Dollhouse

Chapitre 45 : Le deal

16371 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/10/2024 16:18

RAPPEL : Je l’ai écrit au premier chapitre de cette fanfiction, mais ça commence à dater, et en discutant avec des lectrices, je me permets de vous rappeler que : pour les besoins de cette fanfiction il n’y a PAS d’horcruxes ! Bonne lecture et puisse le sort vous être favorable <3 

Je passai l’entrée du manoir et pénétrai à l’intérieur du salon dans lequel Blaise et lui attendaient dans le silence le plus total. Assez d’heures étaient désormais passées pour que leurs potions ne fassent plus effet, et ils m’attendaient. Leurs visages demeuraient pourtant aussi douloureux et épuisés par cette vie que ceux que j’avais quitté. Avec précaution et méfiance, Theodore se leva du fauteuil, dans l’expectative. Il l’avait senti. Je ne voyais plus que lui, et mon cœur se mit à battre violemment dans mon poitrail. Ses grands yeux bleus trouvèrent le corps que je portais contre moi, fixant sa poitrine avec incrédulité. La poitrine de Pansy qui se levait alors que de l’air parvenait jusqu’à ses poumons. 

Lentement, ses yeux allant du haut de sa poitrine jusqu’à son ventre dans un mouvement de va et vient répétitif, il s’approcha de nous, sa bouche entre-ouverte. Il ne croyait pas ce qu’il était en train de voir. Il entendait son cœur battre. Il voyait sa poitrine se soulever. Il sentait son odeur revenir doucement. Elle demeurait inconsciente, mais elle était vivante. Seulement il ne savait pas encore à quel point c’était là un cadeau empoisonné que je lui amenai. 

Mes yeux demeuraient fixés sur mon frère alors que je portai devant ses yeux incrédules le corps réanimé de la femme de sa vie. Il ne comprenait pas, stupéfait, mais il le voyait pourtant avec ses propres yeux. Elle était bel et bien en vie à nouveau. Et soudainement, ses sourcils se froncèrent discrètement, et ses magnifiques yeux bleus qui continuaient de sonder sa poitrine se remplirent de larmes. Un soupir libérateur s’échappa de ses lèvres et au même instant il tomba à genoux devant moi. Mon propre visage se tordit, lui sous la douleur, et je le rejoignais sur le sol pour déposer Pansy à ses pieds. D’épaisses et lourdes larmes perlèrent sur ses joues alors qu’il demeurait interdit, les bras reposant le long de son corps agenouillé devant elle, ses yeux fixant sa poitrine qui continuait de se soulever et de se rabaisser, sa bouche grande ouverte alors qu’enfin, il s’autorisait à respirer à nouveau. Blaise demanda ce qu’il se passait, lui qui n’avait pas les sens aussi développés que Theo, et lorsqu’il comprit finalement il se laissa tomber sur le sol pour nous rejoindre, et pleura de joie en embrassant le visage inconscient de sa meilleure amie. Et Theodore pleura. Il demeura interdit, ses yeux ne regardant rien d’autre que sa poitrine qui continuait, encore et encore, de s’abaisser et de se soulever, et cette fois c’était des larmes de joie, des larmes de soulagement, des larmes d’extase qu’il pleurait. Et moi, mon cœur se brisait de ce qu’il me restait à lui annoncer. 

-       Theo, tentai-je doucement alors que ses yeux ne se détachaient pas de la poitrine de Pansy. 

Je sentis des larmes perler sur mes propres joues alors que je le voyais retrouver de la vie, tandis que je savais que j’allais devoir la lui reprendre, cette vie-là. Je voulais le lui laisser, cet instant. Je voulais la lui laisser, cette joie incrédule qui accompagnait l’impossible que j’avais accompli pour lui. Mais chaque seconde qui passait durant laquelle il se permettait ce bonheur, ce soulagement, cette réparation de lui-même, signifiait que je le détruirais plus encore. 

-       Theo, chuchotai-je encore en sa direction tandis que les larmes ne cessaient de perler ni sur ses joues, ni sur les miennes. 

Mais il n’était pas vraiment avec moi, cette fois non plus. Je venais de lui ramener sa Pansy. Je venais de lui ramener, vivante, la femme qu’il avait vu mourir sous ses yeux. Celle sans qui il ne pouvait pas survivre. Après la nuit que nous venions de traverser, après les enfers qu’il avait déchaînés, je la lui ramenai. Mais l’histoire ne s’arrêtait pas là, et plus j’attendais, plus je le blesserai. Mais il ne détournait pas ses yeux inondés de la poitrine de sa bien-aimée. 

-       Theo, appelai-je avec un sanglot. 

Ce fût la tonalité de ma voix sous ce sanglot qui lui arracha les yeux d’elle, les tournant enfin vers mon visage, je le savais. Ses sourcils étaient légèrement froncés, mais ils n’exprimaient pas de douleur. Il pleurait, mais ses yeux étaient empreints de lumière. Empreints d’espoir. Empreints d’amour. Et les coins de sa bouche étaient relevés en l’esquisse d’un sourire que je n’avais pas vu depuis ce qui me sembla être trop, bien trop de temps. Et mon cœur se brisa. Je pinçai mes lèvres douloureusement alors que les pires mots que je me devais de lui adresser en cet instant se frayaient leur chemin jusqu’à lui : 

-       Voldemort lui a rendu la vie, mais il lui a pris tout souvenir de toi, chuchotai-je avec douleur. Elle vivra mais…, quand elle se réveillera, elle ne se souviendra pas de toi, lâchai-je dans un sanglot que je ne contrôlai pas. 

Et je le vis, son visage qui se décomposa juste devant moi, ses yeux enfoncés dans les miens. Je vis ses sourcils qui s’affaissèrent douloureusement. Je vis son regard qui se vida de toute joie. Je vis la lueur dans ses yeux qui s’éteignit progressivement. Je vis ses joues qui s’étirèrent de stupéfaction et sa bouche qui effaça toute ombre d’un sourire soulagé. Et quelque chose à l’intérieur de moi se déchira encore alors que je sanglotais en constatant, encore, de la douleur atroce que j’imposai à la personne que j’aimais le plus sur cette Terre. Parce que j’avais échoué. Encore. 

-       Je suis tellement désolé, pleurai-je alors dans tout mon épuisement, et dans toute ma douleur. 

Je lui avais dit que j’allais tout arranger. Je lui avais promis que j’allais tout arranger. Je n’avais pas tout arrangé. Et maintenant, il avait mal à nouveau, et c’était une nouvelle fois ma faute. 

-       Je suis désolé Theo, je suis tellement désolé, sanglotai-je encore. 

-       Putain de merde, chuchota Blaise qui réalisait ce que je venais d’avouer. 

Il se tenait le visage à présent, sous le choc de l’annonce que je venais de faire. Les yeux de Theo se baissèrent à nouveau sur la poitrine de Pansy qu’ils ne quittèrent plus, et bien que son visage n’exprimât plus la moindre émotion, des larmes continuèrent de ruisseler le long de ses joues. Je lui rendais son amoureuse mais je lui prenais son amour. Juste après qu’il vienne de la perdre. Je lui rendais sa raison de vivre mais je lui prenais tout oxygène. Et c’était lisible sur le visage livide qui ne cessait de fixer la poitrine de Pansy qui respirait. Il ne regardait d’ailleurs toujours pas son visage, comme s’il avait avec elle perdu cette capacité. Seulement sa poitrine et les mouvements respiratoires de celle-ci qu’il ne lâchait pas, et dont il s’assurait que le suivant suivrait celui d’après, et celui d’encore après, et celui d’encore après, comme s’il n’y croyait pas. Comme si cette respiration pouvait cesser à nouveau à tout instant. Il n’y avait plus rien de l’ordre de l’extase ou du soulagement sur son visage, simplement le vide. 

-       Attendez, attendez, pondéra Blaise dans la précipitation, on va trouver une solution on pourra… on pourra toujours tout lui raconter ou alors…, continua-t-il de réfléchir alors que le choc, l’émotion et l’épuisement obscurcissaient le fonctionnement normal de nos cerveaux mutuels. Ou alors tu pourras lui montrer Drago, avec tes pouvoirs de legilimens, tu pourras toujours lui montrer tout ce que t’as d’eux deux, non ? s’enthousiasma-t-il dans ma direction. 

L’idée de Blaise apaisa mes plus violents sanglots, mais l’entièreté de mon attention demeurait figée sur Theo. Il ne sembla pas le moins soulagé ou emballé par l’idée de notre ami, à vrai dire, je ne savais même pas s’il l’avait réellement entendu. Il demeurait inerte devant le corps désormais vivant de Pansy, bien que parfaitement inconscient, et il ne regardait rien d’autre que sa poitrine dans un vide sidéral. J’en avais putain de mal au ventre, comme s’il se tordait sur lui-même à l’intérieur de moi. J’avais l’impression de le perdre, encore une fois. De lui faire retraverser, encore une fois, ce qu’il venait de traverser quelques heures plus tôt, et qui l’avait conduit à se tuer. Et je ne pouvais plus le supporter. Je ne pouvais plus me supporter. Et je ne pouvais plus supporter sa douleur. 

-       Theo, chuchotai-je encore en essayant de le ramener à nous, mais il ne broncha pas. 

Son visage ne s’illumina pas tandis que Blaise continuait de développer comment cela pourrait fonctionner, et comment cela pourrait peut-être permettre à Pansy de retrouver elle-même ses souvenirs. Il ne leva même pas les yeux vers lui. Il n’y avait rien. Rien que sa poitrine qui se levait et se rabaissait à un rythme profond et régulier qu’il suivait attentivement. Je ne pouvais plus le perdre. Je ne pouvais plus le regarder m’échapper. Alors je rassemblais tout ce qu’il me restait de courage, et je pénétrais son esprit pour l’aider à me revenir, et je me rendis compte qu’il n’était pas perdu du tout. 

J’étais frappé par une ribambelle de souvenirs de Pansy qui défilaient à toute vitesse dans son esprit, et comme lui, j’essayai de suivre ce que ces souvenirs lui montraient pour comprendre la réflexion qu’ils sous-tendaient. Il la revoyait, dans la salle de réception du manoir, alors qu’il était à genoux devant elle et qu’elle avait sa baguette tendue sur son corps. Il voyait son visage pâle, et la façon dont ses larmes rendaient ses yeux rouges. Il l’avait regardée vraiment, cette nuit-là. Et le souvenir de la douleur, de la stupeur, de l’horreur que Pansy avait ressenti alors qu’elle avait été obligée de lui faire subir un endoloris jusqu’à ce qu’il tombe inconscient était gravé dans la mémoire de Theo. 

