Dollhouse

Chapitre 48 : Le temps des fils

21985 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/11/2024 13:50

Le Seigneur des Ténèbres s’était trouvé satisfait de son Quartier Général. Pour commencer, il avait été satisfait de constater de l’énorme animal qui m’attendait dehors, un simple regard approbateur de sa part me l’avait appris. Il fallait avouer que cela avait tendance à asseoir une certaine autorité, ainsi qu’un certain climat de terreur sans même que je n’ai encore besoin de faire quoi que ce soit, que j’ai un dragon. Pratique pour un Grand Intendant, en somme. 

Si le Seigneur des Ténèbres n’était pas du genre à sauter de joie avec un grand sourire sur les lèvres, il avait tout de même découvert les lieux avec intérêt, et avait approuvé les deux rangées d’esclaves que je lui avais offerts avec plus d’intérêt encore. Il avait eu l’air de trouver l’idée de la grotte à même la montagne ingénieuse, quand bien même cette partie de la conception était intégralement due à Theo, lui ne le savait pas. Les détails décoratifs, principalement des serpents taillés dans la pierre que j’avais contraint les esclaves d’ajouter sur le trône, ainsi qu’un peu partout dans sa nouvelle antre semblèrent piquer son intérêt également. En tout cas, il ne m’assassina pas sur le champ. Pour seule réponse il avait tourné le visage vers moi, le coin de la fente qui représentait ce qu’il restait de ses lèvres d’humain s’était étiré en l’ombre d’un sourire, et il m’avait susurré : 

-       C’est un bon début. 

Il m’avait ensuite permis de disposer le matin du cinquième jour. Il était beaucoup de choses, mais Voldemort n’était pas complètement stupide, et il savait que pour avoir des guerriers efficaces il fallait que ceux-ci dorment de temps en temps. Peut-être même qu’ils prennent un peu de bon temps, une fois l’année. J’avais passé trois jours dans cette grotte à maintenir sur quarante personnes un sortilège impardonnable. J’étais épuisé, et j’avais effectivement besoin de sommeil. 

J’avais réussi, me permis-je de songer pendant que Ragnar me ramenait au manoir à travers le vent glacial et frappant de ce mois de janvier. J’avais eu besoin de me prouver que je pouvais y arriver, et je l’avais fait. Non sans difficulté, certes, mais je l’avais fait. Non sans aide non plus, c’était certain, mais je l’avais fait. Et je n’étais pas mort. Et j’avais eu l’air crédible aux yeux du Seigneur des Ténèbres. Je baissai les yeux sur l’énorme cou de l’animal sur lequel j’étais et qui volait à travers le pays. Je songeai à ce qu’il m’avait permis de faire grâce à sa magie. A sa puissance. Il aurait certainement besoin de beaucoup dormir, lui aussi, et de beaucoup manger. Et puis je repensais à ce qu’il avait fait, et à quel point il m’avait fait peur. 

-       C’était obligé, de me faire ça ? m’entendis-je demander à travers notre lien, mon état d’épuisement ne m’ayant pas permis de faire le choix éclairé de communiquer ou pas avec lui en conscience. 

Il m’avait semblé jusqu’alors que cela avait été une mauvaise idée à chaque fois que je l’avais fait. J’étais visiblement trop épuisé pour avoir encore un peu de bon sens. 

-       Je ne t’ai rien fait, trancha-t-il de sa voix violente dans mon esprit. 

Je pouffai. 

-       Tu sais très bien ce que je veux dire, rétorquai-je avec un agacement dont j’étais le seul responsable. 

Il ne me répondit pas tout de suite, et ce ne fut que le vent qui remplit mes oreilles pendant un moment avant qu’il ne gronde à nouveau en moi, son ton d’un sérieux ne le rendant que plus effrayant : 

-       Le temps des morceaux de porc est révolu. Autant pour moi que pour toi, ajouta-t-il gravement. Ce n’est pas te rendre service que de t’épargner les faits de cette nouvelle réalité. 

Je n’argumentai pas, non seulement parce que je savais que cela n’avait pas le moindre intérêt avec cet animal, également parce qu’encore une fois, j’étais absolument et totalement épuisé et qu’il m’était difficile de penser, plus encore d’aligner quelques mots, mais aussi parce qu’il avait raison, et que je le savais très bien. Je m’en étais rendu compte pendant ces trois jours, au fur et à mesure de l’usure de mon esprit et des ressources que j’avais cru avoir, jusqu’à ce qu’elles s’épuisent toutes sous mes yeux. Jusqu’à ce que je trouve ces ressources à l’intérieur de moi, et non plus à l’extérieur. Mais pour le moment, je ne souhaitais plus y penser. Je ne souhaitais plus penser à rien de tout cela. Je voulais simplement trouver mon lit, et m’y enterrer. 

Theodore était dans le salon lorsque j’arrivais, un café à la main. Il était seul. Je supposai que Pansy demeurait dans sa chambre, et que Blaise devait être avec elle. Il proposa de m’en servir un, mais je refusai d’un signe de tête. 

-       Il a été satisfait ? me demanda-t-il tout de même. 

J’ouvrais les bras pour m’exposer à lui. 

-       Eh ben j’suis toujours là alors je suppose, oui, répliquai-je tout bas avec un sourire qui aurait pu apparaître comme vainqueur si je n’étais pas aussi épuisé. 

Il me sonda en acquiesçant. Ses yeux bleus me transperçaient de toute leur attention, et j’étais trop fatigué pour m’y défiler. 

-       Tu m’as impressionné, Drago, chuchota-t-il vers moi avec la plus absolue des sincérités dans le regard. 

Mon sourire s’éteint sur mes lèvres. Je ne souhaitais pas y repenser. En cet instant, je ne souhaitais pas repenser à ce que j’avais traversé, et à ce que j’avais trouvé en moi. Je n’étais pas sûr de trouver cela très impressionnant, moi. Alors je demandais, parce qu’il fallait que je sache avant de pouvoir trouver le sommeil : 

-       Qu’est-ce qu’il te voulait ? 

Un sourcil unique et septique se leva sur son front. Il baissa les yeux sur sa tasse quelques secondes avant de pincer les lèvres en les relevant vers moi : 

-       Rien que s’assurer que tu ferais le travail seul. 

Son ton me laissait supposer qu’il ne lui avait pas simplement posé la question. 

-       Il t’a fait faire quelque chose en attendant ? creusai-je malgré ma fatigue. 

Il me sourit à son tour. 

-       Sois tranquille, et fais-moi confiance, murmura-t-il avec une assurance qu’on ne pouvait défier. 

J’acquiesçai en sa direction, et une ultime fois mon intérêt et mes inquiétudes en ce qui le concernait vainquirent mon épuisement quand je le questionnais encore : 

-       Tu l’as vue ? 

Je n’eus pas besoin de préciser de qui je parlais. Sa mâchoire se contracta sous le simple effet de ma question, quand bien même il tenta de me le dissimuler en la détendant immédiatement. Il ne put pas non plus s’empêcher de baisser les yeux une nouvelle fois sur sa tasse avant de les relever vers moi avec un sourire, lui aussi fatigué, et il fit simplement non de la tête. 

-       Maintenant va dormir, guerrier, m’ordonna-t-il tendrement, et j’obéissais. 

J’arpentais le couloir jusqu’à ma chambre quand il me sembla voir l’ombre d’un chat noir passer dans ma vision périphérique. Je devais être sacrément épuisé pour commencer à halluciner. Mais lorsque j’entrais finalement dans ma chambre, ma malle de Poudlard m’indiqua que ce n’était pas une vision hallucinogène que j’avais aperçu, mais bien Atlas, le chat de Blaise. Rogue nous avait fait renvoyer nos affaires. Je regardai ce vestige de mon ancienne vie un instant, immobile. Pour je ne savais trop quelle raison plus que par curiosité, j’ouvris la malle. Je demeurai figé quand le premier item qui y était posé sur une pile de vêtements pliés était le carnet. Notre carnet. Je sentis mon cœur se mettre à battre plus rapidement dans mon poitrail. Je ne tendais aucune main vers lui. Je le fixai simplement, inerte, l’activation physiologique grandissant en moi sans qu’aucune pensée ne parvienne jusqu’à mon esprit. Et soudain, alors que je regardais cet objet par lequel j’avais accès à elle, je me demandais ce que je lui dirais, si jamais je lui écrivais. « J’ai rendu esclave quarante personnes comme toi. J’en ai tué une, d’ailleurs. Ragnar l’a mangé. J’espère que tu as passé une bonne journée ». Je détournais les yeux du carnet et le laissait à sa place, dans le passé, puis je fermais mes volets d’un coup de baguette et allais me coucher.  

J’avais beau avoir dormi, je n’avais pas trouvé d’échappatoire à mes cauchemars. Ça avait été la gorge tranchée de Theodore, cette fois-ci. Mais un nouveau jour s’était levé, quand bien même la nuit commençait à tomber quand je m’étais levé, et Pansy m’avait imité, pour la première fois. Nous nous étions retrouvés tous les quatre dans la salle de réunion du manoir, où une large table rectangulaire demeurait en vestige des rassemblements qui avaient eu lieu ici autrefois. Ce lieu ne serait plus tâché de leur présence, songeai-je avec une once de soulagement. Ce n’était plus que notre maison. Je supposai qu’il me fallait apprendre à tirer de la joie de ces petites choses-là désormais, au risque de ne plus jamais pouvoir en éprouver autrement. Pansy pouvait à nouveau se lever et marcher pour la première fois depuis qu’elle avait trouvé la mort, et retrouvé la vie. Elle en était si fière qu’elle avait refusé de s’asseoir sur une chaise, aussi l’avions nous tous imité, et nous étions restés debout autour de la table. Elle avait bien meilleure mine, et ressemblait à nouveau à la personne que nous pensions tous avoir perdu. Theodore avait dormi aussi, mais trop peu, je pouvais le lire sur son visage. Il gardait ses cernes violettes comme maquillage. Je doutais qu’il dorme très bien, lui aussi, ces derniers temps. Blaise, pour sa part, avait l’air presque aussi reposé que Pansy. Nous étions tous douchés et neufs, nos cols roulés et pantalons identiques intégralement noirs attestaient qu’en Mangemorts que nous étions, nous étions tous prêts. Le seul signe distinctif qui indiquait qu’il était arrivé quelque chose à Pansy était l’épais bandage noir qui entourait et moulait outrageusement sa taille, remontant sur sa poitrine et s’enroulant finalement autour de son épaule droite qui lui était encore sensible. A mon humble avis, cela ne lui donnait que plus l’air d’une guerrière. 

C’était la première fois que Pansy se retrouvait réellement en présence de Theodore, dont elle s’appliquait à royalement ignorer l’existence. Il ne la regardait pas, lui non plus. Il était à mes côtés, et Blaise à ceux de Pansy quand finalement je répondais à sa question, et lui expliquai que j’étais devenu Grand Intendant pour sa vie. 

-       Tu as fait QUOI ?! s’énerva-t-elle directement en frappant de la paume de ses deux mains sur la table. 

Je baissai les yeux devant son regard d’émeraude empli de colère qu’elle rivait sur moi. Je ne pouvais cacher que quelque part, je ressentais de la chaleur en moi. J’avais la sensation de retrouver ma Pansy, quand bien même elle allait déchaîner sa colère sur moi. C’était bien là ma Pansy. Je me retenais de sourire, parce qu’elle m’en aurait probablement foutu une, et j’aurai moins eu envie de rigoler soudainement. 

-       Tu t’fous de ma gueule là ?! continua-t-elle en approchant son visage vers moi à la recherche d’un signe de mensonge. 

-       Non, répliquai-je d’un ton trop bas pour qu’il ne soit pas évident que je me sentais intimidé par sa colère. 

Elle ne répondit rien pendant quelques secondes, aussi levai-je finalement les yeux vers elle. Ses deux grands yeux verts étaient grand ouverts sur moi, allant aléatoirement de mon œil droit à mon œil gauche, en état de choc. Ses lèvres pulpeuses et roses étaient entre-ouvertes alors que ses mains demeuraient ancrées sur la table qu’elle avait frappée. Je pouvais littéralement voir dans ses yeux son cerveau qui essayait d’intégrer l’information que je venais de lui livrer. Blaise se tenait derrière elle avec ses mains dans les poches de son pantalon, le regard porté bas sur le sol. Theodore était plus en retrait à ma droite, les bras croisés sur son poitrail, son regard également dirigé sur le sol de notre maison. Nous attendions tous que sa colère s’abatte sur moi telle la foudre, et que nous puissions ensuite avancer. Mais Pansy demeura interdite, ses yeux analysant les miens dans un état de choc qui commençait à durer. Blaise leva les yeux vers elle pour constater de la même chose que moi. Theo ne broncha pas. Quand elle parla finalement à nouveau, elle chuchota alors que son visage gardait la même expression incrédule : 

-       Dis-moi qu’t’as pas fait ça. 

Je maintenais son regard cette fois-ci quand j’acquiesçai doucement, toute envie de sourire m’étant définitivement passée. 

-       Si, lui murmurai-je en retour. 

Le vert de ses yeux brillait d’une lueur qui, à s’y tromper, ressemblait à la naissance de larmes en leur centre. Mais dès que ce mot quitta mes lèvres pour arriver jusqu’à son cerveau, la mine sur son visage s’élargit, ses yeux s’ouvrant plus grand au même rythme que sa bouche. Et soudain elle releva ses mains de la table pour encadrer chaque côté de son crâne de celles-ci, comme si elle cherchait à s’assurer qu’elle ne perdait pas la tête, elle fit un tour sur elle-même avant de me refaire face et de se mettre à m’hurler au visage : 

-       MAIS C’EST QUOI TON PROBLÈME ?! C’EST QUOI TON PUTAIN DE PROBLÈME ?! QU’EST-CE QUI TOURNE PAS ROND CHEZ TOI ?! s’égosilla-t-elle alors que son visage devenait rouge. 

