Dollhouse

Chapitre 40 : Un bel endroit pour mourir

5989 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/05/2024 19:55

Et alors que je marchais lourdement vers mon destin, je tentai désespérément de retrouver mon souffle, et de chasser la violence de la douleur que je ressentais. De retrouver mes murs d’occlumencie, mais ils étaient tombés, ils avaient glissé de mon esprit au rythme des larmes de Granger sur son visage. Et je ne parvenais pas à les rattraper. Et à chaque pas que je faisais vers la tour d’astronomie, chaque pas me semblant si lourd, si difficile, je savais. Je savais que j’allais échouer. Et à chaque marche que je gravissais en montant vers ma destinée, je réalisai que plus rien n’importait. J’étais détruit. Elle m’avait détruit. Et je savais que je marchais jusqu’à ma mort, tel un fantôme. J’étais déjà mort. Je venais simplement assister au spectacle, mais je savais déjà comment l’histoire se terminait. Et lorsque j’arrivai en haut de la tour d’astronomie, Dumbledore était là. J’approchai face à son dos, vivant la scène comme si j’étais au ralenti, arrivé au bout de moi-même, arrivé au bout de ma vie, et il se retourna vers moi pour me faire face. Le vieillard me salua d’un sourire, et alors que je levai une baguette tremblante vers lui, sentant encore les traces des larmes que j’avais pleurées sur mes joues, Theo, Pansy, Blaise, Bellatrix, les jumeaux Carrow, Selwyn et Rookwood se joignirent à nous pour le spectacle. 

Le directeur se tenait à l’autre bout de la tour, à l’opposé de moi. Dans l’espace qui me séparait de lui, Selwyn et Rookwood se tenaient là au premier rang. A côté d’eux, un peu plus vers moi, se tenaient les jumeaux Carrow et ma tante, qui riait déjà aux éclats en découvrant le premier acte de la scène que je leur offrais. Blaise était à côté d’elle, encore plus près de moi, mais juste à côté, à ma gauche et rentrant toujours dans mon champ de vision se tenait Pansy, abordant son visage de Mangemort. Je ne pouvais plus voir Theo maintenant que mes yeux étaient rivés sur le sorcier que je me devais de tuer, mais je savais qu’il était juste là, à côté de moi. Je pouvais le sentir. Je pris une profonde inspiration par le nez pendant que Bellatrix riait, et répétais à mon esprit embué :

Quand le silence se dissipera, 

Que les ténèbres s’étireront et que passeront les premiers rayons de lumière, 

Une nouvelle journée commencera. 

Mes murs étaient tombés. Les quelques paroles de cette chanson que j’avais inventée étaient tout ce qu’il me restait en cet instant. Quand j’eu finis d’expirer, ma baguette tremblait toujours en la direction de Dumbledore, qui avait ses yeux brillants rivés sur moi. 

-       Ah, déclara-t-il presque sans surprise, je craignais en effet que tu ne sois déjà devenu l’un des leurs, m’adressa-t-il avec un calme déconcertant. 

Il portait ses mains dans son dos, ses longs cheveux volant autour de lui par le vent de ce début de soirée de fin janvier. Je ne voyais que lui, et l’extrémité de mon bras qui tenait ma baguette trop tremblante pour avoir l’air crédible. Mais je savais que mon visage n’affichait pas la moindre émotion. Toute ma douleur appartenait à la femme qui pleurait dans la volière, et y demeurait là-bas, avec elle. 

-       Et vous aussi, malheureusement, ajouta-t-il nonchalamment en tournant brièvement les yeux vers mes amis. Quant à vous, Bellatrix, Amycus, Alecto, Augustus et Selwyn, les salua-t-il tous, puis-je demander comment avez-vous réussi l’exploit de vous introduire dans mon école ? 

Ma tante lui découvrit ses dents abîmées en ce qui ressemblait à un large sourire, avant de me montrer du bout de sa baguette :

-       Nos nouvelles recrues ont bien travaillé Albus, lui apprit-elle à voix basse, bien que toujours stridente. 