Il la revoyait, avec lui sur le canapé de notre salle commune alors qu’il récupérait lentement de ce qu’elle avait dû lui faire. Et il l’écoutait à nouveau, quand elle lui avait avoué « je ne le fais pas que pour Drago. Quand j’ai su que tu allais rejoindre ses rangs, quand j’ai su que tu allais… devoir faire tout ça et prendre autant de risques…, tu croyais vraiment que je pouvais te laisser faire ça sans tomber avec toi ? ». Puis ce même soir, il l’entendit à nouveau quand elle lui avait dit « je suis incapable de te perdre Theo » en sanglotant. 

Il la revoyait encore, le soir du réveillon, assise sur le bord de son lit à lui, son visage tellement triste alors qu’il était agenouillé devant elle. « Tu n’as qu’un mot à dire et je reste », lui avait-il proposé. Le trop faible sourire qu’elle lui avait affiché traduisait ce qu’elle ressentait lorsqu’il devait partir en mission sans elle. « Ça va aller », avait-elle mentit. Et il se rappela que ce soir-là, quand il était rentré, elle s’était écroulée, ivre morte dans ses bras, et qu’elle avait pleuré contre lui alors qu’il la berçait. 

Il revoyait la force avec laquelle son visage avait d’abord dit « non » à sa place, dans la salle sur demande, quand il lui avait appris que le Seigneur des Ténèbres l’envisageait comme son Grand Intendant. Et finalement, elle avait parlé. « Non. Non. Putain non ! » s’était-elle exclamée en se levant de sa chaise. Et sa tête n’avait pas arrêté de dire non pour elle, et elle avait tourné sur elle-même, et elle avait crié, et elle avait pleuré, et elle avait supplié. Elle avait sangloté, et elle avait chuchoté « je te demande de faire ça pour moi. Pour moi, Theo », et il avait chuchoté en retour « je le fais pour toi ». Elle s’était résolue à son impuissance, et Theodore la revivait en cet instant, cette impuissance. « Et je fais quoi maintenant Theodore ? Je ne peux pas, ça, tout ça, tous ces sacrifices comme si tu n’étais rien, je peux pas, je peux pas Theo » avait-elle pleuré. « Alors je fais quoi maintenant ? Tu m’ôtes toute possibilité de choix. Et j’en ai marre de subir Theo, j’en ai marre, je te jure j’en peux plus », n’avait-elle cessé de pleurer dans toute sa douleur. « Mais je vais continuer à le faire, parce que j’peux pas être sans toi », avait-elle chuchoté. « Je ne peux pas. Tu l’as dit toi-même, où d’autre est-ce que je pourrais aller Theo ? Chez moi, c’est toi. Mais putain…, je te déteste de me faire ça ». 

Il la revoyait, sortie du sommeil dans son lit en pleurant alors qu’elle avait cauchemardé qu’il mourrait. Et il la revoyait, tout contre lui, alors qu’elle pleurait et peinait à respirer. Et il la serrait contre lui, et elle lui demandait encore « s’il-te-plaît, ne le fais pas. Ne deviens pas Grand Intendant. S’il-te-plaît », avait-elle encore pleuré. Et il lui avait promis qu’il n’allait pas mourir. 

Et finalement il la revoyait quand il avait été appelé, seul, par le Seigneur des Ténèbres. Il revoyait la façon dont elle avait essayé de tenir bon, et de ne rien laisser paraître pendant qu’elle lui disait au revoir sur le bas de la porte. Il revoyait l’unique larme dont il avait été témoin à cet instant qui avait dégouliné sur son visage qu’elle tentait autant qu’elle le pouvait de garder fermé. Il revoyait sa main à lui qui avait essuyé cette larme, et il l’entendit à nouveau, la façon dont cela lui avait demandé l’intégralité de sa force que de pouvoir lui chuchoter « aller, vas-y » alors que tout ce qu’elle désirait c’était qu’il reste. Et il revoyait l’état dans lequel il l’avait retrouvée, quand il était finalement rentré ce soir-là. Il la revoyait, passant des mains frénétiques partout sur son corps à la recherche d’une blessure. Et il revoyait à quel point son visage était marqué. A quel point elle avait souffert, cette nuit-là. Il voyait dans chacun de ses yeux, dans chaque pli de son visage chacune des crises d’angoisses qu’elle avait traversées en son absence. Et il se reprenait en plein visage qu’il était à l’origine de la souffrance qu’il voyait ancrée sur le visage de celle qui possédait l’essence même de qui il était. 

Je ressortais de son esprit et continuai de le regarder. Il ne bronchait pas. Blaise continuait de parler et de chercher à élaborer des solutions. Et les yeux de Theodore demeuraient vides, fixés sur la poitrine de Pansy. Il envisageait de ne rien lui dire. Confronté à sa douleur, à tout ce qu’il lui avait imposer d’endurer parce qu’elle était amoureuse de lui et qu’il était ce qu’il était, il envisageait de ne pas essayer de lui rappeler ce qu’ils étaient l’un pour l’autre, depuis le tout début de leur histoire. 

-       Theo, tentai-je encore, horrifié par ce que je comprenais. 

Et soudain ses yeux se levèrent sèchement droit vers les miens, si soudainement que mon visage eut un mouvement de recul que je ne contrôlais pas. Les yeux qu’il enfonçait dans les miens avaient cependant à nouveau de la vie en eux. Il y avait à nouveau quelque chose qui vivait, faiblement, mais qui vivait en eux. Quelque chose de l’ordre de celui qu’il était avant cette nuit hantée. Mais ils étaient également teintés d’une inquiétude, d’une urgence que je ne pouvais pas ignorer, et qui ne pouvait pas me laisser indifférent. 

-       Qu’est-ce que tu as fait ? chuchota-t-il vers moi pourtant si gravement. 

J’étais terrorisé de lui répondre parce que je savais qu’il s’en voudrait pour le restant de sa vie, qu’elle soit longue ou courte et que cela lui ferait une autre sorte de mal supplémentaire. Mais en même temps je ne pouvais m’empêcher de noter que je ressentais une montée de chaleur réconfortante à l’intérieur de moi, quelque part apaisante, parce qu’il s’inquiétait à nouveau pour moi. Il était à nouveau capable de prendre conscience de son environnement, et de s’y intéresser. Il était à nouveau capable de quelque chose. Et en cet instant, je savais. Je savais qu’il resterait. Et de nouveaux sanglots alors que l’entièreté de la pression que j’avais ressentie durant cette interminable nuit s’échappa de mon corps, et m’écrasa de mon épuisement. Cela ne l’inquiéta cependant que plus. 

-       Drago, qu’est-ce que tu as fait ? demanda-t-il en un ordre pressant appuyé par la force naturelle de sa voix. 

Je ne pus effacer de mon visage le large sourire qui s’y dessina malgré moi tandis que je sanglotais face à lui. Ses yeux à lui, concentrés, me cherchaient gravement, allant de mon œil droit à mon gauche en une inspection des plus sérieuses. Il ne souriait pas. Peu m’importait. Rien d’autre n’avait d’importance. Rien, rien d’autre n’avait d’importance. Il allait rester. Il allait me rester. Je n’avais pas réussi à remplir la mission que je m’étais donnée, du moins pas dans son intégralité, mais c’était suffisant. Nous trouverions des solutions pour que Pansy se rappelle, et il allait rester. Il allait me rester. Je ne contrôlais pas les sanglots qui me secouaient. Ils n’étaient pas des sanglots témoins d’une douleur insoutenable, plutôt d’un soulagement d’une intensité irréelle teinté d’un épuisement ultime qui s’emparait de moi alors que je comprenais finalement que je n’allais pas le perdre cette nuit. Après l’avoir regardé mourir devant moi, plutôt deux fois qu’une cette nuit. Après tout ce que nous venions de traverser en l’infime espace de quelques heures. Après les pires terreurs, les pires angoisses, les pires expériences de ma vie. Il me restait. 

Alors le haut de mon corps s’élança et mes bras enfermèrent son dos tandis que je le serrai contre moi de toutes mes forces, pleurant à chaudes larmes dans le creux de son épaule. Je sanglotais violemment. Le bruit de mes sanglots incontrôlables résonnait dans le salon, chaque souffle irrégulier secouant nos deux corps entrelacés. Je le serrai de toutes mes forces, autorisant mes doigts à toucher, sentir, tâter son dos. Les bosses musclées de celui-ci et sa largueur qui m’imposait d’écarter généreusement les bras. Je le serrai de toutes mes forces, autorisant mon poitrail à sentir le contact du sien contre ma peau, et les battements violents de son cœur des émotions que ces derniers événements procuraient en lui. Je le serrai de toutes mes forces et j’enfonçai mon visage contre la peau de son cou, m’autorisant à remplir mes narines de l’odeur divine et réconfortante de sa peau musquée. De cette odeur qui, à elle seule, avait le pouvoir d’apaiser mes angoisses, les activations physiologiques de mon corps, et me calmer. Ma maison. Et je sanglotai. Dans toute ma vulnérabilité, dans toute mon impuissance, dans toute ma gratitude de la délivrance qu’il m’offrait-là. Et finalement, tandis que tout ce qu’il avait besoin de savoir était ce que j’avais fait pour que Pansy lui revienne, il m’offrit la chaleur de ses bras, et les encercla fermement autour de ma taille. Et plus encore, je sanglotai, et il me permit de le faire. Il me serra contre lui, lui aussi, et je me laissai sentir en pleine conscience la force et l’épaisseur de ses bras qui me recevaient, et qui me protégeaient de leur amour. La contraction de ses biceps quand il me serrait plus fort contre lui et la façon dont ils appuyaient chaleureusement sur mes côtes. La sensation de la douceur angélique de ses cheveux qui caressaient mon front enfoui dans sa nuque. La régularité et la profondeur envoutante de chacune de ses respirations qui m’attestait qu’il était bien là, réellement là avec moi. Il était là. Vivant. Il allait rester là. Mon frère. Mon âme. Tout pouvait m’arriver désormais. Des tempêtes pouvaient décimer ma maison. Des couteaux pouvaient trancher mon cœur en deux. Des royaumes pouvaient tomber. Je pouvais tout affronter. Mon ancre m’était revenue. Rien d’autre n’importait. Il m’était revenu. Plus jamais. Je passerai le restant de ma vie à m’assurer que plus jamais je ne risquerai de le perdre. Je le savais dans le passé, et plus encore depuis cette nuit je l’avais expérimenté comme absolue vérité. J’étais incapable de le perdre. C’était une douleur avec laquelle je ne pouvais pas vivre. Plus jamais. Alors je me délectais de son contact, je me noyais de sa présence, je me berçais de son odeur et je me languissais de son corps en vie en profitant de cet instant de plénitude et de sérénité qui m’était offert par les Dieux, avant que la suite ne nous rattrape inévitablement. Parce que c’était tout ce qu’il me restait, désormais. Chaque instant présent dont je pouvais disposer. Chacun plus précieux que l’autre, parce que je ne savais pas de quoi l’heure suivante serait faite. Alors je le serrai contre moi de toutes mes forces, et je pleurais mon amour pour lui. 

