Dollhouse
Les hommes du dragonnier, sincèrement impressionnés, n’avaient pas même rechigné à payer ce qu’ils nous devaient, le spectacle magistral que mon frère leur avait donné les ayant tellement époustouflés. Sekhmet était le Magyar le plus gros et le plus agressif que l’élevage abritait, mais la variable qu’ils avaient oublié de prendre en compte dans leurs calculs lorsqu’ils avaient fait leurs jeux était que Theodore Nott était le psychopathe le plus dangereux qui soit. Si n’importe qui d’autre aurait été tétanisé de peur à l’idée de se battre pour conquérir un tel dragon, lui venait de s’éclater comme un putain de gamin découvrant pour la première fois un balai volant.
Quelques minutes après que Theodore eu gagné son combat, et par ce fait l’allégeance de la dragonne, j’avais sursauté alors que je récoltais tranquillement mes gallions lorsqu’une nouvelle voix aussi grondante que le tonnerre avait vibré dans mon esprit :
- Et lui, qu’est-ce qu’il fait dans ton esprit ?
Je tournais mes yeux vers l’immense dragon et Theodore en contrebas de la montagne sur laquelle je me tenais avec le reste des hommes. Mon cœur manqua un battement alors que je constatais que les yeux jaunes perçants de la bête terrifiante étaient rivés droit sur moi, me jugeant ostensiblement. Il me semblait que je réalisai en cet instant l’effet que faisait un dragon sur ceux qui n’en étaient pas maîtres.
- C’est Drago, répliqua la voix de Theo à travers mon esprit, mon frère.
Les yeux jaunes du dragon ne cessaient de m’analyser à distance. Je me sentais terriblement inconfortable, conscient que l’animal pouvait tout aussi bien décider de me cramer si je n’étais pas à son goût.
- Il n’est pas de ton sang, constata la bête qu’il était parvenu à dompter.
- Non, c’est plus que ça, lui répondit un Theo inflexible.
- C’est donc à cause de lui que nous partons en guerre, déduit déjà l’animal avec une perspicacité surnaturelle.
Mon cœur se serra. Elle voyait très juste. Trop juste à mon goût.
- On a beaucoup de choses à se dire, Sekhmet, conclu Theo dans mon esprit avant de refermer la brèche qu’elle avait emprunté pour m’atteindre.
Le pauvre Fox Bitten ne récolta donc que 10 000 gallions pour sa plus belle et forte bête, largement en partie payée par mes gains au pari. Nous avions fait une sacrée affaire alors que nous repartions avec son plus imposant et dominant dragon, et il avait souhaité ne plus jamais nous revoir. Je n’avais pas pu lui en vouloir, bien que pour faire bonne figure nous lui avions acheté sa meilleure scelle sanglée à prix fort pour Theodore.
La rencontre entre Ragnar et Sekhmet avait été pour le moins intéressante. Mon dragon s’était montré particulièrement intéressé, après tout c’était là une sacrée femelle de guerre, comme il l’avait demandé à Theodore. Il avait montré patte blanche et avait mis un point d’honneur à attester qu’il ne représentait pas une menace pour elle - quand bien même elle faisait deux fois sa taille déjà immense - en aplatissant son museau au sol alors qu’il la rencontrait devant l’entrée de l’élevage. Sekhmet, elle, avait eu l’air bien moins impressionnée que lui. Elle était sans nul doute habituée à des mâles bien plus imposants et probablement plus puissants que lui, quand bien même elle n’était pas encore familière avec son caractère de merde. C’était d’ailleurs peut-être là sa seule carte à jouer pour tenter de la séduire. Theodore avait dû insister longuement sur le fait que ni moi, ni Ragnar ne représentions des menaces, mais que nous étions une équipe soudée qu’elle rejoignait. Sekhmet semblait avoir l’habitude de faire cavalier seul, mais elle avait choisi Theo autant que Theo l’avait choisie, elle.
Bien qu’il se soit tiré de leur combat vivant, l’allégeance de la dragonne dépendait d’un choix de sa part à la fin de celui-ci. Elle avait analysé ce qu’elle pouvait lire en lui, et elle avait décidé qu’il méritait de l’avoir comme partenaire. S’il souhaitait la séduire, Ragnar devrait probablement se soumettre au même processus que Theo. Ces deux-là avaient sans nul doute un goût dangereusement prononcé pour les femmes léthales.
Aussi, Sekhmet avait grogné longuement en la direction de Ragnar et moi durant cette première rencontre, et mon dragon avait maintenu sa gueule à même le sol pendant de longues minutes. L’énorme museau noir de la dragonne avait reniflé la tête, puis le cou de mon animal, et au bout d’un certain temps durant lequel autant Theo que moi étions restés sur nos gardes, elle l’avait finalement accepté. Je soupçonnais Theo de s’être montré très directif dans son esprit. Comme en ce qui concernait Ragnar et moi, Theo pouvait s’insérer dans nos conversations sans pour autant toutes les recevoir, si son intention n’y était pas. Pour ma part, je n’éprouvais pour l’instant ni l’envie, ni le besoin de m’insérer dans l’esprit de ce nouveau dragon mortel.
- Elle me plaît, avait déclaré un Ragnar excité à travers notre lien quand elle l’avait finalement autorisé à se relever.
- Espèce de taré, n’avais-je pu me retenir de répliquer.
- Il n’y a que Theodore qui sait ce qui est bon, pesta-t-il alors que je reprenais place sur son dos, et Theo sur celui de sa nouvelle monture.
- J’te rappelle que c’est moi qui l’ai choisi ton humain pref’, donc j’dois pas avoir si mauvais goût que ça finalement, lui crachai-je sur un ton piqué, bien que voulu hautain.
- On en reparlera quand tu te seras choisis une meilleure partenaire, humain pleurnichard, cracha-t-il avec dégoût.
Je tirai sur les écailles de la base de son cou que j’avais à disposition, ma mâchoire soudainement serrée et tout trait d’humour disparaissant de mon ton :
- Fais attention à ce que tu dis dragon, le fait que tu sois mien ne te protégera pas de ma colère si tu me provoques, tranchai-je avec une froideur glaciale.
Ragnar souffla au travers de ses narines béantes alors qu’il se relevait du sol.
- Qu’est-ce que je disais, des caprices d’humain pleurnichard, pesta-t-il avant de prendre son envol et de mener le chemin jusqu’en Bulgarie.
Nous traversions les majestueuses montagnes hongroises, Theo et moi chevauchant côte à côte, lui sur son imposant dragon noir, et moi sur mon soudain plus petit dragon blanc. Le battement alterné de leurs ailes puissantes soulevait des rafales d'air insolentes, nous frappant au visage sans que nous puissions toujours protéger nos yeux ou nos oreilles. Les deux créatures, se découvrant mutuellement, semblaient s'apprivoiser en évoluant à travers des paysages d’une beauté à couper le souffle : des montagnes enneigées à perte de vue, des villages pittoresques nichés dans les vallées, des lacs gelés miroitant sous le soleil hivernal, et des forêts infinies déployant leur manteau dense et silencieux pour nos beaux yeux.
Ragnar, joueur et sans nul doute légèrement provocateur, initia soudain une course. D’un battement d’ailes plus puissant que les autres, il se projeta en avant, prenant la tête de notre quatuor. Il fendait l’air avec agilité, slalomant entre les sommets, s’inclinant gracieusement à droite puis à gauche, menant une danse effrénée sous mes encouragements enthousiastes de la compétition qu’il avait initiée. Sa suprématie fut cependant de courte durée, à mon grand malheur. Sekhmet, dont les ailes noires gigantesques semblaient embrasser le ciel, ne tarda pas à riposter en retour. Avec une puissance tranquille, elle nous rattrapa sans effort notable, surpassant Ragnar en survolant notre duo avec une grâce intimidante. Une bourrasque de vent glacé déclenchée par son passage nous fouetta le visage, arrachant un éclat de rire enfantin à Theodore, perché avec assurance sur son dos. Une fois le dernier sommet montagnard franchi, Sekhmet plongea brusquement en piqué, son immense envergure s’effaçant en un éclair. Un cri d'excitation jaillit de ma gorge alors que Ragnar, sans se laisser distancer, s’élança à sa poursuite. Je m’agrippais désespérément à la selle, mes cuisses fermement serrées autour de la base de son cou, luttant de toutes mes forces pour ne pas perdre l’équilibre. Ce piqué était infiniment plus vertigineux et rapide que tout ce que j’avais pu expérimenter jusqu’alors sur un balai de Quidditch, ce n’était rien de le dire. Sekhmet, toujours en tête, se redressa soudain à la dernière seconde, effleurant presque la surface d’un lac gelé qui s’étendait à perte de vue. Theodore, les bras écartés comme pour embrasser le vent, laissa échapper un cri de pure extase. Ragnar, galvanisé, redoubla d’efforts pour rattraper la dragonne noire. C’est alors que mon regard fut attiré par un tout autre paysage fascinant : son visage à lui, mon frère.
Il était illuminé d’une joie enfantine, le genre de joie que l’on ne trouvait sur les visages des enfants que le soir du réveillon de Noël. La porcelaine de sa peau était désormais rosée des bourrasques de vent provoquées par nos dragons, le bout de son nez et ses joues plus colorées qu’à l’accoutumée. Le bleu céruléen de ses yeux, lui, n’était que plus saisissant encore. Il me regardait, lui aussi. Il avait ses deux bras grands ouverts vers le ciel et un sourire plus large que je ne l’avais jamais vu ornait son visage parfait. Ses cheveux d’un noir profond flottaient derrière lui, dévoilant la technicité parfaite de chacun de ses traits qu’il tentait bien trop souvent de cacher. Mon cœur se mit à battre plus violemment dans mon poitrail à cette vue, et je savais que ce n’était là ni l’effet de l’excitation de la compétition, ni celui de l’adrénaline de la descente vertigineuse que nous venions d’effectuer majestueusement. Une brèche spatio-temporelle, voilà ce qu’était cet instant. La plus parfaite, la plus inattendue, la plus somptueuse des brèches spatio-temporelles qui puissent être. Il était heureux. En cet instant, et peu importait la durée de celui-ci, il était heureux. Ses incroyables yeux bleus étaient illuminés d’une lueur presque surnaturelle alors qu’il me regardait en hurlant de joie, clamant la propriété des lieux que nous passions pourtant si rapidement sur nos dragons compétiteurs. Chaque octave de son cri prolongé vibrait au travers de chacun de mes organes, réchauffant mon corps continuellement frappé par le vent bulgare. Comme un tatouage. Je voulais ancrer cet instant dans mon esprit comme un putain de tatouage.
