Dollhouse

Chapitre 50 : Recharger les batteries

11596 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/11/2024 16:58

TRIGGER WARNING : Troubles du comportement alimentaire. 


La Gazette du Sorcier, le lendemain matin, parlait du meurtre de Dumbledore. Theo et moi prenions notre petit-déjeuner préparé par Mint dans la salle à manger alors que je parcourais l’article des yeux. Il était précisé que des Mangemorts étaient parvenus à pénétrer Poudlard, et les noms de Pansy, Blaise, Theo et moi étaient cités comme ayant ensuite quitté Poudlard avec le groupe de Mangemorts présent. Il était donc désormais officiellement public que nous faisions partie des rangs, quand bien même il n’était pas écrit lequel d’entre nous avait porté le coup fatal. J’inspirai profondément pour apaiser les battements de mon cœur. Tout le monde savait, désormais. Je supposai que ce n’était que la suite logique, et que cela ne devait pas avoir la moindre importance. J’avais fait ce que j’avais eu à faire. Et je faisais tout cela pour sauver les miens. Ce que les autres pensaient ne devait pas avoir d’importance, et puis de toute façon je supposai qu’ils me détestaient tous - au moins à Poudlard - depuis assez longtemps pour avoir prédit que je finirai, effectivement, comme mon père. Ils ignoraient seulement encore à quel point ce postulat était véridique. Il était également écrit que Rogue, finalement désigné à son tour comme un Mangemort, avait repris la direction de l’école, désormais plongée dans une noirceur qu’elle n’avait encore jamais connue. 

-       Arrête de lire ça, me suggéra Theo en prenant son café et ses œufs au plat. 

Je buvais une gorgée de mon propre café. Autrefois, je préférai le thé. Depuis peu, j’avais trouvé que le café m’était plus utile en matinée. Theo, lui, avait toujours préféré un café bien noir. Pansy n’était pas à nos côtés, probablement au chevet de Blaise, dans sa chambre. 

-       Ça va, le rassurai-je alors, t’en fais pas. 

C’était relativement vrai, en réalité. Je parcourais le reste des nouvelles rapidement des yeux. Globalement, ils racontaient que la Guerre était déclarée. Oui, c’était plutôt vrai. Je n’allais pas insupportablement mal, et je ne me sentais pas outrageusement activé par ce que je lisais. Je me sentais coupable, cela, c’était vrai. Mon cœur était pincé et mon ventre m’était inconfortable, des sensations auxquelles j’étais désormais largement habitué. J’avais cédé. J’avais parlé avec Granger, quand bien même je m’appliquai à me rappeler que je n’avais, en fait, parlé qu’avec une certaine Flora Mayfair, avocate de la Défense. Je ne pouvais pas me laisser aller, et je le savais. Je ne pouvais pas me permettre de baisser ma garde, et je le savais. Je ne pouvais pas me permettre d’entretenir une relation létale à laquelle j’avais mis un terme, et je le savais. Et si la culpabilité m’assaillait sans nul doute parce que j’avais, à nouveau, parlé avec la femme qui avait conduit à la mort et à la perte de celle de mon frère, je ne pouvais nier que ce matin-là, je me sentais ressourcé. Cela n’aurait pas dû être le cas, et j’en étais conscient. Mais malgré tout, ce matin-là, je me sentais comme si je pouvais tout affronter. Fort et ancré. Elle était toujours là. Elle était toujours là et elle m’avait parlé. Elle était toujours là et elle m’avait fait du bien. Je me détestais pour cela, mais autant que cela était le cas je ne pouvais passer à côté de la force intrinsèque que je ressentais suite à cela. C’était comme si le simple fait de lui avoir parlé de la sorte avait rechargé mes batteries vidées. Je n’avais pas autant dormi que je l’aurais dû, et pourtant je me sentais prêt. Paré à toute éventualité. Elle était là. Elle était toujours là. Ce simple fait tendait à faire naître en moi un sentiment d’invincibilité qui, je le savais, ne devrait pas dépendre d’elle, mais c’était le cas. Et si ma culpabilité retournait incontestablement mon estomac et entretenait mon inhérent dégoût de moi-même, elle m’avait rendu la force que j’avais perdu ce soir-là. Je savais pertinemment, en tout cas ce matin-là, que me noyer et me complaire dans mon sentiment nauséabond de culpabilité ne m’amènerait nulle part. Je devais apprendre à vivre avec, parce que maintenant que Theo avait perdu Pansy, il ne me quitterait jamais. Et je ne pouvais pas continuer à entretenir quoi que ce soit avec Granger, ni avec Flora Mayfair d’ailleurs, parce que cela ne serait que trahison envers les miens. 

Mais ce matin-là, le simple fait qu’elle était parvenue à me redonner force et ancrage m’était suffisant, alors je m’en satisfaisais. Il me semblait que l’heure n’était plus à me laisser subjuguer par mes propres pensées, émotions et sensations. Ce matin-là, il me semblait que l’heure était à l’action et aux responsabilités. Et je me sentais prêt. 

-       Comment tu te sens ce matin ? me demanda Theo sur un ton faussement innocent comme s’il ne m’observait pas d’un œil de lynx depuis que je l’avais rejoint à table.

Un sourire franc se dessina sur mon visage alors que je reposai le journal à côté de moi. Je déposai sur lui des yeux attendris par sa constante attention de mes moindres faits et gestes. Je ne pus m’empêcher de songer à quel point le monde serait sans doute bien meilleur si chacun avait son propre Theodore. Il y avait quelque chose de profondément rassurant, et d’incroyablement apaisant dans le fait de savoir que quelqu’un nous aimait tellement qu’il faisait attention à chacun de nos états, connaissant tout de nous justement parce qu’il faisait attention à absolument tout ce qui nous concernait. Mais il n'y avait qu’un seul Theodore, et c’était moi qui l’avais. Là-dessus, les Dieux s’étaient montrés d’une générosité sans pareille avec moi. 

Lui n’avait pas très bonne mine. Ses cernes n’avaient pas réduit, et elles n’étaient pas moins violettes non plus. Il était frais et propre comme un sou neuf, habillé comme moi de son uniforme noir, ses cheveux encore humides de la douche matinale qu’il avait prise finissant de sécher sur son front, mais il ne pouvait pas me tromper, lui non plus. Je supposai qu’il avait dû passer la nuit à s’inquiéter pour Pansy, qui veillait sans conteste sur l’état de Blaise, et à laquelle il ne pouvait plus offrir ni réassurance, ni soutien, ni épaule sur laquelle se reposer. Et puis, bien évidemment, il était inquiet pour moi. Je ne pouvais songer à ce qu’il se serait passé s’il n’avait pas été là la veille, alors que Blaise se faisait torturer. Je ne pouvais imaginer ce qu’il se serait passé s’il n’était pas venu me chercher à l’intérieur de son esprit pour me pousser à être le Grand Intendant que je devais être. Et à vrai dire, je ne souhaitais pas y songer en cet instant. Ce matin-là, je me sentais prêt. Me languir du passé ne ferait qu’affecter négativement l’état relativement neutre, voire positif dans lequel j’étais, et par les temps qui couraient, nous avions besoin de profiter au maximum de chacun de ces instants si rares. 