Le directeur reporta à nouveau ses yeux sur moi, ne prêtant pas la moindre attention à ma baguette tremblante. Comme si elle ne représentait pas la moindre menace. Il n’avait toujours pas sorti la sienne. Comme s’il n’essayerait pas même de me combattre. Comme si je ne représentais pas la moindre menace. Et je n’étais moi-même pas certain d’en représenter une. Mais je faisais tout ce que je pouvais en cet instant pour contrôler les tremblements de ma baguette, et les rythmes des battements de mon cœur qui s’accéléraient à chaque seconde qui passait. Je devais encore essayer. Encore essayer de tenir, et encore essayer de me battre pour les trois personnes qui se tenaient juste là, à côté de moi, et ma mère, qui m’attendait à la maison à la fin de cette soirée. 

Quand le silence se dissipera, 

Que les ténèbres s’étireront et que passeront les premiers rayons de lumière, 

Une nouvelle journée commencera.

Et soudain, un bruit étranger retentit dans l’escalier menant à la tour d’astronomie. Tous les visages, y compris le mien, se tournèrent vers la source, et mon cœur cessa de battre dans mon poitrail quand je la vis, ma baguette retombant le long de mon corps. Elle tenta de se cacher, mais c’était trop tard. Ils l’avaient tous vue. Mon souffle se coupa, et les larmes montèrent à mes yeux sans que je ne puisse les retenir. Je n’entendis que vaguement ma tante ordonner à ses confrères d’aller la chercher immédiatement, mon champ de vision et mon ouïe intégralement brouillées. Elle ne s’était pas cachée. Elle était venue assister à la scène. Et elle avait été vue. Elle allait être exécutée. Pansy ne laissa pas l’opportunité aux autres de se saisir d’elle, et elle lui sauta dessus elle-même. Granger pleura lorsque ma meilleure amie reprit sa position, juste à côté de moi, tenant Granger contre elle, sa baguette sous sa gorge. Et elle me regardait, de ses grands yeux ambrés qui pleuraient, et qui me suppliaient en silence. Et moi, je ne pouvais plus respirer. 

-       Tiens, tiens, mais qui voilà, chanta la voix stridente de Bellatrix en se tournant vers elle. Ne serait-ce pas la grande copine de Potter ? 

-       Nous ne devrions pas nous éterniser et risquer plus de visiteurs indésirés, commenta Selwyn froidement. Fais-le, Drago, m’ordonna-t-il alors que mes yeux étaient rivés sur ceux de celle que je n’avais pas su protéger. 

Elle était là. Et ma tante, et quatre autres Mangemorts étaient témoins de sa présence. Elle était là. J’utilisai toute la force qu’il me restait pour cesser de la regarder, ne faisant que la mettre plus en danger encore que ce que je ne l’y avais déjà mise. Mes yeux s’attardèrent quelques secondes sur ceux de Pansy qui étaient fixés sur moi. Son masque de Mangemort avait glissé, l’espace d’un instant, pour me laisser voir la terreur dans laquelle elle était. Mais elle m’adressa un signe de tête si discret que j’aurais pu ne pas le voir de ma vision brouillée. 

-       Vous me faites donc l’honneur de cette réunion pour mon exécution ? retentit encore la voix de Dumbledore. 

Mon regard se reporta sur lui alors que je pouvais sentir l’intégralité de mes muscles trembler à l’intérieur de mon corps. Elle était là. Juste à côté de moi. Je pouvais sentir son odeur d’amande remplir mes narines et entendre sa respiration saccadée. Sa respiration saccadée dont le rythme était alterné par la terreur et les larmes qu’elle pleurait. Je n’entendais plus que cela. Sa respiration qui se faisait trop courte. Et la mienne suivit la sienne, comme si c’était le dernier lien qui nous unissait encore.  

-       Nous prendrions bien le temps de bavarder Albus, mais nous sommes attendus, trancha finalement la voix stridente de ma tante. Drago, ordonna-t-elle froidement. 