Alors je le regardais, et j’hurlais, moi aussi. J’hurlais à la vie, j’hurlais au vent, et j’hurlais aux Dieux. J’hurlais de joie, j’hurlais d’amour, et j’hurlais de gratitude pour ce moment que la vie nous offrait, juste lui et moi. Rien qu’à lui et moi. Parce qu’il était tout ce qui comptait, et qu’il riait. Parce qu’il était tout ce qui comptait, et qu’il souriait. Parce qu’il était tout ce qui comptait, et qu’il s’amusait comme un fou. Nos cris se mélangeaient en la plus parfaite et magnifique des mélodies qui pouvait être. Et je me demandais, l’espace d’une seconde, si nous ne pouvions pas fuir, rien que lui et moi, fuir loin de tout, loin du manoir, loin du Seigneur des Ténèbres, loin de l’Angleterre, et simplement vivre ainsi, juste lui et moi, chacun sur notre dragon, volant à travers le monde, hurlant au soleil le jour et à la lune la nuit. Libres. Ensemble, et libres. Et alors que nous traversions ensemble terre et mer, le son de son rire mêlé à ses cris de joie ramenèrent à mon esprit une autre chanson qu’il ne m’avait pas été donné d’entendre à nouveau depuis bien longtemps :
Quand le silence se dissipera,
Que les ténèbres s’étireront et que passeront les premiers rayons de lumière,
Une nouvelle journée commencera.
Mais bientôt, nous arrivions à notre destination, et aucune nouvelle journée ne commença.
Durmstrang était situé à proximité de lacs et de montagnes enneigées, comme nous venions d’en voir durant des heures déjà. Cependant, alors que nous arrivions en fin d’après-midi, une nuit noire et humide était déjà tombée sur le site. Karkaroff avait levé les protections du château spécifiquement pour notre arrivée, aussi découvrions-nous les lieux en volant par-dessus l’institut. Comme à Poudlard, un lac qui, comparé aux autres alentours, n’était pas gelé, entourait le château. Puisqu’ils se déplaçaient en bateau, je supposai que c’était là l’utilité de ce lac certainement empreint de magie. Le bâtiment en lui-même, néanmoins, était bien moins imposant que l’était le château de Poudlard. A vue de nez, j’aurais dit que la bâtisse ne comptait pas plus de quatre étages. Plus qu’un château institutionnel, l’on aurait dit un très imposant manoir tout au plus. Je me surprenais à me demander si toutes les protections qu’ils mettaient en œuvre pour décourager d’éventuels visiteurs qui passeraient étaient nécessaires, puisque l’on pouvait aisément supposer qu’il ne s’agissait là de rien de plus qu’une très grosse maison.
L’institut se trouvait au sommet d’une colline isolée, ses contours sombres se mêlant au ciel étoilé de la nuit tombée si tôt. La bâtisse semblait néanmoins faite de pierres noires usées par les siècles et l’histoire du lieu. Deux imposantes tours s’élançaient vers les cieux, coiffées de pointes acérées dont les fenêtres aux barreaux en fer forgé rappelaient les prisons. En leur centre, l’entrée principale était ornée d’un portail rouillé à l’ambiance froide. Devant le manoir, un escalier fait d’épaisses pierres dégradées menait le chemin jusqu’à l’intérieur. Il régnait en ces lieux une sombre ambiance d’étrangeté qui ne prédisposait pas un visiteur à se sentir chaleureusement bienvenu.
Alors que nos dragons se posaient devant le lugubre portail dans un tremblement de terre annonçant notre arrivée, l’ombre d’un homme se dessina dans la nuit, s’avançant en claudiquant vers nous. D’un coup de baguette magique, l’homme ouvrit le portail tandis que nous le découvrions. Il était habillé d’un épais manteau de fourrure sombre qui comptait sans le moindre doute bien plus de poils que son crane dégarni. L’homme – ou bien la bête, je n’en étais pas certain – était en plus piteux état encore que ne l’était Rusard. Il avait l’air d’avoir une centaine d’années et moins de dents qu’il n’en fallait pour pouvoir manger des aliments solides.
- Messieurs Malefoy et Nott, nous salua-t-il d’une voix grinçante et tremblante. Monsieur le Directeur Karkaroff vous attend, si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre, proposa-t-il sans prendre la peine de se présenter à nous.
Il devait sans nul doute être l’équivalent de Rusard pour Durmstrang, utile, mais rien d’autre qu’un domestique dont il n’était pas nécessaire de connaître l’identité.
- Et nos dragons ? demanda alors Theo en sautant de sa monture avec une agilité impressionnante.
- Laissez-les ici, le garde-chasse de l’école va s’en occuper, n’ayez crainte, répliqua l’inconnu en nous tournant déjà le dos pour pénétrer dans l’entre du château.
Je m’apprêtais à le suivre à l’intérieur quand la voix autrement sérieuse et basse de Theodore trancha de nouveau le silence glacial qui nous incombait :
- Je crains malheureusement devoir insister, je ne laisserai pas aveuglément mon dragon au premier inconnu qui me promettra de s’en occuper.
A contre-cœur, l’homme dégarni se retourna face à nous, ses yeux lasses et fatigués rivés sur le visage on ne pouvait plus sérieux de Theodore. Si nous commencions déjà à nous faire des ennemis, nous n’étions pas dans la merde. Je ne rechignais pas autant que lui à laisser Ragnar de la sorte, j’étais conscient de sa taille et de ses capacités, et je savais qu’il cramerait puis boufferait la première personne qui le ferait chier. Mais Theodore avait plus tendance que moi à prendre soin de ses affaires, quand bien même ses « affaires » pouvaient, la plupart du temps, largement prendre soin d’elles-mêmes seules.
J’affichais un sourire poli au cadavre claudiquant face à nous :
- Ils sont nos moyens de transport, vous comprendrez sans doute que nous préférerions plus d’informations sur la façon dont ils seront entretenus, j’en suis certain, tempérai-je alors comme la figure politique habile que représentait le Grand Intendant.
L’homme me sonda de ses yeux, me semblait-il dans la nuit, clairs, puis il soupira de façon audible sans tenir compte pour sa part des règles de bienséance en vigueur dans la désinvolture de ce geste.
- Voulez-vous peut-être rencontrer notre garde-chasse ? proposa-t-il donc avec un ennui évident dans sa voix criarde et usée.
- J’aimerais bien, en effet, trancha Theo avec toujours autant de sérieux et d’autorité dans la sienne.
Une nouvelle fois, l’homme avait soupiré de façon exagérée, puis il était reparti seul en direction du manoir pendant que Theo et moi attendions dehors l’homme qui s’occuperait de nos dragons. J’avais adressé un regard appuyé plein de sous-entendus, bien que cependant amusé, sur mon frère, qui avait pour simple réponse levé ses sourcils en ma direction.
Le garde-chasse en question était une femme d’à peine 1 mètres 50, mais qui faisait trois fois sa taille en largeur. Ce fut ainsi que nous apprenions tous deux qu’il y avait également des femmes à Durmstrang, contrairement aux rumeurs qui couraient à ce sujet. Habillée du même manteau de fourrure que l’homme dégarni, elle se présenta à Theodore avec la même lassitude que lui, et expliqua avec réticence où et comment seraient gardés nos dragons pendant notre soirée en ces lieux. Une fois rassuré, Theodore accepta finalement de pénétrer dans l’enceinte de l’institut.
Contrairement à l’extérieur, l’intérieur de la demeure était d’une beauté froide saisissante. De longues colonnes s’élevaient jusqu’à un plafond fait de moulures anciennes mais entretenues aux détails travaillés. Les murs voutés étaient décorés d’innombrables tableaux comme l’était notre ancienne école, un simple escalier non mouvant en bois menant de l’entrée principale jusqu’au premier étage. Des voûtes en pierre grise s’élevaient là si haut qu’elles semblaient disparaître dans l’ombre, l’intérieur étant, à l’image de l’extérieur, fort peu éclairé, seulement quelques torches brûlant ici et là. Ce qui me frappa d’abord fut la froideur du lieu, qui ne semblait pas chauffé par quelconque source de magie ou de chaleur. Le sol, pour sa part, était pavé de larges dalles noires. Au sommet du large escalier s’étendait devant nous plusieurs directions : deux devant, et une plus large à l’arrière. Sur les tableaux ornant les murs, de grandes scènes de batailles magiques historiques étaient peintes. Je n’avais pas assez de connaissance concernant leur histoire pour savoir s’il s’agissait là de fiction ou d’histoire. Alors que l’homme âgé nous entraînait avec lui dans un couloir étroit sur la droite, moins éclairé que les autres encore, nous croisions les premiers élèves que nous rencontrions. Des groupes composés de garçons et de filles d’au moins quinze ans, je le supposai, tous habillés du même uniforme d’un rouge pourpre à la matière lourde et chaude, ornés d’épais et ronds boutons d’or. Leurs peaux étaient d’une pâleur sans équivoque qui reflétait le manque évident de lumière dont ils étaient victimes et leur façon de marcher, identique à chacun, témoignait de la discipline sans faille qui régnait en ces lieux. Ils nous regardaient et nous épiaient sur notre passage comme les étrangers que nous étions sur leur territoire.
Nous nous enfoncions derrière l’homme dans un couloir de plus en plus sombre, et de moins en moins doté de fenêtres jusqu’à arriver devant une épaisse porte en bois noire.
- Monsieur le Directeur va vous recevoir, nous annonça finalement notre guide avant de disparaître au fond de la pénombre qui habitait les lieux.
