Dollhouse
Chapitre 39 : Rendez-vous en haut de la Tour
13355 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 17/05/2024 12:53
J’aurai voulu pouvoir passer le reste de la nuit à l’admirer. Le reste de ma nuit à la tenir contre moi pendant qu’elle laisserait son esprit vagabonder aux côtés de Morphée. J’aurai voulu pouvoir tracer chaque contour de sa peau de la pulpe de mes doigts, soucieux de ne pas la réveiller, et m’enivrer de sa vision jusqu’à ce que le jour se lève. J’aurai voulu que ce moment dure éternellement, et la façon dont elle m’avait embrassé, la façon dont elle m’avait fait l’amour à trois reprises m’apprenait qu’elle aussi, c’était son souhait le plus intime. Mais il avait fallu que nous laissions l’autre aller avant que la vie n’anime le château à nouveau. Avant que mon corps ne se retrouve dans l’incapacité la plus absolue de se défaire du sien. Avant que je ne réponde à ses prières silencieuses, celles qu’elle avait trop peur d’exprimer à voix haute mais que ses yeux transmettaient pour elle d’abandonner le monde entier, et de m’enfuir avec elle.
Mais lorsque l’aube s’était levée, elle n’était pas à mes côtés. Pourtant il me semblait que je pouvais toujours goûter sa peau sur le bout de mes lèvres. Elle avait laissé son empreinte sur mon corps, la douceur de son amour pour moi imprimée jusque sous mon épiderme tel un tatouage. Mais il y avait un autre tatouage sur ma peau qui empoisonnait mon sang, et forçait l’amour que j’avais pour elle à se taire à jamais. La sérénité absolue que j’avais expérimentée à ses côtés la vieille avait désormais un arrière-goût amer qui allait de pair avec le constat inconsolable suivant : c’était terminé. Demain, la Guerre serait déclarée. Le château entier saurait ce que j’étais devenu, et mon nom serait tâché du sang que j’aurais fait verser. En lui disant adieu à elle, je disais adieu à la partie de moi qui demeurait un simple étudiant comme les autres, innocent jusqu’à ce que le contraire soit prouvé. Demain, le contraire serait prouvé. Je n’aurai plus jamais le luxe de douter, moins encore le luxe d’être effrayé. Je ne serais plus que son soldat. L’ombre de ce qu’il restait de l’enfant arrogant. L’homme qui lui appartenait. Celui qui avait dû taire son humanité, tout ce qui faisait encore de lui un homme, l’amour qu’il portait à une femme qu’il n’avait pas le droit d’aimer. Et il ne resterait plus que le monstre qu’il avait été obligé de devenir.
J’avais la lourde sensation d’assister à mon propre enterrement. Le sentiment pesant de mourir à l’intérieur de moi-même. Et avec tout ce que j’avais été jusqu’alors, la sérénité de ma nuit passée laissait place au deuil de tout ce qui aurait pu être, mais ne serait jamais. Tous les « et si… » d’un futur potentiel s’évanouissaient au profit des ténèbres enveloppantes et de leur embrassade empoisonnée. Je n’avais rien eu besoin de dire à Theodore, il avait su. Il avait su dès l’instant où j’avais dit que j’avais besoin de deux soirées avant que nous déclenchions la Guerre. Il me semblait que c’était là une responsabilité bien lourde pour les enfants que nous étions encore, jusqu’à ce que nous faisions finalement ce qu’il attendait de nous. C’était nous, qui lancions la Guerre. Elle démarrait de nous. Je trouvais ce constat vertigineux, mais je n’avais plus le temps de perdre l’équilibre.
Alors je marchais aussi droit que je le pouvais, à chaque pas que je faisais devenant un peu plus l’ombre de moi-même, jusqu’à la table de ma maison pour le petit-déjeuner. Je la rencontrai, à cinq mètres plus loin face à moi, et mon cœur fit un bond dans mon poitrail. Nous nous étions tous les deux arrêtés dans notre chemin lorsque nos regards s’étaient croisés, et l’instant d’un instant, ils ne se lâchèrent plus. Nous étions tous les deux conscients qu’ils ne se retrouveraient peut-être plus jamais dès qu’ils reprendraient leur chemin. Le temps et l’espace me sembla flotter entre nous, alors que je ne pouvais voir qu’elle, se tenant devant moi, cinq mètres au moins plus loin. Ses sourcils étaient légèrement froncés et ses lèvres finement entre-ouvertes. Des ombres mouvantes allaient et venaient entre nous, mais je ne voyais qu’elle. Je ne voyais qu’elle que je prétendais de ne pas connaître de la sorte, alors que quelques heures plus tôt nous nous tenions exactement au même endroit, nos corps et nos âmes faisant passionnément l’amour sur la table à côté de laquelle nous nous tenions, désormais entourés de nos pairs. Elle était splendide. La lumière matinale traversait les vitraux et illuminaient son dos, m’offrant une vision angélique de la femme que je n’avais pas le droit d’aimer. Solaire, voilà ce qu’elle était. Solaire dans tout ce qu’elle était. Sa poitrine se souleva en une inspiration profonde, et elle marcha vers moi. J’aurai voulu lui ouvrir mes bras, et enfouir mon visage dans sa nuque. J’aurai voulu lui sourire, l’embrasser au milieu de la Grande Salle, et prendre mon petit-déjeuner à côté d’elle. J’aurai voulu qu’elle lève vers moi des yeux souriants, et non pas ces yeux douloureux qui me regardaient toujours. Mais elle passa devant moi en effleurant mon épaule, ne laissant derrière elle rien d’autre que son odeur d’amandes me frappant en plein visage. J’inspirai avec son parfum le peu de vie qu’il me restait, et lorsque j’expirai finalement, il ne restait plus rien de moi. Et la part de moi qui mourait en moi se demandant si un jour je pourrai respirer vraiment à nouveau.
Ce jour-là, nous avions donné rendez-vous à Rogue dans la salle sur demande. Nous lui avions annoncé avoir trouvé la solution pour réparer l’armoire, et que ce serait fait le lendemain. Il avait acquiescé à cette nouvelle sans sembler particulièrement enthousiaste, et nous avions ébaucher un plan d’action avec lui alors que l’ambiance était lourde entre nous cinq. Nous avions convenu avec lui qu’il donnerait rendez-vous au professeur Dumbledore dans la tour d’astronomie demain soir, où je le tuerai accompagné des Mangemorts qui nous rejoindraient pour témoins, et que Theodore serait parti chercher en amont. Il nous avait appris qu’il ne serait pas présent, lorsque cela se produirait, prétextant qu’il avait à faire en prenant le contrôle de Poudlard, et pour assurer que nous puissions tous quitter le château une fois notre mission menée à bien. Il avait ensuite quitté la salle sur demande, sa cape volant derrière-lui, son visage aussi fermé que ceux que nous lui affichions en retour.
Tout me semblait irréel, depuis que je m’étais levé ce matin-là. Comme si je n’habitais plus vraiment mon propre corps. Je n’étais même pas réellement certain de ressentir mes propres émotions. C’était comme si j’étais déjà mort, et quelque part il me semblait que ce constat avait du sens. Comment pouvais-je mener cette vie et faire tout cela en demeurant celui que j’étais jadis ? Theodore avait eu raison, lorsqu’il m’avait dit que je devais ériger mes murs d’occlumencie plus hauts encore. Je le faisais. Et je n’étais plus rien qu’un fantôme qui déambulait vers sa sombre destinée. Je n’étais même pas sûr de ressentir la peur ou l’appréhension de ce qui était sur le point de se passer. Je me demandais même si je prenais la mesure de ce qui allait se passer le jour suivant. J’étais comme déconnecté de moi-même, et il me semblait qu’il ne pourrait plus jamais en être autrement. Ce qui m’attendait ne laissait pas la place aux émotions, qu’il s’agissait d’angoisse, de doute, ou de culpabilité. Tout cela était terminé. Il ne restait plus rien d’autre qu’un sombre futur dans lequel j’entraînais toutes les personnes qui comptaient pour moi. Sauf peut-être elle.
Lorsque Rogue avait quitté la salle sur demande, nous étions restés plantés tous les quatre devant l’armoire à disparaître. Il était temps de la réparer. Pourtant, aucun d’entre nous ne dit ou ne fit quoi que ce soit pendant un instant qui me sembla interminable. Tout était lourd. Et si je pouvais sentir que mon corps était raide, je ne parvenais toujours pas à identifier la moindre émotion en moi. Mort. Finalement, ce fut la voix forte de Theo qui trancha le silence glaçant :
- J’y vais, déclara-t-il.
