Dollhouse

Chapitre 47 : Le baiser du dragon

15328 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 22/10/2024 14:09

Jour 1. 

Nous avions kidnappé une quarantaine de sang-de-bourbe grâce à la liste de mon père. Autant que nous l’avions pu, nous avions pris des hommes dans la trentaine, bien que dans le secteur que nous nous étions attribués nous avions dû prendre quelques femmes également. Nous avions tantôt frappé directement à la porte de leur maison, pénétré de force dans les lieux, les avions fait disparaître en un clin d’œil alors qu’ils étaient en route pour le travail, ou nous étions battus contre les plus réactifs d’entre eux. Nous nous étions assurés que chacun d’entre eux ait et prenne sa baguette avec lui. Certains d’entre eux travaillaient pour le Ministère de la Magie. C’était la Guerre. Si le meurtre de Dumbledore n’était pas un signe suffisant que celle-ci avait démarrée, ce que nous venions de faire, Theo et moi, l’était. 

Nous les avions ensuite tous entassés dans un champ désertique non loin de l’endroit que Theo avait trouvé et les avions retenus-là prisonniers jusqu’à ce que nous soyons au complet, et prêts à démarrer le réel travail. Theo m’avait attentivement surveillé pendant nos kidnappings, quand bien même il avait été d’une efficacité qui ne permettait pas de supposer qu’il était distrait dans son travail. En fait cela avait été une réelle force de l’avoir avec moi dans cette mission, et je mentionnais-là bien plus qu’une simple force physique indéniable. Je m’étais ancré en lui. Je m’étais ancré en sa présence et le fait qu’il soit encore en vie pour pouvoir faire cette mission avec moi. Je m’étais ancré dans le fait que s’il était encore là ce n’était que grâce à ce que j’étais devenu, et que si je voulais qu’il me reste, je devais le rester. 

Il m’avait semblé que les kidnappings s’étaient révélés… relativement faciles. Peut-être était-ce parce que Theo était à mes côtés et que chaque fois que je faiblissais un peu l’image de sa gorge tranchée me hantait assez pour redevenir le monstre qu’il fallait que je sois, ou peut-être était-ce parce que j’avais assez dormi pour pouvoir contrôler convenablement mon esprit, je ne le savais pas. Tout ce que je savais c’était que bien que mon cœur se soit pris bien plus de coups que mon corps ce jour-là, j’étais parvenu à faire ce que j’avais eu à faire, tout du moins la première étape de ce que je devais faire. Et en l’état actuel des choses, j’avais besoin de chaque preuve que je pouvais rassembler qu’effectivement, j’étais capable d’être Grand Intendant. Capable de faire des choses abominables. Capable de protéger ma famille, en somme. 

Je ne m’offrais pas le luxe de prendre le temps de me baigner dans mes ressentis, que ceux-ci furent physiques ou émotionnels. Ce n’était que de l’évitement et je le savais, quand bien même sur l’instant je ne me permettais pas de le songer. Je ne me permettais de songer à rien en vérité. Je me concentrai simplement sur effectuer les gestes physiques qu’il m’était nécessaire de performer afin de kidnapper le plus rapidement possible et le plus proprement possible (parce que s’ils étaient blessés il aurait d’abord fallu les soigner afin qu’ils puissent travailler) ceux que nous avions sélectionné, sans ne rien penser. Je contrôlai mon esprit pour couper tout ce qu’il y avait d’humain en moi afin de pouvoir effectuer en mode automatique ce que j’avais à faire. Et pour l’instant, il me semblait que c’était tout ce que je pouvais faire. J’étais quelque part soulagé de constater que cela m’avait l’air de fonctionner. Si je dormais assez, je pouvais contrôler mon esprit et mes émotions avec un savoir-faire pour le moins remarquable. Et cela me laissait espérer que peut-être, simplement peut-être, que je pourrais y arriver. 

En raison du lieu que Theodore avait trouvé, et puisque, je commençais à le comprendre, il avait tendance à avoir un certain effet intimidant sur les gens, je survolais le champ désert perdu dans les hautes montagnes écossaises sur le dos de Ragnar. Theodore, qui avait simplement transplané là-bas puisqu’il connaissait désormais ce lieu qu’il avait déniché, commençait à lancer des sorts d’emprisonnement sur nos prisonniers quand je passais au-dessus d’eux. Leurs visages terrorisés se levèrent vers l’énorme dragon que je chevauchais et certains tentèrent de reculer, sans succès, lorsque j’atterrissais tandis que Ragnar faisait trembler le sol de son poids. Je me concentrai encore une fois sur la simple et unique tâche de contrôler mon esprit, et faire ce que j’avais à faire tel qu’un robot opérerait. Il me sembla entendre des chuchotements au loin : 

-       Qui est-ce ? 

-       Je crois que c’est le fils Malefoy, murmura quelqu’un en réponse. 

-       S’il-vous-plaît, appelait un autre sans que je ne tourne le visage en sa direction, je marchais vers Theodore et c’était tout, j’ai des enfants ! 

Cinq, quatre, trois, deux, un, par le nez, puis cinq, quatre, trois, deux un, par la bouche. Pied droit devant, pied gauche devant, pied droit devant, pied gauche devant. Tout droit vers Theo. Tout droit vers Theo, et uniquement vers Theo. Regard rivé sur Theo, rien d’autre. Attention rivée sur Theo. Personne d’autre. Rien que Theo. 

Nous avions ensuite dû leur lancer à tous un Imperium, parce que nous ne pouvions décemment pas contrôler à deux une quarantaine de personnes capables de magie avec leurs baguettes pendant trois jours en ayant confiance en le seul fait que nous faisions assez peur pour qu’ils choisissent simplement de nous obéir sans tenter de s’enfuir. Là, les choses avaient commencé à se corser. Je les regardais en face, les uns après les autres, pour les ensorceler et les contraindre à ma volonté. Leurs yeux effrayés, suppliants, colériques, révoltés, évitants ou larmoyants étaient tous rivés sur moi. Des yeux bleus qui me faisaient penser à Theo, certains marrons qui me rappelaient Blaise, d’autres verts qui me faisaient écho aux yeux grands ouverts et vides du cadavre de Pansy. J’avais pensé faire l’effort de ne comparer aucune paire de yeux à celle d’ambre que je connaissais si bien, mais je n’avais pas eu besoin de le faire. Aucun autre regard ne lui était comparable. 

Et puis, les choses avaient commencé à se corser parce que je commençais à réaliser concrètement qu’effectivement, la magie noire usait l’énergie d’un sorcier bien, bien plus que toute autre sorte de magie. Je savais qu’un sorcier lambda ne pouvait (déjà) pas nécessairement exercer de la magie noire, et je savais également qu’un sorcier lambda ne pouvait définitivement pas l’exercer à l’infini, autant qu’il le voulait, comme il le voulait. Je réalisais également la prouesse magique, physique, énergétique plus encore que seulement remarquablement guerrière qu’avait livrée Theo dans cette cathédrale. Je n'étais même pas certain d’être physiquement capable de lancer trois Avada d’affilé en l’état actuel des choses. Qu’il soit tombé inconscient après tout ce qu’il avait fait ce soir-là, et qui avait commencé dans la Tour d’Astronomie d’ailleurs, n’avait rien d’étonnant. Ce qui l’était désormais, c’était d’abord qu’il ait été capable de faire tout cela, et ensuite qu’il se soit réveillé aussi rapidement après tout cela. Alors que je m’épuisais physiquement, sentant littéralement les fragments de mon énergie s’évaporer de mon corps à chaque Imperium que je lançais, et je songeais que mon Theodore Nott était en fait peut-être l’un des sorciers les plus puissants de tous les temps, réellement et concrètement. 

Il m’avait proposé de terminer le travail des Imperium au bout de mon dixième, quand il avait constaté autant que moi que je commençais à faiblir énergétiquement. J’avais refusé. Je devais les lancer, parce que dès qu’il m’aurait montré le lieu qu’il avait choisi j’allais le renvoyer au manoir pour qu’à son tour il puisse aller trouver du sommeil, et s’il quittait les lieux la magie qu’il aurait lancée sur eux se serait probablement affaiblie. Je n’aurais ensuite plus qu’à m’asseoir dans un coin et regarder nos captifs travailler pendant que je récupérerais des forces. Pendant trois jours. 

Alors que je m’évertuais à contraindre par la magie nos prisonniers, et Theodore levait tout un tas de sorts de protection sur la montagne qui se tenait face à nous. Au bout du vingtième, alors que je ne trouvais plus en moi l’énergie nécessaire pour faire sortir de la magie noire du bout de ma baguette désormais tremblante, je sentis un canal s’ouvrir à l’intérieur de moi. Un canal puissant et qui m’était jusqu’alors étranger. Un canal magique d’une puissance qui me dépassait largement. De l’autre côté de ce lien de magie, je sentis Ragnar. Il m’ouvrit accès à lui et à sa puissance quand sa voix grave raisonna à l’intérieur de moi : 

-       Puise ce dont tu as besoin en moi, petit homme. 

Quand je refusais d’utiliser sa force pour exercer de la magie noire et l’en tâcher lui aussi, le canal qu’il m’ouvrait se fit plus grand et plus puissant encore. 

-       Ce n’était pas une suggestion, gronda sèchement sa voix. 

Et soudain, toute l’énergie qui me manquait se répandit largement en moi alors que je relevais une baguette qui ne tremblait plus face au vingt-et-unième captif. 

Lorsqu’ils furent tous ensorcelés, Theodore mena le chemin à travers la montagne. En grimpant et arpentant de multiples rochers menant aux hauteurs, et de fait non faciles d’accès à qui voudrait s’y aventurer, nous arrivions face à ce que nous pouvions qualifier d’une entrée. En plein dans la roche se trouvait un trou juste assez long et épais pour laisser entrer deux hommes côte à côte. Dès que nous le pénétrions, la température chuta drastiquement. Je devinai qu’il se tenait là une sorte de grotte à même la roche de la montagne écossaise. A mesure que nous avancions droit dans la roche, Theodore et moi nous trouvions obligés d’émettre deux Lumos Maxima tant aucune vie, ni aucune lumière ne traversait l’enceinte de la grotte. 

