Dollhouse

Chapitre 51 : Le fantôme

9574 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/12/2024 17:35

Le jour de l’anniversaire de Pansy, Theo et moi avions rendu visite au Seigneur des Ténèbres dans nos Quartiers Généraux afin de l’avertir de notre projet de voyage. S’il ne s’était pas montré d’un entrain intense face à notre proposition, il nous avait tout de même permit de nous rendre à Durmstrang, et en cela nous supposions qu’il était satisfait de notre initiative. Il nous avait demandé si nous avions besoin d’emmener des soldats avec nous, et j’avais refusé. Je faisais le pari que nous n'aurions pas besoin de nous battre, et que cette mission pouvait largement être conduite par nous deux. Il nous avait donc autorisés à partir, à condition que nous soyons revenus le 3 février, au maximum. Afin que les potentiels soldats qui s’engageraient là-bas puissent venir récolter leur Marque pour pouvoir transplaner directement dès que nous aurions besoin d’eux, il nous avait livré un Portoloin à leur laisser. 

Lorsque nous étions rentrés, Theodore m’avait parlé en priorité avant de mettre Blaise au courant. Ce qu’il avait préparé pour Pansy était d’une telle intimité qu’il ne m’avait déjà pas à moi donné tous les détails, et à Blaise encore moins. Alors qu’ils étaient éperdument amoureux l’un de l’autre et que chacun avait ses souvenirs intacts, dans un moment vulnérable d’intimité, Pansy avait livré à Theodore quelque chose qu’elle n’avait jamais dit ni à Blaise, ni à moi. Sur base des éléments de la vie de Pansy que je connaissais, je comblerai dans le texte suivant les trous laissés par Theo pour respecter l’intimité de sa moitié : 

Depuis qu’elle avait été abusée par son oncle, Pansy éprouvait parfois des difficultés lorsqu’elle se retrouvait seule avec son esprit. Des images, des sons, parfois des sensations faisaient monter en elle angoisse et terreur. Les trois quarts du temps, ces remontées terribles du passé étaient apaisées par la simple présence de Theodore à ses côtés. S’il ne pouvait pas effacer ce qui lui était arrivé, l’amour qu’elle éprouvait pour lui et qu’elle savait indéniablement qu’il éprouvait pour elle pansait ses blessures. Et puis, Theodore étant Theodore, à ses côtés elle se sentait protégée. Après tout, elle avait assez testé ses capacités à pouvoir la protéger en déclenchant des bagarres intentionnellement pour le voir prendre sa défense et écraser chacun de ses adversaires. Seulement, parfois Theodore n’était pas à ses côtés. Parfois elle était seule la nuit, ou parfois elle était chez ses parents lors des vacances. Dans ces cas-là, il n’était pas là pour apaiser les maux de son passé. Lorsque cela était le cas, Pansy avait confié à Theodore qu’elle s’était mise à visualiser et à s’imaginer, comme sous une transe hypnotique dans laquelle elle se mettait elle-même, une sorte de forêt magique et enchantée dans laquelle elle se sentait apaisée et protégée, parce qu’elle y était seule, et qu’à cet endroit de son esprit, personne ne pouvait lui faire de mal. Quand il n’était pas là, elle fermait les yeux et elle imaginait cet endroit sécure pour retrouver un sentiment interne de sécurité. Désormais, elle n’avait plus Theodore. Ni le jour, ni la nuit. 

Alors, ces dernières nuits, au lieu de dormir, Theodore avait utilisé une technique avancée de magie projective pour créer un immense tableau pour Pansy. Ce qu’il voyait avec détail dans son esprit était retranscrit avec magie sur une toile comme un peintre le ferait avec un pinceau. En utilisant chaque détail qu’elle lui avait transmis sur cet endroit sécure qu’elle s’était créé, il l’avait rendu concret pour elle afin qu’elle puisse retrouver ce sentiment de sécurité alors qu’il n’était plus là pour elle comme elle l’avait connu jusqu’alors. J’avais alors compris pourquoi les cernes violettes de mon frère ne s’amoindrissaient pas. Puisqu’il ne pouvait pas lui dire que cela venait de lui, Theo avait dit à Blaise et moi de lui raconter qu’elle nous en avait parlé une fois alors qu’elle était ivre, et que nous avions tous deux créer ce tableau pour elle. 

Le soir de l’anniversaire de Pansy, nous étions donc tous quatre dans la chambre de Theodore désormais habitée par Pansy, face à l’énorme tableau qui remplissait intégralement le mur face à son lit. Il était à couper le souffle. La forêt enchantée était plongée dans une nuit aux teintes bleutées et étoilée. Comme s’ils protégeaient Pansy, des rangées d’arbres d’une hauteur impressionnante entouraient chaque coin du tableau, ne permettant pas à qui que ce soit de s’incruster dans ce décor. Au centre du tableau siégeait un arbre plus haut et au tronc plus imposant que les autres. Il était d’une magnificence à couper le souffle. Entre ses racines visibles s’écoulait un ruisseau d’un bleu si clair que des lucioles étaient visibles, brillant à l’intérieur de celui-ci, l’illuminant de leur beauté magique. De part et d’autre, des plantes magiques luminescentes, certaines violettes, d’autres vertes, certaines bleues, décoraient les alentours. L’intégralité de la scène était dessinée du point de vue de Pansy, assise par terre face à l’arbre. Puisqu’il était fait avec de la magie, les couleurs, l’eau du ruisseau, les feuilles des arbres et la luminescence des plantes ainsi que des lucioles étaient animées, se mouvant et brillant comme si le tableau était vivant. Comme s’il n’était qu’une fenêtre sur une forêt enchantée qui était réelle. 

