieillard que je n’entendais plus parce qu’une autre voix, celle de Theo, raisonnait dans mon esprit. 

-       Occupe-toi de lui, Pansy fait une crise d’angoisse. 

Elle était dans son dos, il ne pouvait pas la voir. Je tournais les yeux vers elle. Elle avait les lèvres entre-ouvertes et elle semblait respirer un peu plus rapidement que d’habitude, mais c’était tout ce que je parvenais à voir. 

-       En fait, vous tombez bien Walden, j’avais une question à vous poser, m’avançai-je vers lui pour les libérer. 

D’un mouvement habile, Theodore retira la veste de son costume en se retournant vers elle, et il enveloppa son corps sans qu’elle ne manifeste aucun signe de résistance. Il avait raison, elle faisait une crise d’angoisse. Ses yeux étaient dans le vide alors que Theo l’attrapait par le bras : 

-       Viens, murmura-t-il tout bas alors qu’ils disparaissaient de la pièce tous les deux. 

Et elle se laissa mener sans être en état de riposter. 

-       J’aurais besoin de renseignements précis sur l’identité de nos membres au sein du Ministère, est-ce que je pourrais compter sur toi pour me rendre un rapport détaillé à ce propos ? continuai-je alors vers l’enfoiré qui avait fait peur à mon amie. 

Je supposai que se retrouver face à un vieil homme bedonnant qui la regardait comme un morceau de viande et l’appelait « ma petite Pansy », d’autant plus qu’elle avait oublié tout ce qu’elle était parvenue à traverser avec Theo, devait réactiver des souvenirs pour le moins traumatisants. 

-       J’ai un métier Drago, comme tu sembles le savoir, protesta alors le porc tandis que Blaise revenait finalement vers moi. 

Il regarda autour de lui à la recherche de nos amis sans pouvoir les repérer. 

-       Et tu as également un rôle à jouer dans les rangs, je suis certain que tu en es conscient. Je te fais assez confiance pour me fier à ton jugement sur ces membres-là, alors ne me déçois pas Walden, c’est clair ? 

Je sentais comme un changement dans l’air depuis que j’avais torturé Blaise près de la mort devant chacun d’entre eux dans la façon dont ils me regardaient. Ils me prenaient un peu plus au sérieux, quand bien même j’avais encore beaucoup de travail à faire pour me faire à la fois craindre et respecter. Mais le fait qu’il finisse par acquiescer, bien qu’en montrant à quel point cela l’ennuyait, m’attestait de cette intuition que j’avais. 

-       Où sont Pansy et Theo ? me demanda Blaise quand le pervers s’éloigna finalement. 

-       Ils se sont écartés, Pansy ne se sentait pas bien. 

-       Qu’est-ce qu’elle a ? s’inquiéta-t-il plus que de raison en regardant partout autour de lui. 

Elle avait raison. Depuis qu’elle était morte nous la traitions tous comme si elle était en sucre. Il me semblait désormais évident qu’elle n’était pas celle d’entre nous qui avait été le plus traumatisée de sa mort. 

-       Tout va bien, elle est avec Theodore. Reste avec moi pour faire bonne figure, lui ordonnai-je alors. 

Nous étions donc restés deux bonnes heures de plus tous les deux. Quelque chose comme quinze minutes après que Theo et Pansy se soient écartés, Theo avait utilisé notre lien pour me faire savoir qu’ils rentraient à la maison. Blaise et moi avions donc bu plusieurs verres, notamment certains avec Arnold Foe avec qui j’avais eu un contact relativement moins abominable qu’avec les autres la dernière fois déjà. C’était le politicien d’une quarantaine d’années qui était l’un des seuls à me vouvoyer, et qui était, paraissait-il, ami avec mon père dans le temps. Il m’avait très poliment demandé des nouvelles de ma mission à l’étranger, et sans rentrer dans les détails je lui avais livré certaines informations sur son bon déroulé. Puisqu’il était déjà respecté dans les rangs, il était un atout de taille pour moi. Aussi Blaise et moi avions bu plusieurs verres en sa compagnie, et cela avait fini par payer. 