- Non, m’entendis-je interdire immédiatement.
Il leva ses yeux bleus déterminés vers moi.
- Ce n’était pas une question, trancha-t-il alors que Blaise et Pansy nous observaient avec appréhension sans ne rien dire.
- On n’a pas décidé lequel de nous deux y allait, rappelai-je avec tension.
- Si, j’ai décidé.
Nous savions qu’en théorie, l’un d’entre nous pouvait pénétrer dans cette armoire, lancer un Reparo, et en revenir en utilisant notre lien d’âme. En théorie.
- Je ne plaisante pas Theo, l’avertis-je froidement.
Il était hors de question que je prenne le risque de le perdre, quand bien même je faisais une confiance aveugle en les affirmations de Granger concernant le lien qui nous unissait.
- Et je ne suis pas en train de rigoler, me renvoya-t-il sur le même ton.
L’ambiance entre nous était si électrique qu’il me semblait que mes poils s’hérissèrent sur mes avant-bras. Nous n’étions pas en colère l’un contre l’’autre. Nous étions terrorisés l’un pour l’autre. Et cette terreur froide s’échangeait électriquement entre son corps et le mien, et toutes les personnes dans la pièce pouvaient le sentir physiquement.
- Si on est sûr que ça va fonctionner, pourquoi est-ce que tu vois un inconvénient à ce que j’y aille ? lui demandai-je alors.
Et l’atmosphère se détendit soudain légèrement quand il m’adressa un sourire en coin malicieux :
- De nous deux, c’est moi qui gagne toujours à cache-cache, lâcha-t-il avant d’ouvrir l’armoire et de s’y enfermer en disparaissant à l’intérieur en un clin d’œil.
Mon cœur fit un bond dans mon poitrail lorsque les portes se refermèrent derrière lui, et un bruit de respiration coupée s’échappa des lèvres de Pansy. J’agrippai les poignées de l’armoire et l’ouvrai à la volée. Vide. Je restai interdit devant le vide pendant de longues secondes, mes yeux fixés au milieu de ce néant, ma mâchoire serrée et l’intégralité de mon corps d’une raideur absolue. Le temps me semblait s’arrêter alors que j’attendais qu’il me trouve. Qu’il me revienne.
- Il faut que tu fermes les portes, chuchota presque Blaise comme s’il avait peur de me parler en cet instant. Pour qu’il puisse revenir, il faut que les portes de l’armoire soient fermées, explicita-t-il avec un peu plus de force.
Je sentis les muscles de mes bras trembler alors qu’ils tenaient toujours les portes ouvertes, mes yeux figés sur le vide à l’intérieur. Je retenais chacune de mes pensées à l’intérieur de moi, et luttais contre la colère et la terreur qui grandissaient à l’intérieur de moi. En fait, il me semblait que cette terreur se transformait en colère. Parce que si c’était la terreur qui prenait le contrôle de moi, je ne pouvais plus fonctionner. Avec la colère, je pouvais continuer. Il avait sauté dans le néant. Et je ne savais pas, concrètement je ne savais pas s’il allait parvenir à revenir. Je sentis la petite main de Pansy se poser sur mon épaule.
- Drago, chuchota-t-elle doucement.
J’avalai difficilement ma salive et sentis ma mâchoire se contracter plus durement encore. Mes bras tremblèrent de contraction alors que j’inspirai par le nez, et me reculai un peu pour pouvoir lentement fermer les portes de l’armoire. Je demeurai figé devant l’armoire, incapable de me retourner vers mes amis ou de faire quoi que ce soit d’autre que d’attendre impatiemment mon frère. Je cherchai à le sentir, mon corps tendu ne me permettant pas de sentir grand-chose de plus que ma propre raideur. Au moins, je ne sentais pas qu’il était en danger, tentai-je de me calmer. Je demeurai concentré sur ce que je ressentais, conscient que je le sentirai, s’il était mort. Ou s’il paniquait, m’apprenant qu’il ne parvenait pas à revenir. Alors je faisais le vide dans mon esprit, et tel une statue je demeurai face à l’armoire, le visage baissé, le corps intégralement tendu, et je fixai les poignées en attendant son retour.
J’étais incapable de dire combien de temps avait passé. Je n’étais connecté à rien d’autre que les poignées de l’armoire, et ce que mon âme avait à me dire, pour ainsi dire rien. Mais il me semblait raisonnable de supposer qu’un certain temps devait s’être écoulé quand j’entendis vaguement Pansy derrière moi demander d’une voix paniquée à Blaise pourquoi ça prenait autant de temps. Mais je ne bougeais pas d’un centimètre. J’en étais incapable. Il n’y avait que cette armoire et moi. Cette armoire dans laquelle il était, et moi. Le reste n’avait pas la moindre importance. Je n’étais pas assez conscient de tout le reste en cet instant pour pouvoir me demander combien de temps avait passé, et paniquer du fait qu’il ne soit pas encore revenu. Mon corps le saurait, si je l’avais perdu. Et je ne me permettais pas de ressentir de l’angoisse, pour la simple et bonne raison qu’il était hors de question que je puisse confondre la mienne et la sienne, s’il finissait par angoisser. Alors rien. Voilà ce que je m’autorisai à penser, à faire, et à ressentir. Rien du tout. Pas la moindre petite émotion. Pas le moindre mouvement. Parce que si lui avait peur, je devais pouvoir le sentir, et aller le chercher. Quitte à ce que nous soyons à jamais tous deux perdus dans le néant.
Je ne savais combien de temps encore après, j’entendis soudainement sa voix joueuse dans mon esprit « Je sais que tu es là Drago ». Un immense sourire presque prédateur se dessina sur mes lèvres et j’ouvrais violemment les portes de l’armoire à disparaître. Il s’y tenait en son centre avec un sourire en coin machiavélique. J’attrapais son t-shirt de ma poigne droite et le tirai d’un coup sec hors de l’armoire pour l’enfermer dans mes bras alors que Pansy laissait un cri de soulagement s’échapper de ses lèvres.
- Qu’est-ce qui t’as pris autant de temps ? se plaignit-elle en se réfugiant dans ses bras dès que je l’avais lâché.
- Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la route du néant n’est pas si courte que ça, dit-il d’une voix tranquille et souriante.
Et ainsi, tout était prêt. La Guerre était prête à être déclarée.
Ce soir-là, Theodore se changeait avec moi dans notre dortoir alors que Pansy et Blaise préparaient nos boissons pour la dernière soirée dans le château que nous nous étions accordés. Là-encore, l’ambiance était lourde. Nous étions concentrés, déjà dans la Guerre que nous allions enclencher, maitrisant nos esprits comme nous le pouvions.
- Je vais lui demander de m’épouser, déclara-t-il en boutonnant sa chemise propre sur son torse.
Je tournais le visage vers lui. Il n’affichait aucun signe d’excitation ou de joie avec les mots qu’il venait de prononcer. Il était dans le même état que moi. Concentré. Déconnecté de lui-même. Déjà dans la Guerre.
- Quand ? demandai-je sur le même ton dénué d’émotion.
- Pour son anniversaire, avança-t-il avec détermination.
Pansy était née le 29 janvier, et nous étions le 22. Il me semblait, en tout cas, que nous étions le 22 janvier. Tout ce que je savais, c’était que demain était le jour où les Mangemorts pénétreraient Poudlard, le jour où je tuerai Dumbledore, et le jour où la Guerre serait déclarée par nos agissements. Le jour de l’enterrement des adolescents que nous étions autrefois.
Devant mon silence, il ajouta d’un ton toujours aussi vide :
- La Guerre va éclater, et on ne sait pas ce qu’il va se passer ensuite. Quoi qu’il arrive, je veux savoir qu’elle porte ma bague au doigt, et qu’elle sache à quel point elle est mienne.
Je lui accordai un sourire que je ne feignais pas entièrement. L’idée qu’il pense encore qu’elle ne se savait pas intégralement sienne ne pouvait que m’arracher un sourire.
- Tu seras mon témoin, ordonna-t-il sans poser de question.
Mon sourire s’agrandit en sa direction, et j’acquiesçai.
- Bien sûr, chuchotai-je avec tendresse.