-       Je vais mieux, merci, lui adressai-je alors sans perdre ma tendresse à son égard. Et toi, tu as pu dormir un peu ? 

La culpabilité sous-jacente à l’égard de la raison pour laquelle j’allais mieux me broya l’estomac plus encore qu’elle ne le faisait déjà, mais je me concentrai pour l’ignorer. J’allais gérer désormais. C’était ce qui devait compter. En temps de Guerre, le passé ne comptait plus, et le futur était si incertain qu’il ne servait à rien d’en faire des projections douteuses. Il n’y avait que le présent. Et dans le présent, j’étais prêt à tout pour lui. C’était tout ce qui comptait. 

Theodore me regardait avec ses incroyables yeux bleus à se damner, mais surtout il me sondait comme s’il cherchait à deviner ce qu’il savait que je ne lui disais pas. Mais puisqu’il était d’un respect sans limite, il ne creusa pas, et un tendre sourire se dessina sur sa propre bouche pulpeuse avant qu’il ne reprenne une bouchée de ses œufs en me répondant : 

-       Un peu, ça va. 

Mon frère ne mentait pas, cependant il était prompt à arrondir les angles lorsqu’il s’agissait de ne pas m’inquiéter inutilement. « Un peu » signifiait qu’il n’avait, au sens littéral du terme, pas beaucoup dormi du tout, mais « ça va » signifiait, comme je le voyais, qu’il était pourtant en état d’affronter la journée qui se dessinait devant nous. 

-       Blaise va mieux, Pansy lui a apporté son déjeuner plus tôt ce matin, m’apprit-il en finissant sa bouchée. 

-       Tu lui as parlé ? m’enquis-je alors vis-à-vis de ses relations pour le moins tendues avec sa moitié. 

Il fit non de la tête tandis que sa mâchoire se serrait et se desserrait à mesure qu’il mâchait sa dernière bouchée. 

-       Je les ai entendus en passant devant la chambre de Blaise. 

J’acquiesçai en prenant un bout de bacon. 

-       On laisse Blaise se reposer aujourd’hui et cette nuit avant qu’il reprenne du service, déclarai-je alors en accord avec les recommandations de ma mère. 

Le Seigneur des Ténèbres nous avait donné des missions de recrutement pour élargir notre armée qui ne pouvaient pas attendre. En tant qu’aspirant Grand Intendant, le commandement des armées me reviendrait. Theo et moi devions élaborer des plans de recrutement pour les semaines à venir et commencer à les mettre en action pour que le job me revienne officiellement. Si ces plans devraient être plus persuasifs que de poster des affiches un peu partout en Angleterre puis à l’étranger, il allait nous falloir propager la peur, et donner aux citoyens le sentiment qu’ils n’avaient finalement pas tellement le choix que de se rallier à nous, ou de mourir. Mon estomac se contracta alors que j’ingérais mon bacon, mais je l’ignorai. Pour ce que nous avions à faire, nous aurions besoin d’un maximum de soldats. J’avalai difficilement ma bouchée en levant les yeux vers mon frère. Nous aurions besoin de Pansy également. 

-       On va avoir besoin de tous les soldats qu’on peut avoir, amenai-je alors à tatillon. 

Son visage porté bas sur son assiette, il ne leva que son regard avertissant vers moi. Il ne me répondit rien, mais ses yeux m’apprenaient ce que j’avais besoin de savoir. Il allait néanmoins falloir qu’elle reprenne du service, ne serait-ce que pour sa propre survie. 

-       Je sais, pondérai-je alors, mais il va falloir qu’elle finisse par rejoindre les rangs, tentai-je avec un ton que je voulais aussi doux et compréhensif que possible. 

Il baissa à nouveau les yeux sur son assiette et passa sa langue contre la paroi de sa joue. 

-       Elle n’est pas prête, trancha-t-il sèchement sans relever les yeux vers moi. 

Je mordais ma lèvre inférieure devant son refus absolu d’envisager que Pansy ne reprenne du service, pour ma part tout à fait conscient que ce n’était pas Pansy qui n’était pas prête, mais lui. Il allait falloir que je lui en parle sérieusement très prochainement parce qu’elle faisait partie des rangs comme son tatouage l’attestait, et elle allait devoir y retourner. Je supposai néanmoins que je pouvais lui offrir un peu de sursit, après tout, je le lui devais. Son incapacité à pouvoir envisager que Pansy ne se batte à nouveau et se retrouve au milieu d’autres Mangemorts découlait de ce que je lui avais fait, et je lui gagnerai autant de temps qu’il me serait humainement possible. J’étais seulement conscient qu’autant que je le désirai, ce temps serait malheureusement très limité. Le Seigneur des Ténèbres n’était pas exactement réputé pour avoir une patience à toute épreuve. 

Comme si elle avait été appelée par notre échange à son propos, Pansy pénétra dans la salle à manger, une assiette et une tasse vides dans les mains. Elle aussi elle portait son uniforme noir, toujours décoré par un bandage de la même couleur qui appuyait la démarcation de sa taille et remontait sur son épaule droite. Elle était, sans l’ombre d’un doute, aussi prête qu’elle pouvait l’être. Plus les jours passaient, et plus il apparaissait évident à chacun d’entre nous que son épaule demeurerait à jamais une sensibilité dont elle ne pourrait pas se débarrasser. Elle pouvait la bouger et se servir de son bras comme elle le souhaitait, mais le bandage était plus de la prévention que du soin si elle était amenée à se battre, bien qu’une prévention nécessaire. C’était désormais là son point faible, pour autant le bandage en lui-même n’était pas problématique. S’il montrait à ses potentiels ennemis où elle était le plus fragile, c’était un bandage magique qui protégeait tellement cette partie de son corps qu’il était fort inutile pour de potentiels ennemis de s’y attaquer spécifiquement plus qu’à n’importe quel autre endroit. Elle posa sur Theo un regard emplein de jugement avant de demander à mon intention : 

-       Qui c’est qui n’est pas prête ? 

Je prenais une nouvelle bouchée de bacon tandis que Theo gardait le nez dans son assiette, sa mâchoire désormais tendue. 

-       L’armée, mentis-je alors. 

Pansy déposa l’assiette et la tasse de Blaise sur la table remplie de nourriture et prit place en bout de table, situant Theo à sa gauche et moi à sa droite. 

-       Eh ben c’est le taffe du Grand Intendant ça, non ? questionna-t-elle encore. 

-       Demande-lui si elle a mangé ce matin, ordonna la voix de Theodore dans mon esprit. 

Je tournais les yeux vers mon frère. Son visage était aussi sérieux qu’il pouvait l’être. Durant toute notre scolarité, et plus encore à partir de notre troisième et quatrième année, Theo avait été inflexible avec Blaise et moi sur le fait de n’absolument pas parler à Pansy de son poids ou de ce qu’elle mangeait (ou pas). A plusieurs reprises il s’était montré catégorique en nous disant que si elle n’en parlait pas elle-même, c’était qu’elle ne voulait pas en parler, et qu’elle n’était ni idiote, ni aveugle. Lui dire « mange » ou bien « t’as maigri » n’allait absolument rien arranger, voire peut-être même aggraver la situation. Alors nous ne lui demandions jamais rien par rapport à la nourriture, quand bien même nous avions été sérieusement inquiets plus d’une fois. Pour que ce même Theo me demande de lui poser cette question aujourd’hui, c’était qu’il la soupçonnait de ne pas avoir mangé depuis un réellement trop long moment. Je me demandais d’ailleurs si elle avait mangé depuis qu’elle était revenue du royaume des Morts, sans parvenir à trouver de preuve dans mon esprit qui me l’attestaient. 