Il me reçut. Comme toujours, il me reçut dans tout ce que j’étais, avec tout ce que j’avais à déverser, tout ce que j’avais à partager, tout ce que je ressentais. Il était la constante de ma vie. Celui qui serait là pour moi, quoi que ce soit que je traverse. Celui qui m’accompagnerait, quel que soit le chemin que j’emprunterais. Tant qu’il serait en capacité de demeurer en vie. Tant que Pansy Parkinson vivrait. C’était là la seule et unique condition à sa stabilité. Que Pansy Parkinson vive. Alors elle vivrait. Peu importait le prix à payer. 

Il me reçut et je savais, quand bien même il n’était pas secoué par de violents et sonores sanglots tels que les miens, que lui aussi il pleurait. Je sentais ses douces larmes traverser le tissu qui recouvrait mon épaule et les mouvements saccadés de son torse contre le mien. Il en avait besoin, lui aussi, de cette parenthèse que nous nous autorisions à partager. Il avait perdu la femme de sa vie cette nuit. Il s’était perdu lui-même. Il s’était résolu à me perdre, moi aussi. Il avait besoin de moi autant que j’avais besoin de lui, quand bien même il était plutôt du genre à souffrir seul de son côté, quand moi j’hurlais haut et fort que j’avais besoin de lui. Nous étions l’équilibre d’un tout. Les deux faces d’un même gallion. Quand je ne pouvais plus, il pouvait à ma place. Quand il ne pouvait plus, je pouvais à sa place. Quand je ne tenais plus, il portait. Quand il ne tenait plus, je portais. Quand je pleurais, il apaisait. Quand il pleurait, j’apaisais. Quand j’avais besoin, il savait. Et quand il avait besoin, je savais. Et en cet instant, dans ces quelques minutes dérobées aux ténèbres qui nous ensevelissaient, il ne portait pas, et je ne portais pas non plus. Il ne tenait pas, et je ne tenais pas non plus. Il pleurait, et je pleurais avec lui, et ensemble, nous apaisions. Ensemble nous apaisions parce que l’autre était toujours là. Et je me demandais, quand bien même je connaissais parfaitement la réponse, qu’est-ce qui pouvait bien être plus précieux que cela ? Rien. Rien du tout. 

Lorsque son âme autant que la mienne furent, au moins en partie, apaisées l’une par l’autre, j’ouvrais un bras à Blaise, qui vint se réfugier entre nous. Il ne fit pas de blague obscène, ce qui en disait probablement plus long sur son état interne que n’importe quel mot qu’il aurait pu prononcer. Il avait perdu Pansy, lui aussi, cette nuit. Il avait perdu la seule femme avec laquelle il partageait sa vie depuis six années, plus encore que sa mère. La femme avec qui il parlait, riait, racontait connerie sur connerie depuis six longues années, chaque jour que les Dieux faisaient. La femme qui avait enterré sa mère et prononcé son éloge funèbre quand lui ne l’avait pas pu. La femme de sa vie à lui aussi, en somme. Il l’avait regardée mourir juste après qu’elle lui ait dit le genre d’horreur que seule Pansy Parkinson était capable de dire. Il l’avait regardée mourir en étant impuissant, et en sachant parfaitement que j’en étais le responsable. L’écho de ses hurlements déchirants retentissaient toujours dans mon esprit dès que je fermais les yeux. Je la lui avais ramenée à lui aussi, la petite femme de sa vie. Il lui avait dit lui-même, la première fois qu’il l’avait rencontrée, quand je lui avais demandé de rejoindre notre groupe. Il lui avait dit que sa vie serait meilleure si elle devenait la « p’tite meuf des princes de Serpentard ». Et elle avait répondu que nous verrions qui deviendrait la p’tite meuf de qui, égale à elle-même. Le constat qui s’imposait aujourd’hui à moi était que Pansy Parkinson était probablement la p’tite meuf des princes de Serpentard autant que les princes de Serpentard étaient les p’tites meufs de Pansy Parkinson. 

Alors nous serrions Blaise entre nous, et Blaise nous serra chacun d’un de ses bras, et il pleura de soulagement avec nous. Je lui devais la vie, autant que je lui devais la vie de Pansy. Mais je lui devais ma vie cette nuit, et probablement plutôt deux fois qu’une. C’était lui qui m’avait sorti de la Tour d’Astronomie, et c’était lui qui m’avait sorti de la cathédrale en feu. Je serai peut-être mort à l’heure qu’il était s’il ne m’avait pas traîné de force hors de ces deux endroits. Lui aussi, je lui devais ma protection. J’avais assez joué avec leurs vies. Pansy était morte par ma faute. Désormais, elle nous revenait. Plus jamais. Je leurs devais tout. Plus jamais.  

Après tout le temps qu’il nous avait fallu, nos corps se séparèrent, et ce fut la voix de Theo qui transperça le silence avec détermination la première, clôturant la parenthèse que nous nous étions offerts : 

-       Il faut que je la mette dans mon lit. 

Avec une délicatesse qui détonnait de sa carrure imposante, il fit glisser un bras sous ses genoux, un autre juste sous ses omoplates, et il la souleva du sol comme si elle n’était rien d’autre qu’une plume. Il la conduisit ainsi jusqu’à sa propre chambre à lui, l’allongea délicatement dans son lit, plaça méticuleusement sa tête sur son meilleur oreiller, et nous ordonna de sortir d’un regard appuyé pour pouvoir la nettoyer, et la changer. J’en profitais pour fermer les yeux dans le salon un instant, le premier instant depuis la veille, et fut réveillé quelques trop courtes minutes plus tard quand Theo descendit nous rejoindre. Il prit place sur son fauteuil, face à moi sur le canapé, et son regard sur moi était à nouveau grave quand il me demanda plus impatiemment :

-       Qu’est-ce que tu as fait ? 

Je maintins le contact avec ses grands yeux bleus qui me sondaient intensément. Il semblait être à nouveau lui-même, en tout cas il semblait être prêt à reprendre les commandes de la situation, et voulait savoir de quelle situation il s’agissait. Mais c’était à moi désormais de lui montrer que je gérais la situation dans laquelle je nous avais tous mis, quand bien même je n’étais pas certain de gérer quoi que ce soit. Il le fallait, c’était tout. Le reste n’importait pas. Alors j’avalais ma salive de façon audible, intimidé sous son regard transperçant, et je pris une inspiration en entre-ouvrant mes lèvres pour lui répondre finalement : 

-       Je me suis porté volontaire en tant que Grand Intendant. 

Blaise s’étonna avec horreur, mais je ne tournais pas les yeux vers lui. Mes yeux étaient rivés sur Theodore, et les siens sur les miens. Il ne broncha pas. Il ne cligna pas des yeux. Il ne soupira pas et ne s’exclama pas. Il répliqua simplement sur un ton ferme : 

-       Il y en a plein, des volontaires. 

Je pinçai les lèvres malgré moi et reprit une discrète inspiration qui, je le savais, ne pouvait pas lui échapper. Il était l’heure des aveux. 

-       Il n’y en a pas beaucoup qui lui permettent de te garder de son côté. Et il le sait, ajoutai-je plus bas. 

Il brisa le contact entre nos regards tandis qu’il bascula la tête en avant et passa ses mains sur son visage avec dépit. Mon cœur se mit à battre plus rapidement dans mon poitrail, et je savais qu’il l’entendait. Je devais lui montrer que je pouvais gérer. Il ne dit rien pendant quelques instants, fixant le sol avec une moue pincée qui indiquait qu’il se retenait de parler tandis qu’il réfléchissait, puis il releva des yeux sombres vers moi : 

-       Il a accepté ? 

Je mordis ma lèvre inférieure sous son regard attentif. Analysant. Puis j’acquiesçai faiblement. 

-       Bordel de merde Drago…, chuchota Blaise, sonné par mon annonce à côté de moi sur le canapé. 

-       Qu’est-ce qui fait qu’il a accepté de lui rendre la vie ? continua Theo sans perdre son sérieux intimidant. 

-       J’ai négocié, avouai-je à voix basse. 

Ce fut le tour de Theo de prendre une inspiration chargée avant d’ordonner : 

-       Explique-toi.

Je rassemblais mes esprits avant de commencer : 

-       Je l’ai appelé avec le corps de Pansy. Je l’ai…, je l’ai d’abord supplié de lui rendre la vie avec la nécromancie, puisque c’est lui qui l’a tué, et d’un Avada, expliquai-je alors que mon cœur battait de plus en plus insolemment dans mon poitrail à l’évocation de ces souvenirs. Je lui ai promis de faire tout ce qu’il voudrait s’il lui rendait la vie. Il m’a demandé ce que je pouvais lui apporter, ce que lui y gagnerait, et c’est là que je me suis proposé comme Grand Intendant. Je…, je savais qu’il ne t’envisagerait plus pour le poste après…, vous savez, coupai-je sans pouvoir rappeler les événements qui venaient de s’écouler. Il a dit qu’il savait désormais que ta loyauté ne pourrait jamais lui revenir intégralement, dis-je vers Theo. Mais je lui ai rappelé que tu venais de prendre à toi seul une vingtaine de ses fidèles, et que tu ferais la différence sur le champ de bataille. Il n’a…, il n’a pas beaucoup apprécié que je l’insulte en pointant du doigt quelque chose qu’il savait parfaitement, avouai-je doucement en caressant le dos de ma main. 