Ma baguette ne parvint pas à se lever sous cet ordre, mes yeux fixés sur Dumbledore, mais ma vision périphérique m’imposant le visage suppliant et terrifié de la femme que j’aimais. De celle que j’aimais et qui était juste là, et qui devait me regarder tuer son directeur. La tête de son Ordre. De tout ce en quoi elle croyait, et pour quoi elle se battait depuis toutes ces années. Celle que j’aimais et à qui je devais montrer le monstre que je ne trouvais nulle part en moi en cet instant. Je n’avais plus la moindre prise sur mon esprit, moins encore sur mon corps. Plus le moindre mur d’occlumencie pour me protéger, et m’exécuter. Il n’y avait que le choc qu’elle soit juste là, à côté de moi, tenue fermement par ma meilleure amie alors que d’autres Mangemorts étaient là également. L’avaient vue également. Et la tuerait une fois que j’aurais fait ce que j’étais censé faire, si je parvenais à le faire sous son regard autrement si chaleureux, et en cet instant simplement épouvantable à supporter. 

-       Je vois, c’est donc un enfant que vous missionnez de me tuer ? continua le directeur face à moi. 

-       C’en est assez, coupa Bellatrix impatiemment. Fais-le, m’ordonna-t-elle plus sèchement encore. 

Je sentis que mon visage se mit à trembler. Je ne me rendais pas compte d’à quel point je serrai mes dents dans ma mâchoire. Dumbledore ne me lâchait pas des yeux, mais moi je ne le voyais pas vraiment. Tout ce que je voyais, c’était elle, juste à côté de moi. Elle, qui était en danger de mort imminent. Elle, qui était là, alors qu’elle ne l’aurait pas dû. Elle, que j’allais perdre ce soir. Elle, qui devait me regarder le tuer. Lève ta baguette Drago, gronda en moi la voix puissante de Theo qui me fit sursauter. 

-       Il le fera pas, entendis-je la voix lointaine d’Alecto commenter. 

-       Il est comme son père, renchérit celle d’Amycus. 

-       Fais-le ! s’emporta impatiemment celle de ma tante. 

Et je ne pouvais rien faire d’autre que de sentir mon corps trembler, et les larmes mouiller mes joues brûlantes. Elle était là. Elle était juste à côté de moi. Elle était juste là. Je ne contrôlais plus ma respiration, et je ne contrôlais plus mes pensées. Tout ce que je parvenais à ressentir c’était la violente douleur interne qui accompagnait le fait qu’elle était là, et qu’elle allait me voir faire cela. Mais je devais le faire. Mais elle était là. Et elle allait me regarder faire. Et ensuite, elle serait tuée. Et ce serait cela, la dernière image de moi qu’elle emporterait dans la tombe. Le monstre qui avait tué son directeur. Inspire, et lève ta baguette, me pressa la voix vibrante de mon frère à l’intérieur de moi. Je pris l’inspiration la plus longue que je pus et mon bras se leva lentement, beaucoup trop lentement, et bien trop tremblant vers Dumbledore. Une nouvelle larme coula sur ma joue, me donnant l’impression de découper ma peau en deux à mesure qu’elle cheminait sur ma peau. Elle était là. Elle ne devait pas être là. Elle ne pouvait pas voir ça. Je ne pouvais pas lui montrer ça de moi. Elle était là. 

-       Drago, tenta doucement Dumbledore que je fixai en tremblant, tu n’es pas un meurtrier.

Je devais le faire. Le Seigneur des Ténèbres m’avait lui-même confié cette tâche avant le début de cette nouvelle année. Je devais le faire. Je n’avais pas le choix. Mais ma baguette et tout le reste de mon corps ne faisait que trembler alors qu’aucun son ne sortait de ma bouche, et qu’aucune magie ne sortait de ma baguette. Elle était juste à côté de moi. Je sentais son souffle chaud rencontrer ma joue mouillée de larmes, y laissant une sensation de fraîcheur qui ne me permettait pas d’omettre ne serait-ce que l’espace d’un instant qu’elle était bel et bien juste là. 