Il m’avait officiellement présenté à deux autres Mangemorts qui me seraient probablement utiles prochainement : Maximus Feign et Adrian Philps, tous deux des hommes d’âge mûr engagés depuis la première montée en flèche de Voldemort. C’étaient deux armoires à glace assez intimidantes pour être honnête, sans compter bien entendu que c’étaient deux dangereux Mangemorts. Foe me les avaient présentés parce qu’il les trouvait adaptés à un rôle de commandement, ou encore d’entraîneurs pour les recrues qui arriveraient désormais. L’un d’eux avait une carrière dans la police magique, et l’autre dans l’armée à des postes gradés. Il m’avait donc effectivement semblé qu’ils seraient parfaits pour le job. 

Alors que le temps passait et que les verres se vidaient, ceux de Blaise et moi inclus, les Mangemorts se déchainaient graduellement plus. Les propos aussi aberrants que vulgaires se multipliaient outrageusement, et conscient du genre d’abominations qui se passaient en ces lieux quand l’heure se faisait tardive, nous ne nous éternisions pas en ces murs lugubres, et rentrions bientôt dans un manoir aussi silencieux qu’endormi. Je supposai que cela signifiait que Pansy allait mieux, puisqu’ils n’étaient plus éveillés. Theo ne l’aurait jamais laissée seule avec son angoisse. Je ne pouvais m’empêcher de me demander avec un sourire ce qu’il s’était passé entre eux, ce qu’il lui avait dit, comment il était parvenu à l’apaiser, et ce qu’ils avaient ressenti l’un et l’autre. Mais je supposai que cela, ce serait une histoire pour une prochaine fois. 

Lorsque je parvenais finalement jusqu’à ma propre chambre, l’alcool dans mon sang désinhibant largement le contrôle exécutif de mon cerveau, je fixai le carnet sur ma table de chevet. Je savais très bien que je ne devais pas le faire, et pour être tout à fait honnête, je n’étais absolument pas ivre au point de pouvoir mettre cette décision exclusivement sur le dos de l’alcool. J’étais tout au plus un peu désinhibé, c’était tout. Je n’étais pas du genre à me mettre minable intentionnellement, quand bien même je devais avouer que j’étais de plus en plus tenté ces derniers temps, ne serait-ce que pour échapper à mes pensées et cette vie qui était la mienne l’espace de quelques heures. Mais je faisais partie de ces personnes rationnelles qui savaient parfaitement que le fait de boire ne changerait rien, parce que les emmerdes seraient toujours exactement là où je les avais laissées la veille, une bonne gueule de bois en prime. Ce ne semblait pas être un pari pertinent. Alors j’avais effectivement un peu picolé ce soir-là, mais sans mentir, c’était du cinéma que de laisser croire que c’était pour cela que j’avais fait ce qui suivait. 

J’avais attrapé mon carnet, ma plume, et je m’étais installé dans mon lit une fois que je m’étais déshabillé. Les mots que je décidais de lui écrire, eux, étaient sans nul doute attribuables à ma baisse d’inhibition due à l’alcool : 

« J’ai peur de m’endormir, parce que je sais que je vais rêver de toi. Tu m’as dit que je te devais deux nuits. Est-ce que tu sais combien tu m’en dois, toi ? »

La vulnérabilité dans les mots que je lui écrivais, et le toupet dont je faisais preuve après lui avoir dit encore une fois que c’était terminé me semblait ridicule une fois que l’encre disparût sous mes yeux. Pansy avait eu raison, à Poudlard, lorsqu’elle avait dit que j’étais pire qu’une fille qui dirait chaque fois qu’elle arrêtait de parler à son ex, et qui ne cessait d’y retourner encore et encore. J’étais cette fille-là. En tout cas, avec Granger. Je ne m’étais jamais attaché émotionnellement à une femme avant, et pourtant j’en avais connu plusieurs, parfois de façon régulière d’ailleurs. Et quand bien même je n’avais pas de problématique relationnelle particulière, du moins avant que ma vie ne s’effondre, je ne m’étais jamais investi émotionnellement. Je n’avais jamais été ce mec ridicule qui disait non, puis oui, puis non à nouveau. Un mec d’une chiantise assez remarquable, en somme. Je me demandais comment elle faisait pour me supporter, et je me demandais comment je faisais moi-même pour me supporter. L’espace d’une seconde, je riais à l’idée du contraste entre l’image que certains autres Mangemorts avaient de moi désormais, relativement effrayant, et ce que j’étais en cet instant, en caleçon sur mon lit devant les pages vierges d’un carnet tel un adolescent, en l’attente que ma petite-amie qui ne l’était pas vraiment me réponde alors qu’elle ne le devait pas. 