A côté de moi, une unique larme perlait sur le visage époustouflé de Pansy. Elle regardait le tableau, ses lèvres rosées entre-ouvertes et ses yeux émerveillés grands-ouverts. Elle était sans voix. Nous l’étions tous. Je ne savais pas s’il avait déjà existé, de l’histoire entière des cadeaux d’anniversaire de l’humanité, de cadeau plus parfait, plus intime, et plus magnifique que celui-ci. Mes yeux s’étaient mouillés de larmes, à moi aussi. Non seulement parce que ce tableau que mon frère avait fait était, effectivement, à couper le souffle, mais surtout parce qu’il l’avait fait pour elle parce qu’il savait qu’il ne pouvait plus lui apporter la sécurité qu’elle n’avait jusqu’alors trouvé qu’en lui dans sa vie. Dans ce geste, il essayait de lui en rendre un peu. Et il me semblait qu’alors que Pansy ignorait qui avait réellement fait cela pour elle, et qu’elle ignorait que Theodore prenait soin d’elle plus que personne ne l’avait jamais fait, qu’en réalité il continuait, aujourd’hui encore, à lui apporter la sécurité dont elle avait besoin. Ce qui me faisait pleurer, c’était qu’elle l’ignorait, et que je savais que de l’autre côté, mon frère lui, se rappelait de tout. Je n’étais pas certain d’avoir beaucoup vu, dans l’intégralité de ma vie, Pansy sans voix et abordant un visage si marqué par l’émotion. Je trouvais cela horriblement injuste qu’elle ne sache pas que, comme toujours, le seul qui était parvenu, encore une fois, à la rendre fébrile, à la rendre émotive, à la faire rougir, baisser les yeux ou fermer la bouche était Theodore. Son Theodore. 

-       Comment… comment vous avez su ? avait-elle pu chuchoter un certain moment après la découverte du tableau. 

Je souriais à son visage, quand bien même elle ne parvenait pas à décrocher ses yeux émerveillés du tableau. 

-       Tu nous en a parlé un soir où tu avais un peu bu, chuchotai-je alors, conscient que Blaise n’était pas favorable à l’idée de lui mentir en ce qui concernait sa relation avec Theo. 

Les yeux de Pansy demeurèrent un long moment hypnotisé par le tableau qui ornait désormais le mur de sa chambre. Je tournais le regard vers mon frère. Ses yeux étaient rouges et remplis de larmes. Mon cœur se brisa dans mon poitrail. Il tourna les yeux vers moi et m’offrit un trop faible sourire pour apaiser la douleur dans mon torse. 

-       C’est parfait, murmura finalement une Pansy absorbée. 

Les yeux de mon frère se fermèrent quelques secondes, comme pour laisser ces mots et ce ton de voix, apaisé et heureux de sa moitié, raisonner en lui. Quand il rouvrit les yeux, son sourire était plus sincère sur son visage, quand bien même j’y décelais l’incommensurable douleur qu’il ressentait. Son torse se gonfla d’air et avant qu’une larme ne perle sur sa propre joue, il tourna les talons, et s’en alla. 

Ensuite, nous avions bu. Pour l’occasion, nous nous étions tous habillés. Pansy portait une robe noire courte et moulante aux manches longues qui donnait du fil à retordre à mon frère pour garder ses yeux pour lui-même, ainsi qu’un collant bordeaux. Ses trois gentlemen, bien entendu, étions vêtus de costumes noirs. Tout le meilleur, et rien que le meilleur pour notre Pansy. Mint nous avait préparé pleins de petits-fours, quand bien même Theo avait demandé à ce qu’elle dispose des grappes de raisin, que Pansy mangeait d’ordinaire assez facilement et sans trop y penser, de part et d’autre sur la table basse du salon. Au bout du 3ème verre déjà, Pansy était assise sur le sol face à la table basse, Blaise et moi étions face à elle sur le canapé et Theo sur sa gauche sur le fauteuil. Atlas, le chat de Blaise, ronronnait sur les cuisses de Pansy. 

-       Vous savez ce qui m’ferait grave plaisir là ? demanda une Pansy qui commençait à être éméchée. 

-       Dis-nous tout, notre très chère reine, l’incita Blaise avec un sourire. 

-       Que chacun propose une torture adéquate pour Maxwell, déclara celle à qui appartenait la soirée. 

-       Oooooh, les mots d’amour, s’extasia Blaise en riant.  

-       Vraiment, tu veux parler boulot ? lui demandai-je quand bien même nous retrouvions bien là notre Pansy. 

-       Boulot ? ironisa-t-elle avec un sourire qui dévoilait toutes ses dents, ainsi que ses intentions diaboliques. Je parle pas business là mon grand, je parle plaisir, ronronna-t-elle presque à l’image du chat sur ses cuisses. 

Blaise balança le visage en arrière à côté de moi et ri à pleine voix. 

-       Putain, tu m’avais manqué, lui adressa-t-il alors que ses yeux lui souriaient autant que son visage.  

-       Arrête la nostalgie, le coupa-t-elle dans son élan émotionnel, j’veux savoir le genre de trucs que t’as envie de faire à ce fils de pute, concentre-toi. 

-       Vas-y attends faut qu’je réfléchisse, se reprit-il alors en se concentrant, son verre toujours à la main. 

Pansy prit une nouvelle gorgée du sien alors que je riais, moi aussi. À moi aussi, ils m’avaient manqué. Si je ne m’en étais pas rendu compte jusqu’alors, c’était le cas en cet instant. Les instants comme celui-ci avaient autrefois été mon quotidien. Ils étaient désormais si rares qu’ils en devenaient une de mes plus précieuses possessions. 

-       Vous êtes pas possibles, soufflai-je tandis que je en riais encore. 

-       Le fantôme tu joues aussi, adressa alors Pansy vers Theo, va bien falloir que j’finisse par comprendre le genre de bonhomme que t’es, puisque t’es tout l’temps là. 

Elle l’avait voulu comme un reproche, c’était indéniable, mais le ton dans sa voix troublé par l’alcool semblait attester d’une curiosité naissante en elle. Si celle-ci était positive ou bien négative, cela, je ne le savais pas. La mâchoire de Theo se contracta, et il porta à son tour son verre à sa bouche. Il ne décollait pas les yeux de ses propres cuisses, probablement trop réticent à les poser sur le corps moulé et dévoilé de sa moitié qu’il ne pouvait plus toucher. 

-       Y a quoi à gagner ? demanda alors un Blaise intéressé.  

-       Ah parce que c’est une compétition en plus ? questionnai-je sans n’être vraiment surpris. 

Pansy tourna le visage vers moi et me lança un de ses regards plein de jugement. 

-       De nous tous, c’est vraiment toi qui poses la question ? 