Je trouvai cela admirable, qu’il parvienne à se projeter sept jours plus tard. Qu’il soit si sûr de lui qu’il ne doutait pas qu’autant elle que lui seraient encore ensemble, en vie, l’un avec l’autre, dans le contexte dans lequel nous avancions. Il me semblait que cela témoignait de la confiance totale qu’il avait en ses capacités à se maintenir en vie, et à protéger sa meilleure moitié de la Guerre sombre qui se dessinait devant nous. Cependant la précipitation de sa demande et la froideur avec laquelle il me l’avait annoncée m’apprenait qu’il n’était pas plus sûr que moi de ce que nous réservait le futur. De ce que lui réservait son futur de Grand Intendant. Sa démarche n’était pas telle qu’il voulait absolument s’assurer que si elle mourrait, elle mourrait en étant sa femme. Il n’était, dans tous les univers parallèles confondus, pas une option que Pansy Parkinson meure un jour. Sa démarche était telle qu’il voulait absolument s’assurer que si lui mourrait, elle vivrait en étant sa femme. Mais cela, dans mes univers à moi, n’était pas non plus une option.
Lorsque Theo et moi avions rejoint Pansy et Blaise dans notre salle commune que nous avions privatisée, l’ambiance demeurait incroyablement pesante. Nous savions tous ce qui allait se produire le lendemain, et ce à quoi ressemblerait désormais nos vies. Je supposai que nous étions tous concentrés pour contrôler nos corps, nos pensées ainsi que nos émotions, et qu’il ne restait que fort peu de place à l’amour et la fluidité de nos relations habituelle.
- On y est, déclara Blaise en interrompant le silence entre nous alors que nous buvions nos verres plus rapidement que d’ordinaire.
J’inspirai profondément à ces mots tandis que Pansy acquiesça difficilement.
- Ouais, chuchota-t-elle, on y est.
Les yeux de Theodore et les miens se rencontrèrent gravement, concentrés, et aucun mot ne sortit de nos bouches.
- Ça fait bizarre, vous trouvez pas ? continua doucement Blaise qui n’avait pas du tout le ton à l’humour.
Pansy fixait le sol aux côtés de Theodore en acquiesçant encore, ses sourcils se fronçant sur son front :
- Ouais, murmura-t-elle encore en combattant les larmes qui montaient à ses grands yeux verts.
Blaise la regarda sans rien dire un instant, ses propres sourcils se fronçant à son tour, puis il termina l’intégralité de son verre d’une traite. Il soupira difficilement, et il fixa le tapis de notre salle commune un instant encore avant de relever les yeux vers nous. Ils étaient rouges.
- Au cas où…, tenta-t-il sans pouvoir terminer alors qu’une larme coula sur sa joue, vous savez. Au cas où ça partirait en couilles, j’veux que vous sachiez que je vous aime vraiment de tout mon putain de cœur, genre putain de vraiment, dit-il difficilement alors que sa voix habituelle était coupée de la douleur qui l’écrasait.
Pansy tourna le visage sur le côté et sa cacha d’une main légèrement tremblante :
- Oh ta gueule putain, chuchota-t-elle difficilement elle aussi alors qu’elle pleurait de ce qu’il venait de dire, et qu’il ne disait jamais.
Les yeux graves de Theodore ne quittèrent pas les miens.
- C’est vrai, murmura un Blaise qui pleurait encore. J’vous aime à mort, pleura-t-il à voix basse.
Des larmes plus lourdes coulèrent le long des joues de Pansy, quand bien même elle tentait de le cacher de sa main tremblante. Elle inspira et expira de façon audible, sa respiration elle-aussi tremblante, avant de répéter d’une voix aussi basse que pleine de sanglots :
- J’te jure sur les Dieux Zabini, si tu fermes pas ta gueule…, pleura-t-elle sans pouvoir terminer sa phrase, et les yeux de Theodore me quittèrent finalement.
Blaise leva ses yeux marrons vers sa meilleure amie, ses yeux marrons dont des larmes perlaient, et il la regarda nous cacher son visage alors que sa poitrine ainsi que son bras tremblaient tandis qu’elle tentait de retenir ses larmes.
- Viens-là, chuchota Blaise vers elle.
Elle fit non de la tête, restant assise dans son fauteuil à côté de Theodore, pleurant silencieusement en nous cachant la vue de son visage.
- Putain de bête bornée, murmura Blaise avec un sourire malgré les larmes qui continuaient de couler sur ses joues.
Il se leva du canapé à mes côtés et traversa la salle jusqu’à elle, qui ne bougeait toujours pas. Il passa un bras dans son dos et l’autre sous ses jambes, la souleva de son fauteuil, s’y installa lui-même, et la déposa sur ses jambes alors qu’il la tenait contre lui telle une enfant. Elle finit par laisser son visage reposer contre son poitrail, et continua de cacher le côté de son visage qui était face à moi alors qu’elle pleurait contre lui, et lui contre elle. Il déposa un baiser appuyé sur son front avant de laisser sa joue sombre reposer sur le crâne de sa meilleure amie.
- Je vous aime, moi aussi, dit doucement Theodore qui regardait sa moitié sur les genoux de Blaise avec tendresse et douleur.
Blaise releva des yeux pleins d’amour vers lui, et finalement je sentis mon estomac se nouer dans mon abdomen quand je me forçais à leur dire avec tout ce qu’il restait de moi :
- Je vous aime.
Ce fut la voix tremblante de Pansy qui entraîna les yeux de Blaise de quitter ensuite les miens quand elle pleura à voix haute :
- Et moi j’vous déteste tous, alors est-ce que vous pouvez la fermer maintenant ?
Et des sourires attendris ornèrent nos trois visages alors qu’elle continuait de nous cacher le sien.
Pansy était restée un moment blottie contre Blaise, puis nous nous étions resservis un verre, et nous avions fait en sorte de détendre l’atmosphère autant que nous le pouvions pour profiter de notre dernière soirée autant que possible. Un verre plus tard, ce fut encore Blaise qui proposa :
- Bon, si c’est notre dernière nuit à Poudlard pour toujours, autant aller s’y promener, non ?
Nous avions tous acquiescé à son idée, et nous avions pris une bouteille avec nous alors que nous partions de notre salle commune pour arpenter les couloirs du château plongés dans la nuit, vides.
Nous commencions notre tour du château par la Grande Salle, devant laquelle je dus chasser mes derniers souvenirs en date avec Granger pour pouvoir continuer de partager ce moment avec mes amis.
- Merde, vous vous rappelez la cérémonie du Choixpeau ? amena un Blaise nostalgique en fixant les tables allongées et vides devant nous.
Je pouffai à l’évocation de ce souvenir. Nous n’avions encore que onze ans, mais Blaise, Theo et moi étions déjà amis. Nous espérions être dans la même maison, quand bien même pour ma part je n’éprouvais pas de doute sur là où j’atterrirai. La maison Serpentard était dans mon sang comme la maison Gryffondor dans celui des Weasmoche.
- J’ai l’impression que c’était il y a une éternité, se replongea Theo avec un sourire.
Blaise se retourna vers lui avec un sourire.
- Toi tu faisais la p’tite pute, t’étais terrorisé de pas être à Serpentard avec Drago, rappela-t-il avec un sourire machiavélique.
Je ne l’aurais pas dit en ces termes, mais c’était globalement plutôt la réalité de ce qu’il s’était passé. Il était resté collé à côté de moi tout le long de la cérémonie, et quand mon nom avait été appelé le sien avait suivi derrière le mien. Je me rappelai que j’avais prié dans mon esprit, quand je l’avais vu, sur ses petites jambes, monter sur le tabouret avec ses cheveux bouclés et ses yeux portés bas alors que tout le monde le regardait, terrifié, pour que le Choixpeau l’envoie à Serpentard. Et le large sourire qui s’était dessiné sur ses lèvres quand il avait effectivement déclaré « SERPENTARD ! » et la façon dont ses yeux enchantés m’avaient cherché dans la Grande Salle pour me rencontrer finalement avec la plus grande joie, resterait à jamais gravé dans mon esprit. Blaise nous avait rejoint en dernier, mais ce dernier n’avait pas été inquiet une seule seconde non plus. Il était monté le dernier sur l’estrade, fier comme un coq, portant sa tête haute et abordant un sourire en coin conquérant quand le Choixpeau avait été posé sur son crâne pour annoncer « Serpentard ! ». Qui aurait pu imaginer, six ans plus tôt, que ce serait ce même Theodore aujourd’hui qui serait dénué de toute peur, pendant que Blaise et moi passerions notre temps à prier qu’il nous revienne.