Bien entendu, rien n’était encore aménagé. La grotte s’enfonçait de son chemin sinueux d’entrée, de multiples cailloux ici et là représentant des embuches sur notre chemin, jusqu’à un énorme espace vide, plusieurs dizaines de mètres plus loin au centre de la montagne. Le terme vide était relatif bien sûr, puisque des tonnes et des tonnes de rochers y reposaient ici et là. Mais c’était parfait. C’était absolument parfait pour ce que j’avais à y faire. J’acquiesçai en la direction de mon frère qui sondait ma réaction. Bien sûr que c’était parfait, c’était lui qui avait trouvé l’endroit. Il me semblait que l’endroit était tout à fait approprié pour le Seigneur des Ténèbres, dès lors qu’il serait transformé en un Quartier Général digne de ce nom. 

Theodore prit le temps de m’exposer sa vision. Un trône ici, un escalier là, des cachots et prisons là-bas, une grande table de réunion de l’autre côté. Je notais ses suggestions pertinentes dans un coin de mon esprit que je continuais de contrôler avec ardeur. Nous nous accordions tous deux sur le fait que la première étape était de nettoyer les lieux et de les rendre praticables. Que nous puissions activement y construire quelque chose de nouveau. Ce fut donc ce que j’ordonnais d’abord aux zombies que j’avais ensorcelés : balancer tous les rochers qui entravaient le chemin et l’espace vide du haut de la montagne. Aucun d’entre eux ne lutta, et ils se mirent tous au travail, baguette en main, lévitant roche après roche, marchant de l’intérieur à l’extérieur de la grotte, puis de l’extérieur à l’intérieur en des gestes répétitifs. J’ordonnai à Ragnar de s’en aller, me souciant qu’il soit blessé d’un rocher qui lui tomberait dessus. Il n’accepta que de se décaler plus loin dans le champ seulement. 

-       Je n’irai nulle part tant que tu seras là-dedans, gronda-t-il à travers notre lien. 

-       Je vais rester là-dedans pendant trois jours, va-t’en, tentai-je d’ordonner comme si j’avais une quelconque autorité sur l’animal. Ce n’est pas une suggestion non plus, argumentai-je à son image. 

-       Tu es assez arrogant pour te permettre de me donner un ordre, ricana-t-il presque dans mon esprit, mais tu es bien trop petit et trop faible pour avoir le culot de penser que je vais t’obéir. Tu peux t’épuiser et perdre ton temps à te bagarrer avec moi, ajouta-t-il bien plus sérieusement ensuite, mais je n’irai nulle part, humain pleurnichard. 

-       Putain de sale bête, chuchotai-je à voix haute en abandonnant un combat que je savais que je ne pouvais plus gagner maintenant qu’il faisait une telle taille. 

Theo et moi nous étions installés dans un coin reclus pour discuter de la logistique et élaborer le plan d’action : par où et par quoi commencer. Nous comparions nos idées sur l’aménagement des lieux et l’ordre dans lequel travailleraient les personnes que je me forçais à ignorer de toute ma volonté. Si Theo posait les fondations solides et concrètes du plan que nous avions, j’y ajoutais les détails. Une colonne par-ci, un serpent en pierre par-là. Ce lieu deviendrait l’antre de Voldemort. Il devait lui ressembler. Il devait être grand et terrifiant, comme il savait qu’il l’était pour les sorciers du monde entier. Il devait entrer ici et considérer que j’étais effectivement celui qui le comprenait. Celui qui partageait sa vision. Et celui qui était capable de la mettre à exécution. De la rendre réalité. Je ne pouvais pas lésiner, et je ne le ferai pas. Ma mère. Blaise. Pansy. Theo. Je ne lésinerai pas. 

Nous nous accordions sur le fait que le grand espace que nous occupions actuellement, assis sur des rochers dans un coin, et qui suivait le long « couloir » d’entrée serait l’espace de réception où ses gardes demeureraient surement d’ailleurs. Il pourrait y recevoir des fêtes ou réunions à sa convenance, une importante table rectangulaire étant prévue pour être disposée sur la gauche de l’énorme espace. Sur la droite, nos captifs creuseraient ensuite dans la roche pour y construire en sous-sol, ou plutôt sous-montagne, des cachots pour les prisonniers de Guerre qui seraient fait. L’intérêt d’être dans une montagne était que nous pouvions façonner les lieux aussi grands et spacieux que nous le voulions. L’espace libre étant également important en hauteur, nous ferions au fond un escalier en colimaçon qui monterait jusqu’au trône officiel de Voldemort. Il ne serait pas de première accessibilité aux visiteurs, et je supposai qu’il apprécierait cela. Celui-ci se tiendrait au fond de l’espace dégagé qui lui permettrait de recevoir ses fidèles, et tous les autres qu’il ferait amener ici. Nous hésitions à faire construire des espaces personnels, comme des chambres de secours, mais ce fut Theo qui trancha à la négative. Un Quartier Général n’était pas une maison, c’était un lieu de rassemblement pour des objectifs spécifiques. Chaque Mangemort avait son propre domicile, quand bien même personne ne savait où était le Seigneur des Ténèbres quand il n’était pas avec nous. Si besoin était cependant, il y aurait largement la place d’en faire construire un jour. Il nous semblait que ce que nous allions proposer là saurait probablement le satisfaire. 

Alors que les prisonniers nettoyaient l’immense espace de toute roche encombrante en des mouvements répétitifs de lévitation, marche jusqu’à la sortie, puis marche jusqu’à l’entrée sans plus de roche flottant au-dessus de leur tête, et encore, et encore, la voix de Theodore trancha les pensées que je m’interdisais d’entendre :

-       Rentre te reposer, je vais surveiller. 

Je tournais les yeux vers lui. Il était épuisé, plus que moi en cet instant. Il avait des cernes noires qui traçaient des poches sous ses incroyables yeux bleus, et qui détonnaient largement avec la pâleur naturelle de sa peau. Pendant que j’avais dormi, lui avait cherché cet endroit pendant des heures, transplanant certainement d’endroit à endroit. Cela aussi, demandait beaucoup d’énergie. Il s’inquiétait pour moi, cela m’aurait touché si je m’étais laissé accès à mes émotions en cet instant. Mais je n’avais pas besoin d’avoir accès à ce que je ressentais pour savoir factuellement que je l’aimais, et qu’il voulait prendre soin de moi. Il ne me pensait pas capable de superviser les captifs que nous avions faits seul, ou bien il ne me pensait pas capable de rester enfermé avec eux pendant trois jours sans sortir un instant et tenir le coup émotionnellement. Je supposai que ce n’était pas parce que je n’avais pas accès à ce que je ressentais que je ne lui en voulais pas, mais tout simplement parce que je considérai ces interrogations comme légitimes. Si je les laissais venir à moi, j’aurais les mêmes. Mais je ne les laissais pas venir. J’avais dormi. La magie m’avait certes affaibli, c’était un fait, mais Ragnar était là au besoin. J’avais simplement besoin de me reposer un instant, et je serai comme neuf. C’était du moins ce que je me forçais à croire. Et puis, c’était ma mission. Ce n’était plus lui, celui qui allait devenir Grand Intendant. Alors, je lui adressai un faible sourire en dérogeant à son ordre.  

-       Non, toi tu rentres, l’intimai-je avec une douceur teintée de tendresse face à sa protection. C’est moi qui vais être Grand Intendant, lui rappelai-je à voix basse, et pour que le Seigneur des Ténèbres me voit comme tel tu dois me laisser l’être. 

J’énonçai-là la plus stricte des vérités, et il le savait lui-même, quand bien même il détestait cela. C’était lisible dans ses yeux qui me sondaient longuement après que j’eu prononcé ces mots. Mais quand bien même il tenterait de me protéger de toute menace extérieure, il existait une personne dont il ne pouvait me sauver, et c’était de moi-même. Et ce que je devais être désormais, c’était le Grand Intendant du Seigneur des Ténèbres. Après avoir sondé mon état physique sans me le dire, inspectant le rythme de ma respiration ainsi que des battements de mon cœur, l’odeur de ma transpiration, la chaleur dégagée par mon corps et la lueur dans mes yeux, il acquiesça finalement. 

-       Ok, me concéda-t-il en un murmure dans lequel il expulsait plus d’air que nécessaire de ses poumons. 

Il tenta de me cacher son inquiétude et sa réticence à me laisser seul ici, mais je le connaissais beaucoup trop bien pour qu’il puisse me les dissimuler. 

-       Je ramènerai de l’eau et de la nourriture à mon retour, promit-il avec un sourire qu’il força. 

Je le lui rendais, sans le forcer pour ma part. Il détestait le fait de me laisser là sans sa protection et supervision, mais c’était nécessaire. Et il me semblait que je devais prouver à tout le monde, en commençant par moi-même, que j’étais capable. Et puis, il en avait déjà énormément fait dans la mission qui m’avait été attribuée à moi, en tant que futur Grand Intendant. Il quitta donc les lieux et me laissa mener à bien la mission qui m’appartenait. 