-       Qu’est-ce qu’il t’a fait ? coupa Theo gravement. 

-       Ce n’est rien. 

-       Qu’est-ce qu’il t’a fait ? réitéra-t-il sur un ton plus pressant. 

-       Rien qu’un petit doloris pour me rappeler qui c’est le patron, tentai-je avec un faible sourire qu’il ne me rendit pas. 

Blaise non plus ne me sourit pas en retour. Theodore prit une nouvelle inspiration trop profonde qui en disant long sur ce qu’il ressentait, et la façon dont il tentait de se contrôler en cet instant. J’omettais la durée et l’intensité de la torture que j’avais subi en « punition » à la « place de Theo », selon les termes du Seigneur des Ténèbres. J’omettais également de raconter le temps qu’il m’avait fallu pour rassembler l’énergie nécessaire pour me remettre d’aplomb, seul à côté du corps de Pansy après cette rencontre pour pouvoir aller chercher Ragnar à Poudlard. 

-       Il sait très bien, Theo, continuai-je alors. Il m’a dit qu’il était conscient de ton potentiel, et qu’il sait très bien que s’il parvient à te contrôler il est pratiquement assuré de gagner la guerre. Il ne peut pas te tuer. Mais il a dit qu’il savait aussi que tu n’étais loyal qu’envers Pansy, et qu’il ne pouvait plus te faire Grand Intendant après ce que tu avais fait, et maintenant qu’il savait ça. Mais il sait très bien qu’il a besoin de toi, même s’il le dira jamais, surtout après que tu aies tué vingt de ses fidèles à toi tout seul. Et il n’est pas complètement débile, il a vu son intérêt à rendre la vie à Pansy, pour que toi tu continues de combattre pour lui. 

Theo ne cessait de me sonder de ses yeux graves. Sa mâchoire était désormais visiblement tendue. 

-       Ça n’explique pas qu’il t’ait fait Grand Intendant, trancha-t-il alors. 

-       Il ne m’a pas fait Grand Intendant, nuançai-je doucement. Il m’a dit qu’il pouvait me donner le titre, mais que ce n’était pas le titre qui faisait le Grand Intendant. Il m’a dit que ce n’était pas un titre qui se donnait, mais un titre qui se prenait, et que si je faisais ce qu’il fallait, je l’aurais. 

-       Et si non ? demanda Blaise. 

-       Sinon, je mourrais, déclarai-je à voix basse. Quand il l’a appelée dans la cathédrale, repris-je quelques secondes plus tard, Bellatrix a accentué que Pansy avait libéré Granger, pour le distraire de mon échec, avouai-je avec honte. Elle lui a dit que tu ne m’avais pas laissé le temps de tuer Dumbledore, et que tu l’avais fait toi-même. Puisque tous les autres qui étaient présents sont morts, il ne sait pas que je n’ai tout simplement… pas pu le faire, confessai-je encore. Il a vu un choix stratégique dans le fait de me faire Grand Intendant : soit j’échoue, et il peut se venger en me tuant. Soit je n’échoue pas, et il y voit une chance que tu restes de son côté, et que tu fasses en sorte que je n’échoue pas. Il ne…, il ne pense pas vraiment que j’ai ce qu’il faut pour être son Grand Intendant… 

-       … Qui le pense…, chuchota Blaise en prenant son visage entre ses mains. 

J’ignorai la justesse de sa remarque et gardait mes yeux enfoncés dans ceux de Theo qui ne me lâchaient pas. 

-       Il pense surtout qu’en te rendant Pansy et en faisant de moi son Grand Intendant, il te gardera. C’est tout bénef pour lui, avouai-je finalement. Il a un Grand Intendant, qui ne pouvait plus être toi, mais qui fait qu’il t’a quand même toi aussi par ce biais. Alors il a accepté de rendre la vie à Pansy, mais il lui a pris tout souvenir de toi et de votre relation en guise de punition pour avoir tué vingt de ses sujets, chuchotai-je avec embarras. Je n’ai pas réussi à l’en dissuader. 

-       Donc il te fait Grand Intendant et il rend la vie à Pansy pour coincer Theo, et si t’échoues tu crèves ? résuma Blaise vers moi. 

-       Je ne vais pas échouer, assurai-je avec autant de force que je le pouvais. 

Blaise pouffa. Theodore baissa la tête à nouveau et cacha son visage sous ses mains. Je ne lui en voulais pas, je n’y aurais pas cru non plus. Et s’il ne s’était pas passé ce qu’il s’était passé, et si Voldemort ne m’avait pas promis de tuer toutes les personnes que j’aimais et de m’enfermer dans un cachot avec chacun de leurs corps pour que je les regarde pourrir sous mes yeux jusqu’à ce que je meure de vieillesse si j’échouais, je ne l’aurais pas cru non plus. Mais l’échec n’était plus une option. Je ne lui dirais simplement pas à quel point ce n’était pas une option. Celui que j’étais avant cette nuit était mort aux pieds de Voldemort. 

-       Tu n’as même pas pu tuer Dumbledore, pointa nerveusement Blaise. 

-       Je sais. 

-       Et tu crois sincèrement que tu vas pouvoir mener une guerre ? continua-t-il alors que ses yeux devenaient rouges. 

-       Tais-toi, ordonna sèchement, bien que d’une voix basse, Theodore depuis derrière le masque de ses mains. 

Il n’eut ni besoin de sévir, ni d’élever la voix. Blaise se tut. Je supposai que c’était censé être cela, l’effet que devait faire le Grand Intendant. Il garda son visage au creux de ses paumes pendant de longues secondes d’un silence écrasant. Son dos s’épaississait et se rabaissait au rythme de ses respirations profondes. Il faisait le tri dans son esprit. Il contrôlait ses émotions pour se concentrer sur la situation urgente qui lui apparaissait devant les yeux. Mais c’était une situation urgente qui m’appartenait désormais. 

-       Je gère Theo, lui assurai-je sur un ton doux. 

-       Tu es obligé de gérer parce que moi, je n’ai pas géré, trancha-t-il avec une froideur qui, je le savais, ne m’était pas destinée. 

Il s’en voulait. Il tentait de garder son calme parce que je venais de lui exposer une situation pour laquelle il se sentait responsable, quand bien même il n’en était rien. Nous en étions là à cause de moi, depuis le tout début, cela était un fait des plus factuels qui puisse être. Et il m’était insupportable de constater que là-encore, il considérait qu’il aurait dû être en état de gérer la mort de la femme de sa vie que j’avais provoquée. Comment l’aurait-il pu ? 

Il laissa finalement ses mains glisser le long de son visage dont ses yeux rougis attestaient de la violence de ses émotions. Il enfonça ses yeux fatigués dans les miens. 

-       Je suis désolé Drago, m’adressa-t-il avec la plus absolue des sincérités. 

De nouvelles larmes montèrent à mes yeux et ce fut mon tour de baisser le visage. Il n’avait pas le droit d’en plus s’excuser après ce que je lui avais fait cette nuit. Il n’en avait tout simplement pas le droit. 

-       Ne t’excuse pas, tranchai-je d’une voix teintée de larmes que je retenais, t’as aucune putain de raison de t’excuser alors s’il-te-plaît, ne t’excuse pas. 

-       J’aurais dû… 

-       … C’est Pansy qui n’aurait pas dû mourir, le coupai-je froidement en relevant des yeux rouges vers lui, ma colère envers moi-même m’animant. C’est Pansy qui n’aurait pas dû mourir parce que Granger n’aurait pas dû être là, parce que je n’aurais pas dû être en relation avec elle. Alors je t’interdis de t’excuser pour ce que je t’ai fait subir cette nuit, c’est clair ? appuyai-je alors qu’une larme traçait ma joue. Ne me fais pas ça maintenant, murmurai-je fermement. 

Ses yeux transperçant ne me quittèrent pas, analysant chaque battement de mon cœur, chaque micromouvement de mon visage, chaque nuance d’odeur que mon corps dégageait pour pouvoir mieux me comprendre. Et comme toujours, il me comprit parfaitement bien. Il n’insista pas, pas maintenant. Il acquiesça discrètement, et je savais que cette discussion n’était que reportée, et pour l’instant, cela me suffisait. 

-       Et si Theo convainc le Seigneur des Ténèbres de reprendre le poste ? Peut-être qu’il acceptera, reprit donc un Blaise toujours aussi alerté par la situation que j’avais exposée. 

-       Non, il n’acceptera pas, répondis-je à son encontre. Theo a tué une vingtaine de ses fidèles, il passerait pour un faible aux yeux de ceux qu’il reste pendant que Theo s’en tirerait avec une promotion pour l’avoir mis explicitement au défi. Il ne peut pas faire ça, déclarai-je plus doucement. 

J’allais devoir convaincre tout un pays, pire toute une planète que j’étais le deuxième homme le plus dangereux qui soit. Chaque mot de Blaise, chaque réaction de son corps et chaque tonalité de sa voix me revoyait à quel point cela n’aurait pas dû être moi, mais que j’allais devoir trouver le moyen d’être crédible. Leurs vies en dépendaient, maintenant plus que jamais. Il n’y avait plus de retour en arrière possible, plus moyen de ralentir ou de faire demi-tour. Mais même mes amis les plus proches ne m’en croyait pas capable une seule seconde, et puisque je n’en étais moi-même pas certain, je n’étais pas sûr que cela m’apportait une grande aide. 

-       Peut-être mais c’est toujours Theo qu’il a voulu et il sait très bien que celui qui est capable de faire des putains de scènes de massacres, c’est lui ! commença-t-il à s’emporter alors que l’angoisse montait en lui. 

-       Il ne le fera pas parce qu’avec ce que Drago lui a donné, il a tout ce qu’il veut, imposa calmement Theo. Il a un Grand Intendant qui fonctionnera parce qu’il sait que je vais m’assurer que ce soit le cas. Il m’a aux premières lignes de ses rangs sans être passé pour un faible en me donnant le poste. Et si jamais ça ne fonctionnait pas, ce qui ne sera pas le cas, il aura sa vengeance personnelle. Drago a raison, conclut-il alors, il ne changera pas d’avis. 