Et je tentais d’en appeler aux démons en moi. Je tentais d’en appeler à la noirceur en moi. Je tentais d’aller chercher en moi tout ce qu’il y avait de plus noir, tout ce qu’il y avait de plus violent, tout ce qu’il y avait de plus meurtrier, mais elle était juste là. Elle était juste là, et je n’avais que mon désarroi et ma terreur pour compagnie. Et ma baguette continuait de trembler, et mes larmes continuaient de ruisseler sur mes joues, et aucune magie ne sortait de ma baguette alors que tous les yeux étaient rivés sur moi. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas le faire. Elle était là. Je ne pouvais pas le faire. Je ne pouvais pas prendre une telle vie devant elle sans l’ombre d’un mur d’occlumencie dans mon esprit. Et soudain, je sentis le corps lisse et sinueux de Kira onduler entre mes pieds un quart de seconde avant que je ne sente la main gauche puissante de Theo se poser sur mon épaule droite. Il me tira en arrière et passa dans mon dos avant de s’avancer, sa baguette tendue qui, elle, ne tremblait pas vers Dumbledore, et sa voix raisonna dans la tour d’astronomie lorsqu’il prononça : 

-       Avada Kedavra. 

Un éclair de lumière verte jaillit de sa baguette alors qu’un souffle d’air parvint enfin à s’extraire de mes lèvres, et le corps d’un des plus grands sorciers de tous les temps fut propulsé en arrière, tombant dans le vide du haut de la tour d’astronomie sous le cri d’exclamation de celle qui ne devait pas être là pour voir cela. A l’instant même, d’éclatantes traînées de lumière blanche se mirent à jaillir autour de nous. Des Aurors. 

-       Courez au Portoloin ! hurla ma tante alors que tous brandissaient leurs baguettes, et que les premiers coups fusaient dans les airs. 

Mon cerveau n’eut pas le temps d’assimiler ce qu’il se passait, des sorts jaillissant déjà de part et d’autre entre les Mangemorts et les Aurors, mon frère et son serpent au milieu d’eux, se battant déjà comme le Grand Intendant avec les autres. Tout ce qui s’ensuivit me sembla se produire en l’espace d’une seconde, peut-être deux tout au plus. Blaise appela mon nom, et mes yeux se tournèrent vers Granger. J’entendis Pansy lui chuchoter de s’enfuir, et elle la poussa loin d’elle, la propulsant au milieu des Aurors qui pourraient la protéger. Pansy se mit alors à se battre aux côtés de Theodore qui lui hurlait de s’enfuir en ne s’arrêtant de combattre les Aurors qui commençaient à tomber du bout de sa baguette, et de celle des autres Mangemorts qui se battaient tandis que Blaise appelait nos noms pour nous inciter à quitter la scène. Mais Pansy n’arrêterait pas de combattre tant que Theodore continuerait de faire tomber les Aurors autour de lui. 

-       Emmenez-là au Portoloin ! hurla la voix de Theo à propos de la femme à côté de lui qui ne cessait de se battre. 

Mais mon corps à moi demeurait figé, interdit alors que les sorts fusaient de toute part, mon regard fixé sur Granger, tombée accroupie sur le sol du côté des Aurors, qui me regardait en retour de ses grands yeux abîmés par ce que je lui imposai. C’était la dernière fois que je la voyais, et je le savais. Je serai tué pour avoir échoué à ma mission, si je sortais d’ici vivant. Et la façon dont elle me regardait m’apprenait qu’elle le savait, elle aussi. Qu’elle l’avait enfin compris, elle aussi. Je ne vis donc pas la façon dont Blaise attrapa Pansy et la balança sur son épaule sous ses cris de protestation acharnés, hypnotisé par ces yeux ambrés que je me refusais de quitter, sachant pertinemment que dès l’instant où je les lâcherais, je ne les reverrais plus. Mais soudain la main puissante de Blaise se renferma sur mon bras qu’il tira d’un coup sec, et il m’entraîna dans sa course, Pansy sur son épaule, et moi qu’il tirait derrière lui de la force de son deuxième bras, alors que mes yeux continuaient de la chercher, incapables de la trouver. Je l’avais perdue. 