Elle hurlait si fort que j’eu un mouvement de recul. Mes propres yeux s’ouvrirent grand vers elle, interdits. Elle n’hurlait pas des façons dont j’avais déjà pu l’entendre, hors d’elle et colérique. Elle hurlait à pleins poumons, elle hurlait de ce genre de rage qui prenait le contrôle et ne laissait que la place à la violence dévastatrice de cette émotion. Ses mains quittèrent son crâne pour les agiter sous mon nez en appuyant chaque mot qu’elle continuait d’hurler telle une furie : 

-       MAIS QU’EST-CE QUI VA PAS CHEZ TOI BORDEL ?! QU’EST-CE QUI VA PAS CHEZ TOI ?! C’EST QUOI CE BORDEL PUTAIN ?! beugla-t-elle alors que ses yeux donnaient l’impression qu’ils allaient sortir de leur orbite. 

C’était moi qui étais sous le choc désormais. Je m’étais attendu à me faire engueuler. Je m’étais attendu à ce qu’elle hurle et à ce qu’elle me balance mes quatre vérités sans m’épargner en face. Cela, celle qui hurlait de toute la force de sa rage et, j’en avais l’impression, de ses peurs, je ne l’avais pas vu venir une seule seconde. 

-       Pansy, tenta Blaise en tendant une main vers elle. 

Elle se retourna violemment vers lui et envoya sa main balader d’un revers de la sienne. Son visage enragé se tourna vers lui alors qu’elle se mettait à lui hurler dessus : 

-       ET T’AS LAISSÉ FAIRE ÇA ?! 

Ce fut les yeux de Blaise qui s’ouvrirent ensuite avec un étonnement transparent. Il leva les paumes de ses mains vers elle en signe de replis. 

-       MAIS PUTAIN QU’EST-CE QUI VA PAS CHEZ VOUS ?! continua-t-elle de s’écrier. 

Il leva ses mains plus haut vers elle sans oser la toucher pour autant, mais cherchant clairement à trouver l’ouverture pour pouvoir le faire. 

-       Pansy, qu’est-ce qui se passe ? lui demanda-t-il tout bas en cherchant sur son visage la réponse à ses questions. 

-       QU’EST-CE QUI SE PASSE ?! QUEST-CE QUI SE PASSE ?! beugla-t-elle de toutes ses forces sur lui. 

Je tournai le visage vers Theo. Il levait vers moi des yeux qui confirmèrent mes propres pensées. Nous ne comprenions pas ce qu’il lui arrivait. Une telle réaction, à ce point, ne lui ressemblait pas. Je tournais les yeux vers Blaise, et il rencontra mon regard avec la même incompréhension. Nous étions tous démunis. 

-       MAIS VOUS ÊTES TOMBÉS SUR LA TÊTE OU QUOI ?! GRAND INTENDANT ?! DRAGO ?! hurla-t-elle encore en se retournant vers moi en pointant en ma direction une main accusatrice. PUTAIN DE MERDE ! PUTAIN DE BORDEL DE MERDE, MAIS QU’EST-CE QUI VA PAS CHEZ VOUS ?! 

Et soudainement je réalisai, alors qu’elle continuait d’hurler et de nous insulter à tue-tête, qu’elle ne se souvenait pas de Theo. Qu’elle ne se souvenait de rien de Theo. Qu’elle ne se souvenait pas de toutes ces années où il lui avait prouvé qu’il pouvait la défendre, imbattu. Qu’elle ne se souvenait pas du guerrier redoutable qu’il était et de la sécurité dont elle avait joui jusqu’alors à ses côtés, en étant celle qu’il aimait. Celle qu’il protégeait à tout prix. Qu’elle ne se souvenait pas de qui nous avions à nos côtés. Elle continuait d’hurler sur nous, et je ne l’entendais que de loin alors que je réalisai que tout ce dont elle disposait dans ses souvenirs c’était de mes crises d’angoisses et de chacune de mes incapacités dont elle avait témoin. De Blaise qui était capable de se salir les mains, tout comme moi à certains moments, mais jamais au même degré que Theo. Pas comme lui. Personne n’était comme lui. Et la colère qui la contrôlait traduisait l’angoisse qu’elle ressentait en fait face au constat que nous n'étions pas de taille pour le rôle qui m’avait été confié. Et qu’elle n’avait plus la confiance qu’elle avait eu toutes ces années, particulièrement ces dernières, sur notre sécurité au moins relative en ayant Theodore à nos côtés. Et puis, elle était morte. Je supposai que le fait d’avoir déjà expérimenté un tel fait, une telle tragédie, qui plus est en s’étant rendue compte qu’elle ne s’était pas sentie une seule seconde en paix pouvait laisser des traces. Le genre de trace qui faisait qu’on n’avait pas nécessairement envie de retenter l’expérience. 

Ce fut Blaise qui eut le courage de l’approcher et de poser ses mains sur les épaules de Pansy dans une tentative de l’ancrer un instant. 

-       Pansy, répéta-t-il sur un ton qu’il voulait rassurant, cherchant le contact avec ses yeux paniqués, calme-toi, respire, proposa-t-il doucement. 

-       QUE JE ME CALME ?! QUE MOI JE ME CALME ?! s’emporta-t-elle encore. 

-       Pansy, écoute-moi, tenta-t-il à nouveau. Il peut y arriver, avec notre aide à tous, il peut y arriver, menti-t-il tandis qu’il n’y croyait toujours pas lui-même. Et puis il y a Theo qui sera à ses côtés, il sera son bras droit…

-       … MAIS PUTAIN JE FERAI UN GRAND INTENDANT PLUS CRÉDIBLE QUE LUI ! accusa-t-elle sans se détendre une seconde. 

-       Ça ne sert à rien de s’énerver parce que c’est fait, essayai-je de trancher avec un calme plat malgré l’activation physique de mon corps face à sa rage. 

-       MAIS ON VA TOUS CREVER BORDEL ! T’AS MÊME PAS ÉTÉ CAPABLE DE TUER DUMBLEDORE ! me hurla-t-elle dessus en se défaisant de l’emprise de Blaise. 

Et soudain elle baissa les yeux, son regard cherchant dans ses souvenirs quelque chose qu’elle ne semblait pas trouver. A mesure qu’elle cherchait, sa respiration haletante s’apaisa doucement. Elle fronça les sourcils alors qu’elle continuait de fixer le sol en ayant l’air de chercher quelque chose dans son esprit. Et là-encore, je réalisai. Elle ne savait plus qui l’avait tué, parce que cela avait été Theo. 

-       C’est Theo, lui dis-je alors doucement, qui l’a tué, ajoutai-je alors qu’elle relevait des yeux perdus vers moi. 

La confrontation avec son trou de mémoire sembla la ramener dans le présent, où sa rage avait soudainement perdu de son intensité. Elle tourna l’espace d’une microseconde le regard vers Theo avant de reporter les yeux sur moi, sa bouche entre-ouverte et ses yeux vagues essayant d’assimiler les informations dont elle disposait. Elle avait l’air perdue. Démunie. Elle tenta d’abord de parler, mais sa bouche s’ouvrit dans un bruit sourd avant qu’elle ne puisse formuler tout bas : 

-       Mais… mais pourquoi il te ferait toi Grand Intendant, parmi tous ceux qu’il y a d’autres ? 

Blaise prit une profonde inspiration, prêt à lui raconter une partie de l’histoire qui ne ferait que vendre les réels sentiments de Theodore à son égard. Je parlais plus vite que lui : 

-       C’est parti en couilles avec les Aurors et on a perdu beaucoup de monde dans les rangs. 

Les sourcils de Pansy demeurèrent froncés sur son visage alors qu’elle intégrait toutes ces nouvelles informations. Quand elle releva les yeux vers nous, ce fut pour se tourner vers Blaise. D’un ton accusateur, elle lui lança : 

-       Je peux pas croire que t’ai laissé faire ça. 

Il prit quelques secondes avant de lui répondre sur un ton qu’il voulait calme : 

-       Je n’ai pas vraiment été consulté pour la décision, j’étais en train de pleurer ma meilleure amie, avoua-t-il avec une pointe de douleur qu’il ne pouvait dissimuler dans sa voix. 

Elle le regarda un instant, accusant réception de sa peine. Et soudain, elle se tourna face à Theo pour la toute première fois. Elle posa sur lui des yeux noirs, et elle cracha en sa direction d’un ton sec et tranchant dont elle seule détenait le secret : 

-       Et toi ? Il paraît que t’es son grand pote, l’accusa-t-elle en pointant dans ma direction d’un coup de tête. Sacré grand pote, pesta-t-elle finalement. 

La lourdeur du silence qui suivit ses mots trahissait notre tension à tous. Le corps de Theodore se tendit encore plus, chacun de ses muscles se contractant sous l’effet des premiers mots que l’amour de sa vie lui adressaient depuis qu’elle avait retrouvé la vie. Et il ne leva pas les yeux vers elle. Elle maintint la dureté de son regard sur lui, attendant quelque chose en retour. Une réponse, un regard, quelque chose. Mais elle ne reçut rien. Mon cœur se contracta douloureusement dans mon poitrail. 

-       Écoute, amenai-je sur un ton que je m’efforçai de rendre apaisant, il fallait que quelqu’un fasse quelque chose, et j’ai fait ce qu’il fallait pour tous nous sauver. 

Elle se détourna finalement de Theodore et reporta son regard assassin sur moi. La violence présente dans ses yeux s’intensifia à mesure qu’elle me regardait en intégrant tout ce que nous venions de lui raconter, et il trouva son apogée quand elle demanda avec une véhémence glaciale : 

-       Et Granger ? 

J’entendis mon cœur battre violemment dans mes oreilles à l’évocation de son nom. Je demeurai interdit un trop long instant durant lequel un nouveau poids s’était abattu en silence sur les quatre d’entre-nous. Quelque chose de l’ordre de ma violence, de l’ordre de ma propre colère se réveillait à l’intérieur de moi alors que son nom était prononcé sur un tel ton. 

-       Quoi, Granger ? finis-je par pouvoir répondre en tentant de contrôler la tonalité de ma voix. 

Les yeux de Pansy demeuraient plus accusateurs qu’ils ne l’avaient jamais été jusqu’alors. J’inspirai discrètement par le nez. Elle pinça ses lèvres et haussa les épaules avec le genre d’attitude et de sarcasme dont seule Pansy Parkinson avait la recette, et je me concentrai sur le fait que l’amie que j’aimais était en vie devant moi. 

-       Elle devient quoi dans tout ça ? questionna-t-elle sans n’être pourtant ouverte à la moindre réponse autre que celle qu’elle attendait. J’veux dire, quitte à c’qu’on se condamne tous à mort autant qu’on soit au courant de tes plans, appuya-t-elle sans que ses yeux ne me quittent une seconde. 

Elle était remplie d’une rage froide qui réveillait quelque chose de chaud en moi. Sauf qu’elle était légitime. Elle était morte. Elle était morte pour celle qu’elle mentionnait-là. Et c’était ma faute. Alors je fermais ma gueule, et je la laissai cracher le venin qu’elle avait besoin de sortir de son corps avant que je ne puisse lui offrir la réponse qu’elle attendait. Et je me rappelai qu’autant qu’elle était d’un sarcasme d’une violence remarquable, ce n’était que la traduction de ses inquiétudes, et si je poussais plus loin encore, ses inquiétudes n’étaient que la traduction de son amour. Alors j’inspirai encore par le nez alors qu’elle crachait avec l’ombre d’un sourire en coin qui n’avait rien d’amical : 

-       Elle vient habiter avec nous où vous testez la relation à distance ? 

J’expirai par le nez et me concentrai sur la beauté de ses yeux verts pleins de vie, quand bien même son regard était noirci en ma direction à cet instant. Ce n’était pas important. Elle était en vie. De fait, Theodore l’était aussi. Et Granger et moi étions responsables de sa mort. Sa colère était légitime. Elle était on ne pouvait plus légitime. 

-       Il n’y a plus de Granger, tranchai-je alors avec plus de tension apparente dans la voix que je ne l’aurais voulu. 

Ma tension traduisait plus mon propre état interne à l’évocation de son nom qu’à l’attitude en elle-même de Pansy, quand bien même elle savait mettre ma patience à rude épreuve comme peu d’autres personnes. Sauf Granger. Je chassai cette pensée et me concentrai sur la femme sous mes yeux. Mon frère et moi avions vraiment un genre de femme, ne pus-je m’empêcher d’observer alors, sentant un sourire cherchant à se glisser sur mes lèvres que je ne le laissai pas atteindre. Pansy plissa ses yeux dans ma direction : 

-       T’es sûr cette fois ? continua-t-elle en appuyant chacun de ses mots d’un mouvement de tête. Parce qu’il me semble que j’ai déjà entendu cette chanson avant, cracha-t-elle encore. 

Je mordais l’intérieur de mes joues entre mes dents. Elle était morte. J’étais en train de devenir Grand Intendant. Bien évidemment que c’en était terminé de Granger. Je lui avais fait peur. Je lui avais dit au revoir. Et je lui avais fait peur. Ragnar lui avait fait peur. Et je n’avais rien fait. Elle avait pleuré, et je n’avais rien fait. Elle m’avait serré, et je n’avais rien fait. Elle était tombée, et je n’avais rien fait. Pansy était morte par notre faute. Évidemment que c’en était terminé. Mon cœur avait cessé de battre violemment, à la place il me faisait mal désormais. C’était à mon tour de lever des yeux sombres vers Pansy, mais je lui promettais, parce que je le lui devais, avec l’intégralité de ma détermination et de ma dévotion : 

-       Il n’y a plus de Granger. 

Elle m’examina encore un instant, et je la laissai faire en maintenant l’ardeur des accusations qui brûlaient dans ses grands yeux verts. Je la laissai regarder ma culpabilité et la violence avec laquelle j’étais déterminé à les protéger désormais. Je la laissai voir en moi les responsabilités que je prenais et la force avec laquelle j’étais prêt à les assumer. Je la laissai scruter le sérieux qui appuyait mes mots, et décider si oui ou non elle pouvait me croire cette fois. Et finalement elle expulsa tout l’air de ses poumons, baissa les yeux un instant, acquiesça, et quand elle les releva dans ma direction toute trace de noirceur en avait disparu : 

-       Bon, de toute façon c’est fait, soupira-t-elle alors. 