-       Donc on va tous prétendre que tout va… 

Soudain, mon avant-bras gauche me brûla, et le regard que j’échangeais avec Theodore m’apprit que le sien aussi lui brûlait. Nous tournions les yeux vers Blaise qui fut coupé par ce qu’il avait constaté entre nous : 

-       Quoi ? demanda-t-il alors. 

Ce n’était que nous. 

-       Il nous appelle, lui apprit froidement Theodore. 

Il enfonça ses yeux les plus sérieux dans ceux de Blaise et ordonna fermement : 

-       Surveille Pansy.

Et sans se permettre de le faire plus attendre, nous transplanions tous deux jusqu’à lui. Nous n’étions plus à Poudlard, d’où nous ne pouvions pas transplaner directement, nous laissant quelques minutes pour reprendre nos esprits et nous préparer à ce qui pouvait potentiellement suivre. Plus maintenant. Moins encore depuis que je devenais son Grand Intendant. Pourtant, une seconde m’était largement suffisante pour ressentir de la terreur face au fait qu’il ne m’avait pas convoqué moi seulement. 

Nous atterrissions dans une pièce sombre que je ne reconnaissais pas, et que je ne me permis pas d’inspecter alors qu’il se tenait devant nous. Je constatais globalement que le plancher était très abimé, quelques lattes manquaient, donnant l’impression que la maison était abandonnée. Les murs autrefois blancs étaient tâchés de noir et de moisissures confirmant cette hypothèse. La pièce était relativement grande. Il se tenait à plus de deux mètres de nous. Cette fois, Nagini était à ses côtés, mais hormis le serpent, le Seigneur des Ténèbres était seul face à nous. Cela attestait également de son pouvoir, et de sa connaissance absolue du fait que même si nous essayions, nous n’avions pas à nous deux les capacités de le tuer, ici et maintenant. Ses yeux rouges nous inspectèrent tour à tour, Nagini à ses côtés se tenant prête à attaquer. Il adressa un sourire qui ne me semblait pas amical vers Theo. 

-       Il me semble que des remerciements s’imposent, quémanda-t-il en le sadique qu’il était. 

La mâchoire de Theo se contracta discrètement, mais son regard ne fléchit pas et il ne lui donna aucun signe visible de la difficulté avec laquelle il prononça les mots suivants pour la vie de Pansy : 

-       Je vous remercie. 

Je dus contrôler les battements de mon cœur qui s’accéléraient de colère, conscient que le serpent aux pieds du Mangemort le sentirait. Discrètement, j’inspirai par le nez en comptant jusqu’à cinq, puis j’expirai sur le même temps. Pansy était en vie. Theodore demeurait. C’était tout ce qu’il comptait. Je me le répétai : c’était tout ce qu’il comptait. 

-       Tu remercies qui, Theodore ? insista sa voix sifflante sans quitter sa proie des yeux. 

Cinq, quatre, trois, deux, un, par le nez, puis cinq, quatre, trois, deux, un, entre la fissure de mes lèvres. Encore. Theodore m’imita. 

-       Vous, Maître, finit-il par parvenir à sortir malgré la tension évidente dans sa voix.

La fente satisfaite qui se rapprochait - je le supposai - d’un sourire se dessina sur ce qu’il restait du visage du plus grand mage noir de tous les temps, et je dus combattre la nausée qui monta en moi, et la force avec laquelle le sang coula plus rapidement dans mes veines. Putain de sadique. Putain de sadique à qui nous avions vendu nos âmes, et qui nous tenaient tous dans le creux de ses putains de mains osseuses. 

-       Mmh, ronronna le sorcier. J’ose espérer que sur ce geste nous pourrons repartir sur de meilleures bases Theodore, parce qu’il se trouve que j’ai un rôle à te proposer, s’il se trouvait que tu tenais à garder ta petite-amie en vie, avança-t-il en jouissant, là-encore, de la menace qu’il faisait planer sur nous. 

Cette fois, je ne pus contrôler les battements affolés de mon cœur, et Nagini le remarqua. Elle leva son museau vers moi, et sa langue vibra en ma direction. Je m’appliquai à ne pas la regarder. Je n’étais pas au courant de cette partie de son plan. Je m’étais vendu pour Pansy, et je m’étais vendu pour Theo. C’était cela, le plan. Il n’y avait pas de rôle pour Theodore, parce que je m’étais vendu à sa place. 

-       Tu ne dois pas être sans savoir que Drago s’est vu attribué, au moins jusqu’à ce qu’il puisse réellement le prendre, le titre de Grand Intendant, et…, je ne doute pas que tu es assez pertinent pour comprendre par toi-même pourquoi ce n’est pas toi qui l’as eu, finalement, avança-t-il encore sur un ton satisfait qui ne le rendait que plus méprisant. Les derniers événements que vous avez provoqué m’ont obligé à penser une nouvelle stratégie de Guerre, et je vous ai appelé tous les deux ce soir parce qu’elle vous concerne directement, continua-t-il en laissant enfin son regard rouge et menaçant glisser sur moi. La position de Grand Intendant est en elle-même éminemment politique, comme ton père le savait si bien, appuya-t-il en ma direction. Le Grand Intendant me représente, et il représente les Mangemorts, les valeurs en lesquelles nous croyons et pour lesquelles nous combattons depuis autant d’années, déclara-t-il avec conviction. Il doit de ce fait être craint, mais le Grand Intendant doit aussi être respecté, appuya-t-il ce dernier terme vers moi. Il dirige les armées, il me seconde dans ce que je relaye, et il relaye, lui aussi, à son tour certaines tâches. Vous voyez, c’est là tout l’art du Grand Intendant : il doit se salir les mains de temps en temps, et pouvoir se les salir assez pour dissuader quiconque de le mettre au défi, mais les crocs et le sourire du Grand Intendant doivent rester propres pour demeurer une figure politique de respect... En temps de Guerre, le Grand Intendant a besoin de quelqu’un d’autre qui puisse tâcher son sourire de sang, chuchota-t-il avec jouissance vers Theo. En temps de Guerre, le Grand Intendant a besoin de quelqu’un qui puisse être une bête sauvage, cracha-t-il avec une moue de dégoût en sa direction. 

Mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines, et les mots sortirent de ma bouche avant que je ne puisse retenir le ton ferme et accusateur qui les accompagnaient : 

-       Ce n’était pas le deal. 

Les yeux rouges et menaçants du Seigneur des Ténèbres se posèrent avec menace sur moi, avant de repartir en la direction de Theodore qui n’hésita pas un quart de seconde : 

-       J’accepte.

J’entendis mon cœur battre violemment jusque dans mes oreilles. Theodore avait accepté en sachant que s’il le faisait, il laisserait tomber Pansy. Et il n’avait pas hésité une seule seconde. Il n’essayerait pas de lui permettre de se souvenir d’eux, pas désormais qu’il savait qu’il acceptait encore une position qui lui ferait du mal, quand bien même ce n’était plus celle de Grand Intendant. Il me seconderait dans tout ce que je serai obligé d’entreprendre et il ferait le sale boulot pour moi, pour s’assurer de pouvoir me protéger tout au long de cette horreur. Pour que mon sourire demeure immaculé. Encore une fois, il vendait tout ce qu’il avait, tout ce qu’il lui restait pour moi. Sans une putain de seconde d’hésitation. La rage bouillonnait en moi. 

Un large sourire prédateur prit place sur ce qu’il restait des lèvres de Voldemort, qui me défia du regard. Que pouvais-je faire ? Et que pouvais-je dire ? Ce n’était pas comme s’il me demandait mon avis. Ce n’était pas non plus comme si je serai épargné si je le lui donnais sans y avoir été invité. Alors je serrai ma mâchoire, je comptais jusqu’à cinq, puis encore jusqu’à cinq, et je n’ajoutais rien. Sa putain de pute. C’était là tout ce que j’étais devenu. Alors j’inspirai, et je comptais jusqu’à cinq. Le mage noir exprima sa satisfaction face à cette nouvelle stratégie avant de se tourner une nouvelle fois vers moi : 

-       Je n’ai d’ailleurs pas pu pénétrer le manoir, ce qui explique notre présence en ces lieux pour le moins…, insalubres, m’interrogea-t-il implicitement avec accusation.

Je me concentrai pour ne pas baisser le visage. Je me concentrai pour ne pas baisser le regard, et pour ne pas laisser transparaître le moindre signe de peur. J’étais son Grand Intendant. Je devais lui prouver que j’étais son Grand Intendant. Je devais me comporter comme tel. Il devait me voir comme tel, pour la survie de mon clan. Alors je gardais le menton haut levé, et contrôlais les battements de mon cœur par ma respiration régulière quand je lui répondis avec fermeté, mais sans défi pour autant : 

-       Maintenant que je suis votre Grand Intendant, le manoir est plus ma maison qu’il n’est votre quartier général, et je veux le récupérer comme tel, appuyai-je avec une assurance feinte. Ce lieu doit être respecté par les autres Mangemorts tout autant que je dois être respecté en tant que Grand Intendant, et en ce sens je ne peux pas leur autoriser accès à ma demeure à leur bon vouloir. 

Je me doutais que je risquais des conséquences allant d’une échelle d’un petit doloris à un Avada pour ces quelques mots, mais c’était ma maison, et elle abritait ma famille. Ma famille que je m’étais juré de protéger désormais. Il n’y avait aucune dose de peur qu’il pouvait me faire ressentir qui égalait la terreur de perdre Theodore. 

-       Ton père était mon Grand Intendant, et le manoir était mon quartier général, pointa-t-il avec défi en se rapprochant de moi. 

Je m’empêchai d’avaler ma salive avant de répondre en maintenant les faux-semblants de mon assurance : 

-       Mon père est mort, lui fis-je observer froidement. En ce qui me concerne, j’entends vous accompagner jusqu’à bien après la fin de cette Guerre. 

Il me sonda un instant, ses yeux rouges étudiant les miens, puis mon visage. Il releva le menton plus haut encore et, intrigué, tout du moins c’était l’impression que j’en avais, il finit par acquiescer. 

-       Très bien, je t’accorde de récupérer le manoir en tant que domicile, et ton domicile seulement. Mais cela signifie que ta première mission est de me construire un quartier général digne de ce nom, ajouta-t-il avec malice. Tu as quatre jours. Je n’ai pas besoin de te rappeler ce qui est en jeu si tu venais à échouer… Mais si tu réussissais à m’impressionner, continua-t-il en se rapprochant à quelques centimètres de moi seulement, peut-être que j’envisagerais de rendre officielle l’information selon laquelle Drago Malefoy est le Grand Intendant du Seigneur des Ténèbres. Surprends-moi, joua-t-il presque avant de disparaître avec Nagini dans un nuage de fumée noire. 