-       Oui, ça fait partie de son taffe, acquiesçai-je vers elle en finissant ma bouchée. Tu as petit-déjeuner ? tentai-je avec un ton aussi innocent que possible. 

Pansy et la nourriture avaient toujours été une histoire compliquée. Si elle n’avait jamais beaucoup mangé, cela s’était largement empiré depuis que son oncle avait abusé d’elle. Nous avions cependant tous remarqué, là-encore sans ne jamais en dire quoi que ce soit, que cela s’était un peu amélioré lorsqu’elle était officiellement devenue la petite-amie de Theodore. Seulement, je réalisai alors qu’elle n’était plus la petite-amie de Theodore. 

-       J’ai pas faim. Alors c’est quoi la prochaine étape, on doit faire quoi ? enchaîna-t-elle directement. 

-       Il faut qu’elle mange, continua Theo dans ma tête. 

J’inspirai profondément. Il me semblait que rien de bon ne pouvait découler de la situation merdique dans laquelle je me trouvais. Les connaissant tous les deux, Pansy ne lâcherait pas, et Theo non plus. Seulement le messager, c’était moi. 

-       On va étudier ça ce matin avec Theo, je te dirai quand on aura un plan, la rassurai-je alors. Tu reviens d’entre les morts, pour pouvoir reprendre du service faut que tu prennes des forces, essayai-je avec un sourire joueur. Je peux demander à Mint de te préparer ce que tu veux, proposai-je avec un entrain que je forçai. 

Il ne résultait jamais rien de bon à essayer de pousser Pansy Parkinson à faire quelque chose qu’elle n’avait pas envie de faire. Elle fronça les sourcils en ma direction, sa lèvre supérieure se relevant d’un côté en une moue qui signait son mécontentement face à la tournure que prenait cette conversation.  

-       Qu’est-ce qui t’arrives, tu t’prends pour mon daron ou quoi ? 

Elle rapprocha son visage de moi et feignis un visage souriant à mon encontre :

-       T’inquiète pas papa, j’mangerai quand j’aurai faim. 

Je me forçai à lui rendre un sourire identique au sien, et tentai encore : 

-       Je prends soin de mes soldats, ça aussi c’est l’taffe du Grand Intendant, me défendis-je alors. Et j’ai besoin de mes soldats en pleine forme, alors mange soldat, tentai-je d’ordonner sur un ton détaché. 

Elle pinça ses lèvres en acquiesçant avec sarcasme. 

-       T’as raison mon grand, on y croit, ironisa-t-elle en tapotant le dos de ma main sur sa droite.

-       La température de son corps est trop froide et elle est trop pâle, il faut qu’elle mange, insista encore Theo dans mon esprit. 

Je ne lui demandai pas comment il pouvait le savoir, je savais déjà le regard plein de sous-entendus qu’il allait m’adresser si je le faisais. 

-       T’es drôle toi, j’fais comment face à ça moi ? 

-       Fais-lui du chantage, dis-lui que si elle veut reprendre du service il faut qu’elle mange. 

Une nouvelle fois, j’inspirai profondément. Putain de détraqués, ces deux-là. Je léchais mes lèvres avant de repartir au charbon, non sans être conscient des risques que je prenais en ce faisant : 

-       N’empêche que j’suis sérieux, t’as dit hier que tu voulais pas qu’on te tienne à l’écart et je le ferai pas si tu me montres que t’es un soldat solide. Et un soldat solide, ça a d’la bouffe dans l’ventre, posai-je en étant absolument persuadé que j’allais m’en prendre une en pleine gueule. 

Elle me regarda d’une façon qui m’indiquait sans conteste qu’elle se demandait si j’étais sérieux, et surtout si j’étais sûr de moi. Je ne l’étais pas. Mais il y avait quelqu’un d’encore plus taré qu’elle de l’autre côté de cette table qui ne lâcherait pas l’affaire non plus. 

-       T’es sérieux là ? pouffa-t-elle. J’ai bouffé hier soir, lâche-moi la grappe. 

-       Elle ment, trancha Theo en retour. 

-       T’as mangé quoi ? forçai-je alors en détestant mon frère pour l’interaction dans laquelle il me mettait, et dans laquelle je ne voulais absolument pas être. 

Les sourcils de Pansy se dressèrent haut sur son front, et ce n’était pas bon signe que je puisse le voir malgré sa frange. 

-       C’est quoi la blague là, qu’est-ce que tu m’fais ? 

-       J’te pose juste une question, c’est tout, me défendis-je en m’efforçant de lui montrer un visage amical pour ne pas qu’elle m’envoie ma tasse de café en plein visage. 

-       C’est la police de la bouffe ici où quoi ? plaisanta-t-elle alors, à s’y méprendre, nerveusement. 

Theodore avait raison. Elle n’avait pas mangé. Il ne me laisserait pas lâcher. Putain, pestai-je dans mon esprit. 

-       T’as mangé quoi hier Pansy ? repris-je alors plus sérieusement. 

Passer sa journée assise sur une chaise en cours et ne pas manger assez de calories était une chose. Partir sur des champs de bataille sans avoir assez de forces pour faire des prouesses à la fois physiques et magiques en était une autre. Theodore avait raison, quand bien même j’étais incroyablement mal à l’aise de confronter Pansy à l’anormalité qu’était le fait qu’elle ne mangeait quasiment rien. J’avais le sentiment fort inconfortable de marcher sur des plates-bandes qui n’étaient pas les miennes, mais c’était effectivement et plutôt littéralement une question de vie ou de mort. 

-       Donc t’es sérieux en fait, dit-elle d’un ton bas désabusé qui ne présageait rien de bon. 

Son regard d’émeraude sur moi se durcit violemment. 

-       J’ai mangé des putains de courgettes farcies, t’es content ? commença-t-elle à s’énerver. 

Je tournais les yeux vers Theodore, cherchant son approbation. Je ne la trouvais pas dans le regard insistant qu’il posait inflexiblement sur moi. J’ouvrais la bouche et inspirai discrètement alors que je continuais : 

-       Donc si je demande à Mint si elle t’a préparé des courgettes farcies hier, elle va me dire oui ? 

Elle entre-ouvrit ses lèvres roses devant mon culot. 

-       Non mais tu te fous de ma gueule là, c’est quoi ton putain de problème ?! 

-       Est-ce que Mint va me dire oui si je lui demande, Pansy ? continuai-je d’insister sur un ton que je voulais aussi doux que possible malgré les circonstances. 