-       Oui, c’est fait, lui renvoyai-je, conscient qu’elle ne parlait plus de celle que je n’avais pas le droit d’aimer. 

Son visage continuait d’acquiescer tandis qu’elle portait ses mains ancrées sur ses hanches, recherchant plus d’équilibre à l’intérieur d’elle-même. Elle continuait de me regarder gravement. Je ne pouvais m’empêcher de songer, une fois encore, à quel point elle avait l’air d’une guerrière avec sa tenue noire moulante et son bandage qui accentuait la finesse de sa taille et remontait jusqu’à son épaule droite. Le sérieux avec lequel elle continuait de me regarder n’appuyait que plus cette vision. 

-       Eh ben on va faire de toi un Grand Intendant alors, trancha-t-elle finalement telle l’amie soutenante qu’elle avait toujours été, même lorsque c’était voué à l’échec. 

Je lui souriais avec une tendresse que je ne pouvais retenir, et je ne l’essayai pas d’ailleurs. Elle m’avait manqué. Elle m’avait horriblement manqué, je m’en rendais compte en cet instant. Personne ne me confrontait à moi-même comme elle le faisait. Bien peu de gens étaient capable d’avoir une telle amie. Une amie capable de vous trancher le cœur avec ses quatre vérités, sans compter son arrogance et son dédain en prime. Mais à côté de cela c’était aussi une des très rares personnes qui me soutenaient toujours, quoi que je fasse, et quoi que je décide. Et je savais parfaitement que si en cet instant je lui avais répondu que je voulais garder Granger dans ma vie elle m’aurait probablement sauté au cou, asséné une bonne cinquantaine de coups, cracher des horreurs légitimes au visage, ne m’aurait certainement pas adressé la parole pendant un jour ou deux, et puis lorsqu’il aurait été l’heure de l’action, elle aurait encore mis sa vie en ligne de mire pour la protéger. Oui, peu de personnes pouvaient avoir une amie comme Pansy Parkinson. Mais alors que je la regardais avec une tendresse grandissante, je songeai à quel point je l’aimais. Et pour rien au monde je ne changerai quoi que ce soit chez elle. C’était l’intégralité de ce qu’elle était qui faisait d’elle l’une des personnes les plus époustouflantes que j’avais eu la chance de rencontrer. Alors je lui souriais, et j’acquiesçai en sa direction. Elle ne me sourit pas en retour, mais elle acquiesça encore vers moi, et la lueur dans ses yeux m’informait de son amour pour moi plus qu’aucun sourire ne pouvait le faire. 

Et soudain elle tourna le visage tout droit sur Theodore, ses sourcils légèrement froncés sur son front, et elle demanda avec la voix à la fois posée et pourtant quelque part teintée d’agressivité qui lui était caractéristique : 

-       Bon et toi l’fantôme, c’est quoi ton nom déjà ? 

J’aurais juré voir les lèvres de Theo se pincer en une moue discrètement retenue qui traduisait la tension montante en lui face à l’attitude de Pansy que, nous le savions tous les deux, il aimait tant, mais finalement il n’afficha rien sur son visage, et il ne leva toujours pas les yeux vers elle. Je supposai qu’il faudrait bien qu’il lui adresse quelques mots de temps en temps, même si je savais qu’il voulait surtout s’assurer qu’elle ne retomberait pas amoureuse de lui. 

-       Theodore Nott, finit donc par répondre Blaise à sa place. 

Pansy pouffa sans enlever ses yeux du visage de Theo d’apparence impassible. 

-       Il peut pas parler pour lui ? se moqua-t-elle avec dédain. Oh, j’te parle, le somma-t-elle directement devant sa non-réponse. 

Elle n’obtint toujours rien de lui. 

-       T’es au courant que c’est une Guerre ? appuya-t-elle avec une moue de dégoût sur les lèvres. Tu vas faire quoi si t’es même pas capable de regarder les gens dans les yeux, l’fantôme ? 

Ses sourcils se froncèrent de frustration plus que d’incompréhension sur son visage alors qu’il ne répondait pas à ses piques. Elle pouffa une nouvelle fois, cette fois avec moins d’amusement. Il ne mordait pas l’hameçon en ne lui rendant pas son énergie et cela commençait visiblement à énerver Pansy. Elle se tourna alors vers moi : 

-       Sérieux, c’est ça qu’il a mis à côté de toi ? s’indigna-t-elle en ancrant la moue de dégoût sur son visage. 

Une nouvelle fois, je lui souriais. D’un ton calme et apaisé, je lui répondais finalement : 

-       Même si tu t’en souviens pas, je t’assure qu’il est digne de ta confiance, et qu’il est tout à fait qualifié pour le job qui lui a été confié. 

Sa moue de dédain s’intensifia sur son visage alors qu’elle le regardait de haut en bas, puis de bas en haut. Je n’étais pas certain de ce qu’elle voyait pour se permettre une telle attitude, parce que moi ce que j’avais sous les yeux c’était un homme qui la surplombait d’au moins une bonne tête, si ce n’était deux, alors que Pansy était une femme plutôt grande. C’était un homme à la mâchoire tranchante, aux lèvres parfaitement dessinées, et aux cheveux sombres encore mouillés de sa douche qui tombaient sur ses yeux en ne contrastant que plus parfaitement avec la pâleur de sa peau. Le col roulé noir qu’il portait moulait diaboliquement les muscles de ses épaules, l’épaisseur de son dos, et le tranchant de chacun des traits de ses bras qui ressortait à travers la finesse du tissu. Alors je ne savais pas ce qu’elle voyait pour se permettre son comportement sans craindre la moindre répercussion, mais une chose était sûre, nous ne voyons pas la même chose. 

-       Mmh mmh, songea une Pansy qui ne me prenait pas au mot. 

Et soudain nos quatre visages se baissèrent simultanément sur nos avant-bras gauches. Les regards que nous relevions tous les uns vers les autres attestaient ce que nous savions déjà. Cinq, quatre, trois, deux, un, par le nez, puis cinq, quatre, trois, deux, un, par la bouche. Je venais de dormir. Mes murs étaient en place. J’étais prêt. J’acquiesçai en la direction de Theo, et tels les robots que nous étions quand nos bras nous brûlèrent, connaissant parfaitement ce que nous devions faire et le fait que nous n’avions pas le temps de nous languir sur ce qu’il risquait peut-être de se passer ensuite, je me retournai et nous nous dirigions tous vers la porte de la salle de réunion. J’entendis Theo derrière moi qui s’arrêta brusquement. Je me retournai pour le découvrir face à moi et dos à elle, barrant le passage à Pansy de son bras droit. Il leva ses yeux vers moi tandis que son visage demeurait bas, penché du côté où Pansy était. 

-       Elle ne vient pas, déclara-t-il d’un ton aussi bas que mortellement sérieux. 

Merde.

-       Pardon ?! s’indigna Pansy sans décrocher un regard de sa part. 

Il me fixait de ses yeux graves. 

-       Mais tu crois que tu parles de qui, pauvre con là ?! Et tu crois qu’tu peux parler de moi à la troisième personne sous mon nez comme si j’étais pas là ?! s’emporta-t-elle à nouveau. 

Il l’ignorait royalement, nos regards ne se quittant pas un instant. C’était délicat, la situation dans laquelle il me mettait-là. C’était très délicat. Le Seigneur des Ténèbres l’appelait. S’il l’appelait, elle devait venir. Elle faisait toujours partie des rangs. Elle allait devoir retourner sur le devant de la scène. Mais je voyais là dans les yeux de mon frère qu’il n’était pas envisageable, ne serait-ce que le quart d’une seconde, qu’elle refasse son entrée en scène aujourd’hui. 

-       Il a raison, tenta de rattraper Blaise sur un ton apaisant vers Pansy, t’es encore trop faible pour transplaner. 

Elle se retourna vivement vers lui. 

-       J’t’emmerde ! s’offensa-t-elle devant la mention explicite de son état diminué. 

Et pendant ce temps, les regards de Theo et moi se le lâchèrent pas. Je devais trouver une solution. Il ne céderait pas, il n’existait pas un seul moyen de faire en sorte qu’il accepte que Pansy vienne avec nous. 

-       Ils ont raison, cédai-je alors, c’est encore trop tôt. Pas ce soir Pansy, lui adressai-je doucement. 

-       Je sais pas à quel moment vous avez cru que parce que vous aviez chacun une paire de couilles j’étais soudainement à vos ordres, mais il va tous falloir que vous redescendiez parce que… 

Et Theodore se retourna vers elle avec une rapidité et une agilité saisissante. Il lui faisait face, son visage porté bas et ses yeux figés sur sa poitrine. Son geste coupa Pansy dans son élan dont le visage eut un mouvement de recul. Leurs visages n’étaient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, et tout l’air ambiant de la pièce sembla soudain s’évaporer. Elle posait sur lui des yeux interdits, sa bouche entre-ouverte alors que la voix de Theodore lui adressa une sécheresse avec laquelle il ne lui avait jamais parlé auparavant : 

-       Il t’a rendu la vie, mais ce que Voldemort déteste le plus ce sont les gens qui ne sont pas en capacité de faire ce qu’il demande, que ce soit physiquement ou pas. Donc à moins que tu aies envie de retourner faire un tour dans ton royaume des morts, tu vas poser ton cul sur cette chaise, et tu vas gentiment attendre que tes amis reviennent, ordonna-t-il de sa voix qui ne laissait pas de place à quelconque contestation. 

C’étaient là les premiers mots que Theodore adressait à l’amour de sa vie depuis qu’elle nous était revenue. Et Pansy demeura muette. Ses grands yeux verts étaient rivés sur le visage bas et outrageusement sérieux de l’homme qui se tenait devant elle, et qui venait de lui fermer son clapet comme peu de personnes encore en vie pouvaient s’en vanter. Je ne savais pas si cela était attribuable à la surprise de Pansy, à l’énergie indéniablement puissante de Theodore, ou encore à tout autre chose que je ne saisissais pas, mais elle demeura silencieuse. La rage remplaçait le choc sur ses traits quand finalement nous nous éloignons en direction des nos nouveaux quartier généraux. 

Alors que nous marchions jusqu’au hall d’entrée pour récupérer nos manteaux, Blaise murmura avec colère dans ma direction : 

-       Je t’avais pourtant dit que je ne lui mentirais pas en la prenant pour la dernière des connes. 

Il parlait du fait que je l’avais empêché de raconter la partie de l’histoire où Theodore avait massacré les Mangemorts présents dans la cathédrale quand le Seigneur des Ténèbres avait assassiné Pansy. Je tournais un visage fermé vers lui en enfilant mon trench noir : 

-       Et il me semble que c’est moi qui l’ai fait, donc de quoi tu te plains ? tranchai-je fermement. 

Il ne me répondit pas avant que nous transplanions tous les trois. 

Nous atterrissions en plein dans l’antre du Seigneur des Ténèbres que j’avais créé. Il était seul, hormis la présence de Nagini, ce qui ne le rendait que plus terrifiant. Il était face à trois d’entre nous, et il savait parfaitement bien que même en étant seul, il ne risquait rien. Je ne constatais pas la présence d’esclaves dans les parages, aussi supposai-je qu’ils étaient aux cachots. Il nous accueillait dans la partie basse de la grotte, où j’avais supposé qu’il dédierait l’espace à des rencontres qui ne dureraient pas. Je ne savais pas s’il était bon signe, ou non, que ce soit ici que nous étions reçus. Je faisais l’effort de ne pas poser les yeux sur le rocher où trop de choses s’étaient passées dans mon esprit, des choses auxquelles je ne voulais pas songer. 

-       Il y en a une qui manque à l’appel, ronronna sa voix de serpent alors qu’il se retournait vers nous pour nous faire face. 

Cet endroit était encore plus intimidant maintenant qu’il l’habitait, possédant ces lieux sombres de l’intégralité de son énergie noire. Sa robe d’un gris foncé s’enfonçait dans les roches aux mêmes tons tout autour de lui, pourtant il détonnait largement avec le reste des lieux de sa peau d’une pâleur inhumaine, et les yeux rouges qu’il posait sur nous n’en étaient que dix fois plus terrorisants. Des torches suspendues à quelques endroits stratégiques éclairaient la grotte plongée dans la nuit. Je contrôlais les battements de mon cœur par ma respiration, maintenant chacun de mes murs en place. J’étais le Grand Intendant en liste. C’était à moi de me positionner pour mes soldats. Il ne pouvait plus s’attaquer à Pansy. Je la protégeais désormais, gronda violemment quelque chose en moi. 

-       Parkinson n’est pas encore en état physique de transplaner, son corps est encore en phase de récupération, trancha ma voix plate ce silence aussi glaçant que la température environnante. 

Il enfonça son regard rouge dans mes yeux argentés, et je le maintenais avec force. Il ne toucherait plus à Pansy.  

-       Il me semble savoir que vous disposez d’un dragon, pointa-t-il avec un sourire qui n’avait rien d’encourageant. 

-       Un dragon qui ne représenterait aucun intérêt pour nous s’il acceptait d’être monté par le premier venu, renchéris-je en m’accrochant aussi fort que je le pouvais à la paire de couilles que je venais de me faire pousser. 

Il me sonda un instant, son visage se baissant avec menace en ma direction, ses yeux rivés sur les miens. Je contrôlais chaque battement de mon cœur et chaque pensée angoissante que j’interdisais de monter en moi. Son Grand Intendant. Son bras droit. Prouver que j’étais assez pour être son soldat le plus imposant. Finalement, il me sembla qu’il sourit. 

-       Il vaudrait mieux qu’elle soit rapidement en état si elle tient à rester en vie, accorda-t-il avec un regard en la direction de Theo qui ne s’y dérogeait pas. 