L’épaisse porte s’ouvrit alors devant nous, dévoilant un large bureau dénué de toute personnalité. Peu de bibelots ou décoration ornait la pièce froide, un unique et faible feu de cheminée prodiguant bien peu de chaleur crépitant derrière le bureau en fer de Karkaroff. Ce dernier se leva pour nous inviter à entrer :
- Karkaroff, le saluai-je en pénétrant dans le lieu en premier.
- Drago, me rendit-il avec un mouvement de tête, Theodore, enchaîna-t-il ensuite. Fermez la porte derrière vous, adressa-t-il vers mon acolyte qui obéissait. Je vous offre quelque chose à boire ?
Il se dirigea vers un petit ilot sur la droite de son bureau qui portait une unique bouteille habitée d’un liquide ambré.
- Volontiers, acceptai-je alors.
- Ça ira, merci, refusa poliment Theo.
Karkaroff se servit un verre avant de m’en offrir un. Il ne nous invita pas à nous asseoir avec lui, et après observation, je constatais qu’il n’y avait de toute façon aucune chaise ou fauteuil sur lequel nous aurions pu nous reposer. Ce bureau n’était clairement pas fait pour recevoir qui que ce soit.
- Alors messieurs, que puis-je pour vous ? commença le directeur de l’école en se rasseyant dans son siège à l’allure peu confortable.
Je portais le verre à mes lèvres avant de commencer :
- Comme tu le sais, nous sommes ici en mission pour le Seigneur des Ténèbres. J’imagine que tu es au courant que nous sommes finalement venus à bout de Dumbledore et que Severus Rogue est désormais à la tête de Poudlard.
L’homme brun et barbu tourna des yeux brillants vers mon frère.
- Oui, je l’ai entendu dire, répliqua-t-il d’une voix basse teintée de son accent bulgare.
- Ce sont d’excellentes nouvelles pour nous, lui fis-je alors remarquer devant son manque évident d’entrain, et nous sommes prêts à passer à la vitesse supérieure pour asseoir notre supériorité sur le monde sorcier et moldu. C’est en cela que tes services nous sont requis.
Il reporta ses yeux sombres sur moi, m’inspectant quelques longues secondes pendant lesquelles Theodore se tenait tel un garde à côté de moi.
- Et tu viens me voir sur mon propre territoire en qualité de… ? ronronna-t-il presque avec défiance à mon encontre.
Un mince sourire qui n’avait rien d’amical se dessina sur mes lèvres alors que la part plus violente de moi se réveillait sous sa provocation sans équivoque.
- Tu ne dois pas non plus être sans savoir que mon père n’est plus en capacité d’assumer ses responsabilités dans les rangs. Sa place de Grand Intendant est donc vacante, et il se trouve que je suis le prochain nom sur la liste, assiégeai-je avec une autorité froide.
Le vieux Mangemort pouffa avant de prendre une nouvelle gorgée de son verre absolument dégueulasse, soit-dit en passant.
- La puissance du Seigneur des Ténèbres ne semble plus être ce qu’elle était dans le temps, commenta-t-il avec dédain.
Il ne me respectait pas. J’avais supposé que Karkaroff ne représenterait pas un problème, et que nous n’aurions aucune difficulté à plaider notre cause. Peut-être m’étais-je trompé, en fin de compte. Ce que je savais, c’était que visiblement la situation échappait à mon autorité, et je ne pouvais me le permettre. Je n’effaçai pas le sourire en coin qui durcissait mon visage et posai mon verre sur son bureau avec appui avant de le surplomber de ma hauteur, mon visage penché bas vers lui et les paumes de mes mains soutenant le poids du haut de mon corps sur son bureau.
- Je suis venu ici en tant qu’allié, coupai-je froidement. Ne m’oblige pas à repartir en ennemi, Igor. Tu me vois contraint de te rappeler que je représente la puissance du Seigneur des Ténèbres, auquel il me semble que tu as prêté allégeance. Peut-être voudrais-tu que je lui fasse passer le message que tu trouves ses méthodes désormais…, me languis-je un instant, molles ?
Un faible sourire en coin qui accusait mes menaces implicites étira le coin de sa bouche barbue avant qu’il ne relève le visage plus haut vers moi.
- Allons Drago, tempéra-t-il plus haut, tu débarques chez moi avec deux dragons, il est normal que je m’assure de tes intentions à mon égard, tu ne crois pas ? appuya-t-il chacun de ses r de son accent bulgare.
Je lui rendais la superficialité de son sourire en coin et me redressait de son bureau.
- Nos intentions ne sont autres que de rallier le plus de tes élèves possibles à notre cause, déclarai-je alors. La pratique de la magie noire qui est enseignée ici, et la suprématie du Sang Pur que tu as su imposer en ces lieux nous sera, tu n’en doutes pas, d’une grande utilité dans les rangs une fois que la guerre aura démarrée.
- Mais il me semble que tout cela ne concerne encore que l’Angleterre, que viennent faire mes élèves là-dedans ?
Je me retournais dos à lui pour m’imprégner des lieux, témoignant d’à quel point ses murs et son espace étaient vides.
- Je crois savoir que tu as bénéficié de la clémence de notre Maître quand il t’a réintégré dans ses rangs malgré l’issue de ton procès, commençai-je d’un ton détaché avant de lui faire à nouveau face. Tu ferais bien de te rappeler que si tu es encore directeur de cette école aujourd’hui, c’est simplement parce qu’il l’a bien voulu. Penses-tu qu’il l’ait fait par pure bonté d’âme, ou parce que cela servirait ses intérêts au moment propice ? Tu as une dette à payer Karkaroff, enchaînai-je sur un ton plus bas, et je suis venu la récolter.
Karkaroff n’eut pas besoin d’être plus convaincu que cela, et de toute defaçon, il n’avait pas vraiment le choix. Il avait balancé des noms lorsqu’il avait été emprisonné à Azkaban lors de la première guerre, mais le Seigneur des Ténèbres l’avait fait sortir et réhabilité à ses fonctions hors du territoire anglais parce qu’il était un avantage non négligeable d’avoir dans ses rangs un Mangemort à la tête de la deuxième des trois plus grosses écoles de sorcellerie à l’international, sans compter qu’ils y enseignent la magie noire, dans cette école-ci.
Karkaroff avait donc fini par rappeler son valet dégarni qui nous avait montré la chambre miteuse que Theo et moi occuperions cette nuit, à l’écart des dortoirs des autres élèves comme si nous allions les manger pendant la nuit. Nous avions eu le temps de prendre une douche et ils avaient mis à notre disposition deux uniformes traditionnels de l’école rouges. A contre-cœur, Theo et moi les avions mis. Nous n’étions pas comme eux et nous tenions à faire remarquer que nous ne faisions pas parti de cette école, mais nos propres tenues n’étaient clairement pas assez chaudes pour passer la soirée dans ce manoir non chauffé. J’imaginais que le rat qu’était Karkaroff préférait se garder le plus de gallions pour lui, plutôt que de les dépenser pour le bien-être de ses étudiants, faisant passer cela pour une question de discipline apprise à la dure. Conneries. Lorsque l’on creusait un peu, tout dans la vie n’était toujours que question d’argent ou de pouvoir, le sexe se situant à équidistance entre les deux.
L’équivalent de leur Grande Salle, là où ils prenaient leurs repas, n’était éclairée sur sa longueur que de quatre torches suspendues par des chaines de fer projetant des ombres mouvantes. Autant dire que l’on ne voyait pour ainsi dire pas grand-chose. Deux longues tables robustes occupaient la pièce sur lesquelles tous les élèves tenaient sur des bancs de bois. Ils étaient au moins trois fois moins nombreux qu’à Poudlard. Un balcon circulaire surplombait la pièce, du haut duquel les professeurs principaux pouvaient discrètement observer et surveiller les élèves. Les armoiries des différentes, principales et importantes familles composant l’institut étaient également suspendues au-dessus des élèves. Alors que Theodore et moi pénétrions dans la salle, traversant pas à pas les tables d’élèves qui se dressaient de chacun de nos côtés, l’acoustique de la salle se révéla à nous.
Dans leur discipline légendaire, les étudiants de Durmstrang ne firent pas le moindre bruit. Tous les regards étaient pourtant tournés vers nous, quand bien même nous nous appliquions à regarder droit face à nous l’imposant mur vide aux pierres sombres, mais personne n’osa ne serait-ce que chuchoter à son voisin à propos des deux garçons étrangers qui arpentaient leur école. Les seuls bruits qui raisonnaient étaient les pas synchrones de Theodore et moi, vibrant lourdement tels des tambours les uns après les autres. Nous traversions les élèves assit à table dans le silence le plus froid durant une quarantaine de mètres avant que nous ne rejoignions finalement, au travers d’un étroit escalier en colimaçon, le balcon des professeurs.
Karkaroff nous présenta à ses élèves pendant que je sondais leurs visages. Certains étaient très jeunes, trop jeunes, d’autres semblaient parfaits pour le job. Il y avait sans conteste bien plus de garçons que de filles, mais il y avait tout de même bien un quart de filles dans toute l’assemblée, et elles n’avaient l’air ni fragiles, ni mal intégrées. Elles n’étaient pas en groupe les unes avec les autres en fonction de leurs âges, mais bien largement mélangées avec les garçons autour d’elles.
Contrairement aux réactions que nous aurions pu trouver en tout autre endroit à être présentés en tant que partisans et messagers du Seigneur des Ténèbres, leurs visages demeurèrent impassibles et aucun chuchotement curieux ou terrifié ne se décela non plus à leurs tables. Après tout, il était de notoriété publique que leur directeur était l’un des nôtres. Des soldats exemplaires, pour ceux qui en avaient l’âge, pensais-je alors. Peut-être même trop. Cette idée avait été bonne, et je songeai que je risquais peut-être de faire gagner cette guerre au Seigneur des Ténèbres. Je pouvais difficilement voir l’Ordre et ses membres remporter un combat face à des soldats pratiquant de la magie noire comme ceux qui s’étalaient devant moi. Je chassai cette dernière pensée en me concentrant sur ma mission.
Lorsqu’il fut mon tour de m’adresser à ces élèves, je m’avançais sur le bord de l’estrade, Theodore un peu en retrait sur ma droite comme mon fidèle soldat.