- J’avais trop peur que tu sois obligé de te passer de moi, renvoya Theo à Blaise avec un sourire.
- Où que tu aies été, je serai venu te trouver bébé, déclara Blaise avec tout son charme.
Pansy soupira :
- Et moi je regardai autour de moi, et j’me disais « putain, sept ans avec toute cette médiocrité à vomir ».
Nous pouffions tous, fort peu étonnés des mots qu’elle avançait. Blaise lui sourit avant de lui lancer :
- Tu savais pas encore à quel point ta vie allait être mouvementée avec nous.
Les sourcils de Pansy se dressèrent sur son front quand elle lui accorda dans un nouveau soupir chargé autant d’amour que de peine :
- Non, je savais pas.
Aucun de nous ne savions. J’avais passé les cinq plus belles années de ma vie dans ce château. J’étais tous les jours avec Theodore, il dormait toutes les nuits à côté de moi, en sécurité. Je n’avais plus besoin de m’inquiéter de ce qu’il traversait, ou de l’état dans lequel il me reviendrait, quand il me reviendrait. Et nous étions les rois du monde, avec Blaise et Pansy. Nous passions nos journées à faire des conneries, à rire et parfois à étudier. Il me semblait que toutes les conneries qu’il y avait eu à faire, nous les avions faites, grâce à la créativité de Blaise. Nous étions réellement heureux, ici. Et aucun de nous ne savait ce qu’il nous attendait, lors de notre sixième année.
Alors que nous passions devant le bureau de Rusard, je me rappelai avec un sourire :
- Vous vous rappelez quand on a fait exploser une boule puante fumante dans son bureau en deuxième année ?
Ils se mirent tous à rire en se remémorant le souvenir que je leur amenais.
- On s’était cachés juste-là en l’attendant, dit Theo en montrant le coin d’un mur que nous passions.
- Et comme d’habitude, renchérit Blaise, c’est moi qui avais lancé le maléfice pour activer la boule.
- Ouais, lui accorda Pansy, et c’est aussi toi qui as détalé le plus vite quand il a commencé à nous courser.
Blaise leva les paumes de ses mains en signe d’innocence alors que nous acquiescions tous à ces mots.
- Instinct de survie ma belle.
- Ah ça, le fait q’tu sois un animal personne ne peut te l’enlever, lui renvoya sa meilleure amie.
- En attendant c’est qui l’animal qui t’a choppé, quand tu courrais trop lentement devant Rusard et qui allait t’attraper, pour t’entraîner avec lui ? renchérit Blaise avec un sourire en coin qu’elle lui rendit.
- C’est toi.
- Voilà, c’est bien c’que j’pensais, déclara-t-il satisfait.
Pansy haussa les épaules et prit son air hautain :
- Qu’est-ce que tu veux que j’te dise, t’as toujours eu un faible pour moi.
- Ah ça, lui accorda-t-il, si y avait pas eu Theo on sait avec qui tu aurais fini.
Theodore tourna des yeux joueurs vers lui et leva un sourcil qui traduisait ses doutes explicites alors qu’il pouffa. Pansy l’imita :
- Tu parles, j’t’aurais bouffé tout cru, t’as pas les épaules pour une meuf comme moi.
- Toute ma vie on me sous-estime dans ce groupe, se plaignit Blaise avec un sourire alors que nous rions tous.
Nous marchions ensemble jusqu’à la bibliothèque devant laquelle Blaise s’arrêta, un immense sourire prenant lentement place sur son visage alors que ses yeux s’arrondissaient au même rythme :
- Oh putain ! s’exclama-t-il. Oh putain ! répéta-t-il avec entrain.
- Quoi ? s’impatienta Pansy alors que nous étions tous pendus à ses lèvres.
- Vous vous rappelez quand Drago a fait pousser des dents de lapin à Granger dans la bibliothèque en troisième année ?! s’exclama-t-il avant d’exploser de rire.
Le souvenir me frappa de plein fouet et je cachai mon visage d’une main.
- Oh putain de merde ! s’exclama Pansy à son tour en se tournant vers moi avant d’exploser de rire avec Blaise. On avait été exclus de la bibliothèque à cause de ça ! se rappela-t-elle encore.
Même les épaules de Theodore sursautaient à l’évocation de ce souvenir qui rendit mes joues rouges de honte.
- Je visai Potter ! me défendis-je comme je le pus.
- Ah ça arrangerait pas tes affaires maintenant si elle avait des dents de lapin hein ! continua Blaise dans son fou rire.
Il ouvrit la bouche, rangea ses lèvres sur ses gencives et nous dévoila ses dents avant d’imiter des gestes de fellation avec des bruits de grincement de dents exagérés. J’hurlais de son culot avant de me retourner et de m’en aller sans pouvoir m’empêcher de rire un peu alors que mes amis hurlaient de rire derrière moi.
Lorsqu’ils purent marcher à nouveau, ils me rejoignirent au niveau de la salle de Potions, qui rappela un nouveau souvenir à Pansy :
- Vous vous rappelez la tronche de Theo quand j’sais plus quelle potion lui a explosé à la gueule en troisième année ? ria-t-elle déjà.
Je l’imitai en me remémorant la scène qu’elle nous amenait-là alors que Theo passait sa langue sur les parois de ses joues avec un sourire. Je me rappelai parfaitement, il était juste à côté de moi, face à son chaudron qu’il ne savait trop comment aborder, hésitant à chaque étape alors que je le regardai faire avec un sourire attendri et lui chuchotai quoi faire dès que Rogue nous lâchait un peu, ce qui n’était pas si souvent que cela avant que ce ne soit Slughorn notre professeur en Potions. Et à un moment où je n’avais pu lui chuchoter quoi faire, il avait jeté dans son chaudron un ingrédient certes juste, mais en trop grande quantité, et le contenu de son chaudron lui avait soudainement explosé en plein visage, un liquide collant noir dégoulinant de ses cheveux et son visage. Il était resté parfaitement immobile, choqué et fort peu préparé à ce qu’il venait de lui arriver, ses mains tenues ouvertes sur ses côtés, et il avait doucement levé ses yeux qui me paraissaient dix fois plus bleus sous tout ce noir vers moi, et Blaise, Pansy et moi avions explosé de rire. Nous avions tellement ri que Rogue avait dû nous expulser de sa classe.
- La précieuse que t’étais avait pas encore l’habitude de se salir les mains, renvoya Blaise en riant.
Theodore reçut sa pique en acquiesçant et en pinçant les lèvres alors que nous rions tous en repensant à ce souvenir.
- T’as plus l’air si choqué que ça maintenant quand t’as du liquide qui t’explose à la gueule, hein ? lança une Pansy joueuse.
Et un sourire prédateur pris place sur les lèvres pulpeuses de Theodore alors que Blaise hurlait en riant :
- Wow, wow, wow, wow, wow les chauds lapins-là ! Temps mort ! s’écria-t-il en mimant un T de ses mains.
- Nan, c’est un surnom pour Granger ça, lâcha alors Theo dans le plus grand des calmes alors que j’ouvrais grand ma bouche devant son culot.
Blaise et Pansy hurlèrent de rire alors que je lui frappais l’épaule avant de rire avec lui. Il n’était habituellement aussi taquin, tel un frère, que lorsque nous étions chez nous, avec ma mère. Aussi étrange que cela pouvait sembler, sa phrase détendit quelque chose à l’intérieur de moi, et je fus un peu plus capable de profiter réellement de cet instant que je partageais avec ma famille, la Guerre me semblant encore un peu plus loin de nous.
Alors, en passant devant les toilettes des filles du deuxième étage, je m’exclamai avec un grand sourire :
- Merde, qui se rappelle quand Blaise a essayé de se taper Mimi Geignarde ?!
Pansy hurla instantanément de rire, et Blaise acquiesça sans se laisser démonter :
- Quoi ? Je voulais pouvoir dire que j’avais baisé un fantôme ! Qui d’autre peut dire ça même ?!
- Frérot, t’as vu la gueule de ton fantôme ? continua Pansy sans pouvoir s’arrêter de rire.
- Elle est transparente, j’en ai rien à foutre ! continua-t-il de se défendre. C’était pour l’expérience, appuya-t-il avec passion.
- Et malgré ça, tu t’es quand même fait recaler, rappela Theo avec un vaste sourire.
- J’y suis pour rien si elle était dingue de Saint Potter, pesta notre ami.