Je levai un sourcil approbateur en sa direction. 

-       Je te l’accorde, avouai-je. 

J’étais sans conteste le plus compétiteur de chacun d’entre nous, quand bien même Pansy et Blaise étaient particulièrement joueurs. Surtout Pansy, d’ailleurs. Mais s’il arrivait un stade où elle finissait toujours par lâcher, moi, je ne lâchais jamais. Pas lors d’une compétition. De toute ma vie, je n’avais rencontré qu’une seule autre personne qui était aussi compétitive que moi, ainsi qu’aussi brillante d’ailleurs, ce qui n’arrangeait pas mes affaires pour gagner mais qui rendait néanmoins incontestablement bien meilleure la victoire. 

-       Mmh…, songea Pansy pour répondre à Blaise, puisque j’ai rien à vendre qui puisse vous intéresser… 

-       … Oh parle pas si vite mon cœur, la coupa un Blaise très joueur. 

Les yeux soudains et proprement assassins que Theo leva vers lui ne laissaient pas place à interprétation. Il était mortellement sérieux. Blaise se racla la gorge et se rassit plus droitement sur le canapé à côté de moi, tout sourire joueur quittant son visage. Moi aussi, ces yeux-là m’auraient fait peur. Puisque Pansy ne se souvenait pas de Theo ni qu’elle était amoureuse de lui depuis son enfance, je supposai que Theodore n’était pas prompt à permettre à Blaise ses remarques et plaisanteries emplies de drague et de sous-entendus habituels, trop effrayé à l’idée qu’elles ne soient envisagées comme autre chose que des plaisanteries de la part de Pansy. La principale intéressée, elle, était trop occupée à manger absentement un raisin alors qu’elle réfléchissait, son esprit embué par l’alcool alors qu’elle mangeait si peu : 

-       La ferme Zabini, lui adressa-t-elle néanmoins. Je disais donc : je propose mon respect au vainqueur. 

-       Parce qu’on l’a pas déjà ? s’étonna Blaise. 

Ce fut son tour à lui de récolter un regard appuyé et plein de jugement de la part de Pansy. 

-       T’es revenu y a deux jours inconscient et complètement défoncé bichette, t’es mignon mais tu crois que j’te respecte quand j’te vois comme ça ? le taquina-t-elle avec un sourire provocateur. 

Une nouvelle fois, le visage de Blaise parti en arrière alors qu’il hurlait de rire. Je rirai, moi aussi, et je ne pus m’empêcher de noter le sourire en coin qui avait animé l’espace de quelques secondes les lèvres de mon frère. 

-       Elle était belle celle-là, j’te l’accorde.  

-       Bon alors qui commence ? s’impatienta Pansy en laissant ses yeux arpenter l’assemblée que nous étions alors qu’elle frottait ses mains l’une contre l’autre.

Ses magnifiques yeux maquillés de noir s’arrêtèrent un instant sur son rat blanc qui montait sur les jambes de Theodore, à sa gauche. Cela ne dura qu’une fraction de seconde, mais elle fronça les sourcils, puis dès que Blaise s’exclama, elle tourna les yeux vers lui :

-       Oh c’est moi qui ai mangé mes morts, j’pense que j’ai large mérité le droit de commencer !

-       Vas-y princesse, on t’écoute, l’encouragea Pansy en prenant une nouvelle gorgée de son verre.

Une nouvelle fois, Blaise rajusta sa position assise sur le canapé alors qu’il réfléchissait. Les yeux rivés vers le plafond de mon salon, il commença : 

-       J’pense que d’abord je lui laverai la bouche à la javel jusqu’à ce que ses lèvres et l’intérieur de ses organes soient intégralement brûlés pour avoir osé balancer.  

Theo et moi levions vers lui des yeux le mettant en garde, mais les siens étaient rivés sur le plafond alors qu’il continuait : 

-       J’crois qu’ensuite je le tabasserai violemment jusqu’à avoir pu sortir de moi toute ma rage, et toute ma colère, mais genre je le laisserai vivre, comme ça après je lui couperai chacun de ses doigts, un à un, et ensuite je le regarderai se vider de son sang et me supplier de l’achever alors que goûte après goûte, il crèverait lentement pendant que je me délecterai du spectacle, finit-il alors en souriant. 

Les yeux que Theo posaient sur lui étaient sans conteste un avertissement, et je supposai qu’une expression similaire était lisible sur mon propre visage. Il nous souriait, satisfait de lui-même. Le petit enfoiré en profitait pour essayer de raviver la mémoire de Pansy en racontant mot pour mot ce que Theodore avait fait à son oncle. Après nous avoir souri, il avait posé ses yeux sur Pansy, attendant un verdict. 

-       Merde, reconnut-elle, j’savais pas que t’avais ça en toi Zabini ! J’vais même pas mentir, j’ai un coup d’chaud, dit-elle en se ventilant d’une main alors que l’autre caressait le chat de Blaise. Pas mal, j’te l’accorde, pas mal du tout. Drago ? me demanda-t-elle ensuite. 

Je dus faire un effort pour détourner mes yeux de Blaise, mon énervement grandissant face à son affrontement presque direct à mes ordres, et passai une langue sur mes lèvres alors que je réfléchissais finalement à sa question : 

-       Je crois que je lui presserai les couilles dans un étau jusqu’à ce qu’il en crève, lâchai-je alors sans avoir vraiment pris le temps d’élaborer ma réponse. 

Nous partions le lendemain matin. Blaise ne pouvait pas représenter un problème.  

-       Basique, mais efficace, j’apprécie l’image mentale qui en découle, complimenta presque Pansy.

Elle tourna le visage vers Theo sur sa gauche et demanda avec des lèvres pincées :

-        L’fantôme ? 

Il était en train de caresser le rat de Pansy, Loki, qui reposait sur ses cuisses. Il ne leva pas les yeux vers elle quand il répondit d’une voix aussi basse que rauque : 

-       Je l’allongerai sur une table en marbre, je mettrai un seul et unique rat sur son ventre, et je mettrai un sceau dessus pour l’emprisonner-là. Je chaufferai le sceau, enchaîna-t-il d’un ton bas et traînant saisissant, je le chaufferai jusqu’à ce que le rat creuse, et creuse encore sa peau, puis sa chair, puis ses entrailles, puis l’intérieur de son corps et chacun de ses organes à la recherche d’une échappatoire qu’il ne trouverait pas. 