Il arpenta l’espace entre nous en marchant d’un pas lent, ses yeux désormais rivés sur le sol alors qu’il réfléchissait : 

-       Il se trouve que j’ai à vous parler, à vous en particulier avant de rassembler les autres, déclara-t-il d’une voix plus basse. Vous êtes les seuls au courant de ce qu’il s’est réellement passé dans cette cathédrale, rappela-t-il en levant des yeux brillants vers Theo, et puisque je ne peux dire que c’est l’œuvre du camp adverse au risque de faire douter mes troupes sur nos capacités à les vaincre, qui plus est en ma présence, et que je ne peux, en l’état actuel des choses, faire de Theodore Nott mon Grand Intendant, voici la version officielle que vous feriez bien de corroborer : il y avait un groupe de traîtres dans les rangs présents dans la cathédrale qui ont tenté de se rebeller suite au meurtre de Dumbledore, et nous les avons exterminé en démonstration de force. Dans un élan meurtrier, Theodore Nott a lancé un Feudeymon qui a emporté certains des fidèles, finit-il en menaçant Theo de son regard. Est-ce que c’est clair ? demanda-t-il sans qu’aucune interrogation ne soit pourtant audible dans la tonalité de sa voix. 

-       Oui, Maître, répliquai-je alors en acquiesçant. 

Theodore acquiesça à son tour, Blaise l’imita avec le plus de réticence. Il avait raison, en soit. Il pouvait difficilement expliquer au reste de ses fidèles que Theodore avait tué tout un tas des leurs, et qu’il s’en tirait avec ce que beaucoup d’entre eux considéreraient comme une promotion. 

-       Vous feriez mieux de faire passer le mot à Miss Parkinson avant qu’elle ne retrouve les rangs, avertit-il encore froidement. Si une quelconque autre version que celle-ci voyait le jour, l’auteur de tels ragots en subiraient des conséquences à la hauteur de son insulte envers mon autorité, menaça-t-il on ne pouvait plus explicitement. 

Il laissa ses yeux rouges passer sur chacun d’entre nous encore un instant, s’assurant que nous avions bien intégré le moindre de ses mots. Puis une dernière fois il acquiesça, effectua un mouvement circulaire de main qui ne lui nécessita pas le moindre effort, et soudainement les esclaves que j’avais capturés pour lui sortirent tous par l’entrée sous-terraine des cachots pour s’aligner en rang derrière lui. 

-       Dans ce cas, il me semble que nous avons maintenant quelque chose à fêter. 

Il ferma les yeux et balança ce qu’il restait de son visage en arrière tandis qu’un vent plus froid encore qui ne venait pas de l’extérieur se répandit entre nous. Les flammes des torches faiblirent avant de reprendre de plus belle à mesure que des traînées noires se matérialisaient tout autour de nous, accompagnées de bruits sourds au fur et à mesure que les Mangemorts apparaissaient. 

Dans l’espace rond bien que très large de la partie de la grotte que nous avions alloué aux réceptions, les Mangemorts apparaissaient tout autour de nous, créant un cercle dans lequel le Seigneur des Ténèbres et nous siégions en son centre. Je me concentrai sur la solidité de mes murs, et remarquai qu’en cet instant, ils m’étaient infaillibles. Quoi qu’il se passe, il ne nous tuerait pas en cet instant. Il ne se serait pas montré vulnérable en avouant qu’il avait besoin de nous pour mentir sur des événements qu’il n’avait pas contrôlé, parce qu’elle était là la réalité. Il n’avait pas su contrôler Theodore, ni sa peine, ni sa rage, ni le fait qu’il avait besoin de lui. Si j’en savais quelque chose, il m’apparaissait en cet instant que mon Theodore était le point faible de Voldemort. Je trouvais de la force dans ce constat. 

Le Seigneur des Ténèbres laissa ses fidèles arriver les uns après les autres, étendant ses bras sur le côté, se baignant dans le pouvoir qu’il possédait d’être capable de simplement fermer les yeux et que ses fidèles répondent immédiatement à son appel, les uns après les autres. C’était impressionnant en réalité, lorsqu’on le regardait bien. Terrifiant, bien sûr, mais impressionnant. Ils ne répondaient tous qu’à un seul homme, si tant était que nous pouvions encore dire qu’il était bel et bien un être humain. Il n’avait pas appelé tous ceux qui faisaient partie de ses rangs, je commençai à le comprendre. Il y avait les plus proches, dont beaucoup avaient été tués par Theo, qui étaient très, très souvent à ses côtés. Il y avait ensuite ceux qui étaient importants, qui étaient présents en cet instant. Et il y avait les autres, les plus nombreux d’entre eux, qui n’étaient que rarement là pour les occasions comme celle que celle-ci semblait être, et qui ne représentaient que des soldats, rien d’autre. Certains autres avaient des missions si particulières qu’ils n’étaient presque jamais là, et ceux-ci faisaient partie de ses fidèles les plus importants. C’était le cas du géniteur de Theo. 

Le Seigneur des Ténèbres s’imprégna de la présence de ceux qu’il avait appelés auprès de lui. Les visages de ses fidèles, certains jeunes, certains plus âgés, découvraient pour la plupart clairement les lieux dans lesquels nous nous tenions tous. Je me permettais de laisser mes yeux passer sur ceux que j’avais dans mon champ de vision. Ils avaient tous une certaine folie dans le regard, qu’il s’agisse des hommes ou des femmes. Le genre de folie qu’il fallait pour suivre un homme tel que celui qui se tenait devant nous et qui commandait massacre sur massacre. 

-       Mes chers amis, commença le Seigneur d’une voix qu’il portait haute, bienvenue dans notre nouvelle maison ! les accueilli-t-il sous leurs applaudissements. 

Je m’appliquai à me sentir intégralement indifférent au fait que c’était moi, au fond, qu’ils applaudissaient là, quand bien même je sentais qu’une partie de moi cherchait à s’attribuer le mérite qui lui revenait. Il ouvrit les bras plus grands pour mieux présenter les lieux : 

-       Maintenant que Dumbledore est mort, la Guerre est déclarée ! 

De nouveaux applaudissements retentirent, quand bien même je savais qu’ils avaient déjà tous cette information en leur possession. Je m’appliquais à les imiter, me forçant à ne pas me remémorer les événements en question. Mes murs étaient solides. Mon visage était fermé, et mon cœur aussi. 

-       Vous vous tenez dans votre nouveau Quartier Général, qui, quand bien même nous apprécions l’hospitalité de la maison Malefoy depuis tant d’années, a tout de même un certain autre…, cachet, dit-il avec un sourire en coin en ma direction.

Enfoiré. Les Mangemorts rirent à ses mots, acquiesçant avec approbation, ignorant intégralement que cet endroit était le fruit de mon travail avec Theo. Tant d’années de dévotion de mon père, de ma mère, et maintenant de moi, pour cela ? Pour qu’il crache sur les lieux qui lui avaient permis de faire son retour parmi nous après avoir tranquillement repris des forces pendant des années juste parce qu’il n’avait pas pu tuer un putain de nourrisson ? J’inspirai discrètement pour calmer ce qui s’activait de violent en moi. Il m’apparaissait évident qu’il ne s’abaisserait pas à nous accorder le crédit que nous méritions en l’état actuel de nos relations. Quand finalement les rires dont certains étaient forcés, c’était d’une évidence inquiétante, cessèrent, il reprit plus gravement : 

-       Si les trois jeunes recrues qui se tiennent devant vous, ainsi que Miss Pansy Parkinson qui est excusée ce soir, sont au cœur de la prise de Poudlard, désormais occupée par Severus Rogue, précieux membre de nos rangs, le présenta-t-il comme si c’était nécessaire, ainsi qu’au cœur du meurtre d’Albus Dumbledore, elles sont également au centre d’autres événements plus funestes dont vous n’êtes pas encore conscients. 

Je sentis la plupart des regards se tourner vers nous, quand bien même je gardais le regard fixé sur celui qui parlait. Regardez-moi, gronda quelque chose à l’intérieur de moi que je tentais de faire taire. Regardez-moi bien. 

-       Vous n’êtes pas sans remarquer l’absence de certains d’entre vous parmi nous ce soir, commença-t-il sur un ton plus mortuaire. 

Et il se mit à leur raconter l’histoire qu’il avait inventée de toutes pièces. Je ne l’écoutais que de loin, je l’analysais, lui et son mensonge, et la façon dont ses fidèles recevaient ces fausses informations. Il leur raconta comment certains d’entre eux étaient des traîtres, et comment il les avait démasqués parce qu’il était aussi puissant que cela. Que rien ne pouvait lui être caché, ni les pensées, ni les rêves, ni les désirs, ni les plans machiavéliques dormants que certains pouvaient nourrir. Il leur raconta comment il les avait vu venir, et comment nous nous étions battus à ses côtés contre eux dans cette cathédrale. Il leur relata comment Theodore s’était laissé emporter par sa rage meurtrière, et comment il avait été dépassé par son Feudeymon qui avait emporté d’autres d’entre nous au passage. Et il avait l’air convainquant, songeai-je en l’observant. Ses bras, ses mains, jusqu’au bout de ses doigts, chaque membre de son corps se mouvait avec habilité pour appuyer chacun de ses propos tel un chef d’orchestre. Les expressions de son visage exprimaient parfois la rage, parfois l’indignement, parfois le deuil, comme s’il ne les avait pas tous regarder mourir sans lever le petit doigt cette nuit-là. Comme s’il n’avait pas pris son pied en regardant Theodore les décimer, les uns après les autres, se demandant jusqu’où il était réellement capable d’aller. Ils leur offraient tous leur vie sans réaliser à quel point il n’en avait absolument rien à foutre, au fond, de leur vie, ni à quel point ceux que nous pensions tous comme irremplaçables pour lui, comme ma tante, étaient en fait tout à fait remplaçables à ses yeux. Tous sauf Theo, et il détestait ça. Moi, j’adorais ce constat. Et je regardais les visages hypnotisés des ceux qui recevaient ce ramassis de conneries. Ils gobaient chaque mot qu’il prononçait, leurs propres visages en parfaite adéquation avec chacune des émotions que faisait passer le Seigneur des Ténèbres dans son récit impeccablement construit. Ils croyaient tout. Ils s’indignaient des traîtres et s’extasiaient du pouvoir de leur Maître. Et je réalisai alors à quel point leur loyauté ne reposait sur absolument rien du tout. Je réalisai à quel point tout cela n’était que du putain de vent. Que les leaders n’étaient que des putains d’orateurs qui s’étaient prouvés quelques fois, souvent avec de l’aide, et qui avaient fait de leurs histoires des récits fantastiques, mais qu’ils les racontaient si bien que tout le monde les croyait. Sa cruauté et ses prouesses magiques étaient réelles, personne ne pouvait argumenter le contraire en son âme et conscience. Mais son pouvoir était si ébranlable qu’il se trouvait obligé de servir un mensonge à la consistance douteuse sur l’homme qui se tenait à mes côtés depuis mon plus jeune âge pour ne pas montrer à quel point il était, en fait, possiblement vulnérable. Quelque chose en tira de la jouissance, à l’intérieur de moi. 

-       Aussi, continua-t-il devant son audience alors que je me concentrai à nouveau sur ses paroles, je pense qu’il est temps de remettre leurs Masques à ces Mangemorts, déclara-t-il en passant ses yeux sur Theo, Blaise et moi. 

Tous les Mangemorts recevaient un Masque à un moment donné, généralement lorsqu’ils recevaient leur Marque. Puisque nous étions encore à Poudlard, et que nous n’étions pas principalement sur le terrain avec les autres, et certainement parce qu’il attendait de nous que nous fassions plus nos preuves encore, nous n’avions pas encore reçu les nôtres. Les Masques nous servaient à dissimuler nos visages lorsque nous étions en mission, afin qu’il soit plus difficile pour l’ennemi de nous identifier sur un champ de bataille. Ils étaient par ailleurs uniques à chacun, pour que nous puissions nous reconnaître entre nous dans les mêmes conditions. Leur magie était connectée à la magie qui coulait dans nos veines à travers notre Marque, et ils prenaient ainsi une forme qui était propre à chacun. En cela, un Mangemort ne pouvait se faire passer pour un autre en lui usurpant son Masque, puisque la magie qui le composait était propre à chacun. 

Le Seigneur des Ténèbres somma d’un coup de baguette discret quatre des esclaves sang-de-bourbe que Theo et moi avions capturés qui avancèrent vers lui tels des robots, chacun portant une boîte carrée noire dans leurs mains. Ils s’arrêtèrent juste derrière lui, et notre leader ouvrit la première boîte noire de ses mains outrageusement osseuses. Il saisit le Masque qui se trouvait à l’intérieur, et se retourna vers nous pour nous faire face. 

-       Blaise Zabini, appela-t-il d’abord. 

Mon ami gonfla son torse d’air, puis il avança à pas décidés vers lui. Le Seigneur des Ténèbres approcha le Masque du visage de Blaise, celui-ci se moulant avec magie directement sur sa peau. Voldemort le saisi par les épaules et le retourna face à nous pour que tous puissent le voir. J’inspirai profondément par le nez en découvrant mon ami dans son accoutrement intégral de Mangemort. Son Masque était presque blanc, de la couleur des os du corps humain. Il moulait son visage, hormis des pommettes appuyées qui ressortaient de chaque côté sous ses yeux. Deux traits parallèles de la même couleur le décoraient de son front jusqu’à ses yeux, et deux mêmes traits décoraient son menton. Si deux trous permettaient de voir ses yeux, il n’y avait aucune ouverte ou décoration qui habillait sa bouche fondue dans le Masque. Il était terrifiant. Un véritable Mangemort. Il fut applaudi, plus parce que le Seigneur des Ténèbres semblait l’attendre que par entrain des autres partisans. Ensuite, Blaise nous rejoint, et d’un coup de baguette il découvrit son visage de son Masque, retrouvant son apparence normale, son Masque résidant désormais dans sa baguette. 