Dès que le mage noir disparut, je me retournais vers mon frère, un visage aussi accusateur que terrorisé tourné vers lui. Je n’eus rien besoin de dire, il me devança de sa voix d’un calme olympien aux vues de la tournure que venait, encore, de prendre la situation : 

-       Si tu comptes essayer de me dire que je n’étais pas censé prendre ce poste, c’est inutile. Je suis exactement à ma place, ajouta-t-il avec plus de douceur, à tes côtés. Tu m’as demandé de ne pas faire ça aujourd’hui donc je ne le ferai pas, mais tu ne peux pas de ton côté me demander de te regarder vendre ton âme pour moi, et attendre ensuite de moi que je ne te protège pas. 

Je ne trouvais rien à lui répondre, en tout cas rien qui amenait une discussion que j’étais en état de mener aujourd’hui. Le jour s’était levé, et une nouvelle journée avait commencée, mais pour moi c’était tout simplement la nuit dernière qui ne s’était jamais arrêtée. Et je savais comme absolue certitude qu’il n’y avait de toute façon rien que je pouvais dire, et rien que je pouvais faire maintenant que Pansy était revenue à la vie qui pourrait conduire Theodore à ne pas accepter le deal que Voldemort lui avait proposé, nous piégeant tous deux en un seul coup de sa part. Alors je ne lui répondis rien, je me permis de prendre une vraie, audible et profonde inspiration, et j’acquiesçai en sa direction. 

-       Rentrons, déclara-t-il alors. 

-       Avant de retrouver Blaise et Pansy j’aimerais te présenter quelqu’un, amenai-je sur un ton plus apaisé. 

J’avais besoin d’un peu de douceur, et je savais que lui aussi. Quand bien même de mon côté il ne m’inspirait aucune douceur, je savais que ce serait le cas de Theo, qui lui s’en était occupé pendant ces dernières années durant lesquelles je l’avais totalement délaissé. 

-       T’es où ? envoyai-je vers Ragnar au travers de notre lien. 

-       A ton avis, le p’tit génie ? gronda-t-il dans mon esprit en me faisant, une nouvelle fois, sursauter tant sa voix vibrait gravement. Dans la plaine du manoir, explicita-t-il tout de même. 

Puisque l’œuf de Ragnar était dans ma famille depuis des générations, mes ancêtres avaient acquéri un terrain qui permettait d’avoir de quoi s’occuper et cacher un dragon aux alentours. En plus des jardins du manoir et de sa forêt, derrière le bâtiment se trouvait une plaine étalée sur assez d’hectares pour que Ragnar puisse y courir, voler, faire des bébés, et tout ce qu’il voudrait. Quand je songeais au fait que son œuf était dans ma famille depuis plusieurs générations, et autant qu’étant petit je me demandais comment c’était possible que quelque chose d’aussi génial m’arrive à moi, je songeais désormais parfois qu’il aurait peut-être mieux valut que son œuf demeure… un œuf. 

-       Suis-moi, tentai-je vers Theo avec un faible sourire en coin. 

Je savais que ce que j’allais lui offrir là comme instant serait peut-être le dernier où il serait véritablement et sincèrement content, à défaut de pouvoir dire heureux. L’avenir pour lui se dessinait sans Pansy, quand bien même elle était à nouveau en vie, et en tant que « bête sauvage » de Voldemort. Il n’y aurait plus grand-chose désormais qui lui apporterait de la joie. La façon dont il prenait soin de ce qui était sien s’était reflété, toutes ces années, dans la constance avec laquelle il avait lui-même nourri Kira chaque jour durant nos études, quand bien même les elfes de maison s’en chargeaient. Et chaque fois qu’il nourrissait Kira, il nourrissait Ragnar, et puisqu’il était le seul être humain dont cet idiot de dragon tolérait la proximité grâce à son lien d’âme avec moi, ces deux dernières années il avait été celui de nous deux qui s’était le plus occupé de lui. Alors avec autant de chaleur qu’avec un pincement au cœur, je transplanais en lui prenant la main en direction du dragon.

L’aube qui perçait à travers les nuages semblait être un cadeau des Dieux expressément pour nous. Si mon immense dragon blanc ne s’était pas trouvé au plein milieu de l’image, le ciel et la terre de la plaine se seraient mélangés sans qu’une délimitation claire ne soit dessinée en des couleurs orangées et rosées à en faire pâlir la plus belle flore. 

-       Mes Dieux…, s’extasia un Theo époustouflé. 

Je tournais le regard vers lui, et une intense vague de chaleur se répandit dans mon poitrail devant le spectacle que lui m’offrait. Il levait vers Ragnar deux grands yeux émerveillés, pas le moins effrayé une seule putain de seconde d’ailleurs, et un large, épais sourire était dessiné sur ses lèvres pleines, dévoilant généreusement ses dents parfaitement alignées. La largeur de son sourire creusait une fossette dans sa joue gauche qui était la seule dont il m’était donné l’honneur de témoigner en cet instant, et dessinait des plis au creux de son œil rieur. Il ria, de ce genre de petit rire naturel qui traduisait plus un émerveillement qu’une quelconque situation drôle. Et je sentis une larme s’échapper du coin de mon œil alors que j’ancrais l’image que j’avais sous les yeux dans mon esprit. Le soleil se levant dessinant derrière Theodore le plus beau tableau pour le recevoir. La noirceur de ses cheveux légèrement ondulés qui tranchaient le ciel coloré. Sa peau immaculée. La ligne parfaite de son nez et la façon dont ses lèvres demeuraient pulpeuses vues de profil, quand bien même elles étaient étirées en le plus large des sourires. Et cette fossette, cette magnifique fossette qui était ancrée dans sa joue creusée. Je pouvais entendre mon cœur battre dans mes oreilles, mais cela n’avait plus rien à voir avec quelques instants plus tôt. C’était comme si les Dieux avaient mis pause, juste un instant, juste une seconde de plus, rien que pour moi. Rien que pour que je puisse me languir de cette bénédiction encore une fraction de seconde de plus. Je n’entendais rien que les battements de mon cœur et la chaleur de son rire. Ces deux sons se mêlaient parfaitement ensemble. Ses yeux se baissèrent et se levèrent lentement, mètre après mètre, pour découvrir en ouvrant la bouche en un sourire de plus en plus large et de plus en plus long le monstre que Ragnar était devenu. Il continua jusqu’à ce qu’il soit obligé de lever le visage vers le ciel, à chaque seconde qui passait l’émerveillement grandissant en lui, illuminant son regard céruléen. Quant à moi, je ne voyais que lui. Il tourna son visage stupéfait vers moi un instant, me laissant témoigner pleinement de sa magnifique incrédulité, m’imposant sa magnificence presque divine, avant de retrouver Ragnar des yeux. 

-       Tu es magnifique…, murmura-t-il en la direction du reptile. 

-       Le petit homme capable ! s’agita Ragnar avec joie dans mon esprit. 

-       Wow, sacrée voix aussi ! lui répondit Theo, raisonnant là-encore dans mon esprit. 

Ce fut mon tour d’être stupéfait, et je détournais finalement les yeux de mon frère pour rencontrer mon dragon qui approchait son museau du ventre de Theo affectueusement. Theo ne recula pas, il ouvrit les mains pour l’accueillir. 

-       Vous pouvez communiquer ensemble ?! m’étonnai-je dans, apparemment, notre esprit. 

-       On est obligé de garder le p’tit génie ? renchéri Ragnar plus à l’intention de Theo que de moi-même, je le supposai. 

Le rire de Theo transperça la barrière de nos esprits alors qu’il accueillait l’énorme museau de Ragnar qui venait lui frotter le ventre en caressant sa gueule. 

-       Sois pas méchant Ragnar, temporisa Theo avec un large sourire. 

-       C’est une putain de blague ? Oh, t’es mon dragon ! m’indignai-je devant l’affection explicite de Ragnar envers Theo. 

La grosse gueule du reptile se détourna de Theo pour se tourner avec un air menaçant, déjà propre à sa condition d’immense dragon, vers moi. Ses yeux opalins me transpercèrent avec ce que j’aurais juré être de l’arrogance. 

-       C’était quand la dernière fois que tu es venu me nourrir avant que je te devienne utile ? me lança-t-il de sa voix vibrante.  

-       Je…, bégayai-je alors, t’es quand même mon dragon ! 

-       Je suis au courant humain pleurnichard, je te rappelle que c’est moi qui t’ai choisi. 

-       J’ai la nette impression que c’est plutôt toi qui devrais t’en rappeler ! 

Il rétracta son énorme cou pour me surplomber de sa trop haute taille, me regardant de haut avec dédain. 

-       Ça suffit tous les deux, ri Theo dans nos esprits, montre-moi plutôt comme tu es beau. 

Ragnar finit par s’exécuter, puisqu’il préférait clairement Theodore à moi, et comme il le lui avait demandé, il fit le beau devant lui. Il lui montra ses ailes aux reflets des plus claires opales et à quel point elles étaient immenses s’il les déployait. Il lui montra ses crocs et la force avec laquelle il pouvait cracher du feu, brûlant quelques arbres dans la forêt voisine que Theo et moi avions dû éteindre de nos baguettes. Il lui montra comment il pouvait gronder et l’habilité avec laquelle il pouvait s’envoler. Ragnar proposa à Theo de voler avec lui un moment, mais Theodore refusa poliment, son sourire s’effaçant douloureusement de son visage. Il y avait quelqu’un à l’intérieur du manoir qu’il ne pouvait laisser plus longtemps, quand bien même elle demeurait fort certainement inconsciente. Je supposai qu’on ne revenait pas en un clin d’œil du royaume des morts. Son corps et son âme avaient besoin de récupérer. Ragnar saisit sans qu’il ait besoin d’expliquer, et je réalisai que ce dragon savait beaucoup, beaucoup de choses sans que je n’aie besoin de les expliquer. Il savait aussi pour Kira, qu’il ne reverrait, lui non plus, plus jamais, quand bien même il avait grandi avec elle. Alors avant que nous repartions en direction du manoir, Ragnar bouscula délicatement Theo sur le ventre du bout de son museau en un geste affectif de soutien, et Theo lui sourit en ne pouvant physiquement faire autrement que de reculer de quelques pas suite au geste de l’énorme dragon. 