Mes yeux étaient rivés sur Pansy. Elle avala sa salive et demeura silencieuse l’espace de quelques secondes. Elle avait ses yeux fixés sur les longs doigts de Theo qui jouaient avec son rat à elle. Elle lécha finalement le bout de ses lèvres avant de pester : 

-       Ouais, du genre psychopathe du coup. A moi de jouer, c’est quand même mon anniversaire ! s’exclama-t-elle en détournant finalement ses yeux de Theo et de son rat. Moi…, songea-t-elle un instant avant de parler d’une voix basse et entraînée dans le fantasme qu’elle mentionnait qui ressemblait à la façon dont Theo en avait parlé, je crois que je l’enfermerai dans un cachot, à poil, sans eau et sans nourriture, et tous les jours je viendrais le voir, juste une fois par jour, avec une toute petite fiole, et chaque jour il ne saurait pas si c’est de l’eau ou si cette fois-ci ce serait enfin du poison et qu’enfin il va mourir, et tous les jours je pourrais voir la terreur sur son visage jusqu’au jour où, des centaines de jours plus tard, alors qu’il serait tellement sûr que je ne le ferai jamais, je lui amènerai un poison de mort lente pour que je puisse voir la douleur et la terreur sur son visage le plus longtemps possible avant qu’il ne crève enfin comme la sombre merde qu’il est, acheva-t-elle avec un sourire sur les lèvres et un soupir presque orgasmique. 

Je tournai les yeux vers mon frère. L’espace de quelques secondes, il y eut un petit sourire en coin sur son visage. 

-       Merde, Pansy, chuchota Blaise. 

Elle leva vers lui ses sourcils avec un sourcil diabolique. 

-       J’aime prendre mon temps, ronronna-t-elle encore. Bien ! s’exclama-t-elle ensuite. Après délibération entre moi et moi j’annonce que le vainqueur c’est…

Elle s’arrêta avant d’exiger : 

-       Roulement de tambours, les mous du g’noux. 

Bien entendu, Blaise et moi obéissions et frappions de façon alternée sur la table basse qui tremblait. 

-       MOI ! s’écria-t-elle avec un large sourire en élançant ses bras au-dessus d’elle. Eh ouais, vous êtes trop mous les loosers, nous charia-t-elle avec une moue supérieure. Une nouvelle fois c’est la seule meuf de la pièce qui prouve avoir la plus grosse paire de couilles, et vous pourrez tous repasser plus tard pour espérer mon respect ! 

Puis elle leva son verre, et le vida cul-sec. 

La fête battait son plein et les verres s’enchaînaient. Blaise et Pansy, Pansy en particulier, burent à outrance. Theo et moi, outre le fait que nous partions le lendemain matin en mission pour le Seigneur des Ténèbres, n’aimions pas particulièrement perdre le contrôle de nous-mêmes, contrairement à eux. Nous trinquions généreusement, mais rarement aussi généreusement que ces deux-là.  

-       Roh, détendez-vous un peu ! s’était plaint une Pansy ivre qui s’écroulait presque sur la table. 

-       J’te rappelle qu’on part en voyage d’affaires demain Madame, souris-je tendrement vers elle. 

Ses yeux embués s’illuminèrent alors qu’elle songea : 

-       C’est vrai, vous allez ramener des Bulgares qui savent faire v’la de la magie noire et qui sont des putains d’mecs virils et capables ! Mmh, se délecta-t-elle, ça sonne juste comme mon genre. 

Tout sourire quitta mes lèvres alors que je tournais les yeux vers mon frère. Il mordait l’intérieur de ses joues et regardait fixement, sans même cligner des yeux, le sol sur lequel Pansy se tenait. Quand bien même elle était ivre, Pansy nota que j’avais tourné les yeux vers Theo. Trainant une main après l’autre sur le sol, se faisant glisser sur celui-ci, à moitié-assise et à moitié allongée sur le sol vers lui, elle le regarda avec intrigue. Il continuait de mordre l’intérieur de ses joues, mais cette fois ses yeux étaient fixés sur ses propres cuisses sur lesquelles reposait encore le rat de Pansy qui, sans nul doute, sentait l’absence de Kira, le serpent de Theo qui était sa seule amie. 

-       Qu’est-ce qu’il te veut, ce con de rat ? pesta-t-elle alors. 

Blaise et moi étions absolument silencieux, comme si tout l’air de la pièce s’était évaporé et qu’il ne restait que Theo et Pansy que nous regardions tous deux d’un œil plus qu’attentif. Le temps, lui aussi, semblait s’être suspendu. Il n’y avait que Pansy, sur le sol devant lui et posant sur lui un regard intrigué avec ses deux grands yeux verts, et Theodore, assit sur le canapé, la mâchoire serrée et le visage porté bas. 

-       Il cherche mon serpent, finit par répondre Theo froidement. 

Pansy pouffa. 

-       Bien sûr qu’t’as un serpent, souffla-t-elle alors. Il est où ? demanda-t-elle tout de même. 

-       Voldemort l’a tué, lâcha-t-il avec une froideur qui ne parvenait pas à masquer sa douleur. 

Les sourcils de Pansy se froncèrent sur son front. Toute ombre de sourire moqueur s’évanouit de ses lèvres pulpeuses. 

-       Pourquoi ? questionna-t-elle sur un ton dénué de jugement ou de sous-entendu. 

Parce qu’il protégeait ton cadavre de sa magie noire. 

-       Parce qu’il s’est attaqué au sien, mentit-il. 

-       Mh, pas très malin comme reptile, conclu Pansy en haussant les sourcils, désormais désintéressée de cette conversation. Je connais ces deux p’tits cons comme ma poche, continua-t-elle ensuite à propos de Blaise et moi, mais toi, j’me rappelle rien, posa-t-elle plus sérieusement. 