- Recalé par putain d’Mimi Geignarde au profit de Saint Potter, c’est à ajouter à ton palmarès, appuyai-je en riant à mon tour.
Quand bien même nous étions juste devant l’entrée des toilettes, nous n’y entrions pas. Aucun d’entre nous ne voulait briser ce qu’il était en train de se passer entre nous en se confrontant à la réalité extérieure avec d’autres gens, même s’il s’agissait de fantômes. Parce qu’ils subiraient la Guerre que nous allions déclencher, eux aussi.
Nous continuions donc de nous promener en direction de la salle de bain des Préfets, nos cœurs un peu plus légers et à la fois plus lourds à mesure que nous nous remémorions certains de nos trop nombreux souvenirs entre ces murs. Parce que c’était les plus belles années de nos vies, et qu’elles étaient terminées.
Nous n’avions en théorie pas le droit d’aller dans cette salle de bain, mais nous l’avions fait une fois ou deux, l’année passée. Nous étions venus prendre un bain en maillot tous les quatre, tout simplement parce que nous avions décidé que nous avions envie de le faire. Et quand Blaise le rappela, je revoyais les coups d’œil que Pansy jetait aussi discrètement que possible sur le torse nu de Theodore qui dépassait de la surface scintillante de l’eau, ses muscles mouillés de cette eau dans laquelle nous nous baignons tous. Je me rappelai comment ses joues rougissaient, quand elle le regardait ainsi, et je me rappelai les sourires en coin qui ravissaient le visage de Theo qui sentait ses yeux sur lui, quand bien même il ne parvenait à poser les siens sur elle. Et je me rappelai comment Blaise avait sauté sur Pansy pour la couler dans le bain, et comment ils avaient commencé à se battre tous les deux en riant à gorges déployées. Je me rappelai jusqu’au son de leurs rires se mélangeant en une mélodie entêtante. Je me rappelai que j’avais regardé Theo qui admirait le spectacle qu’ils nous donnaient, comme moi, et je me rappelai les yeux qu’il posait sur elle, et le sourire qui animait ses lèvres quand elle ne le voyait pas. Et je me rappelai m’être demandé comment j’avais pu être aussi chanceux dans ma vie pour les avoir avec moi, depuis tout ce temps. Et je me rappelai m’être demandé comment ma vie pouvait être aussi géniale. Et puis je me rappelai que Theo et moi nous étions joints à la bagarre, et que nous avions gagné contre Blaise et Pansy par forfait.
Nous avions fait un détour pour passer dans les cachots avant de sortir du château, et quand bien même mon kidnapping par Weasley et l’explosion de ses dents sur le sol par Pansy avait reçu une mention honorable, Blaise mentionna la soirée d’Halloween que nous y avions donné l’an passé. C’était une grosse soirée, dans laquelle nous avions payé l’alcool pour beaucoup d’élèves. Nous avions bien bu, il fallait le dire, mais surtout nous avions passé une éternité à danser tous les quatre, réellement ensemble, en cercle, faisant tournoyer Pansy à tour de rôle, de grands sourires sur nos visages encore insouciants de ce que deviendraient nos vies quelques mois plus tard. Nous étions les rois du monde. Nous étions heureux. Tous les quatre, au travers des années, envers et contre tout. La musique retentissait dans nos oreilles et les cachots étaient pleins d’élèves dansant et chantant, mais nous étions ensemble, tournés les uns vers les autres, nous souriant du plus profond de nos cœurs les uns aux autres, faisant tourner Pansy de l’un à l’autre. Nous étions les putains de rois du monde.
- Une de mes meilleures soirées à Poudlard, commenta Pansy avec nostalgie.
Nous étions tous d’accord. C’était une de nos meilleures. Nous n’étions pas que tous les quatre, mais c’était tout comme. Et nous nous étions abandonnés les uns aux autres, et nous avions dansé ensemble jusqu’au bout de la nuit, sans nous douter là où nous en serions, à peine plus d’un an après, dans ces mêmes cachots. A quelques heures de déclencher la pire Guerre du dernier siècle. Je me surprenais à songer avec un sourire que lors de cette soirée-là, si j’avais jeté le sort que j’avais réservé à Granger et qui faisait apparaître les auras, nos auras auraient certainement elles aussi dansé ensemble, toutes les quatre. Parce que c’était à ce point-là que nous avions été connectés les uns aux autres, ce soir-là.
Nous étions sortis nous promener au-dehors du château, et en passant devant la volière Pansy rappela :
- Vous vous souvenez en troisième année, quand vous avez fait la danse de la grandeur à Ragnar ?
Nous explosions tous de rire. Blaise, Theo et moi avions tenté de faire une danse à l’image de certaines tribus indigènes à Ragnar pour l’inciter à grandir tandis que Pansy nous regardait, appuyée contre le mur, à se demander quel genre de débiles nous étions, un sourire tout de même ancré sur ses lèvres.
- C’était encore une idée à Blaise ça, rappela Theo avec un sourire.
- N’empêche qu’à chaque fois que j’ai eu une idée, vous vous êtes exécutés. J’me demande c’est qui les putes ici, renchérit Blaise avec une moue provoquante.
Theo adopta ses yeux de séducteurs, posa sa main puissante de toute sa lourdeur sur l’épaule de Blaise, et enfonça ses yeux dans les siens quand il lui dit de sa voix la plus suave :
- Je n’ai jamais plaisanté quand je t’ai dit que j’te suivrai jusqu’au bout du monde.
Un vaste sourire s’imposa doucement sur les lèvres de Blaise alors qu’il ne put empêcher ses joues de rougir, et nous hurlions tous de rire devant la facilité déconcertante avec laquelle Theo faisait de lui sa « pute », comme aimait le dire Blaise. C’était Theodore, c’était ainsi. Il ne servait à rien de lutter, je l’avais compris depuis de très nombreuses années. Mais Blaise aimait jouer à cela de temps à autre, et je soupçonnai que c’était une question de pouvoir plus qu’autre chose. Tout ce qu’il désirait, c’était de parvenir un jour à avoir un charme aussi transparent de son aura que Theodore. Alors il testait, de temps à autre, pour savoir s’il l’avait enfin dépassé, et il s’inclinait à chaque fois, ses joues rouges et ses yeux bas. Et nous, nous éclations de rire.
Nous nous promenions jusqu’à l’observatoire d’astronomie, une structure qui était magnifique en elle-même, et dans laquelle je trouvais que nous n’avions pas pu passer assez de temps dans le cadre de nos études désormais terminées. L’observatoire était un dôme impressionnant fait de colonnes en pierres qui soutenaient le verre qui le composait, offrant une vue panoramique à 360° sur le cosmos. A l’intérieur du dôme, des télescopes et instruments d’astronomie divers étaient disposés afin de pouvoir étudier le ciel. Je levai les yeux vers la constellation de mon frère qui brillait dans le ciel avec un sourire, avant que Pansy ne commence d’une voix basse et pleine de tendresse :
- J’me rappelle comment j’étais absorbée par toi pendant les cours d’astronomie, chuchota-t-elle presque vers Theo alors que nous écoutions tous. C’était le seul moment où je le voyais lever les yeux autant, à l’époque, explicita-t-elle pour nous tous avec un sourire tendre.
Elle s’avança dans l’observatoire et regarda les étoiles en racontant son histoire en marchant.
- Je le voyais regarder les étoiles, lever les yeux haut vers elles, et je les voyais briller de mille feux. C’était le seul moment où je pouvais vraiment profiter de ses yeux, pendant de longues minutes, sans même qu’il ne s’en aperçoive. T’étais trop absorbé par le spectacle du ciel, chuchota-t-elle en baissant les yeux vers lui un instant.
Le sourire qu’il lui adressa m’apprit qu’il le savait très bien, mais qu’il lui laisserait croire à cela autant qu’elle voudrait.
- Je me rappelle un soir où on était venu s’y balader tous les deux en quatrième année, pendant que vous jouiez aux échecs, dit-elle vers Blaise et moi. On s’était allongés ici, nous apprit-elle en désignant le sol sous le centre du dôme, et on avait regardé les étoiles. Enfin, tu avais regardé les étoiles, reprit-elle avec un sourire. Moi je ne regardai pas les étoiles du tout. Et je me rappelle que j’avais plaisanté en te disant que la fille que tu regarderais un jour comme tu regardes les étoiles serait la fille la plus chanceuse du monde, se rappela-t-elle avec un sourire nostalgique. Et tu avais souris en continuant de regarder les étoiles.