- C’est un honneur de me tenir devant vous en tant que le représentant du Seigneur des Ténèbres, commençai-je alors sans avoir besoin d’élever ma voix pour qu’elle traverse le silence absolu de la salle sombre.
Tous les regards étaient tournés vers moi sans qu’ils aient l’air ne serait-ce qu’à peine impressionnés, moins encore intimidés.
- Vous n’êtes pas sans savoir que le Seigneur des Ténèbres mène un valeureux combat, depuis plusieurs décennies désormais, afin d’asseoir la suprématie des sorciers de Sang Pur sur les autres déviants et moldus qui peuplent cette terre. Comme votre Directeur vient de vous l’apprendre, Albus Dumbledore, l’ancien directeur de l’école de sorcellerie Poudlard, et profond croyant en l’amitié entre sorciers et moldus, est tombé de notre baguette, et c’est désormais l’un des nôtres, le très estimé Mangemort Severus Rogue, qui en est à sa tête. Cela est pour nous une importante victoire et cet acte signe le début explicite de la Guerre qui se dessine devant nous pour combattre le fléau du sang impur dans nos écoles, nos ministères, nos hôpitaux, jusque dans nos maisons, appuyai-je avec une fermeté teintée de dégoût. J’ose supposer que parmi vous, vous qui avez proprement été éduqués dans des valeurs et des pratiques qui font non seulement honneur à nos traditions de sorciers, mais qui valorisent également l’avenir en prévenant les déviances des races inférieures, il y en a ici qui comme nous, trouvent tout simplement logique et indispensable ce combat que nous menons avec un acharnement et une dévotion totale.
Je laissai la première partie de mon message les imprégner en une courte pause de quelques secondes alors que je gonflais mes poumons à bloc pour continuer sur un ton plus appuyé encore :
- N’êtes-vous pas consternés d’être la seule école de sorcellerie au monde qui n’accepte pas les Sang de Bourbe parmi ses murs ? N’êtes-vous pas choqués de savoir que vous êtes la seule école au monde à laquelle on apprend à utiliser la source la plus puissante de magie, à savoir la magie noire ? Qu’apprennent les autres ? Que faisons-nous de tout ce pouvoir que nous laissons dépérir et se perdre au travers des nouvelles générations qui deviennent de moins en moins puissantes, et de plus en plus moldues ? Ne vous semble-t-il pas effrayant que les écoles n’enseignent plus à leurs élèves à utiliser leur plein pouvoir, fabricant des employés modèles dénués de sens critique ou d’ambition à la chaîne ? Ne trouvez-vous pas cela révoltant que de savoir qu’aux yeux du reste du monde, votre école est celle qui a sans nul doute la pire réputation de toutes ?
Pour la première fois, il commença à y avoir du mouvement sur les deux tables qui s’étalaient devant moi. Certains chuchotèrent, d’autres appuyèrent mes propos de mouvements de tête discrets, et certains même acquiescèrent à voix haute.
- Trouvez-vous juste que vous soyez vus et considérés comme des monstres, comme les méchants, comme les dangereux de service quand le reste du monde promeut, créé et entretien la médiocrité à l’état pur ? continuai-je alors. Est-ce qu’il vous semble normal que vous soyez considérés comme les méchants de l’histoire parce que vous osez souhaiter que le monde soit dirigé par de véritables sorciers, capables de véritable magie ?!
Le mouvement dans la salle se fit plus important à mesure que j’élevais la tonalité de ma voix.
- Dans toute société qui fonctionne il y a les dirigeants, et il y a leurs subordonnés. Aujourd’hui, on donne des rôles de dirigeants à des déviants qui ne devraient être rien de plus que nos sujets, et on a le culot de s’étonner de l’état de notre politique internationale ?! De notre économie ?! Pire encore, des taux de criminalité alors qu’on laisse engendrer bâtard sur bâtard sans leur enseigner ni leur place, ni la discipline ?! Et c’est nous les méchants dans cette histoire ?! Tout ça parce que ceux qui n’ont pas de pouvoirs ou dont la magie n’est ni pure, ni légitime, ont peur de nous ?! Et nous devons nous cacher des moldus, pour ne pas les effrayer ?! Eux ?! Rester bien sagement dans notre coin et les laisser gouverner les trois quarts du monde qu’ils envoient à la faillite et à la perte ?! ALORS QUE NOUS SOMMES JUSTE LÀ ?! m’écriai-je avec une rage vibrante dont la portée tremblait entre les murs de la salle que je remplissais de ma prestance.
La foule manifesta sa colère en des encouragements gutturaux de plus en plus importants, certains allant jusqu’à se lever de leurs places pour exprimer leur accord avec mes propos. Je pouvais sentir mon sang bouillonner dans mes veines alors que je les regardais, ces gens qui m’acclamaient, buvant chacune de mes paroles, sous moi. En-dessous de moi. Une vague de chaleur prit possession de moi alors que je continuais :
- Pour la « paix » ?! appuyai-je encore. Mais quelle paix ?! On essaye de nous faire croire que nous devons être si « supérieurs » aux moldus que nous devons leur laisser le monde et créer le nôtre, bien enfermés dans une putain de cage dorée ! CONNERIES ! Le monde est trop vaste pour eux et la cage dans laquelle nous sommes enfermés depuis bien trop d’années trop petite pour les véritables sorciers que nous sommes ! Elle est là, la vérité ! Les pro moldus, sang mêlés et sang de bourbes ont essayé de nous faire croire que nous étions à notre place, bien enfermés dans nos quatre pauvres petits murs et que c’était suffisant, alors que l’on laissait le reste du monde à des hommes et des femmes dénués de magie ! On a essayé de nous faire croire que les sorciers de Sang Pur avec des lignées familiales empreintes de tradition et de magie transmise et développée de génération en génération depuis des millénaires ne valaient pas mieux que deux putains de moldus qui engendreraient un enfant avec des pouvoirs magiques ! Et ils ont les mêmes opportunités d’éducation et professionnelles que nous ?! crachai-je avec un dégoût profond. MAIS QUE FAIT-ON DE NOS HÉRITAGES ?! ET C’EST CEUX QUI ONT LE COURAGE DE DIRE LA VÉRITÉ QUE L’ON FAIT PASSER POUR LES DÉVIANTS ?! Vous, et nous ! Parce que l’on voit les choses telles qu’elles sont ?! m’indignai-je alors que les applaudissements de certaines de mes futures recrues retentissaient bruyamment dans la salle.
Theodore demeurait de marbre, immobile à mes côtés, observant les animaux qui s’excitaient sous moi.
- Notre société est bâtie pour et par les plus faibles, au détriment et contre les plus puissants, constatai-je avec dégoût. Et l’on s’étonne des titres dans nos journaux ?! On s’étonne que le gouvernement s’effondre ?! Ne devrions-nous pas plutôt nous étonner qu’il ait fallut autant de temps avant qu’assez de sorciers et sorcières ne se soulèvent pour dire ASSEZ ! NOUS NE VIVRONS PLUS MÉLANGÉS AVEC LES SUBORDONNÉS ! NOUS NE SERONS PLUS COMPARÉS AUX DÉVIANTS ! NOUS NE VIVRONS PLUS CACHÉS ! ET NOUS NE LAISSERONS PLUS LES PLUS FAIBLES NOUS DIRIGER BIEN DOCILEMENT !
J’avais laissé le sentiment enivrant de pouvoir vibrer et raisonner en moi alors que certains partisans hurlaient et frappaient violemment sur leur table en soutien, puis je leur avais expliqué le processus de recrutement pour rejoindre les rangs afin de mener la guerre à nos côtés. Une vingtaine des élèves les plus âgés s’étaient engagés, ce qui était une bonne récolte étant donné le nombre deux à trois fois moins important d’élèves dans leur école, contrairement à Poudlard. Il y avait parmi nos nouvelles recrues plus d’hommes qu’il n’y avait de femmes, quand bien même certaines avaient répondu à l’appel. Je leur avais fait signer de leur sang un parchemin enchanté d’engagement avant de leur laisser le Portoloin donné par le Seigneur des Ténèbres lui-même avant de leur expliquer qu’il passerait par Karkaroff afin de les faire venir récupérer leur Marque. Deux jours de voyage pour revenir avec un dragon et une vingtaine de sorciers adultes et adeptes de magie noire me semblait être un plutôt bon résultat. Sur la soixantaine d’élèves à Durmstrang, seuls une petite trentaine était éligible en âge et capacités pour nous rejoindre. Je supposai que mes statistiques étaient plutôt bonnes, pour une première.
Les bulgares, contrairement à ce que l’on pouvait penser, ainsi qu’aux impressions que j’avais eues jusqu’alors, adoraient faire la fête et créaient d’ailleurs tout un tas d’occasions pour pouvoir picoler sans afficher ostensiblement leurs tendances alcooliques indéniables. Karkaroff, en l’occasion du partenariat avec certains de ses élèves qui deviendraient prochainement des Mangemorts, permit l’organisation d’une petite fête après le repas, uniquement pour ces étudiants-ci, cela allait de soi. Je songeai que c’était probablement plus pour faire bonne figure auprès du Seigneur des Ténèbres que par un réel entrain personnel de la part du directeur de l’institut. Alors, pour l’occasion, Theo et moi nous étions finalement mélangés à ces autres, nos futurs subordonnés.
Nous les laissions servir nos verres d’un alcool que ni Theo, ni moi ne semblions connaître. Comme en toute situation qui impliquait de la sociabilisation avec d’autres personnes que notre cercle très proche, Theo ne quitta pas mes côtés, et il n’afficha pas le moindre sourire ni ne prit la peine de participer à quelconque conversation que ce soit. Il me sembla même que le moindre individu qui tentait de lui parler ne parvenait pas à récolter la moindre réponse de sa part.
- Alors vous n’avez pas le moindre cours de Pratique de la Magie Noire à Poudlard ? demanda à mon intention une des plus jeunes recrues, à peine 15 ans.
Il avait les cheveux blonds et les yeux bleus. Il avait le visage de quelqu’un qui n’avait encore rien vécu. Je me demandais ce qu’il lui était passé par la tête, d’avoir volontairement anéanti sa vie.