Elle marqua une longue pause pendant laquelle Theo ne dit rien. Blaise et moi n’osions pas même bouger sur notre canapé. Elle ne le lâchait pas son visage des yeux. Ses jambes étaient allongées sur le sol, traînait derrière elle alors que son buste relevé était tourné vers lui, appuyée sur sa main gauche pour se surélever. Elle le regardait comme si elle cherchait à résoudre une énigme qu’elle ne parvenait pas à saisir. Theodore, lui, ne bronchait pas. Son torse continuait de se soulever et de s’abaisser en des mouvements parfaitement réguliers. Ses yeux, eux-aussi, demeuraient figés sur le rat qui habitait ses jambes. Soudain, la voix de Pansy trancha le silence une nouvelle fois : 

-       Pourquoi tu me regardes jamais dans les yeux ?

Si nous manquions tous déjà d’air, elle vola tout celui qui restait dans la pièce en prononçant ces quelques mots léthaux. Theodore ne broncha pas, mais cette fois-ci son torse ne se souleva pas pour inspirer à son rythme parfaitement réglé. 

-        J’te fais peur ? continua-t-elle alors devant sa non-réponse. 

Un sourire en coin étira la bouche de Theo l’espace d’une seconde, avant qu’il ne se reprendre et ne retrouve son impassibilité. 

-       Ça doit être ça, oui, répondit-il alors finalement à voix basse. 

-       De c’que j’ai compris, t’as pourtant pas l’air du genre à avoir peur aussi facilement l’fantôme, ne lâcha-t-elle pas, ses grands yeux verts rivés sur le visage de Theo. 

Il fallait reconnaître qu’il y avait là de quoi être suspect. Elle le voyait regarder tout le monde dans les yeux. Tout le monde, sauf elle. Et elle ne se rappelait pas de son histoire. 

-       C’est les femmes qui te font peur ? le chercha-t-elle encore. Y a pas de Madame Nott ? demanda-t-elle avec sarcasme. 

La mâchoire de Theo se contracta visiblement. Il commençait à se tendre vraiment. Elle. Cela aurait dû être elle, ce soir même. Un pincement désagréable gêna mon cœur.

-       Non, j’ai pas su la garder, avoua-t-il douloureusement. 

Pansy pouffa une nouvelle fois, toute empathie évanouie dans son corps ivre. 

-       J’imagine pas le genre de meuf que ça devait être. 

-       Il les aime tarées, tenta de s’insérer Blaise sur un ton plus léger. 

Pansy tourna les yeux vers lui avec un sourire : 

-       Comme c’est étonnant, ironisa-t-elle alors. Une psychopathe, cracha-t-elle en tentant difficilement de se relever du sol sans que Theo ne lui offre une main aidante, voilà c’qu’il faut pour être avec un malade pareil. 

-       Tu crois pas si bien dire, enchaîna doucement Blaise avec un sourire alors que Pansy se redressait. 

Ses longues jambes fines étaient dévoilées par sa courte robe et ses collants bordeaux, juste devant lui. Il pinça ses lèvres, ses yeux intensément rivés sur ce putain de rat pour ne pas les lever face à lui. De ses deux mains, Pansy envoya ses cheveux courts, quand bien même ils avaient poussé, derrière ses épaules et dépoussiéra le bas de sa robe des poils du chat de Blaise. Elle tituba jusqu’à la table basse, prit une nouvelle gorgée généreuse de son verre, et en cet instant je savais qu’il coûtait à mon frère l’intégralité de la force de sa volonté pour ne pas laisser ses yeux profiter des courbes de son corps qu’elle offrait là. Finalement, elle se retourna face à Theo et lui fit signe de se lever de ses mains : 

-       Aller, amène-toi, ordonna-t-elle alors. 

Un unique sourcil circonspect se leva sur le front de mon frère tandis que mon cœur se mit à battre violemment dans mon poitrail. Que cherchait-elle à faire avec lui ? 

-       Paraît qu’t’es fort au combat, continua-t-elle sur un ton emplein de jugement, alors vas-y l’fantôme, montre-moi. 

Blaise et moi échangions un regard similaire, nos deux yeux grands-ouverts en anticipation de ce qui allait suivre. 

-       Pansy, tentai-je de rire, t’es bourrée. 

-       Ouais, et alors ? J’en ai marre qu’il fasse le bonhomme alors qu’il a même pas les couilles de m’regarder, continua-t-elle avec un semblant de colère grandissant en elle. 

D’habitude, c’était Blaise qui avait l’alcool mauvais. En général, Pansy finissait par pleurer lorsqu’elle picolait à outrance. Et quand bien même je savais que Theo l’énervait particulièrement depuis qu’elle avait perdu ses souvenirs, je ne parvenais pas à deviner ce qu’elle cherchait là. Theodore demeurait immobile sur son fauteuil, le rat de Pansy sur ses cuisses, le regard rivé sur lui. 

-       Ça fait l’malin à m’donner des ordres et à m’faire bouffer de force, mais en fait c’est vide, cracha-t-elle avec dégoût. 

La mâchoire de Theo tiqua, et il réajusta sa position sur le fauteuil en bougeant son bassin, un geste que Pansy ne manqua pas de noter. Je savais qu’il devait combattre en cet instant chaque cellule de son corps pour ne pas lui montrer qui était le patron face à tant d’insolence de la part de sa moitié. 

-       Ben alors Nott, le nomma-t-elle finalement, on a peur d’une p’tite meuf éméchée ? 

-       Si t’as envie d’te battre j’peux me dévouer, proposa Blaise en se levant du canapé à côté de moi. 

-       Rassis-toi, ordonna Pansy sans même se tourner vers lui, son impatience grandissant vers Theo. Aller Nott, lève ton cul, insista-t-elle devant son impassibilité. C’est mon anniversaire, et c’est un ordre. 

Une nouvelle fois, je le vis mordre l’intérieur de ses joues. D’une main particulièrement contractée et tendue, il caressa le rat de Pansy sur ses cuisses. C’en fut trop pour sa moitié qui s’approcha violemment de lui et poussa son rat des cuisses de Theo, les effleurant par la même occasion.

-       MONTRE-MOI PUTAIN ! lui hurla-t-elle alors. 