J’avais l’impression de demander à un alcoolique de me laisser sentir son haleine quand il prétendrait être sobre. C’était on ne pouvait plus intrusif, et je détestais ça. Mais je faisais par-dessus tout une confiance aveugle en Theodore, et je savais comme vérité absolue qu’il ne ferait jamais, absolument putain de jamais quoi que ce soit qui pourrait mettre Pansy en difficulté ou lui causer du tort à moins que ce soit littéralement une question de vie ou de mort. 

-       J’suis pas une putain d’assistée bordel, je les ai faites moi-même ! s’emporta-t-elle encore. 

-       Demande-lui où sont rangés les plats à four dans la cuisine, renchérit un Theo inflexible dans mon esprit. 

-       Elle va m’assassiner, tentai-je de me sortir de là. 

Les yeux qu’il posait sur moi me forcèrent à continuer :

-       Je te laisse tranquille si tu peux me dire où sont rangés les plats qui vont dans le four. 

-       Mais j’y crois pas putain, tu te prends pour qui Drago ?! s’indigna-t-elle devant mon audace. 

-       Écoute, temporisai-je, tu viens de mourir et j’aimerais juste m’assurer que ça n’arrive pas à nouveau, ok ? J’suis inquiet pour toi, c’est tout. Et pour que tu sois en forme sur un champ de bataille, y a pas trente-six solutions, il faut manger, dis-je avec une tendresse que je ne feignais pas. 

-       Et moi je te dis de me faire confiance et de me croire quand je te dis que j’ai mangé, au lieu de me traiter comme une putain de gamine, répliqua-t-elle sans se laisser amadouer une seule seconde par ma douceur. 

-       Pansy n’est pas une menteuse, tentai-je vers mon frère. 

-       Pansy n’est pas une menteuse, me concéda-t-il, son anorexie, si. 

-       Qu’est-ce que tu veux que je fasse de plus ? 

-       Mint, somma soudainement Theo. 

L’elfe de maison se matérialisa devant nous tandis que Pansy tournait un visage outré vers mon frère. 

-       Maître Theodore ? demanda-t-elle avec un sourire. 

-       Apporte-moi une soupe d’aubergines s’il-te-plaît, sans croutons, sans crème et sans fromage, exigea-t-il alors. 

-       Tout de suite, acquiesça l’elfe avant de disparaître à nouveau. 

Je me rappelai alors que lors des longues périodes où Pansy ne mangeait rien pendant trop longtemps, la seule chose qui passait était des soupes d’aubergine, sans bien sûr toutes les choses qui les rendaient caloriques. 

-       Cette soupe a intérêt d’être pour toi l’fantôme, cracha Pansy en sa direction. 

Oh non, elle n’était pas pour lui. En anticipation de ce qu’il se passerait ensuite, je demandai par acquis de conscience d’une voix basse et réellement concernée : 

-       Ça fait combien de temps que tu n’as pas mangé, Pansy ? 

Elle tourna des yeux indignés vers moi. Devant le sérieux et l’inquiétude qu’elle pouvait indéniablement lire sur mon visage, elle pesta sans ne plus feindre avoir mangé la veille : 

-       Putain j’en sais rien, je tiens pas un carnet d’à chaque fois que je bouffe ! Je mange quand j’ai faim, c’est tout ! se défendit-elle en vain. 

Quelques secondes plus tard, Mint réapparu, un bol de soupe fumant entre ses mains frêles qu’elle posa devant Theo avant de disparaître à nouveau. Theodore se leva de sa chaise, saisit le bol de ses deux mains et le posa avec force devant Pansy. 

-       Cinq cuillères, exigea-t-il alors. 

Pansy se leva de sa chaise, un air choqué et dépassé ancré sur son visage. D’une main ferme, Theodore appuya sur son épaule gauche et la rassit à sa place. 

-       Cinq cuillères, répéta-t-il fermement. 

-       Putain mais tu crois que t’es qui, toi ?! s’emporta-t-elle vers lui. 

-       Le second du Grand Intendant, répliqua-t-il froidement. Quand il dit que tu dois manger, tu manges. 

-       Mais vous êtes des putains de malades, ça va pas dans vos tronches ou quoi ?! s’écria-t-elle alors. Et toi tu le laisses me parler comme ça ?! m’adressa-t-elle en tournant un visage outré vers moi. 

-       Je suis désolé Pansy, mais il faut vraiment que tu manges un peu, essayai-je encore de tempérer avec autant de douceur que je le pouvais. 

Theodore demeurait debout et inflexible à côté d’elle. Elle pouffa encore, bien qu’aucun amusement ne fût un tant soit peu décelé dans son geste. 

-       Sinon quoi, vous allez me gaver comme une putain d’oie ? défia-t-elle avec véhémence. 

Theo fixa la soupe devant elle quand il répliqua d’une froideur qui n’était pas cohérente avec le fait que c’était à sa Pansy qu’il parlait : 

-       Si tu me forces à le faire. 

Incrédule, elle le regarda, ses yeux grands ouverts levés vers lui. 

-       C’est pour ton bien Pansy, chuchotai-je presque, me sentant de plus en plus mal face à cette situation. 

Mais elle ne lâcha pas Theo des yeux. 

-       Quelque chose me dit que toi et moi, on s’appréciait pas, cracha-t-elle alors vers lui.

La mâchoire de Theo se serra visiblement. 

-       Non, on ne s’appréciait pas, répliqua-t-il avec la même sècheresse dans la voix. Cinq cuillères, réitéra-t-il encore. 

Vaincue et non sans montrer explicitement son important mécontentement, Pansy se saisit de sa cuillère, et en prit une première. Theodore ne broncha pas de son côté, et ne se détendit pas ne serait-ce que d’une once. Je me rappelai soudainement un de ces repas, lors de notre quatrième année à Poudlard. Pansy n’avait pas réellement mangé depuis presque deux semaines, et ce soir-là il y avait de la soupe d’aubergine. Notre inquiétude grandissait pour elle, et c’était Theo qui nous avait interdits de lui dire quoi que ce soit à ce sujet, supposant que cela ne ferait que la renfermer plus encore. Ce soir-là, au repas, il avait cependant été d’une attention notable envers elle. Je me rappelai que je l’avais regardé faire avec un sourire aux lèvres. Theo avait passé tout le repas à côté d’elle, ses yeux rivés sur les clavicules de Pansy, à la distraire de ce qu’il se passait dans son assiette. Bien plus qu’à l’ordinaire, Theodore avait fait parler Pansy de potions, sa matière préférée. Il lui avait posé question sur question, et il avait fait l’idiot bien plus que d’ordinaire, cela étant principalement le rôle de Blaise. Il avait feint ne pas comprendre des choses que je lui avais déjà expliqué, et il l’avait fait avec humour. Pansy avait ri, ses joues avaient rougi, et elle avait beaucoup parlé ce soir-là. Et chaque fois que c’était au tour de Theo de lui répondre, Pansy avait pris une cuillère de sa soupe d’aubergine. Ce soir-là, à la fin du repas, l’assiette de Pansy avait été vide. 