Et soudain la partie primale de mon cerveau qui avait encore en elle la force de se battre pour ma survie s’activa, et je me mis à courir à toute vitesse aux côtés de Blaise qui n’eut plus besoin de me tirer derrière lui. Plus aucune pensée n’était accessible à mon esprit, plus aucune autre que celle qui me hurlait de courir, de courir sans me retourner jusqu’à la cour où Rogue avait placé un Portoloin devant nous amené sur notre lieu de rendez-vous avec le Seigneur des Ténèbres. Nous descendions les marches de la tour à toute vitesse, et courions encore en nous enfonçant dans la cour tandis que de multiples élèves sortaient du château, alarmés et encore peu certains de ce qu’il était en train de se passer. Et tout aussi soudainement que cette partie de mon cerveau avait pris le contrôle exécutif de mon corps, j’entendis enfin clairement les cris de Pansy portée sur l’épaule de Blaise qui hurlait le nom de Theo, et tout aussi brusquement que cette information parvint à mon cortex-préfrontal, mon corps cessa immédiatement sa course, et je me retournais vers la tour. L’on pouvait voir, depuis le sol, les éclairs de lumière qui continuaient de jaillir entre les Mangemorts et les Aurors. Et il était là-haut, parmi eux. A cet instant, le corps d’un Auror fut violemment projeté par un éclair vert hors de la tour, et son corps vidé de vie s’éclata sur le sol, non loin de celui de l’ancien directeur qui reposait là, et les élèves présents se mirent à hurler. Je devais aller l’aider. Je ne quitterai pas cette école sans lui. Subitement, un nuage de traînée noire annonçant le déplacement d’un Mangemort puissant arriva dans un bruit assourdissant tout droit vers nous tandis que Blaise continuait sa course en appelant mon nom, et le nuage nous engloutit, Blaise, Pansy et moi, nous entraînant dans un vol vertigineux de sa rapidité jusqu’à nous reposer sur la terre ferme quelques mètres plus loin, où le Portoloin nous attendait. 

-       Rejoignez-le ! nous ordonna ma tante qui se distingua alors de ce nuage noir qui disparût quand elle nous apparut en chair et en os. 

-       Pas sans lui, tranchai-je alors, appuyé par Pansy que Blaise tenait encore contre lui. 

-       Il est avec les autres, il viendra avec nous, promit-elle en retroussant ses lèvres en une moue aussi menaçante que pressante. Tu pars maintenant Drago, ordonna-t-elle encore avec ce qui me sembla être de l’inquiétude. 

-       Pas sans lui, répétai-je sur le même ton appuyé. 

Elle sonda mon visage alors que la colère déformait le sien un instant, et un grognement de frustration fit vibrer sa poitrine quand finalement elle disparut une nouvelle fois dans le nuage de noirceur qui l’enveloppa, et la propulsa vers la tour. Pansy derrière moi frappa violemment le torse de Blaise et lui hurla dessus de toute sa rage meurtrière alors que je me retournai : 

-       QU’EST-CE QUE T’AS FAIT ?! TU L’AS LAISSÉ SEUL AU MILIEU DES AURORS ! s’égosilla-t-elle dans toute sa rage en poussant violemment le torse de son meilleur ami. 

-       J’ai répondu à son ordre, et je vous ai sauvé la vie ! s’écria-t-il en défense.

-       TU L’AS LAISSÉ SEUL ! hurla-t-elle encore en continuant de le frapper. 

Je n’avais jamais entendu sa voix être aussi violente, aussi meurtrie et enragée à la fois. Là-encore, je n’étais pas sûr de comprendre ce qu’il était réellement en train de se passer. 

-       Il m’a ordonné de te sortir de là ! continua-t-il à se défendre en recevant ses coups. 

-       ET JE T’AI ORDONNÉ DE ME LÂCHER ! 