Blaise et moi tournions les yeux vers lui, qui la regardait avec tout l’amour du monde. Avec les yeux dont elle parlait. Il la regardait toujours ainsi. Et il n’y avait qu’elle qu’il regardait ainsi.
- Je suis la fille la plus chanceuse au monde, chuchota-t-elle alors qu’il s’approcha d’elle, enferma ses joues de ses mains, et déposa un baiser amoureux sur ses lèvres.
Ni Blaise, ni moi ne nous sentirent gêné en cet instant. C’était un magnifique moment comme nous pouvions rarement en témoigner entre nos deux meilleurs amis. Pansy n’était pas du genre à s’étaler sur les sentiments, en tout cas pas en notre présence. Cet instant témoignait de la situation dans laquelle nous étions, et de tout ce que nous avions à perdre, rendant la gêne et la retenue désuètes. Alors Blaise et moi les regardions s’embrasser avec émotion. La scène qu’ils nous offraient me semblait être digne d’un tableau : tous les deux, se tenant au centre du dôme de l’observatoire astronomique, Theodore dépassant Pansy de sa hauteur, le visage de cette dernière relevé vers lui, ses mains fortes ancrées sur ses joues alors qu’il l’embrassait avec le parfait dosage de passion et de douceur sous les milliers d’étoiles brillant au-dessus d’eux. Et en cet instant, je voulus croire qu’ils étaient bénis et divinement protégés des Dieux, ces deux-là.
Nous nous étions promenés encore un moment avant de revenir jusqu’à notre salle commune. Nous en passions la porte avec tristesse, le retour jusqu’à elle signifiant que nous étions arrivés au bout de notre aventure, alors nous restions tous quatre debout devant notre salon un moment. Et soudain, je me rappelai du moment où j’avais interpelé Pansy, en première année, après avoir vu le regard que Theodore avait posé sur elle lorsqu’elle avait ordonné à Goyle de ramasser son sac qu’il avait renversé le premier jour de classe.
- Eh, toi ! l’avais-je appelée alors qu’elle se dirigeait seule vers les escaliers menant à son dortoir.
Theo était à ma gauche, gêné, et Blaise à ma droite, pas gêné le moins du monde. Elle s’était retournée vers nous avec les sourcils à la fois froncés et relevés vers nous, avec son air typique de « t’es quel genre de merdeux pour oser me déranger dans ma journée ? ».
- Tu t’appelles comment ? lui avais-je demandé avec un sourire pour déclarer que je venais en paix.
- Parkinson, avait-elle annoncé de sa petite voix déjà tranchante. Pansy Parkinson.
- C’était cool c’que t’as fait à c’gros lourd, Pansy, l’avais-je complimentée pour tenter de détendre celle que j’avais déjà jaugée comme dangereuse, mais également intrigante, pour une fille.
- Vous voulez quoi ? s’était-elle empressée de demander, impatiente et pas impressionnée le moins du monde.
Mais je savais l’effet qu’elle avait fait à Theodore, alors je ne m’étais pas démonté.
- Ça te dirait de traîner un peu avec nous ? avais-je donc proposé du haut de mes onze ans.
Elle nous avait tous sondé, tour à tour, avec dédain. Son regard s’était arrêté un instant sur Theodore, qui était le seul à ne pas lui rendre son contact visuel, et aussi curieux que cela ait été, elle ne l’avait pas utilisé pour lui lancer une pique bien sentie. Elle avait reporté ses grands yeux verts sur moi, et avait demandé de sa voix d’enfant pourtant déjà violente :
- Et pourquoi j’voudrais traîner avec vous, bande de clochards ?
Ce fut Blaise qui lui sourit à grandes dents, et qui lui assura :
- Oh, tu n’imagines pas à quel point ta vie serait mieux si tu devenais la p’tite meuf des princes de Serpentard.
La petite Pansy avait levé un sourcil circonspect vers lui, intriguée, et lui avait répliqué sur un ton de défi :
- On verra qui de nous va devenir la p’tite meuf de qui.
Et un petit sourire en coin s’était dessiné sur les lèvres de Theodore, et j’avais souri à mon tour, parce que je savais à cet instant que je venais de remplir ma mission. Je savais que je venais de lui offrir ce qu’il ne savait même pas qui sauverait certainement son âme. Et c’était ainsi que notre groupe s’était formé, et au fur et à mesure de nos aventures il s’était soudé, et demain plus que jamais, il devrait l’être.
- Putain j’vous aime les gars, déclara Blaise après l’évocation de ce souvenir sur un ton plus détendu que précédemment.
Pansy soupira, et elle-même largement détendue, elle déclara en fixant notre salle commune vide :
- Tellement typiquement polygame de ta part.
Et nous rions tous à ses mots, exprimant ainsi l’amour qui pulsait dans nos veines mutuelles les uns pour les autres, la lourdeur des regards que nous échangions pour seul indice de la terreur que nous étions tous en train de taire en nous.
La journée du lendemain s’était écoulée goutte après goutte dans l’ambiance la plus lourde que nous n’ayons jamais connue. Tous nos corps étaient tendus, nos cœurs serrés dans nos poitrines, et nos estomacs retournés. Nous y étions. Et nous n’avions ni la place, ni le temps pour les sentiments, ou la peur. Nous allions être épiés. Nous allions officiellement être les méchants de l’histoire, aux yeux de tous, et nous devions être des méchants convaincants. Nous devions nous blinder, tous autant que nous étions, et peu importait à quel point notre souffle se faisait court, peu importait à quel point nous avions peur de ce qui allait se passer, c’était une question de vie ou de mort. Le doute ne serait pas pardonné. Nous y étions. C’était maintenant. Alors, au moment où nous avions tous accompagné Theo et Kira jusqu’à l’armoire à disparaître, parce que c’était le moment, et que nos cœurs battaient si fort dans nos poitrails que nous pouvions tous les entendre raisonner, lui et moi nous regardions intensément alors qu’il se tenait devant l’objet qui allait amener la mort dans ce château. Il me regarda gravement, et acquiesça silencieusement. Je lui rendais son geste, mon estomac se serrant plus violemment encore en moi. C’était moi qui devais tuer Dumbledore. C’était à moi que le Seigneur des Ténèbres avait donné cette mission. Et j’aurai un public intransigeant. Ce serait maintenant. A partir de l’instant où il disparaîtrait dans cette armoire, il me resterait une heure. Je cherchais la force dans les yeux bleus de mon frère, la peur montant en moi alors que j’essayais de l’enfermer en moi de mes murs d’occlumencie qui devaient être plus hauts que jamais, et il le vit. Mes yeux se remplirent de larmes, et les mains fortes de Theo se renfermèrent fermement sur mes joues. Il enfonça ses grands yeux bleus dans les miens, et m’assura de sa voix vibrante de Grand Intendant :
- Je suis là. J’assure ton dos.
J’acquiesçai à ses mots, les laissant vibrer en moi et me nourrissant de leur force.
- J’assure ton dos, répéta-t-il encore, d’accord ? Quoi qu’il se passe. J’assure ton dos, promit-il.
J’acquiesçai une nouvelle fois alors que mon corps se serrait plus encore, combattant l’angoisse qui tentait de monter violemment en moi. Il me rendit mon geste, et déposa un baiser appuyé sur mon front. Puis il me lâcha, adressa un regard grave à Blaise, puis un dernier plus appuyé à Pansy, et je pris une profonde inspiration quand il disparût avec son serpent dans l’armoire. Une heure. J’acquiesçai dans le vide une dernière fois, et pris une nouvelle inspiration. Une heure.
- A tout à l’heure dans la tour, annonçai-je à mes deux meilleurs amis avant de m’en aller sans me retourner.
Je ne pouvais pas mener à bien cette mission sans être certain qu’elle serait en sécurité. J’étais incapable de faire ce que j’étais censé faire, et de le faire bien sans être certain qu’elle serait loin de là où nous, nous serions. Elle devait restée cachée, et pour cela elle devait être prévenue. Je lui avais écrit de me rejoindre à la volière à cette heure-ci, 18heures, dans la matinée. Je savais qu’à cette heure-ci nous y serions seuls, et surtout je savais qu’elle serait loin de là où ça se passerait, et qu’elle pourrait fuir rapidement.