- Non, pas le moindre, répliquai-je en prenant une gorgée de cet alcool étrange. On apprend seulement un peu de magie de combat dans un seul cours qui s’appelle Défense Contre les Forces du Mal, le titre lui-même en dit long, réfléchis-je alors. Toute l’éducation magique à Poudlard est faite pour nous conditionner depuis le plus jeune âge à penser que les seuls que nous devons combattre sont « les forces du mal », quoi que cela veuille dire pour eux, et qu’il n’y a aucun autre combat à mener. Et en plus on a des cours en option qui concernent l’étude des Moldus qui nous expliquent à quel point ils sont ingénieux et intéressants, comme s’il n’y avait rien d’autre de plus pertinent qui pouvait servir notre éducation de sorciers.
Le jeune garçon blond me regardait de grands yeux interloqués. Il n’avait rien vu du monde hormis les murs de cette école, à en croire par son air ahuri.
- Woah, s’extasia-t-il dans un murmure.
Il était entouré d’un groupe de quatre garçons plus âgés qui avaient également rejoint les rangs, et qui étaient bien moins surpris que lui par ce que je venais de lui apprendre. Ils venaient tous des quatre coins du monde, quand bien même ils étaient tous désormais empreints de la culture bulgare. De ce que j’en voyais, je dirais que seulement un quart de ces élèves étaient réellement bulgares. De fait, ils parlaient tous anglais, ce qui était bien pratique pour nous.
- C’est une putain de honte, et ils osent appeler ça une école de sorcellerie, commenta avec dégoût l’un des garçons plus âgés.
Celui-là était brun, et taillé comme un roc. Il ne renvoyait pas du tout la même aura que le petit bonhomme blond au centre de leur demi-cercle face à moi.
- Nous, on nous apprend depuis la première année à manier la magie noire, m’expliqua le jeune. Au début on la manipule pas beaucoup, puisqu’il faut le temps de s’acclimater à elle pour pouvoir la pratiquer en sécurité, sinon on se fait du mal et on use notre corps et notre magie. Et au fur et à mesure des années, on devient de plus en plus capable de la manipuler avec des sorts de plus en plus forts et compliqués, en étant de moins en moins affecté. Mais on n’apprend pas que la magie noire, on apprend aussi toute sorte de magie, ça nous permet d’arriver à notre plus haut potentiel magique une fois diplômés !
- Oui, ça devrait être comme ça dans toutes les écoles, confirmai-je à son intention en prenant une nouvelle gorgée du liquide bleu pailleté qui remplissait mon verre qui ne semblait pas se vider pour autant.
- Qu’est-ce qu’on est en train de boire ? trancha alors la voix de Theo vers le groupe de garçons, un œil suspect rivé sur son verre.
Le plus grand lui adressa un sourire en coin.
- Une spécialité bulgare, c’est un peu fort mais ça ne laisse aucune trace le lendemain matin, c’est magique, répliqua-t-il vers lui. Trinquons à l’avenir qu’on va créer, proposa-t-il en tendant son verre vers les nôtres.
Nous trinquions avec lui avant de boire une nouvelle gorgée de nos verres.
- Et puis alors permettre à des Sang de Bourbe d’être éduqués à la même enseigne que des Sang Pur comme si c’était du pareil au même, n’en parlons même pas, renchérit un des autres garçons aux cheveux d’un châtain clair.
Quelque chose se serra en moi. Autant que je pouvais effectivement considérer que les Sang Pur méritaient de meilleures opportunités que les autres en raison de leur supériorité en capacités magiques indéniables, je ne pouvais faire autrement que de penser à Granger en entendant de tels propos. Je combattrais quiconque suggérerait qu’elle ne méritait pas d’être éduquée pour atteindre son plus haut potentiel, qui serait sans nul doute bien supérieur à celui de ces idiots. Je choisissais de boire une nouvelle gorgée de mon verre plutôt que de me risquer à entretenir cette conversation.
- Il paraît que la Sang de Bourbe de Krum, c’était quelque chose, rétorqua le grand brun costaud avec un large sourire pervers, on en a entendu parler jusqu’ici après le Tournoi.
Je sentis mon regard se durcir sur lui sans que je ne puisse le contrôler. Est-ce qu’il venait de mentionner Granger ? Et est-ce qu’il venait vraiment de parler d’elle en l’appelant « la Sang de Bourbe de Krum » ? « La Sang de Bourbe de Krum », répétais-je dans mon esprit sans prêter attention au fait que mon regard noir demeurait fixé sur le malade qui venait de prononcer ces mots.
- J’avais entendu dire qu’en plus d’être bonne, elle était vraiment intelligente la meuf, ajouta alors l’un de ses copains avant que mon cerveau n’ait terminé de traiter l’information.
Je voyais rouge. Je pouvais entendre les battements de mon cœur raisonner sourdement dans mes oreilles. Je sentais mon sang bouillir dans chacune de mes veines, une énergie vibratoire pulsant dans mes mains qui ne demandaient qu’à s’écraser contre leurs gueules insolentes. C’était de ma Granger dont ils étaient en train de parler. C’était ma Granger qu’ils qualifiaient de bonne, d’appartenant à cet enfoiré de Krum, et qu’ils osaient insulter de Sang de Bourbe. Quelque chose à l’intérieur de moi sembla s’amuser de la situation, non pas parce que ce qu’ils venaient de dire était drôle, non, parce que cette partie de moi prendrait un malin plaisir à les assassiner dans les pires souffrances qui puissent être, ici et maintenant. Alors que mes lèvres s’entre-ouvraient pour leur cracher mon venin, la voix de Theodore, ce dernier conscient de l’identité de la personne dont ils étaient en train de parler en ces termes insultants, trancha le silence :
- Tous les Sang de Bourbe n’ont pas le même potentiel, et je ne mentionnerai pas à quel point il est puéril à vos grands âges de ne pas pouvoir vous empêcher de sexualiser une femme que vous n’avez jamais vue tellement vous êtes affamés en des termes si grossiers, peu importe le sang de celle-ci. Vous devriez faire attention, ajouta-t-il avec un sourire en coin qui n’avait absolument rien d’amical, à bander comme des adolescents prépubères sur la simple évocation d’une sorcière née de parents moldus, on pourrait se méprendre sur l’authenticité de vos motivations dans les rangs du Seigneur des Ténèbres.
Le groupe de garçons fut réduit au silence. C’était souvent là l’effet que produisait mon frère naturellement, et cela plus encore lorsqu’il se voulait intentionnellement intimidant. Je me retenais de sourire, et gardai un sérieux impénétrable affiché sur mon visage soulagé. En réalité j’étais incapable de savoir ce que j’aurais pu supporter d’entendre à propos de Granger sans réagir, et je ne savais pas non plus quels mots, ou gestes, allaient sortir de moi lorsque j’avais ouvert la bouche avant qu’il ne me sauve la mise. Je réalisai à cet instant que je me sentais d’ailleurs dangereusement désinhibé, bien plus que je ne l’aurai jamais été avec quelques gorgées d’un verre normal. Je ne savais pas ce que nous buvions, mais cela n'avait rien à voir avec nos alcools populaires.
Probablement attirée par l’aura indéniable de mon frère, ainsi que par la force tranquille avec laquelle il avait remis à leur place tout un groupe de garçons en rut avec quelques mots défendant l’honneur d’une autre femme, une de nos nouvelles recrues féminines s’approcha de lui avec une allure de félin. Elle était magnifique, c’était là la première chose que j’étais obligé de constater. Une beauté particulière, assez froide et quelque part un peu intimidante, mais il me semblait qu’il était difficile d’ignorer qu’elle était très belle. Elle avait de longs cheveux roux ondulés qui rappelaient le feu, une peau aussi pale que les écailles de mon dragon et ses yeux étaient illuminés d’un bleu qui, à s’y méprendre, tirait un peu sur le vert. Les deux mèches les plus proches de son visage étaient tirés par des pinces en arrière afin de pouvoir dévoiler à tout observateur intéressé la finesse de ses traits sublimés par sa bouche pulpeuse. Une trainée d’étoiles venait parsemer naturellement le bout de son nez et s’étalait telle une voie lactée sur ses joues en des taches de rousseur qui rappelaient celles des Weasley. Elle dégageait une aura de redoutable guerrière qui n’était que plus appuyée encore par son uniforme rouge semblable, bien que plus cintré, aux hommes de son école.
- Si ce n’est pas là un parfait gentlemen, le complimenta-t-elle tandis qu’il ne levait pas même les yeux vers elle, prêt à défendre jusqu’à l’honneur d’une femme insignifiante.
- Ce n’est là que du bon sens de ma part que de me garder d’insulter la sorcière la plus brillante de notre génération, trancha-t-il sans adoucir le ton de sa voix.
Je ne pus me retenir de ressentir une vague chaleureuse de fierté à l’évocation de celle que j’aimais en des termes si élogieux, d’autant plus de sa part à lui. Elle était son crac à lui, après tout. Et surtout, je l’aimais. Alors il la défendrait comme si elle était sienne, cela ne faisait pas le moindre doute.
- Tu devrais peut-être faire attention aussi, on pourrait croire que cette fille t’intéresse, roucoula la rouquine en le dévorant des yeux.
- Ouais, je suppose que c’est encore un problème de cette génération, soupira Theodore, croire que parce qu’on n’insulte pas quelqu’un ou qu’on reconnaît sa juste valeur, c’est forcément qu’on a des vues dessus.
Un large sourire dévoila la dentition parfaite de la grande et fine rousse. Je me concentrai sur eux parce que je savais sans le moindre doute que la tentative de drague de la part de cette fille sur Theodore serait sans nul doute la chose la plus divertissante de mon voyage. Emporté par le spectacle qui se déroulait sous mes yeux, je buvais une nouvelle gorgée de mon verre, geste que Theodore imita probablement plus pour supporter la compagnie de cette femme qui le désirait ostensiblement que pour une quelconque autre raison.
- Elle ne t’intéresse donc pas ? continua-t-elle de le questionner sans le quitter de ses grands yeux bleus affamés.