Finalement, la courbe parfaite de ses lettres se matérialisa sous mes yeux : 

« Est-ce que ça irait mieux si on parlait un peu ? » proposa-t-elle encore dans sa grande générosité alors que je l’avais envoyée chier la veille au soir. Je souriais au constat qu’elle aussi, elle était ridicule pour moi. Quelque part, je crois que j’aimais bien cela. 

« Non. Je n’ai pas le droit de te parler. »

« Pourtant, tu m’écris… » répondit-elle en m’arrachant un sourire. Bien sûr que je lui écrivais. Je finissais toujours par revenir vers elle, peu importait à quel point je n’en avais pas le droit. Parce que j’étais ridicule pour elle. En ce qui la concernait, elle. 

« C’était une erreur. », tentai-je de garder la face. 

Elle mit quelques minutes de plus pour rédiger sa prochaine réponse, me laissant pendu à mon carnet avec la peur terrible qu’elle ne me prenne finalement au mot, et ne décide enfin de m’écouter à un moment où j’avais tout sauf envie qu’elle fasse ce que je lui disais. Mais elle me soulagea lorsque ses mots me parvinrent :

« Je vois. Est-ce que ça irait mieux si tu parlais à Flora Mayfair ? »

Je soupirai derrière mon carnet, quand bien même je souriais. Je m’étais déjà adressé à elle en tant que Drago Malefoy. Je trouvais absolument ridicule de changer en cours de route. Et puis, c’était ses mots à elle que je voulais lire. 

« Non, c’est putain de ridicule Granger. », rédigeai-je alors en retour. 

Je me demandais si j’étais bon en échange de messages. C’était la première fois que j’échangeais ce genre de petits messages rapides, et je ne savais trop comment il était bien avenu de s’exprimer. Elle ne pouvait pas voir mon visage, ni entendre la tonalité de ma voix. Je me demandais ce qu’elle imaginait parfois de ce que j’entendais ou sous-entendait, et j’espérais que ce n’était pas trop décalé avec la réalité de ce que je ressentais. 

« Je ne sais pas. Je crois que c’est tout ce qu’il nous reste. » 

Je relu cette phrase qu’elle m’avait adressée trois fois avant qu’elle ne disparaisse totalement de ma page. Je ne savais trop pourquoi, elle m’atteignait en plein cœur, comme un coup de poignard particulièrement aiguisé. Elle avait raison, il ne nous restait rien d’autre que la possibilité d’être des personnes que nous n’étions pas pour pouvoir être ensemble. C’était là notre seule option pour pouvoir ne serait-ce qu’échanger quelques mots en sécurité relative. Et en cet instant, cela me semblait d’une tristesse abominable. Moi aussi, je voulais pouvoir la raccompagner à la maison quand elle se sentirait mal. Moi aussi, je voulais pouvoir l’entraîner et rire avec elle. Moi aussi, je voulais la trouver à ma table à chaque petit-déjeuner, et encore à chaque dîner. Moi aussi, je voulais sourire en rentrant de mission, parce que je savais que j’allais la retrouver. 

Je mis trop de temps à lui répondre, perdu dans les pensées qu’elle avait déclenchées avec cette simple phrase, et de nouveaux mots se matérialisèrent sous mes yeux :

« À quel point tu as bu ? » 

La tristesse s’évanouit de mon esprit et un large sourire se dessina sur mes lèvres que j’humidifiai du bout de ma langue. Sa perspicacité, l’attention qu’elle portait sur moi et sur chaque détail qui pouvait lui en apprendre un peu plus était d’un séduisant absolument terrible. 