Je courrai jusqu’à la volière où elle m’attendait déjà. Elle portait encore son uniforme, et je luttais pour garder mes murs d’occlumencie hauts en moi dès que mes yeux se posèrent sur la douceur de son visage. Et sur l’inquiétude qu’il y avait déjà sur celui-ci. Ses cheveux étaient attachés par sa baguette et elle s’avança vers moi en me regardant arriver vers elle :
- Malefoy, qu’est-ce qu’on fait là ? me demanda-t-elle avec inquiétude.
Je la prenais par le bras et l’entraînait à l’intérieur de la volière, cachée aux yeux de tous ceux qui pourraient arriver, et la voir avec moi. Elle me vit regarder hâtivement autour de moi, et l’inquiétude grandit dans ses yeux ambrés.
- Malefoy, répéta-t-elle, qu’est-ce qu’il se passe ?
La tension dans sa voix m’apprenait qu’elle se doutait que quelque chose de grave se passait. Alors, je lui expliquai. Je lui expliquai pour l’armoire à disparaître, et je lui expliquai comment nous étions parvenus à la réparer, grâce à elle. Je regardai des larmes silencieuses tomber sur ses joues à ces mots, et je luttais plus fort encore pour maintenir mes murs d’occlumencie en position. Je lui expliquai ce qui allait suivre, me faisant aussi pragmatique que je parvenais à l’être, lui expliquant ce que Theodore était parti faire, et ce que j’étais moi sur le point de faire. Elle resta silencieuse tout le temps que je lui avais expliqué tout ce qu’il s’était passé, et ce qu’il était sur le point de se passer, de lourdes larmes coulant sur ses joues rosées. Puis dans ma hâte de la protéger, et dans ma hâte de m’en aller pour parvenir à maintenir des murs d’occlumencie solides dans mon esprit, je lui fis ma dernière requête avant de la quitter :
- Tu dois me promettre d’aller te cacher Granger, ordonnai-je d’une voix aussi grave que sérieuse. Tu m’entends ? lui demandai-je pressement alors qu’elle se noyait dans mes yeux, silencieuse et abattue alors qu’elle continuait de pleurer silencieusement. Granger, tu dois te cacher. C’est maintenant. Tu comprends ?
Ses yeux se perdaient dans les miens, vagabondant sans cesse du droit au gauche à la recherche de quelque chose qu’elle n’y trouverait pas. J’entourai ses épaules de mes mains en un contact fort qui la fit sursauter, et je répétai alors qu’elle demeurait hébétée devant moi, en état de choc :
- Granger, tu dois te cacher. Promets-moi de te cacher, ordonnai-je avec le plus de sérieux dont je n’avais jamais fait preuve.
Ses lèvres s’entre-ouvrirent à la recherche d’un peu d’air, et ses mains vinrent se renfermer sur mes poignets. Le contact de sa peau sur la mienne vint frapper contre les murs de mon occlumencie, et je lâchai soudainement ma prise sur ses épaules. Mais ses mains à elle ne lâchèrent pas mes poignets.
- Ne fais pas ça, supplia-t-elle alors en un murmure sanglotant.
- Granger, tentai-je de la couper.
- S’il-te-plaît, ne fais pas ça, pleura-t-elle encore sans lâcher mes poignets.
Je sentis en moi la difficulté avec laquelle je maintenais le mur d’occlumencie dans mon esprit, et avec lui tous mes sentiments et émotions violentes qui pouvaient causer ma perte.
- Granger, je dois y aller, tranchai-je sèchement.
Mais elle ne lâcha pas mes poignets, et elle laissa ses grands yeux larmoyants enfoncés dans les miens, et je sentis une claque violente s’abattre contre mon mur d’occlumencie tremblant. Elle ne pouvait pas me faire ça. Je devais y aller, et je devais tenir. Je devais être fermé. Je devais être en capacité de faire ce que j’avais à faire. Elle ne pouvait pas me faire ça maintenant.
- Tu dois me lâcher maintenant, ordonnai-je avec le plus grand sérieux avant d’essayer de lui retirer mes poignets.
Elle ne les lâcha pas. Elle les serra plus fort encore entre ses doigts. Et ses yeux ambrés pleurants ne lâchèrent pas les miens non plus.
- N’y va pas, m’implora-t-elle en sanglotant. N’y va pas, répéta-t-elle encore de sa voix déformée par la douleur.
- Granger c’est ça la réalité, appuyai-je fermement, et je dois me fermer, et tu dois me laisser, il faut me lâcher maintenant, ordonnai-je sur un ton plus grave.
Elle secoua sa tête sans lâcher mes yeux, ni sans lâcher mes poignets.
- S’il-te-plaît, supplia-t-elle d’une voix qui en était devenue presque enfantine, s’il-te-plaît, n’y va pas. Viens…, viens avec moi, tenta-t-elle entre deux sanglots, on va dans l’armoire, ou on…, on va chercher des Sombrals, et on s’enfuit, pleura-t-elle incontrôlablement. On s’enfuit ensemble, supplia-t-elle, s’il-te-plaît, pars avec moi, s’il-te-plaît…
- Granger, chuchotai-je alors que je sentais mon mur d’occlumencie trembler tandis qu’elle appuyait sur mes poignets en me suppliant.
- S’il-te-plaît, m’implora-t-elle encore dans toute sa douleur, on peut…, on peut partir avec Theo, et…, et avec Blaise, et avec Pansy, et…, et avec ta mère aussi, on peut…, on peut…, hyperventila-t-elle avant de pouvoir continuer, s’il-te-plaît…. S’il-te-plaît Drago, supplia-t-elle en un sanglot alors que mes murs s’écroulaient au son de la façon dont elle venait de prononcer mon prénom avec un désarroi déchirant.
Et je sentis mes yeux se remplir de larmes à leur tour alors que je demeurais debout devant elle, impuissant alors qu’elle continuait de me supplier et d’appuyer sur mes poignets pour m’obliger à rester avec elle. Elle ne pouvait pas me faire ça maintenant. Je devais rester fermé. Elle ne pouvait pas me faire ça maintenant.
- Arrête…, l’implorai-je doucement à mon tour.
- S’il-te-plaît, n’y vas pas, continua-t-elle avec plus de douleur dans la voix encore.
- Arrête, répétai-je alors que je sentis une larme couler sur ma propre joue. Je dois me fermer Granger, chuchotai-je, il faut que tu arrêtes.
Mais elle n’arrêta pas. Elle était démunie et terrifiée. Et elle continua d’appuyer sur mes bras, et elle plia les genoux pour me tirer plus encore vers elle. Elle se prenait en plein visage ce que j’étais, ce que j’étais vraiment, et qu’elle avait refusé de voir. Elle se prenait en plein visage ce que j’étais obligé de faire, et qu’elle avait refusé d’envisager réellement. Et je la décevais. Ce que j’étais la décevait. Et je la détruisais. Je la détruisais d’être ce que j’étais, et de faire ce que je devais faire. Et je me détestais. Je me détestais de ce que je lui faisais, et je me détestais de la décevoir.
- Je suis désolée, s’excusa-t-elle en un sanglot, je suis désolée…
Mais elle ne me lâcha toujours pas, et la force de ses mains continuaient d’appuyer sur mon corps alors que je demeurai figé devant elle, impuissant à mon tour. Impuissant face à la douleur que je lui imposai, et que j’avais cherché à lui éviter tout ce temps. Et elle était là, désormais, détruite devant moi. Confrontée à la vérité. Démunie face à la vérité. Et je lui faisais cela. C’était moi qui lui faisais cela. Et alors qu’elle continuait de me supplier en pleurant de ne pas y aller, et de ne pas le faire, je la regardai tirer sur mes bras telle une enfant, ses yeux levés vers moi remplis de larmes, remplis de douleur, et je sentis mon cœur se briser dans mon poitrail. Et de lourdes larmes perlèrent le long de mes joues. Parce que c’était là tout ce que j’avais absolument voulu éviter. Et je me prenais en plein visage ce que je lui avais fait. La douleur que je lui infligeai, que je lui avais infligée en sachant que ce jour viendrait. Et j’étais confronté à ce cœur que j’aimais, et que je voyais se briser sous mes yeux, par ma faute. Et je demeurai impuissant devant elle, mes bras pendants devant elle alors qu’elle continuait de tirer sur eux, incapable de faire autre chose que de la regarder, et de pleurer.
- Je suis désolé, m’entendis-je chuchoter alors que je regardais la douleur déformer les traits de son visage. Je voulais pas te faire ça, murmurai-je alors qu’une lourde larme coula sur ma joue.