-       A plus tard sale bête, lui lançai-je avant que nous rentrions à la maison. 

Blaise nous attendait au chevet de Pansy, sa jambe tremblant d’anticipation avant qu’il ne se lève d’un bond lorsque nous en passions la porte. Les joues de Pansy commençaient lentement à retrouver une couleur, certes pâle, mais bien plus égale à elle-même, notai-je en prenant une profonde inspiration. Son odeur revenait, elle-aussi. Je ne pouvais faire autrement que noter également la façon dont les yeux de Theo se logèrent immédiatement sur la poitrine de celle-ci, vérifiant encore qu’elle continuait de s’élever et de s’abaisser. Il ne souriait plus. Il ne restait rien du jeune homme émerveillé d’il y avait seulement quelques secondes. Blaise nous empressa de lui expliquer ce qu’il s’était passé, et Theodore coupa avant de le conduire dans l’ancien bureau de mon père, à quelques pas de sa chambre qu’occupait Pansy : 

-       Pas ici.

L’ancien bureau de mon père qui, je le supposai, devenait désormais le mien était positionné au deuxième étage avec les chambres, au centre du manoir juste en haut de l’escalier de la salle de réception au premier étage. Les fenêtres de ce bureau sombre n’étaient autres que des vitraux datant du XIVème siècle, donnant sur une partie verdoyante des jardins du manoir. Seul l’un d’entre eux n’était pas partiellement caché par une bibliothèque : celui au centre de la pièce, positionné juste derrière le bureau en bois lui-même. Sur la droite, le parquet en chêne était recouvert d’un large tapis aux couleurs des Serpentard où se tenait un petit salon habité par une cheminée. Deux fauteuils et un petit canapé chesterfield en cuir noir étaient disposés en un angle intime, où siégeait au centre une table basse carrée abritant quelques très vieilles bouteilles. C’était là qu’il recevait certaines personnes triées sur le volet pour parler des affaires dont il ne pouvait discuter ouvertement dans notre salle de réception. Je ne pus me retenir de regarder les lieux avec un œil nostalgique. Je n’y avais pas passé beaucoup de temps étant enfant, mon père avait besoin de tranquillité lorsqu’il travaillait, et je supposais qu’il voulait me protéger de ce lieu qu’il s’était réservé pour ses affaires les plus moches à gérer, espérant ne pas me contaminer. Mais il y avait eu quelques fois. Quelques fois où je m’étais caché sous un de ses canapés, et où il avait feint de ne pas me voir pendant un moment, pour que je puisse rester avec lui. Je le revoyais sur cette chaise de bureau qui se tenait désormais vide devant moi, ses longs cheveux blancs tombant parfaitement lisses dans son dos, son visage baissé et concentré sur les livres ou les parchemins qu’il avait face à lui. Et je revoyais le sourire en coin qui se dessinait parfois sur son visage pâle quand je faisais du bruit malgré moi en bougeant, et qu’il ne levait pas les yeux pour me laisser rester encore un peu. C’était mon tour de prendre la relève de ce bureau hanté désormais. 

La sollicitude de Blaise me ramena dans le présent. Il se tenait debout à côté du bureau, et je faisais de même. Theodore s’était assis sur un fauteuil du petit salon sur notre droite. Il portait son visage bas et ses mains étaient jointes entre ses jambes pendant que nous lui racontions notre rencontre avec le Seigneur des Ténèbres. 

-       Donc pour résumer par rapport à notre situation d’il y a un jour plus tôt, enchaîna un Blaise qui semblait aussi angoissé qu’agacé, Theo ne sera plus Grand Intendant mais mieux encore il va servir de « bête sauvage » au pire sorcier de tous les temps, Drago tu ne seras plus un simple Mangemort que t’arrivais déjà pas vraiment à être mais tu seras Grand Intendant, et au final à la fin de cette Guerre, si tant est qu’on y survive, soit vous restez coincés avec lui, soit l’Ordre gagne et plus non seulement Theo, mais bien tous les deux vous devenez persona non grata qui ne serez jamais absolus de leurs crimes, et donc dans tous les cas vous êtes maintenant tous les deux finis ? 

-       Ça ne sert à rien de voir aussi loin, fit remarquer calmement Theo depuis son canapé.

Blaise leva le visage jusqu’à lui sans bouger du bureau où il était toujours avec moi :

-       Non c’est sûr que ça sert à rien, c’est pas comme s’il y avait une femme revenue d’entre les morts, et moi, au passage, appuya-t-il en commençant à s’emporter, qui sommes intéressés par ce qu’il risquerait de vous arriver ! 

-       C’est une Guerre Blaise, on risque tous déjà tout, tempéra encore mon frère. 

-       Je suis au courant, je l’ai perdue moi aussi ! hurla-t-il vers lui alors que ses yeux se mouillaient de larmes. 

Je fermai mes yeux une seconde en prenant une nouvelle inspiration profonde, tentant de me protéger de la douleur de mon ami pour parvenir à continuer de gérer la situation dans laquelle je nous avais tous mis. Je relevais mon mur d’occlumencie, non sans effort. 

-       Et tu l’as récupérée, enchaîna toujours aussi calmement Theodore. Maintenant tu peux soit ressasser le passé, soit accepter les faits qui ne pourront pas être changés et avancer pour qu’on mette toutes les chances de notre côté pour survivre, avança-t-il sans la moindre animosité dans la voix. 

Plate. Sa voix était plate et factuelle. Blaise pouffa avant de rester silencieux un instant durant lequel il sondait Theodore. 

-       Tu sais quoi, t’as raison, trancha Blaise sèchement. On n’a qu’à avancer, à commencer par savoir comment on fait pour rappeler à Pansy qui t’es pour elle quand elle se réveillera. 

Je fermai les yeux une nouvelle fois, tentant d’ériger des murs plus hauts à l’intérieur de moi, conscient de ce qui allait suivre. Devant le silence de Theo, il continua : 

-       Elle me fait confiance, je peux peut-être lui raconter et avec un peu de chance ça ravivera peut-être ses souvenirs comme ça avait été le cas pour moi avec ma mère. 

-       Tu ne lui raconteras rien, posa alors doucement Theo avec le regard bas. 

-       Ou alors Drago peut lui montrer tous ses souvenirs avec la légilimencie, proposa-t-il encore en vain. 

-       Non, contra encore Theo. 

Blaise marqua une pause en sondant Theo, puis moi. Son regard se posa une nouvelle fois sur celui qui portait son regard bas de l’autre côté de la pièce. 

-       Alors comment tu comptes t’y prendre pour lui rappeler ? demanda un Blaise qui commençait à se tendre sérieusement. 

-       Je ne compte pas lui rappeler. 

Notre ami pouffa encore, incrédule. 

-       Tu t’fous d’moi ? lui renvoya-t-il sur un ton bas. 

-       Non, répliqua Theo avec toujours autant de calme. Je vous interdis à tous les deux de lui parler de notre passé. 

-       C’est une blague ? continua encore Blaise. 

-       Non. 

Le visage de notre ami se mit à appuyer sa désapprobation devant la révélation de la décision de Theo. 

-       T’as pas le droit de lui faire ça, murmura-t-il presque. Putain, t’as pas le droit de lui faire ça maintenant ! s’emporta-t-il violemment. T’es la seule raison qui fait qu’elle arrive à traverser tout ça !

-       Non, nuança encore un Theodore ancré dans sa décision, je suis la seule raison pour laquelle est dans tout ça, et son amour pour moi l’emprisonnait dans plus de souffrance. 

-       C’est des conneries et tu le sais ! hurla Blaise. 

-       C’est l’occasion pour elle de n’avoir peur que pour elle et de se libérer de la douleur que lui infligeait ma position dans les rangs, continua d’expliquer doucement mon frère. 

-       Tu dis ça à cause des câbles qu’elle a pété quand t’allais devenir Grand Intendant ? chercha tout de même à comprendre Blaise. 

-       Je dis ça à cause de la souffrance que je lui imposai en étant ce que je suis. 

-       Et tout le reste ? enchaîna notre ami dans une colère qui redevenait froide. Et tout le reste Theo ? Tous les moments où elle pouvait respirer, tous les moments où elle pouvait souffler parce que tu étais là, tous les moments qui lui permettaient de supporter toutes ces horreurs parce qu’elle t’avait ?!

-       Elle vous a, vous. 

-       Ça n’a rien à voir et tu le sais très bien ! 

Finalement, Theodore leva des yeux froids vers le meilleur ami de sa plus belle moitié. 

-       Ma décision est prise Blaise, trancha-t-il finalement. 

-       Et t’es assez con pour penser qu’elle va pas retomber amoureuse de toi ? pesta-t-il froidement.

-       Je vais faire en sorte que ce ne soit pas le cas. 

-       Mais putain tu peux pas sérieusement croire les mots qui sortent de ta bouche, à moins d’être complètement débile ! La meuf est littéralement complètement obsédée par toi putain ! Elle est obsédée par ta gueule, commença-t-il à énumérer avec une gestuelle enflammée, elle est obsédée par ton corps, elle est obsédée par la façon dont tu marches, la façon dont tu parles, par ta voix, par ce que tu dis et chaque moindre petite chose que tu fais ! Par putain de tout ce que t’es, elle est littéralement obsédée par toi, genre c’est putain de maladif et toi tu crois vraiment qu’elle pas retomber raide dingue amoureuse de toi ?! 

-       Je vais faire en sorte que ce ne soit pas le cas, répéta simplement Theo. 

-       C’est n’importe quoi et t’es complètement con de faire ça ! hurla notre ami dépassé. 

-       Blaise, l’avertis-je froidement. 

-       Mais non putain ! continua-t-il dans toute sa colère. Elle te le pardonnera jamais bordel ! Quand elle se souviendra, parce qu’elle va finir par se souvenir, elle te pardonnera jamais de l’avoir laissée au moment où elle avait le plus besoin de toi ! 

Cette fois-ci, Theodore ne lui répondit rien, laissant Blaise complètement démuni. Il se tourna vers moi. 

-       Et toi tu cautionnes ça ?! 

-       Ce n’est pas à moi de prendre cette décision, tentai-je de tempérer à mon tour. 