Avant qu’elle ne puisse reprendre son souffle, Theodore se leva d’une rapidité inhumaine du canapé, attrapa le bras gauche de Pansy et le retourna jusque dans son dos, l’amenant jusqu’au mur du salon le plus proche pour la plaquer face contre celui-ci dans un bruit sourd. Mon propre souffle était coupé de la rapidité de son action. J’avais cligné des yeux, et l’instant d’après il plaquait Pansy contre le mur, son bras gauche collé dans son dos. Je vis les yeux de Theo se permettre descendre le long du corps de Pansy avec une lenteur indécente, avant qu’il ne prenne une insolente inspiration pour remplir ses narines de son odeur. 

-       Pouh, il a pas dit un seul mot mais il t’a quand même fait fermer ta grande gueule, tenta de plaisanter légèrement Blaise. 

L’ambiance ne se détendit pas d’une once. Theo la garda fermement contre le mur. 

-       C’est bon, t’as vu maintenant ? trancha finalement sa voix si rauque, et pourtant si basse alors qu’il la tenait toujours contre le mur. 

-       Lâche-moi enfoiré, cracha froidement une Pansy vexée au plus haut point en se débattant inutilement. 

Il ne la tenait que d’une main. Il maintint sa prise sur elle quelques secondes de plus, probablement plus par satisfaction personnelle que pour une quelconque autre raison, puis il la lâcha et se décala alors qu’une Pansy au visage on ne pouvait plus colérique nous refaisait face. Et soudain, toute trace de colère s’évanouit progressivement de son visage pour laisser place à de la douleur. Ses sourcils se froncèrent, ses lèvres s’affaissèrent, et ses yeux se remplirent de larmes. Elle se laissa tomber assise sur le sol, et elle cacha son visage de ses deux mains alors qu’elle se mettait à sangloter. Theodore demeura debout à côté d’elle, ses deux yeux grands ouverts rivés sur elle, sa bouche entre-ouverte de choc. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait. Aucun de nous ne comprenait. Le corps de Theodore eut un réflexe naturel de se baisser vers elle, un bras tendu qui s’apprêtait à rencontrer son dos avant qu’il ne se reprenne, et ne retire son bras en se relevant, la laissant-là. Ce fut Blaise qui sauta du canapé pour se précipiter vers elle, ses deux mains posées sur les genoux de Pansy : 

-       Hey, chuchota-t-il vers elle. Oh bébé, qu’est-ce qu’y a ? 

Pansy sanglota en se cachant le visage alors que je demeurai aussi interdit que mon frère, mes yeux cherchant à analyser la situation sans parvenir à la comprendre. L’instant d’avant elle provoquait Theodore à cœur joie, et désormais elle pleurait, abattue sur le sol. Lui avait-il fait mal ? Ce n’était pas le genre de Pansy de pleurer parce qu’un garçon lui avait fait mal, quand bien même elle était bourrée. Les yeux de Theodore, eux aussi, demeurés figés sur elle, sa bouche toujours entre-ouverte, cherchant à comprendre ce qu’il se passait. 

-       Pansy, qu’est-ce qu’y a ? continua de demander Blaise avec douceur. 

-       Dans quelle merde on s’est foutus…, sanglota-t-elle sur le sol. 

Il caressa les mains de Pansy qui nous cachaient son visage. 

-       Eh, qu’est-ce que tu m’fais là ? chuchota-t-il avec inquiétude en cherchant ses yeux. 

-       On va tous crever putain ! pleura-t-elle devant lui. 

Nous y étions, au stade de Pansy bourrée qui lâchait finalement ce qu’elle ne lâchait sinon que trop rarement. Theodore demeurait interdit, debout à côté d’elle, combattant ses instincts les plus primaux. Et je n’avais pas besoin de pénétrer son esprit pour savoir que son cœur se brisait en mille morceaux à l’intérieur de lui. Mon propre cœur se serrait en moi. Même alors qu’il portait son visage bas, je pouvais voir les larmes qui naissaient dans ses yeux à lui. 

-       Mais non, tenta doucement Blaise, regarde bébé on est tous là. On est tous là et demain Drago et Theo vont aller chercher encore plus de monde, et le Seigneur des Ténèbres sera content, et jour après jour on va continuer même quand c’est dur, et il sera content, chuchota-t-il vers elle. 

-       J’suis même pas capable de me défendre face au putain d’fantôme, de quoi tu me parles face à Voldemort ! sanglota-t-elle en découvrant finalement son visage à Blaise. 

Le noir avec laquelle elle avait maquillé ses yeux verts avait coulé en des traînées sur ses joues pâles. Je ne cessai de me rappeler qu’elle, elle ne savait plus qui était Theodore. Qu’elle ne savait plus ce dont il était capable pour la protéger, elle. Mais quand bien même elle l’aurait su, il ne me semblait pas que sa réaction aurait été démesurée. Je pouvais profondément la comprendre. 

-       Tu t’es vu avant-hier ? continua-t-elle encore. Tu crois… tu crois vraiment qu’on fait le poids face à lui ? 

Blaise essayait d’accrocher les yeux de Pansy par les siens. 

-       Ce n’est pas le Seigneur des Ténèbres qui m’a fait ça, c’est Drago, lui chuchota-t-il. 

Interdite, elle le regarda avec sa bouche entre-ouverte. 

-       ET C’EST CENSÉ ME FAIRE M’SENTIR MIEUX ÇA ?! lui cria-t-elle dessus. 

-       Tu comprends pas, lui sourit-il avec tendresse. Ça veut dire que nous aussi, dans notre camp, on a des gens qui sont capables de faire ce genre de choses. 

Les yeux rouges et plein de larmes de Pansy se levèrent en ma direction pour rencontrer les miens. L’expression de peine qui était ancrée sur son visage alors qu’elle me regardait directement envoya une décharge électrique à travers l’intégralité de mon corps. Je détestais la voir comme cela. Petite. A même le sol. Le maquillage dégoulinant et les yeux rougeoyant. Pansy n’était pas ce genre de femme. Je détestais constater des conséquences qu’avait la vie que je leur avais offert sur eux. 

-       A quel prix ? chuchota-t-elle alors sans lâcher mes yeux. 