-       IL EST MON GRAND INTENDANT ! s’emporta-t-il alors violemment tandis que les coups de Pansy cessèrent, ses bras retombant lourdement le long de son corps comme si c’était lui, cette fois, qui venait de la frapper avec ces mots. ET TOI TU ES TOUT CE QU’IL ME RESTE ! continua-t-il alors que la terreur déformait sa voix habituellement plus rauque. ALORS QUAND IL ME DIT DE TE SAUVER PANSY, JE TE SAUVE, ET JE TE SAUVERAI ENCORE, ET ENCORE, ET ENCORE ! hurla-t-il de toute son âme. 

Elle resta interdite devant lui, obligée de lever le visage vers lui pour pouvoir rencontrer ses yeux. Sa poitrine se soulevait et s’abaissait violemment au rythme de sa respiration saccadée. Sa mâchoire se contracta visiblement et elle pinça ses lèvres avant de cracher d’une voix dix fois plus basse, et pourtant cent fois plus tranchante encore : 

-       S’il lui est arrivé quelque chose, je ne te le pardonnerai jamais, et pour la première fois de ta vie tu sauras vraiment ce que c’est que d’être seul. 

Et je le vis, sur le visage de Blaise, la violence avec laquelle il avait reçu ses mots tranchants, et la douleur abominable avec laquelle ils lui poignardèrent le cœur. 

C’était à cet instant que cinq traînées noires volèrent jusqu’à nous, et mon cœur cessa de battre jusqu’à ce que leurs corps se matérialisent devant nous. Il était là. Son corps apparut devant moi à côté de Bellatrix, Kira fermement enroulée autour de son cou. Ses yeux bleus se posèrent sur moi alors que le corps de Pansy s’écrasait violemment contre le sien dans une accolade de soulagement intense, et je pus respirer à nouveau. Ma tante leva sa baguette vers le ciel, et y fit apparaître la Marque des Ténèbres au-dessus du château endeuillé. Et je la regardais, cette même Marque qui brûlait mon propre bras, au-dessus du château dans lequel j’avais grandi toutes ces années. Et je voyais, au loin, les élèves rassemblés dans la cour devant les corps qui reposaient de Dumbledore et de quelques Aurors, je le supposai. C’était la Guerre. L’image me frappa de plein fouet. Je faisais partie d’eux. J’étais du côté de ceux qui avaient fait cela. Et j’allais m’enfuir avec eux, pendant que les élèves horrifiés pleuraient leur directeur, terrorisés de ce qui venait de tâcher les étoiles qui brillaient jusqu’à alors dans le ciel. C’était la Guerre. 

Au loin, je reconnu Potter qui courrait vers nous, quelques Aurors à ses côtés. Il hurlait des mots mais il était trop loin pour que nous puissions les comprendre clairement. Bellatrix se retourna vers nous, et nous ordonna de tous nous saisir du Portoloin sur-le-champ. 

En cœur, nous nous saisirent tous précipitamment du journal en cuir qui nous attendait-là, et dès que la paume de ma main le rencontra une sensation de tiraillement suivie d’une rotation désagréablement violente comme si j’étais aspiré à travers un tunnel prit possession de moi, et lorsque cela cessa, Poudlard était loin derrière moi. 

Ce fut le silence si abrute et soudain qui me frappa d’abord, lorsque je retombais sur mes pieds. Les hurlements, les pleurs, le vent lui-même, tout avait cessé en un clignement de cil. Ensuite, ce fut la structure du lieu dans lequel nous nous tenions qui vola mon attention. Je laissai mes yeux prendre leurs marques. Une structure majestueuse, d’une hauteur vertigineuse. Des voûtes en ogive s’élevaient au-dessus de nous vers le ciel, les unes après les autres, en une longueur étendue. Des piliers massifs soutenaient leur poids, ornés de sculptures anciennes à l’architecture complexe. Au bout de sa longueur, des vitraux baignaient l’intérieur de ce qui me sembla alors être une cathédrale dans une lueur céleste de ce début de nuit. L’espace d’une seconde, j’eu l’impression que le temps s’était suspendu devant la splendeur qui nous accueillait silencieusement de là où nous venions. Je remarquai à l’instant seulement que j’étais à bout de souffle, le bruit de mes inspirations et expirations trop courtes pour seule musique raisonnant dans mes oreilles. 