- Je ne vois pas en quoi ça te concerne, coupa-t-il encore sans lui renvoyer le moindre signal d’ouverture.
Sans se décourager une seule seconde, la rousse humidifia ses lèvres pulpeuses de sa langue sans perdre son sourire joueur, puis elle enchaîna sans relâche :
- Je pourrais dire que c’est aussi un problème de cette génération, qu’il soit mal reçu qu’une femme se renseigne sur la disponibilité d’un homme qui l’intéresse. Est-ce qu’on en est encore au stade où une fille doit seulement attendre docilement qu’un homme vienne la courtiser ? Au risque de me tromper, ça ne m’a pas l’air d’être ton genre de femme.
- Il ne me semble pas avoir suggéré qu’il était inapproprié de ta part de te renseigner, renchérit-il immédiatement, mais plutôt d’avoir simplement rendu évident que je n’étais pas intéressé.
Je ne pus m’empêcher d’afficher un sourire en coin, quand bien même je me retenais de rire. Oh, j’aurais adoré que la Pansy que je connaissais soit là pour voir ça.
- Tu ne m’as même pas regardée une seule fois, chuchota presque la rouquine avec malice.
- Ton apparence ne change rien à ce fait, trancha encore froidement mon frère.
- Je vois, sourit la fille, ton cœur n’est visiblement plus à prendre. Qu’en est-il de ton corps ? continua-t-elle de jouer avec provocation.
Si Blaise avait été là, il se serait probablement étouffé avec son verre devant tant de culot. Finalement, Theodore leva les yeux sur elle. Son regard était aussi froid que la glace qui recouvrait leurs lacs.
- Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais chez moi quand le cœur n’est plus à prendre, le corps ne l’est plus non plus.
- Mmh, ronronna-t-elle en se rapprochant de lui, chez moi, plus un homme me résiste, plus il m’intéresse.
Theodore plaça fermement son verre entre eux, et elle se le prit en pleine poitrine alors qu’elle tentait de se rapprocher physiquement de lui.
- Tu m’en vois navré que ton père ne t’ait pas donné l’amour que tu pensais mériter mais je te conseille d’arrêter de le chercher en moi, parce que comme chez lui, tu ne trouveras rien, lui asséna-t-il le coup fatal.
Un nouveau large sourire vint accuser les mots de mon frère tandis que je me retenais d’éclater de rire. Toute ma scolarité à Poudlard, mon spectacle préféré avait toujours été la violence avec laquelle Theodore avait systématiquement rejeté la moindre folle qui avait pensé pouvoir le draguer. Ça n’avait toujours été que Pansy, peu importait qu’il ne la possédait pas vraiment.
Soudainement, des couleurs que je n’avais pas décelées comme présentes dans mon champ de vision quelques instants plus tôt vinrent teinter ma vision. Le rythme de mon cœur s’accéléra alors que je regardais autour de moi, découvrant un tout autre paysage.
- Bloque ton esprit, raisonna alors la voix autoritaire de mon frère en moi. Ce n’est pas que de l’alcool. Bloque tout, ordonna-t-il fermement alors que je me concentrai pour obéir.
Ces enfoirés nous avaient drogué, ou quelque chose comme cela. Je ne savais pas ce que c’était, mais effectivement une chose était sure, ce n’était pas de l’alcool. J’utilisais toute ma magie pour protéger chacun de mes souvenirs bien au chaud à l’intérieur de mon esprit. Ils avaient dû souhaiter nous soutirer des informations pas si subtilement que cela, et puisque cela ne constituait pas une attaque directe je supposai qu’ils n’auraient qu’à nous rigoler au visage le lendemain en prétextant que c’était une tradition de chez eux pour que nous ne puissions rien en dire. Je titubais sur moi-même avant de me reprendre, un geste qui n’échappa pas à la rouquine qui sourit à Theo :
- Ça y est, on dirait que ça monte chez lui. Et toi ?
Theodore ne lui répondit rien, probablement concentré pour garder sous protection chacune de ses pensées, ainsi que chacun de ses mouvements. Étant donné les couleurs claires et scintillantes qui s’ajoutaient à mon paysage, je pouvais supposer qu’il s’agissait-là d’une substance hallucinogène, mais au vu du peu de quantité que Theo et moi avions bu, il me semblait raisonnable d’émettre l’hypothèse qu’il y avait de la magie noire là-dedans.
- Tu es bien silencieux tout à coup, me sembla dire la rousse quand bien même je percevais sa voix de loin désormais.
Elle était pourtant juste à côté de moi. Je me sentais tanguer à nouveau. Bientôt, le décor changea totalement à mes yeux.
- Nous allons nous coucher, trancha la voix de Theodore.
- Déjà ? On commence tout juste à s’amuser, se languit-elle alors que je luttais pour demeurer debout, clignant outrageusement des yeux pour tenter de recouvrer une vision réaliste de ce qu’il y avait devant moi.
- J’ai dit…, entendis-je Theo prononcer avant de ne plus percevoir quoi que ce soit de la réalité extérieure.
Aussi étrangement que cela me paraissait compte tenant du fait que j’étais en territoire inconnu, entouré d’inconnus et profondément drogué, je me sentais soudainement royalement en paix, et terriblement léger. Je ne savais si j’avais basculé en arrière, si j’étais allongé, ou peut-être en train de tomber à l’instant même, mais je me laissai porter.
Musique suggérée : Awakening – Gary Stadler
J’avais la curieuse sensation de flotter sur un nuage, comme emporté par le vent et soutenu par la divine force des anges peuplant le ciel. Je ne sentais plus mon visage, mais il me semblait que j’abordais un sourire béat. C’était tout simplement délicieux, cette légèreté. Sous mes yeux hallucinés, des ombres mouvantes, comme des formes colorées, s’alliaient et se déliaient en une danse qui n’avait ni logique, ni chorégraphie. Pourtant, la danse de ces couleurs était magnifique. Certaines formes étaient blanches, d’autres étaient beiges, certaines rouges, d’autres encore marron. Il y avait autour de moi autant de couleur que de nuance que de forme. Tout ce que l’œil humain pouvait percevoir me semblait être juste là, devant mes yeux, attendant que je me délecte du spectacle, alors je le faisais. Je me laissai tomber, ou peut-être que je m’allongeais confortablement, je ne le savais point, peut-être étais-je seul ou peut-être ne l’étais-je pas, mais tout ce que je savais, c’était que je me sentais divinement bien, et que j’avais la ferme intention d’en profiter. J’ouvrais grand la bouche comme pour inspirer autant de cet air magique que possible, et m’abandonnai à l’embrassade empoisonnée qui avait tâché mon verre ainsi que mon esprit.
Les formes colorées sous mes yeux se rassemblèrent pour former une importante cascade de la couleur du feu, peut-être un peu plus marronnée que rougeoyante. En cet cascade, un magnifique mouvement ondulait de droite à gauche comme si du vent l’emportait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Tout près de cette forme, une autre à la surface nacrée naquit. Les formes s’entremêlaient et se retrouvaient, dansant et s’ajustant l’une à l’autre comme si elles essayaient de former un tout cohérent pour mes yeux. Et je la reconnus soudainement, alors que les deux formes s’étaient trouvées. Ses cheveux de feu se mouvaient avec une fluidité indécente, et sa peau blanche brillait de mille feux comme si elle était composée de diamants. Je crus entendre un grondement d’approbation qui n’était rien d’autre qu’un bruit guttural incompréhensible alors que mes yeux s’écarquillaient en la regardant prendre vie devant moi. Ce n’était pas sa réelle apparence, ses cheveux étaient si scintillants que l’on aurait dit qu’ils réfléchissaient la lumière, et sa peau si brillante qu’elle en avait l’apparence surnaturelle, mais il n’y avait pas le moindre doute sur l’identité de l’ange qui m’apparaissait alors. C’était Elle. J’ignorai que c’était possible, mais je me sentais désormais encore mieux que quelques instants plus tôt. C’était comme si je sentais désormais ma propre énergie vitale vibrer en moi. Comme si la matérialisation de Granger sous mes yeux en cet instant réveillait chaque cellule de mon corps, chacun de mes sens et chacune de mes particules magiques qui se mettaient toutes à danser en cœur.
Lentement, comme des étoiles qui venaient recouvrir son corps fait de diamants, d’autres couleurs vinrent se mélanger sur sa peau scintillante pour l’habiller. L’image qu’elle m’offrait n’était pas fixe, mais il me semblait déceler une robe aussi éthérée que légère qui évoquait une aura féérique avec un tissu vaporeux et transparent tombant sur son corps avec une fluidité à couper le souffle. De fines bretelles tenaient le haut de sa robe en un tissu délicatement brodé en un motif organique qui ne faisait que lui ajouter plus encore de douceur et de délicatesse. De minuscules éléments brillants, comme des cristaux, étaient incorporés dans le design, captant et reflétant la lumière avec une sensualité féérique magique. Sa tenue descendait eu une jupe légère et semi-transparente ressemblant à de l’organza, les plis de celle-ci captant la lumière en créant un jeu subtil de reflets irisés dans des teintes douces et pastel tout en laissant deviner ses jambes fines. Une finition légèrement métallisée renforçait le côté enchanteur ainsi que luxueux de l’allure qu’elle imposait devant moi, évoquant une esthétique onirique digne d’un conte de fées céleste. Si j’avais été capable, au début de cette expérience, de différencier l’hallucination de la réalité, je n’en étais désormais plus en capacité, et à vrai je n’en avais plus rien à faire.