« Pas assez pour ne pas être conscient de mes actes. », renvoyai-je alors. 

La largeur de mon sourire me fit presque mal lorsque je lu ses mots suivants qui n’avaient pris que quelques secondes à me trouver : 

« Mais assez pour me laisser mener ? » 

« Ça, jamais. », répliquai-je en mordillant ma lèvre inférieure. 

Je trouvais délicieux de me rappeler à quel point elle pouvait se montrer sûre d’elle et quelque part un peu dominante, et à quel point elle bégayait et baissait les yeux dès que j’étais un peu trop près d’elle. 

« Laisse-toi faire, Malefoy. Laisse-moi être ta Flora encore une fois. »

Je levai un sourcil circonspect derrière mon carnet. Elle était mignonne, à penser sincèrement qu’elle récolterait quoi que ce soit en me parlant de la sorte, à moi. 

« Qu’est-ce que j’y gagnerais ? », la taquinai-je alors que mon sourire ne s’évanouissait pas de mes lèvres. 

« Une nuit plus paisible ? », répondit-elle directement. 

Je pouffai derrière mon carnet. 

« Tu prends des engagements risqués Granger. Si je ne suis pas satisfait, je suis remboursé ? »  

« T’ai-je déjà laissé insatisfait ? », enchaîna-t-elle avec une rapidité surprenante. 

Le sourire pervers qui étira plus encore mes lèvres fit chauffer le sang dans mes veines, et je n’attribuais pas cela à l’alcool que j’avais consommé. 

« M’apprendre que tu étais en couple avec Ron après m’avoir roulé une pelle, c’était pas mal dans ce goût-là. », rappelai-je alors avec malice. 

Une nouvelle fois, il ne lui fallut que quelques secondes pour me répondre : 

« T’as aimé ça. » 

Je m’entendis rire à haute voix dans ma chambre vide et plongée dans le noir. Je m’appliquai à répondre avec la même vitesse qu’elle : 

« Oh oui, c’est surement pour ça que j’ai refusé de t’approcher ensuite. » 

« Tu parles de la fois où tu m’as touchée dans les vestiaires de Quidditch ou de celle où tu l’as fait dans la Grande Salle bondée, devant lui en plus ? »

Je mordais ma lèvre inférieure avec un large sourire à l’évocation de ces souvenirs avant de lui renvoyer : 

« Dois-je te rappeler que tu m’as littéralement supplié de te toucher ? »

Je l’imaginais dans le même état que moi derrière son propre carnet, et mon cœur se réchauffa un peu.  

« Oh non, moi je me rappelle très bien. » 

Le nouveau sourire qui se dessina sur mon visage avait quelque chose de beaucoup plus tendre à la lecture de ces mots, et c’était avec vulnérabilité que j’écrivais les prochains : 

« Je me rappelle de tout, moi aussi. » 

C’était ma bénédiction autant que c’était ma malédiction. Je me rappelais d’absolument putain de tout. De chacun de ses mots, chacun de ses regards, chaque touché de sa peau, son goût, son odeur, la couleur de ses yeux et celle de ses cheveux, chaque tonalité de sa voix et celle de ses gémissements, chaque moment volé et chaque caresse dérobée. Tout. Absolument tout. 

Cette fois-ci, elle mit un peu plus de temps à m’écrire en retour : 

« Quel a été ton moment préféré ? »

Une vague sourde de tristesse, ou peut-être de nostalgie, si tenté que l’un soit distinct de l’autre, m’envahit alors. L’évocation de notre passé sur un tel ton, dans un tel contexte, ne faisait désormais que me rappeler que tout cela n’était plus, et ne pourrait plus jamais être, autant dans mon présent que dans mon futur. Je ne la toucherai plus jamais comme je l’avais touchée. Je ne la regarderai plus jamais comme je l’avais regardée. Je ne l’entendrai plus jamais comme je l’avais entendue. 

« Granger… », recadrai-je alors avec difficulté, tout sourire ayant quitté mes lèvres. 