La scène que j’avais sous les yeux contrastait durement avec celle qui résidait dans mes souvenirs. La jambe de Pansy tressautait d’impatience, d’énervement, ou bien d’angoisse de manger, je ne le savais vraiment, et son visage était on ne pouvait plus fermé et colérique alors qu’elle prenait sa troisième cuillère de soupe. Theodore, lui, demeurait froid et impassible à côté d’elle, surveillant explicitement chaque gorgée qu’elle prenait. Un silence mort régnait entre nous qui n’était interrompu que par les bruits à intervalle régulier de déglutition de Pansy. Quand elle eut fini d’avaler sa cinquième cuillère, Pansy se leva brutalement de sa chaise. D’un revers violent de sa main droite, elle renversa le reste de son bol de soupe sur la table remplie de nourriture. Elle envoya sa jambe gauche derrière sa jambe droite, et plia ses genoux, ses deux bras s’étirant derrière elle en une révérence ironique. 

-       Si mes Seigneurs Grand Intendant et son Second le permettent, je vais maintenant me retirer, cracha-t-elle avec un sarcasme si débordant qu’il paraissait inutile de le mentionner. 

Elle n’attendu aucune réponse de notre part, et s’en alla d’un pas vif sans se retourner. Theodore tourna finalement le visage sur la table inondée de soupe et pinça ses joues en passant sur sa bouche une main réflexive. 

-       Mint, somma-t-il avec une impatience attribuable à sa moitié dans la voix. 

L’elfe de maison se matérialisa à nouveau devant lui. 

-       Désolé, j’ai renversé la soupe. Tu pourras nettoyer s’il-te-plaît ? lui demanda-t-il en fixant la table sale. 

-       Oh bien sûr, Maître Theodore veut-il que je lui amène un autre bol ? 

-       Non, ça ira merci, dit-il d’un ton dans lequel je décelais le ressentiment. 

En un clin d’œil, Mint avait nettoyé la table et disparu à nouveau. Theo se rassit à sa propre chaise, et finit sa tasse de café en fixant la table sans parvenir à se détendre. Je mordais anxieusement ma lèvre inférieure avant de lui adresser doucement : 

-       Tu n’es pas obligé d’aller aussi loin avec elle pour t’assurer qu’elle ne tombe pas amoureuse de toi à nouveau. 

Il m’adressa un sourire qui était des plus faux. 

-       Au moins elle a mangé, déclara-t-il à voix basse. 

Il but le restant de sa tasse cul sec avant de se lever en déclarant : 

-       On a du travail. 

Nous étions passées voir Blaise avant d’aller dans le bureau de mon père pour nous mettre au travail. Dès que nous avions passé le pas de la porte de sa chambre, Pansy, assise en tailleur sur le lit de son meilleur ami dans lequel il était, avait tourné le visage vers nous : 

-       Je vous arrête tout de suite, Blaise a déjeuné ce matin, lâcha-t-elle d’un ton débordant d’ironie. 

Je levai les paumes de mes mains en signe de paix. 

-       On vient voir comment va notre champion, dis-je doucement en laissant mes yeux glisser sur Blaise. 

Il avait un œil au beurre noir et des hématomes un peu partout sur le visage, mais il allait sans conteste bien mieux que la veille au soir, et surtout il était vivant. Dès que ma vision se confronta à son visage, la culpabilité grandit en moi. Les mots de Granger, ou plutôt de Flora Mayfair, me revinrent à l’esprit : « protégez vos liens ». Je lui souriais timidement, et il me rendit mon geste. 

-       En l’état actuel des choses, je sais pas s’il serait très responsable de ma part de te laisser seul avec ces deux psychopathes, cracha Pansy vers Blaise. 

Il détourna les yeux de moi pour les poser sur elle avec attendrissement. Il lui adressa un plus grand sourire encore que celui auquel j’avais eu droit. 

-       T’inquiètes, j’vais leur botter l’cul, chuchota-t-il vers elle sur un ton complice. 

-       Mh, fut la seule réponse de Pansy. 

Elle décroisa ensuite ses fines jambes et se leva du lit de Blaise. En passant devant nous, elle précisa :

-       Que ce soit bien clair j’vous laisse pas de bon cœur, j’vous laisse juste parce que là tout de suite, j’ai vraiment pas envie de voir vos vieilles gueules à tous les deux. 

Elle quitta la pièce alors que Theo et moi nous approchions du lit de Blaise. 

-       C’est mérité, accordai-je à notre ami. 

Il haussa les sourcils en réponse et tourna des yeux fatigués vers Theo : 

-       J’dois avouer que tu m’épates assez dans l’avancée de ton projet « faire en sorte que Pansy ne retombe jamais amoureuse de moi ». La faire manger d’force, c’était du grand art, reprocha-t-il à moitié en pinçant les lèvres. 

-       Il fallait qu’elle mange, chuchota Theo avec tendresse. 

Blaise la lui rendit avec un sourire. 

-        Je sais. 

-       Comment tu te sens ? enchaîna mon frère sans perdre la douceur qui imprégnait son ton. 

-       Ça va bien, je pourrais carrément me lever et vivre normalement aujourd’hui mais y a un rottweiler qu’est sur mon dos, dit-il avec un sourire amusé qu’il ne pouvait réprimer. 

Nous le lui rendions. 

-       Je sais pas ce qu’a fait ta mère, mais elle a de l’or dans la baguette, complimenta-t-il ensuite vers moi. 

-       Grandir chez les Black puis des années de mariage avec mon père, j’imagine que ça lui a appris plus d’un tour. 

Je baissai les yeux et léchai mes lèvres en anticipation de la culpabilité à laquelle je devais faire face devant lui. 

-       Écoute Blaise…, commençai-je avec hésitation. 

-       … C’est bon, me coupa-t-il avec un sourire plein de douceur, j’ai rien à te pardonner. C’est entre le Grand Intendant et moi, me sourit-il encore. 

Je lui rendis la largeur de son sourire, la culpabilité ne montant que plus grandement en moi. C’était le seul qui m’avait rendu le crédit qui m’appartenait face à la mort de Pansy. Je pouvais encore entendre la froideur glaciale de sa voix quand il m’avait demandé « qu’est-ce qu’elle faisait là, Drago ? ». Je pouvais encore sentir la brûlure de sa main qui s’était violemment écrasée sur ma joue. Et je revoyais ensuite le cadavre de Pansy et ses yeux vides grands ouverts. Parce que j’avais une relation avec Granger. Et le soir-même où je l’avais torturé, lui, cet ami qui était le mien, je lui avais écrit à nouveau. Alors que lui était dans son lit, son corps combattant la magie noire et les dégâts qui avaient été infligés à son corps par ma faute, j’étais en train de parler à Granger comme si tout était normal. J’avalai difficilement ma salive et continuai de lui sourire en acquiesçant. 

-       Et merci, tu sais, pour le truc avec ma mère, ajouta-t-il plus bas. 

Je pinçais mes lèvres en un sourire embarrassé. Je ne savais que faire de sa gratitude étant donné la façon dont la situation avait évolué ensuite. Et étant donné ce que j’avais fait encore ensuite. Et puis, je ne savais toujours pas vraiment me comporter avec Blaise. Nous n’avions pas reparlé concrètement de son mécontentement face à la décision de Theo, et de la force avec laquelle je l’avais soutenu. Il régnait entre nous un malaise qui, de mon côté en tout cas, ne s’était toujours pas levé.  