Je voulais juste continuer de la voir. Je voulais seulement pouvoir continuer de l’admirer inlassablement, elle et sa beauté éthérée. Tout ce qui m’intéressait en cet instant était de lutter contre mon propre esprit embué pour me concentrer sur la précision de ses traits. Pour admirer jusqu’à la direction que prenait chaque poil de ses sourcils, la finesse de son nez et chaque pore parfait de sa peau. Je voulais pouvoir entrevoir chaque détail, chaque infime petit détail de ce qu’elle était dans son entièreté. J’aurais voulu pouvoir la toucher, pouvoir lécher, goûter, vénérer chaque centimètre carré de sa peau comme il se le devait, mais sans vraiment comprendre comment, je savais que je ne pouvais sentir matériellement ce que j’avais sous les yeux. Alors je la regardais, tout simplement. Et je ressentais l’effet qu’elle faisait à mon corps par sa simple apparition. Mon cœur qui battait plus vite que d’ordinaire comme s’il était en train d’entreprendre la course la plus sportive de sa vie. Mon sang qui se répandait dans mes veines au même rythme effréné. Ma respiration qui se faisait plus courte, comme si elle ôtait tout l’oxygène de la pièce en ne faisant que l’occuper de sa présence. L’énergie de ma magie qui vibrait au bout de mes doigts, pleurant de ne pouvoir rencontrer sa peau. Ma bouche qui s’humidifiait dans l’anticipation de l’hydrater de mes baisers. Et mon esprit. Mon esprit qui s’élevait au-dessus de toute logique, au-dessus de toute raison, jusqu’au-dessus des vivants pour rejoindre les cieux lorsqu’il pouvait témoigner de son indécente magnificence. Et je vibrais. Je la regardais, et j’étais en paix. Je la regardais, et je vibrais. Tout ce qu’elle avait faire, c’était se présenter devant moi. Et j’étais enfin en paix.
Alors je la regardais. Je regardais ses cheveux bien plus de feu que d’ordinaire se répandre en des mouvements fluides autour d’elle en une longue cascade flottante, comme si elle était dans l’eau en cet instant magique. Je regardais la façon dont ils brillaient de mille feux, à l’image de l’esprit qui se trouvait à l’intérieur de sa boîte crânienne. Je regardais sa peau, chaque millimètre qu’elle m’offrait à voir et les diamants qui la composaient. Je m’en rappelais sa douceur sans pareille. Je la regardais danser devant moi, ondulant et se mouvant au rythme des couleurs qui se réfléchissaient sur son corps illuminé. Je me laissais être subjugué par sa beauté irréelle, parce que c’était là tout ce qu’un homme pouvait faire face à un tel spectacle. Et c’était là ce qu’elle était vraiment. Trop splendide pour être proprement admirée par des yeux humains, trop douce pour être caressée de mains non immaculées, et trop parfaite pour être réelle.
Je ne savais combien de temps j’avais passé à l’admirer, ni même si je dormais, somnolais ou hallucinais en étant parfaitement éveillé, jusqu’à ce que je sois soudainement ramené à la réalité par la voix aussi distincte que colérique de mon frère, effaçant alors toute trace de Granger dans mon esprit :
- J’ai pas pour habitude de lever la main sur les femmes mais si tu continues j’y verrais pas le moindre putain d’inconvénient.
Je regardais autour de moi, mais tout ce que je percevais c’était le noir le plus total. J’entendais un bruit de draps qui bougeaient, mais ne voyait toujours rien. Au moins, je sentais que j’étais bel et bien dans mon lit.
- Lâche-moi, c’est mon dernier avertissement, trancha plus sèchement que jamais la voix de mon frère dans le vide.
Je me redressai aussi vite que je le pouvais et clignais des yeux avec frénésie. Doucement, des formes noires commencèrent à se dessiner sous mes yeux. Il faisait vraiment nuit noire. J’attrapais ma baguette sur ma table de chevet et lançai un lumos. A l’instant où la lumière fut, Theodore qui tenait le visage de la rouquine de tout à l’heure, lui écrasa violemment son crâne contre la barre en fer de son lit. Du sang jaillit avant qu’il ne débarrasse son lit du corps qui s’y était introduit en un mouvement d’un seul bras la balançant en l’air, la faisant retomber bruyamment sur le sol.
Je me levai avec hâte de mon lit, mon cœur battant la chamade dans mon poitrail. Je me sentais un peu nauséeux, et clairement ivre, ou quelque chose du genre. Je n’étais en tout cas toujours pas dans mon état normal, quand bien même le cadavre que j’avais sous les yeux et le sang qui s’échappait de sous le crâne de la fille m’avaient largement ramené à la réalité. Bouche-bée, je demeurai la baguette illuminée tendue sur elle, immobile. Theodore me rejoint alors face à la femme qui était indéniablement morte sur le sol de notre chambre.
- Oh putain, chuchotai-je alors sans croire à ce que j’avais sous les yeux.
- Oops, répondit alors mon frère.
Je tournais vers lui un regard outré et ouvrait la bouche, sous le choc.
- Oops ?! mumurai-je avec force. Tu viens de tuer une nouvelle recrue dans l’école avec laquelle on vient de faire un partenariat, et tu dis oops ?! m’indignai-je alors en faisant attention à ne pas parler trop fort malgré le choc.
- Elle essayait de me violer ! se défendit-il sur le même ton, son attitude verbale et non-verbale m’apprenant sans conteste que lui non plus n’était pas dans son état normal.
J’ouvrais grand les bras, les paumes de mes mains et ma baguette tournée vers le ciel alors que je le regardais avec incrédulité.
- Donc c’est pas grave de l’avoir tuée ?! continuai-je de chuchoter sur un ton agressif.
Pour toute réponse, il ne fit qu’hausser les épaules.
- Theo ! m’indignai-je encore.
Je laissai ma baguette rencontrer le sol et passait mes mains sur mon visage en soupirant. Il fallait que je me reprenne, la situation était grave. On ne pouvait pas se faire prendre alors que l’on venait de signer une alliance avec ces étudiants. Je n’imaginais pas quel serait notre comité d’adieu si nous partions en ayant assassiné l’une des leurs, et désormais l’une des nôtres.
- Bon, réfléchissons.
- On est ivre, ou drogués, ou les deux, observa alors Theodore.
- Merci de ta perpiscace contribution Theo, crachai-je avec sarcasme.
- Quelle idée de droguer des gens qu’on ne connaît pas aussi.
Une nouvelle fois, ma bouche s’ouvrit grand devant son culot.
- Parce qu’ils étaient censés deviner que t’étais un tueur en série ?!
- Je suppose que l’étiquette « représentant du Seigneur des Ténèbres » est assez claire en elle-même, argumenta-t-il calmement.
Un sourcil accusateur de sa réponse se leva sur mon front.
- Tu marques un point, me trouvais-je obligé de constater.
- Et tenter de l’agresser, on passe à un autre niveau de connerie, c’est pas une grosse perte, conclut-il aussi simplement que cela.
- Parce qu’elle voulait baiser ?! m’indignai-je à nouveau.
- Excuse-moi, quand on te dit non à plusieurs reprises et que tu t’introduis dans la chambre de la personne qui dort en pleine nuit et que t’essayes de la toucher sans son consentement, j’appelle ça un viol, exposa-t-il doucement et factuellement.
Je demeurai silencieux. Encore une fois, c’était effectivement le cas. Mais personne ne le croirait. Je soupesai les probabilités que l’on nous croit si nous racontions cela, et en venait à la même conclusion. Personne ne nous croirait. Il s’impatienta devant mon silence :
- Quoi, parce que c’est une meuf c’est ok de forcer comme un charognard et ça s’appelle plus une tentative de viol tout à coup ?
- Non, t’as raison, lui accordai-je finalement.
- Merci.
Je réfléchissais à nouveau. En soit, nous partions le lendemain matin. Ils n’auraient pas le temps de se rendre compte que cette fille, quoi que fut son nom, manquait à l’appel. Il nous suffisait de partir le plus tôt possible. Mais afin de nous débarrasser de toute accusation qui mettrait en péril notre partenariat avec Durmstrang, et donc notre vie face au Seigneur des Ténèbres, nous avions intérêt à faire disparaître toute trace de notre culpabilité. Je levai mes yeux embués vers Theo pour le trouver avec un sourire en coin sur le visage.
- J’peux savoir c’qui te fait sourire là ?
- Pansy aurait adoré cette histoire, chuchota-t-il avec une tendresse qui dénotait outrageusement avec la situation dans laquelle nous étions.
- Que t’ai tué une meuf ? ne pus-je m’empêcher de faire remarquer une nouvelle fois avec un ton concerné.
- Une meuf qui a essayé de me violer, se défendit-il une nouvelle fois.
- Quel genre de… commençai-je avant de me rappeler de qui nous parlions. Ouais, t’as raison en fait, lui accordai-je donc encore une fois.
Il ouvrit grand les bras comme si c’était là une évidence.
- Bon, on fait quoi ? repris-je malgré tout en reportant mes yeux sur le cadavre. Parce que j’sais pas toi, mais moi j’suis pas en état de dissoudre un corps là.
Il fit non de la tête pour me signifier que ce n’était pas son cas non plus.
- On peut toujours l’enterrer dans une leurs plaines ? suggéra-t-il alors.
- C’est clairement pas l’idéal, soupirai-je, mais j’t’avoue que je sèche là.
Alors nous avions décidé de faire cela, quand bien même ni lui ni moi n’étions persuadé d’être en état de faire quoi que ce soit d’autre que dormir. Theodore avait attrapé le haut de son corps, et je portais ses jambes alors que nous avancions à l’aveugle dans le noir le plus total d’une école que nous ne connaissions pas, ivres et peut-être hallucinant encore un peu. Nous nous étions pris plusieurs murs, avions fait trois fois le même trajet, nous étions mutuellement battus pour ne pas faire de bruit pendant que nous rigolions tellement qu’il en était difficile de contrôler nos vessies, nous nous étions étonnés de constater d’à quel point la fille en question était légère, puis avions uriner dehors une fois que nous étions enfin parvenus à sortir pour nous remettre de nos émotions.
Nous la portions ensemble lorsque je me rappelais d’à quel point ma nuit avait été agréable avant que je ne sois durement ramené à la réalité par le meurtre froid de mon frère. Je me rappelais vaguement de la vision divine que Granger m’avait offerte alors que je portais les jambes de la folle qui avait cru pouvoir abuser de Theodore et en tirer quelque chose de bon. Nous marchions tous deux, vêtus de nos pyjamas sans pour autant avoir froid (j’attribuais cela à l’alcool/drogue des bulgares) et demandais à l’intention de mon frère alors que nous pouvions enfin parler à voix haute :
- Dis, t’as eu des hallucinations toi aussi ?