Le Seigneur des Ténèbres se retourna vers le deuxième esclave, une femme. Il ouvrit la boîte noire suivante, et en sortit le Masque qui y était contenu en appelant : 

-       Theodore Nott. 

Mon frère ne prit aucune inspiration notable, ni ne se prépara de quelque façon que ce soit avant d’avancer de pas lourds vers le Seigneur des Ténèbres. Il était toujours prêt. Moi, j’inspirai profondément. Voldemort positionna le Masque sur le visage de Theo avant de le retourner face à nous comme il l’avait fait avec Blaise. Mon cœur rata un battement de voir mon frère ainsi. Il était tout bonnement terrorisant. Son Masque semblait être fait d’un métal noir d’une dureté sans pareille. Il moulait les os de son visage d’une façon saisissante. Les yeux du Masque étaient enfoncés, et si je n'y avais pas vu les pupilles d’un bleu sans pareil à l’intérieur, je ne l’aurai pas reconnu. Sur la moitié basse droite du Masque, de la joue jusqu’à sa bouche, le Masque était comme… brûlé, et une couleur gris foncé était visible en ces endroits qui semblaient fondus. De la même façon, certains traits sur son front, et particulièrement juste au-dessus de ses yeux, semblaient abimés, laissant un métal gris contraster avec le noir du reste de son Masque. Son Masque non plus n’offrait aucune ouverture à sa bouche en partie brûlée. 

Alors que les autres Mangemorts, moi y compris, applaudissaient, Voldemort retourna une nouvelle fois Theo face à lui. Il se tourna vers l’esclave suivant, un homme blond, et ouvrit la boîte suivante. Quand il se retourna à nouveau vers mon frère, il tenait en ses mains un Masque qu’il présentait à tous. C’était un Masque argenté sur lequel était dessiné un bandeau noir qui recouvrait les yeux. De ce bandeau noir partaient trois dessins de runes en direction du front, et deux autres descendaient sous les yeux. Des lèvres noires pulpeuses étaient dessinées là où la bouche se trouverait. Voldemort tendit ce deuxième Masque à Theodore avec un sourire sadique sur les lèvres : 

-       Le Masque de Pansy Parkinson, présenta le Seigneur. 

Mon cœur se mit à battre violemment de rage dans mon poitrail. Putain d’enfoiré de merde. Il le tendait à Theo en sachant pertinemment ce qu’il lui avait fait. Je sentais mon sang bouillonner dans mes veines. En sachant pertinemment que Pansy n’était plus sienne, il s’en était assuré. Ce qu’il y avait de plus violent en moi voulait se ruer sur Voldemort ici, maintenant. Je dus contrôler la quantité d’air insolente qui pénétrait mes narines et qui alimentait ma rage. Theodore demeura figé devant lui un instant alors qu’il tendait vers lui le Masque de Pansy. J’avalai ma salive et me concentrai sur les mouvements du corps de mon frère. Il tendit finalement les bras vers lui, et prit le Masque avec lequel le Seigneur des Ténèbres lui démontrait sa cruauté. Puis Theodore rejoignit nos côtés, et fit dissiper son Masque de sa baguette, gardant dans une de ses mains celui de Pansy. 

Finalement, le Seigneur des Ténèbres se retourna vers le dernier esclave, un homme brun qui portait la boîte qui contenait mon Masque. J’en profitais pour inspirer et expirer discrètement, cherchant à calmer les battements enragés de mon cœur. Il y avait quelque chose en moi que je devais contrôler avant de m’avancer vers lui, alors j’inspirai et j’expirai au rythme que je connaissais bien, et je tentais de me retrouver moi-même. Il se saisit de l’objet magique et se retourna vers nous, ses yeux rouges rivés sur moi. 

-       Drago Malefoy, appela-t-il alors que ses lèvres s’étiraient en un sourire en coin. 

Je pris une dernière inspiration que je ne laissai pas gonfler mes poumons visiblement, et m’avançai jusqu’à lui. Le Masque. Me concentrer uniquement sur le Masque. Je ne vis celui-ci qu’avant qu’il ne me le mette sur le visage. Il était d’un noir profond, sauf qu’il était décoré de détails fins d’un argenté brillant à l’image du Masque de Pansy, décorant le tour des yeux, le nez, et descendant sur une bouche terrifiante tracées par des traits faisant penser aux os des squelettes. Lentement, il approcha le Masque de mon visage, et je sentis immédiatement celui-ci se fondre avec ma peau. Je le sentis d’abord se répandre sur mon front, puis s’étendre sur mon crâne jusqu’à encercler et s’imprégner de l’intégral de ma tête. Hormis le noir qui entourait ma vision, je n’avais cependant pas la sensation d’avoir quoi que ce soit sur le visage. Je pouvais respirer normalement, et il me semblait que je pouvais tout aussi bien entendre ce qu’il se passait autour de moi. Je sentis alors ses mains osseuses s’enfoncer dans mes épaules, et il me retourna face aux autres qui applaudirent à contre-cœur. Je les regardais. Je laissais mes yeux passer sur chacun de ceux que je pouvais voir. Sur tous ces hommes et toutes ces femmes complètement éjectés que j’allais commander. De chacun d’entre eux que j’allais devoir convaincre que je leur étais supérieur en tous points. Certains étaient bien, bien plus âgés et expérimentés que moi. Ils essayeraient de me défier. Ils essayeraient de prendre ma place. Et j’allais devoir parvenir à les contrôler. Leurs yeux étaient rivés sur moi alors qu’ils applaudissaient par obligation. Il y avait déjà de la haine dans certains de leurs regards, simplement parce que j’étais l’héritier Malefoy. Simplement parce que j’étais le fils de mon père. Parce qu’ils considéraient que tout m’était tombé tout cru dans la gueule. Ils n’avaient pas idée combien j’aurais donné pour leur céder ma place. 

Derrière moi, la voix du Seigneur des Ténèbres retentit : 

-       Je vous annonce par la présente que c’est présentement Drago Malefoy que voici que j’envisage comme mon Grand Intendant ! 

Mon cœur se mit à battre violemment. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’il l’annonce maintenant, alors que je leur faisais face à tous. J’avais supposé qu’il me testerait plus avant de n’annoncer quoi que ce soit, et que j’aurais le temps de m’y préparer. Le temps de… rassembler mes esprits, je supposais. Il y eu du mouvement dans les rangs. Quelques chuchotements. S’ils ne se permettaient pas d’exprimer haut et fort leur désaccord, il fallait être aveugle pour ne pas voir l’indignation sur certains visages. 

-       Dans multiples de ses dernières missions, reprit le Seigneur des Ténèbres devant leurs réactions, Drago Malefoy a su montrer ses talents dans les rangs. S’il n’a pas encore officiellement le titre puisqu’il doit encore nous prouver à tous qu’il est notre Grand Intendant, je souhaitais, par transparence, vous annoncer mon changement stratégique en ce sens, Theodore Nott s’étant finalement révélé…, inapte, hésita-t-il. 

Le mouvement dans les rangs s’intensifia et Voldemort reprit d’une voix plus sèche : 

-       Je ne vous consulte pas, je vous informe. Souvenez-vous que vous avez placé votre confiance en moi, appuya-t-il avec ce qui semblait être de la colère. Je vous invite à vous en rappeler, menaça-t-il alors que tout mouvement s’évanouissait soudain. 

Il demeurait dans mon dos, ce qui m’était absolument détestable, mais je supposai qu’il laissait ses yeux rouges parcourir l’assemblée. Finalement, il lâcha mes épaules, et conclu : 

-       Bien. 

Je regagnais mes amis et d’un mouvement de baguette je me débarrassai moi aussi de mon Masque. 

-       Vous n’êtes pas sans savoir qu’en temps de Guerre il est primordial de travailler avec acharnement, mais également de savoir célébrer nos victoires, déclara-t-il sur un ton qu’il voulut plus léger. Demain, le travail reprendra. Mais pour ce soir, je ne peux que vous inviter à retrouver nos nouvelles recrues dans notre Maison de Joie que je ne suis pas sans savoir que certains d’entre vous affectionnent particulièrement, s’engagea-t-il pour nous avec un sourire plein de sous-entendus. Ce soir, les réjouissances seront à mon compte, déclara-t-il alors qu’il était acclamé avec entrain. Alors, allez ! s’écria-t-il en levant les bras au ciel. 

Les Mangemorts commencèrent à transplaner alors que ses yeux rouges menaçants se posèrent sur nous. J’acquiesçai en sa direction. Ce n’était pas réellement comme s’il nous avait posé une question ni comme si nous pouvions nous permettre le luxe de répondre « non merci ». Alors je me positionnai entre Theo et Blaise et saisissais leurs mains avant de transplaner à la Maison de Joie. 

Je n’y avais été qu’une seule fois l’été dernier, sous ordre de ma mère pour commencer à m’introduire parmi les autres. J’avais eu beau préciser à Theo à quel point cela semblait important, il avait catégoriquement refusé de se rendre dans un tel endroit. Je n’y étais pas resté longtemps. Ma mère avait insisté sur le fait que beaucoup se passait dans cet endroit : des discussions politiques qu’on ne pouvait avoir nulle part ailleurs et qui offraient parfois officieusement des renseignements qui pouvaient se révéler critiques, mais que c’était aussi important pour les relations. Elle m’avait expliqué l’importance de ces rassemblements officieux entre certains Mangemorts, et comment cela pouvait permettre de déceler à qui accorder un semblant de confiance, et à qui ne surtout jamais faire confiance pour quoi que ce soit. Et puis, il était bien vu de se rendre là-bas de temps en temps, et de continuer d’asseoir une image de virilité appuyée par tous, quand bien même des femmes Mangemort s’y rendaient parfois également. 

C’était un lieu qui était strictement réservé aux Mangemorts, mais le Seigneur des Ténèbres lui-même ne s’y rendait jamais. Comme pour les soirées plus officielles jusqu’alors organisées par ma mère où la bienséance était de mise plus qu’ici, il ne se mélangeait pas avec nous de la sorte. Ma mère m’avait prévenu également : « Il a des oreilles partout. Ce n’est pas parce qu’il n’est pas là qu’il n’entend pas. Tant que tu ne sais pas qui sont ses oreilles, fais attention à tout ce que tu dis et à qui. » Puisque c’était le règne de la terreur, il n’était pas rare que les Mangemorts se balancent entre eux dès qu’ils en avaient l’occasion dans le but de s’accorder les faveurs, au moins passagères, du Seigneur des Ténèbres. 

La Maison de Joie était en réalité une énorme maison à l’image des vestiges restants d’un ancien château sur un domaine viticole. En elle-même, ce n’était pas uniquement une maison abritant des prostituées. Il y en avait à disposition bien sûr, toutes de sang relativement pur bien entendu, « il faut bien que les hommes se détendent », justifiaient les porcs qui profitaient d’elles, mais pas seulement. C’était une maison dans laquelle il était possible de s’asseoir à des tables et discuter en buvant un (plusieurs) verre(s), jouer à toutes sortes de jeux, et où trop peu de comportements étaient interdits. J’avais entendu des histoires à faire glacer le sang de n’importe qui qui n’était pas complètement taré sur des choses qui avaient été faites à des femmes moldues ou de sang impur. Jamais rien de sexuel bien sûr, puisqu’il était proscrit de poser un jour sa main sur une telle femme, mais toutes sortes d’expériences ou de tortures avaient été explorées en ces lieux lorsque l’heure s’attardait parfois trop. 

La Maison de Joie en elle-même nous était mise à disposition tous les soirs de l’année, quand bien même tout le monde savait que les rassemblements qui amenaient le plus de monde se tenaient le vendredi soir. Je réalisai d’ailleurs en cet instant seulement que j’ignorai totalement quel jour nous étions. 

La maison était étalée de toute sa largeur sur un rez-de-chaussée imposant, plus un étage. C’était à l’étage que se trouvaient les pièces allouées aux activités d’ordre sexuel. Nous échangions des regards pleins de sous-entendus. Aucun d’entre nous ne souhaitait être là. Theo tenait toujours avec lui le Masque de Pansy comme rappel constant qu’il l’avait eue, et qu’il ne l’avait plus. En cet instant je le remerciai d’avoir insisté pour qu’elle ne vienne pas. Je n’avais aucune envie de la voir dans un tel lieu, quand bien même je savais qu’elle n’avait besoin de l’aide d’aucun d’entre nous pour se défendre elle-même. Il me débectait simplement au plus haut point d’imaginer ma meilleure amie, une femme, au milieu de tant de prédateurs ivres et en ces lieux pour tirer leur coup. 

Nous nous permîmes tous de prendre une dernière profonde inspiration, cherchant du courage avant de pénétrer à travers la grande porte d’entrée dans la maison. A l’extérieur, aucun bruit n’était audible. Dès que nous passions la porte, de la musique et un brouhaha de multiples voix emplissait soudainement nos oreilles. Le hall d’entrée était vide, il donnait simplement sur le grand escalier qui montait jusqu’à l’étage. Sur la gauche, la porte ouverte laissait entrevoir de grandes tables rondes sur lesquelles des Mangemorts jouaient avec des runes, des cartes, et tout un tas d’autres choses que je ne pouvais certainement pas voir. Sur notre droite, l’encadrement ouvert de la porte ouvrait sur une sorte d’immense salon où étaient disposés des canapés en tous genre, des fauteuils et des tables basses de part et d’autre de la pièce. Nous échangions un regard tous trois, et acquiescèrent en cœur avant que nous pénétrions dans la salle sur notre droite. 