Mes yeux suivirent les courbes des hauteurs de la cathédrale pour descendre jusqu’à son sol marbré. Le Seigneur des Ténèbres se tenait là, tout droit à l’opposé de nous, une quinzaine de mètres plus loin. Je notai l’absence de Nagini à ses côtés. Sur sa droite aussi bien que sur sa gauche, deux rangées de Mangemorts s’étalaient dans l’espace qui le séparait de nous, peut-être une vingtaine au total, je n’en étais pas certain. Mon cerveau n’était plus certain de rien, tout se passait bien trop vite. Theo était à ma droite, Pansy à la sienne, et Blaise se tenait en bout de ligne, à côté d’elle. Je sentais la présence des Mangemorts qui nous avaient accompagnés à Poudlard derrière nous. Il se tenait loin de nous, mais je la vis quand même, la couleur inhumaine rouge de ses yeux lorsqu’il les leva vers nous. Il nous sonda l’un après l’autre, dans le silence le plus total, sans s’avancer vers nous, puis il s’attarda sur moi. Je sentis mon cœur battre plus violemment dans mon poitrail. Finalement, sa voix glaçante appela simplement : 

-       Bellatrix.

Il n’eut pas besoin de parler fort, nous l’entendirent tous, son sifflement de serpent raisonnant dans les murs de la cathédrale encore après qu’il eut refermé ses lèvres. Le corps de ma tante se fraya un chemin entre Theo et moi, et chacun de ses pas raisonnèrent lourdement dans le lieu sacré que nous salissions de notre présence, ma respiration se faisant de plus en plus courte à mesure qu’elle raccourcissait l’espace qui la séparait de lui. Il me sembla alors que c’était un bel endroit pour mourir. 

Elle arriva, juste à côté de lui, et commença à chuchoter à son oreille des paroles que, elles, nous ne pouvions pas entendre. J’aurai voulu pouvoir tourner le visage, et regarder les yeux de mon frère. Mais ses yeux inhumains à lui étaient rivés sur les miens, et à chaque seconde qui passait, la terreur montait en moi. J’allais mourir. Elle lui racontait ce qu’il s’était passé, et comment j’avais échoué. Au moins, je ne mourrai pas en laissant dans l’esprit de Granger l’image de celui qui avait abattu son directeur sous ses yeux. Je trouvais un peu de réconfort dans ce dernier fait. Il me sembla que ses yeux rouges se dirigèrent ensuite vers Theo, juste à côté de moi. Je n’en étais pas certain, il se tenait trop loin pour que je puisse l’affirmer, et je n’étais pas non plus certain qu’il n’y avait plus aucune larme qui obscurcissait ma vision. Tout se passait si vite que je n’étais plus sûr de rien. Bellatrix continua de chuchoter à son oreille, et nous demeurions tous parfaitement immobiles dans l’attente de mon exécution. Soudain, ses yeux se reportèrent à nouveau sur moi, sur ce fait je n’avais pas le moindre doute, et je me sentis me glacer sur place. Le dos de la main gauche de Theodore vint rencontrer le dos de la mienne, et j’inspirai profondément sous ce contact. 

Quand le silence se dissipera, 

Que les ténèbres s’étireront et que passeront les premiers rayons de lumière, 

Une nouvelle journée commencera.

Je me concentrai sur la sensation de sa peau contre la mienne, et laissai ce contact réchauffer ce qu’il restait de moi. Oui, c’était un bel endroit pour mourir. Finalement, un son réflexif traversa la gorge du Seigneur des Ténèbres pour raisonner dans la cathédrale alors que ma tante s’écartait, son message délivré.  

-       Mmh, accusa-t-il réception. 