Je prenais place, assit sur un ultime rocher que je m’accordai, et regardai les prisonniers travailler comme les zombies que j’en avais fait. J’utilisai l’intégralité de mon énergie restante pour contrôler mes émotions en ne pouvant que constater de ce que j’étais en train de faire. Condamner par la force des innocents à une vie d’esclavage. Je n’avais jusque-là pas pris le temps de penser à ce qu’il leur arriverait, une fois que ces trois jours restants seraient écoulés. Le lieu séduirait peut-être le Seigneur des Ténèbres, mais ce qui lui attesterait que j’étais l’homme qu’il lui fallait serait la façon dont je m’y étais pris pour lui offrir un tel Quartier Général. C’était à dire, eux. Les esclaves. Les esclaves que je devais lui offrir comme siens ensuite. Les vies que je condamnais. Les sang-de-bourbe qui n’avaient eu pour défaut que d’être nés avec des pouvoirs magiques de parents qui en étaient dénués. Mais je m’accrochais à ma famille. Je m’accrochais à la force violente qui animait Pansy, et qui était inspirante de bien des façons. Je m’accrochais à la loyauté sans faille qu’elle m’avait accordée quelques instants plus tôt. Je m’accrochais à tout ce qu’elle avait abandonné pour moi, et qu’elle était encore prête à abandonner. Son innocence, son adolescence, jusqu’à ses liens avec ses parents. Et Theodore, quand bien même elle l’ignorait. Je m’accrochais au geste profondément dénué de tout intéressement que d’avoir sacrifié sa vie pour sauver celle de la personne que j’aimais, quand bien même elle savait comme moi que je n’étais pas censé l’aimer. Je m’accrochais à la joie que j’avais ressenti à l’ayant retrouvée, en vie. Je m’accrochais au fait que ce que j’avais brisé, je l’avais en partie réparé, et qu’elle était encore là. Elle avait encore besoin de ma protection. Elle avait encore besoin de moi. Elle avait besoin que je sois assez fort pour elle. Elle s’était sacrifiée pour moi, et c’était à mon tour de me sacrifier pour elle, et ce n’était que justice. Ce n’était que ce que je lui devais. Alors je regardais les prisonniers travailler comme l’ombre de ceux qu’ils avaient été jusqu’alors. 

Je m’accrochais à l’amitié de Blaise, et à ce qu’il était prêt à endurer pour moi. Je m’accrochais à la personne qu’il était, cette personne pleine de lumière, cette personne pleine de vie, cette personne pleine de joie. Je m’accrochais à la force de son rire et à la profondeur de son humour. Je m’accrochais à tous les moments que je chérissais durant lesquels il avait rendu ma vie cent fois, si ce n’était mille fois meilleure. Je m’accrochais aux parties de son âme qu’il avait abandonnées pour moi, et celles qui lui avait été arrachées dans ce qu’il avait fait pour moi. Je m’accrochais à la force avec laquelle il avait reçu sa Marque sans douter de son choix l’ombre d’une seconde. Je m’accrochais à la profondeur de sa dévotion à notre famille, à Pansy en particulier. Je m’accrochais à la force de son amour pour elle, et à la force avec laquelle il était prêt à défendre ses intérêts qui n’était rien d’autre qu’incroyablement inspirante. Je m’accrochais à ce qu’il avait perdu, mais qui ne l’avait pas empêché de continuer de se battre pour moi. Daphné, sa mère. Sa mère qui était partie et à qui je devais de protéger son fils, maintenant qu’il s’était engagé pour moi. Je le lui devais, à elle aussi. À elle qui m’avait toujours accueilli dans sa maison comme si j’étais son propre fils. À elle qui avait toujours soutenu ma famille, quand bien même elle connaissait les réels agissements de mon père. À elle qui avait su, et qui n’avait pas eu peur que Blaise devienne mon ami malgré tout. Pour sa confiance, je le lui devais. Et je m’accrochais à la force avec laquelle Blaise m’avait sauvé la vie, plutôt deux fois qu’une. Je m’accrochais à son service à Theo, quand celui-ci lui avait ordonné de faire sortir Pansy et moi de la Tour d’Astronomie. Je m’accrochais à sa force d’avoir pu agir quand moi je ne l’avais pas pu, et de nous avoir tous deux portés à bout de bras hors du danger. Je m’accrochais à la force de son amitié, quand il m’avait sorti de la cathédrale en flammes alors qu’il aurait pu y perdre la vie en essayant de sauver la mienne. Je m’accrochais à la force qu’il avait eu de risquer sa vie pour me sauver, alors même qu’il venait de voir sa meilleure amie mourir sous ses yeux. Il avait encore besoin de ma protection. Il avait encore besoin de moi. Il avait besoin que je sois assez fort pour lui. Il s’était sacrifié pour moi, et c’était à mon tour de me sacrifier pour lui, et ce n’était que justice. Ce n’était que ce que je lui devais. Alors je regardais les prisonniers travailler comme l’ombre de ceux qu’ils avaient été jusqu’alors. 

Je m’accrochais à la force de ma mère, et à tout ce qu’elle avait traversé pour mon père, puis pour moi, puis pour Theo et moi. Je m’accrochais à la puissance de son amour, pour tous les hommes de sa vie. Je m’accrochais à la façon dont elle avait placé toute sa confiance en mon père, et en ses capacités à protéger sa famille quand bien même elle ne cautionnait pas ses actions. Je m’accrochais à la confiance aveugle qu’elle lui avait confiée par amour, et à quel point ce seul acte était courageux. Je m’accrochais à l’amour qu’elle m’avait porté toute ma vie, à la détermination dont elle avait fait preuve pour que j’ai une enfance digne de ce nom. Je m’accrochais à la douceur avec laquelle elle m’avait lu des histoires le soir, préparer à manger à chaque repas, la constance avec laquelle elle m’avait envoyé des sucreries chaque semaine quand j’étais parti à Poudlard. Je m’accrochais à toutes les mille et une façons dont elle m’avait dit « je t’aime », pas simplement en mots mais aussi par ses actions durant toutes ces années. Je m’accrochais à la bienveillance avec laquelle elle avait accueilli Theo à bras ouverts quand je l’avais choisi. Je m’accrochais à la bonté de son cœur quand elle l’avait soigné, aimé, et protégé comme elle l’avait pu pendant toutes les premières années de nos vies d’enfants. Je m’accrochais à la patience dont elle avait fait preuve envers moi lorsque j’avais mal pour lui sans que nous comprenions encore pourquoi. Je m’accrochais à sa patience face à mon arrogance lors de mon adolescence. Je m’accrochais à l’amour dont elle avait fait preuve quand elle avait accueilli Theodore comme son propre fils chez nous. Je m’accrochais au courage et à la force dont elle avait fait preuve quand elle nous avait entraînés à la magie, à la défense, à l’attaque, à l’occlumencie depuis notre plus jeune âge, d’abord en trouvant le moyen de faire passer cela pour un jeu sans que je ne puisse jamais déceler son inquiétude transparente. Je m’accrochais à l’amour de ma mère qui avait confiance en l’homme que j’étais devenu. Je m’accrochais à sa force de continuer de vivre après avoir vu sa famille être décimée, son mari tué et ses fils vendus pour ce qu’elle considérait comme étant son erreur. Je m’accrochais à son courage d’avoir pris autant de responsabilités dans une situation qui la dépassait largement, par amour et dévotion pour sa famille. Je m’accrochais à la force d’une mère, et à son acharnement tout bonnement inhumain pour protéger sa famille de mille et une façons invisibles. Je m’accrochais à la confiance qu’elle avait placée en moi quand elle avait accepté de partir dans notre maison de sécurité. Elle avait encore besoin de ma protection. Elle avait encore besoin de moi. Elle avait besoin que je sois assez fort pour elle. Elle s’était sacrifiée pour moi, et c’était à mon tour de me sacrifier pour elle, et ce n’était que justice. Ce n’était que ce que je lui devais. Alors je regardais les prisonniers travailler comme l’ombre de ceux qu’ils avaient été jusqu’alors. 

Je m’accrochais à la puissance de Theo. Je m’accrochais à la puissance intrinsèque qui irradiait de lui et qui rayonnait sur tous ceux qui l’entouraient. Je m’accrochais à la confiance qu’il m’avait accordée quand nous n’étions que des enfants. Je m’accrochais à la profondeur de ce que signifiait pour lui que d’offrir sa confiance à quelqu’un. Au fait que j’étais le premier qu’il avait laissé entrer. Le premier pour qui il avait baissé la garde, malgré tout ce qu’il avait traversé. Je m’accrochais à la profondeur de ce qu’une telle confiance de sa part, déjà enfant, signifiait. Je m’accrochais au son divin de son rire les premières fois que j’avais eu la chance de l’entendre. Je m’accrochais à l’image de son visage souriant. Je m’accrochais à la sensation de l’avoir contre moi, dans mes bras, quand j’avais empêché son père de le ramener chez lui cette fois où je savais qu’il lui arriverait des horreurs si je le lâchais. Je m’accrochais au courage dont il avait fait preuve en s’abandonnant aux bras protecteurs d’un petit garçon contre son père. Je m’accrochais à ce que j’avais ressenti, en sachant que je le protégeais, cette fois-ci. Que j’avais eu le pouvoir de faire quelque chose pour lui, et contre son agresseur. Je m’accrochais à l’irréductible sentiment de profonde gratitude qu’enfant, il m’avait choisi moi. Je m’accrochais à la profondeur de notre lien, et au fait que plus que nous-mêmes, nos âmes s’étaient choisies. Je m’accrochais à la confiance qu’il avait continué de placer en moi quand je le serrai dans mes bras lorsqu’il ne pouvait pas dormir, et à la façon dont il se détendait quand je chantais cette chanson pour lui. Je m’accrochais à la douceur de cette chanson que j’avais inventée pour lui. Je m’accrochais à l’homme irréel qu’il était devenu à mes côtés. Je m’accrochais à sa dévotion sans limite, à sa loyauté sans faille, à son soutien inconditionnel et à son amour inébranlable. Je m’accrochais à sa force et à la façon dont il m’avait ensuite défendu toutes ces années. Je m’accrochais à la profondeur de son amour pour Pansy, à l’endurance de ses sentiments et à la dévotion totale qu’il lui avait offerts. Je m’accrochais au sentiment de toute puissance que je ressentais quand je savais qu’il était à mes côtés. Je m’accrochais à son amour pour moi, et à la force de celui-ci. Je m’accrochais à la façon dont il n’avait jamais été question pour lui, pas une seule seconde, de me laisser seul dans ma nouvelle vie, là-encore plutôt deux fois qu’une. Je m’accrochais à la beauté avec laquelle il ne m’avait jamais vu comme le monstre que je ressentais être devenu. Je m’accrochais au soutien inconditionnel dont il faisait preuve envers moi, et la force avec laquelle il était déterminé à faire tout ce qu’il y avait en son pouvoir non seulement pour me protéger, mais plus encore pour me rendre heureux. Je m’accrochais à ce qu’il avait abandonné pour moi, pour pouvoir continuer de me protéger. Pansy. Je m’accrochais à sa force surhumaine et sa capacité à toujours être l’homme dont on avait besoin, peu importait les circonstances ou les adversaires. Je m’accrochais et m’inspirais de la profondeur de son calme et de sa justesse en toutes circonstances. Je m’accrochais à l’amour, la joie, le bonheur, la profondeur, la beauté, la grandeur qu’il donnait à ma vie. Je m’accrochais à la personne qu’il était, en étant la bénédiction que les Dieux m’avait accordée, quand bien même je ne savais pas si je le méritais, lui et la profondeur de son amitié. Je m’accrochais à ce frère que la vie m’avait donné, parce qu’il était aujourd’hui devenu ma raison de continuer à vivre. Il avait encore besoin de ma protection. Il avait encore besoin de moi. Il avait besoin que je sois assez fort pour lui. Il s’était sacrifié pour moi, et c’était à mon tour de me sacrifier pour lui, et ce n’était que justice. Ce n’était que ce que je lui devais. Alors je regardais les prisonniers travailler comme l’ombre de ceux qu’ils avaient été jusqu’alors. 