« Quoi ? Je te parle du passé, pas du futur. 

En ce qui me concerne, c’est la soirée que tu avais organisée pour moi dans la Grande Salle. » 

Je pouvais sentir la porte que je lui avais ouverte en moi se refermer doucement à la lecture de ces lignes. 

« Tu parles du soir où je t’ai dit au revoir parce qu’ensuite j’allais tuer Dumbledore ? », contextualisai-je avec le corps pincé. 

Tous nos souvenirs étaient tâchés désormais. 

« Je parle du soir où tu m’as fait la plus belle déclaration qui puisse être. », ne se démonta-t-elle pourtant pas devant ma nouvelle froideur évidente. 

Elle venait chercher plus. Elle venait toujours chercher plus. Elle venait chercher un plus que je ne pouvais plus lui offrir. Et alors que j’écrivais mes prochaines lignes, je me sentais me refermer totalement à elle, ainsi qu’à la douceur qu’elle m’avait faite ressentir jusqu’alors, ne laissant plus que place au regret : 

 « Je n’ai pas de place pour ce passé dans mon présent. C’était une erreur de t’écrire, je suis désolé. » 

Je restais néanmoins derrière mon carnet en l’attente d’une réponse, dans toute ma flagrante ambivalence. 

« Tu as passé une dure soirée ? », supposa-t-elle alors.  

« Comparé à ce à quoi je suis maintenant habitué, non, pas vraiment. » 

« Tu veux en parler ? » essaya-t-elle encore avec l’espoir vain qui lui était caractéristique, et qui me rendait fou. 

« Non. »

Elle mit quelques secondes avant de me répondre : 

« Qu’est-ce que tu veux alors ? » 

Je pinçais mes lèvres, indécis. 

« Je n’en sais rien, je n’aurais pas dû. Je suis désolé. Je vais aller me coucher. »

Je m’apprêtais à refermer mon carnet quand son encre tâcha à nouveau les pages de mon carnet : 

« Moi j’ai encore quelque chose à te dire. » 

J’inspirai profondément, puis soupirai. 

« Est-ce que c’est quelque chose que j’ai envie de lire ? » 

L’anxiété anticipatoire de ce que je m’apprêtais à lire accéléra mon rythme cardiaque. 

« Tu en feras ce que tu voudras, peu importe. »

« Quoi ? », demandai-je avec une curiosité malgré tout éveillée maintenant qu’elle m’avait dit cela. 

« Je n’en étais pas persuadée avant que tu ne m’écrives encore ce soir, mais maintenant je le suis. », me répondit-elle en me laissant encore attendre le fond de son propos alors que je perdais patience. 

« Persuadée de quoi, Granger ? » 

Je dus attendre quelques minutes pendant lesquelles je perdais patience et gagnai en irritabilité avant de lire les lignes suivantes, mon cœur battant sourdement dans mes oreilles :  

« Tu n’arrêtes pas de me dire qu’il n’y a pas de place pour moi dans ta vie, et ça depuis le début à Poudlard, et pourtant on n’a pas arrêté de me trouver une place dans ta vie, encore et encore. Cette fois-ci, ce n’est pas différent. Et comme depuis le début à Poudlard, je parviens à me la trouver toute seule, cette place, et je crois que si ça pu rendre certaines choses plus difficiles pour nous, je suis assez persuadée que ça nous a aussi été bénéfique à tous les deux sur bien d’autres aspects. 

Alors voici ce que j’ai à te dire ce soir : Je vais me trouver une place dans ta vie, Drago. C’est une promesse. Tout ce que je te demande de ton côté, c’est de me dire de temps en temps que tu n’es pas mort. 

Je n’attends pas de réponse de ta part, tu peux passer une bonne nuit maintenant. » 

Et je demeurai de l’autre côté de ce carnet, la bouche entre-ouverte et le cœur battant la chamade, la peur au ventre de ce qu’elle entendait par cette promesse, et des idées dangereuses qui tournaient indéniablement dans son esprit inépuisable.  


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À bientôt <3

Liv 

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