-       MAIS PUTAIN C’EST PAS À LUI NON PLUS ! hurla-t-il encore. C’EST DE PANSY DONT ON PARLE BORDEL ! ET VOUS SAVEZ TRÈS BIEN QUE SI ON LUI RAPPELLE ELLE NE DIRA JAMAIS QU’ELLE PRÉFÈRE OUBLIER POUR UN PEU PLUS DE PUTAIN DE TRANQUILITÉ D’ESPRIT !

-       Ce n’est pas non plus à toi de décider, coupa Theodore. 

Blaise se retourna vers lui, un air menaçant ancré sur son visage colérique. J’avançais vers lui tandis qu’il se rapprochait doucement de mon frère. 

-       A qui tu crois qu’elle parle sans cesse de toi depuis toutes ces années ? amena-t-il froidement. A qui tu crois qu’elle racontait la moindre de vos interactions depuis la toute première année Theo ? A quel point ce petit garçon mystérieux de première année avait quelque chose d’intriguant qu’elle pouvait pas s’empêcher de remarquer ? A qui tu penses qu’elle a raconté à quel point elle n’a jamais ne serait-ce que REGARDÉ un autre homme dès le putain d’instant où t’es rentré dans sa vie ?! Qui était là pendant ces six années où elle t’attendait, qui c’est qui était là pour lui prêter son épaule sur laquelle pleurer quand elle ne comprenait pas pourquoi tu ne voulais pas être avec elle ?! Et ensuite tu penses que c’est à qui qu’elle venait raconter à quel point elle était heureuse depuis qu’elle était enfin avec toi ?! A quel point elle se sentait entière, pour la putain de première fois de sa vie ?! A quel point ce qu’elle avait vécu dans son passé ne la hantait plus, juste parce que tu l’aimais en retour ?! Alors regarde-moi, regarde-moi bien, le défia-t-il à voix basse, et dis droit dans les yeux à celui qui sait la souffrance, dont tu aimes soudainement tant parler, qu’elle a subi quand tu avais trop putain de peur pour être avec elle, et qui sait aussi à quel point sa douleur de ce que tu es obligé de faire n’est putain de RIEN à côté du bonheur qu’elle ressent d’être avec toi, regarde-moi et dis-moi que t’es pas juste en train de flipper comme une pute de la perdre à nouveau. 

-       Fais attention à ce que tu dis, l’avertis-je une nouvelle fois tandis que la colère grandissait en moi. 

Blaise ne détourna pas ses yeux enragés de ceux de Theo, qui maintenait son contact visuel. 

-       Dis-le-moi, renchérit-il plus froidement. 

-       Les Dieux lui ont offert la chance de se libérer de la souffrance que je lui imposai, quelque souffrance que ce soit, conclu un Theodore aux allures toujours aussi calmes. Je ne serai pas égoïste au point de la forcer à m’aimer à nouveau. Cette discussion est close, ferma-t-il en se levant avant de disparaître derrière la porte. 

La porte se referma derrière lui tandis que Blaise faisait frénétiquement « non » de la tête en tournant sur lui-même. 

-       Tu ne peux pas cautionner ça, lança-t-il froidement vers moi. 

-       C’est sa décision et tout comme moi tu ne peux rien faire d’autre que la respecter, peu importe ce que tu en penses, posai-je avec tempérance. 

-       Mais il a perdu la tête ! se remit-il à hurler en pointant du doigt là où se tenait mon frère quelques secondes plus tôt. Il n’est plus en capacité de prendre des décisions pareilles que ce soit pour lui ou pour qui que ce soit d’autre !

Ce fut mon tour d’appuyer ma négation de mon visage. 

-       Tu dis n’importe quoi parce que tu n’es pas d’accord avec lui, refusai-je. 

-       Mais putain tu l’as vu dans cette cathédrale ! beugla-t-il encore. Il n’est plus en état de réfléchir correctement, il a complètement vrillé Drago ! 

La rage montante en moi faisait bouillir mon sang dans mes veines. C’était de mon frère dont il parlait en ces termes. De mon frère à qui j’avais fait ça. Je ne le lui permettrais pas. Ni à lui, ni à qui que ce soit d’autre. Je ne le permettrais pas. Mon visage se ferma intégralement et mes yeux froids s’enfoncèrent sévèrement dans les siens. 

-       Fais très attention à ce que tu dis, menaça explicitement la froideur glaciale de ma voix. 

Il se tût un instant, me rendant le sérieux inébranlable de mon regard. L’air entre nous changea, passant d’une discussion musclée au genre de discussion qui avait des conséquences irréversibles. Il se permit de me sonder en silence un moment, puis doucement il m’adressa ces mots calmes : 

-       Cette loyauté aveugle sans discernement ni objectivité dont tu fais preuve envers lui va conduire à des erreurs de ta part qui vont nous coûter à tous. 

Ma mâchoire se serra douloureusement devant son affront. Il ne toucherait pas à lui. De près ou de loin. Il ne toucherait pas à lui. Et je ne le laisserai pas l’utiliser pour me menacer. 

-       Ne m’oblige pas à te rappeler que tu parles à ton Grand Intendant, tranchai-je sévèrement. 

Il pouffa. Je pouvais entendre mon cœur battre violemment jusque dans mes oreilles. Je me concentrai pour ne pas bouger d’un centimètre, mon sang bouillonnant dans mes veines. 

-       Ouais, à commencer par celle-là d’erreur, lâcha-t-il alors. 

Qu’il ait raison ou tort sur ce point n’avait plus d’importance, c’était fait. Désormais, il allait devoir me respecter, lui comme les autres. Sa propre survie à lui en dépendait, quand bien même il l’ignorait. Il était temps qu’il rencontre son Grand Intendant. Son ami était mort la nuit passée. 

-       Je ne me rappelle pas que tu considérais ça comme une erreur quand j’ai fait ce qu’il fallait pour te ramener le corps vivant de ta meilleure amie, pendant que tu ne faisais rien d’autre que pleurer. 

Une nouvelle fois, il me sonda, moi et mon sérieux léthal un instant, puis il souffla de façon audible avant de porter ses mains à sa bouche, tentant visiblement de se reprendre. Quand il parla à nouveau, son ton était plus posé :

-       Écoute, je ne pourrais jamais te remercier assez de ce que tu as fait pour que Pansy nous revienne. Tu avais déjà l’intégralité de ma loyauté avant ça, continua-t-il avec calme, et tu l’aurais toujours eue après ça. Et c’est parce que je te suis aussi loyal, et parce que ni Theo, ni Pansy ne sont en état de te le dire que je vais le faire : on sait tous les deux que ça aurait dû être Theo, posa-t-il doucement bien qu’avec sérieux. Ton courage et ta dévotion ne sont pas à remettre en question Drago, continua-t-il en se tempérant. Ta capacité à commettre des atrocités plus grosses que toi à longueur de journée sans broncher, elle par contre, reste à démontrer, et tu le sais très bien. 

Il avait raison, je le savais effectivement très bien. Ce que je savais très bien aussi, c’était que pendant qu’il pleurait la mort de sa meilleure amie et que Theo était inconscient, personne ne faisait rien. Personne ne faisait rien pour nous protéger, nous, notre clan. J’avais fait ce que j’avais pu faire. J’avais fait ce que personne d’autre n’avait été capable de faire. 

-       Cette discussion n’apporte rien à la situation actuelle, coupai-je avec une tension grandissante, c’est trop tard. 

-       Je dis juste qu’à l’avenir, devant une telle décision qui bien des façons nous implique tous, tu devrais peut-être nous en parler avant de…

-       … EN PARLER À QUI, BLAISE ?! sortis-je alors de mes gonds. J’AURAIS DÛ EN PARLER À QUI ? LEQUEL D’ENTRE VOUS ?! LE CORPS INCONSCIENT DE THEO ?! CE QU’IL RESTAIT DE L’OMBRE HURLANTE DE TOI-MÊME ? OU PEUT-ÊTRE LE CADAVRE DE PANSY ? A QUI BLAISE ?! PARCE QUE PENDANT QUE VOUS PLEURIEZ PANSY, IL A FALLUT QUE J’AGISSE POUR RELEVER TOUTES VOS TÊTES DE L’EAU AVANT QUE VOUS NE COULIEZ TOUS, PARCE QU’ON SAIT TOUS LES DEUX QU’ON EST TOUS LÀ-DEDANS À CAUSE DE MOI ! ALORS A QUI BLAISE ?! J’AURAIS DÛ EN PARLER À QUI ?!

Il resta interdit un instant, témoignant de mon désarroi mêlé à ma colère, regardant la larme qui s’écoulait le long de ma joue tandis que je reprenais mon souffle devant lui. Je nous avais mis là-dedans, c’était vrai. Et j’allais nous sortir de là. Je ne le laisserai plus sous-entendre que j’en étais incapable, parce que ce n’était plus une option, et que j’avais besoin de me le prouver autant que j’avais besoin de le prouver au reste du monde désormais. 

-       Je peux pas m’excuser de ne pas avoir pu supporter la mort de Pansy, chuchota-t-il alors, des larmes montant à ses propres yeux. 

Son émotion apaisa doucement ma colère. Il avait été détruit, lui aussi, cette nuit. Et lui aussi, par ma faute. 

-       Je ne te le demande pas, répliquai-je sur le même ton plus doux. 

Il acquiesça doucement sans lâcher mon regard. 

-       Tant mieux, parce que je ne le ferai pas. 

Il inspira profondément avant de reprendre : 

-       Je respecterai la décision de Theodore, parce que dans le contexte actuel je ne peux pas en plus mener une guerre en interne contre vous deux. Mais je ne lui manquerais pas de respect en la prenant pour une conne si elle me pose des questions, ajouta-t-il. Je ne lui donnerai pas les informations que vous m’avez interdit de lui donner, mais je ne lui mentirais pas en lui racontant une histoire qui n’existe pas. 

J’acquiesçai à mon tour en sa direction. Les termes de ce contrat me semblaient respectables face à la situation qui s’abattait sur nous. 

-       C’est tout ce qu’on te demande. 

Il pinça les lèvres, et acquiesça à son tour avant de se diriger vers la porte. Soudainement, la voix pressante de Theodore raisonna dans mon esprit :  

Elle se réveille. 



ZE PARTIIIIIIII !!!! Qui avait vu venir Drago Grand Intendant ???? 

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A bientôt, 

Liv


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