Je me forçai à ne les voir comme rien d’autre que cela : des ombres vides. Vides de vie. Vides d’amis. Vides de famille. Vides de personnes à qui ils manqueraient, et qui se demanderaient ce qu’il leur était arrivé. Parce que j’avais un foyer auquel m’accrocher. Une famille à laquelle m’accrocher. Un clan à protéger. Je ne me laissai pas me rappeler leurs noms que j’avais pourtant lus sur la liste lorsque je les avais choisis. Je ne me laissai pas éprouver de la peine, de la pitié, ou de la désolation pour eux. J’avais un clan à protéger. Ils n’étaient rien d’autre que des ombres qui dansaient autour de moi, sombres et vides, faisant flotter des rochers au-dessus de leurs têtes en un spectacle creux d’action. Simplement des ombres qui dansaient dans des gestes affreusement répétitifs, avec pour seul bruit ambiant le son de chacun de leur pas à intervalle régulier, et les rochers qui tombaient dans un vacarme sourd au loin. Ils ne parlaient pas, ils ne vivaient pas, ils n’étaient que des ombres. Il n’y avait pas de distinction entre les hommes et les femmes de ce que je voyais sous mes yeux, rien d’autre que l’ombre des personnes qu’ils étaient jadis. Rien de plus, rien de moins.  

-       Et pourquoi te nommerais-je, toi, Grand Intendant ? raisonna à nouveau la voix du Seigneur des Ténèbres dans mon esprit déconnecté de la réalité. 

J’étais face contre terre, mais de bien des façons, je m’étais exposé à lui cette nuit-là. L’odeur du cadavre de Pansy juste à côté de moi se mélangeait dans mes narines avec celle de l’herbe mouillée. Je tremblais, mais ce n’était pas parce que j’avais peur pour moi. Je pleurais, mais ce n’était pas parce que j’étais triste pour moi. Je ne pensais qu’à Theodore. Tout le temps que notre rencontre eût duré, je n’avais pensé qu’à Theodore. Qu’à Theodore qui attendait que je lui donne une raison de rester en vie. Qu’au fait que j’étais en train de jouer là sa vie. Qu’au fait que si je ne réussissais pas, je le perdrais. Alors j’avais profondément inspiré, j’avais rassemblé l’intégralité de mon courage, je m’étais accroché à mon amour pour Theodore, j’avais vidé la totalité de mes peurs, la totalité de mes désirs, la totalité de celui que j’étais pour devenir celui que je devais être pour que mon frère survive : 

-       Je suis le fils unique de Lucius Malefoy, votre précédent Grand Intendant, avais-je déclaré de tout le pouvoir de ma dévotion.J’ai été préparé pour ce rôle. J’ai été éduqué pour ce poste. Je suis né pour vous servir, et c’est avec cette profonde conviction que j’ai grandi. Si vous me faites Grand Intendant, Maître, Theodore Nott me suivra. Si vous me faites Grand Intendant, Maître, je forcerai vos Serviteurs à me suivre. Si vous me faites Grand Intendant, Maître, il n’y aura rien que vous puissiez me demander que je me révélerai incapable de faire. 

C’était à cet instant, lorsque j’avais dit cela, que j’avais senti Ragnar en moi, et que je l’avais entendu dire à travers notre lien « … maintenant » de sa petite voix pour la dernière fois avant qu’il ne grandisse. Parce que c’était à cet instant que je m’étais réduit à néant pour sauver les miens. C’était à cet instant que je m’étais intégralement vendu à lui. J’avais pleuré et j’avais supplié, mais c’était lorsque j’avais prononcé ces mots ci, lorsque j’avais affirmé avec toute la puissance de mon âme que s’il remplissait sa part du marché, qu’il me rendait Pansy, et qu’en contrepartie je devenais son Grand Intendant, il n’y avait rien qu’il pourrait me demander que je ne ferai pas. Et cela avait été avec ces mots-là, parce que je les avais pensés, du plus profond de moi-même. Le reste n’avait plus la moindre importance. Celui que j’étais n’avait plus la moindre importance. Mes peines et mes remords n’avaient plus la moindre importance. J’étais mort à ses pieds en cet instant. 

Et je le constatais, alors que je regardais les ombres défiler sous mes yeux dans la grotte d’un sombre au demeurant glaçant. Pourtant, je n’étais pas glacé. Je n’étais simplement pas connecté. Ni connecté à la réalité extérieure de ce qu’il se passait autour de moi, ni connecté à la réalité intérieure des émotions qui, je le supposai, demeurait cachées quelque part. Le Seigneur des Ténèbres ne m’avait pas pris au mot lorsque j’avais dit être fait pour ce poste. Il y avait vu son intérêt pour garder Theodore sous contrôle, et m’accorder le bénéfice du doute puisque ses plus fidèles avaient tous été assassinés de la baguette de mon frère. J’allais lui prouver qu’il s’était trompé sur mon compte. Que nous nous étions tous trompé sur mon compte. J’étais capable de mettre sous silence jusqu’à la personne même que j’étais pour pouvoir faire ce que je devais faire. 


Les heures passèrent au rythme des ombres en un spectacle hypnotisant devant moi. Bientôt, elles eurent terminé de nettoyer l’espace, et j’ordonnai au trois-quarts d’entre elles de nettoyer les cachots pendant que j’ordonnai au quart restant d’utiliser la roche pour construire un escalier en colimaçon de leurs baguettes entre la future salle de réception où je me tenais jusqu’à ce qui deviendrait le trône du Seigneur des Ténèbres. La lumière artificielle que j’animais de ma baguette dans la grotte dans laquelle nous étions ne me permettait pas de savoir combien d’heures étaient passées, et mon état de déconnexion et d’évitement interne, lui non plus, ne me permettait pas de savoir combien de temps était passé. Je pouvais sentir que j’étais physiquement plus fatigué que quelques heures plus tôt, là était mon seul indicateur du temps qui avait passé, ainsi que la progression du travail des ouvriers. Quand bien même ils avaient la magie, déconstruire et reconstruire dans de la roche brute prenait du temps, demandait de la précision, de la répétition, ainsi qu’un souci du détail qui ne permettait pas que ce soit, littéralement, fait en un coup de baguette. Alors ils continuèrent à travailler sans relâche dans la pénombre, et je demeurai assis sur mon rocher, à somnoler entre rêve et réalité pendant plus de temps, sans savoir combien. 

Jour 2. 

Je su qu’une certaine quantité de temps était passée quand alors que les ouvriers construisaient et assemblaient de toutes pièces, pierre après pierre de leur baguette magique, l’escalier en colimaçon à ma gauche, une des leurs s’effondra soudainement d’épuisement physique sur le sol. La vision et le son me frappèrent par surprise, moi et mes murs plus fins par le temps qui était indéniablement passé. Les autres ouvriers, soumis à l’Imperium, semblèrent ne même pas l’avoir remarquée. Moi, mes yeux étaient rivés sur le corps de cette femme qui était désormais allongé sur le sol sans ne plus se mouvoir du tout. Cela me rappela le corps de Pansy, et une sensation désagréable de nausée monta en moi. J’avalai ma salive en une tentative vaine de la faire passer. Je ne savais pas ce que j’étais censé faire. Theodore n’était pas encore revenu avec de l’eau et de la nourriture, et il ne me semblait pas que je pouvais offrir le luxe aux ouvriers de dormir. Ou peut-être pour quelques heures ? Où seraient-ils censés dormir ? Pourraient-ils seulement dormir ? Combien de temps perdrions-nous si je leur permettais de dormir ? Mais tiendraient-ils seulement si je ne le leur permettais pas ? Peut-être pouvais-je proposer un roulement au milieu de la deuxième journée, où une moitié d’entre eux se reposerait pendant quelques heures, puis inversement, avant de tous terminer le travail pour le temps restant ? Oui, cela me semblait être une bonne solution. Une solution qui permettait de ne pas perdre trop de temps, mais de permettre la forme physique nécessaire à la performance des tâches magiques constantes exigées. Étais-je d’ailleurs censé les aider ? Non, pensai-je alors, je supposai qu’il était important que je conserve mon énergie pour pouvoir les contrôler, puisque sans cela ils ne seraient pas en train de faire ce que j’attendais d’eux, ces gens-là. 