Ainsi Theo et moi n’avions plus tardé à nous rendre dans le bureau de mon père pour commencer à réfléchir à nos prochaines actions qui étaient, à n’en pas douter, surveillées à la loupe. Nous devions faire du recrutement pour l’armée qui allait combattre pour le Seigneur des Ténèbres, surtout maintenant que Theodore avait éliminé la majorité de ses meilleurs éléments. Je m’installais sur le bureau, la liste des Mangemorts devant moi, tandis que Theo prenait place sur l’espace canapé sur ma gauche. 

-       On est censé faire quoi, distribuer des flyers ? commençai-je à questionner absentement. 

Mon cerveau suivait difficilement. La gratitude de Blaise restait ancrée dans mon esprit avec pour compagnie la culpabilité de ce que j’avais fait la veille avec Granger. Une fois ne m’avait pas suffi, visiblement. La mort de Pansy et la perte de mon frère n’avaient pas été suffisants. Je passais une main dans mes cheveux en soupirant, cherchant à accrocher mes yeux sur cette liste comme pour parvenir à me concentrer, en vain. Les noms défilaient sous mes yeux sans que je ne les lise vraiment.

-       Je pense qu’il s’agit plutôt de persuasion, rétorqua-t-il depuis le canapé d’une voix basse qui témoignait de son attention sur moi. 

Je laissai ma main parcourir mon visage avant qu’elle ne retombe sur le bureau de mon père. Ma gorge était serrée et mes pensées brouillées. Je ne parvenais pas à savoir s’il était mieux pour moi d’en parler à mon frère, ou si je ne pourrais plus jamais le regarder dans les yeux si je lui disais « tu sais, la fille à cause de laquelle t’as perdu ta meuf, eh ben j’lui ai tapé la discut’ hier ». Pourtant, je me sentais incroyablement mal à porter ce secret seul depuis que j’avais vu Blaise. Il était reconnaissant et ne m’en voulait pas de ce que je lui avais fait, quand bien même personne ne m’avait obligé à le faire. Et juste après lui avoir infligé tant de douleur, alors que son corps s’accrochait à ce qu’il restait de vie en lui, j’avais parlé avec la fille qui avait tout déclenché. Sans elle, j’aurai tué Dumbledore. Sans elle, Pansy ne serait pas morte. Sans elle, Theo ne serait pas seul. Sans elle, Blaise n’aurait rien eu à raconter à cet enfoiré de Maxwell. Tout partait de ma relation avec elle. Toutes les horreurs qui s’abattaient sur nous et pour lesquelles ils payaient, eux aussi les pots cassés partaient de ma relation avec elle. Et je lui avais parlé à nouveau. Et j’avais aimé ça. 

Je gigotais et me rasseyais sur ma chaise, cherchant une position qui me permettrait de retrouver ma confiance et la force que j’avais ce matin-même. 

-       Crache le morceau, trancha alors la voix de Theo depuis le canapé. 

Je tournais des yeux incrédules vers lui. 

-       Quoi ?

-       Quoi que ce soit que tu ne me dis pas, crache le morceau, qu’on puisse se mettre au travail ensuite. 

Je soupirai exagérément et baissai le visage un instant. Je ne savais pas comment je pouvais dire une telle chose à celui à qui j’avais fait le plus de tort. A celui à qui je n’avais pas le droit de le faire. Mon cœur commença à battre plus vite dans mon poitrail, et j’eu soudainement bien plus chaud que quelques secondes auparavant. 

-       Balance, insista-t-il encore en se penchant sur ses genoux, à l’écoute de ce que j’allais lui dire. 

Je supposai qu’il ne me servait plus à rien de chercher les milles et une façons de dire cela, et laquelle serait la plus appropriée. Ce ne serait pas approprié dans tous les cas, et il ne se formaliserait jamais de la forme, bien trop accoutumé à aller dans le fond. Je relevai le visage vers lui parce que je le lui devais, inspirai profondément et tandis que ma voix tremblait, je reconnaissais : 

-       Je lui ai parlé, hier soir. 

Je n’eus pas besoin de préciser de qui je parlais pour qu’il comprenne immédiatement. Un tendre sourire illumina à la fois ses yeux et son visage. Un putain d’ange. C’était horrible, à quel point il était beau. Son uniforme noir moulant son corps aussi musclé qu’élancé, la pâleur de sa peau qui illuminait ce visage divinement inhumain, le bleu saisissant de ses yeux contrastant parfaitement avec la noirceur de ses cheveux. Et ce putain de sourire épais qui s’étirait sur ses joues fines, et puis la tendresse qu’il avait dans les yeux qu’en ce qui me concernait moi. Il se laissa glisser sur le canapé, son dos rencontrant lassement le dossier de celui-ci, étalant son corps de son long. Putain d’enfoiré d’ange de merde. Si j’étais honnête, j’avais détesté toutes ces années que cet enfoiré attire plus de filles que moi. Pas de beaucoup, certes, mais plus néanmoins. Et à chaque fois que je le regardai, que je le regardai vraiment, je me rappelai pourquoi. De bien des façons, le mec qui se tenait juste-là devant moi m’avait appris l’humilité au travers de plus de leçons et de dimensions que je ne pourrais jamais le nommer. 

-       Pourquoi tu souris ? m’enquis-je alors devant son silence. 

-       Rien, j’attendais juste que ça arrive, c’est tout, dit-il avec ce qui me semblait être de la malice.

Comme s’il était heureux de ce que je venais de lui dire. Je sentis mes sourcils se froncer sur mon front. Je ne comprenais pas. Il n’y avait pas une once de colère, de gêne ou de tristesse dans les yeux brillants qu’il rivait sur moi. Il n’y avait pas non plus l’ombre d’un ressentiment refoulé dans le sourire qu’il m’adressait avec magnificence. 

-       Comment ça, tu attendais que ça arrive ? répétai-je, hébété. 

Il me regarda d’un air sarcastique qui lui donnait l’air d’être en train de penser « allez, s’il-te-plaît, pas à moi » et qui m’énervait plus qu’autre chose. 

-       Soyons sérieux deux minutes, dit-il alors sans perdre son sourire narquois. 

-       Je suis putain de sérieux ! répliquai-je sur la défensive. Comment ça, t’attendais que ça arrive ? 

Un unique sourcil provocateur se dressa sur son front avant qu’il n’enchaîne, son sourire audible dans sa voix : 

-       Drago, commença-t-il, t’es amoureux d’elle, et tu viens de traverser ce qui est probablement la pire période de ta vie. Ça me semble plutôt humain que t’ai ressenti le besoin de parler avec elle. 

Ma bouche s’entre-ouvrit du culot de ses paroles. 

-       Mais non putain, j’ai pas le droit de le faire ! m’emportai-je finalement. 

-       Ah bon ? demanda-t-il avec une fausse innocence. 

-       Mais comment ça « ah bon » ?! On en est là parce que j’ai pas su arrêter les choses avec elle quand il le fallait ! rappelai-je en ouvrant les bras pour appuyer mon propos. C’est putain de dangereux et d’irresponsable ce que j’ai fait en lui parlant hier soir ! 

Il pinça ses lèvres en une moue douteuse, puis il haussa les épaules. 