Mais elle ne m’entendait pas. Elle ne m’entendait plus. Elle avait entendu tout ce qu’elle avait eu besoin d’entendre, et tout ce qu’elle savait désormais, c’était qu’il ne fallait pas qu’elle me laisse partir, parce qu’ensuite ce serait trop tard pour mon âme. Et je la regardai. Ses grands yeux bruns levés vers moi, me suppliant de rester alors qu’ils pleuraient les pires larmes que je n’avais jamais vues en eux. Sa bouche s’ouvrant et se fermant pour laisser ses supplications me frapper en plein visage alors que je ne pouvais rien faire pour la réconforter. Ses bras qui tiraient sur les miens, tentant désespérément de me retenir, pourtant tout à fait consciente que c’était impossible. Et les larmes coulèrent sur mes joues, parce que je voyais l’amour destructeur qu’elle avait pour moi. Et je voyais ce que je lui faisais. Ce que je lui faisais vraiment.
- Je suis désolé, chuchotai-je encore alors qu’elle ne m’entendait pas, me suppliant encore et encore de rester.
Et moi, j’étais en danger. Elle avait brisé mes murs d’occlumencie, et ils n’étaient plus. Et je devais y aller. Et je devais être en capacité de tuer l’un des plus grands sorciers de tous les temps. Et elle devait me laisser y aller. C’était une question de vie ou de mort. Une réelle question de vie ou de mort. Et elle continuait de me supplier, et elle continuait de me tenir physiquement, et elle continuait de pleurer en m’imposant un des spectacles les plus douloureux que je n’avais jamais vu. Mon visage bascula vers le plafond, incapable de voir ses yeux implorants encore un instant, et j’expirai tout mon désarroi.
- Tu ne peux pas me faire ça maintenant…, chuchotai-je alors vers le plafond de la volière.
Elle tira plus fort sur mes bras, cherchant désespérément à ce que je lui reste. A me retenir. Et à chaque fois qu’elle tirait sur mes bras, mes murs tombaient de plus en plus bas. Et à chaque fois qu’elle tirait sur mes bras, je perdais le peu de prise qu’il me restait sur moi-même. Et je ne lui en voulais même pas. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Elle était déchirée, et c’était de mon fait. Et c’était moi, qui me déchirait de l’intérieur, en la voyant ainsi.
- S’il-te-plait, n’y vas pas, reste…, reste avec moi, supplia-t-elle encore entre ses sanglots.
Je baissai le visage vers elle une nouvelle fois, et demeurai immobile alors que je sentis ce qu’il restait encore de mon cœur se briser en moi. Elle était détruite. Désespérée. Absolument et totalement désespérée, s’accrochant à moi de toutes ses forces. Et les larmes coulaient sur mes joues alors que je demeurai immobile face à elle, la destruction opérant à l’intérieur de moi détruisant tout ce que j’avais mis tant d’efforts à construire. Elle devait arrêter, elle devait arrêter parce que je savais pertinemment que j’étais à sa merci, si elle me suppliait. Elle ne pouvait pas me faire ça maintenant, parce que je sentais en moi à quel point le pouvoir qu’elle avait sur moi détruisait tout ce que je n’avais pas le choix d’être. Elle devait arrêter, parce que je savais sans le moindre putain de doute que si elle me disait encore « s’il-te-plaît », j’allais la toucher, j’allais la serrer, parce que je ne pourrais pas m’en empêcher, parce que je ne pourrais pas la laisser comme ça, et qu’en ce faisant, je signerai mon arrêt de mort. Elle devait arrêter, parce que si elle me disait encore « s’il-te-plaît », je m’abandonnerai à elle en sachant absolument que cela causerait ma perte.
- Il faut que tu arrêtes…, chuchotai-je encore en supportant la vue abominable qu’elle m’imposait. Tu ne peux pas me faire ça maintenant Granger…, murmurai-je alors que je sentis une nouvelle lourde larme couler sur mon visage.
Mais elle n’arrêta pas. Elle n’arrêta pas de me supplier. Elle n’arrêta pas de pleurer. Elle n’arrêta pas de me tenir. Elle n’arrêta pas de me tirer physiquement pour que je reste avec elle.
- S’il-te-plaît…, murmura-t-elle avec le peu de voix qu’il lui restait.
Et je sentis mes sourcils se froncer violemment sur mon front et mes lèvres se pincer quand je fis ce que je savais qui causerait ma perte. J’attrapais ses poignets à elle, et la tirai violemment contre moi, l’enfermant dans mes bras et la serrant contre mon torse. Elle sanglota contre moi, et je dus refreiner un grondement rauque de douleur émotionnelle de s’échapper de mes propres lèvres. Je savais que c’était finit pour moi. En cet instant, je savais que c’était finit pour moi. Alors que je la serrai violemment, de toute ma force, de tout mon amour contre moi, et que j’inspirai son odeur, je savais que je ne parviendrais pas à être fermé comme j’étais censé l’être. Et je savais que je ne serais pas un Mangemort à 100%. Et je savais que cela se verrait. Et que ce serait finit pour moi. Parce que je lui avais ouvert mes bras, et que je sentais son cœur battre contre ma peau. Parce que c’était elle, et que je lui faisais ça à elle. Et que quand sa peau rencontrait la mienne, je ne pouvais faire autrement que de ressentir toute la violence de l’amour que j’éprouvais pour elle, et toute la violence de la douleur que cet amour m’infligeait. Quand c’était elle, je ne pouvais pas faire autrement que de ressentir. Elle enferma ses bras autour de moi, et elle me serra, elle aussi, de tout son désespoir. Elle me serra comme si elle cherchait à ne jamais me lâcher. Mais elle devait me lâcher. Je déposai un baiser appuyé sur le haut de son crâne alors que je pleurai douloureusement, moi aussi, et y chuchotai avec force :
- Tu dois me laisser partir maintenant.
Je la saisis par les épaules, rassemblant en moi toute la force qu’il me restait, et la poussait loin de moi. Elle me regarda de la pire façon qu’elle ne m’avait jamais regardé. Avec plus de douleur, plus d’impuissance, plus de terreur que jamais. Je l’abandonnais, là, au milieu de la volière, ses yeux inondés de larmes. Elle avait l’air si fébrile. Si faible. Si fragile. C’était moi, qui lui avait fait ça. Et la vue qu’elle m’imposait là, la façon désespérée et meurtrie dont elle me regardait alors que j’allais l’abandonner et qu’elle le savait parfaitement, c’était cela, ma punition. Je sentis mes lèvres se pincer en tentant de retenir de nouveaux sanglots qui faisaient trembler mon corps. Il était temps. Je devais y aller.
- Cache-toi, ordonnai-je aussi fermement que je le pus avant de l’abandonner.
Et alors que je marchais lourdement vers mon destin, je tentai désespérément de retrouver mon souffle, et de chasser la violence de la douleur que je ressentais. De retrouver mes murs d’occlumencie, mais ils étaient tombés, ils avaient glissé de mon esprit au rythme des larmes de Granger sur son visage. Et je ne parvenais pas à les rattraper. Et à chaque pas que je faisais vers la tour d’astronomie, chaque pas me semblant si lourd, si difficile, je savais. Je savais que j’allais échouer. Et à chaque marche que je gravissais en montant vers ma destinée, je réalisai que plus rien n’importait. J’étais détruit. Elle m’avait détruit. Et je savais que je marchais jusqu’à ma mort, tel un fantôme. J’étais déjà mort. Je venais simplement assister au spectacle, mais je savais déjà comment l’histoire se terminait. Et lorsque j’arrivai en haut de la tour d’astronomie, Dumbledore était là. J’approchai face à son dos, vivant la scène comme si j’étais au ralenti, arrivé au bout de moi-même, arrivé au bout de ma vie, et il se retourna vers moi pour me faire face. Le vieillard me salua d’un sourire, et alors que je levai une baguette tremblante vers lui, sentant encore les traces des larmes que j’avais pleurées sur mes joues, Theo, Pansy, Blaise, Bellatrix, les jumeaux Carrow, Selwyn et Rookwood se joignirent à nous pour le spectacle.
J'espère que vous vous sentez aussi mal que moi en publiant ce chapitre et qu'on est ensemble dans l'adversité mdr <3
Si c'est pas déjà le cas, suis mon compte insta dédié à la fic @ livstivrig
A bientôt,
Liv