Je fixai le corps inconscient de la femme arrivée au bout d’elle-même. Elle n’avait même pas pu dire qu’elle ne pouvait plus. Elle n’avait sûrement pas même pu se rendre compte qu’elle était arrivée au bout d’elle-même. Elle n'avait pas pu faire autrement que de continuer, encore et encore, au travers des tremblements et des épuisements de son corps, parce que je lui en avais donné l’ordre. La nausée en moi grandit encore. Je me demandais si cela signifiait que les autres, que je regardai maintenant, les fantômes qu’ils étaient, allaient bientôt tomber également, ou s’il ne s’agissait là encore que de simples fragilités qui lui étaient propres à elle. Peut-être n’avait-elle pas convenablement dormi ou mangé depuis plus longtemps que les autres, pour des raisons qui lui étaient personnelles. Peut-être que les autres pouvaient encore tenir bien plus longtemps qu’elle. Peut-être qu’elle avait des fragilités physiques, à bien y regarder elle n’était pas bien plus épaisse que Pansy. Peut-être qu’elle ne pouvait de fait pas exercer la magie en continu pendant autant de temps, même lorsqu’il ne s’agissait pas de magie noire, sans tomber d’épuisement après un certain temps. Peut-être que certains sang-de-bourbe étaient moins puissants que d’autres, comme certains sorciers de sang pur étaient plus puissants que d’autres. Comme Theo, par exemple. Peut-être qu’elle avait vécu des choses dans sa vie qui l’avait affaiblie, d’une façon ou d’une autre. Elle avait une trentaine d’année à vue d’œil, elle avait eu le temps de vivre un certain nombre d’horreurs. Mais alors que je me demandais ce qu’elle avait pu vivre jusqu’alors, je songeai que ce qu’elle traversait là, et que ce qu’elle traverserait ensuite par ma faute serait sans nul doute le pire qui ne lui soit jamais arrivé. 

A tous ceux qui étaient là, en fait. Ils n’étaient pas conscients que leurs vies étaient terminées, tout du moins pas dans l’état actuel de leur cerveau obsédé par mes ordres auxquels ils ne pouvaient déroger. Mais tous ces êtres humains qui se tenaient là, que j’avais pris de leurs familles et à qui j’avais volé leurs vies, et ce peu importait ce qu’ils avaient vécu jusqu’alors, vivaient désormais le pire qu’ils n’allaient jamais expérimenter. Et ce jusqu’à leur mort. Ils deviendraient leur esclave. Je ne pouvais imaginer ce qu’il allait leur faire traverser, que ce soit pour le spectacle, pour le plaisir, ou pour le pouvoir. Ils n’avaient plus tant l’air d’ombres. Ils avaient l’air de personnes volées. De personnes abusées. De personnes que j’abusais. De personnes que je forçais à faire ce que je voulais sans leur consentement. Je sentis mon cœur se mettre à battre plus violemment dans mon poitrail, accompagné par la nausée qui continuait de se faire de plus en plus forte en moi. Mais je n’avais pas le choix, me rappelai-je tandis que je sentis mes sourcils se froncer sur mon front. 

Non, je n’avais pas le choix. Je le devais à Pansy. J’étais coupable de son entrée dans les rangs. Elle l’avait fait pour moi, par ma faute. Elle l’avait fait parce que j’étais son ami, que Theo soit dans l’équation pour sa décision n’importait plus. Je savais qu’elle l’aurait fait tout autant s’il n’y avait eu que moi. Elle s’était retrouvée dans cette situation simplement parce que j’étais son ami. Et je n’avais pas été capable de l’en dissuader, si tant est que l’on pouvait dire que j’avais vraiment essayé de l’en dissuader, au contraire de Theo. Elle avait torturé et tué à s’en rendre malade pour moi. Elle avait bu, vomi, pleuré et hurlé trop, beaucoup trop de fois à cause de moi. Elle avait trop angoissé pour la vie de Theodore par ma faute. J’avais détruit son couple, l’amour de toute sa vie, je l’en avais privée et elle ne le savait même pas. Et elle continuait de m’offrir sa vie sur un plateau d’argent. Et elle continuait de penser que j’étais un bon ami. Elle n’avait pas une bonne vision d’ensemble. J’étais la raison pour laquelle elle était morte en premier lieu. Elle était morte pour rattraper mes propres conneries. Mes propres conneries contre lesquelles elle m’avait mis en garde. Et j’avais trahi son amitié. J’avais trahi sa confiance. J’avais profité de sa dévotion pour servir mes propres intérêts, dans l’égoïste absolu et total que j’étais. Je n’avais pas le choix. Je devais réparer mes erreurs. Tout ce qu’il s’était passé depuis cette nuit-là était entièrement ma faute. Je le lui devais. J’étais coupable de ses malheurs. Alors j’avalai difficilement ma salive, et je tentais de contenir ma nausée tandis que je regardais les pauvres ouvriers travailler pour moi. 

Parce qu’eux aussi, ils subissaient mes erreurs. Eux aussi, je les utilisais. Je les utilisais pour réparer mes erreurs. Mais je le devais à ma famille. Ils étaient plus importants, je me le répétais autant qu’il le fallait. Je le devais à Blaise. Lui aussi, il avait vendu son âme pour moi. A cause de moi. Il l’avait fait avant même que Pansy ne rejoigne les rangs. Il l’avait fait pour moi. Il savait que Theo n’avait pas besoin de protection. Il l’avait fait pour moi parce qu’il savait que moi, j’étais trop faible pour ça. Il l’avait toujours su, d’ailleurs, même s’il ne l’avait jamais dit avant la veille. Et il avait raison. Je ne pouvais pas lui en vouloir, il avait raison sur toute la ligne. Je n’étais pas celui qui était censé être le Grand Intendant. Je n’étais pas fait pour faire ce genre de chose. La façon dont j’étais sur le point littéral de vomir par terre m’en attestait largement. J’allais devoir faire bien pire que faire quelques personnes prisonnières. Il avait raison, qui pouvait bien croire que j’avais ce qu’il fallait pour être Grand Intendant ? Il m’avait sauvé la vie, plusieurs fois. Tout ça pour que je tue son amie. Tout ça pour que je la lui enlève par mon égoïsme. Il avait perdu Daphné à cause de ce qu’il faisait pour moi. La seule fois où il s’était autorisé à aimer d’un amour romantique. La seule fois où il s’était autorisé la prise de risque la plus effrayante qui soit à ses yeux. Et à cause de moi, il n’y avait pas eu droit. Et il avait raison, lui, de m’en vouloir pour la présence de Granger dans la Tour d’Astronomie. Il était le seul à m’y avoir confronté, à ma responsabilité dans la mort de Pansy. Autant que Theo et Pansy pouvaient le nier, lui le savait. Et il avait raison. Et j’avais amplement mérité la baffe qu’il m’avait donnée ce soir-là. Je n’avais même pas eu le courage de laisser tomber mes murs face à sa peine. Je n’avais même pas eu le courage de regarder le cadavre de Pansy comme il me l’avait demandé. Je n’avais même pas eu le courage d’être vraiment là avec lui dans cette épreuve, alors même qu’il venait de me sauver la vie, deux fois de suite. Je lui avais pris tout ce qu’il lui restait, et il avait continué de se battre pour moi. Et j’avais trahi son amitié. J’avais trahi sa confiance. J’avais profité de sa dévotion pour servir mes propres intérêts, dans l’égoïste absolu et total que j’étais. Je n’avais pas le choix. Je devais réparer mes erreurs. Tout ce qu’il s’était passé depuis cette nuit-là était entièrement ma faute. Je le lui devais. J’étais coupable de ses malheurs. Alors j’avalai difficilement ma salive, et je tentais de contenir ma nausée tandis que je regardais les pauvres ouvriers travailler pour moi. 

Ils devaient continuer de travailler pour moi, peu devait importer à quel point j’étais un monstre pour ce que je leur faisais. Parce que ce que j’avais fait à ma mère, à celle qui m’avait mis au monde, à celle qui m’avait élevé, c’était mille fois pire. J’avais torturé son mari, sous ses yeux. J’avais levé ma baguette sur mon propre père, sur celui qui m’avait mis au monde. Celui qui m’avait éduqué. L’homme qu’elle aimait. J’avais été si faible que je l’avais fait. Là où Theodore était assez fort pour refuser. Pour tenir tête. Pour se battre. Je m’étais soumis. J’avais trahi mon propre sang. Et ensuite, j’étais demeuré immobile, silencieux et parfaitement immobile quand il avait tué mon père. Sous ses yeux, encore. Et j’avais laissé faire. J’avais tout laissé faire, en le lâche décevant que j’étais. Elle m’avait aimé. Elle m’avait élevé. Elle m’avait protégé. Elle m’avait entraîné. Tout ça pour quoi ? Pour que je la laisse tomber au moment où elle avait besoin que je sois fort. Et malgré cela, malgré tout cela, quand je rentrais la queue entre les jambes pour pleurer dans les jupes de maman, elle m’ouvrait encore ses bras. Malgré tout cela, quand je continuais de raconter les conneries que j’avais encore faites égoïstement, à mettre les miens plus encore en danger que je ne l’avais déjà fait avec Granger, elle m’écoutait encore patiemment. Elle me serrait encore avec amour. Elle me conseillait encore, perdant sa salive à espérer que pour une fois son fils incapable prenne les bonnes décisions. Qu’il devienne enfin un homme. Un homme comme celui que Theo était, et qu’elle savait parfaitement bien que je n’étais pas. Peut-être espérait-elle, au fond, que ce soit lui, son vrai fils. Peut-être était-ce pour cela, finalement, qu’elle l’avait si facilement accueilli parmi nous. Peut-être qu’elle avait vu en lui ce qu’elle ne trouvait pas en moi. Peut-être qu’elle avait trouvé chez lui le fils que je n’étais pas. Et j’avais encore failli le lui prendre, ce fils qu’elle avait trouvé. Je lui avais encore imposé une douleur qu’elle n’était plus en état de supporter par mon incompétence. Parce que je l’avais laissée tomber. Et j’avais trahi son amour. J’avais trahi sa confiance. J’avais profité de sa dévotion pour servir mes propres intérêts, dans l’égoïste absolu et total que j’étais. Je n’avais pas le choix. Je devais réparer mes erreurs. Tout ce qu’il s’était passé depuis cette nuit-là était entièrement ma faute. Je le lui devais. J’étais coupable de ses malheurs. Alors j’avalai difficilement ma salive, et je tentais de contenir ma nausée tandis que je regardais les pauvres ouvriers travailler pour moi. 