Et je savais que les miens se remplissaient à leur tour de larmes. Parce qu’elle me regardait comme si elle me voyait. Elle me regardait comme si elle voyait ma douleur. Comme si elle voyait les tourments qui animaient mon âme. De ses deux grands yeux verts pleins de larmes. Elle me regardait comme si elle voyait la façon dont mon âme se déchirait de plus en plus nettement à l’intérieur de moi. Oui, elle me regardait comme si elle me voyait. Et sans que je ne sache vraiment pourquoi, cela semblait atteindre cette même âme déchirée en moi. 

-       T’as fait tout ça pour me sauver, murmura-t-elle tout bas vers moi. 

Ses sourcils se froncèrent plus profondément sur son front tandis que les larmes perlaient lourdement sur ses joues. Je sentais les miennes mouiller mon visage à mon tour. Telle une enfant, elle baissa finalement le visage, et d’une voix à peine audible elle chuchota alors qu’elle pleurait : 

-       Je sais pas si j’en valais la peine… 

A l’instant où ces mots s’échappèrent de ses lèvres, Theodore ferma ses yeux. Ses paupières fermées ne parvinrent pas à retenir les épaisses larmes qui tranchèrent ses joues. Ses lèvres se pincèrent en une abominable moue de douleur avant qu’une main tremblante ne s’écrase sur celles-ci. Malgré le fait qu’ils étaient silencieux, les sursauts de son torse trahissaient les sanglots qui l’animaient d’entendre pareille horreur sortir de la bouche de celle pour qui il n’avait pas la moindre limite, ni à son amour, ni à sa cruauté. Pansy ne vit rien de tout cela. Mais moi, moi je voyais tout. Et il n’existait pas de mots qui pouvaient décrire la douleur insoutenable du spectacle abominable que j’avais sous les yeux. Les doutes de Pansy. Et la violence du désarroi de Theodore d’entendre pareille abomination. 

Je léchais mes lèvres et tentais de reprendre mes esprits. Je devais pouvoir lui dire les mots que je savais mon frère incapable de prononcer. Alors j’inspirai profondément, et je m’accroupissais devant elle aux côtés de Blaise. Je saisissais sa petite main tremblante dans la mienne alors qu’elle levait ses yeux rougis vers moi : 

-       Écoute-moi Pansy, lui ordonnai-je avec force. Tu vaux cent fois mon âme. Tu es la meilleure amie, la meilleure personne, le meilleur soldat qui soit. Tu m’entends ? insistai-je alors qu’elle pleurait sous mes mots. Je le referai, lui souris-je en reprenant ces mots magiques qu’elle m’avait adressés. En sachant tout ce que je sais aujourd’hui, je le referai. 

Elle sembla trouver un peu d’apaisement dans la sincérité inébranlable de mes mots. Je l’avais serrée dans mes bras, et j’avais déposé sur le haut de son crâne le baiser appuyé que je savais que mon frère aurait apposé là s’il avait pu être à ma place. Et je l’avais serrée contre moi pour lui faire ressentir à quel point j’étais sincère. Si ses craintes n’avaient toutes pu être amoindries, elle avait fini par cesser de pleurer, et bientôt Blaise était allé la coucher dans la chambre de Theo. 

En leur absence, j’étais resté debout à côté de mon frère. Il n’avait pas bougé d’un pouce. Les larmes continuaient de couler sur ses joues. Il avait simplement rouvert les yeux, c’était là la seule chose qui avait changée. Mon cœur saignait. Je voulais l’aider. Je voulais l’apaiser. Mais je savais, au plus profond de moi-même, qu’il n’y avait rien que je pouvais faire, ni rien que je pouvais dire qui pouvait apaiser ce qu’il venait d’entendre dans la voix de celle qu’il aimait. 

-       Theo…, chuchotai-je alors. 

Il me fit non de la tête, sa main toujours fermement positionnée sur sa bouche alors qu’il essayait de se reprendre. Une nouvelle larme perla sur ma propre joue. Mon frère ne perdait pas ses moyens. Il ne les perdait jamais. Et il ne pleurait que très rarement. Ce que je voyais là m’arrachait le peu de forces qu’il me restait. Parce que je savais que la douleur abominable que je voyais indéniablement sur son visage en cet instant n’était rien que le haut de l’iceberg de ce qu’il ressentait réellement, et qui le débordait. 

Soudain, Blaise pénétra vivement dans le salon, la colère explicite sur son visage. Il s’approcha à grande vitesse de Theo qui laissa sa main retomber le long de son corps. J’utilisai la mienne, ferme, pour l’arrêter à distance respectable de mon frère dans sa course. 

-       Tu vois, maintenant ? lui cracha-t-il avec rage. Tu vois c’que ça lui fait ? 

Theo fit non de la tête. Les larmes continuaient de perler silencieusement sur ses joues. 

-       Ça n’a rien à voir, chuchota-t-il en réponse. 

Interdit, Blaise pouffa. 

-       Ça n’a rien à voir ? répéta-t-il alors que la colère ne semblait que grandir en lui. Elle a construit une partie de sa personnalité depuis ses putains de 10 ans sur le fait que tu sois amoureux d’elle, Theo ! lui hurla-t-il alors au visage. 

-       Calme-toi tout de suite, ordonnai-je sèchement sans retirer ma main de son torse pour l’éloigner de mon frère. 

Comme s’il ne m’entendait pas, il continua d’hurler en rivant sur Theo des yeux enragés : 

-       Elle s’est construite en tant que l’adulte qu’on connaissait avec la réassurance constante que le putain de psychopathe que t’es veillait sur son cul nuit et jour ! Et maintenant elle a plus rien de tout ça ! Tu lui enlèves pas juste des souvenirs Theo, enchaîna-t-il sur un ton plus bas, tu lui enlèves une partie d’elle. Une partie de sa confiance en elle, en plus ! 

Je le poussai doucement de ma main sur son torse. 

-       Tu te calmes Blaise, réitérai-je plus froidement. 

Il n’allait pas venir pour mon frère maintenant. 

-       Laisse-le, m’ordonna doucement Theo. 