-       J’crois que tout ce qu’on fait maintenant est dangereux, nuança-t-il alors calmement. 

-       Ça n’a rien à voir ! 

-       Ah bon ? répéta-t-il encore comme s’il ne voyait pas où je voulais en venir. 

-       Mais putain, tu peux pas être sérieux là ? T’as perdu Pansy à cause de nous ! explicitai-je finalement. 

Toute ombre d’un sourire ou d’amusement disparut de son visage, et aussi facilement que cela je m’en voulais de ce que je venais de dire. De lui avoir rappelé, comme s’il pouvait l’oublier, qu’il n’avait plus celle qu’il avait mis autant de temps à parvenir à avoir. 

-       Non, trancha-t-il simplement. J’ai perdu Pansy parce que je n’ai pas su la protéger. Ça n’a rien à voir avec Granger et toi. 

Je demeurai bouche-bée. 

-       Donc toi tu ne vois aucun inconvénient à ce que je parle avec Granger ? m’enquis-je avec un sarcasme débordant dans le ton de ma voix. 

Une nouvelle fois, il haussa les épaules. 

-       Je ne dis pas que ça ne comporte pas son lot de danger, mais seulement que c’est aussi dangereux que l’amour et l’amitié qu’il y a entre chacun d’entre nous, déclara-t-il plus sérieusement. Si on suit ton raisonnement, sans nos sentiments mutuels, ni Blaise, ni Pansy, ni moi n’aurions rejoint les rangs en prenant tous les risques qui découlent de cette décision. Sans l’amour que je lui porte, Pansy n’aurait jamais eu à me torturer parce que j’ai tué son violeur et que je me suis mis en danger en me battant quand Voldemort voulait fouiller ses souvenirs. Sans l’amitié qu’elle a avec toi, Pansy n’aurait jamais sauvé Granger. Sans l’amour que j’ai pour elle, je n’aurais jamais tué tous ces Mangemorts dans la cathédrale, et sans ton amour pour moi, tu ne serais jamais devenu Grand Intendant. Et sans son amitié pour Pansy, Blaise ne se serait jamais mis en danger en balançant à Maxwell la vérité, et sans ton amitié pour lui tu n’aurais jamais pris les devants et tu ne l’aurais pas torturé hier, finit-il son raisonnement. L’amour qu’on se porte les uns aux autres nous met en danger constamment depuis que tu t’es retrouvé coincé dans cette situation, parce qu’on essaye de se protéger les uns les autres, et on fait avec parce que c’est comme ça. Parce qu’on sait tous très bien qu’on ne peut pas, de toute façon, faire autrement que de continuer à s’aimer. A aucun moment l’un d’entre nous s’est dit « il faut que j’arrête de traîner avec eux et d’être leur ami parce que c’est trop dangereux et ça nous met tous en danger ». Ça nous met tous en danger, c’est un fait, mais on fait avec parce qu’on n’a pas d’autre choix, on ne peut pas subitement arrêter de s’aimer et de vouloir se protéger en claquant des doigts, c’est d’ailleurs venu à l’esprit d’aucun d’entre nous malgré toutes les horreurs qu’on a traversées. Et ça, ce n’est qu’un aspect de la situation, reprit-il de plus belle. L’autre aspect, c’est que sans nos amitiés, il est fort probable qu’aucun d’entre nous ne serait encore en vie. Sans nos amitiés, aucun d’entre nous n’aurait la force de traverser toutes ces horreurs. Les liens qui nous unissent nous rendent vulnérables parce qu’ils peuvent être utilisés contre nous pour nous faire du mal, c’est un fait, et ils sont d’ailleurs largement utilisés contre nous et on fait avec parce qu’il se trouve qu’on est tous d’accord sur le fait que ça en vaut la peine. Mais ils font aussi notre force, parce qu’on veille les uns sur les autres, et qu’on tire nos forces les uns dans les autres.  

Mes sourcils demeurèrent froncés sur mon visage alors que j’écoutais son récit. 

-       Mais ça n’a rien à voir, on a été amis bien avant que tout ça n’arrive, répliquai-je alors dans l’incompréhension. Elle, elle est arrivée alors qu’on était déjà là-dedans. Alors que je savais les risques que je prenais à la fois pour elle, et pour nous. Et elle, elle n’est pas dans le camp du Seigneur des Ténèbres. 

-       Parce que nous on y est ? demanda-t-il alors simplement. 

Je demeurai bouche-bée. 

-       Mais putain ça n’a rien à voir ! m’exclamai-je encore. 

Non impressionné par le haussement ma voix, il continua calmement : 

-       Je sais pas. De la façon dont je vois les choses, qu’elle rejoigne notre groupe parce que tu l’aimes maintenant ou des années en arrière, ça ne change rien. Tu l’aimes, et elle t’aime elle aussi. Vous êtes deux adultes qui sont conscients des risques, et vous devez faire avec le contexte qu’il y a autour de vous, comme tout le monde. Dans tous les cas, que vous soyez ensemble ou non, ce contexte est dangereux pour l’un autant que pour l’autre. Est-ce que le fait que vous soyez ensemble ajoute du danger à ce contexte ? réfléchit-il à voix haute. Oui, sans aucun doute. Mais ça ajoute aussi d’autres choses, comme des moments où tu peux récupérer des forces avec elle, et si on va encore plus loin, ça ajouterait aussi un avantage non négligeable pour nous d’avoir accès aux informations de l’Ordre, et eux aux nôtres. 

-       T’es en train de parler de trahir le Seigneur des Ténèbres là ? 

-       Je suis en train de parler de gagner cette guerre, oui, avança-t-il d’un calme olympien qui contrastait avec l’activation montante en moi. 

Je m’appuyais de mes mains pour décaler mon fauteuil du bureau et me tournais face à mon frère. Je supposai que le choc était lisible sur mon visage, mais lui me regardait comme s’il n’y avait pas le moindre problème. 

-       Non mais t’entends ce que tu viens de suggérer là ? m’inquiétais-je à voix basse. 

-       Oui, répondit-il sans n’avoir l’air de voir là un quelconque problème. 

-       Putain mais tu te rends compte des risques qu’on prendrait en le trahissant en complotant avec l’Ordre ? continuai-je alors que ma bouche s’ouvrait de plus en plus grand sous le choc des propos qu’il avançait. 

-       Oui, répliqua-t-il aussi simplement que cela. 

Mes mains s’ouvrirent sur mes côtés au même rythme que mes yeux ainsi que ma bouche dans l’expression la plus complète et la plus parfaite de l’incompréhension ultime. Il ne pouvait pas dire des choses pareilles. Le simple fait même de les penser consistait une trahison qui lui vaudrait la pire mort qui soit. 

-       Mais ça va pas ou quoi ?! m’énervai-je alors. Tu veux crever, c’est quoi le délire-là ?!

-       Je veux qu’il meure, déclara-t-il d’un ton si calme et si posé que j’en étais totalement décontenancé. 

-       Mais moi aussi, bien sûr que je veux qu’il meure, mais là tu parles de trahison putain ! Non, coupai-je alors, arrête de parler. Je ne veux pas avoir cette conversation dans mes souvenirs, à la putain de portée de Voldemort ! N’en parles plus jamais, c’est clair ? lui ordonnai-je avec le plus grand sérieux. 