Ils devaient payer pour mes erreurs, parce que celui que j’avais le plus abîmé c’était celui que j’avais réparé, et je ne savais pas ce qu’il pouvait exister de pire au monde que cela. Pire que d’être celui qui avait réparé une âme cassée, tout cela pour l’éclater en des milliers de morceaux ensuite. Pire que de pousser quelqu’un à nous allouer une confiance aveugle et totale, tout cela pour la briser à la fin. Pire que d’amener quelqu’un à nous admirer, à nous aimer, à nous chérir de tout son être, tout cela pour le laisser tomber quand le rideau se lèverait. Pire que de promettre à quelqu’un qu’un jour, un nouveau jour se lèverait, tout cela pour être celui à l’origine de la nuit éternelle qui s’abattrait sur lui. Pire que de pousser quelqu’un à s’abandonner au sentiment le plus dangereux qui soit, à l’amour, en étant prévenu des risques pour cette personne, tout cela pour être celui qui le lui retirerait. Pire que d’être celui qui promet espoir à quelqu’un qui ne connaît que malheur et douleur, tout cela pour être celui qui lui reprendrait tout ce à quoi il lui avait fait croire tout le long à la fin. Non, il n’y avait pas pire que cela. Il n’existait pas pire que ce que j’avais fait à Theo. Je l’avais amené à m’aimer, tout ça pour le briser. Je l’avais amené à me croire, tout ça pour le briser. Je l’avais amené à espérer, tout ça pour le briser. Je l’avais amené à aimer, tout ça pour le briser. J’avais trahi son amour. J’avais trahi sa confiance. J’avais profité de sa dévotion pour servir mes propres intérêts, dans l’égoïste absolu et total que j’étais. Je n’avais pas le choix. Je devais réparer mes erreurs. Tout ce qu’il s’était passé depuis cette nuit-là était entièrement ma faute. Je le lui devais. J’étais coupable de ses malheurs. Alors j’avalai difficilement ma salive, et je contenais ma nausée tandis que je regardais les pauvres ouvriers travailler pour moi. 

Et je m’accrochais à cela, à tout cela. A ma culpabilité. A mon dégoût de moi-même. Au monstre que j’étais. Parce qu’à côté de ce que j’étais en train de faire, ce que j’avais fait à mes proches était mille fois pire. Ce que je lui avais fait, à lui, était mille fois pire. Et le monstre que je devais être aujourd’hui vis-à-vis de ces étrangers était loin d’égaler celui que j’avais été envers les miens. Envers ma propre famille. Je n’étais rien d’autre qu’un poids pour eux. Rien d’autre qu’un boulet qui ne leur apportait que malheur après malheur. Alors je m’accrochais à mes regrets pour continuer à faire ce que je devais faire pour réparer mes erreurs, et je dépensais toute l’énergie dont je disposai pour les forcer à travailler pour moi. 

Je me rappelai quand le Seigneur des Ténèbres avait finalement cédé à mes supplications. Je me rappelai quand il avait levé sa baguette sur le cadavre de Pansy. Je me rappelai la fumée énergétique noire qui était sortie du corps de Pansy, et qui avait lentement repénétré à l’intérieur de sa baguette. Je me rappelai que sa baguette avait tremblé, le temps que cela avait duré, de l’effort que ce sortilège lui avait demandé. Je me rappelai que j’avais senti mon cœur battre normalement à nouveau dans mon poitrail. Je me rappelai que l’odeur de la mort avait doucement commencée à s’échapper de mes narines. Je me rappelai du poids qui s’était échappé de mes épaules, quand bien même je venais de prendre des responsabilités qui me dépassaient largement, quand j’avais compris que Theodore allait me rester. Je me rappelai du soulagement, de la joie profonde, du bonheur absolu que j’avais senti prendre possession de mon corps fatigué et douloureux malgré les circonstances. Puis je me rappelai quand ensuite un filet argenté s’était tiré de l’esprit de Pansy pour gagner, là aussi, la baguette de Voldemort. Et je me rappelai quand il m’avait annoncé qu’il lui avait volé tout souvenir de Theodore. Et je me rappelai l’abattement que j’avais à nouveau ressenti. La façon violente avec laquelle tout mon soulagement s’était anéanti en une fraction de seconde. Je me rappelai comment je l’avais supplié encore, comment j’avais pleuré encore. Et je me rappelai comment il m’avait torturé encore. Puis je me rappelai la sensation du sol mouillé sous mon corps. Sous mon visage. Sous mes mains. Sous mes vêtements. Et je me rappelai la sensation du corps encore froid de Pansy contre mon épaule, alors que je demeurai allongé, blessé sur le sol de sa torture tandis qu’il disparaissait. Et je me rappelai comment j’étais resté là, sans pouvoir bouger, sans pouvoir faire autre chose que souffrir de mon corps endoloris, et de mon âme anéantie. Parce que j’avais encore échoué. Parce que je lui avais encore fait défaut. Et je me rappelai comment j’étais resté là, allongé sur le sol de la forêt dans la nuit, sans pouvoir bouger, en ne pouvant penser qu’une seule chose : que j’allais lui briser le cœur une nouvelle fois. Que je n’allais le réparer que pour pouvoir le briser, à nouveau. Et je me rappelai qu’alors que j’étais resté là, allongé sur le sol de la forêt, j’avais réalisé que mon compagnon de vie ne serait désormais plus que mon nauséeux dégoût de moi-même. 


Theodore ne revenu que quelques instants plus tard, tout du moins c’était ce qu’il m’avait semblé. La femme avait repris conscience, et s’était remise au travail dès qu’elle avait physiquement pu se relever, et je l’avais laissée faire sans aller vers elle ne serait-ce qu’un instant. Il portait à bout de bras de gros sacs que je supposai être remplis de bouteilles d’eau et de nourriture. Dès qu’il était rentré dans mon champ de vision, son regard s’était fixé sur moi. Il n’avait pas même pris le temps de regarder autour de lui les avancées de notre chantier. Simplement moi, et comment il constatait que j’allais. Cinq, quatre, trois, deux, un, par le nez, puis cinq, quatre, trois, deux, un, par la bouche. Malgré tout ce que j’étais, il continuait de me dédier l’entièreté de son attention. Je ne m’en détestais que plus. Mais je l’aimais. Je l’aimais trop fort pour laisser transparaître la façon dont je me sentais vraiment, parce qu’autrement il allait encore prendre sur lui de faire ce que moi je n’arrivais pas à faire. Je devais lui prouver que je pouvais. Je devais me prouver que je pouvais. Je le lui devais. Alors lorsqu’il arriva jusqu’à moi, je lui souris. Il ne me rendit pas mon sourire. Ses cernes noires étaient devenues violettes, en ce sens je supposais que cela représentait une amélioration, et qu’il avait pu dormir un peu. Il posa les sacs remplis devant moi et ne se cacha pas de m’inspecter ostensiblement. 

-       Comment tu te sens ? me demanda-t-il finalement sans détour. 

Je continuais de lui sourire chaleureusement. Je supposai que ma fatigue devait commencer à se lire sur mon visage, et je savais que plus que personne il serait attentif au moindre signe de fatigue que je montrerai désormais. 

-       Ça va, ça avance doucement comme tu peux le voir, répondis-je en entendant ma voix pour la première fois depuis de nombreuses heures. Doucement mais surement, ajoutai-je pour paraître aussi détendu que je le pus. 

Ses yeux ne me lâchèrent pas. Ils étaient concernés. Inquiets. Je n’avais aucune idée de la tête que j’avais, mais je savais qu’il n’existait rien au monde que je pouvais dissimuler à Theodore Nott. Je continuais parfois d’essayer pourtant. Il me connaissait beaucoup, beaucoup trop bien. Il était méfiant, je pouvais le lire dans son regard. Attendri par son attention envers moi, mon sourire s’élargi en sa direction. 

-       T’en fais pas, je gère, tentai-je alors de le rassurer explicitement. 

Mais il continua de me sonder. Ses yeux glissèrent rapidement le long de mon corps avant de remonter jusqu’aux miens après leur analyse complète. 

-       Je n’en doute pas, répliqua-t-il enfin, mais tu es resté ici assez longtemps à mobiliser ta magie. Rentre te reposer, je prends le relai maintenant. 

-       Non, le coupai-je doucement et sans effacer mon sourire attendri. 

-       Drago, tenta-t-il de me tempérer. 

-       Je te dis que ça va, apaisai-je encore. Fais-moi confiance, et laisse-moi gérer. 

Son torse se gonfla d’air, et je savais en cet instant que j’avais gagné. C’était ma mission. Il en avait assez fait. J’allais tenir. Trois jours enfermé dans une grotte avec des zombies, j’avais fait pire. J’allais le supporter. Je devais me le prouver. Je devais le lui prouver. Et je devais le prouver au Seigneur des Ténèbres. J’allais tenir l’Imperium pendant trois jours sans m’interrompre. J’allais le faire. Je le devais. 

Alors il céda, et il m’accompagna organiser et gérer le roulement des ouvriers qui allaient manger puis travailler, et de ceux qui allaient dormir sur le sol pendant que les autres travailleraient. Je notai que sa présence rendait en cet instant mon ancrage plus facile. Je commençai à fatiguer vraiment, je le sentais, mais voir son visage sous mes yeux était comme une ancre, comme un rappel constant et puissant de pourquoi je faisais ce que je faisais. Et en cet instant cela semblait me donner l’énergie dont j’avais besoin pour continuer, alors je le regardais. Je regardais la façon dont il avait arpenté les lieux, tel un chef de chantier, pour constater des avancées des travaux. Je regardais son dos épais sous son uniforme noir de Mangemort en mission qui m’attestait qu’il était bien en chair, bien en vie. Je regardais ses cheveux noirs ondulés qui me faisaient regretter à quel point mes cheveux blancs étaient lisses en contraste. Je le regardais s’approcher de moi avec une bouteille d’eau pleine qu’il m’avait réservée, et la soupe qu’il m’avait réchauffée, fort probablement préparée par Mint pour moi et bourrée de potions énergisantes qui feraient bientôt effet. Je regardais ses incroyables yeux bleus qui continuaient de m’inspecter quand bien même il s’évertuait à montrer qu’il était tout à fait détendu. Il ne l’était pas. Theodore Nott était constamment en état d’alerte lorsqu’il avait peur que je n'aille pas bien. Et il avait clairement peur que je n’aille pas bien en cet instant. Il essayait de me le dissimuler pour ne pas me blesser, mais je le connaissais moi aussi trop bien pour que cela fonctionne. Et soudainement, il baissa les yeux sur son bras gauche. Quand il les releva vers moi, il n’eut pas besoin de poser sa question pour que je lui signifie « non » de la tête. Mon bras à moi ne brûlait pas. Mes murs tremblèrent, et mon cœur se mit à battre violemment dans mon poitrail. Je tentais de me rappeler que le Seigneur des Ténèbres n’allait pas le tuer, il savait à quel point il avait besoin de lui. Il l’aurait déjà fait sinon. Et Theodore était fort. Quelque fut la mission qu’il avait à lui donner, songeai-je alors en inspirant par le nez, Theodore était capable de la mener à bien. Je devais avoir confiance en lui, parce que désormais ce genre de situation allait se produire souvent. Je supposai qu’il avait soit besoin de lui parler, soit besoin de sa « bête sauvage » pour quelque chose de précis, et qui ne pouvait pas attendre. Ou s’assurer que j’assurerai ma mission principalement seul, et que je pourrais me prouver, moi réellement. Quelque fut la raison, Theodore irait bien. C’était une certitude, me répétais-je alors. C’était une certitude. 