La tapisserie des murs était hideuse, tant que je l’avais chassée de mes souvenirs. Elle était d’un vieux rose abominable, avec des dorures et des dessins floraux en tous genre à vomir. Elle donnait l’impression que la personne qui l’avait choisie avait pour but de rendre cette pièce la plus affreuse possible. Alors que nous pénétrions en son sein les trois quarts des regards se tournèrent vers nous, multiples des conversations environnantes cessant. Il me semblait que les yeux étaient surtout rivés sur moi, quand bien même nous étions tous trois largement inspectés. Nous n’étions vraisemblablement pas considérés comme les bienvenus en cet instant. Je laissai mes yeux balayer la pièce sans me fier aux battements de mon cœur. Je n’étais pas tant apeuré que cela, j’avais Theodore et Blaise à mes côtés. Contre eux, nous étions invincibles. J’étais par contre incroyablement mal à l’aise. Outre le fait que j’étais dans une Maison de Joie et que ce fait se suffisait à lui-même pour me rendre mal à l’aise, être scruté par la sorte par des yeux tantôt envieux, tantôt enragés n’aidait pas le sentiment. J’avais qu’une seule envie, m’enfuir le plus rapidement et le plus loin possible de cet endroit. Ils venaient d’apprendre qu’après Theo, qu’ils n’avaient déjà pas gaiement accepté, c’était l’héritier Malefoy qui risquait de les commander. A leur place, j’aurais les boules aussi. Ils étaient quasiment tout plus âgés, plus expérimentés, et trois fois plus intimidants que moi. Je faisais mon entrée avec eux en tant que leur possible supérieur, et si j’avais toujours été dans une lutte de pouvoir avec ceux que je rencontrais dans les événements officiels que ma mère donnait parce qu’il le fallait au risque de se faire bouffer, il était temps pour moi de passer à la vitesse supérieure. 

Ce fut Walden Macnair le premier à oser directement nous approcher tandis que le brouhaha ambiant reprenait doucement de son volume. Il avait également été parmi les premiers à nous accueillir pas si chaleureusement au Nouvel An dernier. Macnair travaillait au Ministère de la Magie du haut de sa soixantaine d’années à l’examen des Créatures Dangereuses seulement pour pouvoir torturer des choses vivantes sans être condamné. Il était important parce qu’il faisait partie des Mangemorts qui étaient donc infiltrés dans le Ministère, quand bien même j’avais envie de vomir chaque fois que je me retrouvais en sa présence. Le vieux pervers était un des grands fans de la Maison de Joie, et plus spécialement de ses jeunes femmes, si l’on en croyait la rumeur. Même parmi les Mangemorts, tout le monde savait que c’était un malade. Il s’approchait de nous avec un immense sourire qui dévoilait ses dents rongées par ses démons intérieurs, tendant son verre plein dans ma direction : 

-       Eh bien, les enfants, vous êtes enfin sortis de l’école ! s’exclama-t-il vers nous. Il paraît que des félicitations sont de mise, enfin, pour l’un d’entre vous, appuya-t-il ses yeux marrons dans ma direction. Il semblerait que tu n’aies pas su être à la hauteur de la tâche qui t’avait été confiée Nott, comme ton père l’avait d’ailleurs prédit, souri-t-il directement vers Theo. 

Blaise inspira profondément à côté de nous. 

-       Ouais, j’vais m’chercher un verre, conclu-t-il alors avant de s’en aller à la recherche du bar. 

Les attentions complètes et totales de Theo et moi étaient rivées sur le vieux fou.

-       Theo sera mon bras droit dès que je serai officiellement celui du Seigneur des Ténèbres Walden, alors je me montrerai un peu plus respectueux si j’étais toi, l’avertis-je avec une fermeté certaine dans la tonalité de ma voix. 

Bien entendu, Theodore pouvait largement se défendre seul, ce n’était rien de le dire. Mais si je devais asseoir mon autorité sur eux, je devais pouvoir commencer à le faire maintenant. Je ne pouvais pas m’offrir le luxe de laisser leurs réserves s’accumuler. Le Grand Intendant, ce serait moi. Aucun autre d’entre eux. Les yeux malicieux de Walden se tournèrent lentement vers moi sans qu’il ne perde son sourire immonde. 

-       Le Seigneur des Ténèbres semble, à juste-titre, encore indécis sur ce point, aussi peut-être ne devrais-tu pas t’aventurer à clamer une place qui ne t’a pas encore été attribuée officiellement au risque de te faire plus d’ennemis dans les rangs que tu n’en as déjà Drago, me menaça-t-il avec un sourire.  

Je lui rendis les sous-entendus implicites d’un sourire qui n’avait rien d’amical.

-       Si tu n’as pas l’intelligence de ne pas menacer celui qui te commandera demain, renchéris-je sur un ton bas, peut-être devrais-tu avoir la présence d’esprit de ne pas provoquer ceux qui ont assassiné Albus Dumbledore. 

Son sourire s’élargit en ma direction, dévoilant plus encore de ses dents noircies.

-       Ton père aussi était arrogant, commenta-t-il avant de se permettre une gorgée de son verre.

-       Je suppose que son héritage ne s’arrête donc ni à sa fortune, ni à son titre, répliquai-je sans perdre mon sourire. La jalousie te va mal au teint vieillard, chuchotai-je plus près de lui, ça risque de faire fuir les filles que tu es obligé de payer pour qu’elles acceptent de te laisser les toucher. 

Il me sonda un instant, la colère naissant visiblement dans le creux de ses yeux tombants. Je pouvais y lire sa cruauté. Il regarda autour de lui un instant avant de renchérir : 

-       A propos de Lucius, où il est ton papa ? Ah, c’est vrai, désolé, reprit-il plus bas avec un nouveau sourire sadique. 

Malgré la rage qui montait en moi, je ne perdais pas mon sourire. En fait, quelque chose en moi souriait vraiment. Je fis un nouveau pas en sa direction en enfonçant des yeux qui, eux, ne souriaient pas dans les siens avant de lui répondre d’une voix aussi basse que rauque : 

-       C’est moi le papa maintenant. 

Ses yeux brillants ne me quittèrent pas, et je soutenais son regard quand j’entendis Blaise revenir derrière moi. Mon ami soupira avec exaspération : 

-       Donc on en est encore à taper la causette au vieux schnock ? 

Walden tourna un regard menaçant vers Blaise. 

-       Oh, désolé Walden, s’excusa notre ami joueur avec un sourire faussement embarrassé, j’pensais pas que ton appareil auditif marchait d’aussi loin. 

Le Mangemort lui rendit l’hypocrisie de son sourire, et laissa ses yeux se balader sur chacun d’entre nous avant de lever son verre en notre direction : 

-       Amusez-vous donc bien tant que vous le pouvez, les enfants. 

Puis il disparut parmi les autres Mangemorts dans l’immonde salon. Blaise tendit à Theo et moi un verre chacun avant de prendre une importante gorgée de ce que je supposais être son deuxième. 

-       On est censé rester ici combien de temps ? nous demanda Blaise à tous deux. 

Theodore ne toucha pas à son verre tandis que je trempais mes lèvres dans le mien. Cela faisait bien, bien longtemps que je ne m’étais pas offert le luxe de profiter d’un verre, et pourtant j’aurais difficilement pu être plus tendu qu’en ces lieux. 

-       Assez de temps pour qu’on ait été remarqués par assez de monde, lui répliqua Theo en continuant d’analyser les personnes autour de nous. 

C’était toujours particulier d’être en leur présence. Nous étions constamment sur nos gardes, constamment sur le qui-vive, conscients d’être entouré des personnes les plus tarées et dangereuses de Grande Bretagne. C’était encore différent d’être enfermé dans une maison avec eux dans laquelle ils buvaient, baisaient, et parfois torturaient. Il me semblait que l’énergie sombre de ces lieux était imprimée dans les murs qui renfermait toute cette noirceur. Quiconque d’un minimum sain ne pouvait entrer dans une telle maison et ne pas se sentir physiquement mal à l’aise, c’était impossible. Et désormais je devais en plus me sentir et me montrer capable de les gérer alors que tout ce que je voulais faire en cet instant c’était fuir cette maison, et la fuir très vite. Il me semblait qu’une personne dangereuse l’était systématiquement plus lorsque celle-ci avait bu. Cette putain de Maison de Joie ne me disait rien, absolument rien de bon. 

Nous nous avancions en direction d’un canapé libre lorsqu’Arnold Foe, un Mangemort dans sa petite quarantaine qui avait toujours l’œil vif, ne vienne vers nous. C’était un homme de grande taille et plutôt fin doté de cheveux blonds et de yeux verts, quand bien même ils étaient d’une pâleur ridicule à côté de ceux de Pansy. 

-       Eh bien, soupira-t-il en notre direction avec un sourire qu’il voulait amical, on dirait que vous n’êtes pas très populaires. 

Je ne lui rendais pas son sourire, sur mes gardes. Je savais qu’il avait connu mon père et qu’il était dévoué au Seigneur des Ténèbres depuis au moins tout autant de temps. Je savais aussi que lorsque je retenais le nom d’un des Mangemorts alors que je n’avais pas trempé dans tout cela avant l’été dernier et que nous avions été les trois quarts du temps à Poudlard, c’était qu’il y avait une raison. 

-       Nous ne sommes pas ici pour être populaires mais pour servir notre Seigneur, rappelai-je sans me détendre un tant soit peu. On dirait que certains ont oublié la cause qui nous rassemble tous, constatai-je en passant un regard las sur l’assemblée.

Arnold Foe pouffa, quand bien même il me semblait n’y avoir aucune insulte dans son geste. Du moins, elle n’était pas voulue explicite. 

-       C’est donc cela, votre stratégie de leadership ? Vous pensez expliquer à des hommes et des femmes qui soutenaient déjà cette cause alors que vous n’étiez même pas né en quoi elle consiste ? 

C’était très particulier de converser avec lui. Je n’avais pas le moindre ressenti clair à son égard, tout comme je ne savais pas pourquoi j’avais retenu son visage et son nom. Sur l’échelle d’évaluation que m’avait donnée ma mère, je n’arrivais pas à savoir à quel point je ne devais pas lui faire confiance. 

-       Je compte faire ce que le Seigneur des Ténèbres attend de moi et rappeler à chacun d’entre vous que vous feriez bien, vous aussi, de faire ce qu’il attend de vous, tranchai-je sans perdre mon sérieux, mes yeux sondant l’homme qui se tenait devant moi. 

Il me sourit encore. Il n’arrêtait pas de me sourire. Et étrangement, il y avait quelque chose de plus doux que provocateur dans ce geste. Il baissa les yeux une seconde avant de reporter ses yeux brillants sur moi : 

-       Le problème voyez-vous Monsieur Malefoy, c’est que le Seigneur des Ténèbres a ostensiblement dit que vous aviez encore à leur prouver à tous que vous étiez leur Grand Intendant. Croyez-vous pouvoir faire cela en insultant un à un chacun de ses fidèles ? me demanda-t-il doucement. 

Il me vouvoyait et me nommait « Monsieur Malefoy », contrairement à pratiquement tous les autres. Il me donnait ce qui s’apparentait à des conseils, quand bien même des critiques étaient dissimulées en leur centre. Je sondais l’homme sans m’attendrir devant la douceur de son sourire, ainsi que de son regard. Ma voix aussi était basse quand je sévissais encore : 

-       Je n’insulte que ceux qui ont l’imprudence de me provoquer. 

Il haussa les épaules et se permit de me quitter des yeux pour regarder les Mangemorts autour de lui. Il semblait on ne pouvait plus relaxé. Rien dans son comportement verbal et non-verbal ne laissait supposer qu’il était tendu, en représentation ou en confrontation avec moi. Il avait simplement l’air parfaitement détendu et dans son élément, et me quittait des yeux comme si je ne représentais pas la moindre menace. Ce dernier constat ne me plaisait pas beaucoup. Ses yeux amicaux se posèrent à nouveau sur moi : 

-       Ils vous testent, n’est-ce pas entendable ? me demanda-t-il sur un ton dépourvu de tout reproche. Après tout, reprit-il une octave plus basse, ils ont prêté allégeance au Seigneur des Ténèbres, pas à vous, Monsieur Malefoy. 

Les rides naissantes sur son visage attestaient du fait que cet homme avait vécu. Elles se trouvaient principalement au creux de ses yeux, ainsi qu’aux coins de sa bouche. C’étaient les rides d’un homme qui riait et souriait beaucoup. Je ne baissai pas ma garde quand je lui fis remarquer : 

-       Vous vous gardez bien de vous inclure dans chacun des propos que vous avancez. 

Son sourire s’élargit en ma direction comme si j’avais dit ce qu’il avait espéré que je dirai. 

-       Je me garde d’insulter celui qui peut-être deviendra mon supérieur, répliqua-t-il en abaissant discrètement le visage dans ma direction en signe de soumission, n’y voyez-là que de l’intérêt, rien de plus, me sourit-il encore. 

Je songeais que parfois ce n’était pas la terreur qui permettait de mener des hommes, mais le respect. Depuis le début de notre rencontre cet homme s’était montré respectueux envers moi, plus qu’aucun autre Mangemort ne l’avait jamais été. Étant donné son âge, il connaissait certainement bien plus de Mangemorts que moi, et si jamais il se trouvait qu’il était sincère, peut-être appuierait-il un jour ma position auprès des rangs, amoindrissant la violence présumée de ma prise de pouvoir. Après tout je ne sentais pas de menace directe de la part d’Arnold Foe, même si cela le rendait peut-être encore plus dangereux que tous les autres finalement. Je ne lui rendis pas son sourire, mais lui renvoyais d’un ton plus apaisé : 

-       J’y vois là de l’intellect. 

Il inspira profondément sans perdre la douceur du sourire qu’il n’arrêtait de m’adresser, puis lorsqu’il parla à nouveau ce fut d’une voix basse qui ne souhaitait pas se faire entendre par ceux qui trainaient aux alentours : 

-       En vérité j’avais une certaine affection pour votre regretté père. Vous l’aurez peut-être remarqué, mais je suis un politicien, déclara-t-il en élargissant son sourire. Je sais en reconnaître un bon. Il lui manquait simplement cet aspect plus…, hésita-t-il, impitoyable qui est nécessaire à notre Grand Intendant. 

-       Et vous venez juger par vous-même de mes capacités à me montrer impitoyable, terminai-je pour lui. 