Mon cœur battait violemment dans mon poitrail. Qu’est-ce qu’il cherchait exactement, à être exécuté ? C’était hors de question. C’était putain de hors de question. Pas sous mon commandement. Putain de hors de question ! Lui n’avait pas dans son esprit la menace constante que le Seigneur des Ténèbres avait faite planée en m’expliquait que s’il n’était pas satisfait de moi il me garderait dans un cachot jusqu’à ma mort, avec pour compagnie les cadavres de mes proches pourrissant à mes pieds. Son cadavre à lui. C’était putain de hors de question !

Il pinça les lèvres en l’ombre d’un sourire et leva les paumes de ses mains en signe de soumission. 

-       Ok, céda-t-il. Mais sache juste que le jour où tu seras prêt, tu pourras compter sur moi. 

-       Ferme-là, cette conversation est clause. Et celle à propos de Granger aussi, fermai-je en me rapprochant à nouveau du bureau de mon père. C’était une connerie d’un soir et ça ne se reproduira plus. 

-       Ok, déclara-t-il d’un ton bas plein de sous-entendus. 

Je levai vers lui des yeux assassins. Il avait un petit sourire en coin qui me rendait fou. 

-       Comment ça, « ok » ? le sommai-je avec agressivité. 

Il ouvrit ses bras, se voulant faussement innocent sans pour autant perdre son petit sourire en coin malicieux : 

-       Comment ça, « comment ça ok » ? Ça veut dire ok, joua-t-il au con. 

J’ouvrais grand les yeux vers lui : 

-       Oh non ça ne veut pas dire ok, et tu le sais très bien ! l’accusai-je en pointant sur lui un doigt accusateur. 

Son sourire s’élargit sur ses lèvres et son poitrail vibra du rire qu’il permit de le traverser. Le petit enfoiré. Il n’était comme cela qu’avec moi, exclusivement en ma présence. C’était là mon frère. 

-       Très bien, alors qu’est-ce que je veux dire par là ? joua-t-il encore l’innocent. 

-       Tu veux dire que tu me crois pas et tu le sais ! continuai-je de l’accuser, mon index rivé sur lui. 

-       Vraiment ? feignit-il encore alors que son sourire ne faisant que grandir. 

Je pinçais les lèvres fermement et penchai le visage sur la droite en un signe explicite d’avertissement vers lui. Il ne s’arrêtait pas de me sourire insolemment. 

-       Je suis sérieux, attestai-je avec la plus absolue véracité. 

Son sourire se fit plus délicat sur ses lèvres, moins large et provocateur. Ses yeux, à leur tour, furent moins joueurs et plus attendris quand il me chuchota en retour : 

-       Ok. 

Un grognement presque animal retentit dans ma gorge en réponse à son insolence et je levai les bras au ciel avant de les laisser retomber en deux claques bien senties sur mes cuisses. Si ma culpabilité et mon dégoût de moi-même ne me bouffait pas de l’intérieur vis-à-vis de lui, je l’aurai charrié en lui demandant s’il préférait peut-être que l’on parle de son comportement face à Pansy, mais à la place je me taisais, et je me remettais au travail. 

Nous revoyons ensemble la liste des Mangemorts restants depuis que Theodore en avait assassiné un certain nombre, et la remettions à jour. Ensemble, nous passions la journée à réfléchir au déroulé des événements prochains pour parvenir à rallier à la cause du Seigneur des Ténèbres d’autres membres. Nous en comptions actuellement un peu plus de trois cent. Il nous faudrait au moins le triple pour commencer cette guerre avec une chance de la remporter, si nous partions du principe que les moldus se lieraient eux aussi contre nous, quand bien même ils ne représentaient pas une grande menace contre notre magie noire. Nous nous accordions sur le fait qu’il allait nous falloir nous déplacer dans les différentes villes d’Angleterre, puis à l’étranger, pour faire des massacres et rallier de force à notre cause tout un tas de sorciers un minimum capable de se battre. Je suggérai par ailleurs que nous trouverions sans le moindre de doute beaucoup de main d’œuvre de qualité en allant la chercher à Durmstrang, et ce probablement sans avoir besoin de se battre pour elle. 

-       Sauf que personne ne sait vraiment où se trouve Durmstrang, rappela Theo. 

-       Si, moi je le sais. Mon père voulait m’y envoyer, même si ma mère a refusé, et il connaissait bien Karkaroff. Durmstrang est en Bulgarie, lui appris-je alors. 

-       Je croyais que tout le monde pensait qu’elle était en Russie ? 

-       C’est le cas, ils le laissent croire. On pourra s’y rendre en quelques jours grâce à Ragnar, songeai-je alors. Je pense que c’est une bonne première mission qui peut nous permettre de ramener un certain nombre de soldats volontaires qu’on n’aura pas besoin de contraindre à quoi que ce soit, et qui sont déjà formés et doués en magie noire, réfléchis-je à voix haute. 

Theodore acquiesça. 

-       Oui, c’est une bonne idée. 

Une autre me vint alors soudainement. La Bulgarie n’était pas loin de la Hongrie. Et si Theodore allait être mon second, ou comme l’avait appelé le Seigneur des Ténèbres, sa « bête sauvage », lui aussi aurait besoin d’asseoir une certaine image dès son arrivée sur un lieu, non pas que ce n’était pas déjà le cas. Par contre, cela pouvait être plus encore le cas. 

-       On pourrait faire un saut en Hongrie au passage, proposai-je alors devant une carte du monde que j’avais étalée sur le bureau. 

-       Qu’est-ce qu’il y a en Hongrie ? me demanda-t-il en levant les yeux vers moi. 

Je lui adressai un sourire complice. 

-       Des dragons, murmura alors le Grand Intendant en moi. 

Le sourire qui se dessina sur les lèvres de mon frère m’apprit qu’il saisit exactement là où je voulais en venir. Lui et moi, chacun sur un dragon…, nous serions invincibles. Cette idée ravivait en moi un espoir qui me faisait du bien. J’apprenais à me satisfaire de ces petits moments de répits. De ces moments de sursit qui rechargeaient mes batteries. 

-       Je vais envoyer un hibou à Karkaroff pour le prévenir de notre arrivée, si on part demain pour la Hongrie on…

-       … Non, me coupa-t-il alors. Demain c’est l’anniversaire de Pansy. 

Merde, j’avais complètement oublié. Nous étions donc le 28 janvier. L’anniversaire de Pansy. Là où il comptait la demander en mariage. Mon cœur se serra douloureusement dans mon poitrail à cette pensée. 

-       Nous partirons le 30 au matin, déclara-t-il alors. 

J’acquiesçai, parce que je savais que de toute façon il n’y avait rien que je pouvais dire qui ferait qu’il la laisserait le jour de son anniversaire, quand bien c’était peut-être ce qu’elle souhaitait au fond. Je réalisai alors avec embarras :

-       Je n’ai rien prévu pour elle. 

Il baissa les yeux, la douleur transparente sur les traits parfaits de son visage quand il déclara tout bas : 

-       Si, ne t’en fais pas. 


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