-       Ça va aller ? me demanda-t-il alors doucement, n’ayant cessé de m’inspecter depuis qu’il avait relevé les yeux vers moi. 

J’acquiesçai en sa direction. 

-       Vas-y, je gère. 

Il me sonda encore, puis il acquiesça en retour sans lâcher mon regard. 

-       Si tu as besoin de moi, tu n’as qu’à m’appeler, assura-t-il gravement. Tu le sais. 

Je lui souris. Oui, je le savais. Et pour la première fois depuis toutes ces horreurs, je lui assurai, et je m’assurai aussi en le pensant réellement :

-       Je te verrai demain. 

Il me rendit finalement mon sourire, et son regard s’attendrit sous mes mots. Son inquiétude ne mourut cependant pas dans ses yeux.  

-       Et tous les jours d’après, promit-il tendrement avant de s’en aller. 


Jour 3. 

Le roulement s’était effectué comme je l’avais prévu avec Theodore. Ils avaient désormais tous mangé et dormi pendant quelques heures, et étaient en théorie tous en état physique de continuer le travail pour les heures qu’il leur restait. Les cachots avaient été terminés, l’escalier et les bases de l’étage l’étaient également, demeurait désormais les détails à peaufiner : la construction du trône, celle de la table, quelques touches distinctives, ce que nous pourrions appeler de l’ameublement en somme. Il me semblait que nous devrions avoir rempli la mission dans les temps impartis, bien que nous avions besoin de chaque heure que nous pouvions désormais prendre. 

-       Tu faiblis, gronda soudainement la voix de Ragnar dans mon esprit. 

-       Ça va, mentis-je avec agacement. 

Il avait raison. Je n’avais pas dormi depuis deux jours et je puisais en constance dans mon énergie pour maintenir sur quarante sang-de-bourbe un sortilège impardonnable. 

-       Puise dans mon énergie, ordonna-t-il sans tenir compte de ma réponse. 

-       Je te dis que ça va, tranchai-je avec une tension grandissante. 

Je détestais l’idée de puiser dans sa propre magie, dans sa propre énergie pour exercer de la magie noire. Il était dehors, immobile et prêt sans probablement n’avoir ni bu ni manger pour être là si j’en avais besoin depuis deux jours, si j’en croyais sa promesse. Je ne pouvais pas puiser dans son énergie pour la tâcher comme je tâchais la mienne. 

-       Tu l’as peut-être pas remarqué p’tit génie, mais je suis sensiblement plus gros que toi. Mon énergie est proportionnelle à ma taille, argumenta-t-il sans pouvoir cacher son propre agacement face à mon entêtement. Alors puise dans mon énergie si tu ne veux pas te retrouver avec une rév…

Je coupais notre lien quand un mouvement soudain sur ma droite attira mon attention. Il attira mon attention parce qu’il détonnait des mouvements calculés, répétitifs et machinaux de tous les autres ouvriers. Un homme d’une taille et d’une carrure imposantes se retournait sur lui-même, observant la scène avec incrédulité et terreur. Mon cœur se mit à battre violemment dans mon poitrail. Il n’était plus soumis à l’Imperium. J’avais trop faibli. Si d’autres se joignaient à lui avant que je ne me sois repris, j’étais un homme mort. Lorsque son regard se posa sur moi alors que je me levai de mon rocher pour m’avancer vers lui, il pointa sa baguette vers moi. 

-       Restez où vous êtes ! m’ordonna-t-il à une dizaine de mètres de moi. 

Je me rapprochai encore de lui, mon cœur battant la chamade jusque dans mes oreilles. Je devais le neutraliser et le soumettre à nouveau à l’Imperium avant que la situation ne dégénère. Il était en plein chantier, et lui n’avançait pas vers moi. Il était terrorisé. Les autres autour de lui ne semblèrent pas même l’entendre, ils continuaient leurs tâches telles des machines. Son énergie devait être plus résistante que celle des autres, mais ce n’était qu’une question de temps avant que d’autres ne retrouvent leurs esprits si lui avait pu le faire. Alors j’avançais vers lui avec hâte, baguette moi aussi tendue. Je tentais de lui lancer un nouveau Imperium, mais je ne trouvais pas les ressources en moi. Il m’attaqua d’un expelliarmus que je contrais non sans difficulté en me hâtant vers lui. Il ne pouvait pas me résister, et je ne pouvais pas le combattre. Il devait obtempérer, et il devait le faire vite pour que je me reprenne. Je ne le vis pas venir quand il relança son sortilège une deuxième fois, et je me trouvais la main vide de ma baguette alors que j’arrivais à son niveau. La panique me gagna alors que je constatais que je n'avais dans mes mains plus aucune source de magie pour lui faire face, et je lui jetais un coup de poing en pleine figure de toute la force de mon bras. Il bascula en arrière, et son crâne fit un bruit de craquement qui raisonna sourdement dans la grotte alors qu’il s’écrasait contre le coin d’un rocher que les ouvriers utilisaient pour travailler l’ameublement. Je demeurai figé devant le corps de l’homme qui glissait sur le sol, son sang se répandant sur le coin du rocher jusqu’au sol où il reposait maintenant. Il était mort. Je l’avais tué, alors que je n’avais pas eu besoin de le tuer. Je n’étais pas censé le tuer. J’avais tué des hommes auparavant. Des hommes que j’avais été obligé de tuer. Lui, rien ne m’avait préparé à ce que je le tue à cet instant. Et il gisait là, sur le sol du nouveau quartier général du Seigneur des Ténèbres en nouveau témoin de mon incompétence. 

-       PUISE DANS MON ÉNERGIE ! hurla la voix vibrante de Ragnar dans mon esprit qui me fit violemment sursauter alors que je demeurai interdit devant le cadavre de cet homme.  

Je regardai autour de moi, réalisant à l’instant que ma respiration était haletante. Les autres ouvriers continuaient de travailler comme s’il ne s’était rien passé. Ragnar avait raison, et je devais agir vite. Je venais de me faire désarmer par un sang-de-bourbe. Je n’étais plus en état énergétique de maintenir trente-neuf personnes sous la contrainte magique. Mes yeux cherchèrent autour de moi ma baguette jusqu’à ce que je me retourne sur moi-même pour finalement la trouver. Je courais la récupérer et fermais les yeux pour accueillir le canal que Ragnar ouvrait pour moi, et puisait dans ses ressources à lui pour remplir les miennes, et renforcer l’effet de mon Imperium collectif. Je constatais que certains ouvriers se remirent à travailler plus rapidement. 

-       Bien, constata gravement Ragnar une fois que j’avais pris ce dont j’avais besoin. Maintenant va balancer son corps par la montagne. 

-       Quoi ? m’entendis-je répondre, incrédule. 

-       Balance son corps par la montagne ! ordonna-t-il plus fortement. 

Je sursautai à nouveau. 

-       Tu crois que Voldemort voudrait que tu l’enterres dignement ? continua-t-il d’une voix pressante. C’était ton esclave, rien d’autre. Alors reprends-toi et va balancer son corps par l’entrée de la montagne, trancha-t-il sèchement. 

Je ne savais pas si c’était mon état physique ou mon état émotionnel, mais comme sous le choc, et comme si je ne prenais pas vraiment la mesure de quoi que ce soit, ma bouche demeura bêtement entre-ouverte alors que j’acquiesçai à la voix qui raisonnait violemment dans mon esprit. Oubliant jusqu’au fait que j’avais une baguette et que j’étais capable de magie, je me baissai, accroupi sur le sol dos à l’homme que j’avais tué et attrapai ses poignets d’une main, ses chevilles de l’autre, avant de le hisser de toutes mes forces en tirant sur mon dos jusqu’à ce que son corps lourd s’écrase sur mes épaules comme une écharpe. J’hurlais sous l’effort, mais personne ne m’entendit, parce que personne n’écoutait. Le corps tremblant et le regard figé, je marchais lourdement, pas après pas, le long de la quarantaine de mètres qui me séparaient de l’entrée de la montagne. L’entièreté de son corps reposait lourdement sur mes épaules et me lançait jusque dans mes lombaires. Pas après pas, mes jambes, puis mes bras, puis mon torse se mirent à trembler de plus en plus. Et mon regard était vide, figé et fixe devant moi alors que je demeurai sous le choc. Je portais sur mes épaules un homme innocent que je venais de tuer, et que je n’étais pas censé avoir tué. Un homme innocent que j’avais assassiné moi, non pas sur ordre du Seigneur des Ténèbres. Une autre personne que j’avais tuée. Une autre personne dont j’avais arrêté la vie. Un homme qui avait une vie. Un homme qui avait une famille, lui aussi. Je sentis une larme froide perler sur ma joue, et la froideur glaciale du vent montagnard ne la rendit que plus froide sur mon visage alors que j’approchais de l’entrée. La lumière grise mais vive du jour brûla mes pupilles, mais je ne parvenais pas à les contrôler pour les forcer à se fermer. La violence du vent frappa mon visage alors que je m’approchais du vide. Je ne voyais rien sous moi, le brouillard de montagne du matin n’était qu’ombre grise. Et j’allais balancer ce corps que j’avais tué dans cet épais nuage de brouillard, et il allait y disparaître à jamais. Je fléchissais mes jambes avec les forces qu’il me restait et raffermissait mes prises sur les poignets et chevilles de l’homme que j’avais assassiné. De nouvelles larmes mouillèrent mes joues glacées. Balancer le corps. C’était tout ce qu’il me restait à faire. Je pleurais. Je fléchissais mes jambes plus encore, je baissai mon visage, et j’élançais le poids de l’homme vers le vide. Au moment où son corps rencontra le brouillard épais, une énorme gueule acérée de crocs aiguisés s’ouvrit sous lui, et se referma sur le museau du dragon en un claquement terrorisant. La peur me fit reculer de deux pas alors que le bout de la gueule de Ragnar s’évanouit et disparût aussi tôt dans le brouillard. Le corps n’était plus. 