- Ouais, répondit-il simplement alors que son dos avançait devant moi, le crâne sanglant de sa victime tâchant le haut de son pyjama vert.
- T’as vu quoi ? m’enquis-je donc.
Je ne voyais pas son visage en cet instant, mais je pouvais entendre le sourire dans sa voix quand il répliqua avec douceur :
- Comme toi.
Ma bouche s’ouvrit grand sous le choc.
- GRANGER ?! m’écriai-je alors avec horreur.
Il s’arrêta soudainement d’avancer, lâcha lassement le haut du corps de la fille tandis que son crâne s’éclatait une nouvelle fois sur le sol, ses bras retombant au-dessus de son visage alors que je continuais de tenir ses jambes sur mes épaules.
- Tu l’fais exprès où ? m’adressa-t-il avec un visage las.
J’ouvrais grand les bras et l’autre moitié du cadavre rejoint le haut du corps en s’éclatant sur le sol gelé.
- T’AS DIS « COMME TOI » ! continuai-je de m’énerver.
Il inspira profondément comme pour garder patience et m’adresser avec un calme plat :
- Vas-y, réfléchis deux minutes.
Je le regardais avec incrédulité.
- Ben comme moi, c’est Granger !
Il mit ses mains sur ses hanches et me regarda fixement, attendant que…
- Oh, réalisai-je alors.
- Ouais.
- Oooh ! compris-je finalement qu’il parlait de Pansy.
- Ça y est c’est monté, attesta-t-il pendant que je me mettais à rire.
- T’imagines si…
- Nan, coupa-t-il avec une moue de dégoût naissante sur ses lèvres.
Je ne pus me retenir de rire à pleine voix.
- Si t’avais vu…
- Nan, trancha-t-il tandis que sa moue de dégoût s’intensifiait sur son visage, ne me faisant que rire plus encore.
- Ah putain, riais-je alors à cœur joie.
- Arrête, me somma-t-il avec un inconfort grandissant.
Je ne pouvais pas m’arrêter d’imaginer sa gueule s’il s’était retrouvé face à une hallucination qui lui montrerait Granger plutôt que l’amour de sa vie, alors avec lassitude Theodore attrapa d’une main les cheveux de feu de la fille et traîna ainsi le cadavre derrière lui en avançant dans les jardins gelés pendant que je me tapais ma meilleure barre.
Lorsque je l’avais finalement rejoint, nous avions encore marché un instant jusqu’à ce que nous ayons considéré être assez loin de l’école ou de tout terrain prêté à des activités, du moins de ce que nous supposions, pour enterrer la malheureuse. Alors que nous lâchions tous deux son corps, nous nous regardions tous les deux dans le blanc des yeux.
- Putain, chuchotai-je alors.
- Ouais, confirma-t-il.
- On a pas d’pelle.
- Ouais.
Emporté par la fatigue et peut-être aussi par l’alcool ou la drogue, je ne le savais pas, je m’accroupissais sur le sol et me mit à rigoler à nouveau, mes mains cachant mon visage.
- Ah putain d’merde Theo, j’en peux plus, rigolai-je nerveusement.
Mon frère se laissa tomber à côté du cadavre dans l’herbe blanche et s’allongea de tout son long sur le dos.
- Sinon on a qu’à leur dire la vérité, proposa-t-il alors.
- De quoi ?
- Qu’elle a essayé d’me violer. Qui tiendrait rigueur à une victime d’avoir tué son violeur pour se défendre ?
Je continuais de doucement rire nerveusement, non pas que je trouvais quoi que ce soit drôle dans la situation présente.
- Personne va nous croire, soupirai-je alors.
- Pourquoi ? demanda-t-il avec une sincère naïveté.
Je laissai mes mains retomber entre mes jambes alors que je laissais mes yeux le rencontrer :
- Tu t’es regardé ?
- C’est pas très gentil, répondit-il en ignorant encore une fois la beauté qui était pourtant évidente aux yeux de qui que ce soit d’autre.
- Mais non putain, riais-je encore devant son innocence, j’veux dire t’as vu ton gabarit à côté du sien ?!
Il tourna le visage dans l’herbe vers le cadavre, puis le retourna vers moi.
- Et alors ?
- Et alors personne ne va croire qu’elle, elle a essayé de t’agresser toi !
- C’est complètement débile, lâcha-t-il avec lassitude.
- Je sais, lui accordai-je, mais c’est comme ça. Ils croiront que c’est toi qui l’as agressée, c’est tout.
- Mais j’ferai jamais ça, se défendit-il encore, en plein dans l’incompréhension de la conversation que nous avions.
- Je sais.
- Alors pourquoi ils croiraient ça ?
- Ils te connaissent pas.
Une moue accusatrice se dessina sur ses lèvres alors qu’il regardait le ciel étoilé au-dessus de nous. Doucement, il déclara avec une sagesse enfantine :
- J’aime pas les gens.
- Je sais.
- On a qu’à tuer tout le monde, suggéra-t-il alors aussi calmement que sérieusement.
- Theo…, soupirai-je avec un sourire.
- Quoi ? Ça règlerait beaucoup de nos problèmes.
Un nouveau rire nerveux fit sursauter mes épaules, mais je ne riais qu’à moitié, parce que je savais parfaitement qu’il était tout à fait sérieux.
- Plus de gens, plus de guerre, argumenta-t-il avec le plus grand sérieux. Plus de guerre, plus de recrutement. Plus de recrutement, plus de gens, acheva-t-il sa boucle.
- Ça ferait beaucoup de monde à tuer, nuançai-je alors en le regardant.
Ses cheveux noirs détonnaient outrageusement avec le gel blanc qui recouvrait les bruns d’herbes sur lesquels il était allongé. C’était sans nul doute là le plus magnifique assassin qui existait. Je m’autorisai à rêver, l’espace d’une seule seconde, à quel point ma vie serait paisible si tout le monde mourait, et qu’il ne restait que lui. Oui, je pourrais faire avec, songeai-je avec un tendre sourire.
Mon frère haussa les épaules à ma réponse :
- En une semaine c’est réglé.
Je pouffai :
- Y a pas à se vanter comme ça.
Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres quand il me répondit :
- T’inquiète, j’t’apprendrais. En plus avec les dra…, il s’arrêta et se releva brusquement.
Nos deux bouches grandes-ouvertes s’imitaient alors que l’on se regardait avec des yeux illuminés. En cœur, nous hurlions :
- LES DRAGONS !
- Putain ! m’extasiai-je en me ruant sur lui. T’es brillant !
J’attrapai son visage et embrassai fermement son front.
Nous étions donc repartis avec notre cadavre sur les bras en direction de nos deux dragons qui ne feraient certainement qu’une seule bouchée de la fille que nous leur amenions. J’avais déjà vu Ragnar faire, il se ferait un malin plaisir de faire disparaître ce problème pour nous, et nous n’aurions pas à nous inquiéter qu’elle soit découverte, quand bien même son absence finirait par être notée. Ils ne pourraient pas nous incriminer sans preuve.
Une fois arrivé face à nos deux créatures endormies, nous leur balancions le corps tandis qu’ils levaient vers nous deux immenses gueules endormies.
- Petit-déjeuner très matinal ! leur annonçai-je avec entrain. Bon appétit !
Les deux bêtes nous regardaient sans s’approcher du corps pour le dévorer. J’attendais un peu avant de réitérer mon invitation :
- Bah allez ! Bouffez-là !
Ils ne bronchèrent toujours pas, nous regardant avec lassitude.
- Qu’est-ce que vous attendez ? demandai-je alors.
- Tu es ivre, humain pleurnichard, commenta la grosse voix de Ragnar dans mon esprit.
- Ouais, ouais, la paix, soupirai-je à travers notre lien. Vous avez pas faim ?
Les deux dragons échangèrent alors un regard que je ne parvenais pas à interpréter. Lasse et fatigué, je coupai court à leur caprice :
- Bon écoutez, il faut que dès que le soleil se lève elle ait disparu, c’est très important. Vous avez juste à la bouffer, on compte sur vous ! les sommai-je en pointant un doigt sérieux vers eux.
Ils s’étaient recouchés en grognant, et Theodore et moi étions repartis à la recherche de notre chambre pour terminer notre nuit.
- Si tu pouvais éviter de tuer quelqu’un d’autre avant demain, ce serait sympa, lui adressai-je alors que nous rentrions à l’intérieur.
- J’vais essayer, promit-il alors.
Nous n’avions pas eu de mal à retrouver un sommeil aussi lourd que profond lorsque nous avions terminé de nettoyer le sang sur le lit de Theo, son pyjama, ainsi que sur le sol de la chambre, et avions passé le reste de notre nuit en relative paix. Au petit-matin, je m’étais demandé si tout cela n’avait été qu’un rêve de ma part, mais le visage qu’abordait mon frère m’avait confirmé que nous avions eu la même expérience. Nous nous étions donc levés, avions préparé nos affaires aussi rapidement que possible, et n’étions pas même restés prendre le petit-déjeuner avant de dire au revoir à Karkaroff pour rentrer chez nous, notre mission partiellement accomplie. Nos sacs sur le dos, nous approchions de leur porte principale quand soudain la rousse se matérialisa devant nous. En vie, et sans la moindre trace de sang sur le visage. Un sourire diabolique sur le visage, elle s’approcha d’un Theodore aussi interdit que moi :
- C’était une petite blague enfantine, chuchota-t-elle à son oreille, ne m’en veux pas trop. Les filles de Durmstrang n’ont rien à voir avec celles de Poudlard, on a l’habitude de s’amuser avec la magie noire.
Et sans plus de cérémonie, elle partit en direction du réfectoire pour prendre son petit-déjeuner on ne pouvait plus vivante alors que mon frère et moi demeurions comme deux cons, bouches-bée, et victimes de nos hallucinations teintées de la magie noire d’une sorcière qui ne prenait guère bien le refus d’un homme qu’elle désirait.
- On refout plus jamais les pieds ici, déclara Theo alors que nous partions finalement avec hâte en direction de nos dragons qui avaient dû nous prendre pour de sacrés imbéciles.
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Liv