Il continuait de me sourire, sa dentition parfaite se révélant enfin à moi. Il pencha le visage sur le côté et leva des yeux presque joueurs vers moi : 

-       Oh non Monsieur Malefoy, cela je crois que c’est le temps qui nous le dira, autant à vous qu’à moi.

Il leva son verre dans ma direction avant de continuer : 

-        Je venais simplement trinquer à votre succès, peu de personnes ici peuvent se vanter d’avoir été prénommées Grand Intendant. 

Son regard me quitta pour la première fois depuis notre rencontre pour s’apposer sur Theo, vers qui il levait désormais son verre, les pommettes accompagnant son sourire ne disparaissant pas sur ses joues : 

-       Hormis Monsieur Nott ici présent, bien sûr. 

-       Ne vous méprenez pas, recadrai-je directement, Theodore s’est vu attribué une autre position au sommet de la hiérarchie. 

Son sourire s’élargit sur ses lèvres alors qu’il ne lâchait pas Theo des yeux. Mon frère, lui, était aussi tendu qu’il pouvait l’être. Les muscles de son visage étaient tous visiblement contractés, et ses yeux tout droits enfoncés dans ceux de l’homme qui continuait de lui sourire. 

-       Je n’en doute pas une seule seconde, chuchota presque Arnold Foe. Votre père m’est également familier, reprit-il plus haut vers Theo, il est un Mangemort de grande capacité, je suis certain qu’il doit être fier de son fils. 

Il mentait, dans sa fourberie explicite. Tout le monde savait que les rapports entre Theo et son père étaient inexistants puisqu’il était de notoriété publique que Theo vivait au manoir depuis maintenant des années. Theo ne détendit aucun des muscles de son visage quand il répliqua de son intimidante voix basse : 

-       Le temps des pères est révolu, c’est le temps des fils désormais. Votre respect signifiera quelque chose pour moi quand il me sera directement adressé, recadra-t-il l’homme qui étirait son sourire en coin. 

Il recula cependant d’un pas, élargit son sourire pour dévoiler ses dents une nouvelle fois et leva son verre vers les trois d’entre nous, nous balayant du regard : 

-       Au temps des fils alors, trinqua-t-il. 

Je levai mon verre discrètement en réponse, puis il abaissa son visage et disparu parmi les autres Mangemorts. Je me tournais vers un Theo qui avait les yeux rivés en la direction d’Arnold Foe. 

-       C’est ce qu’on a de plus proche d’un début d’allié, chuchotai-je vers lui. 

Il fit doucement non de la tête sans encore tourner les yeux vers moi : 

-       J’ai pas confiance. 

Et avec ces mots je me trouvais sans avoir quoi que ce soit à ajouter à ce sujet. 

-       Le canap’ est toujours libre, déclara un Blaise qui se retrouvait avec un nouveau verre vide. Posez vos culs, j’reviens, déclara-t-il avant de disparaître en direction du bar. 

Nous prenions place sur un canapé d’un vert clair qui ne faisait que rendre la décoration de la pièce plus abominable encore. Les regards continuaient de se retourner avec jugement sur notre passage, quand bien même ils s’étaient un peu atténués depuis que nous étions arrivés. Ils étaient ici pour boire et prendre du bon temps, pas pour le boulot à ce que j’en voyais, excepté les plus malins d’entre eux. Theodore et moi nous asseyons côte-à-côte quand Blaise revint avec une bouteille pleine. Il resservit seulement son propre verre vide quand il constata que Theodore n’avait pas touché au sien, et que je n’avais bu qu’une gorgée du mien. 

-       Tu devrais y aller doucement sur la bouteille, chuchotai-je sans tourner les yeux vers lui, on n’est pas à Poudlard. 

-       Ouais, et regarde-moi bien c’est exactement pour ça que j’vais boire, répliqua-t-il en vidant la moitié suivante de son nouveau verre. 

J’inspirai profondément et ne trouvais pas le temps d’expulser tout l’air que j’avais ingurgité quand un nouvel intrus s’octroya notre compagnie : 

-       Et voilà les stars du jour ! s’exclama celui qui n’était pas le bienvenu avec un large sourire. 

-       Maxwell, soupira Blaise en prenant une nouvelle gorgée. 

-       Zabini, le salua-t-il, toujours un verre à la main à c’que j’vois ! 

-       Et toi, toujours obligé de payer pour baiser à c’que j’vois, lui renvoya Blaise qui ne récolta qu’un plus large sourire et un haussement provocateur de sourcils encore en réponse. 

Cyprus Maxwell était un Mangemort récemment diplômé de Poudlard. Il avait trois années de plus que nous, nous l’avions donc croisé au château jusqu’à notre quatrième année. Maxwell n’avait ni les cheveux bruns ni blonds, il se trouvait dans un entre-deux indéfini. De la même façon, ses yeux n’étaient ni vraiment marrons, ni réellement verts, peut-être un mélange des deux. Sa peau n’était ni cadavérique, ni hâlée et ses cheveux ni longs ni courts, tombant simplement en n’étant ni ondulés ni plats sur ses yeux. Comme pour sa description physique, je ne savais s’il était plus approprié de dire que Cyprus Maxwell était un sombre fils de pute ou bien un sale crevard de merde. Je supposai que ce n’était pas très gentil pour sa maman, aussi optai-je pour le sale crevard de merde. 

Contrairement aux apparences, Cyprus était Serdaigle, comme quoi il n’y avait pas que les Serpentard qui finissaient dans les rangs, n’en déplaise à certains. Il traînait toujours avec Allan Weber, son grand pote brun deux fois plus large et trois fois plus débile que lui. Maxwell venait d’une famille blindée dont il était le plus extrémiste d’entre eux. Cela confirmait mon choix de sale crevard de merde. Il s’était enrôlé dans les rangs par pure conviction, seul un de ses oncles faisant parti des Serviteurs avant qu’il ne réponde à l’appel. 

-       Où est la quatrième roue du carrosse ? demanda l’intéressé en tournant ses yeux joueurs vers Theo, et plus particulièrement sur le Masque que Theo tenait toujours contre lui. 

Rien, absolument rien ne pouvait faire perdre son sourire à Cyprus Maxwell. C’était le genre de malade qui souriait sous la torture, si ce n’était qui en demandait encore. 

-       T’écoutes pas les adultes quand ils parlent ? lui répondit Theo fermement. Elle est excusée. 

Le sourire de Maxwell s’élargit encore sur son visage, j’ignorais comment cela était possible. Il avait un visage fin et des pommettes hautes qui creusaient ses joues. Il me semblait que son sourire pouvait remonter jusqu’à ses oreilles. Comme s’il avait quelque chose dans la bouche, il mâcha avant de reprendre vers Theo : 

-       Ah j’ai bien écouté, j’suis bon élève Nott, j’aimerais juste savoir de quoi j’suis censé la pardonner, provoqua-t-il avec un ronronnement dans la voix. 

-       Mêle-toi d’ton cul Cyprus, tranchai-je avant que mon frère ne décide d’en faire son casse-croûte.

Il tourna ses yeux dans lesquels du vert et du marron étaient fondus en des éclats curieux. Il se permit de rire avec son con de pote Weber avant de reprendre en s’exclamant : 

-       Mais dites-donc c’est le grand méchant Drago lui-même qui daigne m’adresser la parole ! Aller, raconte, reprit-il plus bas avec un regard affamé, comment t’as fait pour voler la place à ton pote ? C’était pas très gentil ça Drago, ajouta-t-il en un murmure. 

Blaise avait fini un nouveau verre et s’en servait un autre quand il répliqua avant que je ne puisse le faire : 

-       T’es jaloux Maxwell ? 

L’accusé leva ses deux sourcils haut sur son front. C’était assez impressionnant la façon dont ses expressions faciales traduisaient sans filtre tout ce qu’il se passait à l’intérieur de lui de façon systématiquement exagérée. 

-       De pas avoir à contrôler cette bande de cons dont la plupart sont d’une médiocrité affligeante ?

Il pinça ses lèvres en une moue appuyée et ferma les yeux en acquiesçant un instant. 

-       Bien sûr, reprit-il avec une ironie débordante, vert de jalousie. 

-       Quel manque d’ambition, si typique des Serdaigle, soupirai-je alors. 

Il tourna ses yeux vifs vers moi et élargit encore son sourire avant de froncer les sourcils : 

-       Oh j’t’en prie ma biche, c’est fini l’école, maintenant t’es dans la cour des grands, ici ça n’a plus d’importance. 

Blaise avalait sa nouvelle gorgée lorsqu’il tourna le visage vers moi : 

-       J’ai l’impression qu’y a qu’un Serdaigle jaloux de pas être Serpentard qui sortirait une connerie pareille, me lança-t-il à voix faussement basse. 

-       Et moi j’ai l’impression que vous trouvez toujours le moyen de ne pas répondre à mes questions, renchérit notre intrus avant de rapprocher son visage vers nous. Y a des trucs qu’on est pas censé savoir ? chuchota-t-il en passant sur nous ses yeux fous. 

-       Qu’est-ce que tu veux, Cyprus ? soupirai-je avec lassitude. 

J’en avais assez eu. 

-       Ben voilà, encore ! s’exclama-t-il en ouvrant ses bras au ciel avant de les laisser retomber sur ses cuisses en les fouettant. T’as vu ça ? lança-t-il vers son pote. 

Quand il se pencha à nouveau vers nous, il ne souriait plus. 

-       Moi j’crois qu’y a un truc louche dans l’air, chuchota-t-il encore. 

Il fronça son nez et renifla autour de lui. 

-       Ça pue la merde toute votre histoire. 

Blaise vidait intégralement son verre quand je me penchais vers Maxwell en appuyant mes coudes sur mes genoux, lui offrant un visage aussi fermé que défiant :

-       Eh bien va demander au Seigneur des Ténèbres, ma biche, appuyai-je d’une voix basse en sa direction. 

Il nous dévoila à nouveau ses dents en un large sourire avant de pointer un doigt appuyé sur moi. 

-       Tu sais Drago, j’suis le premier à reconnaître que 1 et 1 font 2, murmura-t-il avant d’effacer son sourire sur son visage creusé. Mais tu vois l’problème c’est que toi plus Voldemort, ça fait pas Grand Intendant, et j’crois qu’tu l’sais très bien. 

Il pointa Theo du doigt avec un sérieux menaçant : 

-       Et ton p’tit pote là aussi, il le sait. J’ai été à Poudlard avec toi, rappelle-toi, m’adressa-t-il avec un clin d’œil. Content de voir que t’es capable de lever les yeux maintenant Nott d’ailleurs, lança-t-il vers Theo. 

Puis il tourna le regard vers Blaise et se mit encore à sourire comme le détraqué qu’il était. 

-       Au fait, comment va ta maman Zabini ? 

Blaise se leva impulsivement du canapé et je l’imitais en retenant son corps élancé de mon bras gauche que je barrais devant lui. Maxwell se mit à rire à gorge déployée vers Weber qui riait avec lui. Theodore posait sur lui un regard assassin qui ne nécessitait pas de mots. Blaise leva un doigt menaçant vers lui avant de cracher : 

-       Tu sais quoi Maxwell, fait le malin autant qu’tu veux, la vérité c’est qu’on le tient par les couilles. Tout ça, balança-t-il vers lui, toute cette histoire de traitres c’est des putains de conneries, et tu sais pourquoi ? 

-       Blaise, tranchai-je sèchement alors que mon cœur commençait à battre violemment dans mon poitrail, ferme-là. 

Theo et moi ne pouvions pas lui sauter dessus pour l’empêcher de parler devant autant de Mangemorts sans montrer ostensiblement qu’il y avait quelque chose de louche. Le sourire de Maxwell s’étendait encore sur ses lèvres alors qu’il dévorait Blaise des yeux, avide de ce qu’il avait à lui dire. 

-       Parce que c’est Theo qui les a tous tué ! lâcha-t-il en ouvrant les bras. 

-       La ferme Blaise, sévit Theo d’un ton tranchant à son tour. 

-       Et tu sais ce qu’il a fait, ton Voldemort ? continua notre ami emporté par la rage. 

-       Je te dis de fermer ta gueule Blaise, tentai-je encore sur un ton plus appuyé. 

-       Il lui a donné une putain de promotion ! s’exclama-t-il finalement. Alors vas-y fils de pute, teste-nous, le défia-t-il avec rage. 

J’entendais mon cœur battre jusque dans mes oreilles et ma respiration se faire difficile. Cyprus ouvrait de grands yeux avec son large sourire ravi, et répéta à voix haute :

-       Vous avez entendu ?! C’est Nott Junior qui a buté les nôtres ! 

Il sembla encore mâcher quelque chose avant de se pencher vers nous, ses yeux excités rivés sur Theo quand il chuchota tout bas avec un sourire sadique :

-       Où est Pansy, Theo ? 

Ce fut le tour du corps de mon frère de se lever avec violence du canapé, sa mâchoire si serrée qu’elle ressortait, tranchante comme une lame. Ses yeux assassins étaient enfoncés sur le visage de Cyprus. Mon bras droit vint violemment s’écraser sur le torse de Theo. 

-       Ça suffit, tranchai-je froidement, on s’en va. 

Je m’apprêtais à transplaner quand la voix enjouée de Maxwell raisonna dans nos oreilles : 

-       Passe-lui le bonjour de ma part ! 

Nous atterrissions dans les jardins du manoir à côté de l’entrée quand je pestais, la peur montant en moi : 

-       Putain de merde Blaise, qu’est-ce qui t’as pris ?! 

Il tanguait du transplanage en riant : 

-       Roh ça va, ce p’tit con aura jamais les couilles d’aller voir Voldemort pour lui dire « eh bah alors frérot, t’as menti ?! » 

Je me passais les mains sur le visage en soupirant. Il avait raison sur ce point, mais d’autres le feraient peut-être. Et quand bien même il n’avait pas raconté toute l’histoire en ce qui concernait Pansy et les conditions dans lesquelles j’étais devenu Grand Intendant, vu la question qu’il avait posée à Theo cet enfoiré avait au moins compris qu’il s’était passé quelque chose avec elle. 