Bien sûr qu’il voulait le laisser faire. Il considérait que chacun avait le droit d’être entendu. Je n’étais pas d’accord. Je n’étais pas d’accord avec le fait qu’il passe toujours en second. Mais je savais qu’en cet instant, si je m’opposais à lui, je ne ferais que lui causer plus de souffrance, parce que j’allais aller contre Blaise pour lui. Et il n’avait pas besoin que je lui ajoute de la douleur en cet instant. Alors je demeurai silencieux, mes pieds ancrés sur le sol, et ma main contre le torse de Blaise pour l’empêcher de l’approcher. 

-       Est-ce que tu l’as déjà entendue, ne serait-ce qu’une seule putain de fois, penser qu’elle ne méritait pas quelque chose ? lui demanda-t-il plus doucement. Est-ce qu’elle a déjà, ne serait-ce qu’une seule putain de fois, dit qu’elle n’était pas à la hauteur de quoi que ce soit ? 

Il marqua une pause pendant laquelle il cherchait une réponse dans les yeux de Theodore. 

-       Non, répondit-il pour lui. Et tu sais pourquoi ? 

Il exerça une pression sur ma main en essayant de se rapprocher de mon frère, et je le repoussai. 

-       Pas grâce à ses incroyables parents pour qui elle ne faisait jamais assez, commença-t-il d’une voix basse pleine de rage, et pas non plus grâce à son putain d’oncle qui lui a appris que non seulement sa voix ne comptait pas, mais qu’en plus son corps ne lui appartenait pas. Non Theo, grâce à toi ! À TOI ! hurla-t-il alors. Parce que tu l’as faite se sentir spéciale ! Parce que tu l’as faite se sentir écoutée ! Parce que tu l’as faite se sentir vue, parce que même si tu ne la regardais pas dans les yeux pendant toutes ces années tu avais toujours, TOUJOURS un putain d’œil sur elle ! Parce que le simple putain de fait que toi, la personne que tu es et qu’elle idolâtre depuis la première année, tu sois amoureux d’elle depuis tout ce temps lui a suffi pour lui apprendre qu’elle était incroyable ! Tu lui as appris qu’elle était protégée, parce que tu étais toujours là ! continua-t-il de lui crier au visage. Et ne viens pas me dire que Drago et moi aussi on lui apprit ça, parce que pendant qu’elle nous racontait qu’elle s’était faite violer par son enfoiré d’oncle et que Drago et moi on essayait de lui parler, elle ne nous entendait pas, Theo ! Elle ne nous entendait pas ! répéta-t-il, emporté par sa rage. Parce que la seule personne qu’elle croit aveuglément, peu importe le putain de sujet, la seule personne qui a le pouvoir de l’apaiser, C’EST TOI PUTAIN ! beugla-t-il alors. Il a suffi de quelques mots de ta part pour qu’elle aille mieux ! Il a suffi de ta présence à ses côtés pour qu’elle mange à nouveau ! Putain, il a suffi de toi pour réparer ce que la vie avait abîmé chez elle ! TU N’AVAIS PAS LE DROIT, hurla-t-il de toutes ses forces alors qu’une larme perlait sur sa propre joue. TU N'AVAIS PAS LE DROIT, THEO ! TU N’AVAIS PAS LE DROIT DE LUI DONNER AUTANT SI C’ÉTAIT POUR TOUT LUI REPRENDRE AU MOMENT OÙ ELLE A LE PLUS BESOIN DE TOI !

Il reprit son souffle sans lâcher le regard que Theodore lui rendait une seule seconde. La douleur y était aussi lisible que la colère. 

-       Comment tu peux ne pas voir ça ? chuchota-t-il alors avec ce qui semblait être du dégoût. 

-       Je le vois, murmura finalement Theo en retour. Mais j’ai aussi vu toutes les nuits où elle ne dormait pas, continua-t-il tout bas. J’ai vu toutes les fois où elle ne mangeait plus. J’ai vu tous les cauchemars qui hantaient ses nuits. J’ai vu les crises de larmes et celles d’angoisse qu’elle essayait de me cacher. Je l’ai entendue, quand elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas, pleura-t-il finalement. 

Il sourit alors à Blaise. 

-       Parce que je l’écoute, je l’ai entendue. Je l’ai entendue dire que c’était sa limite, et qu’elle ne pouvait pas, qu’elle ne pouvaitpas faire avec. Mais qu’elle n’avait pas le choix, parce qu’elle était amoureuse de moi. Elle est libre, maintenant, chuchota-t-il. C’est un choix entre la peste et le choléra, et j’entends ta plaidoirie en faveur de la peste. Mais j’ai choisi le choléra. Parce que désormais il y aura bien plus de moments où je serai sur un champ de bataille plutôt qu’à ses côtés. Maintenant au moins elle n’aura plus à être terrifiée pour moi, son esprit sera libre pour se concentrer sur le fait de la protéger elle, acheva-t-il doucement. 

Blaise faisait doucement non de la tête, quand bien même un peu de sa colère semblait s’être amoindrie dans le regard qu’il posait sur Theo. Il l’avait entendu, cela je pouvais le voir, quand bien même il n’était pas d’accord avec lui. Je prenais une profonde inspiration pour calmer mon rythme cardiaque qui était monté en flèche quand il était venu pour mon frère. Il passa une main sur son visage comme pour se nettoyer de la rage qui l’avait animée avant de répondre à voix basse : 

-       Je vous ai dit que je ne mènerai pas une guerre contre vous dans le contexte actuel, et je ne le ferai pas, parce qu’on sait tous les trois que c’est pas moi qui gagnerait, et il est hors de question que je vous perde. Mais j’ai besoin que vous entendiez à quel point je suis contre cette décision, et que…, quelque part, je crois que je vous en veux beaucoup pour ça. 

Theodore acquiesça en signe de réception de ses mots. Moi, j’inspirai profondément à nouveau. Si j’avais été à la place de Blaise, j’aurais fait la même chose, alors je le comprenais. Mais c’était du côté de Theodore que je me trouvais. Et je ne pouvais contrôler le fait qu’une partie de moi n’aimait pas du tout ce qu’il se permettait avec mon frère. Blaise lécha ses lèvres avant de conclure : 

-       Tu es l’homme le plus fort que je connaisse, Theo. Mais elle a raison. Tu n’es plus que l’ombre de toi-même depuis qu’elle est morte. Un fantôme, chuchota-t-il avec plus de tristesse que de colère dans la voix. 


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