Je regagnais mon rocher et y reprenais place alors que mes jambes continuaient de trembler violemment. Ma respiration, elle aussi, était tremblante. J’étais terrorisé. J’étais tout bonnement et absolument terrorisé. Je venais de tuer un homme innocent. Je venais de le balancer dans le vide du haut d’une montagne que j’avais transformée en l’antre du Seigneur des Ténèbres. Et Ragnar venait de le manger sous mes yeux. J’étais tout simplement absolument et totalement terrorisé. Et les gens autour de moi continuaient de se comporter comme des zombies dans une grotte sombre qui glaçait le sang. Rien ne me semblait réel. J’avais l’impression d’être dans un cauchemar abominable, et que j’allais finir par me réveiller. Le bruit de la roche qui était travaillée raisonnait dans mes oreilles en un bruit sourd entêtant qui pourtant me faisait sursauter à chaque nouvelle tonalité qui grondait et raisonnait dans l’espace ouvert. Ouvert mais enfermant. Sombre mais glaçant. Ça allait s’arrêter, n’est-ce pas ? Je n’allais pas vraiment… Je n’allais pas vraiment devenir le Grand Intendant, si ? Je n’avais pas vraiment un dragon qui mangeait les gens que je tuais ? Je n’allais pas vraiment partir en guerre en étant le bras droit officiel, connu et reconnu du pire mage noir de tous les temps, si ? Moi, Drago Malefoy ? Je n’étais qu’un enfant, pleurais-je alors sur moi-même. Je n’étais encore qu’un garçon. Je ne savais pas faire tout ça. Je ne savais pas supporter tout ça. Je ne savais pas gérer tout ça. Je ne pouvais pas mener des armées de Mangemorts. Et je pouvais encore moins être crédible en le faisant, si tant était que j’y survivais, à ce que j’aurais à faire. 

Le Grand Intendant ? Le Grand Intendant reclus sur lui-même, ses jambes contre son ventre alors qu’il tremblait sur son rocher. Le Grand Intendant qui était censé sauver sa famille qu’il avait déjà condamnée par ses erreurs. Pansy que j’abandonnais par ma faiblesse. Blaise que j’abandonnais par ma faiblesse. Ma mère que j’abandonnais par ma faiblesse. Theo que j’abandonnais par ma faiblesse. Et voilà ce que je venais de faire. Est-ce que c’était cela, ce que j’étais finalement ? Un meurtrier doublé d’un lâche ? L’héritage qu’il me restait de mon père aux yeux du reste du monde, en somme ? Est-ce que je n’étais qu’arrivé à l’apogée du garçon arrogant que j’avais été toute ma scolarité ? Est-ce que j’avais cru toutes ces années être un garçon bien, un garçon joueur, un garçon comme les autres, alors que je n’avais toujours été que cela ? Rien d’autre qu’un faible ? Rien d’autre qu’un lâche ? Rien d’autre qu’un incapable ? Qu’un incapable qui allait encore laisser tomber sa famille ? Ce n’était vraiment là tout ce qu’il y avait en moi ? Comment allais-je faire ? Comment allais-je faire, maintenant que le lâche doublé de l’idiot que j’étais s’était mis dans une telle situation ? Il n’y avait plus de retour en arrière possible, si j’échouais ce ne serait pas simplement moi qui paierait, ce serait ceux que j’essayais désespérément de protéger en premier lieu. Comment allais-je faire ? 

Musique grandement suggérée : How Villains Are Made – Madalen Duke & Rok Nardin

Tu n’es rien qu’une pauvre merde, m’entendis-je penser. Et je me détestais de penser cela, de ressentir cela, mais je me détestais encore plus de ce que j’étais incapable d’être. Ma famille avait besoin de moi. Ils avaient tous besoin de moi. Et qu’est-ce que j’étais en train de faire ? me pressai-je encore. Pleurer comme une gamine qui a perdu son doudou ? Parce que quoi ? Parce qu’un pauvre type que je ne connaissais même pas avait eu la connerie de penser qu’il pouvait s’attaquer à moi ? Mais je n’étais pas censé le tuer, me rattrapais-je encore en pensées. Il n’avait rien fait qui méritait que je le tue. Il était simplement né de parents moldus, et il se trouvait qu’il était né avec des pouvoirs magiques. Et la foudre s’était abattue sur lui parce que j’avais décidé que j’allais me procurer des esclaves comme un putain de colon. Très bien, m’entendis-je gronder, et si je ne l’avais pas fait ? Si je n’avais pas au moins eu la décence d’essayer de sauver les miens en faisant pour une putain de fois ce qu’il fallait ? Même pas 48heures et déjà incapable d’être le Grand Intendant ? Pour un connard qui s’est éclaté le crâne sur un pauvre caillou tout seul ? Et quoi ? violenta le dialogue interne en moi. On pleure parce qu’on a un dragon maintenant ? Oh pauvre petit Drago, il a un gros méchant dragon alors que c’est la Guerre et que personne n’a une putain d’énorme bête volante qui peut décimer des villages à elle seule ! La rage se mit à bouillir dans mes veines. Rien qu’un putain de pourri-gâté qui n’a aucune putain d’idée de ce qu’est la notion de sacrifice, m’insultai-je avec dégoût. Non, non, me repris-je, ce n’était pas vrai. J’étais humain. J’étais un homme qui avait été élevé normalement, avec une mère et un père qui avaient été aimants, et qui m’avaient rendu… FAIBLE ! grondai-je alors que la colère reprenait le dessus. Faible et pathétique à regarder un autre faire ce que j’aurais dû faire moi-même depuis le début. Je sentis une moue de dégoût se dessiner sur mes lèvres. Faible et pathétique pendant que t’attendais que celui que tu as le culot de clamer aimer s’occupait de tout, tout ça parce que t’avais peur de te salir les mains et de ne plus être capable de te regarder dans un putain de miroir. Eh bien devine quoi ! hurlai-je dans mon propre esprit contre mes faiblesses. C’EST-CE QUE TU N’AS PAS FAIT QUI TE REND INCAPABLE DE TE REGARDER DANS UN MIROIR ! 

Et maintenant quoi ? On continue comme ça ? On regarde ses amis mourir et sacrifier leurs vies pour nous pendant qu’on continue à les abandonner à chaque nouvelle occasion qui se présente ?! C’est bien ce que je disais, une pauvre merde. Une pauvre petite merde ingrate et incapable qui regarde les autres combattre, résister et mourir à sa place. Et tu t’étonnes de ne pas comprendre pourquoi la sang-de-bourbe t’aimes ? Tu m’étonnes putain ! gronda mon esprit. Tu n’y croyais pas non pas parce que tu pensais être une mauvaise personne qui ne la méritait pas. Tu n’y croyais pas parce que t’étais un putain de lâche dénoué de couilles qui ne la méritait pas ! Ridicule et putain de pathétique, c’était là tout ce que j’avais été. Mes amis s’étaient sacrifiés, encore et encore pour moi. Et moi, je tremblais parce que j’avais tué un esclave ? Je m’entendis rire d’une façon que je ne reconnaissais pas à l’intérieur de moi, et alors que je me sentais durcir et que la peur s’évanouissait au profit de la colère, je la laissai monter en m’écartant avec mes angoisses. 

Ils disaient tous que j’étais juste comme mon père. Faible. Effrayé. Lâche. Ils disaient tous que je n’avais pas ce qu’il fallait pour être Grand Intendant. Mais ils n’avaient pas idée. Ils n’avaient pas idée d’à quel point j’étais en réalité mille fois pire que mon père. Ils n’avaient pas idée de ce que j’étais capable de faire pour ma famille. Ils n’avaient pas idée de ce que j’étais capable de devenir pour ma famille. Ils n’avaient pas idée d’à quel point tous leurs pires cauchemars vivaient à l’intérieur de moi, prêts à les avaler vivants la seconde où ils menaceraient quelqu’un que j’aimais. Les Dieux devraient m’aider à apaiser les fantasmes qui tourneraient en boucle dans mon esprit des abominations que je ferais subir à la moindre âme qui viendrait pour l’un des miens. Mes yeux se fixèrent tout droit devant moi. Ils n’avaient pas idée d’à quel point je pouvais être le monstre qu’ils ne me soupçonnaient pas d’être. Alors je regardais mes esclaves trimer pour moi. Voldemort lui-même n’avait en réalité pas idée d’à quel point je pouvais être le Grand Intendant qu’il ne savait pas qu’il pouvait avoir. Et le monde ne savait pas encore. Le monde ne savait pas encore à quel point le réel danger, c’était moi. Qu’ils essayent. Qu’ils essayent de venir pour les miens. Qu’ils essayent de menacer les miens. Ils connaîtront le déchaînement des enfers et la brûlure lente et consumante du baiser du dragon. 


J’espère que ce chapitre vous aura émotionnellement épuisé autant que moi quand je l’ai écris ! 

Je mets des quizz et sondages après la publication de chapitre sur instagram pour savoir ce que vous avez aimé et comment vous avez réagi à travers le chapitre, venez partager ! @ livstivrig 

A bientôt, 

Liv


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