-       Tu as été imprudent Blaise, trancha la voix sèche de Theo qui ne s’était pas détendu non plus. 

Notre ami ouvrit les bras devant nous alors qu’il continuait de chercher à retrouver son équilibre. Il était ivre. Nous n’obtiendrons rien de sérieux de lui ce soir. 

-       Détendez-vous mes bichettes ! appuya notre ami sans retrouver une once de sérieux. Il va rien se passer ! 

Un grondement vibrant dans le dos de Blaise le força à se retourner pour découvrir Ragnar s’approcher de sa grandeur dans la nuit. Blaise sursauta en s’écriant :

-       Oh putain !

Il s’éloigna de plusieurs pas alors que Theo et moi ne trouvions pas en nous ce qu’il fallait pour ne pas rire. Après tout, peut-être avions-nous effectivement besoin de ça. Peut-être avions-nous besoin de nous détendre un peu. 

-       C’est ton lézard, ça ?! s’exclama Blaise avec incrédulité dans ma direction tandis que Ragnar se dévoilait dans la nuit, avançant avec une menace lente dans chacun de ses pas vibrants. 

Je riais encore en acquiesçant en sa direction. Blaise fit un pas en avant pour aller le rencontrer, puis un autre : 

-       Alors Ragnounet, tu vas me laisser t’approcher maintenant que t’es un grand méchant lézard ? tenta-t-il vers lui avec une voix aigüe qu’il forçait. 

Un grondement rauque terrifiant vibra dans la gorge de Ragnar comme avertissement.

-       Nope, recula directement Blaise, toujours pas, ok, céda-t-il en lui montrant les paumes de ses mains. 

Il recula avec la tête baissée alors que Theo et moi rions de notre ami qui toujours était capable de rendre les choses plus légères par les plus petites choses du quotidien. Ce fut Theo qui prit Blaise par l’épaule pour l’entraîner avec lui vers le manoir, le sourire aux lèvres. D’un mouvement habile de bras, il me tendit le Masque de Pansy que je récupérai avec un pincement au cœur.  

-       Aller, rentrons, proposa-t-il en marchant avec Blaise tandis que je les suivais. Tu t’es assez donné en spectacle pour aujourd’hui, ajouta-t-il avec une tendresse qu’il ne feignait pas. 

-       Oui mais je donne un bon spectacle, non ? réclama Blaise en levant les yeux vers Theo.

Theo pencha le visage sur le côté pour poser sur notre ami des yeux pleins d’amour. 

-       Le meilleur de tous, le rassura tendrement Theo. 

Dès que nous passions la porte d’entrée du manoir, Pansy se précipita sur nous. Le bras de Theo tomba de l’épaule de Blaise, toute ombre d’un sourire s’évanouit de son visage et la beauté de son regard s’abaissa au profit de ses paupières. Je ne parvenais pas à imaginer comment il devait se sentir de se trouver face à la femme dont il était éperdument amoureux et qu’il avait eue avec lui toute sa vie, qu’il avait vue mourir, et qui le traitait désormais comme un inconnu. A vrai dire, je n’avais pas vraiment envie de le savoir. J’avais peur de ne pas savoir comment composer avec.  

Les yeux effrayés de Pansy allaient de Blaise à moi alors qu’elle demandait d’une voix pressante : 

-       Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qu’est-ce qu’il voulait ? 

Je lui souriais alors que Blaise ouvrait ses bras et s’écrasait de tout son poids contre elle, la faisant reculer de plusieurs pas alors qu’elle le recevait difficilement : 

-       Aaaaaah, ma p’tite zouz à moi ! s’exclama Blaise en essayant de se relever contre elle. 

Elle ouvrait de gros yeux interrogateurs vers moi en tenant tant bien que mal Blaise dans ses bras frêles. 

-       Tout va bien, la rassurai-je, il nous a remis nos Masques et nous a invité à boire un verre dans la Maison de Joie. 

-       Y en a un qui n’en as pas bu qu’un, commenta-t-elle en levant un sourcil vers Blaise qui s’était relevé sur ses deux pieds quand bien même il était blotti contre elle, un sourire apaisé sur son visage devenu doux en la présence de sa meilleure amie. 

-       Tu connais la bête, renchérissais-je sans perdre mon sourire. Tiens, lui tendis-je son Masque, il nous l’a confié pour toi. 

Elle tendu une main hésitante en fronçant ses sourcils alors qu’elle découvrait son Masque de Mangemort. Son Masque argenté au bandeau noir sur les yeux, décoré de runes. Je ne pus m’empêcher de songer en cet instant que le bandeau noir qui semblait peint sur ses yeux attestait plus que toute autre chose ne l’aurait pu d’à quel point elle appartenait vraiment à Theodore, jusqu’au plus profond de son être. 

-       Merde, chuchota-t-elle en le prenant finalement, ça fait bizarre. 

J’acquiesçai en réponse. Ce n’était rien de le dire. 

-       C’est toi qu’as l’plus beau, bava Blaise contre sa poitrine. 

Elle releva les yeux vers moi et haussa les sourcils devant la remarque de Blaise qui glissait à nouveau contre elle. Elle le rattrapa comme elle le pu de ses deux bras et déclara : 

-       Ouais, il est temps d’aller s’coucher, hein. Drago, un coup de main ? 

Je m’approchais d’eux et récupérai l’autre moitié de Blaise. Je ne pus m’empêcher de tourner les yeux vers Theodore qui nous précéda et acquiesça vers moi :

-       Bonne nuit. 

Et il disparut avant que nous ne parvenions à monter Blaise jusqu’à sa chambre. Marche après marche, nous l’aidions à gravir le manoir jusqu’à ce que nous arrivions à son lit. Sous ses plaintes ou blagues incessantes, nous le forcions à se mettre au lit et quand bien même il avait protesté, il ronfla avant même que nous ayons quitté sa chambre. Je souhaitais bonne nuit à Pansy et me retournai pour retrouver ma propre chambre quand elle m’appela : 

-       Drago ?

Je me retournais vers elle avec des yeux fatigués. 

-       Je suis dans la chambre de qui ? demanda-t-elle alors doucement. 

Je sentis ma bouche s’entre-ouvrir à sa question. Je ne m’y étais pas attendu. Elle me regardait de ses grands yeux verts, attendant ma réponse, pendue à mes lèvres. Je pris une ou deux secondes de trop pour être parfaitement crédible à répondre en secouant le visage : 

-       Personne, c’est une chambre d’ami. 

Elle pinça discrètement les lèvres, acquiesça faiblement avant de me souhaiter une bonne nuit, et elle alla ensuite retrouver sa juste place, dans le lit de Theodore. 

Je retrouvais, épuisé, ma propre chambre. Alors que je fermais la porte derrière moi la première chose que je vis à nouveau était ma malle ouverte, et le carnet siégeant au-dessus de mes vêtements pliés. Je m’arrêtais-là, au milieu de ma chambre éclairée par une bougie que Mint avait dû allumer pour moi en prévision de mon retour, les yeux rivés sur le carnet. Je ne sentis pas mon cœur se mettre à battre violemment dans mon poitrail. Je ne sentis pas ma respiration se faire haletante ni mon estomac se retourner. Non, je ne sentis rien de tout cela. Je sentis par contre mes murs s’abattre, mes bras tomber lourdement le long de mon corps, et des larmes monter à mes yeux alors qu’une vague de tristesse m’inondait, me frappant de plein fouet. 

Je voulais m’en saisir et lui dire à quel point elle me manquait. En cet instant je voulais m’en saisir et lui demander comment elle allait. Si elle parvenait à continuer de respirer convenablement depuis que j’étais parti, parce que moi ce n’était pas le cas. Lui demander si elle pouvait encore manger normalement depuis que je l’avais quittée, parce que moi ce n’était pas le cas. Lui demander si elle réussissait à penser à moi, ou si comme moi elle n’avait pas le droit de s’y risquer. Je voulais m’en saisir et lui dire à quel point je l’aimais. A quel point j’étais désolé. A quel point je n’étais pas celui dont elle entendait certainement parler sans cesse autour d’elle. A quel point j’espérais qu’elle parviendrait à trouver la force en elle de continuer de faire vivre dans ses souvenirs l’homme que j’étais et que je ne pouvais plus être, parce que c’était là tout ce qu’il en restait. A quel point je désirais pouvoir l’étreindre dans mes bras et sentir son odeur contre moi pour qu’elle remplace celle de la mort. A quel point tout ce que je souhaitais c’était ouvrir les draps de mon lit et la trouver là, prête à accueillir ma peau contre la sienne. A quel point chaque caractéristique qui faisait d’elle ce qu’elle était me manquait. Les larmes perlaient douloureusement sur mes joues. Je voulais lui dire à quel point ses cheveux me manquaient, et combien je les aimais, eux et leur indomptabilité. Je voulais lui dire à quel point j’espérais chacune nuit alors que je m’endormais que son visage remplace les cauchemars qui me réveillaient, parce que c’était le seul endroit où je pouvais désormais la retrouver. Je voulais lui dire à quel point la douceur de ses lèvres me manquait, et la rassurer sur le fait que seules les siennes renfermaient le secret pour panser mes plaies. Je voulais lui dire que je m’endormais en demandant aux Dieux de prendre soin d’elle pour moi. Je voulais lui dire que quand je m’autorisais à penser à elle, je n’avais plus envie de mourir. Je voulais lui dire que lorsque le souvenir de mon prénom dans sa bouche raisonnait dans mes oreilles, je n’avais plus envie de mourir. Je voulais lui dire à quel point mon cœur lui appartenait toujours, dans son intégralité, tout du moins ce qu’il en restait. 

Mais je ne pouvais rien lui dire de tout cela, alors je pleurais. Je pleurais tout ce que j’avais à pleurer, et je le laissais sortir, cet amour brûlant en moi qui ne trouvait plus de destinataire. Et soudain toute larme cessa de ruisseler sur mes joues, parce que mon avant-bras gauche se mit à brûler, et la peur remplaça la tristesse. Il nous avait désistés pour la soirée. C’était le début de la nuit. Il y avait une urgence, peu importait ce qu’elle était. Je me retournais et courais dans le couloir alors que Theodore sortait à son tour de sa chambre, les yeux grands ouverts avec horreur lui aussi alors que nous nous regardions avec anticipation. Ses yeux se posèrent sur la chambre de Blaise dans laquelle un vacarme retentit. Il venait de tomber de son lit en essayant d’en sortir. Theo couru jusque dans sa chambre, et bientôt Pansy sorti de la chambre de Theo pour nous rejoindre dans le couloir : 

-       Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle dans la panique. 

Il ne l’appelait donc pas elle. Je pénétrais dans la chambre de Blaise derrière Theodore sans prendre le temps de lui répondre. Blaise était ivre mort, et nous étions appelés. Et nous devions transplaner immédiatement, ils devaient déjà être en train de nous attendre. Theodore attrapa la nuque de Blaise qui était accroupi par terre d’une main ferme tandis que mon cœur battait violemment dans mon poitrail. Il ne pouvait pas être dans un état pareil devant le Seigneur des Ténèbres. 

-       Qu’est-ce qui se passe bordel ?! s’emporta une Pansy dont la panique grandissait dans la voix. 

Il ouvrit grand la bouche de Blaise de sa main qui ne lui tenait pas la nuque et enfonça deux de ses doigts au fond de sa gorge. 

-       MAIS ÇA VA PAS LA TÊTE, QU’EST-CE QUE TU FOUS ?! s’écria-t-elle en s’avançant vers eux alors que je la retenais d’un bras automatique. 

-       Il nous appelle, répliquai-je sans vraiment m’en rendre compte alors que je regardais Theo. 

Un réflexe nauséeux raisonna dans la gorge de Blaise alors que Theodore maintenait son visage surélevé du sol de sa main gauche, les doigts de sa main droite s’enfonçant plus encore dans la bouche de Blaise alors qu’une larme coulait sur sa joue tandis qu’il s’étouffait sur sa main. Un nouveau gag propulsa son corps en avant, et Theodore retira ses doigts alors que les deux mains de Blaise venaient rencontrer le sol alors qu’il y vomissait ses tripes. 

-       Dis à Mint de nettoyer, m’entendis-je dire vers Pansy sans vraiment m’en rendre compte alors que Theo passait un coup de main sur le menton de Blaise avant de le relever vivement. 

Avant que je ne m’en rende compte, nous avions transplané dans la grotte de Voldemort. L’air était glacial. Tous ceux qui avaient été présents pour la remise de nos Masques ainsi que dans la Maison de Joie étaient présents. Il n’y avait pas un bruit dans l’assemblée malgré le nombre de personnes présentes. Blaise se redressait difficilement alors qu’il était fermement tenu par le bras épais de Theo. Je pouvais entendre mon cœur battre violemment dans mes oreilles. Les membres qui étaient devant nous s’écartèrent de chaque côté pour nous laisser en ligne de mire. Le Seigneur des Ténèbres était dos à nous, au centre du cercle dessiné par les Mangemorts dans la salle de réception que j’avais conçue pour lui. La surprise des événements ne m’avait pas encore permis de remonter mon mur. J’étais encore trop facilement déstabilisé. Lentement, le mage noir se retourna vers nous, son visage baissé et sa voix tranchante : 

-       Il a été porté à ma connaissance qu’une personne parmi vous s’est permise de m’insulter en faisant circuler des mensonges à mon propos. 

Mon cœur cessa de battre. Lorsqu’il fut intégralement retourné face à nous, ses yeux rouges s’enfoncèrent durement sur Blaise. 



ALOOOORS on se sent comment pour la suite????

Et cette nouvelle dynamique Pansy/Theo ça dit quoi???

Si tu me suis pas encore, je mets sur insta pas mal de contenu dramione et en rapport avec la fic, et je préviens de quand je vais poster les chapitres suivants aussi!!! @ livstivrig 

J'espère à très vite <333

Liv

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