La rougeur menaçante de son regard s’attarda encore un instant sur moi, puis il ouvrit ses bras et annonça à toute l’assemblée avec ce qui sembla être de la joie : 

-       Albus Dumbledore est mort ! 

Les cris enthousiastes de victoire des Mangemorts qui n’étaient pas présents sur les lieux remplirent l’intégralité de l’espace entre la terre et le ciel, et je sentis mon corps en trembler intérieurement. Mes amis et moi demeurions immobiles. Le mage noir garda ses bras ouverts et ajouta lorsque les acclamations victorieuses s’apaisèrent : 

-       C’est Theodore Nott, qui l’a tué, appuya-t-il en le regardant avec ce qui me semblait être de la fierté. 

Son Grand Intendant. Mon Frère. Oui, il me l’avait dit, qu’il assurerait mon dos. Il l’avait fait, lorsqu’il avait constaté que j’étais incapable d’exécuter la mission qui m’avait été attribuée alors qu’elle se tenait juste à côté de moi. 

-       Et non pas Drago Malefoy, ajouta-t-il plus bas. 

J’entendis mon cœur battre violemment jusque dans mes propres oreilles. Les messes-basses des Mangemorts présents raisonnèrent en des murmures inarticulés dans les murs de la cathédrale qui accueillait ma fin. Je ne sentis plus le dos de la main de Theo contre la mienne. Il se déplaça très lentement, si lentement que je ne m’en étais presque pas rendu compte, Kira glissant le long de son dos pour rencontrer le sol à ses côtés. Il s’avança sur ma droite, son épaule gauche barrant le chemin entre le Seigneur des Ténèbres qui ne manqua pas de noter sa nouvelle prise de position, et moi. Je me permettais de noter une dernière fois avec précision la courbe musclée de son épaule devant moi. Le creux de sa nuque. La façon dont ses cheveux ondulaient sur son crâne, et la profondeur de leur noirceur. C’était là une situation dont il ne pouvait pas me sauver, quand bien même je savais qu’il essayerait. Nous étions impuissants face à lui. Même lui. Le Seigneur des Ténèbres avait besoin de lui cependant, et les événements de ce soir ne faisaient que le lui confirmer. Il ne le tuerait pas, quand bien même il essayerait de défendre ma vie, en vain. Je cherchais encore un peu de paix dans ce constat. 

-       Maintenant, mes amis, reprit la voix plus grave de notre Maître, c’est la Guerre.

Il enfonça une dernière fois ses yeux rouges dans les miens d’un regard glaçant de menace qu’il n’avait pas besoin de proférer. Mon cœur bondit à un rythme plus soutenu encore dans mon poitrail. Il baissa le visage sans quitter mes yeux tel un serpent qui se préparait à attaquer. Theodore fit un pas de félin supplémentaire devant moi. 

-       La pitié et le doute n’ont pas leur place dans mes rangs, trancha-t-il finalement d’une colère froide. 

Il n’y avait pas le moindre bruit dans l’assemblée. Voldemort leva sa baguette si soudainement que son mouvement s’était fendu dans l’espace, presque invisible. Le silence se dissipa. Adieu, mon frère.

-       Avada Kedavra, raisonna tel un sifflement l’inhumanité de sa voix. 

Les ténèbres s’étirèrent, et un éclair de lumière verte jaillit de sa baguette alors que Theo plongeait devant moi, sa propre baguette tendue. Prêt à combattre le sortilège de mort qu’il lançait. Mais nous nous rendirent compte trop tard que ce n’était pas sur moi, que le Seigneur des Ténèbres avait jeté sa foudre. A côté de nous, le bruit sourd d’un corps qui rencontrait le sol retentit entre les murs étendus de la cathédrale. En une impression nauséeuse de ralenti vertigineux, je tournais le visage sur ma droite. Le visage de Theo m’imita. Le bruit sourd raisonnait encore telle une vibration horrifique lorsque nous l’aperçurent. Le corps vide de Pansy. 


Laisser un commentaire ?